Une étude fondée sur les données issues des prospections aériennes et des fouilles
Dès les premières prospections aériennes réalisées en Bretagne, à la fin des années 1970, la présence de petits enclos carrés de 10 à 30 m de côté a été observée, parfois à proximité d’habitats enclos de type “fermes indigènes”, selon la terminologie alors employée par Roger Agache en Picardie. Très tôt, ces petits enclos aux formes et aux dimensions très caractéristiques ont été attribués à la Protohistoire, et désignés dans les rapports de prospection comme “enclos rituels” ou “enclos cultuels”, sans qu’aucune fouille ne vienne étayer ces hypothèses de fonction ou de chronologie.
Le développement des recherches programmées sur l’âge du Fer, dès les années 1980, ainsi que l’essor de l’archéologie préventive ont permis de fouiller de manière exhaustive quelques dizaines d’habitats enclos et de restituer l’évolution de ces sites entre le VIe et le Ier s. a.C. Les recherches effectuées sur les petits enclos carrés ont également progressé et permis de déterminer qu’ils recelaient des sépultures de la fin du Premier et du début du Second âge du Fer. Certains ont été découverts à proximité d’exploitations agricoles datées de cette période.
En conséquence, il nous a semblé utile de présenter de manière synthétique les résultats de ces recherches, issues d’une confrontation entre les données des prospections aériennes et celles issues des sondages ou des fouilles effectuées sur ces enclos. Nous concentrerons notre étude sur le Centre Ouest Bretagne, un pays regroupant 108 communes qui a bénéficié, de 2002 à 2009, d’un programme de carte archéologique exemplaire réalisé sous la direction d’Alain Provost, associant des prospections au sol, des prospections aériennes, un enregistrement détaillé et normalisé des sites découverts ou revisités ainsi qu’un géoréférencement précis, à l’échelle du cadastre, des vestiges identifiés (fig. 1). Nous disposons par conséquent, dans ce secteur géographique qui couvre 27 500 km², d’une documentation homogène et vérifiée, sur laquelle peuvent se fonder des études de sites ou de territoires. Nous nous appuierons néanmoins sur quelques exemples localisés dans d’autres parties de la péninsule bretonne : des sites fouillés, tout d’abord, qui permettent de fonder les datations attribuées à ces nécropoles et habitats enclos ; mais également quelques sites découverts lors de prospections aériennes, qui permettent de constater que le phénomène observé se développe vraisemblablement sur l’Ouest de la France.
Trois exemples de sites fouillés, montrant la contemporanéité
de nécropoles et d’habitats enclos
Le site de Bernoué à Saint-Connec, dans les Côtes d’Armor, a fait l’objet des recherches les plus anciennes (fig. 2, 5 et 9, n°11). En 1888, un souterrain, galerie de 14 m de longueur et d’environ 1,10 m de section comprenant plusieurs salles reliées par des chatières, a été découvert et sommairement fouillé1. Les fusaïoles et les tessons de poteries découverts, tout comme la morphologie de cette excavation taillée dans la roche altérée, montrent qu’il s’agit d’un souterrain de l’âge du Fer, très commun dans cette région. Les fouilles récentes l’ont montré : ces excavations constituent le mode habituel de stockage permettant d’enfouir et de cacher les denrées dans les exploitations agricoles de la fin du Premier et de la première partie du Second âge du Fer, entre le VIe et le IIIe s. a.C. La présence de ce souterrain atteste donc l’existence, à cet endroit ou à proximité immédiate, d’un habitat de cette période.
Ces fouilles sommaires ont également mis au jour, non loin du souterrain, les vestiges d’une nécropole2. La tranchée et le décapage effectués dans la partie centrale d’un tumulus, d’un mètre de hauteur et de vingt mètres de diamètre, ont révélé la présence d’une fosse centrale de 3 m sur 4,5 m, dont seule une partie était faiblement creusée dans le substrat et protégée par un massif de pierres de 5 m sur 4 m, partiellement effondré dans la cavité. Les descriptions très confuses ne permettent pas de préciser la datation de cette première sépulture. Elle pourrait être attribuée à une inhumation de l’âge du Bronze ancien ou moyen, en raison de la taille du tumulus et de l’aménagement de la fosse, ou, plus vraisemblablement, du Premier âge du Fer, qui voit également la construction de tumulus parfois importants ; ces derniers, mal décrits par les fouilleurs du XIXe s. à l’instar de celui de Bernoué, recouvrent un premier tertre parementé ou des aménagements plus atypiques, tel celui de Coat Plen Coat à Saint-Goazec (Finistère)3. L’auteur mentionne toutefois la présence de cendres et de charbons sous la couche de pierres au centre de la fosse et des “traces de feu” un peu partout, notamment sur le sol environnant la fosse. Plusieurs vases – dont quatre contenaient des ossements incinérés –, un mobilier difficilement interprétable en alliage cuivreux et en fer, et un anneau torsadé en or de 4 cm de diamètre ont été mis au jour dans la fosse, autour et sur le massif de pierres, sans que l’on puisse évaluer leurs relations chronologiques avec le premier monument. Deux vases étaient peints en rouge et l’une des urnes déposée au milieu de la fosse comportait des “sujets peints, difficiles à distinguer d’une façon précise, mais assez visibles pour qu’on puisse affirmer qu’ils reproduisent absolument le genre de scènes qui ornent les vases étrusques du musée de Naples”4. La silhouette des trois vases représentés dans la publication correspond aux profils des urnes connues par ailleurs en Bretagne au Ve s. a.C. L’attribution de ce petit ensemble funéraire à la fin du Premier ou au début du Second âge du Fer est donc assurée.
