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Collection : PRIMALUNA_9

Les Histoires philippiques de Trogue Pompée / Justin présentent la difficulté d’être une œuvre historique à deux voix : celle de Trogue Pompée, historien gaulois du Ier siècle avant notre ère, qui composa une histoire universelle aujourd’hui perdue, et celle de Justin qui en fit un épitomé plusieurs siècles plus tard qui nous est parvenu.
Les Histoires philippiques de Trogue Pompée / Justin présentent la difficulté d’être une œuvre historique à deux voix : celle de Trogue Pompée, historien gaulois du Ier siècle avant notre ère, qui composa une histoire universelle aujourd’hui perdue, et celle de Justin qui en fit un épitomé plusieurs siècles plus tard qui nous est parvenu. Les livres 11 et 12 de cet ouvrage sont consacrés à la vie d’Alexandre le Grand, de son accession au trône à sa mort.
Le regard que Clitarque portait sur Alexandre, et la manière dont il le présentait dans son œuvre, est sujet à grand débat. Des chercheurs de premier plan tirent ainsi des conclusions diamétralement opposées, que l’on peut mettre en avant en s’intéressant à trois d’entre eux.
En raison de leur nature même, les Histoires philippiques constituent une œuvre particulièrement complexe. Il n’est en effet pas aisé de faire la part des différentes étapes de construction du texte, entre l’héritage direct des sources utilisées par Trogue Pompée, ses interventions propres ainsi que ses choix de composition, et enfin le travail de Justin sur l’œuvre de l’auteur gaulois.
À l’époque où vécut Trogue Pompée, au temps où il rédigea ses Histoires philippiques, Rome vivait un moment passablement troublé de son histoire : il traversa deux guerres civiles ; il vit la République mise en danger par des ambitions plus ou moins manifestes, blessée par des triumvirats basculant dans l’affrontement armé ; il fut enfin confronté à l’émergence d’un nouveau pouvoir, celui d’Auguste, qui institua le principat sous le prétexte de rétablir ladite République.
Trogue Pompée / Justin invitent eux-mêmes, à la fin du livre 9 consacré à Philippe, après avoir développé son caractère propre (9.8.1-9.8.10), à le comparer à Alexandre (9.8.11-9.8.21). Ils entreprennent de jauger les mérites et les travers de l’un à l’aune des mérites et des travers de l’autre. Or il s’agit bien, au-delà de la mise en regard de la valeur du père et de celle du fils, de confronter les images de deux rois. Cette comparaison des souverains macédoniens tourne à l’avantage de Philippe, alors même qu’Alexandre le “surpassa par sa vertu et ses vicesˮ (uirtute et uitiis maior). Elle sert en effet, pour reprendre le propos de L. Prandi (2016 (1), 8) à valoriser Philippe ex post, et à stigmatiser Alexandre a priori. Cela donne d’emblée une vision négative d’Alexandre et comporte une évidente valeur programmatique pour les livres 11 et 12.
Il apparaît que les livres 11 et 12 de l’œuvre de Trogue Pompée, dans le texte transmis par Justin, sont le fruit d’un travail consciencieux de l’auteur gallo-romain. Il s’agit bel et bien d’une construction, usant de sources différentes, suivant une source principale, en insérant d’autres, et profitant de toutes les ressources qu’offre la composition historique pour établir un texte propre, dans le dessein de proposer à la lecture un portrait particulier d’Alexandre le Grand. Il nous a d’ores et déjà été permis de voir, dans l’analyse du travail mené par Trogue Pompée / Justin, la manière dont l’image d’Alexandre, en partie corrompue au livre 11 mais globalement positive, était noircie au livre 12, à la suite d’une séquence pivot particulièrement travaillée.
L’œuvre de Trogue Pompée fut ainsi une œuvre de collection de faits, tirés de différents historiens grecs, mais aussi une œuvre de composition. Le verbe conposuit, que B. Mineo a traduit par “a rassemblésˮ pour rendre compte de cette tache première, comporte bien aussi l’idée de mise en ordre et d’arrangement de ces faits, ce qu’appuient nettement les participes diuisa et digesta.
Si le texte des Histoires philippiques présente de très nombreuses similitudes avec les autres ouvrages de la Vulgate, et s’il faut certainement voir derrière ces extraits la marque de l’historien alexandrin Clitarque, source commune probable de tous les auteurs, il est également de nombreux passages qui sont originaux et propres à l’œuvre de Trogue Pompée / Justin.
Le traitement d’Alexandre le Grand par Trogue Pompée et Justin s’est inscrit dans une tradition notablement encomiastique, que l’on peut rattacher à l’historien alexandrin Clitarque, très en vogue dans le monde romain. Le fait est que les auteurs des Histoires philippiques ne cachent pas les qualités et exploits d’Alexandre, notamment au début de son règne.
L’histoire relève aujourd’hui de ce que nous appelons les sciences humaines. Cette dis-cipline s’est forgée, particulièrement au cours du XXe siècle, des outils d’analyse qui lui permettent de viser à l’objectivité, ainsi qu’à la recherche d’une forme de vérité dans l’étude, la reconstitution, la compréhension du passé.
La traduction qui suit, ainsi que tous les extraits des livres 11 et 12 des Histoires philippiques qui seront cités dans cet ouvrage, reposent sur le texte que nous avons nous-même établi et traduit dans le cadre de notre thèse soutenue en 2017, dans laquelle le lecteur trouvera un apparat critique.
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