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Approche sur les castelnaux du Bazadais

Paru dans : Géographie historique. Du village et de la maison rurale,
Actes du colloque tenu à Bazas (19-21 octobre 1978),
sous la direction de C. Higounet
, 1979, 147-176.

Les études consacrées jusqu’à ce jour au peuplement de l’Aquitaine rurale au Moyen Âge ont surtout porté sur les formes dirigées de regroupement de l’habitat : sauvetés, bastides et castelnaux ont ainsi fait l’objet de monographies ou bien d’études d’ensemble qui ont pris parfois un caractère systématique1. Or, tous ces phénomènes qui s’échelonnent du milieu du XIe à celui du XIVe siècle, s’inscrivent sur une toile de fond aux nuances variables selon les lieux et les époques, mais qui reste, néanmoins, le trait majeur du mode d’occupation du sol aquitain : la dispersion de l’habitat. Nul ne saurait dire dans l’état actuel de la recherche à quelle époque il remonte. En tous cas, au début du XIe siècle c’est déjà un fait bien établi en certains endroits, de même que sa coexistence avec des formes d’habitat groupé. D’autre part, de cette époque au milieu du XIVe siècle – au moins pour la période qui nous importe le plus ici – cette dispersion ne cesse de se développer rythmant en quelque sorte la conquête des terres nouvelles dans le cadre d’un réseau paroissial presque définitivement établi aux environs de 1150. Les castelnaux, les sauvetés en partie, les bastides sans aucun doute apparaissent ainsi autant comme un phénomène de regroupement et de restructuration de l’habitat que comme un exutoire à un trop-plein démographique. D’ailleurs, si l’on s’interroge sur la signification qu’il convient d’accorder à ces formes d’habitat groupé, cela résulte pour une bonne part de l’absence d’études portant sur les formes d’habitat dispersé2. C’est dans ce contexte que se situe la présentation des castelnaux du Bazadais comme une contribution aux recherches en cours sur les formes de groupement de l’habitat3. Commedans la plupart des autres régions de l’Aquitaine, l’étude de l’habitat rural dans son ensemble n’a été abordée en Bazadais que de manière très générale. C’est dire les limites de notre étude lorsqu’il s’agira d’interpréter le phénomène du castelnau. En revanche, les castelnaux constituant la principale forme d’habitat groupé en Bazadais – c’est là un des traits originaux de ce petit pays – le caractère partiel d’une étude typologique s’en trouve forcément atténué.

Avant de définir les limites géographiques de notre étude, il convient de préciser ce qu’il faut entendre, d’une part par castelnau, de l’autre par castelnau rural. Tel qu’il a été récemment défini par M. B. Cursente, le castelnau serait un habitat groupé à proximité d’un château, fortifié, ordonné sur le terrain et, soit dirigé à ses origines, soit restructuré4. Cette définition appelle quelques remarques : tout d’abord, s’il est le plus souvent facile d’appréhender sur le terrain un habitat castral subordonné ainsi que son organisation, en revanche, faute de documents écrits, on ne peut, en général, que présumer de l’origine dirigée ou non de l’agglomération ou de sa restructuration éventuelle. Dans ces conditions, réserver le terme de castelnau à des habitats castraux subordonnés dont on connaît les actes de fondation ou de restructuration obligerait à rechercher un terme différent pour désigner les autres habitats de ce type de caractère apparemment spontané parmi lesquels risquent d’ailleurs de se trouver des localités portant le nom de castelnau5. Nous ne retiendrons donc pas dans notre définition du castelnau le critère de “fondation” ni celui de “restructuration”. Enfin, dans la mesure où il y a existé des habitats subordonnés à des châteaux qui n’ont apparemment jamais été pourvus d’une enceinte, nous écarterons aussi la notion de “fortification”. La définition que nous avons retenue du castelnau bazadais est donc beaucoup plus large que celle de M. B. Cursente pour la Gascogne gersoise : le castelnau est un habitat groupé, subordonné à un château, le plus souvent fortifié, d’origine spontanée ou dirigée, dont le château a été un des facteurs de fixation.

Que faut-il, d’autre part, entendre par castelnau rural, puisque c’est de ce type surtout que nous nous proposons de parler ici ? Lorsqu’on dispose d’une bonne documentation et que l’on étudie le problème à une époque précise, il est possible de faire la distinction entre un castelnau rural et un castelnau urbain : ainsi, de nos jours entre une ville comme Langon et un village comme celui d’Auros. Mais, lorsqu’on souhaite aborder le phénomène depuis ses origines et conduire l’étude jusqu’au début du XIXe siècle, sur une période longue de près de six cents ans, il n’est guère possible d’exclure tel castelnau fondé au XIe siècle sous prétexte qu’au XVIIIe siècle il était déjà une ville. D’autre part, tel castelnau qui a pu être une ville au sens où on l’entendait au XIIIe siècle a pu être relégué au XIXe siècle au rang d’un modeste bourg rural ou même disparaître. C’est la raison pour laquelle, même si nous ne ferons qu’évoquer rapidement les castelnaux dont le caractère urbain a été précoce et irréversible, nous ne les écarterons pas de notre étude. Ce serait, d’ailleurs, se priver de précieux éléments de comparaison.

Le cadre que nous avons retenu pour cette enquête est celui du Bazadais. Il ne s’agit pas du diocèse de Bazas qui s’étendait des rives de l’Eyre au sud-ouest à celles de la Dordogne au nord-ouest et franchissait la Garonne de Sainte-Bazeille en amont, à Langon, en aval, mais seulement de la partie méridionale du diocèse, moins l’enclave de l’Eyre, avec, en plus, le bassin inférieur du Ciron qui appartenait autrefois au pays de Cernès dans le diocèse de Bordeaux. Le Bazadais constitue ainsi un pays de 2 500 km2 s’étendant sur 60 km d’est en ouest, de Gaujac sur la Garonne à Hostens, et du nord au sud sur 50 km environ, de Toulenne, aux portes de Langon, à Maillas aux confins des Hautes Landes (fig. 1). Il correspond aux bassins d’un groupe de rivières affluentes de la rive gauche de la Garonne : bassins de rive gauche de l’Avance qui sépare le Bazadais du Queyran, puis du Lisos, de la Bassanne, du Beuve, du Brion et, enfin, du Ciron. Or, malgré ces dimensions réduites, le Bazadais constitue sur le plan géographique un ensemble relativement complexe : on y rencontre, en effet, trois parties bien distinctes. Il s’agit, tout d’abord, de la vallée de la Garonne, constituée d’une plaine inondable et d’une terrasse qui, tantôt domine le fleuve, comme à Meilhan et Castets-en-Dorthe, tantôt, au contraire, en est distante de près d’un kilomètre comme au droit de La Réole. Or, à la différence de la basse vallée aux sols limoneux, la terrasse est constituée de graviers qui, jusqu’au XVIIIe siècle, portaient encore par endroits de belles forêts de feuillus dont celle du Bosc Majou : il s’agit là d’un fragment du pays au bois qui longe la Garonne sur sa rive gauche.

Fig. 1. Castelnaux du Bazadais.

En arrière, on découvre un pays de mollasses dans lesquelles les affluents de la Garonne ont découpé des vallées étroites et profondes qui ne s’élargissent que vers l’aval. Dans ce paysage vallonné, la variété des affleurements se reflète dans celle des sols mais, en allant vers l’ouest, les dépôts de sables landais estompent progressivement le modelé. À cette région aux aptitudes agricoles variées où les bois de feuillus ont toujours été présents, les intendants du XVIIIe siècle avaient donné le nom de Pays mêlé. C’est le cœur du Bazadais.

Se confondant, enfin, avec le bassin supérieur et moyen du Ciron, les Petites Landes du Bazadais qui se développent surtout sur la rive gauche de la rivière font la transition insensible avec les Hautes Landes auxquelles elles appartiennent dans leur partie la plus méridionale ; pays de landes et de marais, mais aussi de forêts-galeries le long du Ciron et de ses affluents, susceptible de porter des cultures dans les hauts de vallons. Tel est le pays bazadais, juxtaposant la vallée de la Garonne et sa terrasse, les collines du Pays mêlé et les Petites Landes : trois fragments d’ensembles géographiques beaucoup plus vastes dont la présence sur une aire aussi réduite présente un intérêt majeur pour l’historien du sol.

Notre propos étant d’examiner le phénomène du castelnau dans son ensemble, nous n’avons pas limité notre enquête à la période médiévale. Nous avons ainsi recensé toutes les agglomérations qui, au début du XIXe siècle, étaient établies ou bien avaient pu exister à proximité d’un château, en utilisant données typologiques, cartographiques, archéologiques et sources écrites et en procédant à des enquêtes et vérifications sur le terrain6[6]. La liste que nous avons ainsi établie ne saurait, bien sûr, être considérée comme exhaustive car, si à partir du milieu du XIIIe siècle, elle est sans doute définitive, en revanche, pour les périodes plus anciennes il nous reste des mottes et ouvrages fossiles dont seules des fouilles permettraient de déterminer s’ils ont servi de point de fixation à des habitats villageois. Si on songe, d’autre part, aux mottes qui ont disparu, soit qu’elles aient été nivelées, soit qu’elles aient été remplacées par des châteaux en pierre il faut bien admettre que tout un aspect du phénomène nous échappe encore7.

Nous n’en sommes pas moins parvenu à recenser, pour l’ensemble du Bazadais et du Cernès méridional un ensemble de quatorze habitats groupés subordonnés à un château entre le milieu du XIIIe et celui du XIXe siècle (fig. 1). Géographiquement, ces castelnaux se répartissent de la manière suivante ; trois sont situés en bordure de la Garonne : ce sont, d’amont en aval, Meilhan, Castets-en-Dorthe et Langon ; six appartiennent au Pays mêlé : deux se trouvent dans le bassin de l’Avance : Casteljaloux dans la vallée et Bouglon sur le coteau de rive gauche ; un, Grignols, sur le plateau aux confins de la haute vallée du Lisos, un autre Aillas, sur le coteau de rive droite de la Bassanne, un autre, Auros, sur celui de rive droite du Beuve, le dernier, enfin, Roquetaillade sur celui de rive droite du Brion. Cinq, situés dans le bassin du Ciron, appartiennent à des degrés divers au domaine des Petites Landes : ce sont, dans le haut bassin, à l’écart de la vallée, Lerm et Captieux puis, en aval, Cazeneuve et Villandraut, en bordure même de la rivière, enfin, plus à l’écart, Noaillan. Comme on peut le constater d’emblée les castelnaux sont également représentés dans tout le Bazadais et le phénomène n’est donc en rien lié aux particularités de tel ou tel des pays qui le composent.

Le château ayant constitué le point d’ancrage du castelnau il convient, tout d’abord, de se pencher sur la géographie des forteresses et sur leur site, ainsi que sur les vicissitudes de leur histoire, en s’attachant plus particulièrement aux conséquences que celles-ci ont pu avoir sur le plan archéologique et topographique. Ce n’est évidemment pas au hasard que les premières forteresses ont été implantées : dans le cas de Meilhan, Castets-en-Dorthe et Langon, le voisinage de la Garonne fut sans aucun doute déterminant (fig. 1). La rivière a aussi joué un rôle dans celui de Casteljaloux et dans ceux de Cazeneuve et Villandraut, mais ici dans la mesure surtout où elle constituait un obstacle : des gués et des ponts se trouvaient à proximité de ces châteaux. Sans tomber dans un quelconque déterminisme, il convient de noter cependant, que Meilhan, Castets et Langon sont les trois points où, dans sa traversée du Bazadais, la Garonne coulait, au Moyen Âge au pied de la terrasse de rive gauche, offrant donc la possibilité d’établir sinon un port du moins un habitat insubmersible en bordure du fleuve et de la route terrestre qui était parallèle au rebord de la terrasse. De même, de Baulac en amont à Villandraut en aval, le Ciron coule au fond de gorges suffisamment larges et profondes pour constituer un obstacle majeur à la circulation qui fut toujours importante dans le sens nord-sud : ce n’est donc pas un hasard si le château de Cazeneuve se trouve établi en un point où ces gorges s’élargissent sur quelques centaines de mètres et si celui de Villandraut est implanté à leur extrémité aval. En amont, la route des Petites Landes qui se dirige vers Bayonne traverse la rivière au pont de la commanderie de Baulac.

Si les données naturelles ont donc joué un rôle dans la géographie de ces châteaux et ne sont pas étrangères, nous le verrons, au développement des castelnaux qu’ils abritent, on ne saurait, en revanche, les invoquer, pour rendre compte de l’implantation de toutes les forteresses ayant donné naissance à des habitats castraux. Bien sûr, certaines sont établies sur des routes à peu près rectilignes dont elles paraissent constituer des étapes ; mais, l’exemple de Captieux révèle que, parfois, c’est le château ou le village qui a attiré à lui une route qui, à l’origine, passait dans ce cas à plus d’un kilomètre vers l’est8.

Si la géographie des châteaux échappe donc pour une part à des données naturelles, il n’en a pas été de même du choix de leurs sites. Ce sont, bien sûr, les avantages qu’ils présentaient pour la défense qui les ont fait en grande partie retenir ; mais ce choix ayant été fait en fonction d’un système défensif dont la motte constituait vraisemblablement dans la plupart des cas l’élément essentiel, cela ne signifie pas que ces avantages furent aussi manifestes par la suite. D’autre part, plus on se rapproche dans le temps plus le caractère militaire des châteaux du Bazadais s’est atténué et moins la recherche d’un site facile à défendre s’est imposée, d’autant que la technique permettait désormais de pallier plus aisément les insuffisances naturelles. On ne saurait, enfin, oublier que le château se trouve souvent à la tête d’une juridiction dont la configuration variable a pu aussi guider le choix des constructeurs successifs.

Dans la perspective où nous nous sommes placé de la naissance et du développement des castelnaux, on peut classer les sites de châteaux en deux catégories : ceux qui présentent des avantages naturels qui peuvent devenir des contraintes pour le développement ultérieur de l’habitat castral, ceux qui, au contraire, ont obligé les fondateurs de la forteresse à établir des défenses au moins en partie artificielles, mais qui se sont révélés par la suite plus aptes à accueillir un habitat.

Fig. 2. Plan de la ville de Casteljaloux en 1755.

Les premiers sont les plus nombreux parce que les châteaux qui les occupent remontent selon toute probabilité au XIIe siècle, sinon avant9. À Casteljaloux, le château est entouré sur trois côtés par une petite boucle de l’Avance (fig. 2), tandis qu’à Langon il s’appuie sur le rivage de la Garonne (fig. 3) ; mais, dans les deux cas, un fossé – plus important à Langon où il a donné naissance à la rue Ronde – a transformé aisément la forteresse en château d’eau. Cependant, avec des variantes, le site le plus répandu est celui de rebord de terrasse ou de coteau : à Meilhan, il est déterminé par l’échancrure de la terrasse par un petit affluent de la Garonne, le Tord (fig. 4), mais, à Castets, ce n’est qu’un modeste ravin qui délimite l’éperon dont le château occupe l’extrémité (fig. 5) ; en tous cas, les deux forteresses surplombent le fleuve ou son affluent de près de quarante mètres. À Roquetaillade, c’est encore la hauteur de l’abrupt qui domine les vallons où coulent le Brion et un de ses affluents qui a donné au site ses exceptionnelles qualités défensives (fig. 6). On les retrouve à Auros et Bouglon qui occupent l’extrémité de festons qui ourlent les coteaux dominant les vallées du Beuve et de l’Avance (fig. 7, 8). À Cazeneuve, la dénivellation est encore sensible du côté du Ciron, mais c’est davantage la confluence avec le ruisseau de Honburens qui a guidé le choix des fondateurs (fig. 9). Il en est de même à Captieux (fig. 10) ; cependant, dans ce pays de sable, c’est plus le caractère marécageux des vallons du Castaing et du ruisseau de la ville que leur profondeur qui a fixé le site du château : la main de l’homme a joué cette fois un rôle déterminant. D’ailleurs, celui-ci n’a pas été non plus négligeable à Castets, Meilhan, Roquetaillade, Auros et Bouglon, dont les châteaux ne sont au mieux protégés “naturellement” que sur deux et parfois un seul de côtés du triangle ou du quadrilatère qui constituent l’assiette de la forteresse. À ce premier groupe de sites s’oppose celui auquel appartiennent les châteaux de Lerm, Grignols (fig. 11), Noaillan (fig. 12) et Villandraut (fig. 13). Certes, ceux de Grignols et Lerm occupent une position dominante, mais ils étaient bâtis à la surface d’un plateau faiblement incliné à Lerm et d’un rebord à peine accentué à Grignols. Les châteaux de Noaillan et de Villandraut sont, de leur côté, établis dans la vallée du Ciron : celui de Noaillan à la limite d’une minuscule terrasse, le second nettement au-dessus du lit de la rivière mais, dans les deux cas, à une distance telle du Ciron que celui-ci ne joue aucun rôle dans leur système défensif.

Fig. 3. Plan de la ville de Langon.
Fig. 4. Plan de la ville de Langon.
Fig. 5. Castets-en-Dorthe.
Fig. 6. Château de Roquetaillade.
Fig. 7. Auros.
Fig. 8. Bouglon.

On ne saurait clore cette évocation du cadre géographique dans lequel ont été établis les châteaux ayant donné naissance à des habitats subordonnés, sans les situer, enfin, dans leur environnement paroissial. La position du château par rapport à l’église paroissiale constitue, en effet, une donnée de premier ordre pour le propos qui nous occupe. Or, lorsque ces châteaux furent construits, le réseau paroissial était, à peu de chose près, définitivement organisé. Nous verrons que la plupart des castelnaux donnèrent ultérieurement naissance à de nouvelles paroisses mais, même lorsque les sources écrites ne permettent pas d’identifier la paroisse-mère sur laquelle fut implanté le château puis le castelnau, l’examen des patrons des églises voisines ainsi que celui des territoires paroissiaux permet, en général, d’établir sans peine la filiation.

Fig. 9. Château de Cazeneuve.

