Loi sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus
5 août 1850
L’Assemblée nationale a adopté la loi dont la teneur suit :
- Art. l. Les mineurs des deux sexes détenus à raison de crimes, délits, contraventions aux lois fiscales, ou par voie de correction paternelle, reçoivent, soit pendant leur détention préventive. soit pendant leur séjour dans les établissements pénitentiaires, une éducation morale, religieuse et professionnelle.
- Art. 2. Dans les maisons d’arrêt et de justice, un quartier distinct est affecté aux jeunes détenus de toute catégorie.
- Art. 3. Les jeunes détenus acquittés en vertu de l’article 66 du Code pénal, comme ayant agi sans discernement, mais non remis à leurs parents, sont conduits dans une colonie pénitentiaire ; ils y sont élevés en commun, sous une discipline sévère, et appliqués aux travaux de l’agriculture, ainsi qu’aux principales industries qui s’y rattachent. Il est pourvu à leur instruction élémentaire.
- Art. 4. Les colonies pénitentiaires reçoivent également les jeunes détenus condamnés à un emprisonnement de plus de six mois et qui n’excède pas deux ans.
- Pendant les trois premiers mois, ces jeunes détenus sont renfermés dans un quartier distinct, et appliqués à des travaux sédentaires. À l’expiration de ce terme, le Directeur peut, en raison de leur bonne conduite, les admettre aux travaux agricoles de la colonie.
- Art. 5. Les colonies pénitentiaires sont des établissements publics ou privés.
Les établissements publics sont ceux fondés par l’État, et dont il institue les directeurs.
Les établissements privés sont ceux fondés et dirigés par des particuliers, avec l’autorisation de l’État. - Art. 6. Dans les cinq ans qui suivront la promulgation de la présente loi, les particuliers ou les associations qui voudront établir des colonies pénitentiaires pour les jeunes détenus, formeront, auprès du ministre de l’intérieur, une demande en autorisation, et produiront à l’appui les plans, statuts et règlements intérieurs de ces établissements.
Le ministre pourra passer avec ces établissements, dûment autorisés, des traités pour la garde, l’entretien et l’éducation d’un nombre déterminé de jeunes détenus.
À l’expiration des cinq années, si le nombre total des jeunes détenus n’a pu être placé dans des établissements particuliers. il sera pourvu, aux frais de l’État, à la fondation de colonies pénitentiaires.1 - Art. 7. Toute colonie pénitentiaire privée est régie par un directeur responsable, agréé par le Gouvernement et investi de l’autorité des directeurs des maisons de correction.
- Art. 8. Il est établi, auprès de toute colonie pénitentiaire, un conseil de surveillance qui se compose : d’un délégué du préfet ; d’un ecclésiastique désigné par l’évêque du diocèse ; de deux délégués du conseil général ; d’un membre du tribunal civil de l’arrondissement élu par ses collègues.
- Art. 9. Les jeunes détenus des colonies pénitentiaires peuvent obtenir, à titre dépreuve, et sous des conditions déterminées par le règlement d’administration publique, d’être placés provisoirement hors de la colonie.
- Art. l0. Il est établi, soit en France, soit en Algérie, une ou plusieurs colonies correctionnelles ou sont conduits et élevés :
1° Les jeunes détenus condamnés à un emprisonnement de plus de deux années ;
2° Les jeunes détenus des colonies pénitentiaires qui auront été déclarés insubordonnés.
Cette déclaration est rendue, sur la proposition du directeur, par le conseil de surveillance. Elle est soumise à l’approbation du Ministre de l’intérieur. - Art. 11. Les jeunes détenus des colonies correctionnelles sont, pendant les six premiers mois, soumis à l’emprisonnement et appliqués à des travaux sédentaires. À l’expiration de ce terme, le directeur peut, en raison de leur bonne conduite, les admettre aux travaux agricoles de la colonie.
- Art. 12. Sauf les prescriptions de l’article précédent, les règles fixées par la présente loi pour les colonies pénitentiaires sont applicables aux colonies correctionnelles.
Les membres du conseil de surveillance des colonies correctionnelles établies en Algérie seront au nombre de cinq, et désignés par le préfet du département. - Art. 13. Il est rendu compte par le directeur au conseil de surveillance des mesures prises en vertu des articles 9 et 11 de la présente loi.
- Art. 14. Les colonies pénitentiaires et correctionnelles sont soumises à la surveillance spéciale du procureur général du ressort, qui est tenu de les visiter chaque année. Elles sont, en outre, visitées chaque année par un inspecteur général délégué par le ministre de l’Intérieur.
Un rapport général sur la situation de ces colonies sera présenté tous les ans, par le ministre de l’Intérieur, à l’Assemblée nationale. - Art. 15. Les règles tracées par la présente loi pour la création, le régime et la surveillance des colonies pénitentiaires s’appliquent aux maisons pénitentiaires destinées à recevoir les jeunes filles détenues, sauf les modifications suivantes.
