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Les cérémonies funèbres d’après l’épopée irlandaise

L’exposé qui suit cherche à donner un tableau synthétique des cérémonies funèbres dans l’Irlande ancienne, ou plus exactement dans la société archaïque décrite par l’épopée irlandaise. Il n’est pas exclu qu’il y ait une part de reconstruction dans cette évocation d’un passé à moitié mythique, de la part des conteurs médiévaux : ils étaient bien conscients qu’il s’était produit un certain nombre d’évolutions techniques ou culturelles depuis l’époque de leurs héros. Ils savaient en particulier que l’arrivée du christianisme avait entraîné d’importantes modifications du rituel funéraire. Aussi vaut-il mieux renoncer d’emblée, au seuil de cette brève étude, à évaluer l’historicité des personnages, comme de leurs coutumes : seule peut être déterminée, à ce stade, la date des textes et de leurs rédacteurs. Toutefois, nous ne nous priverons pas de comparer, le cas échéant, des documents historiques attestant de l’usage réel à l’époque médiévale.

Le formulaire épique

Les rites funèbres sont assez souvent évoqués, après la mort d’un héros. Leur caractère rituel se manifeste par la récurrence des mêmes verbes, des mêmes mots, d’un héros à l’autre, et aussi dans le rythme répétitif qui est souvent adopté par le rédacteur en cette occasion.

Ainsi après la mort de Fiachra, dans Aided Crimthainn : Ro claidead a leacht 7 ro laigeadh a feart 7 ro hadnad a cluichi caintech 7 ro scribad a ainm ogaim “sa [tombe] fut creusée, son [tumulus] fut posé, ses jeux funèbres furent organisés, son nom fut écrit en ogam”1.

Funérailles de Ferb, dans Tochmarc Ferbe : Ro claided úag do Fheirb iarsin, 7 ro tócbad a lia 7 ro scríbad (a) ainm oguim, 7 doringned duma imon licc “une tombe fut ensuite creusée pour Ferb, sa pierre fut dressée, son nom fut gravé en ogam, et l’on fit un rempart autour de la dalle”2.

Funérailles d’Etarcomol dans la Táin Bó Cuailnge : Cladar a fhert iarom. Sátir a lia. Scríbthair a ainm n-ogaim. Agair a gubae “alors sa tombe est creusée, sa pierre est plantée ; son nom est écrit en ogam, et l’on procède à sa lamentation”3.

Funérailles de Celtchar : 7 ro laad a gáir guil 7 ro tógbad a lia 7 a lecht ann, “sa lamentation funèbre fut entonnée, sa pierre levée et sa dalle furent posées”4.

Funérailles d’une jeune fille, Luaine, qui était fiancée au roi Conchobar : doronnad nuallguba dermair os cind na hingine andsin, 7 ro haghadh a cepóc 7 a cluichi caintech 7 ro saigid a lia “une immense lamentation fut alors faite devant la jeune fille, sa plainte funèbre et ses jeux funèbres furent effectués, et sa pierre fut plantée”5.

On observera que la syntaxe est simplifiée à l’extrême : chaque phrase comporte seulement deux éléments, un verbe au préterit passif (forme impersonnelle 3 sg., ou forme de 3 pl.), et un sujet substantif accompagné du possessif ; l’emploi du passif permet de passer sous silence les exécutants, les agents de l’action, comme si cela n’avait aucune importance. Les rites funèbres s’exécutent en quelque sorte automatiquement : beaucoup d’informations implicites nous manquent, mais elles faisaient partie d’un environnement culturel connu de tous les auditeurs. Par exemple, la question de savoir qui a droit à un monument.

En effet, si ces premiers exemples présentent la formule funèbre la plus complète, avec le rituel d’accompagnement (lamentation funèbre, jeux funèbres) et la construction d’un monument funéraire (avec inscription ogamique), on ne s’étend pas cependant dans une description de détail : il n’est pas question des circonstances du convoi, du choix du lieu de sépulture, ni de la construction funéraire.

On garde la même présentation dans des textes plus tardifs. Voici, par exemple, la mort de Fergus mac Léite, qui succombe aux nombreuses blessures infligées par un monstre aquatique : Ro sgar a anam ré chorp d’Fergus iar sin, is do claided a fert, ocus do scríbad a ainm ogaim ocus do rigned a chluiche cáintech, ocus is ó na hulltaib cloch dorónsat Ulaid agá cháined gairter Ulltaig dóib “Son âme se sépara de son corps, pour Fergus, et sa tombe fut creusée, et son nom fut inscrit en ogam, et l’on fit ses jeux funèbres, et c’est à cause des piliers (ulltaib, dat. pl. de ail, aul, gén. ulad) de pierre que les Ulates fabriquèrent à sa mémoire (litt. en le pleurant) qu’ils furent appelés de ce nom, Ulates”6.

Enfin, voici la conclusion du conte mythologique, Oidhe chlainne Lír “La Mort violente des enfants de Lir” : … Do tógbhadh a lia ós a leacht, do scríobhadh a n-ainmneacha oghaim, do fearadh a gcluiche caointe, agus do frith neamh do n-a n-anamnaib tré impidhe Mhochaomóig “on dressa leur pierre au-dessus de leur tombe, on écrivit leurs noms en ogam, on donna leurs jeux funèbres, et l’entrée au ciel fut obtenue pour leurs âmes par la prière de (saint) Mochaomhóg” – cette dernière remarque s’explique par le fait que les personnages ont été baptisés in extremis, juste avant leur mort7.