Trois cas peuvent se présenter : dans le premier, le château est édifié à moins de 200 m de l’église paroissiale : à Noaillan (Saint-Vincent)10 et à Langon (Saints-Gervais et Protais) il est seulement distant de 150 m de l’église et il n’y a que 170 m environ entre le prieuré Saint-Cybard et le château de Meilhan (fig. 12, 3, 4). Dans un second groupe, l’écart est de 600 m à 1, 5 km, 650 m d’Aillas à Notre-Dame-de-Mouchac, 700 m de Grignols à Saint-Pierre de Flaujac ; 750 m de Bouglon à Saint-Pierre d’Argenton ; 1 km du château de Casteljaloux à Saint-Gervais (fig. 15). Mais, cette distance peut être parfois plus considérable : ainsi, il y a deux kilomètres de Castets à l’église de Mazerac ; 1,750 km d’Auros à Saint-Germain ; 4,6 km de Lerm à Saint-Seurin de Goualade (fig. 15). Le seul cas qui pose un problème est celui de Villandraut : on ignore, en effet, en quel endroit précis était située l’église Saint-Martin-de-Got, qui fut remplacée au début du XIVe siècle par une collégiale construite à proximité de l’ancienne demeure des Got11. Peut-être cette église se trouvait-elle sur l’emplacement de la chapelle de la Madeleine (fig. 13)12. Dans ce cas, la distance du château vieux à l’église Saint-Martin aurait été de 150 m et celle du château neuf de 350 m.

Fig. 10. Captieux.
Fig. 11. Grignols.
Fig. 12. Noaillan.
Fig. 13. Villandraut.

S’il est relativement facile d’appréhender ces diverses données de nature géographique, il n’en est pas de même, en revanche, lorsqu’il s’agit de préciser les caractères des châteaux, d’en établir leur état-civil et leur histoire. Car, sauf exception, ou bien plusieurs forteresses se sont succédé sur le site à proximité duquel s’est établi le castelnau, ou bien le château et le castelnau ont migré. Dans le premier cas, le plus fréquent, si le château remonte au XIIe siècle, les transformations qu’il a connues par la suite n’ont pu avoir que des répercussions sur le castelnau lui-même, pour autant bien sûr que celui-ci ait été contemporain de la première forteresse ; dans le second, la restructuration de l’ensemble a été évidemment totale.

À partir des témoignages archéologiques et des mentions qui apparaissent dans les textes, il est possible, en fonction de leur évolution, de répartir les châteaux en trois groupes : le premier, le plus important, est constitué par les forteresses ayant connu une évolution complexe sur le même site : la motte ou l’ouvrage primitif a été successivement remplacée au cours de l’époque médiévale par une ou deux forteresses en pierre, la dernière reprenant la précédente en la renforçant et en l’agrandissant. Sauf dans le cas de Cazeneuve où le château fut entièrement reconstruit au XVIIsiècle, les bâtiments médiévaux ne connurent ailleurs que des remaniements de détail. Appartiennent à ce groupe, même s’ils n’apparaissent parfois que tardivement dans les textes, les châteaux de Casteljaloux (1131), Bouglon (1167), Meilhan (1200), Castets (1208), Cazeneuve (1250), Captieux (1255), Auros et Noaillan (1274)13. Mais ce n’est que dans quelques cas privilégiés que l’on retrouve encore de nos jours les témoins des étapes successives de l’évolution du château.

À Cazeneuve, la motte est encore visible à la confluence du Ciron et du Honburens, en partie engagée dans la muraille moderne14. Le fossé qui la séparait du plateau coupe encore en deux la cour intérieure du château actuel (fig. 9). À Roquetaillade, le château-vieux est implanté sur une motte utilisant sur deux faces l’abrupt naturel et délimité, sur l’autre, par un fossé taillé en fond de cuve15 (fig. 6). On retrouve aussi la motte sous le donjon plus récent du château d’Auros16 (fig. 7). Quant à celle de Captieux, elle apparaît encore nettement sur le dessin exécuté en 1612 par du Viert : elle ne fut, d’ailleurs, détruite qu’au XIXe siècle17 (fig. 10). Mais, à Langon18, Casteljaloux19, Bouglon20, et Lerm21, ce n’est qu’en fonction du parcellement et des témoignages apportés par les documents que l’on peut supposer l’existence d’une fortification de terre22. On ne sait, d’autre part, que fort peu de choses des forteresses de la seconde moitié du XIIIe siècle qui, dans la plupart des cas, ne devaient constituer que des versions améliorées des mottes ou des ouvrages de terre : ou bien elles furent détruites à l’occasion de guerres comme ce fut le cas de celle d’Auros, lors de la guerre de Guyenne (1294-1304)23, ou bien elles furent profondément transformées. Il ne fait aucun doute, en effet, que le premier tiers du XIVe siècle qui vit aussi la construction de nouvelles forteresses fut une période de restructuration et de restauration des anciens châteaux, pour des raisons qui tiennent à la fois au progrès des techniques et aux disponibilités momentanées de certains châtelains, tels les La Mote ou les Albret. C’est alors que furent transformés le château-vieux de Roquetaillade24, ceux d’Auros25 et de Noaillan26. Il est probable que Casteljaloux27, Cazeneuve28, Aillas29 et peut-être Meilhan30, possessions des Albret furent aussi rénovés ou reconstruits31. En revanche, la tour de Captieux, telle qu’elle apparaît sur le dessin de du Viert fait davantage songer aux donjons que fit élever quelques années plus tard Gaston Phoebus32.

Mais, à cette exception près où la tour succéda à une motte et hormis les cas de Bouglon et Meilhan pour lesquels l’absence ou la rareté des témoignages archéologiques ne permet d’avancer aucune hypothèse, la plupart de ces châteaux se caractérisent par la présence de courtines de plan polygonal et d’assiette variable, ce qui, nous le verrons, eut des conséquences sur les caractéristiques du castelnau : en effet, la surface ainsi close va de 0,30-0,40 ha à Auros, Cazeneuve, Castets et Roquetaillade (château-vieux) à 0,60 ha à Langon et 1,10 ha à Casteljaloux et Noaillan33.

Un second groupe de châteaux est constitué par ceux qui ont connu au XIVe siècle un dédoublement, avec l’apparition d’un château neuf. Le premier exemple est, bien sûr, celui de Roquetaillade : à partir de 1316, très peu de temps donc après la restauration du château-vieux, le cardinal Gaillard de La Mote fit élever à 50 m de la forteresse familiale un édifice entièrement nouveau, connu sous le nom de Château-neuf34 (fig. 6). Un phénomène identique s’est produit à Villandraut, mais il est moins apparent, car on doutait jusqu’à ces dernières années de l’existence d’un château familial antérieur à celui que fit édifier Clément V entre 1306 et 1316. M. J. Gardelles avait récemment montré que la collégiale fondée en 1313 avait été implantée à l’abri d’une maison forte dont il supposait qu’elle était le manoir familial des Got35. Or, nous venons de retrouver l’acte d’hommage rendu, en 1267, par Béraud de Got au sire d’Albret pour sa maison de Villandraut36. La distance entre les deux constructions atteignant ici 200 m, les conséquences en furent, nous le verrons, tout autres qu’à Roquetaillade, lorsque se développa le bourg de Villandraut (fig. 13).

Un troisième groupe de châteaux est constitué par ceux que l’on pourrait qualifier de migrateurs, représentés par Aillas et peut-être Castets. Tel que nous le connaissons le château d’Aillas ne devait guère différer des précédents dont il était sans doute contemporain ; mais il se pose à son propos un problème particulier. D’après ce qu’il en reste, le plan et deux pans de murs, et ce que l’on sait de la politique castrale d’Amanieu VII d’Albret, cette forteresse attestée en 1254, fut probablement remaniée dans la seconde décennie du XIVe siècle37 (fig. 14). Or, il n’est pas du tout certain que l’édifice du XIIIe-XIVe siècle ait été situé sur l’emplacement du château primitif d’Aillas38. En effet, à 2,2 km au sud-est, à l’extrémité d’un petit éperon, dominant la rive droite de la Bassanne, on distinguait encore à la fin du siècle dernier au lieu-dit La Mote, les restes d’une fortification de terre. Or, cette motte n’est située qu’à 1,4 km de l’église paroissiale d’Aillas-le-Vieux, dont, selon toute vraisemblance, elle relevait (fig. 15). Dans la mesure où la forteresse du XIIIe siècle qui domine seulement de 500 m l’église de la paroisse de Mouchac a, cependant, toujours porté le nom d’Aillas, nous pensons qu’elle a fort bien pu succéder à la motte primitive située dans la paroisse d’Aillas, dont elle aurait conservé le nom. Quant aux raisons qui auraient puprovoquer un tel déplacement, elles sont probablement à rechercher soit dans des changements intervenus dans la géographie de la seigneurie, soit dans une adaptation à de nouveaux axes de circulation. Il n’est pas impossible qu’un phénomène identique se soit produit à Castets-en-Dorthe, mais nous en sommes ici réduit aux hypothèses39.

Fig. 14. Aillas.

Il reste, enfin, le cas du château de Grignols qui appartient pour l’essentiel à l’époque moderne : même si les parties les plus anciennes de l’édifice remontent à la période 1450-1550, l’ensemble des bâtiments fut repris et complété dans les premières décennies du XVIIe siècle, période au cours de laquelle la famille de Grignols connut une brillante fortune40.

Nous avons, tout au long de cette évocation, mentionné à plusieurs reprises les noms des familles seigneuriales qui possédèrent ces forteresses. Il n’est pas inutile d’y revenir, car l’histoire des châtelains n’a pas, on s’en doute, été étrangère à celle des castelnaux. Parmi ces châtelains, le premier rang revient aux Albret, seigneurs de Casteljaloux, au moins depuis le début du XIIIe siècle, de Cazeneuve qu’ils tenaient au milieu du XIIIe siècle du vicomte de Béarn, à raison du Gabardan, d’Aillas, sans doute détenu en coseigneurie jusqu’au dernier tiers du XIIIe siècle, enfin, de Meilhan dont ils héritèrent probablement à la fin du XIIe siècle d’une famille de souche locale, mais qui passa aux mains du roi-duc de 1261 à 1306. Sur le même plan, il convient de placer les vicomtes de Béarn, seigneurs de Captieux, au XIIIe siècle. À un rang inférieur se situent les La Mote, seigneurs de Roquetaillade et coseigneurs de Langon, les Noaillan, les Auros et les Got dont les familles étaient sans aucun doute d’origine bazadaise. Mais Bouglon et Castets-en-Dorthe furent probablement des coseigneuries. Quant à la famille de Grignols, son ascension se produisit au XVIe siècle41.

Une première conclusion se dégage de cette évocation des châteaux du Bazadais ayant donné naissance à un habitat subordonné : la très grande variété des situations, qu’il s’agisse de leur site, de leur distance par rapport à l’église paroissiale, de leur histoire archéologique. Or si cette variété se retrouve dans les castelnaux, les regroupements ne s’opèrent pas de la même manière.

Sans vouloir préjuger ici des circonstances dans lesquelles sont nés ces castelnaux, il convient, cependant, de souligner, tout d’abord qu’on ne possède aucun document ni aucun témoignage attestant la fondation a novo d’un castelnau dans le sud du Bazadais. D’autre part, ce n’est que de manière fortuite, de même que pour les châteaux et parfois d’ailleurs simultanément que les agglomérations castrales apparaissent dans les textes. Ces mentions parfois indirectes ne fournissent donc que des repères chronologiques à partir desquels il serait dangereux d’avancer une date sinon de fondation du moins d’origine. Il est possible, néanmoins, en recoupant ces données par celles de l’archéologie et en tenant compte de ce que l’on sait par ailleurs de l’histoire des forteresses de proposer un classement chronologique des castelnaux du Bazadais en deux groupes principaux : celui des castelnaux antérieurs à 1274, de loin le plus important et celui regroupant les castelnaux de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Dans le premier, on peut ranger en toute certitude ceux qui ont connu une destinée urbaine, Casteljaloux et Langon, ainsi que ceux de Meilhan et Castets sur la Garonne, Bouglon, Aillas et Roquetaillade en Pays mêlé, Cazeneuve dans les Petites Landes. Dans le second, Villandraut et Grignols. Entre les deux groupes, il convient de réserver une place à part à quatre autres castelnaux pour lesquels un développement antérieur à 1274 n’est pas à exclure, mais qui pourraient aussi bien remonter seulement au demi-siècle qui a suivi pour Captieux, Auros, Noaillan, ou à plus tard comme à Lerm.

Nous évoquerons d’abord pour mémoire le cas de deux castelnaux ayant connu dès le Moyen Âge une destinée urbaine : Casteljaloux et Langon. Le plus anciennement mentionné est celui de Casteljaloux42 attesté – en même temps que le château – en 1131, à l’occasion de la concession d’un alleu faite par le sire d’Albret aux moines de La Sauve afin qu’ils y établissent une “ville” et une église. Nous y apprenons que cette terre se trouve extra muros Castelli Gelosi. Il doit s’agir aussi bien d’une petite agglomération que du château proprement dit, puisqu’il est fait plus loin allusion à la justice de la “ville” de Casteljaloux. À Langon, c’est à partir de données moins explicites que l’on peut conclure à l’existence d’un castelnau dès le premier tiers du XIIe siècle. En 1126, en effet, Geoffroy Ier, évêque de Bazas autorisa les moines de la Sauve à édifier à Langon une église en l’honneur de Sainte-Marie, sur un terrain donné en alleu par Pierre de La Mote. Or, cette autorisation était assortie du droit de baptême et de sépulture faisant de Notre-Dame de Langon une véritable église paroissiale43. Pour qu’une telle concession ait pu se produire, il fallait qu’il y eût déjà une population agglomérée entre le château et l’église Saint-Gervais, située à cent mètres de là. Le plan de la ville fait d’ailleurs apparaître la juxtaposition des deux bourgs.

Fig. 15. Castets, Auros, Aillas.
Fig. 16. Grignols, Bouglon, Lerm, Casteljaloux.

En plus de leur ancienneté, les castelnaux de Casteljaloux et Langon présentent, d’autre part, un caractère commun qui leur confère une place marginale dans le cadre de notre étude : très tôt, peut-être dès la fin du XIIe siècle, en tout cas dans la première moitié du XIIIe siècle, ils sont devenus des villes – du moins à l’échelle du Bazadais – et se distinguent définitivement des autres castelnaux. Cela tient, tout d’abord, à leur étendue : on peut estimer celle de Casteljaloux dans ses limites de la fin du Moyen Âge à près de 7 ha et celle de Langon à 5,5 ha ; en second lieu, à la complexité de leur plan qui résulte de la juxtaposition de deux agglomérations : un castelnau et une sauveté ou un bourg prieural. À Casteljaloux, cette double origine n’est pas très apparente, en raison probablement de remaniements dans le tracé des voies (fig. 2). La ville qui flanque le château rejeté dans l’angle sud-est affecte la forme d’une ellipse (350 x 240 m dans un grand axe est-ouest) appuyée à l’Avance au sud et à l’est ; mais il est probable que, sur les autres côtés, l’agglomération était entourée de marécages correspondant peut-être à un ancien bras de rivière. Trois rues se déploient en fuseau à partir du pont sur l’Avance situé à la jonction de la ville et du château et sont recoupées par deux rues transversales. La rue principale aboutit à une extrémité de la porte du pont et à l’église Notre-Dame, à l’autre à une seconde porte et au prieuré Saint-Raphaël, probablement fondé par les moines de La Sauve. Une troisième porte, au nord, ouvre sur une rue transversale. Rien dans ce plan ne permet de retrouver l’assiette du castelnau primitif si bien que l’implantation de son enceinte et l’histoire de son développement demeurent encore un rébus. À Langon, en revanche, les deux bourgs sont parfaitement repérables (fig. 3). Jusqu’à la fin de l’époque moderne ils possédèrent, d’ailleurs, leurs murailles propres et restèrent seulement reliés par un ombilic. Le castelnau affecte la forme d’un demi-cercle de 150 m de diamètre appuyé à la Garonne. Le château occupe le tiers amont, l’église Saint-Gervais l’extrémité aval. Le plan et le parcellement sont organisés à partir de ces deux ensembles : de façon annullaire à partir du château et en éventail depuis l’église. Quant au bourg Notre-Dame, il affecte aussi la forme d’un éventail.

On ignore qu’elle était la densité de la population de ces deux castelnaux au début du XIVe siècle de même que son organisation socio-professionnelle et l’on ne saurait prendre en compte la présence d’un consulat à Casteljaloux et celle d’une jurade à Langon pour en déduire un caractère urbain. En revanche, à côté de l’étendue de ces deux agglomérations, l’existence de deux églises paroissiales et celle de couvents de Mendiants nous paraissent constituer des critères suffisants pour placer ces deux castelnaux au rang de villes44.

Les autres castelnaux n’ont, en revanche, connu à l’époque médiévale qu’un développement, semble-t-il, modeste et sont restés villageois, à l’exception peut-être de celui de Meilhan qui, à la fin du XIIIe siècle, a pu ressembler à une petite ville. Le plus anciennement attesté est celui de Bouglon, mentionné en 1167 à l’occasion de la concession par Raimond et Amanieu de Bouglon d’une dîme aux Templiers de Romestaing45. Bien qu’il soit probablement contemporain, celui de Meilhan n’est cependant pas connu avant le 29 novembre 1200 : ce jour-là, dans la maison de Guillaume Frozin, située à l’intérieur du castrum, Amanieu V d’Albret exempta les moines de Grandselve de leudes et péages sur ses terres46. La présence, à cette époque, de maisons à l’intérieur du castrum permet, d’autre part, de reporter au plus tard dans la seconde moitié du XIIe siècle le moment où, à l’occasion de la clôture du château (“castel”) et de celle du bourg (“borg”) Fort. W. de Meilhan, concéda des coutumes aux habitants47. C’est au mois de février 1208 qu’apparaît, ensuite, le castelnau de Castets-en-Dorthe. Un accord fut, en effet, conclu à cette date entre les maire, conseil et prud’hommes de La Réole et le chevalier et les prud’hommes (probi homines)de Castets48. L’existence d’une agglomération villageoise n’est certes que suggérée mais, en 1274, deux maisons sont dites infra castrum49. Quelques décennies plus tard, en 1241, à l’occasion d’une donation faite par Amanieu VI d’Albret aux Hospitaliers de Cazalis, nous apprenons par une allusion aux burgenses qui l’habitent, l’existence d’un castelnau à Cazeneuve50. C’est, enfin, à l’occasion des reconnaissances faites en faveur du roi-duc, en 1274, qu’apparaissent le burgus d’Aillas, distinct du castrum51,ainsi que les burgenses et milites de Roquetaillade52. En revanche, bien que le château d’Auros soit connu dès 1274, il faut attendre le 10 novembre 1334 pour trouver une première mention du bourg d’Auros, à l’occasion d’une citation à comparaître adressée au seigneur d’Auros, G. Arnaud ; le sergent chargé de la délivrer n’ayant pas trouvé le destinataire au château, se rendit per vicum d’Auros pour interroger les habitants. Ce n’est, d’autre part, qu’à la date du 7 décembre 1346 que nous avons relevé la plus ancienne mention d’un bourgeois de Captieux53.