La mission IGN de 1976 et des prospections aériennes effectuées en 20065 ont révélé le plan des clôtures du site de Saint-Connec (fig. 2 et 9, n°11). L’habitat se compose d’un système complexe d’enclos se développant sur environ 2 hectares. À l’ouest, le plus lisible, quadrangulaire aux angle arrondis et à larges fossés, atteint 45 m de côté ; doublé par un fossé périphérique curviligne, il est environné d’une série d’enclos dont le tracé des fossés, moins importants, est également moins net. À l’est, se détache nettement un enclos quadrangulaire de 30 m de côté, au large fossé, au sein duquel on distingue un tertre et une fosse centrale. Il s’agit très certainement de l’emplacement de la nécropole sommairement étudiée en 1888. La tache de teinte claire au centre de l’enclos correspond au tertre évoqué ci-dessus ; la tache sombre au centre de ce tertre correspond, quant à elle, à la fosse fouillée en 1888. La contemporanéité entre habitat et nécropole est assurée pour le Ve s. a.C., mais il est difficile de discerner, parmi les multiples enclos, le tracé des clôtures de l’exploitation agricole contemporaine de l’espace funéraire. L’enclos carré de 50 m de côté délimité par les fossés les plus larges recèle vraisemblablement les vestiges de l’habitat.
Le site du Boisanne à Plouër-sur-Rance (Côtes d’Armor), fouillé de 1987 à 1989 sur 1,1 hectare, a livré les vestiges d’un habitat occupé du VIe au Ier s. a.C., environné d’un réseau de chemins contemporains (fig. 2 et 5, n°20). La chronologie relative des excavations anciennes ainsi que les 9000 fragments de céramique étudiés ont permis de restituer l’évolution de cet habitat6. Durant les VIe et Ve s. a.C., il est composé d’un enclos d’environ 240 m² de superficie, délimité sur trois côtés par un fossé profond de 2,50 m doublé d’un talus de terre. La maison édifiée à l’angle nord-ouest du talus, à l’abri des vents dominants, avait une surface d’environ 40 m². Au sud de cet enclos, une mare permettait d’abreuver le bétail. À l’est, deux enclos délimités par de petits fossés abritaient le bétail ou les cultures. Les chemins qui desservent ces enclos se poursuivent vers l’ouest. Ils rejoignent, à une centaine de mètres de l’habitat, un chemin contemporain, orienté nord-sud. Au delà du carrefour de ces deux chemins, un enclos carré de 10 m de côté a été fouillé. Il recelait trois fosses à fond plat, longues d’environ 2 m et larges de 0,70 m, vestiges probables d’inhumations dont les ossements ont été dissous par l’acidité des terres. Un édicule sur 5 poteaux édifié le long d’un des chemins, à proximité de l’enclos funéraire, est vraisemblablement contemporain de ce premier habitat.
Le site de Saint-Symphorien à Paule (Côtes d’Armor) a été fouillé de 1988 à 2006 sur une superficie de 4,8 hectares7. Fondé au VIe s. a.C., il est abandonné vers les années 15 a.C.. Durant les VIe et Ve s., un enclos d’une superficie d’un hectare, délimité par un fossé profond de 0,50 à 2,50 m, abrite une demeure de 400 m² dotée d’une cave, d’une citerne et de souterrains (fig. 2 et 7, n°3). Elle est environnée de celliers et d’ateliers textiles semi-enterrés. Un second enclos à la périphérie abrite vraisemblablement le bétail. Le tracé des clôtures, courbe au nord et à l’ouest, devient rectiligne au sud et à l’est, le long des chemins contemporains de ce premier habitat. Deux enclos carrés ont été fouillés à proximité immédiate.
