Lorsqu’en 1858 Ferdinand Keller affronte l’épineuse question de la datation des vestiges que l’on venait de mettre au jour à La Tène, l’idée que l’on pouvait se faire de la chronologie des objets, que l’on découvrait au gré des fouilles et du hasard, était loin d’être claire1. La Tène n’était alors qu’une station lacustre d’un genre particulier du fait qu’on ne trouvait là, à la différence des autres sites connus, que des objets en fer avec une forte dominante des pièces d’armement. L’antiquaire zurichois considérait d’une part que l’ornementation des objets recueillis ne présentait aucun caractère commun avec ceux des époques romaine et alémanique et que, d’autre part, ils différaient très nettement de ceux rencontrés dans les établissements “celtiques” ; ce qualificatif désignait alors les vestiges antéhistoriques de l’âge du Bronze. Il déplorait l’absence d’ouvrages spécialisés sur l’armement des Romains et les peuples confédérés, et notait que dans ce domaine les avis et les interprétations divergeaient fortement2. Il concluait sans se prononcer sur la datation des vestiges, réservant son jugement en l’attente d’éléments nouveaux3.
Les années 60 du XIXe s. marquent un tournant décisif dans la manière de penser et concevoir la préhistoire récente. Les fouilles menées à La Tène (entre 1857 et 1865), à Alésia (de 1862 à 1865) et à Hallstatt (de 1846 à 1876) livrent les matériaux qui vont donner un sens à cet âge du Fer qui prend place entre les limbes d’une préhistoire antédiluvienne et l’histoire proprement dite. À ce débat prennent part des préhistoriens comme Gabriel de Mortillet, des naturalistes comme Édouard Desor et des antiquaires comme Alexandre Bertrand, l’abbé Jean Benoît Désiré Cochet, Augustus W. Frank, F. Keller, Ludwig Lindenschmit, etc. Ces travaux, menés loin de l’université, s’appuient sur le réseau des sociétés savantes et certains musées qui jouent dès lors un rôle moteur dans le développement de cette recherche. C’est le cas en particulier du Musée central romano-germanique de Mayence (Römisch-Germanisches Zentralmuseum), fondé en 1852 par L. Lindenschmit, qui servira de modèle au Musée des Antiquités nationales – initialement nommé Musée des Antiquités celtiques – créé en 1862 par Napoléon III pour présenter les nouvelles collections préhistoriques. Le nouveau musée dirigé par A. Bertrand ouvre en 18674. G. de Mortillet est chargé de classer et présenter la salle consacrée au Paléolithique. À travers lui, c’est la reconnaissance de la Préhistoire qui est officialisée (Exposition universelle de 1867 à Paris). À cette époque le concept même d’âge du Fer est encore loin d’être clair. Même lorsqu’elles sont mises en relation avec les dires des auteurs antiques, les industries gauloises sont encore perçues comme l’expression d’un état de civilisation qui perdure au-delà de la parenthèse romaine5.
Une des principales difficultés rencontrées par les préhistoriens et antiquaires de l’époque est liée à l’appréciation du rôle du fer dans l’évolution technique des sociétés anciennes. Le concept même des Trois âges (pierre, bronze et fer) développé par les savants nordiques6 dans le second quart du XIXe s. – la première formulation d’une démarche d’interprétation et de classification des vestiges archéologiques qui se passe des sources écrites7 – adopté par les préhistoriens, fut accueilli de manière très mitigée par un certain nombre d’antiquaires fort influents comme L. Lindenschmit, F. Keller ou encore le classicisant A. Bertrand. Pour beaucoup, la présence du fer était l’indice d’un état technique avancé, incompatible avec la conception que l’on se faisait alors des civilisations barbares. L’introduction du nouveau métal était le fait d’une société évoluée. À l’antagonisme ethnique Gaulois / Romains répondait celui de bronze / fer dans le domaine des arts et des techniques. Quand ils n’étaient pas tout simplement attribués aux Étrusques ou aux Romains, les objets ornés de style laténien étaient souvent assignés aux populations barbares du haut Moyen Âge. C’est le cas du célèbre casque d’Amfreville-sous-les-Monts qui aurait, selon Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, appartenu “à un chef de ces hordes venues d’Orient à la suite d’Attila”8. Selon lui, le casque “est d’un travail trop délicat pour avoir appartenu à l’époque de l’autonomie gauloise”. Il note l’originalité de l’émail sur fer et précise que “rien de tout cela ne rappelle une fabrication gauloise de l’époque contemporaine de César”. Lorsque, quelques années plus tard, ce préjugé fut dépassé, Jean-Baptiste Auguste Verchère de Reffye, qui fut aussi un des artisans de la restauration des fers mis au jour à Alésia, pouvait noter non sans amertume “qu’au commencement de notre siècle, ce pauvre fer était tenu dans un tel mépris, que personne ne le ramassait, et qu’aucune collection ne daignait lui donner asile ; si bien qu’il en était résulté ce préjugé qui demeure encore dans bien des esprits, que les anciens ne faisaient pas usage du fer”9.
