De nombreux auteurs parlent, à propos de l’expansion isiaque, de propagande active voire de missionnaires1. J. B. s’interroge, textes à l’appui, sur l’importance et le rôle de cette propagande.
Il cite notamment la partie finale de l’Énéide (698-700), où Virgile oppose les effrayants dieux de l’Égypte aux honorables divinités du panthéon romain, ou encore Philostrate qui, dans sa Vie d’Apollonius de Tyane, s’étonne de la forme absurde et grotesque des dieux de l’Égypte afin de défendre la suprématie de ses propres divinités. Alors qu’on a parfois réduit la propagande religieuse aux activités des missionnaires ou au prosélytisme (A. D. Nock, M. Goodmann)2, l’auteur suggère que dans le monde polythéiste nulle propagande organisée n’existait vraiment.
Il faudrait d’abord déterminer de quelle type de propagande religieuse il s’agit, car elles ont pu revêtir des formes bien différentes. Quelles sont celles qui ont contribué au grand succès d’Isis ? Alors que D. Dietrich parle d’une “passive Ausbreitung”3, F. Dunand évoque plutôt le rôle du clergé dans le foisonnement des dieux.
Bien qu’il soit difficile de mesurer leur impact dans la propagande religieuse, J. B. s’arrête sur les arétalogies d’Isis qui mettent en valeur les nombreux pouvoirs de la déesse (arétalogie de Kyme, poème d’Andros, hymnes de Cyrène, de Medinet Madi, de Maronée). Le dernier livre d’Apulée, même si l’on admet qu’il est écrit de manière parodique, souligne également le caractère majestueux et bienveillant d’Isis. De tous ces textes il ressort que le point de départ de la “publicité” isiaque est à rechercher dans les relations personnelles qu’un individu tend à établir avec la déesse. La popularité d’Isis semble moins être due à une activité missionnaire qu’à une “geistige und religiöse Not” (D. Dietrich) des hommes de l’époque hellénistique attirés par les valeurs sotériologiques des cultes isiaques.
Pour finir, J. B. se questionne sur le rôle des associations religieuses ; on y recrutait de nouveaux membres, mais s’agit-il pourtant (comme le suggèrent A.-J. Festugière et H. Versnel)4 d’une activité prosélyte intense ? L’auteur conclut que les sources matérielles ne semblent pas soutenir l’existence d’un travail missionnaire dans le culte isiaque. Car les cultes et les mythes dans le polythéisme romain ne possédaient ni une doctrine unifiée ni une organisation interurbaine forte, à l’inverse du christianisme, afin de mener à bien une activité missionnaire organisée ; une propagande existait bel et bien, mais il ne faut pas l’identifier à du prosélytisme.
- Voir encore B. Rossignoli, “Le aretalogie: i manifesti propagandistici della religione isiaca”, Patavium, 9, 1997, 65-92 ; P. Pachis, “The Hellenistic Era as an Age of propaganda: the Case of Isis’ Cult”, dans L. H. Martin & P. Pachis (éds), Theoretical Frameworks for the Study of Graeco-Roman Religions, Thessaloniki, 2003, 97-125, logiquement non cités par l’auteur.
- A. D. Nock, Conversion: The Old and the New in Religion from Alexander the Great to Augustine of Hippo, Oxford, 1933 ; M. Goodmann, Mission and Conversion: Proselytizing in the Religious History of the Roman Empire, Oxford, 1994, 6.
- D. Dietrich, “Die Ausbreitung der alexandrinischen Mysteriengötter Isis, Osiris, Serapis und Horus in griechisch‑römischer Zeit”, Das Altertum, 14, 1968.
- André-Jean Festugière, “À propos des arétalogies d’Isis”, HThR, XLII, 1949, 231 ; H. S. Versnel, Ter Unus: Isis, Dionysos, Hermes: Three Studies in Henotheism, Leyde, 1990, 83-95.