Le premier, implanté immédiatement à l’est de l’habitat, est clos par une palissade délimitant un espace quadrangulaire d’une trentaine de mètres de côté (fig. 3, n°3). Les sépultures, les foyers et les trous de poteau sont concentrés dans sa moitié orientale, selon un schéma rigoureux. Malgré l’arasement du site par les pratiques agricoles, il est proposé de restituer un tertre d’une douzaine de mètres de diamètre et de faible hauteur, recouvrant deux fosses centrales sans mobilier, probables tombes à inhumation fondatrices du cimetière. Un groupe d’une quinzaine d’incinérations en urnes est ensuite déposé dans le quart sud-ouest du tumulus, sur un axe est-ouest ; deux sépultures avec et sans urne sont enfouies dans le quart sud-est et un autre groupe, mal conservé, a été observé à la périphérie nord-est du probable tertre. Deux importantes fosses, interprétées comme des fondations de stèles hautes de 2 à 3 m en pierre ou en bois, ont été découvertes au nord du tertre reconstitué. Elles semblent définir l’axe à partir duquel toutes les autres structures sont organisées : tumulus, sépultures, foyers et petites fosses correspondant aux fondations de stèles plus petites servant notamment de repères aux sépultures sous-jacentes. Malgré l’absence de mobilier, les inhumations centrales sont considérées comme les premières sépultures de la famille habitant la vaste ferme voisine et attribuées à la fin du VIe s. Les incinérations et une fibule en fer à pied vertical mise au jour dans l’une d’entre elles sont en revanche typiques des nombreux cimetières familiaux du Ve s. fouillés en Bretagne occidentale (fig. 4, n°3). Aucune sépulture ni mobilier plus tardif n’ont été mis en évidence dans ce cimetière, alors que la continuité d’occupation de l’habitat voisin est ici indubitable. L’arasement du site justifie peut-être cette absence mais elle est récurrente dans l’ensemble des cimetières bretons contemporains.
Le second enclos carré d’environ 18 m de côté, localisé à une centaine de mètres au sud du précédent, est également délimité par une palissade (fig. 3, n°3). La porte, au nord, est surmontée d’un portique. Implantés sur le versant sud de la crête, les vestiges ont subi une très forte érosion des sols, supérieure à celle constatée dans l’habitat et l’autre cimetière. À l’intérieur, en face de l’entrée, une fosse très peu profonde, sans mobilier, a pu accueillir une inhumation d’enfant ou d’adulte, mais sans certitude. La plupart des structures conservées sont regroupées dans la moitié septentrionale de l’espace enclos : une quinzaine d’urnes, trois petites fosses dont le remplissage contenait des esquilles osseuses, et trois fosses peu profondes, interprétées comme des fosses de fondation de stèles hautes de 2 à 3 m. La majorité des urnes sont disposées en deux rangées, orientées est-ouest, tandis que les stèles sont implantées en arc de cercle sur un axe nord-sud, servant manifestement pour deux d’entre elles de repères aux deux alignements de tombes enfouies ou non dans un tertre. La présence de ce dernier est probable mais son assise ne paraît pas aussi évidente que dans l’autre enclos. Les sépultures étant en cours d’étude, leur datation reste approximative8 ; les observations effectuées lors de la fouille, les tessons recueillis et la similitude des pratiques d’enfouissement avec celles des cimetières du Ve s. découverts dans la péninsule bretonne laissent toutefois peu de doute quant à l’attribution chronologique de cette nécropole à la fin du Premier et au début du Second âge du Fer.
Le plus ancien des deux cimetières de Paule semble être celui localisé dans l’enclos nord. Édifié dès la fin du VIe s., il constitue une véritable maison des morts faisant face à celle des vivants. L’usage des deux enclos semble ensuite contemporain et s’achève à la fin du Ve s. Le dépôt d’esquilles osseuses, recueillies sur le bûcher et mêlées à de la terre, dans une petite fosse ou un simple trou, suggère toutefois une possible évolution des pratiques funéraires vers un dépouillement extrême, et peut-être même la volonté de ne plus protéger ces vestiges par un enfouissement permettant d’en assurer la pérennité. L’arrêt brutal de la fréquentation de ces cimetières à la fin du Ve s. pourrait donc être en partie biaisé pour des raisons de taphonomie. De très rares urnes ont en effet été répertoriées jusqu’au début du IIe s. a.C., dans des contextes souvent mal connus, à Saint-Pol-de-Léon, Prat, ou dans un cimetière plus ancien comme à Morlaix Ploujean9. Quant aux raisons qui ont présidé à la fondation de deux espaces funéraires distincts, elles en resteront au stade des hypothèses, l’étude du second cimetière de Paule n’étant pas achevée. On peut avancer que le premier enclos a recueilli les dépouilles des proches (famille et dépendants) des maîtres successifs du domaine, dès sa création. Le second enclos a pu accueillir les défunts liés à une branche cadette ou bien à un homme ou une femme de la maisonnée ayant disposé d’un prestige particulier, les deux propositions n’étant pas incompatibles.
Les enclos funéraires quadrangulaires : une caractéristique de la fin du Premier et du début du Second âge du Fer
La datation des enclos funéraires quadrangulaires étudiés jusqu’à présent en Bretagne est répétitive, du moins pour ceux qui atteignent 10 à 30 m de côté maximum et sont délimités par des tranchées ou des fossés généralement étroits, palissadés ou non. Dès le début des années 1990, la fouille de plusieurs d’entre eux a permis de les attribuer à la charnière des deux âges du Fer, leur fondation remontant à la fin du VIe ou la première moitié du Ve s. et leur abandon à la fin du Ve s.