L. Lindenschmit est incontestablement, en ce milieu de XIXe s., la figure de référence pour l’ensemble de la communauté scientifique. Ses publications et le dynamisme du musée de Mayence expliquent ce succès et ce n’est pas un hasard si Napoléon III trouva là un modèle pour son nouveau musée et, avec son directeur, un interlocuteur privilégié10. Que F. Keller se réfère à cette autorité pour le nouveau palafitte de La Tène n’avait donc rien de surprenant, vu la quasi-absence de référence pour cette période (fig. 1)11. Dans son premier compte rendu, celui-ci ne peut faire moins que de se référer au premier volume des Alterthümer unserer heidnischen Vorzeit qui venait tout juste de paraître et où L. Lindenschmit donnait un exemple similaire d’épée – trouvée à Ingelheim (fig. 2) –, qualifiée alors de romaine, et dont on pouvait lire sur le fourreau les lettres romaines C.S.12 Dans son article de synthèse de 1866, il reprend l’information tout en notant l’absence d’inscription sur les exemplaires suisses13
En 1861, paraît dans la Revue Archéologique une note signalant la découverte à Alise-Sainte-Reine de la première épée en fer14. On ne connaissait jusque-là que des armes en bronze. L’auteur anonyme de la chronique nous éclaire par la teneur de son propos sur le sentiment qui prévalait alors : “Pas besoin de faire remarquer à quel point elle diffère des épées gauloises dont nous avons donné le dessin dans notre planche. Non seulement elle est en fer au lieu d’être en bronze, mais elle a une dimension et une forme qui, indépendamment du métal, la caractérise parfaitement. La lame est droite et à 0,59 m de longueur, c’est-à-dire exactement deux pieds romains. Celle de nos épées gauloises dont la lame n’était pas brisée avait seulement 0,45 m et comme on l’a vu n’était pas droite. La confusion entre ces armes est impossible”15. Les épées d’Alésia sont comparées à trois exemplaires du musée de Mayence et l’auteur anonyme conclut : “ce que nous tenons surtout à constater, c’est que l’on trouve à Alise des épées de type très distinct, dont l’un (qui se rapproche beaucoup du type grec16) se retrouve comme nous l’avons dit à la fois en Suisse, en France, en Belgique, en Danemark, en Suède et en Irlande, et toujours reproduit en bronze ; faute de meilleure appellation nous le désignons sous le nom de ‘type gaulois’ ; l’autre beaucoup plus rare jusqu’ici et appartenant à des épées de fer, ne s’est guère rencontré que là où les Romains ont laissé des traces évidentes de leur passage : nous ne craignons pas de dire avec M. Lindenschmit que c’est l’épée romaine”17.
L’attribution de l’épée en fer d’Alésia aux armées romaines ne semblait faire aucun doute d’autant qu’elle avait été exhumée au cours de l’exploration d’un des fossés de la contrevallation. S’ensuivait alors une controverse avec Jules Quicherat, qui contestait d’une part la datation de ces armes, et, d’autre part, l’identification d’Alésia avec Alise-Sainte-Reine, comme le voulaient Napoléon III et son entourage18. Répondant à l’article d’A. Verchère de Reffye, qui avait publié une note sur les armes que l’on venait de découvrir à Alise19, J. Quicherat discute la datation des armes – qui sont mises en relation avec le siège de 52 a.C. – et rappelle la publication de L. Lindenschmit pour montrer qu’on attribue maintenant aux Gaulois des armes qui, de toute évidence, sont romaines. C’est ce même argument d’autorité qui conduit la revue à publier une note en 1864 annonçant la “découverte à La Thène, près de Marin” d’une nouvelle station lacustre qui ne put “avoir appartenu qu’à des troupes romaines”20.
