Le Roman d’Alexandre, composé sans doute à Alexandrie au cours du IIIe siècle p.C., a donné lieu à de nombreuses réécritures et traductions. En Grèce même, le Roman n’a cessé de se métamorphoser au fil des siècles : de recension en recension, l’imagination populaire adapte et remodèle la figure du Conquérant, pour le rendre mieux conforme à ses rêves et à ses valeurs ; roi-modèle, enfant terrible, aventurier transgressif ou confesseur de la foi, l’Alexandre romanesque, au gré d’aventures sans cesse renouvelées, s’éloigne toujours plus de son prototype historique, en une longue dérive affabulatrice.
Sarapis apparaît à plusieurs reprises dans le récit A, le plus ancien, particulièrement centré sur l’Égypte. Alexandre y est un dévot zélé de Sarapis, dieu universel et omniprésent, autant que de Zeus (II, 21, 12). Les épiphanies du dieu sont récurrentes, lorsqu’il annonce la libération de l’Égypte du joug perse (I, 3, 5), lorsqu’il avertit Alexandre, présent dans son sanctuaire, qu’il mourra empoisonné (I, 33, 6) ou encore lorsqu’il apparaît au conquérant dans la grotte, lors d’un épisode de katabase (III, 24).
Particulièrement important pour l’ensemble de la geste est le chapitre I, 33, qui raconte l’invention de Sarapis et la fondation du Sarapieion, attribués à Alexandre. Puis, le dieu disparaît progressivement des recensions postérieures. Il n’est plus présent que deux fois dans la recension β, d’époque byzantine (Ve siècle), en I, 3 et I, 33, et de manière plus allusive. Il est progressivement évacué du récit, de même que nombre d’éléments trop païens, pour quasiment s’effacer des recensions postérieures, dont la ε (fin VIIe-début VIIIe). Sarapis est alors remplacé par Apollon, voire simplement par des arbres oraculaires.