Au Canada sous le régime français1, la domesticité est un univers essentiellement masculin et ne se résume pas, tant s’en faut, aux activités ménagères. En effet, les domestiques sont surtout employés au service des paysans propriétaires et des communautés religieuses. Leurs fonctions sont donc liées principalement à l’agriculture : défrichements, culture des terres, soin du bétail2. Les contours du groupe évoluent toutefois rapidement dans le temps. Durant les premières décennies du XVIIe siècle, et faute d’une main-d’œuvre locale suffisante, la jeune colonie recourt presque exclusivement à des engagés immigrants, communément appelés les « trente-six mois » en raison de la durée de leur contrat d’engagement. Or, dès les années 1670, une nouvelle main-d’œuvre, native du Canada, commence progressivement à remplacer ces travailleurs3. De plus, le recours aux servantes, qui était pratiquement nul jusqu’au dernier tiers du XVIIe siècle, progresse lentement et irrégulièrement mais de manière continue jusqu’à la fin du régime français. Cette domesticité féminine est constituée principalement de jeunes filles célibataires, voire de très jeunes enfants, placées en service par leurs parents chez un maître. Elles travaillent principalement en milieu urbain au service de l’élite ou des privilégiés de la colonie contrairement à leurs homologues masculins toute proportion gardée4. Cette domesticité féminine constitue, habituellement, une étape de transition et de formation avant le mariage pour nombre de ces jeunes filles, même si ces dernières ont l’habitude de convoler bien après l’expiration de leur temps. Cependant, exception faite de quelques veuves, de jeunes femmes accompagnées d’un tuteur, ou même de couples, il arrive aussi, à de rares occasions, que les contrats d’engagement canadiens nous mettent en présence de femmes mariées qui s’engagent comme servantes pour subvenir aux besoins du ménage durant l’absence de leur époux respectif. Aussi, à travers le prisme de la domesticité, nous proposons de nous intéresser à ces femmes du commun qui, ordinairement, seraient demeurées invisibles sous la tutelle de leur époux ; des femmes qui, aux tourments engendrés par le départ précipité ou planifié de leur mari, choisissent de se mettre au service d’un employeur et « revendiquent », d’une certaine manière, une « profession ». Un des objectifs de cette étude consiste à voir si cette expérience a changé la place de ces femmes dans les affaires du ménage une fois leur contrat terminé et leur mari de retour au foyer. Avant toutefois de le vérifier, il importe au préalable de dresser le profil de ces quelques femmes tout en observant ce qui les distingue des autres servantes. Nous examinerons également deux cas de figure en particulier afin de mieux comprendre les motifs et les modalités de leur embauche. Nous verrons finalement que certaines femmes préfèrent privilégier une toute autre stratégie que la mise en service de leur propre personne durant l’absence de leur époux, soit en plaçant simplement un ou plusieurs de leurs enfants chez un maître.
Profil du groupe étudié
Il importe, pour commencer, d’insister sur le caractère exceptionnel du phénomène. Pour l’ensemble du régime français (1640-1763), nous avons relevé environ 800 contrats d’engagement impliquant une servante5. Moins d’une dizaine concernent des femmes mariées qui se mettent en service du fait, spécifiquement, de l’absence de leur mari6. Aussi, nous nous garderons bien de généraliser nos observations d’autant plus que, globalement, les contrats d’engagement canadiens ne représentent que la partie émergente des embauches dans la colonie, la majorité d’entre elles ayant été conclue oralement7. Il y a toutefois quelques traits communs qui semblent se dégager parmi celles qui ont été repérées. Outre leur statut matrimonial qui les distingue clairement de la majorité des servantes canadiennes, souvent très jeunes comme nous l’avons mentionné précédemment, ces femmes sont âgées dans la vingtaine ou début trentaine et sont, dans plus de la moitié des cas, mères de jeunes enfants8. Elles sont mariées à des habitants, au sens de paysans propriétaires, des artisans, des voyageurs, des soldats, à des hommes, en somme, de condition modeste. Si comme toutes les servantes, elles se retrouvent surtout en milieu urbain au service d’officiers civils et militaires, de marchands bourgeois, de ménages aisés de la colonie, la durée de leur contrat est, en revanche, plus courte encore que celle observée parmi la majorité des jeunes filles placées par leurs parents chez un maître comme domestique pour deux, trois années sinon plus. À l’exception des deux femmes séparées de corps et de biens de leur époux et d’un cas sur lequel nous allons revenir, elles s’engagent toutes pour une année de service ; l’absence du mari est donc prévue pour être assez longue considérant que certains domestiques, et particulièrement des hommes, ne s’engagent que pour quelques mois seulement9. En outre, et à l’inverse des jeunes servantes dont certaines obtiennent parfois pour tout gage leur nourriture, leur entretien et quelques hardes à la fin de leur temps, ces femmes touchent des rémunérations en espèces plus élevées que la moyenne générale des salaires féminins évaluée à 55 livres par année10. L’expérience de conduire une maison justifierait sans doute ici les écarts entre les émoluments observés parmi toutes les domestiques rétribuées en argent monnaie. Par ailleurs, et contrairement à plusieurs jeunes filles mises en service par leurs parents, ces femmes ne semblent pas loger chez l’employeur ; du moins la mention relative à l’hébergement de la servante n’est pas spécifiée dans leur contrat. Par conséquent, nous présumons qu’elles rentrent chez elles chaque soir à la fin de leur service et qu’elles ne résident pas bien loin de chez leurs maîtres11. Enfin, bien que les tâches auxquelles elles sont affectées ne soient pas toujours clairement précisées dans les contrats – les notaires indiquent habituellement qu’elles doivent servir leur maître « en tout ce dont elles seront jugées capables » ou encore « en tout ménage ordinaire de ce pays » – nous remarquons toutefois, dans un engagement en particulier, que la servante mariée et délaissée pour un temps par son mari jouit de certaines responsabilités et peut être amenée à superviser tout le personnel domestique d’une maison ou d’une ferme. C’est l’une des charges dévolues à une dénommée Marie Couillard qui s’engage pour une année à François Volan, marchand bourgeois de Montréal, pour le servir une année complète durant l’absence de son époux, un voyageur présentement à la mer de l’ouest12. La jeune femme doit non seulement travailler sur la terre de la succession de feu Jean Pothier Laverdure, beau-frère de l’employeur, mais également obéir à son maître « en tout ce qui lui sera commandé de licite et d’honnête tant pour le soin des volailles à en élever que de tous les autres animaux et généralement pour tout ce qui est nécessaire sur une terre et avoir le commandement aussi sur les autres domestiques aux fins de les faire agir comme doit faire une fermière ou métayère »13. Mais pour mieux comprendre les modalités et les motifs du recrutement de ces servantes, attardons-nous sur deux cas en particulier : celui de Françoise Marchand et celui de Madeleine Lalongé.