Celui de Poulgigou à La Forêt-Fouesnant (Finistère), qui a fait l’objet d’une fouille de sauvetage limitée par E. Le Goff10, comporte une trentaine de sépultures à incinération en urnes attribuées à la seconde moitié du VIe s. et au Ve s. a.C., dont vingt-cinq étaient encore enfouies au sein d’un probable tertre arasé (fig. 3 et 4, n°1). Les sondages réalisés autour des sépultures laissent supposer l’existence d’un enclos quadrangulaire d’une trentaine de mètres de côté délimité par une palissade, ainsi qu’un réseau de fossés appartenant à un parcellaire ou peut-être à des chemins le long desquels est implanté le cimetière. La base d’une stèle ornée et brisée a été mise au jour dans le remplissage d’un de ces fossés11.
Comme Paule, le site de Kerviguérou à Melgven (Finistère) a la particularité de présenter deux enclos contemporains12. Son étude a permis de caractériser certaines normes observées dans beaucoup de cimetières de cette période en Bretagne occidentale (fig. 3, n°2). Le premier enclos, de 10 m de côté, présente une entrée orientée au nord-est surmontée d’un portique. Huit incinérations sont regroupées au centre de l’enclos sur un axe est-ouest. Une série de trous de poteau correspondant à des fondations de stèles hautes en bois ou en pierre et des fosses superficielles ayant vraisemblablement recueilli des stèles basses rythment l’espace interne de l’enclos, délimitant notamment l’espace central, vraisemblablement réservé à un tertre funéraire de faible hauteur d’environ 3,50 m de diamètre.
Le second enclos vient s’appuyer sur le côté sud du premier enclos ; de 14 à 17 m de côté, il présente une très large entrée au nord-est, également marquée par un portique. Trois incinérations en urne sont disposées en triangle de 2,10 m de côté, au centre d’un espace vraisemblablement occupé par un autre tertre funéraire de faible hauteur. La moitié ouest du tumulus est cernée d’un hémicycle de 7 m de diamètre matérialisé par 6 creusements répartis tous les 2,10 m, correspondant aux fondations de stèles hautes en bois ou en pierre. D’autres petites fosses présentes autour de l’hémicycle témoignent soit de réfections de la structure, soit de l’implantation de nouvelles stèles hautes ou basses venant s’agréger au monument funéraire. Trois fosses de petite taille sont réparties à proximité d’une urne, et d’autres probables fondations de stèles ont été fouillées à proximité d’une autre urne et en face de l’entrée.
Les urnes datent la nécropole du Ve s. a.C. (fig. 4, n°1) . La stèle en gneiss de 1,75 m de hauteur découverte en 1991 sur le site, en forme de colonnette, est entièrement décorée de motifs géométriques et curvilignes : elle gisait au sommet du fossé formant la limite entre les deux enclos. Les motifs rappellent ceux des colonnes du temple ionique D de Métaponte, fondé vers 475 dans le sud de l’Italie, attestant ainsi de contacts plus ou moins directs avec le monde méditerranéen, favorisés par la position stratégique de la pointe de la Bretagne dans les échanges commerciaux protohistoriques13. Elle fait partie, comme le fragment de Poulgigou à La Forêt-Fouesnant, d’un groupe d’une douzaine de monuments ornés de motifs géométriques et curvilignes, provenant pour l’essentiel de nécropoles concentrées dans le sud du Finistère et, dans une moindre mesure, sur le littoral nord14. Le mobilier mis au jour est classique pour cette période en Bretagne occidentale : une urne par sépulture, en céramique fine, lisse ou décorée de lignes de points et/ou de marguerites, et, dans un cas, deux bracelets en bronze incinérés. Kerviguérou se distingue toutefois des autres nécropoles connues dans l’ouest de la Bretagne par l’organisation des stèles en hémicycle et l’adoption d’une même unité de mesure dans l’élaboration du plan (multiples de 0,35 m). On retrouve un parallèle frappant de cet hémicycle, tant dans la forme que les unités de mesure, dans les phases anciennes du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde (Oise)15.
Comme à Paule, on peut s’interroger sur le statut des personnes reposant dans chaque enclos ; si l’on peut proposer d’attribuer à un groupe familial et quelques dépendants les huit sépultures du premier enclos, la disposition des trois urnes et l’architecture du second enclos suggèrent une appartenance des personnes incinérées à un même groupe aux liens puissants, une élite locale versée dans le goût des formes géométriques et ayant peut-être eu une fonction sacerdotale. L’ouverture des enclos vers le nord laisse supposer la présence proche de l’habitat dont dépendait ce cimetière.