Il existe tout de même des récits qui apportent quelques détails supplémentaires. Par exemple l’enterrement du roi Loegaire mac Néill, qui a résisté longtemps à l’évangélisation de St. Patrice : on parle du convoi funèbre, on donne des informations précises sur le lieu et le mode de sépulture, car le corps défunt du haut-roi d’Irlande reste une sorte de talisman protecteur pour sa demeure de Tara :

Tucad dano corp Loegairi anes iar tain 7 ro hadnacht co n-armgasciud isin chlud imechtrach aither-descertach rig-ratha Loegairi hi Temraig he 7 a aiged fodes for Laigniu oc cathugad friu ar ropo náma-som ‘na bíu do Laignib “Le corps de Loegaire (Leary) fut ramené du sud, après cela, et il fut enterré avec ses armes dans le fossé extérieur au sud-est du fort royal de Loegaire, à Tara, avec son visage tourné vers le sud, vers les Laigen (hommes du Leinster), pour les combattre, car de son vivant, il avait été l’ennemi des Laigen”8. On trouve approximativement la même phrase dans la description des lieux remarquables de Tara, dans le Dindshenchas en prose9.

Cette inhumation est précédée d’un convoi, sans doute solennel. Et Loegaire est enterré avec ses armes, ce qui n’est pas toujours le cas. Fergus mac Léite veut au contraire léguer son épée à un homonyme, Fergus mac Roíg, qui joue un rôle important dans la légende Ulate10. Après avoir vaincu un ennemi nommé Nad Crantail, Cú Chulainn reçoit son épée, mais il en fait peu de cas : il la brise contre un pilier de pierre. Il faut d’ailleurs admettre que Cú Chulainn a souvent un comportement bizarre ; il coupe la tête de ses adversaires vaincus, mais ne garde pas les têtes coupées, qu’il renvoie aux familles11. En tout cas, le lieu de sépulture, qui a été choisi par Loegaire lui-même, a une valeur stratégique. En effet, l’inhumation du roi en armes est manifestement mise en relation avec la croyance que le roi va continuer de combattre dans sa tombe. Le texte est explicite sur ce point : oc cathugud friu, “en les combattant”. Et l’orientation du défunt est bien sûr déterminée par la direction où se trouve l’ennemi principal, ici les Laigen.

On peut citer deux morts qui continuent de combattre : le roi Niall, que sa troupe emporte en expédition pour bénéficier sans doute de sa faculté de vaincre12, et Cú Chulainn, que l’on a attaché à un pilier pour que l’ennemi le croie encore vivant. On ne sait pas dans quel sens interpréter l’enterrement d’Oirbsen en position debout13 : comme c’est un avatar de Manannan, il s’agit peut-être d’une idole associée à un culte.

Les lieux de sépulture

Les nécropoles royales

Il est fréquemment question, dans les sagas, de trois sites funéraires associés à des dynasties royales : Cruachan Aí pour les rois de Connacht, Tailtiu pour les rois Ulates, et le Brug na Boinne (le grand tumulus de la Vallée de la Boyne, à Newgrange) pour les rois de Mide. Ce sont en même temps les sites de grands rassemblements saisonniers, appelés oenach, et qui associent des transactions commerciales, des règlements judiciaires et des jeux, en mémoire des rois disparus. Il y a eu d’autres oenaig en plus de ces trois sites, et chacun d’eux est certainement l’indicateur d’un site funéraire important.

Ces nécropoles royales sont souvent présentées, dans les textes épiques, comme des cimetières païens : réilic idlaide14, littéralement “cimetières idolâtres” – réilic étant le nom d’un cimetière chrétien (le mot est d’ailleurs un emprunt au latin reliqua “reliques”), il fallait corriger cette connotation chrétienne en ajoutant l’adjectif dérivé du nom de l’idole. La description de ces nécropoles présente une succession de sépultures collectives : dans Aided Nath Í, il est dit plusieurs fois que le site de Cruachan Aí (Rathcroghan, Co. Roscommon) comprend cinquante tumuli, et chacun d’eux abrite cinquante sépultures. D’autres passages du même texte évoquent des sépultures collectives :

“Il y a cinquante tumuli (duma) à l’Oenach de Cruachan, je l’affirme ; et sous chacun de ces tumuli, cinquante hommes justes et honnêtes,
Ce sont les trois cimetières idolatres, le cimetière de Tailtiu, bon choix, le cimetière de Cruachan, pur à jamais, et le cimetière du Brug.
Chaque colline de cet Oénach, recouvre des héros et des reines, des poètes et des chasseurs, et de belles femmes.
L’armée des Connachtiens, très combattive, une assemblée superbe et passionnée, c’est un beau bataillon audacieux, ils ont été enterrés dans la cité de Cruachan.
Il n’y a pas une seule bosse dans cet endroit, à l’Oénach na Cruachna, qui ne soit une tombe de roi ou de prince royal, de noble femme ou de savant. Etc.”15

Le même texte indique d’autres sépultures royales ou mythologiques :

“Les nobles des Ulates, avant (leur roi) Conchobar, étaient enterrés à Tailtiu – en particulier Ollam Fótla (littéralement “le plus grand poète d’Irlande”) et avec lui sept de ses fils et de ses petits-fils et d’autres groupes de nobles ulates. Les Nobles des Tuatha Dé Danand, (étaient enterrés) dans le Brug (na Boinne) : c’est-à-dire Lug, Óe mac Olloman, Ogma, Cairbre fils d’Edaín, Edaín elle-même, le Dagda avec ses trois fils, et en plus une grande troupe de Tuatha Dé Danann, et de Fir Bolg et de tout peuple en général. Les rois de province de Galia (étaient enterrés) à l’Oénach Ailbi. Les rois de Munster à l’Oénach Cúli, à l’Oénach Colman et Feci. Les Cland Dedad étaient enterrés à Temair Erand (Tara des Éraind). Les rois de Connacht étaient enterrés à Cruachan”16.