Modalités et motifs des engagements :
deux exemples
Le 10 mars 1705, soit cinq ans après son mariage, Françoise Marchand, femme de Jean-Baptiste Dupré14, taillandier voyageur de profession, se présente seule à l’étude du notaire Lepailleur de la Ferté à Montréal15. Elle s’apprête à s’engager pour trois années consécutives – durée la plus longue que nous ayons relevée après Marie Barban – et à servir, « fidèlement et honnêtement », en qualité de servante, Denis Destienne, écuyer et lieutenant d’une compagnie des troupes du détachement de la marine et aide major de Montréal. En échange de son travail, son maître promet de lui verser 60 livres par année, payées au fur et à mesure de son service, ainsi qu’une paire de souliers. Dans son contrat, le notaire prend également la peine d’indiquer que le mari de Françoise est actuellement dans le pays des Outaouais, haut lieu du commerce des fourrures. Bien sûr, cette précision n’est pas anodine. Elle sert d’abord à justifier la démarche personnelle de Françoise et à valider son engagement puisque, en temps normal, Coutume de Paris oblige, aucune femme mariée ne peut contracter devant notaire sans la permission expresse de son époux. Comme le rappelle à juste titre Josette Brun, « les épouses ne peuvent, de leur propre initiative, signer des contrats » puisque « la Coutume de Paris indique clairement que si l’épouse “fait aucun contrat sans l’autorisation et le consentement de son dit mari, tel contrat est nul”16 ». Or, ici, non seulement Françoise n’est pas « dûment autorisée par son mari » mais, en plus, comme le veut pourtant l’usage, elle n’a pas l’obligation de faire ratifier son contrat dès le retour de son conjoint17. En revanche, elle demeure dépendante du pouvoir et de la bonne volonté de celui-ci si elle souhaite abandonner son employeur avant la fin de son temps. En effet, Françoise ne peut pas quitter son maître à moins, précise le notaire, « qu’au retour de son mari ce dernier ne voulut la retirer à peine de tous dépens, dommages et intérêts ». Autrement dit, si Françoise agit de manière autonome au moment de son engagement, elle demeure, comme toutes les femmes, mineure aux yeux de la loi et dépendante de son mari pour s’affranchir des obligations qu’elle a elle-même consenties. En outre, ce contrat d’engagement témoigne manifestement d’une situation pressante qui pousse le notaire à accepter ici une transaction qui n’aurait normalement aucune valeur légale18. À situation exceptionnelle, résolution exceptionnelle donc. Les femmes mariées, remarque toujours Josette Brun, « n’auraient le droit de contracter que pour les besoins du ménage, c’est-à-dire l’achat de nourriture et de vêtements19 ». En l’absence du mari, il semble cependant que les limites de leur capacité d’agir soient moins restreintes que ce que prévoit justement la Coutume de Paris. La mention d’absence du mari sert aussi ici à contextualiser l’engagement de la jeune femme, contrainte de quitter le foyer conjugal pour travailler chez un maître et ainsi subvenir aux besoins de sa petite famille. En effet, au moment de la signature du contrat, Françoise n’est âgée que de 22 ans et a mis au monde, deux mois plus tôt, en janvier 1705, son deuxième garçon, sans la présence de son mari comme en fait foi l’acte de baptême de l’enfant20. Qu’advient-il des deux bambins durant le service de leur mère ? L’accompagnent-ils quotidiennement au domicile de son employeur comme c’est le cas de Madeleine Maréchal qui pourra « garder avec elle son petit enfant qu’elle a à la mamelle et aussi longtemps qu’elle sera en ladite maison dudit sieur » son maître21 ? Le notaire ne dit mot à ce sujet, mais comme Françoise ne peut compter ni sur le soutien de son réseau familial, ni sur celui de son mari depuis que le couple, originaire de Québec, a déménagé à Montréal quelques années plus tôt, l’hypothèse est envisageable d’autant que la mise en nourrice, pratique des élites urbaines, semble exclue dans pareil cas22.