Il fallut attendre le tournant des années 1860 pour assister à une contestation radicale de cette partition. Le Britannique A. W. Franks, Président de la Société des antiquaires de Londres et fin connaisseur des antiquités lacustres (il a visité la collection du colonel Schwab et en a acquis quelques pièces en 1860/1861), est un des tous premiers à remettre en cause cette manière de voir. Dans les Horae Ferales, or Studies in the Archaeology of the Northern Nations, l’ouvrage posthume de John M. Kemble, publié en 186321, A. W. Franks22 démontre une connaissance approfondie de l’archéologie continentale. Selon lui, le fait que les épées gauloises étaient en fer et non pas en bronze pouvait se déduire de la lecture des récits des auteurs antiques eux-mêmes, et de citer Polybe et Tite-Live (dans Kemble 1863, 186). La simplicité de cet argument de raison a de quoi surprendre aujourd’hui. Il conteste aussi les avis autorisés de personnalités du monde antiquaire comme L. Lindenschmit ou G. de Bonstetten, qui dataient de la fin de l’Empire romain (IVe s. p.C.) le poignard de Weiskirchen et le matériel associé, ou encore les armes du dépôt de La Tiefenau. Il remonte le premier à une période qu’il situe entre 200 et 300 a.C. et les secondes aux alentours de 200 a.C., en se fondant cette fois sur les quelques 30 monnaies gauloises et massaliotes trouvées avec23. Le frein à une datation haute était lié au préjugé que ces territoires peuplés de barbares n’avaient pu produire des objets de si belle facture24. C’est un des arguments avancés par G. de Bonstetten en 1860 : “l’équipement militaire de Tiefenau semble trop parfait pour indiquer l’époque anté-romaine” et de poursuivre, “un fait généralement admis par tous les archéologues, c’est la rareté des épées dans les sépultures celtiques ; ici au contraire l’épée domine ; ces épées quelquefois arrondies, mais le plus souvent à pointe émoussée, sont pareilles de forme, de dimension et d’armature, aux spathae romaines et post-romaines”25. L’avis de G. de Bonstetten avait déjà été combattu par un autre précurseur que ne semble pas connaître A. W. Franks, il s’agit du bernois A. Jahn26. Dans son compte rendu de la Notice publié par G. de Bonstetten en 1852, A. Jahn souligne déjà les contradictions entre la datation tardive à laquelle arrive l’auteur et les remarques introductives concernant les monnaies. Il réfute également l’idée très largement répandue qui veut que la prédominance du fer soit le signe d’une époque tardive. Il fonde son interprétation sur l’examen des monnaies où l’on reconnaît diverses variétés d’oboles massaliotes (dont une imitation gauloise) et la parure en verre. Les monnaies caractérisent selon lui une phase gauloise relativement ancienne. Les poteries sont également considérées comme celtiques ; pour les épées, il se réfère lui aussi aux témoignages des auteurs antiques et met en relation les lames pliées trouvées à La Tiefenau avec le récit de Polybe concernant la faiblesse du fer celtique. Pour A. Jahn, il ne fait aucun doute que le champ de bataille de La Tiefenau date de l’époque gauloise et même d’une phase assez ancienne, sans qu’il soit pour autant possible d’être plus précis.
L’idée d’un fer gaulois nourrit également l’œuvre de l’abbé Cochet. Dans un ouvrage publié en 1857, il attribue aux Gaulois certaines armes en fer – épées et fourreaux métalliques – des sépultures de Normandie, en raison de leur association avec des vases considérés comme typiques de cette période et joint les dessins de deux épées caractéristiques de La Tène D1, provenant des cimetières de Bouelles et Eslettes27.
A. W. Franks conclut son propos sur les antiquités insulaires en indiquant que ses vues étaient partagées par les archéologues suisses, qui estiment que les épées trouvées sur les gisements des villages lacustres des lacs de Bienne et Neuchâtel (La Tène, Mörigen, Port Be) appartiennent à une période antérieure à la conquête romaine de cette partie de la Suisse et qu’il ne peut s’agir en aucun cas des armes des envahisseurs romains28. Ces nouvelles certitudes qui commencent à poindre ne seront formalisées qu’à partir des années suivantes.
