« Les révolutions et la valse des constitutions »1. Ce titre que l’on emprunte à Maurice Duverger pourrait résumer à lui seul une grande partie de l’histoire constitutionnelle française. La première constitution écrite y est née d’une révolution, et chaque révolution a été suivie d’un nouveau texte constitutionnel. Ce lien étroit entre révolution et constitution n’est pourtant pas propre à la France. D’autres pays ont vu des constitutions naître d’une révolution, que l’on songe aux premiers États américains en 1776, au Mexique en 1917, ou à la Russie en 1918. Un lien de causalité indéfectible semble les unir, conduisant ainsi à voir en la constitution le pinacle d’une révolution réussie.
Ce lien qui relève de l’évidence apparaît aujourd’hui de plus en plus questionné, notamment du fait de l’émergence de mouvements révolutionnaires ne plaçant pas au cœur de leur combat l’établissement d’une nouvelle constitution, ou tout du moins dont la réussite ne dépend pas uniquement d’un changement formel de constitution. Le soulèvement biélorusse d’août 2020 en est une des illustrations les plus récentes. Face aux soupçons de fraude lors de la réélection à la présidence de la République d’Alexandre Loukachenko, la principale opposante au régime, Svetlana Tikhanovskaïa, n’a eu de cesse d’insister sur la nécessité de respecter la Constitution alors en vigueur et d’agir non pas à son encontre mais au nom de son application pleine et entière. Cette même attitude « pro-constitutionnelle » fait écho à celle qui avait caractérisé le peuple ukrainien lors de la « Révolution orange » entre 2004 et 2005 où le peuple s’était également soulevé pour dénoncer des irrégularités électorales et appelé à un retour à une application stricte de leur Constitution. Le XXIe siècle verrait-il alors l’émergence de mouvements révolutionnaires conservateurs du point de vue constitutionnel ? Il apparaît encore difficile de pouvoir l’affirmer mais ces expériences plus récentes invitent incontestablement à un retour sur les liens entre constitution et révolution.
Pourtant, une telle étude représente un véritable défi pour tout constitutionnaliste car pour y procéder, il faut au préalable effectuer une introspection profonde sur sa propre conception du droit, du politique, du fait et de la force. Pour que cette introspection soit totale, elle doit également être transparente, dans le sens où ces conceptions doivent être annoncées et explicitées. Or, on touche ici à des points particulièrement complexes et disputés au sein de la doctrine. De nombreux juristes ont refusé, et refusent toujours, de traiter des phénomènes révolutionnaires. Si pour Henry Lévy-Bruhl cette aversion s’explique par leur côté conservateur2, Pierre-Marie Raynal propose lui une justification moins caricaturale. À ses yeux, cette distanciation repose sur l’« anéantissement du droit positif impliqué par une révolution »3. Vue comme un phénomène anti-juridique par essence, les juristes se trouveraient alors dans une position d’illégitimité au moment d’étudier une révolution4. En France, une telle position trouve ses fondements dans les écrits de Raymond Carré de Malberg. Selon le maître strasbourgeois, « les mouvements révolutionnaires et les coups d’État offrent ceci de commun que les uns et les autres constituent des actes de violence et s’opèrent, par conséquent, en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur. […] À la suite d’un bouleversement politique résultant de tels évènements, il n’y a plus, ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force »5. Il en conclut qu’il serait, dès lors, « puéril » de s’interroger sur le détenteur du pouvoir légitime, excluant ainsi toute recherche juridique sur ces périodes.
Toutefois, cette vision n’est pas partagée par l’ensemble de la doctrine. La théorie pure du droit offre une autre approche et autorise l’étude de ces moments révolutionnaires à la condition que le juriste ne cherche pas, dans son analyse, à évaluer la justice ou l’injustice de ce droit révolutionnaire « et n’apporte donc pas une justification éthico-politique de ce droit »6. Le relativisme axiologique qui imprègne la théorie pure du droit impose au juriste, souhaitant appréhender un phénomène révolutionnaire, de supputer la signification objective des actes produits à cette occasion, c’est-à-dire leur reconnaître une valeur juridique, nonobstant leur légitimité ou illégitimité7. La validité de ces actes révolutionnaires, permettant leur étude, ne devra alors reposer que sur le constat in concreto de leur efficacité8. Partant, certains auteurs se revendiquant de cette école de pensée ont cherché à nourrir la réflexion sur le concept de révolution et ont ainsi pu proposer une définition normativiste de la révolution juridique9.
Mais qu’en est-il de celles et ceux ne se rattachant pas à l’école de pensée d’Hans Kelsen ? Sont-ils condamnés à renoncer à étudier les phénomènes révolutionnaires ? En France, il est possible de se tourner vers d’autres auteurs, notamment vers Maurice Hauriou qui, s’il concordait avec Raymond Carré de Malberg sur le fait que les périodes révolutionnaires constituent des gouvernements de fait10, n’en estimait pas pour autant qu’il fallait rejeter toute étude des actes produits lors de ces périodes. Aux yeux du doyen de Toulouse, cette étude devait chercher avant toute chose à déterminer la légitimité de ces actes révolutionnaires. Ainsi, il ne pouvait envisager une étude qui ne prenne pas le soin au préalable d’évaluer au cas par cas le fondement de chaque processus révolutionnaire. Si une telle approche est possible au niveau national, elle condamne toute analyse comparative à grande échelle car elle impliquerait pour tout juriste de devoir ab initio interroger, à l’aune de ses propres critères, la légitimité de chaque mouvement révolutionnaire inclus dans l’étude. Un tel exercice apparaît non seulement peu praticable du point de vue matériel, mais aussi largement questionnable du point de vue méthodologique. En effet, une analyse des droits étrangers à l’aune des critères de légitimité nationaux conduirait nécessairement à une perception erronée de ces droits.
On le voit, la doctrine juridique reste relativement gênée par les mouvements révolutionnaires. Cet embarras se retrouve au moment d’aborder toute notion ou droit relevant de la même thématique. La preuve en est la difficulté d’appréhender la valeur juridique du droit de résistance, qui lui aussi est souvent rejeté aux confins du droit11. Même inscrit dans un texte de droit positif, le droit de se rebeller « échappe pour l’essentiel à la positivité »12. La révolution semble ainsi constituer un véritable trou noir juridique, où tout objet juridique s’en approchant semble s’y perdre à jamais. Les juristes pourraient néanmoins trouver une forme de consolation à l’idée de savoir que ces difficultés d’appréhension de ces phénomènes ne leur sont pas propres, puisqu’elles se retrouvent dans l’ensemble des sciences sociales. Comme le soulignent Mounia Bennani-Chraïbi et Olivier Fillieule « si les sciences sociales sont prolixes sur les causes et les conséquences des révolutions, elles le sont beaucoup moins sur les situations révolutionnaires elles-mêmes, leurs propriétés et les processus qui y conduisent »13, au point où il conviendrait de parler selon eux d’une « misère de la sociologie des révolutions »14. Toutefois, on conviendra que la misère d’une discipline soulage rarement la misère d’une autre.
