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« Ce fut l’âge d’or de la sécurité. » 
Stefan Zweig, Le monde d’hier

Archéologie d’un regard sur les War studies. Montaigne et moi

La guerre est peut-être parmi les choses les plus obscènes qui existent. Une chose terrible, intolérable, insupportable pour ceux qui la traverse. Combien de centaines de millions de morts – de personnes tuées – à travers l’histoire ? J’essaie de calculer. Le chiffre exact, incalculable, demeure obscène. Mais je dois admettre que je n’avais jamais remarqué auparavant le lien entre ma recherche sur la guerre et l’obscène. Tout une carrière plongée dans des récits d’histoire des guerres, à débattre des théories de la Guerre. Je ne suis pas soldat, mais j’ai lu des témoignages de soldats. Je n’ai jamais vécu la guerre de près, mais j’ai longuement parlé avec ceux qui, guerres après guerres, ont vu leurs vies bouleversées par la destruction dite « précise » ou « chirurgicale ». Paradoxalement, je fais partie de ceux, comme l’observait Stefan Zweig, qui « ne croyai[ent] à la guerre, à des révolutions ou à des bouleversements. Toute forme de violence semblait d’ores et déjà impossible1. » Pour ces gens comme moi, « la guerre semblait être une chose qui se passait à l’extérieur, un épisode historique ou un événement qui n’avait lieu que dans les journaux et ne frappait jamais à la porte de leurs chambres2 ». Comment imaginer que la guerre puisse frapper à ma propre porte ? Voilà quelque chose d’obscène, c’est déconcertant la révélation que la guerre peut frapper, que l’obscène rôde autour… 

Quand j’ai pris le temps de regarder de plus près, j’ai vu que l’obscène était là, omniprésent et vagabond, présent et absent à mes yeux. Face à ce beau paradoxe, que je vois maintenant, je dois admettre qu’il m’est inconnu – sur le plan théorique du moins. J’ai alors interrogé les experts, qui m’expliquaient que la force de l’obscène réside dans son pouvoir à provoquer une réaction. Pour la saisir, il faut étudier l’impact d’un livre ou d’une image sur celui qui y est exposé3. Dans le sillage de Montaigne, puisque j’écris ces lignes à Bordeaux, je m’interroge : que sais-je de l’obscène et la guerre ? 

En répondant à cette question, j’ai décidé de suivre ce bon conseil « de parler de ce qu’on sait et connait le mieux. » Ce sera donc moi le sujet de cet essai. Montaigne encore ! Et à travers cette réflexion, je relèverai l’obscène dans la guerre (pas de la guerre – car on dit qu’il peut y avoir de la guerre juste, mais ceci est un autre sujet)4. Quel impact a eu l’obscène dans la guerre sur moi ? Je vais tracer ma carrière académique en quatre images. Ce sera un voyage à travers le temps : du (presque) Moyen Âge, à travers la Révolution Américaine au dix-huitième siècle, jusqu’à un jour dans une ville américaine quelconque dans le monde d’après le 11 septembre, pour arriver à aujourd’hui, ici, en dialogue avec vous, cher lecteur, chère lectrice. 

Comme nous allons voir, au début, je dansais autour de l’obscène. Je l’ai fréquenté sans m’en rendre compte. C’était un fait accompli de l’histoire, avec lequel je n’étais pas capable de m’identifier. On a beau dire que l’histoire c’est une manière de voir les questions qu’on se pose actuellement d’une manière différente, et apprendre quelque chose de la manière dont nos ancêtres les ont abordées, mais l’obscène restait, pour ainsi dire, caché pour moi. 

Un jour, l’obscène était juste à côté de moi. Je l’ai aperçu. J’ai presque ri. C’était sous la forme d’une blague noire qui m’a frappée fort. J’ai pris conscience de quelque chose ce jour-là. Et puis, plus tard, sans le vouloir, après un de ces changements dramatiques dans le monde qui ont bouleversé des vies (des autres, toujours des autres), il était là, l’obscène, face à moi. Et je l’ai vu, nu. 

Dans cet essai, je m’interroge sur l’obscène dans la guerre. Considérant la propagande des graveurs du XVIe siècle, des « fake news » de la presse au XVIIIesiècle, passant par de l’art obscène dans les rues d’un New York contemporain jusqu’à nos Iphones qui tissent un lien entre nous et les autres, je tenterai de vous amener, cher lecteur, chère lectrice, face à face avec l’obscène. 

L’obscène dans la propagande

Nous commençons ce récit au XVIe siècle. La circulation des livres imprimés monte en flèche. Certains sont accompagnés de gravures. Quelques-uns d’images obscènes. C’est le cas d’un livre écrit par Bartolomé de las Casas – un prêtre espagnol choqué par les cruautés commises par les conquistadors.