Un autre texte du même manuscrit, intitulé Senchas na Relec “l’Histoire des cimetières”17, apporte un certain nombre de précisions sur les mêmes sites. Il nous informe en particulier sur les changements politiques et religieux qui ont conduit à l’abandon ou à la réutilisation de certains sites : “Les principaux cimetières d’Irlande, avant la christianisation, étaient les suivants : Cruachu, le Brug, Tailtiu, Luachair Ailbe ou Oénach Ailbe, Oénach Cúli, Oénach Colman, Temair Erand”18. La tradition historique avait retenu le nom des rois qui, en adhérant à la foi chrétienne, avaient du même coup refusé d’être enterrés dans ces nécropoles païennes. C’est le cas du roi Ulate Conchobar :

“À Tailtiu étaient enterrés les Ulates, en particulier Ollam Fótla avec ses enfants, jusqu’à l’arrivée de Conchobar : ce dernier décida d’être enterré (quelque part) entre Slea et la mer, avec le visage tourné vers l’est, à cause de la foi chrétienne qu’il avait adoptée”19.

C’est aussi le cas du roi Cormac mac Airt, dont le règne avait été un modèle du genre. Il meurt en exil, car une blessure à l’œil (infligée par le chef des Déssi, Oengus Gaibuaifnech) l’avait disqualifié comme roi de Tara. Sentant la mort approcher (à cause d’une arête de saumon dans la gorge), “il dit alors à ses serviteurs de ne pas l’enterrer dans le Brug, car le roi qu’il adorait n’était pas le même que celui de ceux qui étaient enterrés là, mais il fallait l’enterrer à Ros na Ríg, avec le visage tourné vers l’est”20.

Ici survient un épisode fréquent dans les textes hagiographiques : le déplacement du corps va être empêché de façon surnaturelle. Les serviteurs de Cormac tiennent à respecter la tradition et veulent l’enterrer dans le Brug “là où étaient tous les rois de Tara avant lui. Ils soulevèrent trois fois le corps du roi pour l’apporter au Brug, et trois fois la Boann (Boyne) éleva ses eaux, si bien qu’ils ne pouvaient y accéder. Ils s’aperçurent alors que manquer aux dernières volontés du roi, revenait à outrepasser un jugement souverain (breith flatha). Ils élevèrent sa tombe à Ros na Ríg comme il l’avait dit”21. La révolte de la rivière est comparable à celle qui se produit dans la Táin Bó Cuailnge, cf. aussi la crue du Scamandre, dans l’Iliade.

De la même façon que son fils Cormac, Art aurait adhéré à la foi chrétienne avant sa mort, juste avant de livrer la bataille de Muccrama (ou Muicrime) : “il prophétisa le triomphe du christianisme, et demanda qu’on l’enterrât à Duma Dergluachra, là où se trouve aujourd’hui Treoit”22. D’après le Senchas na Relec, “bien que les hommes d’Irlande aient essayé de tirer son corps vers l’est, ils ne purent réussir, et il fut enterré là où il l’avait demandé. Il y eut ensuite une église catholique23 à l’emplacement de sa sépulture, à cause de la justice et de la foi qu’il avait manifestées, car c’est pour sa justice royale24 qu’il avait eu sa vision”25.

Ces nécropoles royales sont un lieu de rassemblement, lors des fêtes saisonnières du Premier novembre, Samain – l’époque du Festin de Tara, Feis Temrach, d’après Senchas na Relec qui le décrit comme “la Pâque des Païens”, ou du Premier août, Lugnasad – date de l’Oénach Tailten. Les Dindshenchas expliquent les jeux pratiqués à cette occasion comme des jeux funèbres à la mémoire des héros éponymes26.

La sépulture individuelle : une pierre et une inscription

On a vu que de nombreux textes épiques faisaient référence à une tombe individuelle. Le vocabulaire est très simple : fert désigne à la fois un talus et un fossé (comme le breton kleuz), par conséquent on le trouve construit aussi bien comme complément du verbe “creuser” (claidid) que comme complément du verbe “poser” (ro-lá) ou “élever” (do-ocaib). D’autres noms de la tombe sont úag, duma (“rempart”), lecht. Le composé lecht-lige serait peut-être une tombe collective27.

Les pierres funéraires sont probablement de forme variée : on parle de lia (gén. liac), ail (gén. ulad), menac, cloch, gollán, coirthe (“pilier”). Lecc, “dalle”, est peu employé.