On ne s’étonnera pas, compte tenu de la rareté et du caractère tardif des mentions que nous avons recensées que, pour quatre castelnaux, nous n’ayons pas encore retrouvé un seul témoignage écrit de leur existence à l’époque médiévale : il s’agit de ceux de Noaillan, Lerm, Villandraut et Grignols. Pour celui-ci cela n’a rien d’étonnant puisqu’il ne saurait, au mieux, remonter qu’au début du XVIe siècle54. Ce qui est curieux, en revanche, c’est la discrétion des documents à l’égard d’agglomérations dont on a tout lieu de penser, en raison de la date d’apparition des châteaux – le XIIIe siècle – et du plan des villages qu’elles existaient sans aucun doute à l’aube des temps modernes, du moins pour Noaillan55 et Villandraut car, pour Lerm, nous serons plus réservé.

La raison en réside, selon nous, dans le fait que ces villages n’ont apparemment jamais été entourés de murailles et au mieux d’une enceinte, ce qui ne fut pas le cas – à l’exception d’Auros – des autres castelnaux précédemment évoqués. Dans un pays où l’habitat dispersé devait l’emporter au XIIIe siècle et où seule la présence de l’église permettait de distinguer le bourg – quand il y en avait un – des autres hameaux de la paroisse, on comprend mieux la discrétion des textes pour différencier une petite agglomération qui s’individualisait mal dans le paysage. D’ailleurs, si au XIIIe siècle, une certaine hésitation se manifeste dans les documents pour désigner le bourg clos, le terme de villa s’impose progressivement au point qu’à l’époque moderne “ville” sert à désigner une agglomération close, le plus souvent d’origine castrale et cela quelle que soit son importance, le terme de bourg étant désormais réservé aux villages ouverts56.

En tout cas, l’opposition ville close/bourg ouvert constitue un trait essentiel de l’histoire de l’habitat rural aggloméré jusqu’à la fin de l’époque moderne, en raison des conséquences multiples qu’implique alors la présence ou l’absence de murailles. C’est en tenant compte de cette donnée initiale que nous allons tenter de dégager les principaux caractères des castelnaux bazadais : étendue, plan, relation village-château, parcellement. Pour ceux qui étaient clos de murailles au milieu du XIVe siècle et qui, sauf Captieux, sont attestés avant 1274, c’est-à-dire Bouglon, Meilhan, Cazeneuve, Roquetaillade, il est possible, sauf pour le castelnau primitif de Castets-en-Dorthe de restituer en gros leur configuration à la fin du Moyen Âge, sans que soit pour autant résolu, d’ailleurs, le problème de leur situation d’origine. Pour les autres, qui ne sont attestés qu’ultérieurement, on ne peut aborder leur étude topographique qu’à partir de documents du début du XIXe siècle.

La restitution de l’enceinte des castelnaux fermés est relativement facile à établir, grâce aux restes de murailles ou de fossés ou, à défaut, à des plans anciens. Trois de ces castelnaux étaient de plan sensiblement carré : Meilhan, Bouglon et Aillas, un en forme de fuseau, Captieux, un triangulaire, Roquetaillade, un dernier enfin polygonal, celui de Cazeneuve.

Le castelnau de Meilhan dont les côtés atteignaient 125 m domine au sud le vallon du Tord mais, sur les autres faces, il n’était séparé du plateau que par un système de fossés d’une quarantaine de mètres de large, encore visibles au nord, ainsi que par des remparts en pierre dont il reste des vestiges à l’angle sud-est57 (fig. 4). Les dimensions de Bouglon sont sensiblement les mêmes – 150 m de côté environ – mais le plan est un peu moins régulier ; d’autre part, la disparition totale des murailles et des portes attestées dans les coutumes58, oblige à s’appuyer uniquement sur le tracé des rues pour retrouver les contours de l’ancien castelnau, dont deux faces étaient protégées par des abrupts naturels (fig. 8). À Aillas, la situation est encore plus difficile à apprécier : remparts et maisons ont, en effet, entièrement disparu, au point que l’on pourrait douter de l’existence de l’ancienne “ville”59. Mais, la toponymie et le cadastre permettent de retrouver sur le terrain les contours de l’ancien village et même l’emplacement d’un faubourg. Le castelnau correspond à une vaste parcelle à peu près carrée de 180 m de côté, dont les limites s’appuient à l’est sur un ancien chemin et, à l’ouest et au sud, se confondent avec une rupture de pente très accusée ; mais, au nord, un fossé devait couper l’agglomération du plateau (fig. 14).

À Captieux, Roquetaillade et Cazeneuve, on se trouve en présence de plans très différents, de forme plus ou moins allongée. À Captieux, la Ville qui est devenue aujourd’hui un quartier de l’agglomération se présente comme un fuseau de 280 m de long et large tout au plus de 75 m ; s’il ne reste guère que de modestes tronçons des remparts arasés, le dessin exécuté par du Vient, en 1612, nous donne une excellente idée de ce que pouvaient être les fortifications d’un castelnau bazadais60 (fig. 10). À Cazeneuve, seule subsiste la porte de la ville ; mais, plans et photographies permettent de se faire ici encore une idée précise du tracé polygonal de l’enceinte qui longeait, à l’ouest, le ruisseau de Honburens et dont les axes atteignaient 70 m dans le sens est-ouest et 170 m dans celui nord-sud61 (fig. 9). À Roquetaillade, enfin, on peut reconstituer de la même manière l’enceinte du castelnau qui affectait la forme d’un triangle isocèle de 150 m de côté ; les restes en sont encore visibles sur toute la partie méridionale dominant un vallon (fig. 6). Mais, dans ces deux derniers cas, la plus grande partie de l’enceinte se développait à la surface du plateau, précédée d’un fossé taillé à fond de cuve62.

De même qu’à Langon et Casteljaloux, le tracé des murailles – car il s’agit bien dans tous ces cas de murs en pierre et non d’une simple enceinte – a été établi en tenant compte des avantages naturels du site : ceux d’éperon ont déterminé les plans allongés, les larges festons, les plans carrés. Il en résulte, dans le premier cas, une meilleure adaptation de l’enceinte aux accidents topographiques : ainsi, à Captieux, où les deux longs côtés de la ville sont bordés par des vallons. Mais, ailleurs, ce n’est au mieux que sur une moitié de leur développement et, le plus souvent, sur un tiers ou même un quart que les murailles s’appuient sur un accident du terrain.

Or, cette faiblesse relative dans l’assiette des fortifications n’est compensée que très partiellement par la présence du château. Certes, à Aillas et Meilhan où le château était inclus dans le périmètre de la ville, il contribuait de manière efficace à sa défense63, surtout à Aillas où il longeait la coupure du plateau. Mais, à Captieux, la motte qui ne fut, on s’en souvient, remplacée au XIVe siècle que par une tour, se trouve isolée et, à Bouglon, Cazeneuve et Roquetaillade, le château occupant l’extrémité d’un éperon, c’est en réalité la ville qui protège la forteresse.

À Roquetaillade et Cazeneuve – mais probablement en fut-il de même à Aillas – le rattachement sans rupture marquée dans le plan des murailles du castelnau aux courtines du château ou encore, dans le cas de Roquetaillade, le contournement du château-neuf suggèrent que ces nouvelles enceintes furent contemporaines des remaniements considérables qui affectèrent les forteresses au début du XIVe siècle. L’archéologie confirme, d’ailleurs, cette hypothèse. Mais la présence de vastes secteurs de fossés taillés à fond de cuve à la surface des plateaux, en avant des murailles, montre bien que nous sommes en présence d’agglomérations dont les fondateurs des premiers châteaux n’avaient certainement pas eu la moindre idée. Il est bien dommage qu’à Bouglon et Meilhan l’absence ou la médiocrité des restes archéologiques ne permettent pas de déterminer si le castelnau que l’on peut reconstituer aujourd’hui résulte de remaniements exécutés dans les premières décennies du XIVe siècle ou un peu plus tôt, à l’occasion de l’édification de murailles en pierre ou s’il reflète dans son plan un état plus ancien de l’habitat castral.

Quoi qu’il en soit, ce qui frappe chez tous ces castelnaux fermés, c’est la médiocrité de leur étendue : celle-ci varie d’un hectare à Bouglon à 1,80 ha à Captieux en passant par Roquetaillade et Meilhan – 1,60 ha – et Cazeneuve et Aillas, 1,50 ha. On est bien loin de la superficie de Langon et de celle de Casteljaloux dont le caractère urbain est ainsi plus manifeste. Or, pour avoir une idée exacte de la surface utile du castelnau, il convient de déduire celle occupée par le château et ses défenses, sauf bien sûr dans le cas de Captieux. On en arrive ainsi à des superficies encore plus réduites : 1,20 ha à Meilhan, 1 ha à Aillas, 0,85 ha à Roquetaillade, 0,65 ha à Cazeneuve et Bouglon. On rappellera, cependant, qu’à Aillas il y existait un faubourg et qu’à Meilhan, dès le XIIe siècle, le quartier du port avait une certaine importance64.

L’organisation de l’espace ainsi clos est déterminée par le tracé de l’enceinte, la position du château, les possibilités d’accès offertes par le site. Meilhan et Bouglon établis sur un site d’accès facile au moins sur deux côtés et dont le plan était en gros carré possédaient probablement deux portes aux extrémités d’une rue, rectiligne à Meilhan – celle de la Vieille Halle – probablement coudée à angle droit à Bouglon. À Meilhan, le village actuel est entouré par une rue périphérique qui donne l’impression d’avoir été établie à l’intérieur du rempart car elle sert de débouché aux rues transversales (rue Milloc, rue de la Vieille Halle) qui n’auraient autrement aucune relation entre elles. Il en existe une semblable à Bouglon. Mais, nous n’irons pas jusqu’à affirmer qu’il en fut ainsi au Moyen Âge : à Bouglon, en tout cas, certaines maisons s’appuyaient directement au rempart65 et sans doute en fut-il de même à Meilhan. À Captieux, en revanche, le plan intérieur est des plus simples : une rue unique traverse le castelnau de part en part : dans ces conditions, sinon les maisons du moins leurs dépendances butaient au rempart (fig. 10). Mais, dans chacun des cas précédents, la position du château, soit à un angle de la ville (Meilhan) soit franchement à l’extérieur (Captieux, Bouglon) a permis la traversée du village par un axe de circulation. Il n’en est pas du tout de même à Roquetaillade et Cazeneuve. En effet, en raison de la position du château à l’extrémité de l’éperon et de la modestie de la surface enclose, le village n’a certainement jamais possédé qu’une seule porte et une rue unique (fig. 6, 9)66 : ces castelnaux constituaient ainsi de véritables culs-de-sac, ce qui a influé sur leur destinée de manière déterminante. Notons, enfin, que nulle part on ne décèle dans le parcellement ancien, rien qui fasse songer à un lotissement du sol du castelnau ; à Bouglon, cependant, le sirmanatge perçu par le seigneur portait sur des sols de 36 rases de long sur 18 de large67.

Si l’on peut considérer que les castelnaux fermés étaient à peu près tels que nous venons de les évoquer dès le milieu du XIVe siècle, ils avaient, en revanche, considérablement changé aux environs de 1800. Il importe d’évoquer, dès maintenant, ces changements si l’on veut comparer leur destinée avec celle des castelnaux ouverts que l’on ne peut guère étudier qu’à partir des plans du début du XIXe siècle.

Lorsqu’on considère, d’une part, les castelnaux fermés tels qu’ils devaient se présenter vers 1350 et, de l’autre, les villages qui leur ont succédé aux environs de 1800, on constate que leur évolution s’est faite de deux manières différentes : ou bien le castelnau a éclaté et est sorti de ses murailles, ou bien il a disparu. Au premier groupe appartiennent les villes de Casteljaloux et de Langon, ainsi que les villages de Meilhan, Bouglon et Captieux ; au second, les castelnaux de Roquetaillade, Cazeneuve et Aillas. Il est probable que de telles transformations ne se sont pas produites sans vicissitudes que l’on ne saurait aborder dans le cadre de cette étude mais, dans le cas de Casteljaloux et Langon, des plans du XVIIIe siècle constituent de très utiles jalons. On constate ainsi que, dans la première moitié du XVIIIe siècle, il n’y existe encore que de biens modestes faubourgs hors des remparts médiévaux : un seul à Casteljaloux, celui de la Madeleine, séparé de la ville par le couvent et l’enclos des Capucins (1764) (fig. 2), deux à Langon dès 1714, celui de Mirepech, à la sortie de la ville sur la route d’Espagne, enfin l’embryon d’un troisième aux Capucins (fig. 3). Ce n’est qu’au cours du demi-siècle suivant que, selon un processus qui n’est pas propre aux villes-castelnaux, les faubourgs vont se développer à partir des principales portes, le long des axes de circulation et finir par se rejoindre.

Or, ce phénomène d’éclatement, nous le retrouvons dans le cas de trois villages à une échelle variable, mais peut-être proportionnellement plus grande que dans celui des villes. À Meilhan, l’habitat s’est développé le long du chemin qui mène du castelnau au port, à Bouglon, le village a doublé d’étendue par la juxtaposition de nouveaux quartiers établis le long des axes de circulation ; mais, c’est à Captieux que s’est produite l’évolution la plus originale : un second village apparu autour de l’église l’emporte sur le castelnau mais, bien que reliés par la grand route des Petites Landes, les deux noyaux d’habitat demeurent séparés par un vide de trois cents mètres.

À cette époque, en revanche, la désertion des castelnaux de Roquetaille, Cazeneuve et Aillas était consommée. À Cazeneuve, il ne restait plus à l’intérieur de l’enceinte que des bâtiments d’exploitation ; le castelnau de Roquetaillade était devenu un parc ; quant à celui d’Aillas, il était retourné à la prairie et à la friche. Sans aborder ici le problème des origines de cette désertion, il n’est pas sans intérêt d’en jalonner les étapes : à Aillas, des maisons sont encore mentionnées dans la ville tout au long du XVIIe siècle et les murailles servent toujours de confront dans le terrier de 167868. Mais l’absence de terriers pour le XVIIIe siècle ne permet pas de savoir si l’abandon fut rapide à partir de 1700. Au témoignage de l’abbé O’Reilly, si le château n’était plus en 1790 qu’un amas de ruines, l’enceinte aurait été alors presque entière69. À Cazeneuve, la désertion se produisit probablement plus tôt puisque, en 1595, à l’occasion de la prise de possession de la seigneurie par M. de Vicose, celle-ci se fit encore par l’entrée et issue des “ville et château” qui ont un capitaine et gouverneur ; mais, en 1693, dans l’hommage rendu par Marie Nompar de Caumont au duc de Bouillon il n’est plus question que des “chasteau, autrefois ville, tours, fossés basse-cour”70.

Ce n’est qu’à partir des plans du début du XIXe siècle que l’on peut se faire une idée des castelnaux ouverts. Même si les principaux axes de ces villages et une partie du parcellement remontent probablement aux derniers siècles du Moyen Âge, sauf pour Grignols, vouloir, à partir de ces plans tenter une restitution est une voie dans laquelle nous ne nous aventurerons pas. Aussi, nous contenterons-nous de décrire ces villages tels qu’ils se présentaient aux environs de 1800.

Nous venons de voir que, dans le cas des castelnaux fermés, les fortifications du village avaient pour une part utilisé les avantages du site. On peut donc se demander si, dans le cas des castelnaux ouverts, les accidents du terrain ont joué un rôle dans la détermination de la forme et de l’étendue de l’agglomération. Or, on constate que ce rôle est médiocre ou nul parce que, sauf en partie dans le cas d’Auros et celui de Castets, le site ne présentait du point de vue défensif aucun avantage réel. D’ailleurs, à Castets, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, le village, au lieu de s’établir sur le rebord de la terrasse dominant la Garonne est resté très largement en retrait71 (fig. 5). De même à Auros, où le château occupe l’extrémité d’un éperon, l’axe du castelnau ne se confond pas avec celui de l’éperon (fig. 7). De toute façon, même si dans ces deux cas le village avait été entouré d’une enceinte utilisant au mieux les avantages du site, il aurait fallu créer des défenses en presque totalité artificielles. Il y a une relation certaine entre les caractères du site et la présence ou l’absence de murailles autour des castelnaux : ce sont les châteaux établis sur les sites les moins favorables à l’établissement d’enceintes qui ont donné naissance aux castelnaux ouverts.

D’autre part, l’absence de contraintes naturelles et de murailles a permis à ces castelnaux d’avoir des plans très différents de ceux que l’on rencontre dans les castelnaux fermés. Si la position du château joue toujours un rôle, celui-ci est moindre que celui exercé par les principaux axes de circulation. À la fin du XVIIIe siècle, ces villages sont aussi beaucoup plus étendus que les castelnaux fermés dont certains, pour survivre, sont alors sortis de leurs murailles. Enfin, les rues sont plus larges et les maisons s’ordonnent parfois autour de véritables places.