Lors de la fouille préventive du site de Launay Bien à Corps-Nuds (Ille-et-Vilaine), le mobilier mis au jour dans les fossés de 16 m de longueur a confirmé la datation et le rôle de ce type de structure, dénommé jusqu’alors “enclos rituels” en l’absence de données de terrain dans ce département (fig. 3, n°21). Des tessons d’urnes probables, un mors de cheval en fer et des ossements humains brûlés, piégés lors du colmatage des fossés, ont été attribués au Hallstatt D2/D316. Les pratiques agricoles intensives ont en revanche fait disparaître toute trace des structures internes et du fonctionnement de cet espace funéraire. L’habitat contemporain n’a à ce jour pas été repéré au cours des nombreuses prospections aériennes effectuées par Gilles Leroux dans ce secteur. Si l’usage de cimetières délimités par des fossés quadrangulaires semble également répandu en Haute-Bretagne, où les prospections aériennes en ont mis au jour de nombreux exemples, leur corrélation avec les habitats enclos y apparaît moins fréquente. Mais peut-être n’est-ce qu’un simple biais des recherches actuelles, puisqu’on connaît au moins deux cas d’association entre les vestiges d’un petit enclos carré et ceux d’une ferme enclose, à Gaël, La Ville Maingouët et à Bruz, Le Clozel (Ille-et-Vilaine)17.
À en juger par les 6 exemples fouillés, la morphologie des enclos funéraires semble assez standardisée. Délimités par un fossé, à Melgven, Plouër-sur-Rance ou Corps-Nuds, ou par une palissade implantée dans une tranchée, à Paule et La Forêt-Fouesnant, ils sont généralement proches du carré, aux angles aigus ou arrondis. Leurs dimensions oscillent entre 10 m et 30 m de côté. La présence d’un tertre de 3,50 à 20 m de diamètre est rarement attestée en raison de l’érosion des sols, mais elle peut être déduite de l’organisation des structures internes. La présence de fosses interprétées comme des inhumations semble liée à l’implantation d’un habitat dans la seconde moitié du VIe s. Les incinérations se multiplient à partir du Ve s., formant des cimetières recueillant les dépouilles de la famille des propriétaires et, selon toute vraisemblance, de leur dépendants. Les stèles, fréquentes dans la région située à l’ouest d’un axe Guérande/Saint Brieuc, sont incontestablement liées à ces espaces funéraires.
Dans les 11 cimetières répertoriés en Centre-Bretagne, on retrouve la diversité des mesures observée par ailleurs, avec toutefois une proportion élevée d’enclos de moyenne et grande taille (5 d’environ 20 m de côté et 4 de 24 à 30 m de côté), 2 d’entre eux atteignant seulement 10 à 15 m de côté. Leur taille est en revanche indépendante de celle de l’habitat, comme l’attestent les exemples de Poulorvan à Canihuel (Côtes-d’Armor) (fig. 7, n°5) et, à l’extérieur du Centre-Bretagne, de Kernaux à Moustoir-Remungol (fig. 7, n°16) ou Le Lain à Melrand (Morbihan) (fig. 6, n°14). Elle dépend sans doute davantage de l’organisation interne des enclos ; ils peuvent être réservés en totalité aux sépultures, comme au Boisanne à Plouër-sur-Rance, ou intégrer un espace dédié à des pratiques ou des cérémonies en l’honneur des défunts, comme à Melgven ou Paule. Les orientations sont assez variables mais semblent majoritairement préférer un éventail entre le NNO/SSE et le NNE/SSO (10 cas sur 11). On obtient une proportion assez semblable en élargissant l’inventaire aux sites répertoriés dans le cadre de cette étude : 22 cas sur 25. Il est possible que l’orientation nord-sud ait été recherchée mais que l’implantation de ces enclos ait finalement été conditionnée par ses liens à la voirie et l’habitat, voire la topographie.
La présence d’un enclos n’est sans doute pas systématique. Elle n’a pas été observée, par exemple, lors de l’étude du tumulus de Penfoul à Landeleau18 et des fouilles récentes de Kerjaouen à Quimper (Finistère)19 ou de Kervellec à Morlaix Ploujean20. Sur ces sites, les décapages n’ont pas toutefois pu être effectués de manière aussi large que dans les exemples précédents. La présence d’un enclos délimité par une palissade a donc pu échapper aux investigations.
Les habitats associés à ces petits enclos quadrangulaires :
les données issues des fouilles et des prospections
En Centre-Bretagne, là où la documentation issue des prospections aériennes a été systématiquement dépouillée, 9 habitats associés à des petites nécropoles encloses ont été recensés. Nous avons rajouté, à ce premier corpus, 9 autres sites localisés en bordure de ce secteur géographique, ou dans d’autres parties de la péninsule bretonne, identifiés dans les publications récentes. Au total, 18 habitats seront donc pris en compte dans cette étude. Ces sites comprennent un enclos délimité par un fossé large de 2 à 4 m, qui correspond à la partie résidentielle où était localisée la maison, souvent environnée de quelques dépendances : structures de stockages souterraines et semi-enterrées et bâtiments annexes. À la périphérie se développent d’autres parcelles, délimitées le plus souvent par des fossés moins larges et moins profonds, sous la forme d’enclos englobant le précédent ou accolés à l’une de ses façades. Les fouilles l’ont montré : ces enclos annexes, parfois très vastes, ne comportent le plus souvent aucune fondation de bâtiment. Ils sont interprétés comme des corrals, des pâtures encloses pour le bétail, ou des parcelles cultivées. Certains, qui recoupent la partie résidentielle sur quelques clichés, correspondent manifestement à des réaménagements de ces habitats. Tel est le cas des habitats de Tranlé et de Kerio, à Noyal- Pontivy (fig. 5, n°15 ; fig. 7, n°13). Sur d’autres sites, comme la ferme du Boisanne à Plouër-sur-Rance et celle de Bernoué à Saint-Connec (fig. 5, n°20 et 11), ces annexes se présentent sous la forme de petits enclos adossés les uns aux autres à l’est de l’habitat. Le cas le plus fréquent demeure toutefois le grand enclos édifié à la périphérie de la partie résidentielle, sur la totalité de son pourtour sur les sites de Kermartail à Saint-Igeaux, de Tranlé à Noyal-Pontivy et de Kernaux au Moustoir-Rumengol (fig. 5, n°8 et 15 ; fig. 7, n°16), ou sur une partie comme sur les sites de Saint-Symphorien à Paule et Kerio à Noyal-Pontivy (fig. 7, n°3 et 13).