Même « si la traite des fourrures sollicite rarement les hommes mariés23 », c’est encore elle qui est responsable de la mise en service d’une dénommée Madeleine Lalongé. Le 29 août 1733, celle-ci s’engage pour un an comme servante chez Joseph Raimbault (et son épouse, Charlotte Louvière, « de lui autorisé pour l’effet des présentes »), notaire royal à Montréal, en échange de sa nourriture et de 72 livres en marchandises qu’elle touchera à mesure qu’elle en aura besoin24. Joseph Raimbault n’est pas un parfait inconnu pour Madeleine ; il fait visiblement partie de son réseau de connaissances voire d’amitié. Nous savons que son mari, Nicolas Perineaux, a eu affaire à ses services de notaire dans le cadre d’une vente de droits successifs et immobiliers en 172725. Par ailleurs, nous le retrouvons l’année suivante au baptême de sa fille Marie Josèphe en qualité de parrain, démonstration additionnelle d’une forme de solidarité et peut-être aussi de l’importance du clientélisme dans les rapports de compérage26. Il s’agit du seul cas où il a été possible de retracer un lien clair entre l’employeur, d’une part, et la domestique ou la famille de cette dernière, d’autre part27. Dans ce contrat en particulier, et contrairement au précédent, le notaire expose ici explicitement le dénuement de la jeune femme soulignant que son mari, présentement dans les Pays d’en Haut, « la laisse en cette ville [de Montréal] réduite à servir pour gagner sa vie depuis [son] absence »28. Comme Françoise quelques années plus tôt, Madeleine est mère de famille. Elle a trois enfants en bas âge au moment de son engagement. Elle en a perdu deux autres, respectivement âgés de trente jours et de six ans, à une semaine d’intervalle en mars 1733, soit cinq mois avant de se mettre au service de son employeur. Et elle ne peut visiblement pas s’attendre à obtenir l’aide de ses trois frères et de ses trois sœurs qui demeurent pourtant à Montréal ou dans les alentours, à l’île Jésus notamment ou encore à Repentigny29. Quant à sa belle-famille, Madeleine ne peut pas non plus y songer puisque son époux est fils unique et que ses beaux-parents sont décédés depuis déjà plusieurs années.
Une alternative à la mise en service :
la domesticité enfantine
Au même titre que le veuvage, l’absence du mari marque clairement pour ces femmes « un appauvrissement qui peut conduire à la mendicité ou même à la prostitution en l’absence de réseaux familiaux pouvant les soutenir30 ». Ce fut notamment le cas, en 1675, d’une dénommée Catherine Guichelin accusée de mener une vie scandaleuse et de s’être prostituée depuis que son mari l’eut abandonnée pour retourner en France deux ans plus tôt, la laissant seule avec ses deux enfants en bas âge31. Mais nous ne sommes pas ici en présence de mendiantes ou de prostituées. Même si elles sont « réduites à servir », nous n’avons pas affaire à des victimes qui subissent les affres de l’isolement et de la justice mais à des femmes qui, au contraire, font montre d’initiatives en s’engageant comme servante simplement pour donner à leur famille les moyens de subsister minimalement, d’aucuns diront décemment. L’absence des hommes laisse ainsi ces femmes temporairement à la tête du ménage et révèle, d’une certaine manière, leur capacité d’agir puisqu’elles interviennent comme représentantes de la société conjugale. Mais si certaines, pour le bien de cette dernière, font la démarche de se présenter à l’étude d’un notaire – action qui peut attester ici de la préexistence d’une agentivité féminine32 – pour s’engager en qualité de servante en attendant le retour de leur époux, d’autres adoptent en revanche une autre stratégie.
Plusieurs, en effet, choisissent de placer un ou plusieurs de leurs enfants chez un maître comme domestique question d’assurer leur subsistance voire leur éducation et de soulager ces mères d’une famille trop nombreuse. En 1688, Anne Goupille baille ainsi son garçon de 6 ans à un dénommé Jean Dupuy pour les dix prochaines années « au nom de son mari duquel elle a tout pouvoir et est dûment autorisée ». Elle explique au notaire que son mari est malade à l’hôpital à la suite d’une blessure qu’il a reçu à la guerre contre les Iroquois, qu’elle a plusieurs enfants en bas âge33 et qu’elle ne dispose pas de moyens pour les élever jusqu’à ce qu’ils soient en âge de gagner leur vie. De la même manière, en 1710, Françoise Auzon présente « volontairement » son fils à Jean DeLatour, sergent à Chambly, afin qu’il l’emploie pour les quatre prochains mois comme domestique en échange de sa nourriture et de son entretien, le temps que son mari revienne de Détroit où il est actuellement34. Enfin, c’est aussi pour garantir à sa fille de quoi manger et se vêtir que Jeanne Galarneau place son enfant pour quatre années au service de Joseph Martel, maître menuisier à Montréal, en 1735. Contrairement aux contrats d’engagement précédents, ce cas est pour le moins original puisque Jeanne est clairement identifiée dans l’acte notarié comme procuratrice de Jean Cardinal, son mari, et responsable de la gestion des affaires de la famille du fait « de la démence » de ce dernier précise le notaire. Tout aussi étonnante est la situation de Marie Pascaude, épouse de Simon Chapacou. En 1682, elle met en service sa fille pour une année chez Jeanne Prevost et déclare au notaire qu’elle gère et conduit les affaires de sa communauté attendue l’incommodité de son mari incapable de faire aucun acte puisqu’il est muet35. Nous avons affaire ici à d’autres formes d’absence qui nous interpellent sur la polysémie même du terme – l’absence masculine n’implique pas nécessairement l’absence physique du mari ; elle peut supposer aussi l’absence mentale et/ou physiologique – et qui laissent à Jeanne et à Marie une autonomie pour le moins insolite à laquelle elles n’auraient pu prétendre ordinairement. Nous pourrions bien sûr multiplier les exemples d’autant que nous relevons près d’une centaine de contrats dans lesquels des femmes ont la charge de louer les services de leur enfant sans que le père ou le beau-père soit présent au moment de la signature du contrat, mais sans que nous sachions, contrairement aux cas précédents, les raisons précises de cette absence36. Considérant l’importance du geste et ce qu’il représente pour le père, chef de l’autorité familiale, cette absence est de toute évidence suffisamment sérieuse ou suffisamment longue pour justifier le transfert de la tâche à l’épouse qui agit pour le bien de la communauté.