Las Casas publie son livre polémique comme un témoignage de ce qui se passe dans les colonies espagnoles. Le livre a pour but de choquer la conscience du lecteur et d’influencer les rois pour leur faire abandonner la guerre injuste. C’est un livre sur les atrocités commises par les Espagnols lors de la conquête du « Nouveau Monde ». Las Casas décrit, jusqu’au détail le plus effroyable et épouvantable, des scènes de guerre : des massacres, des femmes violées, tuées, éventrées, dont les enfants sont jetés aux chiens des Espagnols : 

Ils entraient dans les villages et ils éventraient et mettaient en pièces les enfants, les vieillards, les femmes enceintes… ils faisant des paris a qui fendrait un homme en deux d’un coup de couteau, a que couperait une tête d’un coup de pointe ou a que mettrai à nu des entrailles. Ils arrachaient les bébés du sein de leur mère, les prenaient pars les pieds et leur fracassaient la tête contre les rochers5

Las Casas, prêtre catholique (et espagnol) passait son temps à essayer de défendre les « Indiens » de la cruauté des conquistadors. Il fait partie de la machine coloniale, certes, mais il lutte pour leurs droits et, en refusant la communion aux conquistadors, fait polémique en Espagne à la cour du roi6. Grâce à son livre, on (c’est à dire, son public, les Espagnols, donc les Catholiques) s’identifie d’une certaine manière avec les Tainos, victimes des conquistadors. Ou presque, car Las Casas les représente tellement dociles et innocents qu’on oublie qu’ils ont leur propre culture et identité. Ils sont, à ses yeux, essentiellement des futurs convertis. On ne s’identifie pas vraiment avec eux en tant que Tainos7.

Las Casas a été témoin des massacres, et de ce témoignage oculaire, d’autres lecteurs seront aussi à leurs tours horrifiés. Le livre sera traduit en français en 1579 par le protestant Jaques Migrodde avec le titre : Histoire admirable des horribles insolences, cruatez et tyrannies exercees par les Espagnols es Indes Occidentales. De ces descriptions, sont tirées des gravures, qui choquent le lecteur davantage encore par l’insertion d’images obscènes. C’est le cas des images du graveur Theodore de Bry, protestant, qui accompagnaient la traduction en latin du livre de Las Casas, le Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastattarum publié en 1598. 

Illustration de Theodore de Bry (protestant) dans la traduction en latin du livre Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastattarum de Bartolomé de Las Casas publié en 1598, 
(source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k857166d/f33.item [consulté le 02/11/22])
Illustration de Theodore de Bry (protestant) dans la traduction en latin du livre Narratio regionum Indicarum per Hispanos quosdam devastattarum de Bartolomé de Las Casas publié en 1598 (source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k857166d/f33.item [consulté le 02/11/22]).

Certes, de Bry reproduit les horreurs dont Las Casas nous a parlé ; mais il s’intéresse en réalité encore moins aux Tainos que Las Casas. Sa cible ? Les Espagnols en particulier, les catholiques en général. Son livre, avec ses graveuses détaillées, est de la propagande. Il fait partie d’une guerre d’images entre catholiques et protestants qui fait rage aux XVIe-XVIIe siècles en Europe. 

L’obscène est là : dans les crimes de guerre qui ont, dans les mots de Francisco de Vitoria (juriste espagnol du seizième siècle) glacé le sang. Las Casas en est le témoin oculaire par excellence ! De ses œuvres, sa légende de défenseur des « Indiens » est née. J’ai parcouru ses œuvres, suivant au début le chemin de l’hagiographie. Pour avoir exposé cette cruauté et défendu les victimes, Las Casas sera connu par certains – notamment par les philosophes des Lumières en France au XVIIIe siècle – comme grand défenseur des « Indiens. » Voltaire8 et Marmontel9 le célèbrent, même s’ils le critiquent d’avoir exagéré les faits des massacres. Raynal, dans son Histoire des deux Indes, veut, lui, faire faire une statue pour commémorer sa défense de l’Autre10. Mais cette hagiographie, j’ai aussi fini par la remettre en question. Pour moi, Las Casas, loin de s’y opposer, participe au projet colonial. L’Autre est toujours objet, victime de la cruauté espagnole, certes, mais cible de conversion. Et si on poussait sa logique à ses conclusions inévitables, L’Autre serait la cible d’une éventuelle guerre juste en refusant de convertir. J’ai décrit les tensions dans la pensée las casasienne dans mon premier livre – Tensions of Modernity: Las Casas and His Legacy in the French Enlightenment, le fruit une décennie passée à parcourir ses ouvrages et leur réception11. En se focalisant sur son rôle de colonisateur, on comprend les réels enjeux de Las Casas. Mais ce faisant, j’ai perdu de vue – ou je n’ai peut-être pas remarqué car c’était trop évident – l’obscène dans ses récits. 

Que retenir donc de Las Casas et la guerre ? Primo : sa volonté de dire l’obscène, de le montrer pour nous faire trébucher et nous déstabiliser. Au fond de ses exagérations et de la propagande qui en découle, existe une vérité obscène que Las Casas met à nu.  Rares étaient ceux qui dénonçait les conquistadors avec une férocité équivalente à celle de Las Casas, la plupart cherchant à la justifier. Secundo : en se replongeant dans Las Casas, il faut retenir la facilité avec laquelle ses contemporains se laissent tenter à justifier l’obscène sans le voir. Voici le fameux requerimiento, document lu par les conquistadors lors de leur premier contact avec des Indiens, qui affirmait l’autorité du Pape sur ces territoires. Si les Indiens refusaient, les conséquences en étaient les suivantes :

Si vous ne le faites pas et si par malice vous tardez à consentir à ce que je vous propose, je vous certifie qu’avec l’aide de Dieu je marcherai contre vous les armes à la main ; je vous ferai la guerre de tous côtés et par tous les moyens possibles ; je vous soumettrai au joug et à l’obéissance de l’Église et de Sa Majesté, je m’emparerai de vos personnes, de celles de vos femmes et de vos enfants, je vous réduirai en esclavage, je vous vendrai et disposerai de vous suivant les ordres de Sa Majesté, je prendrai vos biens, je les ravagerai et je vous ferai tout le mal possible comme à des sujets désobéissants. Je vous signifie que ce ne sera ni Sa Majesté, ni moi, ni les gentilshommes qui m’accompagnent qui en seront cause, mais vous seuls12.