Auros, Grignols et Castets sont ainsi des villages-rues de 300, 450 et 600 m de long, avec des carrefours à chacune de leurs extrémités qui leur donnent l’allure d’un X étiré ou d’un double T, le château occupant soit le sommet ou l’un des angles aigus comme à Auros et Castets, soit une des extrémités comme à Grignols (fig. 5, 7, 11). Mais, à Grignols, la largeur de la rue principale est telle qu’elle a permis l’implantation de halles en son centre. À Villandraut, l’agglomération épouse la forme d’une équerre de 300 m de côté dont le château neuf occupe le sommet mais, sur chacune des branches, l’habitat se répartit le long de larges places bordées de rues plus ou moins parallèles (fig. 13). À Noaillan, elle affecte, en gros, une forme radiocentrique, autour d’une place naguère occupée par l’église paroissiale et non à partir du château qui est excentré (fig. 12). En fait, comme le prouve la comparaison avec un hameau de la même commune, ce plan résulte de l’intersection de la route de Villandraut à Preignac et de celle de Noaillan à Bazas ; il s’agit donc en partie d’un village carrefour. Plus curieux encore est le plan de Lerm où une faible partie de l’habitat s’est établie sur une rue tangente à l’emplacement de l’ancien château et à l’église, tandis qu’à quelque deux cents mètres de là un autre village se développait autour du champ de foire.

Au niveau du parcellement, on retrouve une aussi grande variété qui reflète, d’ailleurs, celle des plans : forme carrée et ramassée des parcelles à Villandraut, allongée dans les villages-rues, désordonnée à Noaillan. Mais il est un parcellement qui frappe par sa régularité : c’est celui de Grignols qui résulte sans aucun doute d’une série de lotissements72 (fig. 11), hypothèse que l’on ne saurait totalement exclure non plus dans le cas de Castets et celui de Villandraut.

Lorsque nous avons évoqué l’histoire des châteaux à proximité desquels s’étaient développés les castelnaux, nous avons envisagé le cas où la forteresse aurait migré, entraînant avec elle le déplacement d’un castelnau ; l’hypothèse peut être retenue dans le cas d’Aillas. Mais, même lorsque le château a continué à occuper le même site, il a pu soit se dédoubler comme à Roquetaillade et Villandraut, soit se déplacer légèrement, soit surtout accroître son assiette. Il est ainsi certain qu’à Roquetaillade et Cazeneuve il y eut un premier castelnau ouvert ou fermé, qui fut bouleversé lors des travaux du début du XIVe siècle. Mais, le même phénomène d’oblitération a fort bien pu se produire aussi au détriment de castelnaux du début du XIVe siècle ou même antérieurs, à la suite de destructions de la fin de l’époque médiévale ou du début de la période moderne.

Telle nous semble avoir été la destinée de Castets-en-Dorthe (fig. 5). Le plan aéré du village du XIXe siècle, ainsi que l’absence de fortifications font songer à une fondation du type de celle de Grignols, remontant tout au plus au XVIe siècle. Or, il ne fait aucun doute qu’il y a existé un bourg à proximité du château, dès le XIIIe siècle, sinon avant73. Pour L. Drouyn, il y avait eu à Castets un village fortifié dont il pensait avoir reconnu les arrachements des murailles de l’enceinte, greffés à celle du château74. Or, dans les dernières années du XVIe siècle, Jean IV de Fabas, seigneur de Castets, un des chefs des Réformés, fit procéder à des aménagements autour de la forteresse du XIVe siècle, établissant en particulier des bastions ; dans un mémoire, il est vrai très postérieur, il est accusé d’avoir fait raser plusieurs maisons qui étaient aux environs du château, ainsi que l’église – mais pour la remplacer par un temple75. Il est probable que ces démolitions furent en partie motivées par la modernisation des défenses du château ; à cette occasion, la coupure entre le château et le village fut certainement accentuée. D’autre part, le château fut assiégé à deux reprises en 1586 et il n’est pas douteux qu’à cette occasion le bourg en souffrit. Sans qu’on puisse affirmer – faute de documents probants – qu’il y ait eu un bourg fermé à Castets, il ne fait aucun doute, en tout cas, que le village tel qu’il apparaissait au début du XIXe siècle était très différent du castelnau du XIVe siècle.

Le classement que nous venons de proposer des castelnaux du Bazadais ne saurait être considéré comme définitif : la part des hypothèses reste, en effet, très grande. Nous nous permettrons d’en suggérer encore deux pour essayer de rendre compte de l’évolution des castelnaux de Noaillan et Villandraut. Nous nous demandons ainsi si Villandraut n’aurait pas été, au début du XIVe siècle, un castelnau fermé dont l’enceinte aurait été ultérieurement abandonnée, lorsque le village se développa entre le château vieux et le château neuf76 (fig. 13) ; quant à Noaillan, ne serait-ce pas un castelnau fermé qui se serait vidé au profit du bourg né autour de l’église selon un processus ébauché à Captieux77 (fig. 12).

C’est volontairement que nous avons laissé de côté pour l’envisager de manière globale, le double problème du nom des castelnaux et de leur insertion dans le réseau paroissial. Nous avons vu que, lorsque furent implantés les châteaux qui allaient donner naissance à des castelnaux, le réseau paroissial était presque définitivement organisé. Le développement des castelnaux allait provoquer un bouleversement de ce réseau mais non d’une manière uniforme : tantôt le castelnau a accédé à la majorité paroissiale, tantôt il n’a pas réussi à provoquer de sécession. Deux facteurs ont joué dans ce processus : la distance séparant les châteaux des églises paroissiales et la destinée du castelnau. Nous avons vu que la distance entre châteaux et églises allait de 200 m à plusieurs kilomètres. D’une manière générale, plus l’éloignement du castelnau est grand plus la promotion paroissiale s’est trouvée favorisée ; mais encore fallait-il que l’importance du castelnau la justifiât. En tout cas, lorsque le château se trouvait à proximité de l’église paroissiale, il n’y a pas eu de sécession et le castelnau a pris le nom de la paroisse ; c’est ainsi que l’on a des castelnaux à noms gallo-romains, tels que ceux de Langon, Noaillan et Meilhan établis sur des sites antiques ou à proximité. Mais, dans le cas de Villandraut et celui d’Aillas, malgré la faible distance entre l’église et le château, le nom du château s’est imposé : Villandraut qui était déjà au XIIIe siècle le nom de la forteresse familiale des Got s’est substitué à Saint-Martin-de-Got et Aillas à Mouchac, bien que dans ce cas le castelnau ait échoué, mais on ne doit pas oublier que le nom du château était aussi celui de la juridiction78. On ne s’étonnera donc pas des conséquences qu’a pu avoir sur la carte paroissiale le développement de castelnaux éloignés du chef-lieu paroissial. Si le déclin de celui de Roquetaillade empêcha la chapelle Saint-Michel d’être promue au rang paroissial79, en revanche, les églises de Notre-Dame de Casteljaloux et de Bouglon devinrent des foyers paroissiaux détachés de Saint-Gervais et de Saint-Étienne d’Argenton, dès le début du XIIe siècle80. Ce fut probablement aussi le cas de celle de Notre-Dame de Lerm, fille de Saint-Seurin de Goualade81. Mais, si Notre-Dame d’Auros devint annexe de Saint-Germain au XVIe siècle, elle le resta jusqu’à la Révolution82. Castets dont l’église était dédiée à saint Louis constitue un cas particulier : il n’est pas du tout sûr, en effet, que l’église détruite par Fabas au XVIe siècle ait été déjà placée sous ce patronage83 ; en tout cas, la paroisse découpée dans celle de Mazerac remonte au moins au début de l’époque moderne.

C’est donc la plus grande variété qui règne en Bazadais sur le plan de l’évolution toponymique et topographique : ou bien l’ancienne paroisse devenue commune intègre le castelnau, soit en conservant son nom (Meilhan, Langon, Noaillan)84, soit en adoptant celui du castelnau (Aillas85, Villandraut et peut-être Captieux), ou bien une nouvelle paroisse apparaît, érigée ensuite en commune (Lerm, Bouglon), absorbant parfois à ce moment-là le territoire de l’ancienne paroisse-mère (Castets-Mazerac ; Auros-Saint-Germain) ou celui d’une paroisse voisine (Bouglon-Bouglon-vieux)86 dont le chef-lieu devient alors un simple hameau ou un écart. Grignols constitue un cas particulier, puisque le castelnau érigé en commune à la Révolution continua à dépendre jusqu’au milieu du XIXe siècle de la paroisse de Flaujac qu’il avait absorbée (fig. 15). La nouvelle église consacrée en 1857 fut dédiée – signe des temps – à l’Immaculée Conception87. Mais, si l’on excepte l’église de Castets placée – on ne sait trop dans quelles circonstances – sous le patronage de saint Louis, toutes les autres chapelles castrales devenues églises de castelnaux sont dédiées à saint Michel-Roquetaillade, Noaillan88 ou à Notre-Dame-Lerm89, Casteljaloux, Bouglon, Auros90.

Les questions que suscite cette approche des castelnaux bazadais sont évidemment multiples, mais elles se ramènent à trois : quelle est leur origine ? Pour quels motifs ont-ils connu un destin aussi varié ? Quelle place occupent-ils en Bazadais dans le mouvement de groupement ou de regroupement de l’habitat ?

Aborder le problème des origines c’est, tout d’abord, se pencher sur les circonstances dans lesquelles sont nés les castelnaux. Se trouve-t-on en présence de bourgades apparues spontanément ou bien les châtelains par contrainte ou par concession d’avantages aux futurs habitants ont-ils pris l’initiative de fonder des villages autour de leurs châteaux ? Question essentielle, mais comment y répondre en l’absence de toute charte de fondation ? Peut-on conclure en particulier de la régularité d’un parcellement à un lotissement dirigé par une autorité seigneuriale ? Certainement pas. Par ailleurs, le problème des origines ne saurait être réduit au seul temps de la fondation, en admettant qu’il y en ait eu : en effet, un même castelnau a fort bien pu connaître à des époques même rapprochées un développement tantôt spontané, tantôt dirigé. Dans ces conditions, plutôt que de tenter un classement artificiel et hasardeux entre castelnaux dirigés et castelnaux spontanés, vaut-il mieux s’attacher à rechercher les principaux facteurs qui ont pu motiver l’apparition puis soutenir le développement des castelnaux. Compte tenu de l’état vraiment médiocre de la documentation dont nous disposons et de l’absence de toute enquête du même ordre portant sur les régions voisines – Bazadais septentrional, Bordelais, Landes, sud de l’Agenais – ce ne sont pas d’ailleurs des conclusions, mais seulement des réflexions que nous proposons.

Mais il convient, tout d’abord, de faire deux remarques : bien qu’on ne doive pas exclure a priori la fondation forcée – dont nous avons un remarquable exemple à Duras aux confins du Bazadais et de l’Agenais91[91] – il ne semble pas qu’aucun des castelnaux du sud du Bazadais ait eu une telle origine. Cependant, il n’est pas du tout impossible que les seigneurs de Cazeneuve et de Roquetaillade aient, au XIVe, siècle pris des mesures pour faire participer à la construction des murailles des castelnaux, tous les habitants de leur juridiction92. En second lieu, il n’est pas douteux, comme en témoignent les coutumes de Meilhan et celles de Bouglon93 ou tel mémoire sur la seigneurie de Grignols94 que les seigneurs, par des mesures appropriées de diverse nature, aient essayé d’inciter des hommes de leur seigneurie ou d’ailleurs à venir résider au castelnau, une fois celui-ci amorcé. Cependant, on ne saurait voir dans les coutumes de Meilhan et de Bouglon des chartes de fondation : celles de Meilhan, en particulier, ne nous paraissent témoigner que de la restructuration d’un habitat ancien et de son développement sur une initiative, en partie seulement seigneuriale95.

Ces remarques faites, une première constatation s’impose : il n’est pas de castelnau, quelle que soit l’époque à laquelle on se place, du moins à partir de 1250, lorsque la documentation devient suffisante, dont le château ne soit le chef-lieu d’une juridiction96. Faut-il y voir une simple coïncidence ou, au contraire, doit-on considérer que les seigneuries châtelaines et justicières étaient plus aptes que d’autres à donner naissance à un castelnau ou à favoriser son développement ? Cette dernière hypothèse est certainement la plus vraisemblable. Il suffit pour s’en rendre compte de considérer le cas des deux castelnaux les plus récents, ceux de Villandraut et de Grignols : à Villandraut, la concession par les Albret de la seigneurie haute justicière sur la paroisse précéda, semble-t-il, la construction du château neuf97 ; à Grignols, la reconstruction du château est probablement contemporaine de l’acquisition par Jean de Grignols le 25 avril 1608, de la justice de Loutrange du cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux. Cette justice s’ajoutant à celle de Grignols plaça le château à la tête d’une circonscription de quatorze paroisses et demi98, la plus importante du Bazadais après la prévôté de Bazas. Dans les deux cas, l’essor ou la naissance du castelnau est postérieure à la construction du château nouveau et à l’érection ou au renforcement de la juridiction : il ne peut s’agir d’une simple coïncidence.

Par ailleurs, s’il est vrai, d’une part, qu’un petit nombre de châteaux, chefs-lieux de juridiction parfois très anciens – tels Castelnau-de-Mesmes ou de Cernès – n’ont pas donné naissance à des castelnaux mais seulement à des habitats groupés de “substitution” – tel celui de Saint-Symphorien99 en Cernès – et si, d’autre part, certaines justices seigneuriales d’origine moderne et de modeste importance n’ont pu hisser leur chef-lieu au rang de bourgade, même à la fin du XVIIIe siècle, il n’est pas, en revanche, un bourg, si modeste soit-il, qui, à la veille de la Révolution, ne soit le siège d’une justice et cela quelle que soit l’origine de l’agglomération100. On ne saurait donc nier le rôle que l’existence d’un détroit a pu jouer dans la genèse et le développement des castelnaux. On est ainsi en droit de se demander si l’essor de certains castelnaux n’a pu coïncider avec l’établissement de la carte des juridictions telle que nous la connaissons en gros pour le milieu du XIIIe siècle et si, à cette occasion, certains habitats subordonnés à des mottes ne disparurent pas, abandonnés en même temps qu’elles101. Mais ce phénomène n’est peut-être pas lui-même sans lien avec un autre, indiscutable celui-ci, le chasement des vassaux par des seigneurs châtelains.

Plusieurs témoignages, même s’ils sont souvent fragmentaires ne laissent, en effet, aucun doute sur le rôle joué dans la naissance et le développement des castelnaux antérieurs au milieu du XIIIe siècle par les milites castri : à Meilhan102, il fut sans doute essentiel, de même qu’à Bouglon, Cazeneuve et Roquetaillade, mais ces milites n’étaient pas absents à Aillas et peut-être non plus à Noaillan103.

Dans certains castelnaux cela se traduit par l’existence d’un véritable bourg des chevaliers, ailleurs, par la présence de maisons nobles dans la “ville” : ainsi, à Meilhan, des maisons de chevaliers sont-elles attestées dans le “castel” qui ne peut-être, pensons-nous, qu’un bourg fortifié réservé aux milites104 ; à Roquetaillade, au XVe siècle encore, des nobles reçoivent des emplacements dans la ville105 ; à Cazeneuve on pouvait voir au XVIe siècle une tour dite de Lusignan à l’intérieur des murailles, mais elle était probablement beaucoup plus ancienne106.

Or, si certains de ces milites ne possédaient à l’intérieur du castelnau qu’une maison ou une tour – ce qui est le cas dans les exemples précédents de Cazeneuve et Roquetaillade et dans un autre à Aillas au début du XIVe siècle107 – d’autres paraissent avoir aussi tenu en fief une partie du sol du castelnau ; nous en avons la preuve formelle pour Meilhan108. À Bouglon, lors de la reconnaissance faite, en 1274, au roi-duc par certains membres de l’universitas du lieu, plusieurs d’entre eux exceptent des biens tels que sols et maisons situées à l’intérieur du castrum et tenus de seigneurs fonciers. Certains de ces seigneurs, des roturiers apparemment, sont d’ailleurs membres de l’universitas et c’est à ce titre qu’ils font leur propre reconnaissance. Mais il en est d’autres, des nobles ceux-là, qui rendent hommage par groupes de parçonniers pour ce qu’ils ont dans le castrum de Bouglon ou pour leur part du castrum109. Leur situation n’est, cependant, pas très claire et nous nous interrogeons pour savoir s’il s’agit de coseigneurs ou de descendants d’anciens milites castri.

Il semblerait, en tout cas, d’après les quelques exemples que nous avons pu recenser, qu’il y ait eu une assez grande diversité de situations en matière foncière parmi les milites castri : si le cas le plus répandu a été peut-être celui du chevalier possédant une maison noble dans le castrum et un fief dans la seigneurie, certains d’entre eux ont pu aussi posséder une portion du sol du castrum. Mais, comme on peut le constater dans le cas de Cazeneuve, il s’en faut que tous les vassaux d’une seigneurie – castelnau aient été possessionnés d’une manière ou d’une autre à l’intérieur des murailles de la “ville”110.

S’il existe sans aucun doute un lien entre la naissance de certains castelnaux et la constitution de ces groupes de milites castri, en définir la nature constitue une entreprise délicate ; pour pouvoir y répondre il importerait, d’abord, de connaître la condition antérieure de ces chevaliers : alleutiers qui rentrèrent à cette occasion dans le cadre féodo-vassalique ou simples chevaliers que le seigneur s’attacha ainsi définitivement. Mais s’il s’assurait ainsi plus de fidélité et de puissance, quel fut pour le seigneur-châtelain le coût de l’opération : il fut certainement faible s’il n’y eut que concession d’un sol dans le castrum ; il n’en fut pas de même si cette concession comporta aussi le découpage d’un fief dans la réserve seigneuriale111. L’attribution à certains milites d’une portion des revenus fonciers du castrum constituait à cet égard une solution moins dangereuse pour l’intégrité du patrimoine.

Il est vraisemblable que ces procédés furent aussi utilisés pour chaser les cadets des familles châtelaines : ainsi, à Roquetaillade, figurent des La Mote parmi les milites castri, ce qui n’a pas empêché d’ailleurs l’existence d’une coseigneurie112 que l’on retrouve aussi à Castets113 et peut-être aussi, avons nous vu, à Bouglon. À Noaillan, en revanche, il n’y eut, semble-t-il, jamais qu’un seul seigneur, mais nous ignorons quelle fut la condition exacte des autres membres de la famille114[.