La superficie des enclos varie beaucoup d’un site à l’autre. Nous ne tiendrons pas compte, ici, des parcelles abritant corrals, pâtures ou champs. Le tracé des fossés qui les délimitent est souvent incomplet et, sur les sites où il n’apparaît pas, les clôtures ont pu être édifiées à l’aide de piquets, de haies vives ou de murets de pierres, sans laisser de vestiges tels que les talus de terre bordés de fossés habituellement choisis pour délimiter l’habitat. À n’en juger que par la superficie dévolue à la partie résidentielle, les 18 exemples pris en compte semblent se répartir en deux groupes : d’une part, les petites exploitations, d’une surface inférieure à 2000 m², regroupant les fermes du Boisanne à Plouër-sur-Rance, de Bernoué à Saint-Connec, de Plussanhouarn à Plussulien, de Kerropars à Kerien, de Coet Parked à Sainte-Tréphine, de Kermartail à Saint-Igeaux et de Tranlé à Noyal-Pontivy, soit 7 sites en tout (fig. 5) ; d’autre part, les exploitations agricoles bien plus vastes, dont la partie résidentielle s’étend sur 5000 à 15 000 m², qui regroupe les 11 autres sites (fig. 6 et 7). Les établissements de Plouër-sur-Rance et de Paule, qui constituent les seuls exemples fouillés, montrent que la même disparité doit régner dans la taille des maisons : 25 m² de surface au sol pour celle du Boisanne et 400 m² pour celle de Saint-Symphorien.
Les formes des enclos sont très diverses. Lorsque les parties résidentielles sont petites, elles adoptent le plus souvent un plan quadrangulaire plus ou moins régulier, avec des angles souvent arrondis. Tel est le cas des sites du Boisanne à Plouër-sur-Rance, de Bernoué à Saint-Connec, de Plussanhouarn à Plussulien, de Kerropars à Kerien, de Coet Parked à Sainte-Tréphine et de Tranlé à Noyal-Pontivy (fig. 5). Parmi les habitats de faible superficie, seul celui de Kermartail à Saint-Igeaux privilégie la forme ovalaire, pour l’enclos résidentiel comme pour l’enclos annexe qui l’englobe (fig. 5, n°8). Lorsque les parties résidentielles sont plus vastes, le contour des enclos est beaucoup plus irrégulier. Il associe des parties de fossés curvilignes à des sections droites, reliées par des angles arrondis. Le plan des sites varie ainsi de l’ovale, pour le site de Kerbellec à Locmalo (fig. 7, n°12), au polygone pour celui de La Villeneuve à Saint-Guen (fig. 5, n°10). Les clôtures de l’enclos sont généralement rectilignes, sur les façades localisées de part et d’autre de l’entrée, ou visibles depuis les chemins localisés à proximité de ces habitats. Tel est le cas des sites de Saint-Symphorien à Paule et Poulorvan à Canihuel (fig. 7, n°3 et 5). Le tracé des clôtures devient plus irrégulier à l’arrière de ces habitats. Les fouilles l’ont montré : les fossés sont également moins profonds dans ces arrière-cours ; la hauteur des talus ou des murets ne devait pas y excéder 1 m. L’entrée des enclos, lorsqu’elle a pu être observée lors des fouilles ou des prospection aériennes, se situe le plus souvent vers le bas de l’habitat. La maison située en vis-à-vis, au fond de l’enclos depuis l’entrée, était ainsi implantée sur le point haut, le plus sec et le mieux drainé. Elle dominait de plus la cour et les dépendances.
Sur le site de Saint-Symphorien à Paule, la maison de 400 m² située contre la façade ouest de la partie résidentielle, à l’abri des vents dominants, était entourée d’un fossé profond de 1,5 m, réceptacle des eaux de toiture qui dessine l’amorce d’un petit enclos quadrangulaire, délimitant l’espace proprement domestique dans la vaste partie résidentielle abritant également potager et dépendances. On devine, sur le tracé des clôtures observé sur le site de Kerio à Noyal-Pontivy (fig. 7, n°13), un dispositif analogue. L’enclos délimité par un fossé plus large, adossé à la façade ouest de la partie résidentielle, doit abriter la maison. Même sur les sites les plus vastes, aux contours irréguliers, il est donc possible que la partie proprement domestique ait été inscrite dans un enclos de quelques centaines de m² de superficie de plan quadrangulaire, doté d’une entrée dans l’axe de l’habitation. Le parallèle entre cet enclos abritant la demeure des vivants et celui abritant celle des morts est donc vraisemblable, même si le tracé des enclos funéraires apparaît comme bien plus régulier.