C’est E. Desor qui, le premier, saisit l’importance de La Tène, le seul palafitte caractéristique de l’âge du Fer. Cette station unique permettait de relier les sites lacustres antérieurs aux temps historiques et d’établir des passerelles avec les autres manifestations de cette même époque29. “Les ustensiles et armes de La Tène, pour n’être pas romains, ne nous sont pas tout à fait étrangers à la différence des objets de l’âge du Bronze. Ils se rattachent à d’autres événements, dont la date peut être fixée au moins approximativement. C’est ce qui donne à la palafitte de La Tène, près de Marin, son importance prépondérante ; elle est, en Suisse, le trait d’union entre les âges lacustres et les commencements de l’Histoire”30. Les objets de l’âge du Fer sont alors perçus comme le fruit “d’un peuple actif, énergique, visant aux choses pratiques” tandis que les vestiges de l’âge du Bronze, avec le soin du détail et l’amour du luxe qui les caractérisent, n’ont “rien qui annonce la vigueur, l’action soutenue, le progrès”31. Pour l’âge du Fer, il distingue enfin trois phases, une première, ancienne, antérieure à notre ère et peut-être à la fondation de Rome, c’est l’époque des tombes sous tumulus et de la nécropole de Hallstatt ; une seconde remontant à peu près au commencement de notre ère, c’est l’époque gauloise ou helvétienne à laquelle appartient la station de La Tène ; et enfin une troisième qualifiée d’helvéto-burgonde, c’est l’époque des cimetières francs ou mérovingienne32. Cette partition d’un âge du Fer préromain en deux phases distinctes anticipe d’une dizaine d’années la proposition de Hans Hildebrand. G. de Mortillet, dans son compte rendu des travaux du Congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques qui s’est tenu à Paris en 1867, rappelle que “M. Desor, reconnaît pour la Suisse deux époques du fer préhistorique, l’époque gauloise, dont fait partie la palafitte de La Tène, et une époque plus ancienne, qui correspond à celle d’Hallstatt”, on ne saurait être plus clair33. Enfin, il n’est pas inopportun de rapporter ici les commentaires que tient G. de Mortillet au sujet de La Tène, dans ses “Promenades préhistoriques à l’Exposition universelle”, parues la même année, dans les Matériaux pour l’histoire de l’homme.
“Les habitations lacustres dont nous nous occupons sont bien postérieures à ces tumulus ; bien postérieures à la première époque du fer. Elles ne devraient pas même figurer dans les temps préhistoriques. En effet, tout ce que nous admirons sur les cartons de MM. Schwab et Desor se rapporte pleinement, entièrement, à la civilisation gauloise. C’est la civilisation du temps de la conquête. Les mêmes armes, les mêmes objets se retrouvent à Alise, où sont venus s’anéantir tout à la fois l’indépendance et le caractère particulier des Gaulois. Cette date est d’autant plus certaine que M. Desor nous montre un emblème gaulois sur le fourreau d’une épée, et que des monnaies gauloises, mêlées à tous ces objets de fer, peuvent leur servir d’état civil. Comme cette partie des Gaules se nommait Helvétie, les Suisses, sacrifiant le tout pour la partie, au lieu de désigner cette époque sous le nom de gauloise, l’ont appelée helvétienne”34.
G. de Mortillet venait de publier, comme le rappelle une cinquantaine d’années plus tard Salomon Reinach, un article “injustement oublié”, où la division de l’âge du Fer en deux périodes est déjà clairement marquée et où le début de la période de La Tène – c’est l’époque des monnaies comme la nomme G. de Mortillet – est correctement assignée au Ve s.35 G. de Mortillet précise que “l’introduction des monnaies en Gaule a été accompagnée de profondes modifications dans les habitudes et par suite dans la forme et l’aspect des objets usuels” en particulier les nouveaux types d’épées rencontrées à Alise, à La Tiefenau, à La Tène. “Cette épée est à ce qu’il paraît, celle que les Gaulois portaient déjà du temps de Camille, 450 ans a.C.” La date, évidemment trop haute pour Camille comme le fait justement remarquer S. Reinach, convient très bien en revanche à l’apparition de ces nouvelles armes en fer. Pour la chronologie, ce qui est déterminant finalement, ce ne sont plus tant les données archéologiques que le raisonnement historique.
