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La configuration glossonymique
de l’occitan en Italie

par

Introduction

La configuration glossonymique actuelle de l’occitan1 en Italie présente une remarquable complexité. Les facteurs qui la déterminent sont à rechercher essentiellement :

  1. dans l’ancienneté du référent – et donc dans sa stratification diachronique – : une réalité linguistico-culturelle importante surtout au Moyen Âge et dans le Midi français, comme le témoigne l’une des toutes premières typologies linguistiques ;
  2. dans la pulvérisation géographique de la langue, distribuée, pour ce qui est du territoire italien, en une péninsule linguistique alpine (Piémont occidental) et en un archipel d’îlots linguistiques méridionaux (Campanie, Calabre, Pouilles…) dont seul survit, aujourd’hui, le village calabrais de Guardia Piemontese (voir carte p. 35, Chapeau partie 1). Cette présence occitanophone dispersée dans le sud de l’Italie est d’abord à mettre en relation, directe ou indirecte, avec, d’une part, le règne de Charles d’Anjou (peuplement ou fondation de San Marco dei Cavoti, en Campanie, ou bien de Faeto et Celle di San Vito dans les Pouilles, etc.) ; et, d’autre part, avec les Vaudois (peuplement ou fondation de Montalto Uffugo, San Sisto dei Valdesi, Guardia Piemontese, etc. en Calabre)2 ;
  3. dans le particulier statut de la langue, qui n’a jamais joué le rôle de langue d’État mais qui présente tout de même une scripta remarquable, qui plus est porteuse d’identité comme dans le cas des Vaudois.

À tour de rôle, langue de culture, langue vernaculaire, langue liturgique, langue patrimoniale formellement reconnue par la République italienne (à compter de 1999) ainsi que par deux lois régionales, l’occitan fait également l’objet d’une riche tradition d’études scientifiques, notamment dans le domaine, très prestigieux en Italie, de la philologie romane. Dans le présent chapitre, nous tâchons de mettre de l’ordre dans un véritable foisonnement glossonymique, qui participe d’une histoire sociale des langues d’Italie qui reste à écrire. Pour mener à bien notre propos, nous consacrons à chaque désignant constitutif de la « palette glossonymique » de l’occitan en Italie un paragraphe qui en éclaircit et précise, autant que possible, l’emploi. Emploi qui est évalué d’abord en synchronie contemporaine sans pour autant faire l’économie de sa mise en perspective historique3.

Par « palette glossonymique », nous entendons l’ensemble des glossonymes utilisés, en Italie, pour désigner en l’occurrence l’occitan, hier et surtout aujourd’hui. Ces glossonymes, ou désignants, peuvent être ventilés suivant l’usage en trois sous-ensembles qui ne manquent pas de porosité. Tout d’abord,

  1. des glossonymes très liés aux usages « populaires » (patois/patuà, [parlar] a nosto modo/a nòsta mòda). Ensuite,
  2. des désignants ethniques ou municipaux (gardiol, rourenc, bubiarèl, crisoulin, etc.). Faute d’espace, nous ne nous appesantirons pas sur ces variantes locales, qui sont d’évidence très nombreuses. L’occitan de Guardia Piemontese, pour des raisons à la fois historiques, géographiques, linguistiques et même juridiques, justifie en revanche une certaine singularisation et l’approfondissement que nous proposons dans la présente étude (voir infra, « Guardiolo (gardiòl) » p. 131). Enfin,
  3. des glossonymes liés plutôt aux usages « cultivés » (lingua d’oc ; occitanico/lingua occitanica ; occitano/lingua occitana ; provenzale/lingua provenzale ; lingua valdese/lingua dei valdesi/valdese).

Pour nombre de ces glossonymes, il faut rappeler qu’il existe au moins deux formes (en italien, en occitan : occitano, ousitan ; guardiolo, gardiol) et que, pour ce qui est de la graphie occitane, celle-ci peut à son tour varier suivant les auteurs et les occurrences (gardiol, gardiòl). Voyons de près, pour chacun d’entre eux, leurs sens et leur(s) domaine(s) d’usage, ainsi que quelques emplois significatifs. Le foisonnement glossonymique de l’occitan en Italie correspond dans une large mesure au foisonnement glossonymique de l’occitan en France, tout en ne coïncidant pas parfaitement avec celui-ci. À ce sujet, Regis (2015 : 115) a opportunément remarqué : « Rarement une aire du domaine roman a connu autant de désignants glottonymiques que le Midi français »4.