L’organisation des terroirs : implantation des nécropoles en relation avec les habitats et les réseaux viaires
La richesse des données accumulées dans le Centre-Bretagne permet de mettre en relation des éléments-clés pour la compréhension de l’organisation des terroirs à l’âge du Fer, comme la localisation des habitats et leur cimetière, en relation avec la topographie et le réseau viaire protohistorique.
Les cimetières sont fréquemment disposés devant la façade de l’habitat, comme à Paule (cimetière 1), Locmalo ou Canihuel (fig. 7, n°3, 12 et 5), et présentent même une relation étroite avec l’entrée des sites comme on peut l’observer à Saint-Igeaux (fig. 5, n°8), Sarzeau (fig. 6, n°17) et Saint-Étienne-du-Gué-de-l’Isle (fig. 7, n°18). Mais ils peuvent toutefois être relégués à une certaine distance, jusqu’à 200 m environ au Petit Lorfillec au Haut-Corlay (fig. 6, n°6), ou bien à l’arrière ou sur l’un des côtés de l’espace résidentiel, comme à Kerien ou Plussulien (fig. 5, n°4 et 9).
La topographie a joué un rôle essentiel dans ces variations de l’implantation des enclos funéraires. Au Petit Lorfillec, son éloignement de l’habitat se justifie très certainement par une situation au milieu d’un plateau surplombant à la fois l’habitat, le chemin et le ruisseau qui passent au nord du site. Les enclos de Kerviguérou à Melgven sont fondés sur le flanc sud d’une colline, dominant le carrefour de deux voies anciennes très probables – l’une reprise par la voie romaine de Quimper à Vannes, l’autre se dirigeant vers la Pointe de Trévignon, au sud ; une vue sur la mer, distante d’environ 9 km à vol d’oiseau dans une échancrure du paysage, a été clairement privilégiée.
L’habitat de Penfoul à Landeleau a été repéré près du sommet d’un relief parcouru par un chemin de crête, visiblement une voie très ancienne, donnant d’un côté sur les Monts d’Arrée et de l’autre sur les Montagnes Noires21 ; le tertre, situé en contrebas vers l’ouest, domine une vallée au fond de laquelle coule un ruisseau.
Cette relation avec un panorama élargi sur un cours d’eau, la mer ou une vallée parfois importante est évidente à Sainte-Tréphine, Plouër-sur-Rance (fig. 5, n°20 et 7) et Paule (cimetière 2) (fig. 7, n°3). Si elle peut être liée à une domination des vivants et des morts sur les territoires embrassés depuis les sites, elle a peut-être également pour origine une mythologie dont on ignore tout pour cette période.
L’implantation des cimetières aux abords des chemins et aux carrefours a très certainement été privilégiée, comme le documentent quatre exemples identifiés par la prospection aérienne ou en fouille, à Plouër-sur-Rance, Paule (cimetière 2), Saint-Guen (fig. 5, n°10) et Sarzeau (fig. 6 et fig. 8, n°17). Ces relations à la topographie et aux chemins peuvent ainsi parfois justifier l’éloignement constaté entre enclos d’habitats et espaces funéraires.
Dans les quatre derniers exemples cités, l’accès à l’espace résidentiel, qui n’est pas orienté vers ces chemins, suppose la réalisation d’autres chemins de desserte passant nécessairement à proximité des enclos funéraires. Les cimetières semblent donc jouer un rôle éminent dans l’affirmation de la propriété des familles résidant dans ces demeures, visibles depuis un réseau viaire manifestement déjà développé. L’architecture élaborée de certains d’entre eux, parfois très impressionnants par leur taille comme à Melgven ou Paule, a certainement contribué à renforcer le prestige des habitants de ces ensembles.
Conclusion
Les prospections aériennes effectuées depuis une trentaine d’années en Bretagne ont repéré des centaines de nécropoles et des milliers d’habitats enclos. L’essor de l’archéologie programmée et des fouilles préventives a permis de fouiller des dizaines de sites et de préciser leur chronologie, leur organisation et leur évolution. L’accumulation des connaissances acquises permet aujourd’hui d’identifier dans ce vaste corpus, avec une faible probabilité de se tromper, les exploitations agricoles fondées au cours de la fin du Premier et du début du Second âge du Fer, ainsi que les cimetières associés. Les découvertes de stèles de pierre ou de souterrains effondrés à l’emplacement de certains ces sites viennent parfois confirmer ces interprétations. Ces objets sont en effet étroitement liés à l’architecture de ces nécropoles encloses, et ces cachettes souterraines constituent le mode de stockage habituel de ces habitats jusqu’au IIIe s. a.C. dans notre région.