D’autant que les difficultés ne s’arrêtent pas là. Aux côtés des révolutions, il existe une autre notion rétive à l’analyse juridique : celle de processus constituant. Comme l’a constaté Alexis Bloüet, la doctrine et la méthodologie juridiques ne se sont pas franchement emparées des processus constitutionnels en tant que sujets d’investigations15. En France, le responsable est à nouveau Raymond Carré de Malberg, dont l’ombre plane toujours, et pour qui « il n’y a pas à rechercher des principes constitutionnels en dehors des constitutions positives »16. Dans la mesure où la mise en œuvre du pouvoir constituant implique une rupture de l’ordre constitutionnel17 et revêt de ce fait une nature duale (à la fois destructeur de l’ordre préexistant et créateur d’un nouvel ordre), le vide juridique qu’il contient conduit à l’exclure de l’analyse juridique pour les mêmes raisons qu’expliqué précédemment. Tout juriste intéressé par ce processus se voit alors dans l’obligation de s’approcher du « précipice du constitutionnalisme » avec la plus grande des précautions afin de « porter son regard au-delà des normes constitutionnelles positives »18, mais en courant le risque de jeter le discrédit sur son analyse du fait d’une violation des limites de son champ d’études.
Dès lors, il semblerait que l’on se trouve face à une impasse. Ces périodes de troubles échappant à toute analyse par les sciences sociales, et en particulier des sciences du droit, il conviendrait de ne pas s’y attarder et de renoncer à leur examen. Pourtant, comment ne pas vouloir essayer de mieux les comprendre ? La seule solution serait alors de contourner le problème de leur nature. Qu’elles soient ou non des périodes de fait, les situations révolutionnaires produisent, qu’on le veuille ou non, des normes qui se veulent juridiques. Les différentes parties qui interagissent invoquent des normes juridiques. Leurs paroles ou leurs revendications ont une portée juridique. Même si elles sont élaborées en dehors du cadre légal, ces normes restent des phénomènes pouvant et devant être étudiés par les juristes, ne serait-ce qu’afin de déterminer si effectivement elles ont une portée ou une nature juridique.
Une fois affirmée l’utilité d’une telle analyse en droit, il convient ensuite de s’accorder sur la définition des objets étudiés. Jusqu’ici nous avons oscillé entre plusieurs expressions : « révolution », « mouvement révolutionnaire », « situation révolutionnaire » et même « phénomène révolutionnaire ». Le plus simple serait de s’en tenir au terme le plus régulièrement employé, à savoir « révolution ». Ce choix se justifierait d’autant plus qu’il bénéficie du privilège de l’ancienneté. En effet, le terme « révolution », apparu à la fin du XVIIe siècle avec la Révolution anglaise de 168819, est celui à partir duquel toutes les autres expressions sont nées et autour duquel elles gravitent. Assez classiquement, ce terme est utilisé pour évoquer un changement brusque dans la société20, plus ou moins violent21. Cette définition comporte a priori suffisamment de souplesse pour pouvoir inclure un panel de situations très diverses. Ce terme n’en reste pas moins problématique dans le sens où il implique que ce changement ait eu lieu. En effet, la révolution renvoie à des situations révolutionnaires ayant réussi, c’est-à-dire dans lesquelles les révolutionnaires sont parvenus à réaliser leurs objectifs. À nouveau, on se trouve dans l’obligation, avant même de procéder à l’étude juridique des enjeux, à devoir évaluer la réussite de phénomènes intrinsèquement sociaux et politiques, ce qui pour un juriste n’est guère aisé.
Afin de garder le spectre d’analyse le plus large possible, à chaque fois que le terme « révolution » sera employé dans le cadre de cette étude, sa définition recoupera celle de « mouvements révolutionnaires » ou de « situations révolutionnaires », conformément à la conceptualisation qu’en a fait Charles Tilly. Selon cet auteur, les « situations révolutionnaires » se caractérisent par la concurrence entre plusieurs entités politiques, qui chacune revendique détenir la source de souveraineté22. Si cette définition peut paraître très insuffisante pour les juristes, dans la mesure où elle n’insiste pas sur le caractère brutal ou violent de cette confrontation ni sur ses effets, elle permet en réalité d’évacuer de l’analyse la question de la réussite ou non d’un soulèvement. Ceci se trouve d’autant plus justifié qu’il est aussi intéressant d’analyser les soulèvements populaires réussis que ceux ayant échoué ou n’ayant pas immédiatement abouti. Cette définition rejoint en partie celle développée par Bruce Ackerman, pour qui les moments révolutionnaires seraient des moments de « high politics » au cours desquels le peuple tranche lui-même un débat de haute intensité23, voire celle d’Henri Lévy-Bruhl pour qui les révolutions cherchent essentiellement à modifier les rapports des forces sociales en présence et de donner à certaines d’entre elles la possibilité, jusqu’alors refusée, d’établir des règles de droit conformes à leurs besoins24.
Cette même souplesse devra guider la définition du terme constitution. Ainsi, il conviendra de retenir une définition à la fois formelle et matérielle de la constitution, c’est-à-dire une définition basée sur la spécificité des procédures d’adoption et de révision, sur les formes et les contenus d’une constitution. Ceci s’avère nécessaire à la fois pour pouvoir appréhender et analyser des systèmes juridiques ne disposant pas d’une constitution formelle (comme cela est le cas du système anglais par exemple), mais aussi afin d’analyser l’impact des mouvements révolutionnaires sur les dimensions formelles et matérielles des constitutions.
Une fois ces précisions faites, il convient enfin de procéder au fond de l’étude et de déterminer si le lien de corrélation longtemps établi entre mouvement révolutionnaire et changement de constitution est toujours aussi solide, notamment au regard des expériences les plus récentes. Si tel était le cas, cela permettrait d’affirmer que ce qui a été qualifié de mouvement révolutionnaire en Biélorussie par exemple n’en était pas un aux yeux des juristes. En revanche, si tel n’était pas le cas, cela nécessiterait alors de préciser les rapports exacts entre mouvements révolutionnaires et changements constitutionnels.
Pour ce faire, il convient de partir des affirmations faisant habituellement l’objet d’un consensus au sein de la doctrine, pour ensuite les questionner à l’aune des expériences plus récentes. La première de ces affirmations porte sur le caractère intrinsèquement destructeur des soulèvements révolutionnaires. En effet, on considère bien souvent que les révolutions visent à détruire l’ordre établi, et en premier lieu la constitution. Ainsi, tout révolutionnaire serait nécessairement anticonstitutionnel. La seconde affirmation, qui découle de celle-ci, consiste, quant à elle, à considérer que tout mouvement révolutionnaire vise nécessairement à établir une nouvelle constitution. Dès lors, elle postule que tout révolutionnaire serait un pro-constituant. Ces deux idées sont profondément enracinées dans l’inconscient français, du fait de l’expérience révolutionnaire française, mais, une fois confrontées aux expériences révolutionnaires étrangères plus récentes, leur évidence apparaît moins flagrante. Nous n’irons pas jusqu’à conclure que ces affirmations sont erronées. En revanche, le recours au droit comparé nous invitera à les nuancer ou à les préciser.
Les révolutions : des mouvements intrinsèquement anticonstitutionnels ?
En 1901, Jean Jaurès affirmait qu’il « ne peut y avoir Révolution que là où il y a conscience »25. Cette conscience devait alors naître de revendications précises et substantielles26. Traduites en langage juridique, ces revendications ont souvent consisté ou impliqué un changement majeur du droit. Or, quoi de plus majeur qu’une constitution ? Ainsi, dans l’esprit des juristes, « révolution » a souvent été assimilée à « changement de constitution ». Toutefois, une analyse plus poussée, éclairée par les expériences plus contemporaines, montre que cette « rupture constitutionnelle » impulsée par les mouvements révolutionnaires peut prendre des formes plus diverses que celles envisagées traditionnellement.