Certaines pierres reçoivent une inscription ogamique. La formule épique, scríbthair a ainm n-ogaim “son nom ogamique est écrit” doit être mise en relation avec les formules épigraphiques réellement attestées, comme l’a proposé J. Vendryes28: les inscriptions ogamiques sont effectivement funéraires (pour la plupart), et elles commencent quelquefois par le mot “nom”, ANM, suivi du génitif du nom du défunt. Par conséquent le formulaire épique reproduit exactement le texte des inscriptions, ou, si l’on préfère, la phrase épique “on écrit son NOM ogamique”, cite à peu près le texte des inscriptions, “Nom d’Un Tel”. On trouve aussi, une fois, le mot LIE “pierre”. Mais dans la majorité des cas, l’inscription ogamique ne contient que le nom du défunt au génitif. C’est d’ailleurs pour cela que l’on s’est parfois demandé si l’inscription était vraiment funéraire : on a envisagé un emploi comme indication du propriétaire, à la limite de la propriété.

Il arrive que la partie inscrite en ogam soit cachée, c’est ce qui est dit de la pierre d’Eochaid Airgtech, dans le Voyage de Bran : “il y a un pilier près de son monument, et un ogam est inscrit dans le bout du pilier qui est enterré : ce qu’il y a là, c’est ‘ici, Eochaid Airgtech’”29.

On ne peut quitter ce dossier sans signaler l’abondance des pierres et piliers dans la Táin Bó Cuailnge. Cú Chulainn dort sur des pierres, un petit pilier (ou une pierre taillée) lui sert d’oreiller. Il rencontre souvent des adversaires portant une pierre – comme il est difficile de croire que les guerriers se promènent volontiers avec leur pierre tombale, il faut sans doute y voir un élément comique – par exemple, des éclaireurs chargés de déplacer les bornes de propriété. Il y a sans doute une intention facétieuse dans le Dindshenchas d’Ailich30 lorsque le Dagda impose au meurtrier de son fils Aed de parcourir l’Irlande avec le cadavre sur son dos, à la recherche d’une pierre aussi grande que le mort. Le meurtrier finit par trouver une pierre assez grande, près du Lough Foyle (Loch Febal), mais au prix de tels efforts qu’il rend l’âme sur le champ.

Sépulture du guerrier : le cairn

Cependant bien des guerriers n’ont droit qu’à un monument de fortune, sur le lieu même de leur mort31 (ce qui est un lieu prédestiné : on évoque le fot a bháis, “la motte de terre de sa mort”). Il n’est même pas question de creuser une tombe, dans ce cas. Un cas extrême est celui du monstre Conganchnes “Peau de Corne”: co tall a c(h)end de, co tardad carn for a c(h)end .i. cloch cacha fir tánaic ann “et il lui enleva la tête, et sur sa tête fut élevé un cairn (un tas de pierre) : c’est-à-dire, avec la pierre de chaque homme qui passait par là”32.

C’est en effet le principe de la construction du cairn : chacun doit participer à son entretien en ajoutant une pierre au tas déjà constitué. J. Vendryes33 compare un usage consistant à jeter une pierre dans un tas avant de partir au combat, ce qui permettait ensuite le décompte des morts et des survivants. Le meilleur exemple, dans la littérature irlandaise, est celui des díbergaig “brigands”, dans Togail Bruidne Da Derga : ils élèvent un cairn avant d’engager le combat, afin de connaître le nombre de leurs pertes à la fin des opérations34. Une coutume analogue existait chez les Perses, d’après Procope. Les Celtes en auraient tiré cet usage de rassembler des pierres sur la tombe de personnages importants. Nous avons plusieurs exemples littéraires de cet usage. C’est par exemple ce qui se passe pour la tombe du roi déchu Suibhne : tugsat cloch gach fir i leacht Shuibhne “chaque homme apporta sa pierre au monument de Suibhne (Sweeney)”35.

Le texte déjà cité de Togail Bruidne Da Derga (TBDD § 67) associe le carn à la préparation d’une togail “destruction”, tandis que le coirthe “pilier” est associé à la “déroute” (maidm n-imairicc) ; il nous est difficile aujourd’hui de comprendre cette distinction.

En gallois, il existe un mot parallèle, carn (fém.) et dérivé carnedd (*karniā ?).

Dans l’Histoire de Gruffudd ap Cynan, il est question d’expliquer un nom de lieu, Mynydd Carn : Menyd e Garned, canys eno e mae diruawr garned o vein a dan er honn y cladwt rysswr yg kynnoessoed gynt “Montagne du Carn, car là il y a un grand tas de pierres sous lequel fut enterré un guerrier dans les époques passées36” ; mais la version latine n’avait que des “thesauros absconditos”37.

Notes sur quelques aspects particuliers

Le cortège ou convoi funèbre

On ramène le corps dans un cortège d’une importance variable. On a déjà vu le cas de Loegaire. Il est question du convoi de Da Thí (ou Nathí), qui est accompagné de quatre hommes de l’art (aés gráda), jusqu’à l’Oénach Cruachan38. Mais le thème central de la légende consiste dans une malédiction d’après laquelle l’emplacement du tombeau de Da Thí devait rester inconnu. De la même façon, le corps de Fraéch est protégé de ceux qui voudraient s’emparer de sa dépouille ou lui enlever la tête (fodbad a les deux sens), et il est conduit à Cruachan où il est enterré dans un cairn qui portera son nom39. Cependant, c’est le faux convoi funèbre de Cobthach, dans Orgain Denna Ríg (La Destruction de Dind Ríg), qui a le plus retenu l’attention: pour se débarrasser de son frère dont il est très jaloux, Cobthach Coel Breg simule la mort, et se fait véhiculer allongé dans un char. Lorsque son frère arrive et manifeste son affection, il lui plante un couteau dans le ventre. Le char funèbre (carpat) est vraisemblablement le même que celui que l’on retrouva dans les tombes celtiques anciennes dites “tombes à char”, d’après Margaret Dobbs40.