Si l’existence d’un castelnau, en accroissant les revenus de la seigneurie, a pu empêcher une dégradation des ressources de chacun des coseigneurs, permettre le chasement de vassaux, éviter le morcèlement ou l’inféodation des patrimoines ruraux, faut-il y voir une simple coïncidence ou, au contraire, la preuve que les castelnaux ont été fondés en vue d’apporter une solution à ces divers problèmes. Si tel a pu être le cas dans d’autres régions115, rien, en tout cas, ne permet de l’affirmer pour le Bazadais ; en particulier, le développement du groupe des milites castri n’est qu’un des aspects de la féodalisation de la société et, s’il a constitué à une certaine époque – à partir du dernier tiers du XIe siècle – un des éléments majeurs de certaines populations castrales, on ne saurait, à notre avis, voir dans cette institution l’essence même du castelnau.

Même s’il est beaucoup plus apparent, le rôle qu’a pu jouer dans la naissance et le développement des castelnaux médiévaux, la construction ou la présence d’une enceinte est, lui aussi, délicat à apprécier, dans la mesure où nous ignorons presque toujours tout des circonstances dans lesquelles ces enceintes furent édifiées ; en particulier, on ne sait rien sur les premières enceintes castrales. Mais, partant de mentions contenues dans certaines coutumes et de témoignages archéologiques, on peut tenter de mesurer la part du facteur défensif dans le développement des castelnaux, en distinguant bien sûr castelnaux ouverts et fermés.

À propos de ceux-ci, plusieurs questions se posent : un habitat même modeste existait-il autour du château avant que ne fût édifiée la première enceinte ou bien celle-ci accompagna-t-elle ou même précéda-t-elle l’implantation d’un premier habitat ? Dans quel but le châtelain fit-il entreprendre cette clôture : fut-ce pour renforcer les défenses propres de son château ou pour attirer des habitants au castelnau ? Quel rôle ceux-ci jouèrent-ils et quelle fut leur contribution à la construction puis à l’entretien de l’enceinte ?

Confrontés à une documentation médiocre ou inexistante nous ne pouvons apporter que de modestes éléments de réponse à ces multiples interrogations. Ainsi nous contenterons-nous d’évoquer les deux seuls cas sur lesquels nous disposons de quelques renseignements, d’ailleurs difficiles à interpréter, ceux de Meilhan et de Roquetaillade. À Meilhan, d’après le préambule des coutumes, le seigneur aurait fait appel aux chevaliers et aux bourgeois des terres environnantes lorsqu’il voulut clore le “castel” et le “borg” – c’est-à-dire le bourg des chevaliers et celui des bourgeois116. On ne saurait voir dans cette initiative une fondation a novo, mais simplement la volonté du seigneur de Meilhan de restructurer un habitat ancien et de lui donner un essor nouveau. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, il ne fait aucun doute qu’il y a d’abord eu, chez le châtelain, le souci de protéger les habitants du premier castelnau et indirectement, celui de renforcer les défenses castrales. Qu’alléchés par les coutumes qu’il proposa à ce moment-là, de nouveaux habitants soient venus s’établir, on ne saurait en douter ; mais, il est certain que l’annonce de la construction d’une enceinte et, à plus forte raison, sa réalisation ont aussi exercé une attraction. On peut d’ailleurs se demander si le seigneur ne comptait pas sur cette nouvelle arrivée de résidants au castelnau pour entreprendre précisément la construction de l’enceinte. Certes, il n’est aucunement question dans les premiers articles des coutumes de la contribution des habitants dans ce domaine : il y est seulement fait mention de l’ost et du guet117[117]. En revanche, dans les articles ultérieurs et surtout dans la reconnaissance faite au roi-duc, en 1274, par tous les habitants du castelnau, chevaliers et bourgeois précisent qu’ils sont tenus de garder le castrum et la ville à leurs dépens et de tenir ledit lieu clos de lices, barbacanes et palissades118. Castelnau ouvert dans un premier temps – dont l’existence se conçoit fort bien en fonction du port – Meilhan devint donc assez vite un village fermé ; mais, si l’initiative fut seigneuriale, la réalisation ne fut rendue possible que par l’arrivée de nouveaux habitants. À partir de ce moment la garde et l’entretien de l’enceinte puis de la muraille furent essentiellement l’affaire de la communauté vivant dans le castrum et la ville.

Si l’on en juge d’après le concours des habitants dans ce domaine, il n’est pas impossible qu’un tel processus se soit reproduit à Langon et à Bouglon119 et dans la plupart des premiers castelnaux fermés. Ce fut peut-être aussi le cas au premier castelnau de Roquetaillade. Mais nous savons qu’au début du XIVe siècle, à la suite de la construction du château-neuf et de la rénovation du château-vieux, l’enceinte du castelnau fut en partie déplacée et remplacée par une muraille. Il ne fait aucun doute que cette restructuration du castelnau fut réalisée sur l’initiative des coseigneurs, en grande partie pour réaliser un complexe défensif cohérent. Que devinrent les habitants dans cette affaire et quel rôle jouèrent-ils ? Ainsi que nous le savons par des textes plus récents, non seulement les résidants du castelnau mais tous les habitants de la juridiction étaient astreints au guet et à l’entretien des murailles – point dont ils contestaient d’ailleurs la légitimité à la fin du XVIe siècle120. Bien que la disparition des archives de Roquetaillade laisse une part de doute, on n’a tout de même pas l’impression que la rénovation du castelnau au XIVe siècle fut, comme à Meilhan au XIIe siècle, accompagnée d’une véritable politique de peuplement. Que les murailles de Roquetaillade aient au XIVe et XVe siècles joué un rôle de refuge est l’évidence et il est logique que tous les habitants de la juridiction aient été associés à son entretien. Mais n’est-ce pas la preuve indirecte que la population du nouveau castelnau n’était pas à la mesure de ses murailles. Cette impression est renforcée par l’abandon du castelnau dès le XVIe siècle.

À la lumière de ces deux exemples, il semble qu’on puisse distinguer en Bazadais deux types de castelnaux fermés lorsqu’on considère le rôle qu’a joué leur enceinte dans leur histoire. Dans la plupart des cas – Meilhan, Bouglon, Langon, Casteljaloux – la construction de l’enceinte a pu s’accompagner d’un nouveau peuplement. Mais, même si à ce moment-là elle a exercé un réel pouvoir attractif, l’existence d’un habitat plus ancien et le maintien de la population à l’intérieur des murailles jusqu’à notre époque prouvent que les habitants trouvaient d’autres avantages à résider dans le castelnau et en particulier celui d’exercer sans inconvénient leurs activités. En revanche, dans les castelnaux restructurés du XIVe siècle – nous songeons surtout à Roquetaillade et Cazeneuve, mais il y a d’autres exemples dans le nord du Bazadais comme à Pommiers – si les nouveaux aménagements défensifs ont pu, aux périodes troubles du XIVe et du XVe siècles, susciter aussi un peuplement nouveau, celui-ci ne fut que conjoncturel et temporaire. Ce caractère, joint à d’autres facteurs, situation parfois, site toujours, rend compte finalement de leur abandon ultérieur.

Si, sous des formes différentes, le facteur défensif a certainement joué un rôle dans le développement des castelnaux fermés, que faut-il penser lorsqu’on se trouve en présence de villages restés apparemment ouverts ? Il convient, bien sûr, de mettre à part le cas de Grignols pour lequel, compte tenu de l’époque de sa fondation – la première moitié du XVIIe siècle – un tel facteur ne pouvait s’exercer. Peut-être en fut-il de même lorsque, probablement à la même époque, se développa, du moins nous le pensons, le nouveau village de Castets-en-Dorthe. Mais on peut se demander si, compte tenu des développements pris par les défenses du château qui enserrent désormais d’importantes basses-cours, celles-ci n’avaient pas été en partie conçues pour jouer éventuellement un rôle de refuge. Cette impression devient presque une certitude lorsqu’on considère les vastes cours que clôturent les courtines du château d’Auros (0,15 ha) et surtout celles de Noaillan (1 ha) (fig. 7, 12). Dans ce dernier cas, l’importance de la cour n’étant justifiée ni par la configuration du site, ni par les dimensions bien modestes de la forteresse, on est d’autant plus enclin à y voir un refuge temporaire ; mais, si l’hypothèse est vraisemblable, elle n’est pas la seule possible121. À travers ces derniers exemples il apparaît en tout cas, qu’au moins pour l’époque médiévale l’existence du castelnau est liée en Bazadais à la possibilité pour les habitants de se protéger des dangers extérieurs soit de façon directe, grâce à une enceinte ou une muraille, soit de manière indirecte, grâce au voisinage d’une basse-cour castrale.

Il serait, cependant, exagéré de croire que ce fut uniquement le souci de mieux se défendre qui conduisit les hommes à se regrouper auprès du château. Il est certain, en effet, que dans les castelnaux qui en possédèrent – Meilhan et Bouglon – les coutumes concédées aux habitants rendirent leur sort enviable, si du moins ils en furent les seuls bénéficiaires ; car le problème reste posé de l’aire d’application de ces coutumes : bourg clos ou ensemble de la seigneurie. À Meilhan, les circonstances dans lesquelles elles furent concédées témoignent en tout cas de leur caractère attractif. Mais il est bien évident que nombre de castelnaux se développèrent sans que leurs habitants aient – déjà ou jamais – reçu de telles coutumes. S’ils s’y établirent ce ne peut être que parce qu’ils y trouvèrent des moyens d’existence. On est ainsi conduit à poser le problème du pouvoir d’attraction économique des castelnaux et indirectement des châteaux qui les ont précédés ou accompagnés. Quelles activités la vie dans un castelnau était-elle susceptible d’offrir à ses habitants ?

En l’absence de toute documentation sur la composition socio-professionnelle de la population des castelnaux on est plus que jamais réduit aux hypothèses. Qu’il y ait eu parmi les habitants une proportion de cultivateurs d’autant plus importante que l’on remonte dans le temps est une certitude. Mais on ne doit pas oublier non plus que l’on se trouve dans un pays où la dispersion de l’habitat est la règle dès le XIIe siècle ; l’apparition puis le développement du castelnau qui s’insère de manière aberrante dans un cadre paroissial délimité et un finage en partie organisé a forcément entraîné une restructuration partielle de ce finage. Si, à l’époque médiévale, il est impossible d’apprécier un tel phénomène, on ne constate pas à la fin du XVIIIe siècle de différence notable dans l’organisation des finages des paroisses-castelnaux et celui des paroisses voisines où l’habitat se répartit en hameaux et en fermes isolées. Il faut donc qu’une partie de la population des castelnaux ait exercé aussi des activités artisanales ou marchandes.

Cette question se rattache à celle que nous avons soulevée au début de notre enquête, à propos de la situation des châteaux. Ce n’est certainement pas un hasard si la plupart des castelnaux anciens sont établis aux côtés de forteresses où l’on percevait des péages et qui sont les seules où l’on en ait jamais perçu. Péages d’eau de Langon, remontant au XIe siècle et de Meilhan attesté au XIIIe siècle122, péages de terre de Casteljaloux attesté en 1262123 mais aussi de Cazeneuve124, de Roquetaillade125, de Captieux126 et de Villandraut127. Certes, l’existence de ces péages est liée à celle des seigneuries châtelaines et parfois on situe mal en quels points ils étaient perçus. Mais les vigies que constituent certains sites dominant la Garonne, les ponts qui ont dû remplacer les gués de l’Avance ou du Ciron témoignent du caractère effectif du contrôle que les châteaux ont exercé sur le passage des marchandises. Qu’en relation avec cette circulation des hommes et des denrées, des activités spécifiques aient pu se développer autour du château est tout à fait plausible. D’autre part, à Meilhan et Langon, le même port qui permettait de contrôler la navigation, pouvait servir aussi aux habitants du castelnau ; c’est de cette activité portuaire que sont nés en partie les trois castelnaux garonnais. Mais, si ces bourgs marchands se sont établis à proximité des châteaux, c’est bien, on ne saurait en douter, parce que ceux-ci occupaient déjà les meilleurs sites portuaires.

Cependant, plus que ces trafics sur une échelle régionale, ce qui le plus souvent a, selon nous, donné aux castelnaux leur originalité et assuré leur développement, ce fut leur fonction de centre artisanal et commercial. N’oublions pas, en effet, que le Bazadais a toujours été un pays presque exclusivement agricole où l’habitat dispersé fut de règle. Chaque castelnau devint – s’il n’était pas né en partie de cela – pour les cultivateurs des paroisses rurales voisines le lieu où ils pouvaient écouler les produits du sol. Ils y trouvaient d’ailleurs une clientèle qui ne cessa de s’accroître au fur et à mesure où la population des castelnaux fut de plus en plus constituée de commerçants et d’artisans ; c’est ainsi que se développèrent les marchés dont les plus anciens sont attestés dans les coutumes de Casteljaloux, de Bouglon et de Meilhan128. Nous avons vu, d’autre part, que le Bazadais était constitué de petites régions naturelles aux aptitudes agricoles très inégales ; si la vallée de la Garonne et le rebord de la terrasse portaient moissons et vignobles comme le Pays mêlé, dans celui-ci l’élevage des bovins y fut certainement précoce ; en revanche, les pays landais étaient voués à la culture du seigle et du mil et à l’élevage des moutons et des mouches à miel. Ce n’est pas un hasard si les deux castelnaux de Villandraut et de Grignols sont apparus à la limite entre le Pays mêlé et les Landes ; leur essor – et ici les témoignages sont formels – est lié aux marchés et aux foires qui s’y tenaient et qui réunissaient et faisaient se rencontrer des hommes venus de régions aux économies bien différentes : à Grignols, ce sont la halle et l’auberge seigneuriale qui furent les noyaux du bourg129.

Il est, bien sûr, impossible d’établir une quelconque hiérarchie entre les différents facteurs que nous venons d’évoquer ; que ce soit dans la naissance ou bien dans le développement des castelnaux, leur rôle a varié selon les époques et selon les lieux. En fait, c’est à travers la destinée qu’ont connue les divers castelnaux que l’on perçoit le mieux le jeu de ces divers facteurs et que l’on est en mesure de déterminer ceux qui furent prépondérants à leur origine.

Nous avons vu, en effet, que si deux castelnaux s’étaient très tôt hissés au rang de ville et si la plupart avaient connu un développement modeste mais réel, en revanche, trois d’entre eux avaient définitivement disparu à la fin du XVIIIe siècle. La destinée du château a été, bien sûr, pour quelque chose dans celle du castelnau ; mais il n’y a pas toujours parallélisme entre elles, si bien que le château n’a au mieux joué dans cette évolution qu’un rôle de catalyseur. Tous les châteaux, sauf cinq qui ont été abandonnés au plus tard à la fin du XVIIIe siècle – Aillas, Captieux, Lerm, Bouglon, Meilhan – ont conservé, pour certains au moins jusqu’au XVIIe siècle, un caractère résidentiel. Le plus souvent, c’est le cas à Noaillan, Auros, Villandraut, l’édifice n’a subi que des modifications de détail, mais, à Castets, elles furent importantes et à Cazeneuve l’édifice a été entièrement repris au XVIIe siècle. Bien que la nouvelle construction ait été élevée sur les fondations de la forteresse médiévale, elle était de conception totalement différente : ce n’était plus qu’une résidence. C’est aussi ce caractère que l’on s’était efforcé de donner aux châteaux de Villandraut et de Roquetaillade. Or, compte tenu de la qualité des résidants et du contexte sociologique de l’époque, le voisinage d’un château que l’on conçoit de plus en plus entouré d’un parc et celui d’un village devient de moins en moins concevable. Si, à Villandraut, Auros et Castets, la position excentrée du château évitait toute promiscuité, en revanche, à Roquetaillade et Cazeneuve, la configuration des lieux – castelnaux cul-de-sac – la rendait permanente. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le château du XVIIe siècle ait chassé le castelnau.

À Aillas, cependant, il semble bien que ce soit un phénomène opposé, l’abandon du château, qui ait entraîné celui du castelnau, à moins qu’il n’ait fait que le précéder. Car, dans ce cas comme dans ceux de Roquetaillade et de Cazeneuve, les vicissitudes qu’a connues le château masquent, à notre avis, un abandon qui, de toute façon, aurait eu lieu. Lorsque nous avons évoqué les caractères de ces castelnaux, nous avons souligné l’importance des enceintes qu’ils reçurent au début du XIVe siècle ; leur présence est due à l’insécurité de l’époque, mais elles témoignent aussi de la part des familles de la Mote et d’Albret d’une politique de prestige qu’une récente ascension avait, à la fois, permise et presque imposée. Or, si les sites de ces castelnaux présentaient certains avantages pour la défense, ils en offraient, en revanche, beaucoup moins pour la vie d’échange et de relation ou tout simplement pour la vie rurale ; il est symptomatique à cet égard qu’en 1575 les habitants de la paroisse de Mazères aient refusé de contribuer à la réparation des murailles du castelnau de Roquetaillade. La transformation de la “ville” en parc n’a donc fait que masquer ou accélérer un phénomène de désertion lié au caractère essentiellement défensif du castelnau.

Or, à des degrés divers, ce processus a menacé tous les castelnaux fermés pour lesquels la ceinture de remparts devenait un carcan et dont le site se trouvait concurrencé par un autre, proche, mais plus favorable au déroulement des activités des habitants du village. C’est progressivement, au fur et à mesure où les périodes de paix devenaient plus longues et plus assurées que l’évolution se produisit : entre le milieu du XVe et celui du XVIe siècle et surtout à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. On a ainsi assisté – sauf dans le cas de Roquetaillade – à un véritable transfert de population au profit d’un autre bourg mieux situé : ainsi, à Aillas, la disparition de la ville correspond au développement d’un nouveau bourg à 500 m de là, autour de l’église de Mouchac, sur un site plat où l’eau était abondante (fig. 15). À Captieux, où le castelnau est beaucoup plus proche de l’église, il se maintient, car il est traversé par la grand route, mais un bourg se développe autour de l’église ; au début du XIXe siècle, il est devenu le plus important (fig. 10). À Cazeneuve, bien que la relation reste à établir, il est vraisemblable que l’essor du bourg de Préchac fut accéléré par le déclin de la ville, condamnée définitivement par la transformation du château (fig. 1). Les excroissances de Bouglon et de Meilhan se sont produites en continuité avec le castelnau mais, en quelque sorte, en lui tournant le dos, à partir et en fonction des axes de circulation. Ces déplacements d’habitat, ces excroissances, de même que le développement pressenti – sauf dans le cas de Grignols où il est bien prouvé – des castelnaux ouverts qui se sont produits aux XVIIe et XVIIIe siècles sont bien la preuve que ces castelnaux avaient rempli et continuaient à remplir – parfois par l’intermédiaire d’un bourg neuf – une fonction économique sur un plan parfois régional, en tout cas comme centre de production artisanale et d’échanges locaux.