La domesticité féminine :
une expérience « émancipatrice » ?
L’expérience de la domesticité pour ces femmes, en situation d’autonomie contrainte, leur offre-t-elle, au terme de leur contrat et au retour de leur mari, une plus grande « liberté » dans les affaires du ménage ? C’est précisément ce que nous avons cherché à déterminer en vérifiant la présence de ces femmes dans les minutes notariales et les archives judiciaires de la colonie pour l’ensemble de la période du régime français37. Au terme de cette enquête, force est de constater que les résultats sont plutôt décevants, mais pas surprenants. En effet, aucune des femmes mariées identifiées dans les contrats canadiens comme servante ne se représente seule, derechef, devant notaire une fois libérée de son engagement. Si elles apparaissent à nouveau dans les minutes notariales en particulier, c’est seulement pour s’obliger solidairement avec leur mari notamment dans le cas d’obligations financières ou encore lors de la mise en service ou en apprentissage d’un de leurs enfants38. Ainsi, au même titre que les jeunes filles placées par leurs parents chez un maître, la domesticité a constitué pour ces femmes une parenthèse dans leur vie, le temps que leur époux revienne de la guerre, de la traite des fourrures ou encore d’un voyage dans la métropole. Une expérience unique également à condition, bien sûr, qu’elles ne se soient pas engagées à nouveau par la suite sur la base d’une simple entente verbale. L’étude de cette domesticité particulière offre à tout le moins l’occasion de lever un peu le voile sur ces femmes du commun « capables de vivre une vie empreinte d’autonomie et de dignité »39 en l’absence de leur mari. Mais une fois de retour au foyer, les hommes se réapproprient leur rôle de chef de famille et, dès leur contrat terminé, les femmes s’effacent à nouveau sous leur tutelle comme de la scène publique que représente l’étude du notaire. Bien sûr, ce constat inhérent aux normes du patriarcat ne garantit pas pour autant l’obéissance totale des femmes à leur mari. Comme le rappelle avec raison Allan Greer, « dans la réalité quotidienne des relations entre hommes et femmes, le principe fondamental du patriarcat s’accompagne d’une grande complexité et d’une grande diversité, de même qu’à de nombreuses contradictions40 ». Une fois affranchies des obligations qui les liaient à leurs employeurs, ces femmes continuent d’honorer les responsabilités domestiques qui leur incombent – responsabilités qu’elles n’ont d’ailleurs jamais abandonnées durant leur service – et travaillent inlassablement pour assurer la subsistance de la famille et l’avenir des enfants, sans laisser aucune trace dans les documents de l’époque. Mais nonobstant leur propre participation et les zones d’autorité qu’elles sont capables de se tailler au sein de la cellule familiale, les femmes mariées demeurent économiquement totalement dépendantes de leur mari, surtout en l’absence de réseaux familiaux ou d’amitiés. Par conséquent, si elles souhaitent bénéficier d’un niveau de vie satisfaisant, elles « doivent compter en bonne partie sur le travail, les talents de gestionnaire et la bonne volonté de leur époux41 ». Et en cas d’absence du mari, la domesticité peut constituer une solution pour ces épouses temporairement seules, mais une solution à « court terme », certainement non désirée, et assurément contraignante.