Le terme irlandais moderne, pour le convoi funèbre, est sochraid(e), un composé de so- + cara, génitif carad “ami, parent” : c’est en quelque sorte le fait d’avoir un grand nombre de parents et d’amis. En irlandais ancien, on emploie le nom verbal adnacol “conduire en protégeant”, qui finalement désigne aussi l’enterrement et la sépulture. La veillée funèbre (irl. mod. torramh) n’est pas attestée dans l’épopée ancienne.

Les Jeux funèbres
(cluiche caíntech)

Nous avons déjà évoqué les Oénach, ou assemblées saisonnières comprenant des jeux à la mémoire du fondateur. Comme dans l’Iliade (chant XXIII), après la mort de Patrocle, la mort du héros était célébrée par des jeux. Keating41 ne comprend plus cette expression : il interprète cluiche caointeach comme si c’était cluiche caointe “le jeu de lamentation”, ce sont d’après lui des manifestations de deuil particulièrement violentes, avec cris, cheveux tirés, griffures, chute sur le sol, coups et blessures contre soi-même, etc. Il cite un poème d’après lequel le fils d’un certain Ronan se serait tué dans une manifestation de deuil exagérée.

Aux anciens jeux ont succédé, dans l’Irlande moderne, des jeux de veillée funèbre, qui ont été décrits par Ó Súilleabháin42.

La lamentation funèbre
(coí, guba, coíned, cepóc…)

L’usage s’est maintenu jusqu’à l’époque moderne.

Le caoineadh irlandais (anglicisé keen), est, comme le vocero corse, chanté à un certain rythme, sur certaines mélodies. On faisait appel à des chanteuses reputées. Plusieurs textes de caoineadh sont passés de la littérature orale à l’écrit depuis le début du XIXe s. Le plus célèbre, le Caoineadh Airt Uí Laoghaire, a été composé impromptu par Eibhlín Dubh Ní Chonaill pour son mari Art Ó Laoghaire, tué à l’âge de 36 ans, en 1773 : ce chant a été recueilli au début du XIXe s. dans la tradition orale dans la région où s’étaient déroulés les événements (à l’ouest du comté de Cork, en Muskerry).43 On en trouve aussi des exemples dans l’épopée, comme la lamentation de Deirdre pour les fils d’Uisneach, ou celle d’Eimhear pour la mort de Cú Chulainn.

Le deuil du bétail

Le fils de Cú Chulainn, Conla, alias Oenfher Aífe “le seul homme d’Aífe”, a été la victime de plusieurs interdictions dictées par son père : de ce fait, il est malheureusement tué par son père, et les cérémonies funèbres comportent une mention assez curieuse :

Ro lád tra a gáir gubai 7 a fhert 7 a lia ocus co cend trí tráth nícon reilgthe laíg dia mbuaib la hUltu ina diaid “on fit alors son “cri de lamentation”, et on prépara sa fosse et sa pierre, et pendant trois jours pleins ensuite, les veaux ne furent pas lâchés auprès de leurs (mères) vaches chez les Ulates”44.

Vernam Hull a comparé45 un passage du texte semi-historique de Cogadh Gaedhel re Gallaibh (un récit arrangé de la bataille de Clontarf, gagnée par Brian Ború sur les Scandinaves, en 1024) : l’élégie sur la mort de Mathghamain (Mahon) comporte le quatrain suivant :

Gion go léigtea laoigh go buaibh
Ag caoineadh Mathgamhna muaidh,
Do ferad mór d’ulc ré lá
Don lucht fuil hi bPurt Arda

Traduction de J. H. Todd :

Although calves are not suffered to go to the cows,
In lamentation for the noble Mathgamain,
There was inflicted much evil in his day
By those who are in Port Ada.

La fin du quatrain fait allusion à des représailles entreprises précisément “en son jour”, c’est-à-dire le jour de ses funérailles, ou le jour de sa mort. Comme le reconnaît V. Hull, on hésite à croire qu’il s’agit d’une coutume réelle lorsque l’on ne dispose que du texte épique de la Mort de Conla, mais l’existence d’une coutume devient beaucoup plus probable lorsqu’on peut comparer une deuxième référence, même littéraire comme celle de Cogadh Gaedhel re Gallaibh.

Vernam Hull invitait ses lecteurs à trouver d’autres références à cet usage. J’ai pu produire46 un autre cas, tiré des Annales d’Ulster pour l’année 738 : Cernach filius Foghartaigh a suis sceleratis sociis dolose iugulatur, quem uaccarum uituli et infimi orbis mulieres tediose fleuerunt “Cernach fils de Fogartach est assassiné traîtreusement par ses criminels compagnons, les veaux des vaches (= les jeunes veaux, les veaux sous leurs mères) et les “femmes du monde d’en-bas” (= les fées) le pleurèrent avec tristesse”47. Cette dernière référence complique cependant la situation, car il est fait mention aussi de la lamentation des infimi orbis mulieres, qui sont sans aucun doute les ben-síde (au pl., mná síde), anglicisé banshee, c’est-à-dire les fées.