Les révolutions traditionnellement vues comme des
« ruptures constitutionnelles »
On le sait, les révolutions peuvent engendrer des actes d’une extrême violence, notamment à l’égard de ceux incarnant ou représentant le régime contre lequel le peuple se soulève. L’histoire de France reste à tout jamais marquée par la décapitation de Louis XVI. La Libye a également vécu une expérience comparable, lorsqu’en 2011, à la suite du soulèvement populaire, Mouammar Kadhafi, le leader de la Libye depuis 41 ans, est froidement exécuté en sortant d’un tunnel de drainage où il s’était réfugié. L’exécution des chefs d’État est un acte indéniablement et intrinsèquement politique. Toutefois, elle comporte également une forte portée juridique. En éliminant le chef d’État honni, les mouvements révolutionnaires expriment une de leur revendication claire : mettre fin au régime politique en place. Or, du point de vue juridique une telle fin ne peut s’exprimer qu’à travers une technique radicale : l’abrogation de la constitution alors en vigueur. Partant, la doctrine concorde pour considérer que les révolutions se traduisent toujours par une volonté d’abrogation des constitutions existantes et que cette abrogation ne peut être réalisée que de manière irrégulière. Pour mieux le comprendre, il importe de revenir quelque peu sur ces deux éléments : le caractère abrogatif et le caractère irrégulier de cette abrogation.
Concernant le caractère nécessairement destructeur des mouvements révolutionnaires, il s’agit d’un point d’accord au sein des sciences humaines. Il est établi que les mouvements révolutionnaires impliquent une mutation radicale d’un ordre établi27. Ce faisant, cette caractéristique a souvent été placée au cœur même de la définition du terme « révolution ». Florence Poirat souligne ainsi que « […] la révolution désigne le processus, de nature fondamentalement historique, de renversement des autorités politiques en place »28. Analysée sous l’angle juridique, ceci implique que la première cible d’une révolution reste l’ordre juridique tel qu’il existait avant le soulèvement.
Ce point a particulièrement été mis en avant par les normativistes, notamment au moment de définir une révolution juridique. En partant du principe que l’ordre juridique est déterminé par la norme suprême (qui, dans un État, est la constitution) une révolution – si elle se veut juridique – implique nécessairement une « rupture dans la continuité constitutionnelle »29. Cette rupture s’opère principalement par une abrogation de la constitution alors en vigueur, laquelle peut être explicite ou implicite30. Elle peut également prendre la forme d’une suspension si la constitution n’est jamais remise en vigueur par la suite31. Si l’on sort du cadre de pensée normativiste, cette cassure dans le continuum constitutionnel est également justifiée pour permettre de donner corps au droit de résistance. En effet, l’abrogation de la constitution est conçue comme nécessaire, dans la mesure où le droit de résistance n’est en réalité un droit qui ne pourrait « s’épanouir qu’après la mise à l’écart de la constitution »32. Cette même idée se retrouve au sein de la littérature contemporaine relative à la théorie des transitions constitutionnelles. Ces transitions, qui peuvent être impulsées ou non par des mouvements révolutionnaires, impliquent toujours une phase dite de « rupture constitutionnelle », qui matérialise la mort juridique d’un régime dictatorial33. Par conséquent, il apparaît clairement que la nécessité d’une destruction de l’ordre constitutionnel antérieur à la révolution fait l’objet d’un consensus extrêmement large, dépassant les frontières entre les différentes écoles de pensée.
Cette interprétation des révolutions se trouve d’autant plus renforcée qu’elle peut compter sur un nombre incalculable d’exemples pour la confirmer. L’histoire constitutionnelle française fourmille à elle seule de nombreuses illustrations du caractère intrinsèquement anticonstitutionnel des révolutions. La plus vibrante d’entre elles est incontestablement la Révolution de 1789, non seulement du fait de son poids dans l’histoire de France mais aussi par sa portée universelle. Cette Révolution commence juridiquement par un changement nominal des institutions. Dès le 17 juin 1789, les États généraux se baptisent en Assemblée nationale, puis, le 9 juillet, cette assemblée se renomme en Assemblée nationale constituante. En quelques semaines, les fondements du pouvoir monarchique sont progressivement abolis et pour marquer la rupture, le régime antérieur est rebaptisé en « Ancien Régime »34. Le caractère destructeur de cette Révolution est régulièrement mis en avant35. Ainsi, on évoque la « témérité éradicatrice des hommes de 1789 »36, on souligne qu’ils ont fait œuvre de « table rase révolutionnaire »37. Aux yeux des constitutionnalistes, il est indéniable que la Révolution française s’est traduite par une volonté initiale de « déconstitution »38. Cette même destruction de l’ordre juridique antérieur se retrouve dans d’autres révolutions emblématiques du point de vue du basculement idéologique qu’elles ont engendré comme la Révolution bolchévique de 1917, avec la suppression de tout le droit tsariste, ou la Révolution chinoise en 194939.
Quelques exemples plus contemporains abondent dans le même sens. Si l’on prend le cas de l’Égypte, ce pays a connu une « révolution populaire violente »40 à partir du 25 janvier 2011. Dès le 31 janvier, Hosni Moubarak, qui était au pouvoir depuis presque trente ans, annonce le transfert d’une partie de ses pouvoirs à son vice-président. Le 11 février, le Conseil supérieur des forces armées adopte une « déclaration » (bayan), par laquelle il indique être compétent pour « assurer la mise en œuvre » d’une série de mesures à portée constitutionnelle. Parmi celles-ci, il convient de mentionner l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle mais aussi la mise en place d’une révision constitutionnelle. Dès cette annonce, Alexis Blouët, qui a rédigé une thèse visant précisément à analyser cette période, en conclut qu’il existe une rupture avec le système constitutionnel existant et il voit déjà en cette déclaration une abrogation implicite de la Constitution du 11 septembre 1971. Cette analyse se trouve confirmée par deux actes importants. La première est l’annonce, quelques heures plus tard par le vice-président Omar Souleiman, de la décision d’Hosni Moubarak d’abandonner son poste et de confier à ce Conseil la gestion des affaires du pays. La seconde arrive trois jours plus tard, lorsque, le 13 février, le Conseil supérieur des forces armées acte, par un communiqué, sa prise de pouvoir pour une période de six mois, mais aussi et surtout la suspension de l’application de la Constitution alors en vigueur, la dissolution du Parlement et la mise en place d’une commission chargée de préparer un projet de révision constitutionnelle. Ainsi, après seulement deux semaines de manifestations place Tahrir, l’ordre constitutionnel est clairement rompu, et l’arrivée au pouvoir des militaires s’est faite à travers une « opération déconstituante »41. La première victime juridique d’un mouvement révolutionnaire semble donc toujours la même : la Constitution, en tant que symbole et matrice de l’organisation du pouvoir42.
L’exemple égyptien conforte donc la vision classique qu’ont les juristes d’une révolution, d’autant qu’il permet également de confirmer la seconde caractéristique des « ruptures constitutionnelles révolutionnaires », à savoir leur caractère irrégulier, puisque le départ de Hosni Moubarak n’a pas respecté le cadre constitutionnel alors en vigueur. L’article 83 de la Constitution de 1971 n’envisage qu’une seule hypothèse de départ volontaire d’un président de la République : celle de la démission ; et la procédure prévoit alors l’envoi formel d’une lettre de démission à l’Assemblée du Peuple. Or, le 11 février 2011 le vice-président n’a pas annoncé une « démission » d’Hosni Moubarak mais un « abandon de poste » et aucune lettre à l’Assemblée du Peuple n’a été envoyée. Cette irrégularité pourrait n’être que formelle et relativement mineure, mais elle s’accompagne d’une plus lourde qui réside dans la prise du pouvoir par le Conseil supérieur des forces armées. Or, cette instance n’était nullement mentionnée dans la Constitution de 1971 (son existence était purement législative) et aucun texte ne lui attribuait compétence pour gouverner et encore moins pour suspendre l’application de la Constitution. Dès lors, ce départ et cette suspension de la Constitution se sont faits « hors du cadre constitutionnel de l’époque »43 et sont donc entachés d’une grave irrégularité.