En abordant cette enquête sur les castelnaux du Bazadais, nous avons signalé la place essentielle qu’ils occupaient parmi les formes d’habitat groupé de ce petit pays. Il convient, maintenant de la préciser et de tenter d’en rendre compte.

Parallèlement à la formation des castelnaux, le Bazadais méridional a connu aussi du XIIe au XIVe siècle plusieurs tentatives d’implantation de nouveaux centres de peuplement : sauveté de Lagardère, fondée avant 1130 dans la paroisse de Cours par les moines de La Sauve130, bastide de Montpouillan qui reçut, en 1265, des coutumes de la reine Aliénor, confirmées deux ans plus tard par le Prince Édouard131, bastide de Samazan, attestée en 1338, que l’on vient d’identifier avec le site de La Bourgade132. Or, sans parler des bastides avortées de Lados (1281) et de Saint-Sauveur (1318-1323) toutes deux ducales133, les noyaux de peuplement qui se constituèrent à Lagardère, Samazan, et Montpouillan ne dépassèrent probablement pas le cap du milieu du XVe siècle134. Ce fut aussi le sort que connut la tentative faite, en 1255, par le prince Édouard en vue d’établir à Cocumont un établissement qui n’était plus un castelnau et qui n’était pas encore une bastide135.

Ainsi, à l’exception – et encore – de la sauveté de Casteljaloux et du bourg prieural de Notre-Dame-du-Bourg, à Langon, toutes les initiatives prises en Bazadais afin d’implanter de nouveaux centres d’habitat groupé ont échoué. Bien que la discrétion des textes ne permette pas d’être aussi affirmatif, il ne semble pas, par ailleurs, que les habitats groupés spontanés aient été nombreux en dehors des castelnaux ; pour la période médiévale, les seuls que l’on puisse considérer comme probables, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, sont : Pondaurat, établi autour d’une commanderie d’Antonins sur une voie jacobite ; Hure, héritier sans aucun doute d’une villa gallo-romaine abusivement qualifiée de bastide136 ; peut-être Uzeste, d’abord lieu de pèlerinage, puis à partir du début du XIVe siècle siège d’une collégiale ; enfin, Couthures, possession de l’archevêque de Bordeaux et port sur les bords de la Garonne. Au cours de l’époque moderne, de nouveaux villages sont apparus, tels ceux de Savignac, Antagnac, Cocumont et ceux de Préchac, Aillas et Saint-Symphorien, soit en tout dix, alors que nous avons relevé quatorze castelnaux137.

Mais, à la fin du XVIIIe siècle, les castelnaux ne l’emportent pas seulement par leur nombre ; ils constituent, aussi, les agglomérations villageoises les plus importantes. Lorsqu’il fallut choisir parmi les bourgades du Bazadais celles qui allaient devenir chefs-lieux de canton, à côté des villes de Bazas, Langon et Casteljaloux, on retint Bouglon, Meilhan, Grignols, Captieux, Noaillan remplacé ensuite par Villandraut et Aillas auquel on substitua plus tard Auros, enfin Saint-Symphorien. À cette dernière exception près, le choix ne se porta donc que sur des castelnaux, en raison de l’importance de l’habitat groupé au chef-lieu, mais aussi parce qu’ils étaient auparavant le siège de justices seigneuriales et celui de foires et marchés.

Sans doute convenait-il de conduire l’exposé jusqu’à ce point pour bien saisir la prééminence des castelnaux parmi toutes les formes d’habitat groupé du Bazadais, du milieu du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Celle-ci tient, tout d’abord, au fait qu’ils ont constitué chronologiquement la première forme de regroupement de l’habitat ; en second lieu, à l’existence, dès le milieu du XIIIe siècle, d’un réseau de castelnaux correspondant à des chefs-lieux de châtellenie et de seigneurie justicière. Au moment où commence la période de fondation des bastides, les châtelains éprouvèrent d’autant moins le besoin de créer des établissements nouveaux que la plupart de ces castelnaux jouissaient, en raison de leur situation, d’une bonne santé économique. On comprend ainsi que seul ou presque le roi-duc ait essayé d’établir des bastides ; mais il arrivait trop tard. Rejetées dans des zones marginales, à la périphérie des seigneuries hautes justicières, toutes les tentatives furent vouées à l’échec sauf, mais de manière indirecte, celle de Cocumont138. D’autre part si, au début du XIVe siècle, certains castelnaux connurent une promotion, en raison du développement de leurs murailles, une fois la paix revenue, s’ouvrit pour eux la voie du déclin. En revanche, en fonction d’une réorganisation des seigneuries, de nouveaux castelnaux purent se développer à l’époque moderne dans des régions de contact, mal pourvues en petits centres commerciaux.

Si, à l’origine des castelnaux du Bazadais et au cours de leur développement, s’exercèrent des facteurs conjoncturels tels que le chasement des vassaux, l’ascension de certaines familles châtelaines ou l’insécurité, surtout aux XIVe et XVe siècles, en revanche, il en est deux autres qui à leurs débuts et tout au long de leur histoire furent, à notre avis, prépondérants : l’un “politique” qui a fait des castelnaux des chefs-lieux de seigneuries châtelaines et justicières, puis de justices seigneuriales, enfin de cantons ; l’autre économique qui leur a fait jouer un rôle de centre commercial et artisanal de plus en plus accentué avec le temps. Mais de ces deux fonctions, la seconde n’a cessé non plus de l’emporter sur la première ; c’est à son déclin que l’on doit la désertion progressive de certains castelnaux à l’époque moderne et, en relation avec l’exode rural, celle qui a commencé à se produire il y a plus d’un siècle et qui semble nous conduire à une seconde génération de castelnaux désertés139 ; à moins que ne se développe sous une forme nouvelle la fonction résidentielle.