- Art. 16. Les maisons pénitentiaires reçoivent :
1° Les mineures détenues par voie de correction paternelle ;
2° Les jeunes filles de moins de seize ans, condamnées à l’emprisonnement pour une durée quelconque ;
3° Les jeunes filles acquittées comme ayant agi sans discernement, et non remises à leurs parents. - Art. 17. Les jeunes filles détenues dans les maisons pénitentiaires sont élevées sous une discipline sévère et appliquées aux travaux qui conviennent à leur sexe.
- Art. 18. Le conseil de surveillance des maisons pénitentiaires se compose : d’un ecclésiastique désigné par l’évêque du diocèse ; de quatre dames déléguées par le préfet du département. L’inspection, faite au nom du Ministre de l’intérieur, sera exercée par une dame inspectrice.
- Art. 19. Les jeunes détenus désignés aux articles 3, 4, 10 et 16, paragraphes 2 et 3, sont, à l’époque de leur libération, placés sous le patronage de l’assistance publique pendant trois années au moins.
- Art. 20. Sont à la charge de l’État :
1° Les frais de création et d’entretien des colonies correctionnelles et des établissements publics servant de colonies et de maisons pénitentiaires ;
2° Les subventions aux établissements privés, auxquels de jeunes détenus seront confiés.
La loi sur l’organisation départementale déterminera, s’il y a lieu, le mode de participation des départements dans l’entretien des jeunes détenus. - Art. 21. Un règlement d’administration publique déterminera :
1° Le régime disciplinaire des établissements publics destinés à la correction et à l’éducation des jeunes détenus ;
2° Le mode de patronage des jeunes détenus après leur libération.
Délibéré en séance publique, à Paris, les 13 juin, 3 juillet et 5 août 1850.
Le Président de la République,
Signé LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
Le Ministre de l’intérieur, chargé de l’intérim du ministère de la justice,
J. BAROCHE.
Les trousseaux
- Art. 1. À partir du 1er juin 1852, l’administration fournira en nature aux directeurs des colonies pénitentiaires ou agricoles les trousseaux des jeunes détenus qui y seront placés. En conséquence, les directeurs desdits établissements ne pourront, à partir de la même époque, réclamer les 70 francs qui leur étaient délivrés en deux annuités pour tenir lieu de la fourniture du trousseau.
- Art. 2. Tous les objets de lingerie, d’habillement, de chaussure, etc., compris dans la composition de ces trousseaux, seront fabriqués, par les soins de l’Administration, dans les maisons centrales de force et de correction.
- Art. 3. Le trousseau sera composé ainsi qu’il suit, savoir :
Pour les garçons : Trois chemises ; une veste ; un gilet en étoffe de laine ; un pantalon ; une veste ; un gilet en treillis ; un pantalon ; deux blouses en tissu à carreaux, fil et coton ; deux paires de chaussettes de laine ; deux caleçons ; trois cravates en coton à carreaux ; trois mouchoirs ; une paire de chaussons galochés ; deux paires de sabots ; deux paires de guêtres ; une casquette ; un chapeau de paille. | Pour les jeunes filles : trois chemises en toile de coton (fil et coton) ; un corset en treillis ou en toile ; pour l’été, une camisole à manches et un jupon en tissu de couleur (fil et coton) ; un jupon de dessous en toile de coton écrue ; deux paires de bas de coton ; deux paires de chaussons en tissu croisé (fil et coton) ; pour l’hiver, une camisole à manches et un jupon d’étoile de laine et fil ; un jupon de dessous en toile fil et coton ; deux paires de chaussons en étoffe laine et fil ; deux paires de bas de laine ; deux fichus pour le cou, en coton de couleur, ayant 90 centimètres carrés ; deux fichus en coton de couleur pour coiffure de jour ; deux serre-tété en toile de coton pour la nuit ; deux tabliers de travail en toile de coton ; trois mouchoirs de poche ; un mètre de toile de coton. |
Signé : A de Morny
Deux modifications, d’ailleurs peu importantes, ont été introduites dans la composition de ce trousseau. L’arrêté du 26 décembre spécifie qu’il sera fourni une casquette et un chapeau de paille pour les jeunes garçons. À ces deux objets, d’une valeur très-minime, sera substitué un chapeau de feutre gris, imperméable à la pluie, d’une forme très-convenable et qui sera porté dans toutes les maisons de jeunes détenus. L’arrêté du 26 décembre dispose, en outre, que les trousseaux des jeunes garçons et des jeunes filles comprendront quelques paires de chaussures. Mais, comme il existe de notables différences entre les pieds des enfants, au lieu de chaussures les établissements privés recevront, en compensation, de la toile pour la même valeur (Circulaire du 11 décembre 1852).