Las Casas ne savait pas s’il fallait rire ou pleurer en entendant cette déclaration, parce qu’il avait une certaine lucidité que les autres n’avaient pas. Il voyait l’obscène et le désignait à haute voix. 

Dans mes recherches sur la guerre, je n’y étais pas encore. Je dansais autour de l’obscène sans vraiment le voir. Si je l’apercevais, c’était un fait historique, que je voyais dans le noir et blanc de la propagande gravée.

L’obscène comme « fake news »

J’ai lu récemment un roman délicieux – Civilisations, de Laurent Binet – où l’histoire se passe à l’envers. Ce sont les Incas du « Nouveau Monde » qui font la conquête de l’Espagne. C’est de la fiction pure et tout le monde le sait. Personne n’y croit, mais le livre fait réfléchir sur l’histoire et sur la manière dont les choses auraient pu être. Las Casas, malheureusement, ne figure pas dans cette fiction. Mais l’obscène de la guerre est là, même sans témoin oculaire. Pour en être témoin, il faut être là pour le voir. Ou l’inventer pour que les autres y croient. 

Las Casas n’as pas totalement inventé les scènes qu’il a décrites, même si les historiens mettent en question ses témoignages. Néanmoins, il a été vraiment révolté moralement, et les débats sur la guerre juste auxquels il a participés montrent jusqu’à quel point. Étudier Las Casas m’a donc amené à m’intéresser davantage aux débats concernant la guerre juste.

Si la cruauté des Espagnols a été démasquée au fil des siècles grâce à Las Casas, tant apprécié par ses confrères intellectuels de l’époque des Lumières, plonger dans les textes concernant la guerre juste du XVIIIe siècle révèle que l’obscène dans la guerre juste est paradoxale : tantôt les philosophes et juristes essaient de modérer la violence de la guerre par l’éthique, tantôt ils cèdent une place à l’obscène dans leur éthique de guerre. Considérons la manière dont Emer de Vattel, dans son traité sur Le droit des gens ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains, essaie de rendre la guerre moins violente, moins injuste. Emer de Vattel figure parmi les philosophes les plus importants ayant traité de la guerre juste (idée qui émerge à l’époque de Cicéron13) car sa doctrine a influencé de manière importante les lois de la guerre depuis le XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui en tentant de délimiter les règles qui pourraient modérer la violence de la guerre. Son livre exerçait une influence telle qu’un certain George Washington, jeune général des colonies en guerre avec la Grande-Bretagne, le considérait comme la référence sur la question de comment faire la guerre de manière civilisée14. Ce sont les fameux principes de jus in bello censés épargner certains personnes – femmes, enfants, invalides, blessé, prisonniers – de la violence de la guerre et tentant de la rendre la moins obscène possible. Ainsi, les partisans du jus in bello pratiqueraient une guerre dite « civilisée » ; les autres, une guerre où l’obscène se cache en pleine vue : 

Ceux qui semblent se nourrir des fureurs de la guerre, qui l’apportent de tous côtés, sans raisons, ni prétextes, & même sans autre motif que leur férocité, sont des monstres, indignes de nom d’hommes. Ils doivent être regarder comme les ennemies du genre humain… Toutes les nations sont en droit de se réunir, pour châtier, & même pour exterminer, ces peuples féroces15

Voilà l’obscène, de nouveau, qui se poste devant nous. Les sauvages ne sont pas dignes de vivre. Il faut les exterminer dans une guerre sans modération. Mais qui sont ses sauvages ? Vattel nous donne quelques exemples historiques, mais pas contemporains de son siècle. Revient donc à ses lecteurs de les identifier. Pour Washington et ses révolutionnaires, la réponse était une évidence. Pour citer la fameuse Declaration of Independence, les « sauvages » sont les Amérindiens (même si Vattel ne les cite pas comme exemple : « the inhabitants of our frontiers, the merciless Indian Savages whose known rule of warfare, is an undistinguished destruction of all ages, sexes and conditions16. »). Qu’est-ce qu’ils ont fait, ces « sauvages » pour mériter un tel label ? On peut vite imaginer le pire. 

Lors de mes recherches sur la guerre juste et la révolution américaine, j’ai croisé ce document, daté de 1782, qui parvient d’un journal de l’époque – The Suppliment to the Independent Chronicle.

Récit d’un échange commercial entre les Anglais et leurs alliés « sauvages », 
dans The Supplement to the Independent Chronicle (1792) 
(source : https://www.neboagency.com/blog/winning-war-fake-news/ [consulté le 02/11/22]).
Récit d’un échange commercial entre les Anglais et leurs alliés « sauvages », dans The Supplement to the Independent Chronicle (1792) (source : https://www.neboagency.com/blog/winning-war-fake-news/ [consulté le 02/11/22]).

Dans ce journal, on trouve une description très « matter of fact » d’un échange commercial entre les Anglais et leurs alliés « sauvages » qui nous laisse imaginer un des nombreux massacres commis par lesdits « sauvages ». Les « sauvages » sont cette fois les Senecas, qui font partie des tribus de la confédération des Iroquois. Neutres au début de la Révolution Américaine, les Iroquois se divisent quand le combat fait irruption dans leur territoire : une partie luttera avec les Anglais, une autre avec les Américains. 