En privant de nourriture les veaux de lait, on était assuré de les voir participer au deuil général avec de puissantes lamentations (et de même les vaches laitières, qui devaient souffrir de ne pas être traites). Une autre manifestation de deuil de la part des bovins serait la perte des cornes: ce thème curieux apparaît deux fois dans le Dindshenchas en prose, au n°16 Adarca Hua Failgi “Les Cornes d’Offaly” et au n°125 Indber mBicni48, où la chute des cornes du bétail est considérée comme un signe de deuil; d’après la deuxième notice, le phénomène serait à l’origine du nom de lieu Bennchor “chute des cornes” (nom d’une abbaye célèbre dans le County Down). Dans le premier cas, un essai d’étiologie tente d’expliquer la perte des cornes par la mort de l’éleveur, qui n’est plus là pour empêcher les bêtes de se battre les unes contre les autres…

Le deuil des fées

La participation des fées est bien attestée aussi dans le folklore irlandais et écossais. Il est possible d’y voir la trace d’anciennes croyances. Deux héros de l’épopée ancienne se trouvent emportés dans des tertres magiques: Fraech, et Aed, un roi mythique de Mide. Le premier intervient de façon dramatique dans la Táin Bó Cuailnge, puisque c’est le premier adversaire que rencontre Cú Chulainn. Il trouve Cú Chulainn en train de se laver dans la rivière. Il combat sans arme contre lui, mais Cú Chulainn est le plus fort et le noie sous l’eau, à mains nues, non sans lui avoir laissé la possibilité d’avoir la vie sauve en demandant grâce. Fraéch a refusé de s’avouer vaincu et meurt noyé. Après quoi, “on le ramène à terre, ses gens portent son corps jusqu’au campement ; […] tout le campement pleure Fraéch ; et ils virent une troupe de femmes en tuniques vertes penchées du corps de Fraéch fils d’Idad : elles l’emportèrent dans le tertre magique (síd), qui s’appela désormais le Síd de Fraéch.”49

De la même façon, Aed Rúad, roi de Mide, qui gouvernait l’Irlande en co-royauté avec deux autres souverains, est enterré dans un síd, un tertre des fées (angl. elf-mound), d’après le Dindshenchas50 – peut-être à cause d’une mort accidentelle, puisqu’il est enterré à peu de distance de la cascade où il s’est noyé et qui porte son nom : Ess Ruaid, tout comme le tertre s’appellera désormais Síd n-Aeda “Tertre d’Aed”.

Je terminerai en citant le témoignage d’un prêtre irlandais du début du XVIIe s., Geoffrey Keating (gaelicisé Seathrún Céitinn). C’est un antiquaire, qui a rassemblé toutes les traditions historiques et légendaires de son pays dans une immense “histoire” intitulée, Forus Feasa ar Éirinn “Somme de la connaissance sur l’Irlande”. Mais c’est un ouvrage de théologien que nous citerons : un passage de son livre sur les “Trois aiguillons de la Mort” (Trí Biorghaoithe an Bháis), où il présente les coutumes funèbres de l’Irlande ancienne.

La coutume en Irlande, à l’époque des héros et des Fian, avant que n’arrivât chez eux la lumière de la foi, c’était d’enterrer les morts. Cependant, ils avaient de multiples façons de les enterrer. D’abord, en creusant une tombe dans la terre de la largeur et de la longueur du corps, en plaçant la plante des pieds vers l’est et le haut du crâne vers l’ouest, et en mettant par-dessus un tas de pierres que l’on appelait leacht : par exemple la tombe de Maothagán, à Uíbh Fathaigh.
La deuxième manière consistait à enterrer les morts et à creuser autour de petits remparts, sans mettre de pierre ou de monument par-dessus. Et il y a trois groupes de personnes que l’on mettait dans ces petits retranchements (rátha) : les artistes, les femmes et les enfants. Et il y avait encore deux autres manières d’enterrer les personnes en Irlande, comme le fait comprendre ce poème :

Un tombeau à une seule porte pour un homme avec art,
Un tombeau à deux portes sur une femme,
Des tombeaux sans aucune porte sur les fils et les filles,
Des monticules sur les étrangers nobles,
Et des murs sur les grands fléaux.

Ce poème laisse entendre qu’il n’y avait qu’une porte sur la tombe de l’artiste, deux portes sur la tombe de la femme, la tombe des enfants n’en avait pas, des buttes marquaient la tombe des nobles d’outremer, et des murs de chaux étaient installés sur les malades horribles.
Une autre manière de les enterrer, c’était avec une pierre et un monument (lia agus leacht), et ces tombes-ci sont nombreuses en Irlande.