Notes

  1. Voir l’excellente mise au point de M. Ch. Higounet, Pour l’histoire de l’occupation du sol et du peuplement de la France du Sud-Ouest du XIe au XIVsiècle, dans Paysages et villages neufs, Bordeaux, 1975, p. 373-397. La seule étude à ce jour traitant des castelnaux en Aquitaine est celle de M. B. Cursente, Châteaux et peuplement en Gascogne (Gascogne gersoise) aux XIe, XIIe, XIIIe siècles, thèse de 3e cycle, Bordeaux, 1978.
  2. Voir M. Bochaca, L’habitat rural du pays de Belvès vers 1360, à la suite. Cette étude constitue pour l’Aquitaine la première approche méthodique du phénomène.
  3. L’occupation du sol en Bazadais méridional au cours de la période médiévale a fait l’objet de deux études : l’une de Mlle E. Traissac, Le peuplement et la vie rurale du Bazadais jusqu’à la guerre de Cent Ans, D. E. S., 1954, Bordeaux, l’autre de Mlle B. Duffau, L’occupation du sol et le peuplement de la région de Bouglon, T. E. R., 1974, Bordeaux. Mais, il y a vingt-cinq ans, les castelnaux n’attiraient pas encore l’attention des chercheurs et la seconde de ces études ne concerne qu’une région limitée. Aussi, considérons-nous cette enquête sur les castelnaux du Bazadais méridional comme seulement une approche du phénomène. Dans l’impossibilité où nous nous sommes trouvé de nous référer à des monographies, nous avons été obligé de décrire sommairement chaque castelnau et d’en donner un plan ; par ailleurs, sur le plan de l’interprétation, la part des hypothèses reste grande. Seules quelques bonnes monographies – lorsqu’il est possible de les réaliser – et surtout des études portant sur des régions voisines (Agenais, nord du Bazadais, Bordelais et Landes) permettront de mieux cerner l’ensemble du phénomène et d’en préciser les aspects locaux.
  4. Ouvr. cité, en part. p. 171. L’auteur, partant de ces critères qui restent un peu diffus dans le corps de l’ouvrage, oppose le castelnau à l’habitat subordonné à un château mais spontané.
  5. Si nous nous en tenions strictement aux critères de fondation ou de restructuration proposés par M. Cursente, il n’y aurait qu’un seul castelnau en Bazadais, celui de Meilhan. Car pour les autres habitats castraux subordonnés on ne dispose d’aucun document attestant de l’une ou l’autre.
  6. Nous avons utilisé les cartes de Cassini et de Belleyme ainsi que la série des plans cadastraux du début du XIXe siècle. Sauf pour Langon et Casteljaloux nous n’avons pas retrouvé de plans antérieurs à 1800 et une seule vue, celle de Captieux en 1612. Particulièrement utile reste l’ouvrage de L. Drouyn, La Guyenne militaire, Bordeaux, 1865 et essentiel celui de J. Gardelles, Les châteaux du Moyen Âge dans la France du Sud-Ouest, Genève, 1972.
  7. Nous avons entrepris un inventaire des mottes du Bazadais dont la publication est en cours dans les Cahiers du Bazadais.
  8. Le tracé de l’ancien chemin, parfaitement rectiligne, alors que la route actuelle fait un angle obtu, figure sur la carte de Belleyme.
  9. Nous reviendrons plus bas sur les premières mentions de ces châteaux.
  10. L’église paroissiale occupait l’angle nord-est de la place actuelle ; elle fut détruite au début du XIXe siècle.
  11. Cette collégiale vient d’être décrite par M. J. Gardelles, Recherches sur l’ancienne collégiale de Villandraut, dans Les Cahiers du Bazadais, 1971, n° 20-21, p. 50-55. L’église actuelle a été construite sur son emplacement.
  12. Des fouilles furent effectuées sur l’emplacement de cette chapelle par L. Cadis, en 1951 ; elles y ont révélé l’existence d’un ancien cimetière médiéval qui, à notre avis, ne peut être que celui qui entourait l’église Saint-Martin-de-Got, bien qu’une tradition fasse de cette chapelle celle du château – à moins qu’il ne s’agisse de l’ancien château (cf. n. 75). En effet, au XIXe siècle, la place entourant la collégiale était qualifiée d’ancien cimetière : c’est celui qui dut se développer à partir du XIVe siècle.
  13. Et encore certaines de ces dates peuvent-elles prêter à discussion. D’autre part, faute d’étude portant sur les termes castrum et castellum on ne sait trop quelle signification il convient de leur accorder. Pour castrum il semble cependant que le terme signifie au moins château et parfois aussi château et habitat castral, fortifié et subordonné. Pour les quatre premières mentions, cf. n. 43, 45, 46, 48. Pour le castrum de Cazeneuve, cf. Arch. dép. Pyr.-Atl., E 288 ; pour celui de Captieux cf. Rôles gascons, t. I, n° 4389 ; pour celui d’Auros Recogniciones feodorum, éd. Ch. Bémont, 1914, n° 342 ; enfin, pour celui de Noaillan Rec. Feod., n° 178. Mais, les Auros sont connus en 1255 (RG, t. I, n° 4456) et les Noaillan en tant que seigneurs de Noaillan en 1254 (RG, t. I, n° 4285).
  14. L. Drouyn, ouvr. cité, t. Il, p. 269 ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 113 ; J. B. Marquette, les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e trim. 1979.
  15. L. Drouyn, ouvr. cité, t. I, p. 3 et suiv. ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 208-209.
  16. L. Drouyn, ouvr. cité, t. II, p. 401 ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 88. Le donjon figure en A du plan (fig. 7).
  17. P.J. O’Reilly, Essai sur l’histoire de la ville et de l’arrondissement de Bazas, Bazas, 1840, p. 451 ; E. Guillon, Les châteaux historiques et vinicoles de la Gironde, t. II, 1867, p. 465 ; J. Gardelles, ouvr. cité, page 112 ; Arch. Hist. de la Gironde, t. 39, pl. 30.
  18. L. Drouyn, ouvr. cité, t. II, p. 68 ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 154 ; J. B. Marquette, Langon au début du XVIIIe siècle, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 24, mai 1973 (carte hors-texte).
  19. J. B. Marquette, les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 4e trim. 1975, p. 77-81.
  20. J. Gardelles, ouvr. cité, p. 107-108.
  21. E. Guillon, ouvr. cité, t. IV, 1869, p. 232.
  22. À s’en tenir aux seuls vestiges castraux, il ne semblerait pas qu’il y ait eu une forteresse à Noaillan avant le dernier tiers du XIIIe siècle au plus tôt. Mais, comment expliquer dans ce cas l’existence de seigneurs de Noaillan vingt-cinq ans auparavant et surtout celle d’une chapelle castrale différente de celle du village et qui remonte sans le moindre doute au XIIe siècle.
  23. J. Gardelles (ouvr. cité, p. 88) estime que ce qui reste du château pourrait correspondre aux reconstructions consécutives à la guerre de Guyenne ; mais il pense aussi que la maîtresse tour – un donjon sur motte – pourrait remonter à la seconde moitié du XIIIe siècle.
  24. J. Gardelles (ouvr. cité, p. 209) pense qu’aucune des structures du château vieux ne paraît pouvoir remonter au-delà de l’extrême fin du XIIIe siècle.
  25. L. Drouyn, ouvr. cité, t. II, p. 400-401 ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 88.
  26. L. Drouyn, ouvr. cité, t. I, p. 296-297 ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 188.
  27. J. Gardelles, ouvr. cité, p. 114.
  28. J. B. Marquette, les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e trim. 1979.
  29. Cf. n. 38.
  30. J. Gardelles, ouvr. cité, p. 175 ; J. B. Marquette, art. cité, n. 28.
  31. Cazeneuve figure parmi les principales résidences d’Amanieu VII d’Albret (1294-1326) dont on connaît indirectement la politique de construction de châteaux par les charrois de matériaux qu’il imposa aux habitants de ses seigneuries (J. B. Marquette, art. cité, n. 28).
  32. J. Gardelles, ouvr. cité, p. 122 ; Arch. Hist. de la Gironde, t. 39, pl. 30.
  33. À Meilhan si, comme nous le supposons, le “castel” ou bourg des chevaliers attenant vraisemblablement au château occupait l’angle sud-est de l’ensemble fortifié (cf. n. 103) on peut estimer sa surface à 0,20 ha.
  34. Cf. n. 15.
  35. Cf. n. 11.
  36. Il y est question de la “mayson heyte et edificado aqui medich ab las obras qui son ni qui s’y faran” (Arch. de Cazeneuve). Il n’est pas du tout exclu que ce château ait été restauré au XIVe siècle.
  37. L. Drouyn, ouvr. cité, t. I, p. XL-XLII ; J. Gardelles, ouvr. cité, p. 84. La première mention du castrum de Dylans se trouve dans les Rôles gascons, t. I, n° 4169.
  38. J. B. Marquette, art. cité, n. 28. Nous ne partageons pas l’opinion de M. J. Gardelles qui identifie Aillas-le-Vieux avec le bourg aménagé autour du château d’Aillas et qui estime que cette localité était le chef-lieu du pagus Aliardensis mentionné dans la charte de fondation du monastère de La Réole. Nous ne pensons pas non plus qu’il y ait eu un château de Sauviac à Aillas.
  39. En janvier 1314, le roi : Édouard II autorisa R. G. de Got à édifier dans le lieu de Castets-en-Dorthe ou ses dépendances une maison forte (quandam domum fortem) (Rôles gascons, t. IV, n° 1161). Tous les historiens sont d’accord pour identifier cette forteresse avec celle dont on aperçoit les restes au rez-de-chaussée du château actuel (cf. J. Gardelles, ouvr. cité, p. 121). Il n’est pas contestable, par ailleurs, qu’il y ait eu un château à Castets, dès le XIIe siècle ; quant au site occupé par l’édifice du XIVe siècle, il s’impose à tout constructeur de château. Dès lors, on ne voit pas où aurait pu se trouver le premier château de Castets sinon à cet endroit ; mais comment expliquer l’autorisation accordée par Édouard II de construire une maison forte, là où il y en aurait eu déjà une ?
  40. Le château de Grignols n’a guère intéressé les historiens de l’architecture (P.J. O’Reilly, ouvr. cité, p. 350-351 ; E. Guillon, ouvr. cité, t. IV, p. 220-225 ; A. Rebsomen, La Garonne et ses affluents…, Bordeaux, 1913, p. 106-107).
  41. On ne peut que regretter l’absence de toute étude sur les familles nobles du Bazadais dont l’histoire est évoquée au passage par archéologues et historiens de l’art. Or, pour notre propos, cette lacune est grave, car nous ne sommes pas en mesure d’apprécier les relations éventuelles qu’il y a eu entre, d’une part, la destinée des familles seigneuriales et coseigneuriales et de leurs seigneuries et, de l’autre, celle des castelnaux.
  42. J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 3e-4e trim. 1975, p. 33-44, 74-81.
  43. J. B. Marquette, La ville de Langon au XVIIIe siècle, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 25, sept. 1973, p. 30.
  44. Les Franciscains de Casteljaloux sont attestés en 1262 (Arch. Dép. Pyr.-Atl., E 30), les Carmes de Langon, en 1298 (Id., E 19).
  45. Arch. dép. Haute-Garonne, H, Argentens, L 41, cart. de Romestaing, n° 8.
  46. Et hoc donum feci in castro Miliani, in domum Wuillelmi Frozin (Bibl. nat., Coll. Doat, t. LXXVII, f° 190 v°.191 v°) J. B. Marquette, art. cité, n. 42, 3e-4e trim. 1975, p. 43.
  47. Les coutumes de Meilhan conservées dans le Trésor des Chartes d’Albret (Arch. dép. Pyr.-Atl. E 190) ont fait l’objet d’une première édition par Ch. Baradat de Lacaze dans les Arch. Hist. de la Gironde, t. 25, p. 134-149. C’est à celle-ci que nous nous référons. Les circonstances de la concession des coutumes sont exposées dans le préambule. Nous reviendrons sur la distinction entre le “borg” et le “castel” (cf. n. 103).
  48. “El cavaley, et los prodomes de Castet” (Arch. Hist. de la Gironde, t. II, p. 263-264).
  49. Quicquid habent apud Castrum Andorta et in honore, exceptis duabus domibus infra castrum et duobus solis qui movent a genere de Castet (Recog. feod., n° 358).
  50. Arch. dép. Haute-Garonne, H, Argentens, 49-1.
  51. Quartam partem castri de Halhans sine burgo (Rec. feod., n° 240).
  52. Milites sui seu burgenses sui de Roquetaillada (Rec. feod., n° 212).
  53. J. B. Marquette, Le Trésor des chartes d’Albret, (Coll. doc. inéd.), t. I, 1973, n° 412 ; Arch. dép. Pyr.-Atl., E 34.
  54. Il s’en faut, cependant, que tout soit clair dans l’histoire du castelnau de Grignols. Le fait que les halles aient existé au début du XVIIe siècle (Cf. n. 128) permet d’en faire remonter la fondation au siècle suivant, sans plus. Or, il ne fait aucun doute qu’il y ait existé au XVe siècle et peut-être dès le milieu du XIVe siècle une chapelle castrale ; en effet, en 1369-1370, il est question d’un capellanus de Grungambor en Loutrange et au XVe siècle d’un capellanus Sancti Petri de Flauraco, de Granhols, Sancti Johannis de Ausaco, Sancti Martini de Marcelhas (Pouillés des Provinces d’Auch, de Narbonne et de Toulouse, pub. sous la dir. de M. Francois, Paris, 1972, t. 1, p. 445,454). Si, dans le premier cas, l’identification proposée peut prêter à discussion, dans le second, elle ne fait aucun doute. Or, il n’est pas possible qu’il y ait eu une paroisse à Grignols au XVe siècle, car on en aurait relevé d’autres mentions ; d’ailleurs, le fait qu’aucun patron ne soit indiqué dans la pancarte du XVe siècle suggère bien qu’il ne s’agit que d’une chapelle. Mais alors, si on rapproche cette mention de celle de Roquetaillade qui figure dans la même pancarte, pourquoi ne pas supposer l’existence d’un castelnau dont l’emplacement serait à rechercher, en même temps que celui du château contemporain ?
  55. Nous avons relevé la vente, le 15 nov. 1473, par les chanoines d’Uzeste de deux maisons à Noaillan, mais se trouvaient-elles au bourg ? (L. Drouyn, ouvr. cité, t. II, p. 285).
  56. Le terme de villa au sens d’agglomération close apparaît pour la première fois en Bazadais méridional à Casteljaloux, en 1131 (Cf. n. 42). L’existence d’une enceinte est certaine. Il est intéressant de noter qu’à Meilhan dans le préambule des coutumes et dans l’art. 15 (Cf. n. 47) (2e moitié du XIIe siècle) il est question du “borg” et du “castel” qui désignent l’un le bourg des bourgeois et l’autre celui des chevaliers, “castel” étant opposé à “castet” qui désigne, lui, le château. La preuve que “castel” désigne bien le bourg des chevaliers se trouve dans l’art. 15, dans lequel il est précisé que les “sols del castel et de la Roca (le port) et del borc” sont francs pour les chevaliers, mais que pour ceux du “borc” et de La Roca les bourgeois doivent au seigneur un sirmanatge. Or, dans les autres articles qui concernent les habitants du castelnau désormais clos et fortifié, puisque ces coutumes ont été concédées à l’occasion de la clôture, on ne trouve que les expressions “en la vila, dins la vila”. Au milieu du XIIIe siècle, l’administration anglaise utilise pour Meilhan, soit le terme de castrum qui doit désigner à la fois le château et le castelnau fortifié, soit celui de “castrum et villa” (RG, t. 1, n° 2395), expression que l’on retrouve dans les Recogniciones de 1274 (n° 324). Dans ces conditions, on pourrait considérer qu’en 1274 le burgus d’Aillas n’était pas encore clos. Mais on notera qu’à Cazeneuve aussi bien qu’à Roquetaillade, les habitants sont qualifiés en 1241 et 1274 de burgenses, commeceux de Meilhan. Qu’il y ait eu un flottement dans l’usage des termes de villa et burgus, nous pourrions en multiplier les exemples. En tout cas, le terme de villa ou vila va peu à peu s’imposer pour désigner un habitat clos. Au milieu du siècle, Charles II d’Albret se qualifie de dominus ville et castri de Casenova (Arch. dép. Haute-Garonne, H Argentens, 48-2) ; de même, en 1466, il est question de la “vila” de Roquetaillade (Arch. Hist. de la Gironde, t. III, n° 74). Quant aux coutumes de Bouglon, elles concernent la “vila” de Bouglon, les “borcs” et la “honor” (préambule). On en arrive ainsi à la “ville” de Roquetaillade (1575 ; Arch. Hist. de la Gironde, t. XVIII, n° 335) et au toponyme “La Ville” qui figure sur le cadastre d’Aillas et celui de Captieux où il est encore en usage aujourd’hui pour désigner le castelnau, par opposition au bourg ou quartier de l’église, le plus important d’ailleurs.
  57. Si le bourg fut probablement clos dans la seconde moitié du XIIe siècle, il ne s’agissait pas encore d’une enceinte en pierre (cf. n. 33, 47, 103).
  58. On pourrait penser aujourd’hui que le bourg de Bouglon n’était pas clos ; cependant, dans les coutumes, il est plusieurs fois question des murailles : “per cascuna mayson ont aga sol enter dins los murs de la vila” (art. 6) ; “els portaux et las portas, els majors et menors fossatz… totas las claus deus portaus et portas, paucas he grandas et des gisquets de la vila” (art. 47). Ces coutumes sont encore inédites ; nous avons utilisé la copie AA I, E sup. 1212 des Arch. dép. de Lot-et-Garonne. Une présentation et une analyse sommaire figurent dans Champollion-Figeac, Documents inédits, t. I, 1841, p. 330. Il existait encore au début du XIXe siècle, “quelques pans de l’enceinte” (Ibid.). Dans les Recogniciones, Boglonium fortacehet est opposé à Boglonium vetus (n° 364).
  59. Le 24 nov. 1314, Senheron d’Arquintan fait hommage au sire d’Albret d’un cazal situé à la Porta Brugueyra, sous le mur d’Aillas (Arch. dép. Pyr.-Atl., E 118) ; en février 1316, Augier de Peyralongua fait hommage pour une maison “dedans la clousture d’Aillas” (Ibid, E 14, IX, T 3). Autres mentions à l’époque moderne de maisons confrontant au mur de ville : 1607 (P.J. O’Reilly, ouvr. cité, p. 365-366) ; 1678 : Arch. comm. Aillas, CC 10, f° 68 v°, 234 v°.
  60. Nous n’avons pas encore retrouvé de mention de la Ville de Captieux à l’époque médiévale, mais le dessin de Du Viert ne laisse aucun doute quant à l’origine médiévale des fortifications (cf. n. 17).
  61. L. Drouyn (ouvr. cité, t. Il, p. 269) datait cette enceinte du XIIIe siècle. J. Gardelles (ouvr. cité, p. 113) n’émet pas d’opinion. Son tracé aurait été plus régulier, si les murailles avaient été établies aux deux extrémités dans le prolongement des courtines du château. Mais, dans ce cas, la surface de la ville eût été doublée. Il n’est pas impossible, d’autre part, qu’en bordure du Ciron l’assiette du château du XVIIe siècle soit différente de celle de la forteresse médiévale.
  62. L. Drouyn (ouvr. cité, t. I, p. 2) avait pu restituer sans difficulté le tracé de l’enceinte de la fin du Moyen Âge déterminé en partie par l’implantation du château-neuf. Il estimait, cependant, compte tenu de l’ancienneté de la chapelle Saint-Michel qu’au moins dans cette direction, le castelnau du XIIIe siècle s’étendait jusqu’à cet endroit et il proposait pour cette première enceinte un tracé qui aurait donné au castelnau une allure à peu près rectangulaire (pl. 2).
  63. Nous avons supposé que le château de Meilhan était soudé au castelnau mais ce n’est qu’une hypothèse.
  64. En raison des destructions qui eurent lieu aux XIVe et XVe siècles, on ne peut retenir que les faubourgs attestés dans les documents : dans celui de La Roca (ou du Port) à Meilhan, le seigneur y percevait un sirmanatge dès le XIIIe siècle (Coutumes art. 15). Mais à quoi correspondaient les bourgs auxquels il est fait allusion dans l’expression “universitat de la vila et deus borcs de Boglon” (Coutumes, art. 3) ?
  65. Cela ressort de l’art. 6 des Coutumes : “las maysons et sols del muratge tocan et assis ab los murs de la vila aisi cum ten tota la ribironda dels murs de la vila” sont exempts de sirmanatge. On a même l’impression qu’il y avait, comme à Larressingle, une rue faisant le tour du castelnau, mais séparée des remparts par les maisons qui y étaient adossées. Or, rien de semblable n’apparaît sur le plan du début du XIXe siècle.
  66. À Cazeneuve, cette rue apparaît encore sur le plan du XIXe siècle. En 1466, il est question à Roquetaillade d’un sol situé dans la ville, au lieu-dit Benonqua – ce qui prouve l’existence de quartiers – s’étendant de la “carreyra publica” aux murs de la “vila”, disposition analogue à celle de Captieux et confrontant d’un côté à “l’ostau nau” du seigneur – est-ce le château neuf ? – et de l’autre à l’ostau de George deu Prat (Arch. Hist. de la Gironde, t. III, n° 74). À Aillas, il est encore question au début du XVIIe siècle d’une Grand rue et d’une autre qui lui est perpendiculaire (P.J. O’Reilly, ouvr. cité, p. 365-366).
  67. Coutumes, art. 6. Cela donnait des parcelles deux fois plus longues que larges et fait songer à un lotissement. Mais on ignore à quoi correspondait la rase en Bazadais. En Marsan, elle valait 0,46 m. Par ailleurs, il ne reste sur le plan du début du XIXe siècle, aucune trace d’un tel découpage.
  68. Dans les documents du XVIIIe siècle, lorsqu’il est question du quartier de la Ville, c’est pour désigner la partie de la paroisse de Mouchac sur laquelle se trouvait la Ville (Arch. comm., CC 1, 2, 4, 5), mais nous n’avons pas retrouvé trace de maisons à l’intérieur de l’enceinte.
  69. Ouvr. cité, p. 365-366. Mais, tout est loin d’être clair dans les déclarations de l’abbé, dont on ignore les sources.
  70. Arch. de Cazeneuve. À la fin du XVIIIe siècle, il y avait sur l’emplacement de l’ancienne ville deux métairies, l’une dite de l’Allée, l’autre sur l’emplacement de l’ancien jardin du château (Arch. de Cazeneuve). Elles correspondent peut-être aux bâtiments que l’on aperçoit encore sur le plan du début du XIXe siècle (fig. 9).
  71. Mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu un premier castelnau fortifié (cf. infra).
  72. Nous n’avons pas, pour l’instant, retrouvé de terrier pour Grignols. Mais, dans une note du XVIIIe siècle, l’auteur estime que la constitution de nouveaux lotissements permettrait d’accroître les revenus de la seigneurie (Arch. de Cazeneuve).
  73. Cf. n. 48. D’autre part, en 1316, il est question de la villa de Redorta (RG, t. IV, n° 1607), mais le terme de villa est encore trop imprécis pour que l’on puisse affirmer que le village était clos.
  74. Ouvr. cité, t. II, p. 275-276.
  75. Mémoires de Jean de Fabas, premier vicomte de Castets-en-Dorthe, dans Les Cahiers du Bazadais, 4e trim. 1977, appendice, p. 90 ; ce même fait est déjà rapporté dans la Chronique bordelaise de J. de Gaufreteau, éd. 1877, Bordeaux, t. I, p. 271.