Combien de femmes, à l’image de Madeleine et de Françoise, ont été contraintes de travailler comme servante durant l’absence de leur époux ? Combien d’entre-elles ont été « réduites » au service domestique pour gagner leur vie ? Comme nous l’avons mentionné précédemment, il est bien évidemment impossible de répondre à cette question ni même tenter d’avancer une estimation puisque la plupart des engagements ont été réalisés de gré à gré. La tendance s’accentue d’ailleurs au XVIIIe siècle à mesure que la population croît et apprend à se connaître42. Cependant, il ne fait aucun doute que les femmes canadiennes, et particulièrement celles de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ont dû faire preuve de courage et de débrouillardise pour assurer la survie de leur famille et maintenir autant que possible leur niveau de vie. Les recherches menées par Catherine Ferland et Benoît Grenier sur les procuratrices à Québec au XVIIIe siècle ont, à cet égard, permis d’observer que le nombre de procurations accordées aux épouses par leur mari avait considérablement augmenté entre 1744 et 1760. Cette forme de délégations du pouvoir était-elle un moyen pour ces femmes mariées d’échapper à la domesticité, dernier recours, semble-t-il, avant de sombrer dans la mendicité ? L’hypothèse doit être considérée et mériterait une attention particulière. Toujours est-il que ce bond spectaculaire s’explique « par la croissance de la population totale, mais aussi et surtout par le contexte de guerre quasi-continuel qui prévaut dans la colonie de 1744 et 176043 ». Durant cette période, il est même arrivé que certaines femmes sortent de la « réserve » que leur imposaient la loi et les normes du patriarcat. En effet, comme le rappelle l’historienne Denyse Baillargeon :
à compter des années 1740, les épouses doivent composer avec l’absence régulière des hommes mobilisés par les corvées, les exercices et les expéditions militaires, et gérer les pénuries alimentaires qui sont dues autant au manque de bras pour les cultures qu’aux ponctions effectuées par l’armée pour assurer son approvisionnement. La rareté et le coût astronomique des vivres deviennent d’ailleurs un problème majeur durant la guerre de la Conquête, provoquant quelques émeutes menées par des femmes en colère, tant à Québec qu’à Montréal. Ces révoltes vivrières, également courantes en Europe à la même époque, montrent que, si les femmes sont exclues du pouvoir formel, elles n’hésitent pas à faire entendre leur voix dans l’espace public quand des décisions gouvernementales attaquent de plein fouet leurs responsabilités domestiques44.
Pour leur part, l’étude des contrats d’engagement canadiens montre que si les femmes délaissées temporairement par leur mari disposent d’une autonomie leur permettant de se mettre « librement » au service d’un maître, il convient de garder à l’esprit que cette indépendance provisoire demeure essentiellement conditionnée par l’urgence et la contrainte. De la même manière qu’en France, faut-il le rappeler, l’Empire français d’Amérique du Nord n’est certainement pas « une oasis de l’égalité des sexes »45 ou une terre d’émancipation féminine, même s’il subsiste toujours quelques exceptions pour infirmer la règle.
Bibliographie
- Baillargeon D., Brève histoire des femmes au Québec, Montréal, Boréal, 2012.
- Barry F., « Familles et domesticité féminine au milieu du 18e siècle », dans Fahmy-Eid N. et Dumont M., Maîtresses de maison, Maîtresses d’école, Montréal, Boréal Express, 1983, p. 223-235.
- Bessière A., La Domesticité dans la colonie laurentienne au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle (1640-1710), thèse de doctorat (histoire), Université Paris IV-Sorbonne et UQÀM, 2007.
- Bessière A., « Le salaire des domestiques au Canada au XVIIe siècle », Histoire, économie et société, vol. 27, 4, 2008, p. 33-50.
- Bessière A., « “Faire une bonne et fidèle servante” au Canada sous le régime français », Histoire sociale/Social History, vol. 50, n° 102, novembre 2017, p. 233-257.
- Bessière A., « Les domestiques, ces oublié(e)s de l’histoire de la Nouvelle-France », Études canadiennes/Canadian Studies, n° 82, 2017, p. 27-45.
- Brun J., Vie et mort du couple en Nouvelle-France. Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2006, p. 16-18.
- Dépatie S., « Maîtres et domestiques dans les campagnes montréalaises au XVIIIe siècle : bilan préliminaire », Histoire, économie et société, 4, 2008, p. 51-6.
- Greer A., Brève histoire des peuples de la Nouvelle-France, Montréal, Boréal, 1998.
- Grenier B. et Ferland C., « Les procuratrices à Québec au XVIIIe siècle : résultats préliminaires d’une enquête sur le pouvoir des femmes en Nouvelle-France », dans Ferland C. et Grenier B., Femmes, Culture et Pouvoir : Relecture de l’histoire au féminin, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 127-144.
- Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence”. Procurations et pouvoir féminin à Québec au XVIIIe siècle », Clio. Histoire, Femmes et Société, n° 37, 2013, p. 197-225 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11053.
- Lambert S., Entre la crainte et la compassion. Les pauvres à Québec au temps de la Nouvelle-France, Sainte-Foy, Les Éditions GID, 2001.
Notes
- Entendons ici la vallée du Saint-Laurent.
- Précisons ici que le terme « domestique » désigne, tant en France qu’au Canada aux XVIIe et XVIIIe siècles, quatre réalités à savoir : les serviteurs de maison, les domestiques agricoles, les serviteurs personnels et, enfin, toute personne au service d’une autre, sans aucune précision. À cet ensemble, il faut également ajouter les serviteurs – sous toutes formes – des communautés religieuses et hospitalières qui représentent un groupe important au sein de la colonie. Bessière A., La Domesticité dans la colonie laurentienne au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle (1640-1710), thèse de doctorat (histoire), Université Paris IV-Sorbonne et UQÀM, 2007, p. 11.
- Pour un portrait détaillé de cette main-d’œuvre domestique et de son évolution dans le temps voir Bessière A., « Les domestiques, ces oublié(e)s de l’histoire de la Nouvelle-France », Études canadiennes/Canadian Studies, n° 82, 2017, p. 27-45.