L’irrégularité de la rupture constitutionnelle a marqué d’autres révolutions bien antérieures, à commencer par la Révolution française de 1789. Lorsque les États généraux se rebaptisent en Assemblée nationale (le 17 juin), puis en Assemblée nationale constituante (le 9 juillet), cela est opéré en violation du droit existant. Ces États généraux étaient conçus comme un organe « théoriquement subordonné, auxiliaire provisoire et toujours révocable de la monarchie absolue ». En modifiant son nom mais aussi ses attributions, les révolutionnaires ont ainsi clairement modifié de manière irrégulière les termes de la délégation dévolue à cet organe44. Cette irrégularité se retrouve également lors de la Glorieuse Révolution anglaise, laquelle s’est faite au prix d’une importante entorse à la Constitution45. Sur un autre continent, il serait également possible de mentionner le cas de la Constitution de 1917 du Mexique, issue de la « Révolution constitutionnelle », et qui s’est imposée en violation de l’ordre juridique antérieur.
Ainsi, les exemples ne manquent pour attester de l’irrégularité des ruptures constitutionnelles, ce qui explique que la doctrine en ait fait un des critères clés de définition d’une révolution dans le sens juridique du terme. Comme le résume Florence Poirat, la science juridique retient que toute révolution implique « le renversement des autorités politiques qui trouve sa manifestation la plus concrète dans l’abrogation irrégulière de la constitution »46. Cette irrégularité est loin d’être un point anecdotique pour les juristes. Elle est même au cœur de la scission entre ceux qui estiment pouvoir étudier les phénomènes révolutionnaires et ceux qui plaident pour son exclusion. En effet, pour les tenants du positivisme, tel que développé par Raymond Carré de Malberg, cette irrégularité de l’abrogation de la constitution conduit à plonger l’État dans un gouvernement de fait et dès lors empêche toute analyse juridique. Les auteurs qui en revanchent plaident pour une analyse juridique des révolutions doivent alors expliquer en quoi cette irrégularité n’implique pas une exclusion des révolutions du champ d’étude du droit. Par exemple, si les tenants de la théorie pure du droit estiment qu’une révolution implique une abrogation irrégulière, cette irrégularité ne retire pas au processus son caractère juridique. Qu’elle soit ou non irrégulière, l’invalidation de la constitution est le seul élément important puisque « la norme constitutionnelle, étant une norme suprême », elle « n’a point d’autre fondement de validité qu’elle-même, validité qui doit donc simplement être acceptée »47. Ainsi, le caractère irrégulier de sa validité ou de son invalidité n’est pas une donnée pertinente pour son étude et analyse ; seule compte l’acceptation de cette validité ou de cette invalidité.
Comme on le voit, la doctrine juridique est marquée par d’importants clivages sur la nature des révolutions, mais elle semble s’accorder sur un point : sa nature intrinsèquement anticonstitutionnelle. Toutefois, une étude plus approfondie invite à préciser la portée et surtout la manière dont on doit percevoir les velléités anticonstitutionnelles des révolutions.
Les nouvelles formes de rupture constitutionnelle
Le premier point sur lequel il serait possible d’apporter des précisions et des nuances porte sur le caractère nécessairement abrogatif des révolutions. Bien que très ancrée dans la mythologie révolutionnaire, l’image de la tabula rasa est trompeuse. Tout d’abord, l’abrogation complète de l’ensemble de l’ordre juridique antérieur est rare. Elle constitue l’exception. Même si le souhait des révolutionnaires est de procéder à une telle abrogation, ils se heurtent bien souvent à des difficultés matérielles et juridiques. Les Insurgents américains de 1776 ou les révolutionnaires français de 1789 ont certes affirmé avoir opéré une destruction totale des ordres juridiques préexistants, mais ils ont en réalité maintenu de nombreux textes adoptés antérieurement48. Dans les faits, les révolutions, même abouties, conduisent au maintien d’une partie non négligeable de l’ordonnancement juridique précédent49 et ne sont, du point de vue juridique, que des révolutions bien souvent partielles.
Toutefois, il serait possible d’arguer que les normes maintenues sont dans la plupart des cas des normes infra-constitutionnelles, mais qu’en revanche, si l’on se focalise uniquement sur les normes constitutionnelles (du point de vue formel et matériel), celles-ci sont nécessairement abrogées par la constitution. Or, y compris sur ce point, il existe des contre-exemples. Même sur le plan constitutionnel, l’abrogation ou la suspension peut n’être qu’incomplète et elle n’est jamais nette. Lors des périodes révolutionnaires, les annonces d’abrogation ou de suspension n’induisent que rarement un « vide constitutionnel »50. Se mettent souvent en place des constitutions provisoires, qui reprennent en partie les règles constitutionnelles déjà existantes. En Tunisie, par exemple, suite au soulèvement populaire débuté à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, le Président Zine el-Abidine Ben Ali prend la fuite vers l’Arabie Saoudite le 14 janvier 2011. Cependant, ce départ, même irrégulier, ne permet pas d’acter à lui seul l’abrogation de la Constitution de 1959. Les gouvernements de transition vont de fait s’appuyer sur un « bricolage juridique […] confectionné à partir d’éléments de l’ordre ancien (la Constitution de 1959) et d’ajustements aux expressions de la volonté populaire »51. Ainsi, le remplaçant de Ben Ali est désigné conformément à la Constitution en place (à travers l’article 57)52. Certes, le 23 mars 2011, un nouveau texte portant organisation provisoire des pouvoirs publics entre vigueur53, ce qui implique a priori l’abrogation de la Constitution de 1959, mais il reste un acte de transition cherchant essentiellement à faire « la jonction entre un ordre constitutionnel finissant et un ordre politique naissant »54, et de ce fait il maintient de nombreuses institutions en vigueur. Suite à l’adoption de ce texte, une assemblée constituante est élue qui adopte dès ses premières semaines de travaux une « loi constituante ». Ce texte du 16 décembre 2011, qualifié de « petite Constitution »55, permet d’introduire des changements, mais il demeure également un texte de transition, qui ne constitue pas à lui seul une « rupture constitutionnelle ». Cette période transitoire n’aboutira finalement que deux ans plus tard, avec la Constitution du 27 janvier 201456. Dès lors, au regard de l’expérience tunisienne, il apparaît trompeur de réduire une révolution à la simple abrogation nette d’une Constitution, car ces périodes se révèlent bien plus complexes et nuancées que ne le laissent entendre les définitions théoriques, parfois abruptes.