Lorsque F. Keller publie en 1866 son sixième rapport sur les Pfahlbauten, les trouvailles à La Tène se sont multipliées et les choses se sont clarifiées, grâce à l’apport de nouveaux éléments comme la numismatique et à l’extension du débat qui dépasse désormais le cadre local. Les conditions qu’il appelait de ses vœux en 1858 étaient enfin réunies pour rendre à La Tène la place qui lui revenait dans l’histoire des sociétés anciennes. Même si le discours est toujours lié à la question des habitats lacustres, l’attribution de l’ensemble du matériel à la période gauloise préromaine n’est plus discutée. F. Keller ne fait toutefois aucun cas de la partition de l’âge du Fer opérée par E. Desor. Aux ensembles de références déjà signalés dans l’article de 1858, il ajoute l’ensemble funéraire de Horgen découvert en 1842 et les nouveautés d’Alésia36. Il insiste en outre sur l’importance de l’ouvrage d’A. W. Franks. Pour dater, on accorde une place de première importance à l’étude des monnaies trouvées avec les vestiges, en particulier les imitations de statères en or de Philippe et les monnaies de Marseille. La présence de potins gaulois, encore en circulation à l’époque de César et d’Auguste, et de monnaies romaines, indique que l’occupation de la station se prolonge au moins jusqu’à l’époque de Claude. L’attribution des vestiges à l’époque gauloise étant assurée, le recours aux auteurs antiques s’impose puisque derrière ces Gaulois se profile l’ombre des Helvètes, dont on suit l’histoire tourmentée depuis leur migration en Suisse jusqu’à leur départ pour la Gaule et leur retour forcé37.
Dans ces premières études consacrées à La Tène, la problématique reste intimement liée à la question des palafittes, le grand sujet de l’archéologie suisse naissante. La Tène est un site parmi d’autres même s’il est unique en son genre. Les comparaisons avec les mobiliers funéraires de Basadingen, Horgen, Ollon “Villy”, Romanel, ou encore le dépôt de la Tiefenau, sont toujours valides. On peut toutefois s’interroger sur la justesse de ces rapprochements qui sont certainement plus fortuits que véritablement fondés, puisque l’on trouve là à peu près la totalité du corpus des armes alors connues et que les grandes découvertes de La Tène ancienne sont encore à venir. À une époque où la typologie est à peu près inexistante et où l’âge du Fer est perçu comme une période sans véritable profondeur temporelle, il est bien compréhensible que l’on ait mis sur le même plan toutes ces trouvailles et que l’on tentât de confronter des ensembles comme La Tène et Alésia que l’on découvrait simultanément.
La prise de conscience de l’existence d’une industrie du fer propre aux Gaulois est une réalité qui s’imposera tardivement, dans le courant des années 1860. C’était une idée difficile à admettre pour bien des savants et on comprend le faible écho que rencontrèrent les écrits quasi révolutionnaires d’un A. Jahn ou d’un abbé Cochet. Les témoignages des auteurs anciens souvent invoqués sont discutés quand il s’agit du fer et on ne s’étonnera pas de lire sous la plume d’A. Bertrand le commentaire suivant :
“Ce que Diodore nous dit des Gaulois semble indiquer un usage beaucoup plus fréquent du fer et une civilisation assez avancée, bien avant Auguste. Mais il est plus probable que Diodore a eu en vue les Gaulois de la Narbonnaise. Du temps de Tacite, les Germains ne se servaient pas encore d’armes en fer. Il devait en être de même des Gaulois de la Celtique avant l’invasion romaine. L’usage des bracelets de bronze a duré bien plus longtemps encore ; et nous ne doutons pas que les fouilles qui se font partout aujourd’hui avec un si grand soin, en témoignant de ce fait, ne montrent aussi de la manière la plus éclatante que les Gaulois avaient, au temps de César, en majorité des armes en bronze. Les Helvètes qui, jusque là, s’étaient tenus comme emprisonnés chez eux entre leurs montagnes, plus rapprochés peut-être, par le commerce journalier, des Germains que des Gaulois, devaient, à plus forte raison, ne connaître que le bronze”38.