Voici la description des faits : 

At the Request of the Senneka Chiefs I send herewith to your Excellency, under the Care of James Boyd, eight Packs of Scalps, cured, dried, hooped and painted, with all the Indian triumphal Marks, of which the following is Invoice and Explanation17

Voici la description du ce qui contient le paquet numéro 8 :

No. 8. This Package is a Mixture of all the Varieties above-mention’d [soldiers, farmers, Women; Hair long, braided in the Indian Fashion, to shew they were Mothers; boys and girls] to the Number of 122; with a Box of Birch Bark, containing 29 little Infants’ Scalps of various Sizes; small white Hoops; white Ground; no Tears; and only a little black Knife in the Middle, to shew they were ript out of their Mothers’ Bellies18

Voilà de l’obscène, dans la description détaillée des scalps qui montre, sans le moindre doute, que ceux qui devraient être protégés par les lois de la guerre ne l’étaient pas : des mères, des enfants, et des bébés arrachés du ventre des femmes enceintes. On imagine la scène du massacre, les cris des victimes, la terreur, leur corps. La seule conclusion à tirer : ceux qui ont commis ces massacres sont des sauvages et méritent les conséquences qu’on peut en tirer si l’on suit la lecture de Vattel.

Sauf que cet article relate des « fake news ». Il a été imprimé par Benjamin Franklin, ambassadeur américain en France, qui avait une imprimerie personnelle. Il pouvait donc faire circuler cette histoire comme si elle était un reportage authentique. Franklin a inventé l’histoire, la basant sur des stéréotypes des Amérindiens, des « sauvages » qui ne font pas la guerre selon les lois civilisées comme font les Américains et les Anglais. Les Iroquois avaient leur propre éthique et manière de réguler la guerre, bien sûr, et les Anglais et Américains, bien sûr, ne suivaient pas les règles de Vattel tout le temps. Mais pour Franklin, l’important était de montrer autre chose.

Pourquoi Franklin a imprimé ce document ? Il devait savoir que, pour ce qui concerne les massacres, toutes les parties de la guerre en commettaient. Mais, fatigué de la guerre, il voulait qu’elle se termine. Il a donc distribué ce Suppliment to the Independent Chronicle au peuple britannique, pour qu’ils soient révoltés et dégoûtés de la manière dont le gouvernement menait la guerre. Comment accepter de faire la guerre avec de tels alliés et de cette manière ? Le peuple, demandera au gouvernement, d’arrêter la guerre… 

On peut poser des questions sur les intentions – honorables ? – de Franklin, mais une autre question s’impose. Est-ce qu’un massacre qui repose sur des « fake news » peut être obscène ? Franklin pense que oui. Mais cette fois si ce sont les « Indiens » qui sont les victimes de la propagande, Franklin veut que le peuple Anglais s’identifie avec les Américains de la frontière, qui sont massacrés par ces « sauvages ». Tel Las Casas, Franklin voulait mettre à nu l’obscène dans la guerre. Ou une partie de l’obscène. 

Pour ma part, que sais-je ? Sceptique que je suis, je reste dubitatif. Quand je lis Franklin, je me rappelle mon enfance, dans la terre ancestrale des Iroquois. Je vois les vestiges des villages du Seneca, dont Ganondagan et Totiakton, que j’ai visités enfant avec mon école pour apprendre un peu l’histoire de ceux qui habitaient cette terre avant moi. Je me rappelle aussi ce que j’ai étudié plus tard, que les Senecas ont été massacrés par l’armée de Général John Sullivan, envoyé par Washington en 1779. Voici ce qui dit Washington à Sullivan, avant l’expédition :

The immediate objects are the total destruction and devastation of their settlements, and the capture of as many prisoners of every age and sex as possible. It will be essential to ruin their crops now in the ground and prevent their planting more. I would recommend … to lay waste all the settlements around, with instructions to do it in the most effectual manner, that the country may not be merely overrun, but destroyed. But you will not by any means listen to any overture of peace before the total ruinment of their settlements is effected. Our future security will be in their inability to injure us and in the terror with which the severity of the chastisement they receive will inspire them19.

Cette destruction peut être justifiée par une lecture de Vattel. Une telle lecture me met en position de spectateur historique, regardant de loin les massacres commis dans cette terre que, deux cents ans plus tard, j’habiterai en tant qu’enfant. J’ai du mal à imaginer de tels massacres et destructions là, aujourd’hui. 

Pourtant, si je cherche à voir l’obscène, je commence à mieux l’imaginer. 

Un retour à Franklin, qui, s’inspirant de sa lecture de Montaigne, offre la clef. Franklin donne, dans une lettre datée de 1782 à son ami anglais Josephy Priesty une des explications les plus claires que j’aie jamais lues de l’obscène dans la guerre :

Men I find to be a Sort of Being very badly constructed, as they are generally more easily provok’d than reconcil’d, more disposed to do Mischief to each other than to make Reparation, much more easily deceiv’d than undeceiv’d, and having more Pride and Pleasure in killing than in begetting one another; for without a Blush they assemble in great armies at NoonDay to destroy, and when they have kill’d as many as they can, they exaggerate the Number to augment the fancied Glory; but they creep into Corners, or cover themselves with the Darkness of night, when they mean to beget, as being asham’d of a virtuous Action. A virtuous Action it would be, and a vicious one the killing of them, if the Species were really worth producing or preserving; but of this I begin to doubt20.