La « palette glossonymique » de l’occitan en Italie

Lingua d’oc

Le glossonyme le plus ancien parmi ceux qui forment notre palette est sans doute « lingua d’oc », tout à fait comparable au français « langue d’oc » car tous deux issus d’une dénomination médiévale qui est largement redevable du prestige de la plume de Dante Alighieri5. Dans son célèbre traité rédigé en latin, De vulgari eloquentia (1303-1305), l’auteur propose l’une des toutes premières typologies linguistiques, au sens contemporain du terme : un trait ou phénomène linguistique particulier – en l’occurrence, la manière de formuler l’affirmation – permet de nommer et de regrouper, voire cartographier à la fois différentes langues6.

Le critère adopté par Dante est fonctionnel en montrant la différenciation de langues ayant un ancêtre commun ou langue-mère7. Cette distribution a connu un remarquable succès, puisque l’on parle, encore aujourd’hui, de « lingua d’oc » au sein de la communauté italophone et de « langue d’oc » au sein de la communauté francophone ; on parle encore de « lingua d’oïl », chez les premiers, et de « langue d’oïl », surtout au pluriel d’ailleurs, chez les seconds8. En dehors du domaine spécialisé de la philologie romane, lorsqu’il est précisément question de convoquer la théorisation de Dante, on ne parle plus vraiment de « lingua del sì » (« langue du oui »).

Le glossonyme « lingua d’oc », étant historiquement associé à cette typologie linguistique, renvoie aujourd’hui, au niveau des représentations sociales, à la langue des troubadours, ou en tout cas à la langue occitane du Moyen Âge. D’une manière quelque peu impressionniste (mais tout de même basée sur une longue observation), nous pouvons affirmer que « lingua d’oc » est de nos jours un désignant fréquent pour nombre d’Italiens cultivés, qui ignorent cependant, dans l’immense majorité des cas, l’existence d’un occitan vivant et d’une littérature moderne et contemporaine qui s’exprime dans cette langue. Par ailleurs, la désignation « lingua d’oc » est très souvent associée, dans les discours courants de ce public cultivé, à « lingua d’oïl », comme si l’une ne pouvait pas aller sans l’autre, comme si le binôme « lingua d’oc, lingua d’oïl » représentait une véritable dyade. On peut in fine ajouter que « lingua d’oc » a récemment connu une sorte de regain d’intérêt dans le cadre de la polémique qui a opposé, et qui oppose toujours dans une certaine mesure, les partisans de la désignation « occitano » et ceux de la désignation « provenzale » (voir infra, « Provenzale (lingua provenzale) », p. 127).

Occitanico (lingua occitanica

Le désignant « occitanico » est aujourd’hui désuet mais il a été largement employé par le passé notamment dans le cadre d’études philologiques et littéraires (Garavini 1970), sans doute à l’imitation du français « occitanique » (et même « francique »), porté par des auteurs de renom comme, entre autres, Fabre D’Olivet (1803). Plus rares, finalement ces usages se poursuivent de nos jours, comme le témoignent des publications toutes récentes (Longobardi 2019), mais ils sont loin d’être exclusifs. Chez les auteurs qui y ont recours, l’alternance des formes « occitanico/occitano » est en effet fréquente, mais la première finit par être perçue comme archaïsante. En effet, le suffixe -ico, à l’image de « bellico » (guerrier, ayant trait à la guerre), « illuministico » (relatif aux Lumières) ou « canonico » (conforme à un modèle), semble susciter l’image d’une langue qui ne serait qu’une projection, qu’une sorte de reliquat d’une langue autre, prototypique, révolue, d’autrefois9. Dès lors, « occitanico » ne désigne substantiellement plus que la langue étudiée par l’académie. Les cercles militants, notamment au Piémont (Ousitanio vivo, Chambra d’òc etc.), aussi à l’imitation de ce qui se passait dans l’Occitanie transalpine, lui ont préféré, déjà depuis au moins une quarantaine d’années, la forme occitano, moins marquée. À ce propos, il nous échoit de rappeler que le militantisme occitan dans les Vallées piémontaises est largement redevable de la présence, dans ces lieux, de François Fontan (1929-1979), fondateur, en Italie, du Movimento Autonomista Occitano. La normalisation d’une langue, au sens d’« usage normal » de celle-ci – fût-il uniquement volontariste – semble passer aussi par la perte des marques connotatives.