Prévaut l’idée que l’apparition du fer chez les peuplades gauloises et germaines coïncide en général avec les premiers rapports établis entre celles-ci et Rome. Cette idée d’un retard technique, en passe de disparaître, est déjà fort ancienne. Elle était déjà à l’œuvre dans le raisonnement qui avait conduit quelque 60 ans plus tôt François Artaud à voir dans les objets recueillis à Verna – en territoire allobroge – les restes d’un guerrier gaulois qui vécut à l’époque des colonies romaines39. Une décennie plus tard, Émile Le Puillon de Boblays, militaire, géographe et géologue, publie une note concernant des fouilles réalisées à Bergères-les-Vertus, dans la Marne. Ce rapport, étonnant par la qualité des observations, est illustré par une gravure remarquable de précision où sont figurés quelques-uns des objets découverts. L’abondance des bronzes et la rareté des fers l’amène à la conclusion que le guerrier inhumé, sous-entendu un Gaulois, avait acquis son “sabre” au dépens des Romains40.
À partir du milieu des années 60 et en dépit des réticences de quelques-uns, l’idée même d’un âge du Fer préromain, attribuables aux Gaulois ne paraît plus devoir être contesté. Le Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques, qui se tint à Bologne en 1871, offrit l’opportunité aux préhistoriens du nord d’une confrontation directe avec les vestiges de la civilisation étrusque que l’on venait de mettre au jour à Bologne et aux alentours. C’est là qu’ils découvrent de visu pour la première fois les preuves matérielles d’une présence celtique41 en Italie septentrionale, jusqu’ici uniquement documentée par le récit des auteurs antiques. Le fer qui portait jadis le sceau d’une fabrication romaine est désormais un marqueur et un signe de reconnaissance de la civilisation gauloise. Il appartiendra enfin au suédois Hans Hildebrand de consacrer et d’officialiser la partition des deux âges du Fer, Hallstatt / La Tène, dans la publication des actes du Congrès de Stockholm en 187642.
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Notes
- Cette question, traitée dans notre étude consacrée à La Tène (à paraître), a également été présentée lors du séminaire “Le chercheur, le gisement et les problématiques de l’âge du Fer européen”, animé par Olivier Buchsenschutz, avec le concours de Katherine Gruel et de moi-même, qui s’est tenu à Paris, en 2009 (Université de Paris I /UFR 03 – UMR 8546/Archéologies d’Orient et d’Occident et Textes anciens – École Normale Supérieure).
- Keller 1858, 153. Les choses, en effet, sont loin d’être claires. Frédéric Troyon dans sa monographie de 1860, pour ne citer que cet exemple, attribue ces armes à un Premier âge du Fer, puis les met aussitôt en relation avec les dires des auteurs anciens (Tite-Live, Polybe, Plutarque) tout en précisant que la conquête romaine “ne fit pas disparaître entièrement le genre d’art propre aux peuples conquis” (il se réfère aux travaux de L. Lindenschmit sur lesquels nous aurons à revenir) et que “ces lames, longues, larges et flexibles, se retrouvent encore dans les tombeaux des Alemani, des Francs, des Anglo-saxons et des Normands” ; Troyon 1860, 347-351.
- Keller 1858, 151, 153 ; Id. 1866a, 302 ; 1866b, 56. À propos du monceau d’armes découvert à La Tiefenau, près de Berne, F. Keller rappelle les conclusions contradictoires d’Albert Jahn qui attribue les vestiges aux anciens Helvètes et de Gustave de Bonstetten qui voit là la marque des nouvelles populations germaniques. Si la perception historique de F. Keller est confuse, les éléments de comparaisons mentionnés dans le texte sont parfaitement pertinents.
- Il adopte le classement chronologique pour le classement des collections et conçoit le musée non seulement comme un lieu d’exposition et d’accueil du public, mais aussi comme un centre d’étude et de recherches avec des ateliers de moulage, de restauration et de photographie.
- Par exemple, Troyon 1860, 347-351.
- Gräslund 1987. Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865), le directeur du musée des Antiquités nationales de Copenhague, met en place le principe de la distinction entre les trois âges pour organiser et dater les collections archéologiques. Conçu dès 1823, son projet ne sera publié qu’en 1837 ; il sera poursuivi par Jens Jacob Asmussen Worsae (1821-1885) qui divise en 1859 l’âge de la pierre en deux périodes. La datation relative des couches archéologiques ou des gisements est établie par le seul recours à la position stratigraphique et à la composition du matériel qu’ils recèlent. Ces travaux, traduits d’abord en allemand et en anglais, puis plus tard en français (L’atlas de l’archéologie du Nord de Thomsen paraît en 1857 et Adolphe Morlot donne en 1860 dans le Bulletin de la société vaudoise des sciences naturelles une synthèse des travaux “géologico-archéologiques” réalisés au Danemark), ont été largement diffusés en Europe.