Franklin est fatigué de la guerre, même par une guerre qu’il trouve juste. L’orgueil et le plaisir que l’homme prend à tuer le laissent perplexe. Il a compris que notre moralité est aveuglée par l’idée qu’on se fait de la gloire et de la vertu. Pour tuer – la chose la moins naturelle – on peut le faire devant tout le monde et en être vénéré ; mais faire l’amour – la chose si naturelle –, il faut se cacher des autres car le faire en public sera considéré comme obscène. S’inspirant de Montaigne, Franklin s’interroge sur les concepts de vertu et de vice dont on hérite. Faut-il plutôt avoir honte de ce qu’on fait dans la guerre et pas de ce qu’on fait dans le lit ?

En relisant les « fake news » de Franklin avec ce sentiment en tête, on peut mieux comprendre son intention. Il s’agit d’aider les spectateurs de la guerre, ceux qui sont loin de la guerre, en Angleterre, à s’identifier avec les victimes. Elles sont comme nous, des mères, des garçons et des filles, des bébés dans le ventre de leur mère. Pour Franklin, il s’agit de montrer au peuple anglais ce qu’est la guerre ; et la meilleure façon de le faire est de mettre l’obscène de la guerre à nu. Même si les femmes et enfants massacrés étaient du côté de l’ennemi, ils ne méritaient pas une telle mort aux mains des « sauvages ». Même si en réalité les victimes n’existaient pas, l’idée même d’un tel massacre pourrait, selon Franklin, avoir un effet psychologique. Pourquoi ? Parce que les lecteurs exposés au Suppliment to the Independent Chronicle étaient prêts à s’imaginer eux aussi mêlés à l’obscène de la guerre. Les « fake news » se mélangeait avec des histoires de guerre vécues ou héritées à travers l’histoire familiale ou nationale pour dévisager l’obscène dans la guerre. Ça pouvait être vrai, et le lecteur ou la lectrice tombait alors sous le choc immédiat de sa confrontation avec l’obscène. Peu importait finalement si Franklin décrivait un éventement qui avait réellement eu lieu ou non.

Nous voilà un pas plus loin dans notre réflexion. Las Casas nous a montré ce que c’est l’obscène dans la guerre – notre façon de justifier des massacres et de détourner notre regard. Franklin nous apprend à nous, qui sommes si loin de la guerre, à nous identifier avec les victimes en nous laissant imaginer l’obscène. Pour lui, en tant qu’ambassadeur américain en France, c’était ces lecteurs de l’autre côté de la Manche. Mais en tant que lecteur et spectateur de l’histoire, on reste toujours dans notre esprit à l’abri de l’obscène, car la guerre reste imaginaire pour nous, quelque chose qui arrive là-bas, à d’autres. 

Pour voir l’obscène dans la guerre pour de vrai, il faut pouvoir imaginer que la guerre peut arriver chez soi, ce qui est difficile quand on pense que l’âge de sécurité dont parlait Stephan Zweig est éternel. 

Comment comprendre que je peux être l’objet de l’obscène dans la guerre ? 

Spatialiser l’obscène

L’obscène a un contenu qui scandalise une société, et son contenu varie d’un moment historique à l’autre. C’est pareil pour la guerre. Avant, le public était à peine choqué par les bombardements de Dresde qui ont tué cent mille personnes en une nuit ; aujourd’hui certains parmi nous sont choqués par une frappe de drone qui en tue dix. 

Pour en revenir à moi : quand on travaille sur la guerre juste, il est difficile d’éviter le contemporain. Il y a toujours une nouvelle guerre, des débats, de l’obscène qui rôde dans les récits et dans les medias. Même si les attentats du 11 septembre aux USA et du 13 novembre en France ont fait surgir la guerre chez moi, on a réussi, pour la plupart, à mener ces guerres (et d’autres) loin de mes villes, de mes cafés, de ma maison. Mais la façon dont on a mené ces guerres m’a posé beaucoup de problèmes.

Alors que j’étais plongé dans le passé – les pensées de Las Casas, Franklin et Vattel entre autres – j’ai été mêlé à une polémique contemporaine. Est-ce que les frappes des drones sont justes ? Peut-on neutraliser à distance des « terroristes » avec des machines qui rôdent dans les airs, prêtes à frapper quand quelqu’un le décide à des milliers de kilomètres, après des heures d’observation, que telle cible est légitime et que c’est le moment propice ? Comme à la chasse21 ?

Le drone est une innovation importante dans la guerre. En théorie, il nous permet d’observer l’ennemi de loin, en tout sécurité, et de frapper au moment où il n’y a pas de civils en tuant l’ennemi sans dégâts collatéraux. Une frappe chirurgicale. Une frappe « out of the blue », surgie de nulle part, pour les « terroristes » qui se croyaient à l’abri en faisant les gestes habituels de leur vie quotidienne : roulant en voiture, assistant à un mariage, dînant chez eux. Ils sont comme ce soldat allemand qui, fumant sa cigarette dans une clairière pleine de fleurs ou prenant un bain, nu, dans une rivière, se fait descendre par « un des nôtres » qui l’observe de sa cachette au loin22. C’est tout simplement la guerre. La forme de guerre la plus précise et morale de l’histoire, s’exclame-t-on. Tellement plus morale et moins destructive que les bombardements de la seconde guerre mondiale, tel celui de Dresde, nous expliquent ceux qui défendent les frappes23.

Mais ce n’est pas si simple. En 2010, les USA ont frappé une fois tous les trois jours dans la région de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan : une région très loin des rues des villes américains. Est-ce que ces frappes font partie d’une guerre juste ? Les drones sont-ils tout simplement une nouvelle technologie qui nous aidera à gagner ? Est-ce que les cibles sont des soldats ennemis qu’on peut tuer n’importe où et n’importe comment, selon les lois de la guerre ? Ou est-ce que les frappes sont des assassinats, commis en dehors de la loi internationale, qui tuent des criminels soupçonnés et des innocents en terrorisants les civils ? Les débats sur les drones ont fait rage aux USA pendant quelques années24.