Cette nuance invite à réinterroger l’autre assertion étudiée précédemment, à savoir le caractère irrégulier de ces abrogations constitutionnelles. En effet, la question se pose de savoir s’il convient de singulariser les périodes révolutionnaires par le caractère irrégulier de la procédure d’abrogation de la constitution alors en place. En réalité, l’examen de plusieurs situations révolutionnaires atteste du fait que ces moments mettent en jeu une altération du droit, mais que cette altération ne porte pas uniquement sur la manière dont la constitution antérieure est mise hors-jeu, mais qu’elle peut remonter à cette constitution elle-même. Dit autrement, l’irrégularité de la procédure ou du changement constitutionnel peut ne pas naître de la révolution mais lui être antérieure. Ce fut d’ailleurs une des justifications avancées par une des premières révolutions ainsi qualifiées en Europe : la Glorieuse Révolution de 1688, qui a conduit à la destitution de Jacques II Stuart. Pour la Chambre des Communes, cette destitution (en elle-même irrégulière) peut se justifier par le fait que : « Le Roi Jacques le Second, s’étant employé à subvertir la Constitution du royaume en rompant le contrat originel entre le roi et le peuple, […] ayant violé les lois fondamentales et s’étant retiré hors de ce royaume, a abdiqué le gouvernement ; que, partant, le Trône est devenu vacant »57. Pour les révolutionnaires anglais, la Révolution de 1688 n’avait donc pas pour but de renverser la Constitution de manière irrégulière mais « au contraire de la préserver, de la «restaurer»58.
Cette analyse des processus révolutionnaires – qui vise à faire remonter l’irrégularité non pas simplement à l’abrogation de la constitution, mais à la pratique du pouvoir antérieure au déclenchement du soulèvement – peut être contestée. En effet, dans le cas anglais, il serait possible d’arguer que ce type de raisonnement n’est simplement qu’une justification a posteriori, construite de manière artificielle, afin de masquer l’irrégularité des actes révolutionnaires, puisqu’il est clair aujourd’hui que la théorie de la « vacance du trône » a été une fiction utilisée par les révolutionnaires pour dissimuler leur véritable intention59. Toutefois, cet argument ne doit pas nous conduire à lui-seul à écarter cette analyse, car il n’en demeure pas moins que l’irrégularité des changements de règles constitutionnelles n’est possible que par le constat partagé parmi les révolutionnaires d’une irrégularité antérieure. Si les membres de la Chambre des Communes et les Lords divergent sur la nature de la perte de légitimité du roi Jacques Stuart (la Chambre des Communes plaidant pour une abdication de fait et une vacance du Trône et les Lords préférant parler de « désertion »), les deux ont accepté la déchéance de Jacques II estimant que sa gestion avait été irrégulière60.
Ainsi, une révolution ne se réduit pas à une simple abrogation irrégulière d’une constitution, mais renvoie à une situation d’irrégularité qui peut être antérieure à la décision d’abroger la constitution. Avec une telle perspective, il est alors possible d’inclure les soulèvements populaires biélorusses et ukrainiens de ces dernières années dans la catégorie des mouvements révolutionnaires, indépendamment de la question de savoir si ces mouvements révolutionnaires ont réussi ou abouti. Dans le cas de la Biélorussie, la mobilisation massive de la population biélorusse est intervenue au lendemain des résultats de la réélection d’Alexandre Loukachenko à l’élection présidentielle du fait des soupçons de fraudes à ces élections61. La forte répression des manifestations ne fera ensuite que renforcer l’ampleur de la réponse du peuple, puisqu’à l’usurpation du pouvoir s’est ajoutée une utilisation irrégulière de la force62. De même en Ukraine, où l’élément déclencheur de la « Révolution orange » de 2004-2055 fut également la multiplicité des fraudes électorales aux élections présidentielles. Celles-ci furent confirmées par la Cour suprême ukrainienne qui, reconnaissant l’altération du scrutin, avait ordonné l’organisation d’un troisième tour à l’élection présidentielle63. Cette décision peut ainsi être interprétée comme un des résultats immédiats de cette révolution, puisqu’elle confirme le bien-fondé des revendications des manifestants. Ces deux exemples invitent ainsi à adopter une vision plus nuancée de la puissance destructrice des mouvements révolutionnaires. Plus exactement, ils montrent que l’analyse juridique de ces mouvements ne doit pas se limiter à l’étude du caractère irrégulier de l’abrogation de l’ordre constitutionnel, mais également à questionner la régularité de l’ordre constitutionnel existant.
De manière plus générale, ces expériences biélorusses, ukrainiennes, mais aussi celles égyptiennes ou tunisiennes mentionnées plus haut contribuent à renouveler l’analyse et la détermination de cette « rupture constitutionnelle » supposément inhérente à tout mouvement révolutionnaire. Ainsi, il serait possible de formuler une nouvelle hypothèse (ouverte au débat et à la discussion), qui consisterait à affirmer que toute mouvement révolutionnaire porte certes en lui une revendication de « rupture constitutionnelle », mais que cette rupture n’est pas nécessairement abrupte et purement formelle. Cette rupture peut être confuse, voire longue, et surtout elle peut ne pas porter sur un changement uniquement formel de constitution mais également viser à rompre avec une certaine pratique constitutionnelle. Dès lors, les mouvements révolutionnaires ne seraient pas uniquement une concurrence entre plusieurs entités politiques, qui revendiquent chacune détenir la source de souveraineté, afin d’instaurer un changement de constitution, mais peut être plus largement il s’agirait d’une concurrence entre plusieurs entités politiques qui s’opposent sur le sens à donner à cette constitution. Plus qu’une « rupture constitutionnelle », les révolutions seraient alors des périodes « d’opposition existentielle sur l’interprétation existante de la constitution et son effectivité ».
Les révolutions : des mouvements nécessairement pro-constituants ?
Une fois précisée la portée anticonstitutionnelle des mouvements révolutionnaires, il convient dorénavant de s’interroger sur ce qui est souvent présenté comme la grande concrétisation juridique de ces phénomènes : l’adoption d’une nouvelle constitution. Il est souvent affirmé que les révolutions réussies sont celles qui parviennent à déboucher sur un nouveau texte fondamental, permettant ainsi de passer d’une phase « dé-constituante » à une phase « reconstituante ». Toutefois, les exemples plus récents de soulèvements populaires, dans lesquels l’adoption d’une nouvelle constitution ne fait même pas partie des revendications, nous invitent à nouveau à repenser cette phase reconstituante.
L’adoption d’une nouvelle constitution :
le graal juridique des révolutions
Pour la doctrine constitutionnaliste majoritaire, une révolution n’est jamais un processus purement et exclusivement anticonstitutionnel puisqu’après l’abrogation de la constitution en vigueur vient nécessairement une seconde phase plus créatrice permettant l’adoption d’une nouvelle constitution. Ainsi, les revendications des révolutionnaires sont toujours doubles : destruction et reconstruction du droit constitutionnel. Cette phase créatrice est si importante qu’elle est souvent vue comme la réponse, l’aboutissement, voire l’achèvement juridique d’une révolution. Pour que la révolution soit complète, elle doit obligatoirement déboucher dans l’adoption d’un nouveau texte fondamental ou, plus précisément, elle doit mettre en œuvre l’exercice du pouvoir constituant par son détenteur64, car ce faisant la révolution devient un acte de souveraineté.