- Richard 2008, 166.
- Viollet-le-Duc 1862, 227.
- Verchère de Reffye 1865, 392.
- Hase 2000.
- Keller 1858. Si F. Keller consacre quelques lignes seulement à la découverte du site, il est en revanche plus explicite dans sa description des objets illustrés, planche III. L’illustration privilégie les décors de fourreaux qui constituent une véritable nouveauté pour l’époque. C’est aussi l’occasion pour F. Keller de signaler les rares ensembles comparables connus (La Tiefenau et diverses trouvailles d’Allemagne) et de figurer les épées de Mörigen, de Basadingen.
- Lindenschmit 1858, pl. V.2 et 3 ; Keller 1858, 151. Le dessin de l’épée d’Ingelheim publiée par L. Lindenschmit, est reproduit dans la Revue Archéologique (1861) pour montrer l’analogie avec l’arme nouvellement mise au jour à Alésia. Or, un simple coup d’œil convaincra l’observateur moderne – ce ne pouvait être le cas à l’époque – que cette arme n’est ni romaine, ni médiévale ou mérovingienne, mais bien gauloise. Si le dessin de la lame avec ses tranchants rectilignes confirme cette dernière attribution, la morphologie de la partie de fourreau conservée, avec l’embouchure campaniforme, la fine nervure médiane qui court sur la plaque frontale, la frette formée d’une simple bague ornée de deux disques sur l’avant et la pièce de suspension avec la patte de fixation inférieure terminée en goutte, permet clairement de dater la pièce de La Tène moyenne et plus précisément de la phase C1 (Lejars 1994, 34-35 ; 48-49). L’épaulement marqué de la garde de l’épée est également caractéristique de cette période. Reste le problème des lettres inscrites mais dont on peut, avec F. Keller, douter de l’authenticité vu leur taille relativement grande et leur disposition sur la plaque arrière du fourreau. Les analogies relevées avec les épées de La Tène, plus encore que celle d’Alésia, sont indéniables et seule l’attribution présupposée de la première a pu conduire à une datation erronée des autres.
- Keller 1866a, 296 ; il indique en note, en s’en excusant auprès du Professeur Lindenschmit, qu’il ne considère pas ces lettres comme romaines.
- RA 1861-2, 141-142.
- Les armes en bronze en question proviennent d’un dépôt de la plaine des Laumes publié dans le même numéro, “Armes et objets divers provenant des fouilles exécutées à Alise-Sainte-Reine”, RA 1861, 66-68, 1 pl. h.t.
- C’est la morphologie pistiliforme de la lame qui conduit à ce rapprochement.
- RA 1861, 142. L’auteur indique toutefois en note qu’il ne faut pas confondre ces épées avec “les épées gauloises en fer de l’âge du Fer, épées très longues et arrondies à l’extrémité, dont les fouilles de Tiefenau publiées par M. de Bonstetten, nous offrent un très bel échantillon, et qui d’ailleurs sont extrêmement rares jusqu’ici”. La confusion est complète dans la mesure où G. de Bonstetten attribue les armes de la Tiefenau aux Germains, vaincus par les Romains de la fin de l’Empire ; Bonstetten 1852 ; 1860.
- La Revue Archéologique fait état de la discussion, tout d’abord à propos de la localisation du site de la bataille, dans RA 1861-2, 318-322 ; puis en 1865, au sujet de la datation des armes que venait de publier A. Verchère de Reffrye : Quicherat 1865. La polémique est également engagée avec L. Lindenschmit à propos des fers de pilum. Ce dernier répond par un cours article publié dans le même numéro ; Lindenschmit 1865. J. Quicherat fut un très ardent partisan de l’Alésia franc-comtoise (Alaise) ; Quicherat 1865.
- Entre-temps, on a fini par admettre le caractère celtique ou gaulois de ces armes : Verchère de Reffrye 1864.