Qui croire ? J’ai lu des récits dans des rapports des ONG qui racontent comment des villages aux Pakistan sont terrorisés par des drones américains. La peur est saisissante. Les enfants ne veulent plus aller jouer dehors car ils craignent les frappes du ciel25. Au Yémen, il y a ce témoignage d’un mariage tourné en carnage après une frappe de drone américaine26. Comment est-ce possible, je me demande ? Bien sûr, il y a de la propagande des Taliban et d’Al Qaeda avec des photos truquées. Tous les massacres ne sont pas réels, donc. Ce sont des « fake news » ! On a tué des « terroristes » m’expliquent ceux qui défendent les frappes lors des conférences ou des entretiens, toujours calmement sans donner de preuves « classifiées ».

J’ai donc écrit des travaux universitaires, des articles de presse, des livres27. Je me suis même adressé directement au président Obama dans un article publié dans The Atlantic28. Je suis, donc, devenu une des voix critiques de la politique étrangère américaine. Et j’ai donné des présentations et j’ai expliqué comment ces frappes violaient le droit de la guerre et pourquoi elles n’aidaient pas à gagner la paix. Masi si je suis honnête, même si c’était bien une polémique, elle restait à l’international. C’est-à-dire, c’était loin, très loin. Jusque ou jour où j’ai vu cette image. 

Panneau de signalisation annonçant la possibilité de frappe d’un drone à New York. 
Tiré de Nick Paumgarten, « Look Out Above », The New Yorker, 15 janvier 2012, 
[en ligne] https://wagingnonviolence.org/2012/01/fake-nypd-drone-signs-hit-new-york/ [consulté le 02/11/22].
Panneau de signalisation annonçant la possibilité de frappe d’un drone à New York. Tiré de Nick Paumgarten, « Look Out Above », The New Yorker, 15 janvier 2012, [en ligne] https://wagingnonviolence.org/2012/01/fake-nypd-drone-signs-hit-new-york/ [consulté le 02/11/22].

L’obscène prenait immédiatement place dans mon espace, occupant les lieux de mon quotidien. Dans une ville américaine – la mienne ? – un panneau à côté du panneau de « No Parking » indiquant qu’il y avait la possibilité qu’un drone aller frapper entre telle heure et telle heure. Dimanche inclus. J’ai presque ri. C’était une blague, évidement. Une mise en scène pour que le public américain prenne conscience de quelque chose d’obscène : vivre sous la menace des drones. 

Dans cette ville américaine, il y avait probablement un moment de presque panique. J’imagine les gens se posant les questions suivantes : Et si j’étais victime d’une frappe erronée ? Ou du dommage collatéral parce que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment ? Ce sont les questions que je me suis posées quand j’ai vu la photo du panneau.

C’est l’exemple d’une blague que je qualifierais d’obscène. Ce n’est pas une blague pour faire rire, même si j’ai presque ri. C’est une blague pour semer une panique imaginaire. Faite pour semer le doute. Une frappe de drone ici ? Impossible ! Impossible ? Poursuivi par des questions que je ne pouvais pas poser auparavant. Et si j’étais victime d’une frappe comme ces civils là-bas ? L’obscène nous expose à quelque chose auquel on ne veut pas penser, même pas imaginer – voilà sa force. Et puis, enfin, une prise de conscience. Cette blague obscène a amené le spectre de la guerre jusqu’à moi. Je n’étais plus un spectateur de la guerre au loin, mais un acteur dans une scène de guerre – une frappe de drone « out of the blue » imaginaire – malgré moi. Juste parce que j’occupais un certain espace, un espace de tous les jours. 

Je ne vivais plus dans l’âge d’or de la sécurité.

L’obscène et moi

On a vu dans cet essai l’obscène dans plusieurs media : le livre imprimé avec des images en forme de gravures. Des articles de presse distribués au public. En forme de panneau dans l’espace public. Et on arrive maintenant au numérique. 

Voici un cadre Montparnasse du XIXe siècle. Qu’encadrer ? On peut imaginer un tableau de Picasso ou de Matisse. Ou L’origine du monde de Gustave Courbet. Pourquoi pas ? Mais j’ai une autre idée…

Cadre Montparnasse du XIXe siècle (source : Daniel Brunstetter).
Cadre Montparnasse du XIXe siècle (source : Daniel Brunstetter).

Prenez votre téléphone portable. Placez-le dans le cadre. C’est le MOI – mon objet incontournable. Ouvrez maintenant la liste de vos contacts. Pensez à votre famille, aux amis. Regardez un peu Facebook. Faites un tweet. Regardez votre site obscène préféré. C’est une pause bien méritée dans cette interrogation sur l’obscène et la guerre et danse mon récit serpentin.

Maintenant, je vais essayer d’amener l’obscène dans la guerre jusqu’à vous en vous racontant une histoire. C’est un Syrien qui me l’a racontée. Ou je l’ai lu dans un livre, peut être le livre de Wendy Pearlman – We Crossed a Bridge and It Trembled – ce livre de témoignages des Syriens vivant dans la guerre. Je ne me souviens plus, mais je ne l’ai pas inventée.29 Peu importe, l’obscène, comme on a vu à travers cet essai, n’a pas besoin d’être vérifié. Pensez à n’importe quel Syrien que vous connaissez. Pour ma part, je pense à une étudiante dans mon cours, Darine. Et si vous n’en connaissez pas, allez dans les rues et prenez un moment pour faire connaissance avec des survivants. 