Un autre mode de sépulture existait en Irlande à l’époque du paganisme : (il consistait) à mettre les morts debout, à construire un cairn de terre et de pierre au-dessus d’eux, en formant un cercle bien rond, et à enterrer leurs armes avec eux. C’est comme cela que furent enterrés autrefois beaucoup de nobles irlandais, et en particulier Mogh Néid, comme on peut le lire dans la Bataille de Magh Tualaing écrite par le druide Dearg Dhamhsa :

Voici la tombe de Mogh, sur la plaine de Magh Tualaing,
Avec sa javeline à son épaule,
Avec sa cuirasse qui exprime la vaillance,
Et avec son casque de protection.”51

On peut comprendre que les tumulus avec une, deux portes sont plus ou moins grands. La destination des monuments, à Rath Croghan et à Tara, était suffisamment indiquée par leur nom traditionnel : Duma na mBan le “Rempart des Femmes” etc.52 Pour le reste, la description de Keating est guidée verbatim par le formulaire épique : il cite les textes anciens, et en particulier la formule lia agus leacht. Avec la tombe de Mogh, on verse dans le mythe complet. Cette description du XVIIe s. est donc une compilation de lectures bien plus qu’une exploration du terrain (comme on pourrait en trouver les traces, par exemple, sur les cartes d’Irlande du français Petty), mais je ne pourrais en faire le reproche à Keating, puisque j’ai fait la même chose que lui.