- Contrairement à la France, précisons que la servante au Canada ne sera jamais le type de domestique le plus répandu en ville et leur proportion demeurera nettement inférieure à celle de leurs homologues masculins, peu importe leur localisation, et ce pour l’ensemble du régime français. Ajoutons également que, à la différence de la France, le groupe des servantes n’a pas vraiment retenu l’attention des historiens canadiens. Elles sont simplement évoquées dans quelques travaux (notamment ceux d’Allan Greer et de Sylvie Dépatie) et ne sont objet d’étude que de deux articles scientifiques uniquement. Voir Greer A., Brève histoire des peuples de la Nouvelle-France, Montréal, Boréal, 1998, p. 84 ; Dépatie S., « Maîtres et domestiques dans les campagnes montréalaises au XVIIIe siècle : bilan préliminaire », Histoire, économie et société, 4, 2008, p. 51-65 ; Barry F., « Familles et domesticité féminine au milieu du 18e siècle », dans Fahmy-Eid N. et Dumont M., Maîtresses de maison, Maîtresses d’école, Montréal, Boréal Express, 1983, p. 223-235 et Bessière A., « “Faire une bonne et fidèle servante” au Canada sous le régime français », Histoire sociale/Social History, vol. 50, n° 102, novembre 2017, p. 233-257.
- Le repérage de ces contrats a été facilité grâce à l’outil de recherche Parchemin qui rassemblait, au moment de la recherche, les intitulés et résumés de tous les actes notariés signés dans la colonie entre 1626 et 1779. Société Archiv-Histo, Parchemin [ressource électronique] : banque de données notariales, 1626-1784, Montréal, Société de recherche historique Archiv-Histo, 2004. Pour les fins de cette étude, les vocables « servante », « domestique », « engagée » et « ménagère », au singulier et au pluriel, ont été utilisés.
- Ce corpus qui compte huit femmes en comprend deux séparées de corps et de biens. Selon les données en ligne du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal qui comprend un répertoire des actes d’état civil (1621-1849), un dictionnaire généalogique des familles (1621-1799) et un répertoire des unions et des filiations (1621-1799), Marie Barban est née vers 1648 en Normandie. Épouse antérieure de Jean Lalonde, elle est séparée de corps et de biens de Pierre Tabeau, et mère de cinq enfants au moment de son engagement. Elle se met au service de l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1691 pour quatre années consécutives à cause, dit-elle, « de la rareté des vivres et leurs prix exorbitants » (Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal (BAnQ-Mtl), Contrat du 10 novembre 1691, greffe Adhémar dit Saint-Martin). Madeleine Maréchal, sur laquelle nous revenons plus loin, est originaire de Picardie (nous ignorons son année de naissance). Mère de trois enfants, elle est séparée de corps et de biens de Pierre Poupardeau avec lequel elle se marie au Québec (lieu indéterminé) avant 1673. Elle s’engage une première fois pour deux ans en 1676 à Claude Volant et une seconde fois, pour un an, en 1685 à Abraham Bouat. Bien que déjà séparée de son époux au moment de son premier contrat, Madeleine donne naissance à deux garçons dans les années subséquentes (Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Trois-Rivières (BAnQ-TR), contrat du 24 août 1676, greffe Cusson J. et Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec (BAnQ-Qc), contrat du 5 juillet 1685, greffe Maugue C.).
- Bessière A., op. cit., p. 218.
- Jeanne Chabaudy (ou Chevaudier) fait exception puisqu’elle n’est âgée que de 16 ans au moment de la signature de son contrat. Native de Trois-Rivières (en 1672) et mariée à l’âge de 14 ans à Pierre Jean Delâge Lafleur, soldat de la Compagnie de M. Du Mesnil avec lequel elle aura six enfants (dont le premier naîtra quelques mois après son contrat), elle s’engage pour un an à l’écuyer et lieutenant François Legantier de Lavallée-Rannez et son épouse. BAnQ-Qc, contrat du 28 novembre 1689, greffe Maugue C. Précisons ici qu’exception faite des deux femmes séparées de corps et de biens et d’un autre cas (Marguerite Dubois sur laquelle nous revenons ultérieurement), toutes les servantes retenues dans cette étude sont natives du Canada. En outre, si nous considérons exclusivement les six servantes, mères de famille, identifiées au sein de notre corpus, nous évaluons que celles-ci ont en moyenne trois enfants en bas-âge au moment de leur engagement.
- Bessière A., op. cit., p. 229-231.
- Sur la question des salaires des domestiques, voir Bessière A., « Le salaire des domestiques au Canada au XVIIe siècle », Histoire, économie et société, vol. 27, 4, 2008, p. 33-50.
- L’information relative au lieu de résidence de la servante et du maître n’est pas indiquée systématiquement par les notaires. Lorsqu’elle apparaît, la domestique réside dans la même « ville » que son employeur, soit « Ville-Marie » dans la majorité des cas, plaque tournante du commerce des fourrures.
- Selon le PRDH, Marie Couillard est née à Montréal en 1705. Elle a donc 31 ans au moment de s’engager. Elle épouse Pierre Primot (Primeau) de Châteaugay en février 1721 à Montréal. Le couple aura 14 enfants et au moment de son embauche, Marie a déjà trois garçons et quatre filles auxquels le notaire ne fait aucune allusion.
- BAnQ-Mtl, Contrat du 20 juillet 1736, greffe Lepailleur de LaFerté F.