Voici l’histoire obscène. Dans la guerre en Syrie, quand un de vos « contacts » est tué, il est conseillé de ne pas effacer son nom. Non. Il vaut mieux le changer à « MARTYR ». Pourquoi ? Parce que parfois, m’a-t-on raconté, on peut recevoir un appel de son téléphone, demandant une rançon ou de l’aide. Le téléphone continue d’exister, même si la personne n’est plus vivante. Et si la personne chère à nos cœurs n’était pas vraiment morte ? S’il y avait une lueur d’espoir, vaudrait-il mieux répondre et y croire ? Il y a des histoires presque impossibles à croire de revenants de la guerre… pourquoi pas cette fois-ci ? Dans le témoignage que j’ai pu lire, la réponse à ces questions était non. C’est forcément une sorte de blague haineuse, voire dangereuse si on tombe dans ce piège. Mieux vaut savoir que la personne n’est plus là. Si MARTYR appelle, ne répondez pas m’a dit ce Syrien. Et si j’avais vu sa liste de contacts, j’aurais constaté que plus la guerre continue, plus la liste se peuple de MARTYR, comme une famille toujours grandissante de morts qui téléphonent toujours.

Cette guerre est loin. Mais l’obscène dans la guerre est tout près.

Prenez maintenant votre téléphone. Regardez à nouveau la liste de vos contacts. Imaginez qu’il faut changer un des noms en MARTYR. Et puis un deuxième. Et puis maintenant dix à la fois, car tout une partie de votre famille est morte dans un bombardement sauf le petit dernier des cousins qui était parti chercher du pain. Mais lui n’a pas de téléphone de toute façon. 

Imaginer que la liste de contacts dans votre téléphone est peuplée de MARTYR choque et déstabilise. Ce sentiment est un pont qui tremble entre l’imaginaire et le possible. C’est le lieu d’une rencontre entre l’obscène, la guerre, et moi. Le dernier acte qui reste à accomplir pour vraiment faire face à l’obscène est d’imaginer que ces êtres qui me sont si chers, famille et amis, regardent dans leurs listes de contacts et, s’arrêtant à mon non, remplacent D-A-N-I-E-L avec les lettres M-A-R-T-Y-R. Le « je » devient donc l’obscène, même si, dans cet exemple, je n’y serais plus pour le voir. 

L’obscène et vous

Cet essai cherchait à montrer le visage de l’obscène dans la guerre qui, caché en pleine vue dans les textes, images et récits que j’étudiais, s’est dévoilé grâce aux chocs visuels et psychologiques qui ont transformé mon quotidien imaginaire. L’obscène rendait l’impensable – la guerre chez moi – imaginable. Comment ce récit nous éclaire sur le sujet de l’obscène ? 

Il y a, je crois, une différence entre être spectateur de l’obscène et être participant. Voir une image ou lire un récit peut me choquer et ainsi changer ma façon de voir les choses (tels les lecteurs de Las Casas) ou m’aider à m’identifier avec quelqu’un vivant une expérience différente de moi (tels les lecteurs de Franklin). On peut contrôler d’une certaine manière comment on y est exposé, en choisissant de lire ou de ne pas lire les Las Casas ou les Franklins qui choquent. Mais être participant involontaire, c’est-à-dire, partager l’espace avec l’obscène malgré soi est autre chose. Participer impose un rôle à jouer. La force de l’obscène est de nous mettre dans des rôles sans nous laissant le choix. Je ne savais pas que je me garais dans une zone de frappe de drone, mais voilà, j’y suis. Vous ne saviez pas que j’allais vous demander de changer des noms dans votre liste de contacts en MARTYR, mais maintenant c’est fait. Quel sentiment a provoqué cet exercice ? A vous de voir…

La force de l’obscène est d’être omniprésent, même si on ne la voit pas toujours. Elle rode, et parfois elle occupe la même espace que soi. Et en ses moments, l’obscène est un pont entre l’impensable et le possible qui nous aide à mieux comprendre la condition humaine. Pour terminer, je cite Montaigne : 

Si cherchons nous avidement de recognoistre en ombre mesme et en la fable des Theatres la montre des jeux tragiques de l’humaine fortune. Ce n’est pas sans compassion de ce que nous oyons, mais nous nous plaisons d’esveiller nostre desplaisir par la rareté de ces pitoyables evenemens. Rien ne chatouille qui ne pince30.