Bibliographie

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Notes

  1. Stokes 1903a, 184, §17.
  2. Windisch 1887, 516, §12, lignes 756-758.
  3. O’Rahilly 1976, lignes 1385-6.
  4. Meyer, 1906, 30, ligne 12.
  5. Stokes 1903b, 282-283, §24. Les cérémonies funèbres dans le cas d’Aithirne posent problème : le poème final contient à ce sujet une contradiction, puisque le poète Amargen commence par dire, “poètes, ne creusez pas sa tombe ici”, mais il termine en admettant qu’il va procéder au rituel : “Je vais faire sa lamentation funèbre ici, et sa plainte et je planterai ici sa tombe, et j’élèverai son beau tumulus” (ibid., §27, 284-285). Ces contradictions s’expliquent peut-être par l’émotion d’Amargen, qui est le disciple direct du poète qui est mort, Aithirne.
  6. cité d’après O’Grady 1892, I, 252.
  7. Cité d’après une édition courante de Trí Truagha na Scéaluidheachta “Les Trois Chagrins du Conteur” : Ua Ceallaigh (Sceilg) 1927, 64. On remarquera qu’il s’agit d’une tombe collective. En cas de morts multiples, le traitement funéraire varie : lorsque Cú Chulainn abat un certain nombre d’adversaires en un seul combat, chacun d’eux a droit à sa pierre funéraire. Ainsi Ferchú et sa suite : atát a trí líic déac and “il y a là leurs treize dalles” : O’Rahilly 1976 = TBC I, l. 2521-22 ; de même après le massacre de Gaile Dáne et de ses vingt-huit fils et neveu : ocus rolátha a naí coirthi fichit and sin, “et leurs vingt-neuf pierres furent plantées là”, ibid. l. 2565.
  8. Tiré de la légende Comthoth Lóegairi co cretim 7 a aided adfét in scél so “cette histoire raconte la Conversion de Loegaire à la foi (chrétienne) et sa mort violente” : Best & Bergin 1929 = LU, lignes 9732-9820 : voir aussi lignes 9816-9820. La phrase suivante est malheureusement incomplète (c’est la fin du texte interpolé par le scribe H) : “le fort de Loegaire (ráith Loegairi) était alors la Maison du circuit d’hydromel (Tech Midchuarta), et c’est pour cette raison-ci qu’il demanda à y être enterré [parce que…]”.
  9. Dindshenchas en prose n°1, § 7, = Stokes 1894, texte p. 280-281 § 7, traduction p. 284 § 7. J’ai eu l’occasion de citer et commenter ce texte : Lambert 2007, 234-235, où je citais d’autres exemples d’une orientation du mort.
  10. L’épée de Fergus mac Roig joue elle-même un certain rôle dans la Táin Bó Cuailnge, puisque c’est la preuve de l’adultère commis par Fergus avec la reine Medb. En effet, Fergus s’étant querellé avec le roi Conchobar a rejoint le camp ennemi, dirigé par Ailill et Medb. Fergus a couché avec la reine Medb, mais à cette occasion, le roi Ailill a subtilisé son épée… Il la lui rendra plus tard lorsque les armées de Medb auront besoin de renforts.
  11. C’est le cas pour la tête d’Órlam ; dans le cas de Lethan, il laisse la tête coupée à côté du corps.
  12. Dindshenchas en prose §6 = Stokes 1894.
  13. Dindshenchas en prose : n°159 = Stokes 1895, 276-277.
  14. pl. trí réilce idlaidi, dans Aided Nathí : Best & Bergin 1929 = LU 2875 ; Dindshenchas en prose, n°136 Mag Tibra = Stokes 1895, 143-145.
  15. Aided Nath Í : Best & Bergin 1929 = LU 2871-2890.
  16. Best & Bergin 1929 = LU 2899-2907.
  17. Sur ce texte, voir en dernier lieu McCone 1991, 73.
  18. Best & Bergin 1929 = LU 4068-4070. Pour tous ces sites, se reporter à Mac Néill 1982, en particulier le chap. “The ancient assemblies at Tailtiu, Carman and Loch Gair”, I, 311-349. Sur l’Assemblée de Teltown, cf. Binchy 1958. Sur l’Oenach Ailbe et quelques autres, voir Ó Murchadha 2002.
  19. Best & Bergin 1929 =LU 4103-6.
  20. Best & Bergin 1929 = LU 4059-4061.
  21. Best & Bergin 1929 = LU 4063-67.
  22. Best & Bergin 1929 = LU 4089-4091; cf. Fástini Airt meic Cuind 7 a chretem, ibid. LU 9821 sq.
  23. eclas cathalacda, dans ce texte du XIe s., doit être un édifice religieux pouvant abriter tout le clergé (c’est le sens de cathlach).
  24. ttria fir flatha, “par sa justice de prince”: fír signifie à la fois justice et vérité.
  25. paraphrase, Best & Bergin 1929, LU 4089-4096.
  26. Garman à Carman : Dindshenchas en prose, n°18 = Stokes 1894, 311-331 ; Tailtiu à l’Oénach Tailten : Dindshenchas en prose, n°99 = Stokes 1895, 50.
  27. dans l’Acallamhna Senórach : Stokes 1900, ligne 5190.
  28. Vendryes 1955. Voir aussi Vendryes 1941 = Vendryes 1952, 247-276. Sur l’emploi non funéraire de l’ogam, cf. Gerschel 1963.
  29. Best & Bergin 1929 = LU 10993.
  30. Dindshenchas en prose n°91 = Stokes 1895, 41-43.
  31. Il m’est impossible ici d’aborder les traitements infligés au corps du guerrier vaincu : la tête détachée, le corps mutilé ou découpé en un certain nombre de morceaux, les dépouilles prélevées et lavées, etc. Cela prendrait beaucoup trop de place.
  32. Meyer 1906,28, lignes 4-5. cf. note 5.
  33. Vendryes et al. 1987, 39-40 (= LEIA C, s. v. carn).
  34. Stokes 1901, en particulier 168-169, § 66-67, et le paragraphe final, 329, §168.
  35. O’Keeffe 1912, 154 ligne 18. Exemples tirés du Dindshenchas en prose : Stokes 1894, 331 (Benn Étair), Stokes 1895, 38-39 (n°88 Carn Furbaide) et 48 (n°96 Carnd Máil, nó Carn Luigdech). Cf. aussi Meyer 1901, 44.6 (Brinna Ferchertne), et Gwynn 1913, 448.1-2 (Carn Conaill : où Conall est enterré avec son père).
  36. Evans 1977, 16 lignes 14-16.
  37. Russell 2005, 40, lignes 18-20, §18,17.
  38. Aided Nath Í 7 a adnacol inso, Best & Bergin 1929 = LU 2784, LU 2798-2801.
  39. Carn Fraích, Dindshenchas en prose n°132 : cf. Stokes1895, 136-139.
  40. Dobbs 1911 ; voir aussi d’Arbois de Jubainville 1877.
  41. Bergin 1931, 175.
  42. Súilleabháin 1967 (publié d’abord en irlandais: Caitheamh Aimsire ar Thórraimh, Londres, 1961).
  43. Il existe une bibliographie importante à ce sujet. Le texte a été édité en dernier lieu par S. Ó Tuama (1961) ; sur les circonstances historiques, voir par exemple Bromwich 1948. Sur la tradition de lamentation funèbre à travers les témoignages historiques, cf. Ó Muirithe 1978.
  44. Aided Oenfhir Aífe, texte du Yellow Book of Lecan : Meyer 1904, 120-121. Cf. Van Hamel 1933, 15, §13.
  45. Hull 1962, 190-191.
  46. Lambert 1978.
  47. Mac Airt & Mac Niocaill 1983, 190 : année 738, §3. Même texte dans les annales de Tigernach, Stokes 1895-1896, 17, 240.
  48. Voir respectivement Stokes 1894, 308-309, et Stokes 1895, 75.
  49. O’Rahilly 1976, lignes 852-857 = LU 5233-5238. Le Dindshenchas en prose présente approximativement la même tradition concernant le toponyme Carn Fraích (n°132, = Stokes 1895, 136-139).
  50. Dindshenchas en prose d’Emain Macha, n°161 = Stokes 1895, 279-283.
  51. Bergin 1931, 181-182, lignes 5753-88.
  52. Ainsi, à Tara, nous avons le Tumulus des Otages (Duma na nGiall), le Tumulus des femmes soldats (Duma na mban-amus), la Maison des femmes (Long na mBan), le Cairn des Enfants du Leinster (Carn macraide Laigen), et le Cairn des Enfants des Ui Néill (Carn macraide Úa Néill), d’après le Dindshenchas en prose, n°1.
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Chapitre de livre
EAN html : 9782356134929
ISBN html : 978-2-35613-492-9
ISBN pdf : 978-2-35613-493-6
Volume : 1
ISSN : 2827-1912
Posté le 08/05/2024
Publié initialement le 01/02/2013
9 p.
Code CLIL : 3385 ; 4117
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Lambert, Pierre-Yves, “Les cérémonies funèbres d’après l’épopée irlandaise”, in : Krausz, Sophie, Colin, Anne, Gruel, Katherine, Ralston, Ian, Dechezleprêtre, Thierry, dir., L’âge du Fer en Europe. Mélanges offerts à Olivier Buchsenschutz, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 1, 2024, 501-510, [en ligne] https://una-editions.fr/ceremonies-funebres-dapres-epopee-irlandaise [consulté le 08/05/2024].
doi.org/10.46608/basic1.9782356134929.42
Illustration de couverture • D'après la couverture originale de l'ouvrage édité dans la collection Mémoires aux éditions Ausonius (murus gallicus, Bibracte ; mise en lumière SVG).
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