- Selon le PRDH, nous savons que Françoise est née vers 1683 « au Québec » et qu’elle décède « hors Québec » à une date inconnue. Elle se marie le 23 novembre 1700 à Québec en la paroisse Notre-Dame de Québec ; ce sera son seul et unique mariage qui sera célébré en présence du gouverneur de Trois-Rivières François Provost. De cette union naîtront quatre enfants ; le premier est baptisé à Québec en 1701 ; le second en janvier 1705 à Montréal, soit deux mois avant son embauche comme servante. La famille a donc déménagé à Montréal au moment de la signature du contrat. Son mari est né quant à lui en 1669 à Québec et décède « hors Québec » également. Nous savons aussi que les quatre frères et les deux sœurs de Françoise résident à Québec ou à la Pointe-de-Lévy (Lauzon). Les deux sœurs et les deux frères de Jean-Baptiste demeurent, pour leur part, en la paroisse Notre-Dame-de-Québec.
- BAnQ-Mtl, contrat du 20 mars 1705, greffe Lepailleur de LaFerté M. L’intitulé du contrat indique la date du 16 mars 1705.
- Brun J., Vie et mort du couple en Nouvelle-France. Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2006, p. 16-18.
- Voir également le cas de Marguerite Dubois, épouse de Sébastien Lacroix, qui s’engage – sans être dûment autorisée par son mari absent au moment de la signature du contrat – à Alexandre Petit, marchand bourgeois de La Rochelle, pour le servir à Chambly durant une année à compter du 2 octobre 1680. Marguerite est née en Haute-Vienne en France vers 1636 et épouse Sébastien Lacroix en 1669 à l’Île d’Orléans ; elle est la mère d’une petite fille de 8 ans qu’Alexandre Petit promet de nourrir également pendant toute la durée du service de sa servante. BAnQ-Qc, contrat du 2 octobre 1680, greffe Becquet R. Sur la question des procuratrices à Québec sous le régime français voir Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence”. Procurations et pouvoir féminin à Québec au XVIIIe siècle », Clio. Histoire, Femmes et Société, n° 37, 2013, p. 197-225 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11053. Voir également Id., « Les procuratrices à Québec au XVIIIe siècle : résultats préliminaires d’une enquête sur le pouvoir des femmes en Nouvelle-France », dans Ferland C. et Grenier B., Femmes, Culture et Pouvoir : Relecture de l’histoire au féminin, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 127-144.
- Ibid. Même si nous n’avons pas affaire à une femme mariée, le cas de la jeune Hélène Valiquet, 16 ans et fille de Jean (absent de cette ville), est tout aussi surprenant puisqu’elle déclare que ses « parents ne lui ont donné aucun bon avis pour l’avancer » après que le notaire lui eut demandé si elle n’avait pas parents ni amis au moment de la signature de son contrat (BAnQ-Mtl, contrat du 13 avril 1682, greffe Maugue C.). Comme le remarque Josette Brun, une étude sur les femmes qui se présentent seules, et sans procuration, à l’étude des notaires serait fort pertinente et permettrait sans doute de mettre à jour une variété de situations originales comme celle que nous venons d’évoquer.
- Ibid.
- BAnQ-Mtl, acte de baptême du 22 janvier 1705 de Jean-Baptiste Pré, paroisse Saints-Anges-de-Lachine (Montréal).
- BAnQ-TR, contrat du 24 août 1676, greffe Cusson J.
- Ajoutons que la jeune femme ne pouvait pas non plus compter sur le soutien des institutions charitables de la colonie puisque celles-ci sont réservées principalement aux pauvres malades, aux orphelins, aux infirmes, aux vieillards, aux personnes incapables de travailler pour gagner leur vie. Comme le souligne Serge Lambert, « l’habitant qui rencontre des problèmes de subsistance doit épuiser toutes les ressources qui lui sont accessibles avant de demander l’aide » à l’État et à l’Église. Le service domestique constitue visiblement un de ces moyens. Lambert S., Entre la crainte et la compassion. Les pauvres à Québec au temps de la Nouvelle-France, Sainte-Foy, Les Éditions GID, 2001, p. 92.
- Brun J., op. cit., p. 4.
- BAnQ-Mtl, contrat du 29 août 1733, greffe Adhémar dit Saint-Martin J.-B.
- BAnQ-Mtl, contrat du 8 septembre 1727 entre, d’une part, Nicolas Perineaux dit Lamarche, manœuvre et Madeleine Lalongé son épouse et, d’autre part, Louis Mallet et Angélique Périneaux.
- BAnQ-Mtl, acte de baptême du 6 décembre 1728 de Marie Josèphe Perineaux, Paroisse Notre-Dame-de-Montréal.
- Élargie à l’ensemble des domestiques, l’étude de ces liens permettrait certainement de révéler les réseaux de sociabilité locaux et/ou familiaux qui se mettent en place dans la vallée du Saint-Laurent au XVIIe siècle et qui se consolident dans le courant du XVIIIe siècle.
- Selon les données du PRDH, Marie Madeleine Lalongé Gascon est née le 12 octobre 1702 à Montréal ; elle épouse Nicolas Perinau le 22 novembre 1725 à Montréal, neuf mois après la mort de sa première épouse Marie Lamarche. Madeleine décède le 14 février 1774 à Montréal. De cette union naîtront huit enfants. Le premier nait en 1726 et décède six ans plus tard en mars 1733, soit cinq mois précédant son engagement. Le deuxième nait en 1727 et meurt l’année suivante. Les autres naissances se produisent respectivement en 1728, 1731, 1733, 1739, 1743 et 1745.
- Alors qu’il « incombe à chaque habitant de porter secours à un membre de sa famille qui se retrouve dans le besoin », souligne Serge Lambert. Lambert S., op. cit., p. 87.