  76. D’après M. J. Gardelles, la collégiale édifiée peu avant 1313 l’avait été à l’abri du château familial des Got, restauré peu de temps auparavant et dont nous avons trouvé une première mention en 1267 (cf. n. 11, 35, 36). Parmi les preuves qu’il avance figurent les mentions “in ipso loco de Got, infra castrum de Vinhandrault” ou “in castro de Vinhandrau” qu’il interprète de manière restrictive voyant seulement dans le castrum un château, peut-être avec des courtines développées du type de celles de Noaillan et Auros (art. cité p. 54). Mais on ne doit pas oublier que le château de Noaillan correspond à peu près exactement en surface à la villa de Bouglon. Or, lorsqu’on examine le plan de Villandraut on ne peut qu’être frappé par l’existence, à l’ouest de la collégiale, d’un groupe de parcelles dont le contour extérieur arrondi semble déterminé par l’existence d’anciens fossés bordant une enceinte. L’aire ainsi déterminée correspond presque parfaitement à celle de la villa de Bouglon ou du castrum de Noaillan. Ne serait-ce pas l’emplacement d’un ancien castrum fortifié ? On est frappé, d’autre part, par les changements de direction du parcellaire entre le quartier de la collégiale et celui du château neuf qui semblent traduire les étapes successives du développement du village.
  77. Nous avons déjà relevé ce même processus à Labrit (cf. Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 4e trim. 1975, p. 82-101).
  78. À Aillas, l’évolution toponymique a débuté dès le dernier tiers du XIIIe siècle, sinon avant, car nous ne savons pas si la paroisse d’Aillas dont il est question dans les Recogniciones est bien l’ancienne paroisse de Moissac ou celle d’Aillas-le-Vieux (ex., n° 320). En revanche, en 1289, on trouve l’expression parochia de Moisaco seu de Alhans (Rôles gascons, t. II, n° 1666). Mais ce n’est qu’à la Révolution que le nom d’Aillas semble s’être définitivement imposé. À Villandraut, la substitution se produisit plus rapidement au cours du XIVe siècle. La raison en est double : d’une part, le fait que le village se soit développé entre les deux châteaux, de l’autre, la concession de la cure de Saint-Martin-de-Got à la collégiale fondée par Clément V. Au XIVe siècle, on trouve ainsi apud Vinhandraut (Arch. Hist. de la Gironde, t. 21, p. 553 (1366-1371)) ou in parochia de Got sive de Vinhandraut (Ibid., t. 22, p. 103, 1367). Il n’est pas impossible qu’un phénomène identique mais plus précoce se soit produit à Captieux.
  79. En 1360, il est question de l’ecclesia de Maseriis et de Rupecissa (Pouillés des provinces d’Auch.., p. 444) ; en 1528, du rector de Maseriis et de Rupecissa, expression que l’on retrouve en 1533-1537 (Arch. Hist. de la Gironde, t. 28, p. 341, 360). Mais il n’est fait aucune allusion à la chapelle.
  80. Dans une reconnaissance, il est abusivement fait mention de Sanctus Stephanus de Boglonio (Rec. feod., n° 364), mais c’est bien la preuve que Bouglon était annexe d’Argenton comme on le relève dans les listes du XVIesiècle : Rector de Argenton et de Boglonio (Arch. Hist. de la Gironde, t. 28, p. 344, 363), situation qui se perpétuera jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
  81. La paroisse de Lerm est attestée seulement en 1283 (Rôles gascons, t. II, n° 747). Au XVIe siècle (1523, 1533-1537) il est question du recteur de Lerm et de Goualade, (A.H.G., t. 28, p. 311, 358). Au XVIIIe siècle, paradoxalement, c’est Goualade qui était devenue annexe de Lerm.
  82. Que ce soit au XIVe siècle (Pouillé… p. 444), au XVe siècle (ibid., p. 453), ou encore au XVIe siècle (Arch. Hist. de la Gironde, t. 28, p. 313, 360), il n’est jamais question que du capellanus ou du rector d’Auros et jamais ne figure la moindre mention de Saint-Germain. Il ne peut s’agir que de Saint-Germain ; d’ailleurs, au XVIIIe siècle, les registres paroissiaux sont ceux de la paroisse Saint-Germain et de Notre-Dame d’Auros, son annexe (E Suppl. 1782-1787). C’est Dom Biron (Précis de l’histoire religieuse des diocèses de Bordeaux et de Bazas, Bordeaux, 1925, p. 130) qui rapporte, sans preuve, la date à laquelle la chapelle castrale aurait été érigée en annexe.
  83. Castets-en-Dorthe n’apparaît ni en 1360 ni au XVe siècle (cf. Pouillé) ; en revanche, en 1528 et en 1533-1537 on trouve un rector de Lengono, Castri-en-Dorthe, Sti Lupercii et de Mazeraco (Arch. Hist de la Gironde, t. XXVIII, p. 341, 360). La cure de Castets en Bazadais est, par ailleurs, attestée en 1524, 1622 et 1638 (Chronique bordeloise, t. II, p. 113, 308, 351). Les registres de baptême, mariage, sépultures (1683-1789) concernent l’église de Saint-Loubert et Saint-Louis (E Suppl. 1994, 1997) ; ceux de Mazerac sont à part.
  84. Pour des raisons que nous ignorons encore, au début du XIXe siècle, l’église paroissiale fut détruite et remplacée par l’ancienne chapelle castrale. Mais, dès le XVIIe siècle, des inhumations avaient lieu dans la chapelle (E Suppl. 2110) et, en 1703, on y bénissait une cloche (E Suppl. 2114).
  85. Situation paradoxale : l’ancienne paroisse d’Aillas-le-Vieux se trouve aujourd’hui incluse dans la commune de Sigalens. Les registres de bap. mar. sép. (1596-168) font état de l’église de Notre-Dame-de-Mouchac d’Aillas (E Suppl. 1798).
  86. Bouglon dont la paroisse avait été découpée dans celle d’Argenton a, une fois érigé en commune, annexé l’ancienne paroisse de Bouglon-Vieux, à laquelle il avait déjà emprunté le nom.
  87. Il n’est jamais plus question d’un chapelain de Grignols à partir du début du XVIe siècle (cf. n. 54). Lorsque Grignols fut érigé en commune en 1790, plusieurs paroisses furent regroupées, qui dépendaient jusque-là de la justice de Grignols : Flaujac, Auzac, Campin, Loubens, Sadirac et Le Mazerol.
  88. On notera qu’il y existe une paroisse de Saint-Michel-de-Castelnau, dont le château ne semble avoir jamais donné naissance à un castelnau. Mais, cette paroisse a été manifestement découpée, comme celle de Lerm, dans celle de Goualade. Lequel de la paroisse ou du château fut antérieur à l’autre ?
  89. Voir J. B. Marquette, Églises paroissiales dédiées à Notre-Dame et occupation du sol en Bordelais et Bazadais au Moyen Âge (2e partie), à paraître dans Congrès d’études régionales, Saint-Émilion, 1977 (Féd. Hist. du Sud-Ouest).
  90. Quand la chapelle devint paroissiale, il fallut la désorienter.
  91. Voir Cartulaire de La Réole, dans Arch. Hist. de la Gironde, t. V, p. 174.
  92. Cf. n. 119.
  93. Il conviendrait d’examiner en détail chacune de ces deux coutumes et de recenser les avantages et les charges qui en découlaient pour ceux qui en étaient les bénéficiaires. Selon les articles et les périodes, la question se pose de savoir si les bénéficiaires étaient les seuls habitants du castelnau ou bien aussi ceux de la juridiction.
  94. Un mémoire rédigé à l’occasion de l’achat de la seigneurie de Grignols par le marquis de Pons (1753) souligne l’intérêt qu’aurait le seigneur d’agrandir le bourg de Grignols en y faisant construire sur son propre domaine des échoppes et des boutiques et en y donnant à fief des emplacements à ceux qui se présenteraient pour s’y établir (Arch. de Cazeneuve). Selon un autre mémoire, la marquise de Cosnac, alors dame de Grignols, aurait, après 1708, donné beaucoup de terres à fief nouveau, mais nous ignorons si ces concessions portaient sur le bourg.
  95. Cf. n. 47, 103.
  96. Pour Meilhan, Cazeneuve, Casteljaloux, possessions des Albret, voir Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e trim. 1979. C’est surtout, dans les Recogniciones de 1274, éd. Ch. Bémont, que ces justices sont attestées : Castets : magna justicia de castro et honore de Redorte (n° 238) ; Bouglon : castrum de Boglonio et honor (n° 210) ; Langon : le roi n’en possède alors que le quart de la haute (n° 332) ; Captieux : cum justiciatu et pedagio de Capsius (1255) (Arch. dép. Pyr.-Atl., E 507 ; cf. J. Gardelles, op. cit., p. 112) ; Roquetaillade : honor et districtus (n° 568).
  97. Le 2 déc. 1306, Amanieu VII d’Albret concède la haute et basse justice dans le castrum de Vinhendraud et la paroisse de Got à Arnaud Garcie de Got, frère du pape et à Bertrand, son fils. Il agit en tant que seigneur de la juridiction de Castelnau-de-Cernès (Arch. de Cazeneuve).
  98. Nous venons (été 1978) de découvrir une partie des archives de la seigneurie de Grignols au château de Cazeneuve. Nous n’avons pu encore les étudier en détail. Il est probable qu’il existait avant cette date une seigneurie haute justicière à Grignols, mais celle-ci se trouva considérablement renforcée par l’accord de 1608.
  99. Ce serait un nouveau type de castelnau, relativement éloigné du chef-lieu de la seigneurie, mais mieux situé pour exercer un certain nombre de fonctions résidentielles et économiques. Le bourg de Préchac et celui d’Aillas entrent dans cette catégorie (cf. infra).
  100. Nous avons établi une carte des juridictions pour le Bordelais, le Bazadais et les pays landais, pour le début du XVIIIe siècle d’après le document C 4101 des Arch. dép. de la Gironde et, en 1760, d’après l’Almanach des Labottière, éd. 1760. Ces cartes sont inédites.
  101. Dans la mesure où nous ignorons ce qu’auraient pu être en Bazadais les premiers habitats subordonnés à des fortifications de terre, ainsi que les conditions dans lesquelles s’imposèrent les premières juridictions, ceci ne peut être qu’une hypothèse. Mais nous pensons que la mise en place de la carte des juridictions telle qu’elle apparaît au milieu du XIIIe siècle a contribué soit à susciter soit à promouvoir des castelnaux et, inversement, a pu entraîner la désertion de certaines fortifications de terre et des habitats qui leur étaient subordonnés.
  102. Les milites de Milhano sont constamment mentionnés, d’une part dans les coutumes du castelnau, d’autre part, dans de nombreux actes de la chancellerie anglaise à partir du milieu du XIIIe siècle. (RG, t. I, n° 2395, 2499, 4081 (1254), 4606 (1255) ; t. II, n° 1654 (1289) ; t. III, n° 1865 (1291), ainsi que dans le Trésor des chartes d’Albret.
  103. Cf. infra. R. G. de Sescars se dit miles de Noalhano et déclare tenir du seigneur de Noaillan tout ce qu’il a dans les paroisses de Noaillan et Léogeats (Rec. feod., n° 187). Il conviendrait d’étudier l’expression miles de pour savoir si elle sert uniquement à désigner les milites castri.
  104. Nous avons déjà évoqué à deux reprises ce problème (n. 33, 47). Le préambule des coutumes nous dit que quand “en Fort W. de Meilhan volgo claver lo castel, nils borgs de Milhan el apelet los cavers els borges qui eren cazats per les terras d’environ e establi lor et lor juret… que I cavoer do se far al compte de Peytiu”. L’expression “lo castel nils borgs” est explicitée à l’art. 15 : nous y apprenons que lorsque le seigneur donna “los sols del castel et de la Roca et del borc” il décida que ceux détenus par les chevaliers dans ces trois lieux seraient francs, mais que ceux détenus par les bourgeois au bourg et à La Roque seraient soumis à sirmanatge (“et que aquels sols del borc ni de La Roqua dels borgues ren no agues ni demandes mas son sirmanatge et ses vestizons”). On remarque que les chevaliers étaient les seuls à détenir des sols dans le “castel”. À l’art. 2, le terme “castet” désigne de manière précise le château. Nous avons vu aussi qu’en 1200 un acte avait été passé dans la maison de Gaillard Frozin, un chevalier, dans le castrum de Meilhan (n. 45) : castrum désigne probablement l’ensemble fortifié – bourg et “castel” – mais la maison de G. Frozin se trouvait probablement dans le “castel”. On notera que, le 24 mai 1291, le roi-duc autorisa Garcie des Angels, un chevalier de Meilhan, à construire “projectum sive gitatam cum solerio super barbacana castr de Milhano” à côté de sa maison (RG, t. III, n° 1865).
  105. En 1406, Bertrand de La Mote donna à fief nouveau à Hector de Peyratalhada en même temps qu’une terre noble dans la paroisse de Mazères, un emplacement dans la ville (Arch. Hist. de la Gironde, t. III, n° 14).
  106. Elle nous est connue à l’occasion d’une vente faite par Jean de Grignols, seigneur de Grignols, Cocumont et Lusignan de la seigneurie de Lusignan dans la baronnie de Cazeneuve, y comprise “la tour de ladite maison noble de Lusignan étant au-dedans des murailles de Cazeneuve” (12 juill. 1522 ; Arch. de Cazeneuve). Nous avons conservé l’analyse d’un hommage pour Cazeneuve d’Amanieu de Lusignan fait, en 1303, à Amanieu VII d’Albret (Arch. dép. Pyr.-Atl., E 14, IX, Q).
  107. L’hommage d’Augier de Peyrelongue pour une maison sise “dedans la clousture” d’Aillas “au devoir de faire châtellenie entre Pâques et Pentecôte” (Arch. dép. Pyr-Atl., E 14, IX, T 3).
  108. Les chevaliers sont seuls possessionnés dans le castel ; ils le sont concurremment avec les bourgeois dans le bourg clos et à La Roque (cf. n. 103). On possède plusieurs hommages de chevaliers de Meilhan (RF, n° 234, 293, 295).
  109. Les reconnaissances faites au roi-duc en 1274 se présentent de deux façons : d’une part, 63 déclarants constituant l’universitas de Bouglon et versant à ce titre une aubergade collective au roi-duc à mouvance de seigneur, reconnaissent tenir de lui des biens de diverse nature situés soit dans la juridiction, soit ailleurs en Bazadais. D’autre part, trois d’entre eux détiennent des biens du roi dans le castrum de Bouglon et neuf autres en tiennent soit de déclarants, soit d’autres seigneurs (RF, n° 364). Nous retrouvons ces derniers seigneurs, ainsi que d’autres, réunis par groupes de parçonniers faisant hommage au roi-duc pour ce qu’ils ont dans le castrum ou pour leur part du castrum de Bouglon (RF, n° 210, 223, 224, 225, 235, 271, 337). On serait tenté d’y voir, comme cela est fréquent dans l’Agenais voisin, des coseigneurs mais, dans ce cas, certains points deviennent contradictoires ou obscurs : pour quel motif de simples roturiers feraient-ils aussi hommage direct au roi-duc pour des biens sis dans le castrum ? Comment expliquer qu’en 1237 Henri III ait pu confisquer à G. R. de Piis, seigneur de Caumont son château de Bouglon (Cal. of Patent Rolls, Henry III, 1232-1247, p. 195), sans qu’il soit alors question de coseigneurs ? Seule une monographie sur la châtellenie de Bouglon serait susceptible d’apporter quelque lumière.
  110. Cf. Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e trim. 1979.
  111. Le cartulaire de La Réole contient un excellent exemple de découpage de bénéfices dans la réserve allodiale (fin du XIe siècle) (Arch. Hist. de la Gironde, t. V, p. 141).
  112. En 1242 et 1253, il est question des domini de Rupe Talliata (RG, t. I, n° 594, 1587). Dans les Recogniciones de 1274 figurent deux hommages séparés de Géraud et Amanieu de La Mote qui se disent chacun, seigneurs en partie de Roquetaillade. Le premier déclare agir pour ce que Arn. R., son oncle et Arn. R., son frère tiennent de lui ; le second, pour ce que ses frères tiennent de lui (RF, n° 211, 212). Mais Rostanh de Landiras est aussi leur parçonnier (RF, n° 568).
  113. En 1243, il est question des domini de Castro de Redorte, (RG, t. I, n° 1587) (17). En 1274, Guill. Sanche de Pommiers déclare tenir avec des parçonniers la haute justice du château et de l’honneur de Redorte (RF, n° 238). G. del Cau fait de son côté allusion à deux maisons qui relèvent à Castets-en-Dorthe d’Amanieu de Pommiers et à deux sols mouvants de la famille (genus)de Castets (RF, n° 358). Pour le début du XIVe siècle, voir Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e trim. 1979.
  114. Nous n’avons pas relevé l’expression domini de Novelliano. Mais, si en 1254, Amanieu est qualifié de dominus de Noailhan, dans le même acte figurent comme témoins Bertrand, clerc, Bernard Amanieu, Guillaume et Guillaume Seguin, chevaliers, tous de la famille de Noaillan. Étaient-ils des coseigneurs, ou bien comme à Roquetaillade étaient-ils vassaux au même titre que d’autres milites du castrum ou de la seigneurie ? En 1274, en tout cas, Thibaud de Noaillan, chevalier déclare tenir tout ce qu’il a des dépendances de la maison de Noaillan (RF, n° 180). À cette époque, Bertrand apparaît seul seigneur de Noaillan (RF, n° 178).
  115. C’est le point de vue de M. Cursente pour la Gascogne gersoise. Il se comprend, dès lors que l’on fait du castelnau une fondation ex nihilo (op. cit., p. 191-192).
  116. Cf. n. 103.
  117. Préambule (cf. n. 103) et art. 21.
  118. Rec. feod. n° 324 ; coutumes de Bouglon, art. 35.
  119. À Bouglon, si on ignore les circonstances dans lesquelles le castelnau fut clos, l’entretien des portes et murs de la ville est à la charge de la communauté (art. 35 des Coutumes). De même à Langon (Rec. feod., n° 332).
  120. Arch. Hist. de la Gironde. t. XVIII. n° 335.
  121. Cf. n. 76. S’il n’est pas exclu, en effet, que le village ait déserté l’enceinte, celle-ci a probablement continué à jouer le rôle d’un refuge. C’est aussi l’opinion de M. J. Gardelles (ouvr. cité, p. 188).
  122. Voir P. Tucoo-Chala, Contribution à l’étude des péages de la moyenne Garonne aux XIVe et XVe siècles, dans Bazas et le Bazadais, Bordeaux, 1961, p. 101-110 et Ch. Higounet, Géographie des péages de la Garonne et de ses affluents au Moyen Âge, dans Journal des Savants, janv.-juin 1978, p. 107, 116-117. Pour celui de Meilhan voir J. B. Marquette, Les Albret, dans les Cahiers du Bazadais, 3e trim. 1979.
  123. ID., Les Albret.
  124. ID., Les Albret. Celui-ci n’est attesté qu’à l’époque moderne mais son ancienneté n’est pas contestable.
  125. Arch. Hist. de la Gironde, t. XVIII, n° 335.
  126. Attesté au XIIIe siècle (cf. n. 95). Il fut confirmé le 30 mai 1734.
  127. On en a conservé le tableau pour le XVIIIe siècle. Le seigneur percevait aussi un droit de pontage sur le Ciron (Arch. de Cazeneuve). On ignore si la création de ce péage fut consécutive à la création de la juridiction, mais cela est tout à fait probable. Il y eut aussi un péage à Grignols : il fut aboli le 17 sept. 1740, car il ne remontait probablement qu’au début du XVIIe siècle (Arch. de Cazeneuve).
  128. J. B. Marquette, art. cité : Meilhan, Coutumes, art. 7 ; Casteljaloux (Coutumes, art. III-16) le marché avait lieu le mercredi ; Bouglon, le marché avait lieu chaque semaine, mais le jour n’est pas précisé (Coutumes, art. 21). Il ne fait aucun doute que les marchés du mercredi à Grignols remontent au moins au XVIIsiècle (cf. n. 128). Il y avait aussi des marchés à Cazeneuve chaque mercredi, mais ils ne se tenaient plus depuis longtemps au XVIIIe siècle (Arch. Cazeneuve).
  129. Avec la boucherie elles sont attestées dès 1623 ; elles appartenaient au seigneur qui les affermait. Un mémoire contemporain de l’achat de la seigneurie par le marquis de Pons (1758) qualifie Grignols d’“entrepôt naturel du bon pays des Landes et de celui de la Garonne” et insiste sur le fait que foires et marchés ne peuvent que devenir plus importants (Arch. de Cazeneuve).
  130. M. Courchinoux, Les prieurés de La Sauve en Pays landais, T. E. R., 1970, p. 79 sq. et B. Duffau, ouvr. cité, p. 79-82.
  131. E. Traissac, ouvr. cité, p. 138-139 et B. Duffau, ouvr. cité, p. 83-84.
  132. B. Duffau, ouvr. cité, p. 83 ; Ch. Higounet et J. Clemens, Une bastide avortée. La Bourgade, dans Annales du Midi, juill.-sept. 1977, p. 245 sq.
  133. E. Traissac, ouvr. cité, p. 139-140, 141-142.
  134. B. Duffau, ouvr. cité, p. 96, 109 (Lagardère), 110 (Montpouillan, Samazan).
  135. E. Traissac, ouvr. cité, p. 134-138 ; B. Duffau, ouvr. cité, p. 83, 99-100, 110.
  136. À l’occasion de la collecte d’un subside pour la guerre d’Écosse (18 mai 1316), on relève pour le Bazadais, la cité de Bazas (1000 l.), la ville de La Réole (2000 l.) et celle de Langon (150 l.), les bastides de Sauveterre (200 l.), Castelnau (120 l.), Hure (Vire : 30 l.) ainsi que les universitas de Pondaurat (40 l.), Castets-en-Dorthe (60 l.), Bouglon (100 l.), Cocumont (25 l.) et Pellegrue (100 l.) (Rôles gascons, t. IV, p. 570). Cette liste est particulièrement précieuse, mais ne concerne, semble-t-il, que les communautés placées dans la directe du roi. Ne figurent pas Roquetaillade, Captieux, ni les castelnaux appartenant aux Albret.
  137. Il n’est pas possible de définir un bourg au XIXe siècle en retenant comme critère la population regroupée telle qu’elle apparaît dans les recensements, soit en pourcentage, soit de manière absolue ; en effet, sous cette rubrique est manifestement décomptée non seulement la population groupée éventuellement au chef-lieu, mais aussi celle vivant dans des hameaux. Selon nous, un bourg ne peut se définir qu’en fonction de l’existence d’édifices publics (église, halles, maison commune) du parcellement (forme, surface et disposition des parcelles) du pourcentage de la surface bâtie sur ces parcelles et de sa continuité.
  138. Un bourg s’est en effet développé à Cocumont à l’époque moderne ; lorsqu’on examine la carte des castelnaux, on s’aperçoit que c’est seulement dans cette région et celle de Grignols qu’il y avait place pour la fondation d’un bourg.
  139. Le meilleur exemple est ici celui de Grignols. La population de la commune est passée de 1876 à 1975 de 1800 à 1195 hab. Nous ne disposons pas de chiffres précis pour le bourg proprement dit, mais il suffit de le parcourir pour se rendre compte que plusieurs maisons sont abandonnées, tandis que d’autres ne sont plus habitées que par une ou deux personnes.
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Pessac
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EAN html : 9782356135094
ISBN html : 978-2-35613-509-4
ISBN pdf : 978-2-35613-511-7
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
23 p.
Code CLIL : 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, J. B., “Approche sur les castelnaux du Bazadais”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 1, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 153-196, [URL] https://una-editions.fr/approche-sur-les-castelnaux-du-bazadais
Illustration de couverture • d'après “Atlas de Trudaine pour la ‘Généralité de Bordeaux n° 6. Grande route de Bordeaux à Bayonne. Les douze premières cartes du plan de cette route. Cy 15 cartes’.
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