Les sites identifiés participent d’un premier mouvement de fondation d’exploitations agricoles familiales réparties sur le territoire. L’ampleur des structures taillées dans la roche le démontre : toutes ces fermes ont été créées pour durer. À l’inverse des petits habitats antérieurs, abandonnés lorsque les terres étaient épuisées, elles prennent possession d’un terroir et se chargent de le mettre en valeur, souvent durant plusieurs siècles. Elles ne s’implantent pas n’importe où. Cette première enquête, limitée au Centre-Bretagne, a révélé fréquemment la présence de chemins à proximité immédiate de ces habitats. Les fouilles effectuées à Plouër-sur-Rance et Paule l’ont montré : ces chemins existaient avant que ces habitats soient fondés. Les fondateurs de ces exploitations ont donc privilégié les lieux facilement accessibles, desservis par le réseau viaire qui commence à irriguer les campagnes.
La position topographique la plus fréquente est un sommet ou un rebord de plateau, généralement à quelques centaines de mètres d’une source ou d’un ruisseau. Lorsqu’aucun point d’eau n’existe, une mare est creusée, comme à Plouër-sur-Rance. Ce fait, ainsi que la présence de vastes parcelles interprétées comme des corrals ou des pâtures encloses à proximité immédiate de ces habitats, montrent que l’élevage a dû constituer l’une des activités de ces sites. Cela serait en accord avec l’ampleur des terroirs, que l’on devine s’étaler sur des centaines ou des milliers d’hectares durant cette période où la densité des habitats semble encore faible. Un élevage sur prairie naturelle, facilité par le climat océanique breton, permet par ailleurs d’engraisser régulièrement les parcelles cultivées grâce aux déjections animales. Cette modification dans le rapport à la terre, probablement issue de nouvelles pratiques culturales, a eu d’importantes conséquences sociales. On assiste alors, très vraisemblablement, à une prise de possession de terres par de multiples familles, qui s’y implantent de manière durable et y enterrent leurs morts.
Les nécropoles édifiées à proximité de ces fermes, sur des points hauts dominant les champs, les pâtures et les voies, signalent l’implantation de ces familles sur le territoire. L’édification de clôtures imposantes autour des cimetières, des habitats et de certaines parcelles, n’est pas anodine. Elle traduit le découpage d’une partie des terres, pour des générations. L’unité familiale transparaît du plan des sites étudiés. On vit le plus souvent dans un même enclos, sous le même toit, et on se fait enterrer dans le même cimetière. Parfois cependant, la présence de deux cimetières enclos à côtés de ces habitats, parfois eux-même bipartites comme celui de Coet Parked à Sainte-Tréphine (fig. 8, n°7), montre que la structure de ces communautés familiales a évolué. Il a fallu fonder de nouveaux habitats et cimetières à proximité des premières exploitations et, probablement, procéder à un découpage des anciens terroirs.
La diversité des sites est éloquente : ce phénomène qui marque les VIe et Ve s. a.C. implique des communautés de statuts très divers, mêlant de petites unités familiales à de puissants personnages, capables de créer de toutes pièces d’imposantes exploitations. À n’en juger que par cette première étude, effectuée sur un corpus encore restreint, les sites modestes, dont l’enclos résidentiel n’excède pas 2000 m², ne représentent qu’environ 1/3 des exploitations. Les grands domaines, dont Paule constitue le meilleur exemple fouillé, se taillent manifestement la part du lion. Les familles qui disposaient de moyens importants ont donc vraisemblablement, plus que les autres, pu se constituer de vastes terroirs et les exploiter.
Vers la fin du Ve s., d’importants bouleversements affectent les nécropoles. La plupart semble abandonnée. Les stèles qui les ornaient sont abattues et brisées. Certains habitats sont abandonnés. D’autres perdurent, malgré l’abandon de leur nécropole. Cette stagnation, voire ce recul dans la mise en culture des campagnes par ces exploitations familiales, correspond à une période où le climat, plus froid et plus humide, est moins favorable aux récoltes. Au cours des trois derniers siècles avant notre ère, on observe un nouvel essor de mise en culture, dans le cadre d’une amélioration progressive du climat. Les anciennes exploitations sont restaurées et notablement étendues ; de nouvelles sont fondées, par milliers. Les prospections aériennes et les fouilles l’ont montré : dans les terroirs les plus favorables, la densité de ces exploitations atteint, vers la fin du IIe s., celle des fermes actuelles. Le monde agricole a changé. Les fermes des VIe et Ve s., distantes de plusieurs kilomètres les unes des autres, tentaient chacune de produire et d’entreposer l’essentiel des denrées qui leur étaient nécessaires. Celles des trois derniers siècles avant notre ère fonctionnent dans le cadre d’un réseau d’échanges développé, structuré autour d’agglomérations où se situent les places de marché, les entrepôts et les principaux ateliers artisanaux.
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Notes
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- Briard et al. 1984, 30.