- Baillargeon D., Brève histoire des femmes au Québec, Montréal, Boréal, 2012, p. 26.
- BAnQ-Mtl, Chronica 1 – Jugements et délibérations du Conseil souverain de la Nouvelle-France, 19 août 1675. Dans son jugement, Catherine est bannie de la ville de Québec et de sa banlieue « jusqu’à ce que son mari soit de retour ». Malheureusement pour elle, son conjoint ne revient jamais en Nouvelle-France et deux après sa condamnation, Catherine est toujours dans une situation précaire. En effet, en 1677, de retour en ville, elle met en service sa fille de six ans chez Jean Lepicq jusqu’à ce que celle-ci soit en état de se marier, précise le notaire. Ce dernier ajoute que Catherine est contrainte de placer son enfant étant donnée « la pauvreté où elle est réduite depuis l’absence de son mari » (BAnQ-Qc, contrat du 5 mars 1677, greffe Becquet R.). Trente ans après sa condamnation, et après avoir donné naissance à cinq enfants hors-union, Catherine épouse en 1708 le dénommé Charles Fissiau. Le mariage sera de courte durée puisque son mari décède sept ans plus tard. Catherine convole à nouveau et pour une dernière fois en 1716 avec Jean Roy, qui mourra trois ans seulement après les noces. Catherine décède en 1733.
- Précisons tout de même que les contrats ne disent pas si ces femmes font cette démarche de leur propre chef ou si elles le font à la demande de l’employeur qui veut formaliser par contrat l’entente. Il convient donc de nuancer ici l’observation et ne pas conclure trop hâtivement à l’agentivité.
- Une recherche dans le PRDH permet de remarquer qu’Anne est mère de neuf enfants : trois d’un premier mariage et six autres d’un second avec Aimé Lecompte, maître tailleur.
- BAnQ-Mtl, contrat du 4 août 1710, greffe Adhémar dit Saint-Martin J.-B. Notons que Françoise et son mari, Pierre Leboeuf, placeront conjointement cette fois, quelques années plus tard, deux de leurs enfants en apprentissage. Contrats du 9 avril 1721 (BAnQ-Mtl, greffe David J.) et du 11 mars 1728 (BAnQ-Mtl, greffe Raimbault de Piedmont J.C.).
- BAnQ-Qc, contrat du 8 mars 1682, greffe Rageot G.
- Voir notamment les contrats d’engagement du 8 octobre 1680 (BAnQ-Qc, greffe Duquet de Lachesnaye, P.), du 12 février 1689 (BAnQ-Qc, greffe Rageot G.), du 20 septembre 1692 (BAnQ-Qc, greffe Chambalon, L.) ou encore du 7 août 1701 (BAnQ-Mtl, greffe Adhémar dit Saint-Martin). Habituellement ici la femme se porte fort pour son mari et promet de lui faire agréer et ratifier le contrat d’engagement de l’enfant qu’elle s’apprête à mettre en service.
- Une enquête à l’aide de divers outils de recherche disponibles à BAnQ Montréal tels que Chronica 1 et 2 (qui répertorient les Jugements et délibérations du Conseil souverain pour l’ensemble du régime français), Pistard (moteur de recherche en ligne pour les archives nationales du Québec dans lequel il est possible d’interroger en partie les registres et dossiers de la Prévôté de Québec (TL1) et de la juridiction royale de Montréal (TL4)) ou encore l’index alphabétique des noms cités dans les « dossiers » de la Juridiction royale de Montréal réalisé par Joe F. Holzl, n’ont pour ainsi dire donné aucun résultat. Nous avons seulement retrouvé Françoise Marchand dans les dossiers de la juridiction royale de Montréal le 15 novembre 1712, sept ans après son embauche, en qualité de témoin dans le cadre d’un procès pour voies de faits. Bien sûr, nous ne prétendons pas ici avoir épuisé la recherche dans les archives judiciaires de la colonie. Un sondage plus approfondi devrait être envisagé dans les registres du bailliage (TL2) et de la juridiction royale de Montréal (TL4 S11) en particulier.
- C’est le cas notamment de Madeleine Lalongé et de son mari, Nicolas Perineau dit Lamarche, qui placent leur fille en service en qualité de servante chez Jean-Baptiste-Henri Belienger, officier d’infanterie, en 1757 (BAnQ-Mtl, contrat du 21 juillet 1757, greffe Danré de Blanzy, L.-C.). On retrouve également Marie Couillard, servante de François Volan en 1736, à l’étude de divers notaires en compagnie de son mari dans le cadre d’un échange et d’une vente de terre (BAnQ-Mtl, contrats du 14 et du 15 octobre 1745, greffe Adhémar dit Saint-Martin, J.-B. et greffe Danré de Blanzy, L.-C.). Même constat en ce qui concerne Françoise Marchand qui accompagne son mari pour vendre une terre en la seigneurie de Lauzon en 1708 (BAnQ-Qc, contrat du 6 octobre 1708, greffe Chambalon, L.).
- Greer A., op. cit., p. 83.
- Ibid., p. 96.
- Brun J., op. cit., p.26.
- Bessière A., op. cit, p.225.
- Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence”… », art. cit., p. 205. Voir également Grenier B. et Ferland C., « Les procuratrices à Québec au XVIIIe », art. cit., p. 127-144.
- Baillargeon D., op. cit., p. 35-36.
- Greer A., op. cit., p. 96.