Cette analyse des mouvements révolutionnaires apparaît d’autant plus solide qu’elle peut être corroborée par une myriade d’exemples. En ne se limitant pas au cas de la France, qui pourrait à lui seul suffire, il est possible de mentionner rapidement le cas des États-Unis, où l’insurrection révolutionnaire a conduit à la rédaction de nouvelles Constitutions (Delaware, Pennsylvanie, Massachusetts, etc.). Parfois, ce processus peut advenir avec un peu de décalage. Par exemple, si au Mexique, la « Révolution constitutionnaliste » a débuté en 1913, ce n’est qu’en 1916 que la nécessité d’une nouvelle constitution fut confirmée, laquelle aboutit l’année suivante. Cette étape de rédaction reste malgré tout essentielle dans la mesure où elle permet de transformer la révolution politique en révolution juridique65, et ainsi parvenir à une « révolution institutionnalisée »66. Cette corrélation entre révolution politique et révolution juridique s’avère encore plus forte lorsque ces constitutions issues d’une révolution donnent elles-mêmes naissance à un nouveau courant constitutionnel. La Constitution mexicaine de 1917 est souvent présentée comme celle ayant donné naissance au constitutionnalisme social, lequel fut particulièrement influent tout au long du XXe siècle dans le continent latino-américain. Ce réflexe pavlovien des révolutionnaires se retrouve également en Angleterre. Certes, dans le cas anglais, la Glorieuse Révolution n’a pas conduit à l’adoption d’une nouvelle Constitution, mais elle a tout du moins conduit à l’adoption d’actes de nature constitutionnelle67. Malgré tous les efforts de certains révolutionnaires pour masquer la portée de leur acte, l’adoption d’actes de valeur constitutionnelle révèle leur véritable intention révolutionnaire.
D’un point de vue théorique, cette phase des révolutions divise les spécialistes. La manière dont sont adoptées ces constitutions devrait selon Raymond Carré de Malberg échapper à notre analyse dans la mesure où elles sont des « procédés constituants d’ordre extra-juridique »68. Puisqu’elles sont issues d’un processus de destruction de l’ordre juridique antérieur, et non d’une procédure juridique de révision constitutionnelle préalablement fixée et prévue par la constitution existante, elles ne peuvent être examinées par les juristes. Les normativistes, quant à eux, ont une analyse différente et placent, au contraire, le processus de rédaction de la nouvelle constitution au cœur de leur définition de la révolution juridique. Jean-Philippe Derosier a par exemple formulé une proposition de définition normativiste de la révolution juridique et selon lui elle consiste en « une modification de [la] norme suprême (quelle qu’en soit l’ampleur) qui opère en dehors des règles juridiques prévues par cette même constitution, aboutissant à une constitution dont la validité ne peut pas être rattachée à la constitution précédente »69. Que retenir de cette définition ? Premièrement qu’elle confirme que la révolution politique (pour qu’elle soit juridique) doit impliquer une modification de la constitution. Celle-ci peut consister en la rédaction d’une toute nouvelle constitution, mais elle peut également être une modification partielle de son contenu, ce qui permet ainsi d’y inclure l’exemple de la Glorieuse Révolution anglaise. Secondement, cette définition insiste sur l’absence de régularité du processus constituant. Dans le cadre d’une révolution, le changement constitutionnel ne peut pas être opéré en conformité avec le cadre constitutionnel préexistant, dans la mesure où la validité de la réforme ne doit pas pouvoir être rattachée à la constitution précédente.
En s’appuyant sur une telle définition, les cas égyptiens et marocains70 peuvent alors être considérés comme des révolutions politiques accompagnées d’une révolution juridique. Le cas égyptien est à cet égard le plus flagrant et le plus clair. Alors que les mouvements révolutionnaires débutent le 25 janvier 2011, la révolution juridique quant à elle prend forme rapidement, puisque la suspension de la Constitution de 1971 est immédiatement accompagnée par une annonce de la mise en place d’une commission chargée de préparer un projet de révision constitutionnelle. Le 19 mars 2011, un premier référendum est organisé afin de déterminer la procédure à suivre pour le changement de constitution, et sa rédaction est confiée à une commission constituante. Les travaux de cette commission furent particulièrement troublés (avec y compris un changement de composition suite à une dissolution par la Cour suprême administrative, le 10 avril 2012), mais ils aboutirent malgré tout à un texte, approuvé en décembre 2012 par le peuple avec une majorité de 63,8 %. Ainsi, bien que ce texte n’ait été approuvé qu’avec 32,9 % de participation, malgré le fait qu’il ne propose pas de modification radicale du système politique et s’apparente davantage à une réforme du texte précédent qu’à une véritable transformation constitutionnelle, et en dépit de sa très courte vie juridique (environ 6 mois puisqu’après la destitution de Mohamed Morsi, la Constitution de 2012 est abrogée)71, la révolution égyptienne a opéré (aux yeux des normativistes) une révolution juridique. Mais qu’en est-il des autres mouvements révolutionnaires plus récents, qui eux, de manière étonnante, ne plaident pas pour un changement de constitution, mais, au contraire, pour le maintien de la constitution en vigueur ?
Le nouveau graal juridique des révolutions :
l’établissement d’un nouvel ordre constitutionnel
Les exemples français, états-uniens ou plus récemment marocains, tunisiens ou égyptiens sont des archétypes de révolutions juridiques. Toutefois, il est possible de questionner la corrélation étroite qui est faite entre révolution juridique et changement formel de constitution. Cette corrélation présente en soi quelques risques, ne serait-ce que matériels, car les phases dé-constituantes et reconstituantes ne sont pas toujours simultanées. Il peut exister parfois un long décalage entre le début des mouvements révolutionnaires et le lancement d’un processus constituant. De même, il s’agit de processus particulièrement fragiles. Cet aspect a été mis en avant par les spécialistes des transitions constitutionnelles. Jean-Pierre Massias souligne notamment le risque d’une « rupture constituante » – distincte de la « rupture constitutionnelle » évoquée précédemment – et qui se traduit par « un phénomène d’affrontement au sein du processus constituant »72. Ce type de scission met en jeu la réussite même du processus constituant sur le court mais aussi le long terme. Soit, cette rupture empêche d’aboutir à un accord sur le texte et donc à son adoption, soit, une fois le texte adopté, sa mise en œuvre ou son interprétation sont contestées, ce qui peut conduire à l’abrogation du texte constitutionnel ou à son dévoiement. Or, si un mouvement révolutionnaire aboutit à la rédaction d’une constitution mais que cette constitution est abrogée dans les mois suivants ou n’est pas appliquée ou respectée, peut-on alors véritablement considérer qu’il y a bel et bien eu révolution juridique ? On voit ici les limites de la définition normativiste de la révolution qui ne prend pas en compte le devenir du changement constitutionnel dans l’analyse de la révolution, puisqu’elle estime que la réussite du processus tient au seul changement formel de constitution.
La question n’est pas purement théorique puisqu’elle se pose dans le cas de l’Egypte. En effet, la première Constitution de 2012 a été abrogée au bout de seulement six mois et a été remplacée par une autre Constitution, adoptée en janvier 201473. Ceci s’explique par la « forte conflictualité politique [qui] s’est instaurée autour de l’élaboration de la Constitution »74, marquant ainsi une « rupture constituante » mettant en danger la pérennité du texte75. L’exemple égyptien invite en réalité à transposer les analyses formulées pour les transitions constitutionnelles76 aux cas des mouvements révolutionnaires, en considérant que ces processus ne s’achèvent pas ou ne se résument pas à l’adoption d’une nouvelle constitution, ni à sa révision formelle. L’histoire constitutionnelle française elle-même invite à une autre perception des productions constitutionnelles révolutionnaires puisque la première Constitution française élaborée suite à la Révolution a vécu « moins longtemps que n’a été la durée de son élaboration »77.
Cette vision plus englobante présente l’avantage de ne pas adopter une vision à court terme des révolutions en arrêtant l’analyse à la première retouche constitutionnelle opérée. Par exemple, dans le cas de la « Révolution orange » en Ukraine, une définition purement normativiste aboutit à considérer que la révision constitutionnelle adoptée en décembre 2004 clôt le processus révolutionnaire. Or, dans les faits, cette révision s’est révélée, avec le temps, être un « compromis plutôt boiteux »78. Loin de clore le processus révolutionnaire, elle n’a été qu’une technique de stabilisation ou de temporisation du processus révolutionnaire. Non seulement, cette révision constitutionnelle fut annulée par la Cour constitutionnelle d’Ukraine, le 30 septembre 201079, pour violation de la procédure constitutionnelle de révision, mais surtout elle ne correspondait pas aux demandes formulées par les révolutionnaires.