Notes

  1. Stefan Zweig, Le monde d’hier, trad. Dominique Tassel, Paris, Éditions Gallimard, 2013, p. 26.
  2.  Ibid. p. 20.
  3. Peter Frei et Nelly Labère, « The Obscenity of Books, The polics of the Obscene in Early Modern Print Culture », in : Peter Frei et Nelly Labère, The Politics of Obscenity in the Age of the Gutenberg Revolution, New York, Routledge, 2022, Introduction. Obscene Means in Early Modern French and European Print Culture and Literature.
  4. David Fischer, Morality and War: Can War be Just in the Twenty-first Century ?, Oxford, Oxford University Press, 2012.
  5. Bartolomé de Las Casas, Très brève relation sur la destruction des Indes, trad. Julien Garavito, Berlin, De Gruyter, 2018, p. 28.
  6. Lewis Hanke, The Spanish Struggle for Justice in the Conquest of America, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1949.
  7. Tzvetan Todorov, La conquête de l’Amérique : la question de l’Autre, Paris, Seuil, 1991, chap. 3.
  8. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, in Œuvres complètes de Voltaire, 92 vols, Kehl, Imprimerie de la Société Littéraire Typographique, 1785, vol. 19, p. 437.
  9. Jean-François Marmontel, Les Incas, ou la destruction de l’empire du Pérou, 2 vols, Paris, Chez Lacombe, 1777, vol. 1, p. ix.
  10. Guillaume-Thomas Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des européens dans les deux Indes, 10 vols. Genève, 1781, vol. 4, p. 280–281.
  11. Daniel Brunstetter, Tensions of Modernity: Las Casas and His Legacy in the French Enlightenment, New York, Routledge, 2012.
  12. Cité dans Annie Lemistre, « Les origines du “Requerimiento” », Mélanges de la Casa de Velázquez, 6, 1970, p. 161-209 ; p. 161-162.
  13. aniel Brunstetter et Cian O’Driscoll (dir.), Just War Thinkers: From Cicero to the 21st Century, NewYork, Routledge, 2018.
  14. Eliga Gould, « Zones of Law, Zones of Violence : The Legal Geography of the British Atlantic, circa 1772», William and Mary Quarterly, 60, 3, 2003, p. 471-510.
  15. Emer Vattel, Le droit des gens ou principes de la loi naturelle, appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, 2 vols., Neuchâtel, 1773 ; vol 2, p. 22.
  16.  « Declaration of Independence », 1776, [en ligne] https://www.archives.gov/founding-docs/declaration-transcript [consulté le 02/11/22].
  17. « Supplement to the Boston Independent Chronicle », vers 22 avril, 1782, [en ligne] https://founders.archives.gov/documents/Franklin/01-37-02-0132 [consulté le 02/11/22].
  18.  Ibid.
  19. George Washington, « From George Washington to Major General John Sullivan », 31 mai 1779. Founders Online, National Archives, [en ligne] https://founders.archives.gov/documents/Washington/03-20-02-0661 [consulté le 02/11/22].
  20. Benjamin Franklin, « From Benjamin Franklin to Joseph Priestley, 7 juin, 1782 », Founders Online, National Archives, [en ligne] http://founders.archives.gov/documents/Franklin/01-37-02-0277 [consulté le 02/11/22].
  21. Grégoire Chamayou, Théorie du drone, Paris, La Fabrique Éditions, 2013.
  22. Michael Walter, Just and Unjust Wars: A Moral Argument with Historical Illustrations, 4th edition, New York, Basic Books, 2006, p. 138-139.
  23. Kenneth Anderson, « Efficiency in Bello and ad Bellum: Making the Use of Force Too Easy? », in : Claire Finkelstein, Jens David Ohlin et Andrew Altman, Targeted Killings: Law and Morality in an Asymmetric World, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 374-402.
  24. Daniel Brunstetter et Arturo Bacardi, « Clashing over Drones: The Legal and Normative Gap between the U.S. and the Human Rights Community », International Journal of Human Rights, 19(2), 2015, p. 176-198.
  25. Amnesty International, « Will I be Next? US Drone Strikes in Pakistan », Londres, Amnesty International, 2013, [en ligne] http://www.amnestyusa.org/sites/default /files/asa330132013en.pdf [consulté le 02/11/22].
  26. Human Rights Watch, « A Wedding that Became a Funeral : Us Drone Attack on Marriage Procession in Yemen », New York, Human Rights Watch, 2014, [en ligne] http://www.hrw.org/reports/2014/02/19/wedding-became-funeral [consulté le 02/11/22].
  27. En français : un entretien sur France Culture le 12 septembre 2013, « Une arme qui bouleverse l’éthique militaire : le drone », [en ligne] http://www.franceculture.fr/personne-daniel-brunstetter [consulté le 02/11/22]. Voir aussi : Daniel Brunstetter, Megan Braun et Amélie Ferey, « Définir et juger la guerre: les conséquences de l’usage des drones par les États-Unis sur les doctrines de la guerre juste », in Julie Saada (dir.), Penser la guerre: Conflits contemporains, justifications des guerres et débats normatifs, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2015, chapitre 5.
  28. Daniel Brunstetter, « Can We Wage a Just Drone War? », The Atlantic, 19 juillet, 2012, [en ligne] https://www.theatlantic.com/technology/archive/2012/07/can-we-wage-a-just-drone-war/260055 [consulté le 02/11/22].
  29. Wendy Pearlman, We Crossed a Bridge and It Trembled: Voices from Syria, New York, Custom House, 2017.
  30. Michel de Montaigne, Les essais de Michel Seigneur de Montaigne, 3 vols. Paris, 1725, vol 3, p. 299.
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EAN html : 9782858926404
ISBN html : 978-2-85892-640-4
ISBN pdf : 978-2-85892-641-1
ISSN : 2741-1818
11 p.
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Comment citer

Brunstetter, Daniel R., “L’obscène, la guerre, et moi”, in : Frei, Peter, Labère, Nelly, éd., L’obscène, mode d’emploi. Considérations intempestives à l’usage du monde contemporain, Pessac, MSHA, collection PrimaLun@ 16, 2022, 29-42, [en ligne] https://una-editions.fr/l-obscene-la-guerre-et-moi/ [consulté le 02/01/23].
10.46608/primaluna16.9782858926404.3
Illustration de couverture • L'Origine du monde de Gustave Courbet à travers le prisme de Steve Desk.
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