- RA 1864, 238. “Au milieu des pilotis touchant presque au rivage, ont été trouvés, non plus des armes et des ustensiles en os et en pierre, non plus des ustensiles et armes en bronze, mais bien une cinquantaine de magnifiques épées en fer, une centaine de fibules en fer également ; plus, sept monnaies gauloises dont deux en or, trois monnaies de Marseille, une monnaie de la République, et une monnaie d’Auguste. L’uniformité des épées, toutes poinçonnées d’une même marque, le caractère des fibules dont le type est toujours le même et qui ne diffère que par la dimension ; la présence de monnaies romaines ne laissent presqu’aucun doute sur l’attribution de ces objets, qui ne peuvent avoir appartenu qu’à des troupes romaines.”
- L’ouvrage est publié par Robert Gordon Latham et A. W. Franks. Ce dernier, assistant au British Museum dès 1851, en devient conservateur à partir de 1866 (1836-1897). Voir Collis 2003, 82.
- Dans Kemble 1863, 123-217.
- Collis 2003, 188. Nous mesurons aujourd’hui d’autant plus la justesse de l’appréciation que les archéologues d’alors évoluaient dans un cadre typologique et chronologique qui ne sera fixé qu’un quart de siècle plus tard.
- Dans Kemble 1863, 189.
- Bonstetten 1860, pl. XII, commentaires. Dans la littérature ancienne, les armes et les ossements humains recueillis sont souvent la marque d’une destruction violente, et les événements attribués, lorsqu’une datation ancienne ne s’impose pas, aux raids dévastateurs des barbares. Il en va ainsi du sanctuaire gaulois exploré entre 1851 et 1853 à Faye-l’Abbesse dans les Deux-Sèvres ; Lejars 1989. Pour les auteurs de la publication – Lunier & Monnet 1853 – il ne fait guère de doute que l’incendie qui a ruiné les constructions a été précédé d’une lutte meurtrière ; les ossements humains et les armes recueillis en témoignent. Si les monnaies celtiques sont clairement identifiées, les épées en fer ne sont jamais mises en relation avec les Gaulois. Elles sont qualifiées les unes de romaines (les plus courtes, de 65 à 80 cm) les autres de “barbares” (les plus longues, jusqu’à 120 cm) ; identifiée avec l’antique Segora signalée sur la carte de Peutinger, la ville n’a pu être détruite qu’à l’occasion des raids barbares des années 395/410.
- Jahn 1854. Voir Müller 1990 pour un compte rendu détaillé de la découverte et les différentes contributions de G. de Bonstetten et A. Jahn, reproduits in extenso.
- Cochet 1857, 5-20 et 397-410.
- Kemble 1863, 188, “…and any rate not to be weapons of the Roman invaders”.
- Kaeser 2004, 314.
- Desor 1864, 37 ; 1865, 125.
- Desor 1865, 128.
- Desor 1867, 293 ; pour une analyse détaillée des idées de Desor en matière de chronologie des âges du Fer, voir Kaeser 2004, 317-325.
- Mortillet 1867a, 381.
- Mortillet 1867b, 282.
- Mortillet 1866 ; Reinach 1924, 343.
- La publication des armes d’Alésia par A. Verchère de Reffye en 1864 prend la forme d’une lettre adressée à “M. le Dr Keller, Président de la Société des antiquaires de Zurich”. Il le remercie, au nom de l’Empereur, d’avoir prêté des objets du musée de Zurich pour qu’ils soient moulés et lui expédie en retour les fac-similés des armes les plus remarquables trouvées à Alésia.
- Caes., Gal., 6.24 ; Tac., Ger., 28 ; Keller 1866a, 305-306.
- Bertrand 1862.
- Notice extr. du Moniteur Universel du 24 sept. 1818, cf. Perrin & Schönfelder, dir. 2003, 126.
- Boblays 1829, 311-314, pl. XVI.
- Mortillet 1870/1871 : “Au milieu des types étrusques qui abondent et même déborde de toute part, il est étrange de voir mêlés aux objets étrusques quelques objets en fer franchement gaulois”.
- Comme le fait malicieusement remarquer Marc-Antoine Kaeser, il est précisé en bas de la première page de la contribution de H. Hildebrand, publié avec les actes en 1876, que le texte n’a pas été lu lors de la tenue du colloque en 1874 ; Kaeser 2004, 317. Si Hildebrand reconnaît une dimension chronologique à sa division, celle-ci sépare surtout deux “groupes culturels”. Dans son étude sur les fibules parue en 1872/73 la distinction chronologique était clairement rejetée au profit de groupes culturels géographiquement distincts.