Ni en 2004-2005, lors de la « Révolution orange », ni en 2013-2014 lors de la « Révolution EuroMaïdan », furent exprimées des volontés de changement formel de Constitution. En réalité, les changements demandés étaient bien plus matériels que formels, dans le sens où était davantage débattue la question des valeurs qui sous-tendent la Constitution ukrainienne que son contenu précis. Comme l’explique Hugo Flavier, les revendications visaient essentiellement à mettre en avant la consécration de valeurs « proprement ukrainiennes », lesquelles comprennent l’intégrité territoriale (un enjeu qui s’avère aujourd’hui crucial), l’ukrainisation de la société et l’appartenance à l’Europe80. Or, si certaines de ces valeurs ont pu être inscrites dans la Constitution par la voie de réformes constitutionnelles81, d’autres l’ont été à travers la législation ordinaire comme les incessantes réformes en matière de lutte contre la corruption. Pour mieux comprendre et analyser du point de vue juridique ce mouvement populaire, il convient dès lors de s’attacher beaucoup moins à la manière dont ces revendications ont été concrétisées (via une réforme constitutionnelle non conforme à la procédure constitutionnelle préexistante, tel que l’affirment les normativistes), mais davantage au fond des revendications et à leur portée matérielle. Bien que ce mouvement n’exigeait pas un changement de constitution, il présentait une portée juridique en ce qu’il visait à apporter une nouvelle lecture de la constitution et une nouvelle détermination des valeurs qui sous-tendent le texte constitutionnel.
Ce passage d’une conception formelle à une conception matérielle d’une révolution juridique permettrait alors de mieux appréhender la situation biélorusse d’août 2020 où le peuple a manifesté, non pas pour procéder à un changement de constitution ni à une réforme constitutionnelle, mais pour préserver l’actuelle Constitution en exigeant une modification de son interprétation et de son application effective82. Si l’on adopte une conception matérielle de la révolution juridique, donc si l’on considère qu’en réalité le volet juridique (ou l’expression juridique ultime) d’une révolution réside dans la repossession par le peuple de son pouvoir d’interprétation de la constitution et de ses valeurs, dès lors, on peut considérer que les manifestations populaires biélorusses avaient bien une dimension révolutionnaire. Cette vision plus englobante de la révolution concorde avec celle qui avait déjà été faite par Henri Lévy-Bruhl, pour qui toute révolution a pour but de modifier le rapport des forces sociales en présence, si l’on précise que ce rapport de force se rapporte à l’interprétation de la constitution. De même, cette définition concorde avec celle de Georges Burdeau, pour qui la révolution se définit par son caractère intégriste ou intégraliste et conduit essentiellement à un « reclassement intégral de toutes les valeurs »83. De la lutte pour une nouvelle constitution, nous serions passés, au XXIe siècle, à une lutte pour l’interprétation et la réappropriation de la constitution84.
Ces analyses ici présentées ne conduisent pas à opérer un bouleversement complet des conceptions juridiques des mouvements révolutionnaires. Elles visent simplement à élargir l’approche habituellement suivie par les juristes. Cette conception permet de préserver une cohérence interne à ces mouvements et de les distinguer d’autres. En effet, le soulèvement populaire biélorusse à la suite des élections présidentielles peut et doit être distingué, par exemple, des manifestations au Pérou en juin 2021 qui ont également été provoquées par des résultats à des élections présidentielles85. Si dans le cas de la Biélorussie il est possible pour un juriste d’y voir un mouvement révolutionnaire, c’est précisément parce que les revendications se fondaient sur le sens effectif à donner à la Constitution. En revanche, dans le cas du Pérou ces manifestations étaient essentiellement partisanes et visaient principalement et essentiellement à soutenir l’une ou l’un des candidats à l’élection présidentielle, en alléguant des actes de fraudes par l’autre camp. Alors qu’en Biélorussie, le peuple se soulevait contre la réélection de Loukachenko en se fondant sur la Constitution afin d’en dénoncer son dévoiement, au Pérou, le peuple se divisait sur une question purement politique, en se drapant fallacieusement d’arguments juridiques.
* * *
Cette conception élargie de la révolution juridique permet d’inscrire, par la même occasion, l’analyse des mouvements révolutionnaires dans le temps long. Loin de se contenter d’une modification ou d’une réforme constitutionnelle, cette conception permet d’aller au-delà des changements constitutionnels formels et d’inclure, dans la compréhension des phénomènes révolutionnaires, la manière dont ces changements sont mis en œuvre et appliqués, aussi bien par les juges que par les pouvoirs en place.
L’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature en 2015, affirmait, en introduction de son œuvre La supplication, qu’un « évènement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire ». Le juriste pourrait répondre en écho qu’une « interprétation constitutionnelle défendue par une seule personne est un argument juridique, mais reprise et défendue par le peuple, elle devient Révolution ». Reste aux Biélorusses de poursuivre la leur et d’écrire ainsi une nouvelle page de leur Histoire.
Notes
- Maurice Duverger, Les constitutions de la France, Que sais-je ?, PUF, Paris, 2004, p. 34.
- Henri Lévy-Bruhl, « Le concept juridique de révolution », in Introduction à l’étude du droit comparé. Recueil d’études en l’honneur d’Édouard Lambert, vol. 2, LGDJ, Paris, 1938, p. 250.
- Pierre-Marie Raynal, « Révolution et légitimité. La dimension politique de l’excursion sociologique du droit constitutionnel », Jus politicum, n° 7, 2012, p. 1.
- Florence Poirat, « Révolution », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p. 1363.
- Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, t. 2, Sirey, Paris, 1922, p. 496.
- Hans Kelsen, La théorie pure du droit, 2e éd., trad. fr. Charles Eisenmann, Dalloz, Paris, 1962, p. 297.
- Pierre-Marie Raynal, art. précité, p. 10.
- Ibidem, p. 11.
- Jean-Philippe Derosier, « Qu’est-ce qu’une révolution juridique ? Le point de vue de la théorie générale du droit », Revue française de droit constitutionnel, 2015/2, n° 102, p. 391-404.
- Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 2e éd., 1929 (réimpression aux Éditions du CNRS, Paris, 1965), p. 30.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1364 ; Roïla Mavrouli, La controverse constitutionnelle grecque sur le droit de résistance en période de crise. Réflexions sur la compétence controversée du peuple en tant qu’organe de l’État, Thèse, Université Paris Nanterre, 2021, p. 106.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1364.
- Mounia Bennani-Chraïbi et Olivier Fillieule, « Pour une sociologie des situations révolutionnaires. Retour sur les révoltes arabes », Revue française de science politique, 2012/5, vol. 62, p. 767.
- Ibid., p. 768.
- Alexis Blouët, Le pouvoir pré-constituant. Analyse conceptuelle et empirique du processus constitutionnel égyptien après la Révolution du 25 janvier 2011, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, coll. des thèses, Paris, 2019, p. 9.
- Raymond Carré de Malberg, op. cit., p. 499.
- Olivier Beaud, La puissance de l’État, PUF, coll. « Léviathan », Paris, 1994, p. 223.
- Pierre-Marie Raynal, art. précité, p. 5.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1362.
- Jean-Philippe Derosier, art. précité, p. 391.
- Jean-Louis Halpérin, « Le droit et ses histoires », Droit et société, 2010/2, n° 75, p. 305.
- Charles Tilly, From Mobilization to Revolution, Random House, New York, 1978, p. 191.
- Bruce Ackerman, Au nom du peuple. Les fondements de la démocratie américaine, Calmann-Lévy, Paris, 1998, p. 12.
- Henri Lévy-Bruhl, art. précité, p. 252.
- Jean Jaurès, Études socialistes, Éditions des Cahiers, 3e série, vol. 4, Paris, 1901, p. 106.
- Ibid., p. 105.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1362.
- Idem.
- Jean-Philippe Derosier, art. précité, p. 399.
- Alexis Blouët, op. cit., p. 43.
- Idem.
- Roïla Mavrouli, op. cit., p. 20.
- Jean-Pierre Massias, « Le contrôle des processus constituants et du contenu des constitutions : faut-il un gardien des processus constituants ? », Annuaire International de Justice Constitutionnelle, vol. XXX-2014, 2015, p. 607.
- Ran Halévi, « La déconstitution de l’Ancien Régime. Le pouvoir constituant comme acte révolutionnaire », Jus Politicum, n°3, 2009, p. 1.
- Jacques Bouineau, « Révolution française et droit », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p. 1370.
- Ran Halévi, art. précité, p. 1.
- Ibid., p. 10
- Ibid., p. 11.
- Jean-Louis Halpérin, art. précité, p. 305.
- Jean-Pierre Massias, art. précité, p. 617.
- Alexis Blouët, op. cit., p. 43.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1362.
- Alexis Blouët, op. cit., p. 49.
- Ran Halévi, art. précité, p. 19.
- Ibid., p. 8.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1362 (nous soulignons).
- Jean-Philippe Derosier, art. précité, p. 401.
- Jean-Louis Halpérin, art. précité, p. 305.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1364.
- Alexis Blouët, op. cit., p. 14.
- Jean-Philippe Bras, « Le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçons tunisiennes », L’année du Maghreb [en ligne], vol. VIII, 2012, [en ligne] http://journals.openedition.org/anneemaghreb/1423 [consulté le 06/02/2024].
- Pour plus de détails voir : Rafaâ Ben Achour et Sana Ben Achour, « La transition démocratique en Tunisie : entre légalité constitutionnelle et légitimité révolutionnaire », Revue française de droit constitutionnel, 2012/4, n° 92, p. 718.
- Décret-loi n° 14 du 23 mars 2011, Journal Officiel de la République Tunisienne n° 20 du 25 mars 2011, p. 363.
- Rafaâ Ben Achour et Sana Ben Achour, art. précité, p. 723.
- Loi constituante n°2011-6 du 16 décembre 2011 sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics.
- Rafâa Ben Achour, « La Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 », Revue française de droit constitutionnel, 2014/4, n° 100, p. 783-801.
- Extrait de la résolution attestant de la supposée abdication de Jacques II par la Chambre des Communes du 28 janvier 1689. Cité par Ran Halévi, art. précité, p. 4.
- Ran Halévi, art. précité, p. 11.
- Ibid., p. 6.
- Ibid., p. 7.
- Hugo Flavier, « Le soulèvement biélorusse : au nom de la Constitution », The Conversation, 20 octobre 2020.
- Ibid.
- Arrêt n° 6-388I.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1364.
- Baudoin Dupret, Alexis Blouët et Fernando Arguijo, « La révolution comme hypostase constitutionnelle. Réflexions à partir des cas égyptien et mexicain », in Lina Megahed et Nicolas Pauthe (dir.), Mouvements révolutionnaires et droit constitutionnel, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, Lextenso, coll. Transition & Justice, Paris, à paraître.
- Hans Werner Tobler, « Quelques particularités de la Révolution mexicaine », in Frédéric Mauro (dir.), Conservatisme et révolutions en Amérique latine, Presses Universitaires de Bordeaux, Bordeaux, 1988, p. 14.
- Ran Halévi, art. précité, p. 9.
- Raymond Carré de Malberg, op. cit., p. 497.
- Jean-Philippe Derosier, art. précité, p. 401. Voir aussi : Hans Kelsen, op. cit., p. 209.
- Pour plus de références sur le cas marocain, voir notamment : Thierry Desrues, « Le Mouvement du 20 février et le régime marocain : contestation, révision constitutionnelle et élections », L’Année du Maghreb, 2012, p. 359-389 ; Omar Bendourou, « La nouvelle Constitution marocaine du 29 juillet 2011 », Revue française de droit constitutionnel, 2012/3, n°91, p. 511-535 ; David Melloni, « La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocains », Pouvoirs, 2013/2, n° 145, p. 5-17.
- Baudoin Dupret, Alexis Blouët et Fernando Arguijo, art. précité.
- Jean-Pierre Massias, art. précité, p. 607.
- Nathalie Bernard-Maugiron, « La Constitution égyptienne de 2014 : quelle réforme constitutionnelle pour l’Egypte ? », Revue française de droit constitutionnel, 2015/3, n° 103, p. 515-538.
- Alexis Blouët, op. cit., p. 25.
- Jean-Pierre Massias, art. précité, p. 607.
- Pour Jean-Pierre Massias, « le processus constituant ne s’achève pas avec l’adoption de la constitution », voir : Idem.
- Ran Halévi, art. précité, p. 1.
- Hugo Flavier, « Constitution et révolution. L’effervescence ukrainienne », in Lina Megahed et Nicolas Pauthe (dir.), Mouvements révolutionnaires et droit constitutionnel, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, Lextenso, coll. Transition & Justice, Paris, à paraître.
- Décision du 30 septembre n° 20-rp/2010.
- Hugo Flavier, « Constitution et révolution. L’effervescence ukrainienne », art. précité, à paraître.
- Voir notamment la révision constitutionnelle adoptée le 7 février 2019, qui permet d’introduire dans le préambule de la Constitution ukrainienne la mention de « l’identité européenne du peuple ukrainien » et « l’irréversibilité de la voie européenne et euro-atlantique de l’Ukraine ». En outre, cette réforme contraint la Rada, le président et le gouvernement à orienter leur politique afin de parvenir à terme à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. Pour plus de détails sur ces réformes constitutionnelles, voir : Ibid.
- Sur l’analyse plus fine et précise du recours à l’argument juridique par les protestataires et le pouvoir dans la mobilisation biélorusse, voir la contribution dans cet ouvrage d’Hugo Flavier.
- Florence Poirat, art. précité, p. 1362.
- Une évolution qui concorderait avec les propositions faites par le constitutionnalisme populaire, qui est un courant, né aux États-Unis et présent en Amérique latine, prônant la réappropriation par le peuple de son pouvoir d’interprétation constitutionnelle. Voir notamment : Idris Fassassi, « Justice constitutionnelle et contre-démocratie », Annuaire International de Justice constitutionnelle, 2017, n° 3, p. 595 ; Carolina Cerda-Guzman, « Confier l’interprétation de la Constitution au peuple. À la rencontre du constitutionnalisme populaire latino-américain », La Revue des Droits de l’Homme, 2022, n° 21 ; [en ligne] https://doi.org/10.4000/revdh.13250 [consulté le 06/02/2024].
- « Au Pérou, des manifestations sur fond d’incertitudes quant au résultat de la présidentielle », Le Monde, 27 juin 2021 ; [en ligne] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/27/au-perou-des-manifestations-sur-fond-d-incertitudes-quant-au-resultat-de-la-presidentielle_6085875_3210.html [consulté le 06/02/2024].