Occitano (lingua occitana)

« Occitano » est le désignant que l’on retrouve dans les textes officiels et qui est désormais utilisé également par une partie importante de la communauté scientifique et au-delà (communauté des artistes, presse grand public, folklore…). Pour ce qui est des premiers, il s’agit d’abord et surtout de l’art. 2 de la loi de l’État n° 482 du 15 décembre 1999 portant sur la protection des minorités linguistiques d’Italie10 :

« En vertu de l’article 6 de la Constitution et en harmonie avec les principes généraux établis par les organisations européennes et internationales, la République protège la langue et la culture des populations albanaise, catalane, germanique, grecque, slovène et croate, et de celles qui parlent le français, le francoprovençal, le frioulan, le ladin, l’occitan et le sarde »11.

Cet article 2 a fait l’objet de nombreuses exégèses. Des critiques ont porté notamment sur les langues exclues de cette liste12 ; d’autres concernent en revanche la distinction entre d’une part la composante ethnique (« les populations albanaises, catalanes, germaniques, grecques, slovènes et croates ») et, d’autre part, la composante linguistico-patrimoniale (« [les populations] qui parlent le français, le francoprovençal, le frioulan, le ladin, l’occitan et le sarde »). D’après cette formulation, on serait tenté d’affirmer que l’occitan est une langue minoritaire parlée par une population dont l’identité ethnique ne coïncide pas avec l’identité linguistique13.

Dans la perspective posée par la loi nationale, « occitano » désigne une variété linguistique pratiquée de nos jours surtout à l’oral (« [les populations] qui parlent […] l’occitan »), tout en n’excluant pas des aménagements au niveau du corpus écrit (art. 7, 8, 9, 10 e 11), par une population dont l’identité ethnique n’est pas précisée. Pour ce qui est des lois régionales, nous avons plutôt affaire à l’ethnonyme « minoranza occitana » : c’est le cas de la loi n° 11 du 7 avril 2009 de la Région Piémont de Protection, valorisation et promotion du patrimoine linguistique du Piémont14, aujourd’hui remplacée par la loi n° 11 du 1er août 201815. Ces deux lois contournent en quelque sorte le problème du désignant moyennant la formulation suivante : « La Région valorise et promeut, dans le cadre de ses compétences, le patrimoine linguistique et culturel piémontais, ainsi que celui des minorités occitane, francoprovençale, française et walser, en en encourageant la connaissance » (art. 38 – 1)16. En revanche, aussi bien la loi régionale de la Région Calabre n° 15 du 30 octobre 2003 (Norme per la tutela e la valorizzazione della lingua e del patrimonio culturale delle minoranze linguistiche e storiche della Calabria) que la loi régionale n° 25 du 19 octobre 2004, toujours de la Région Calabre (Statuto della Regione Calabria), usent du glossonyme « lingua occitanica »17, qui finalement indique uniquement la variété linguistique romane d’origine alpine encore en usage dans la commune de Guardia Piemontese (Cosenza). Cela dit, dans ce contexte ultra-périphérique, le désignant « occitano » s’est rapidement imposé – sans pour autant écarter complètement le glossonyme gardiòl (voir infra) – suite à l’approbation de la loi nationale n° 482, et ce même auprès des personnes âgées, comme le prouvent, entre autres, des enquêtes de terrain réalisées en 2013, 2014 et en 201918. Quant au domaine alpin, « occitano » ne s’y est pas imposé à « patois » ou « parlar a nosto modo » auprès des usagers (voir infra,  « Patuà (patois) », p. 128).

Une dernière remarque concerne l’extension abusive du glossonyme « occitano » à des réalités qui relèvent d’autres domaines linguistiques. Ce phénomène représente l’une des conséquences décriées de la loi n° 482, et tout particulièrement le « principe de volonté publique » (Agresti 2008 : 40) qui permet aux collectivités locales de décider, en pleine autonomie, de se déclarer appartenant à tel ou tel groupe linguistique minoritaire. Cette considérable marge d’autonomie a ouvert la voie à des excès, perpétrés dans le but de profiter des financements publics prévus par la loi de 1999. C’est le cas de l’inscription des communes de Olivetta San Michele et Triora, en Ligurie, et de Briga Alta et Ormea, au Piémont, dans l’ensemble des territoires de langue occitane, alors qu’il s’agit de communautés dont les dialectes relèvent du groupe ligurien alpin19.

Provenzale (lingua provenzale)

« Provenzale » est sans doute le désignant qui a connu le plus grand succès dans le cadre des études italiennes de philologie romane. Loin d’être l’équivalent du français provençal, il subsume bien souvent, surtout pour la communauté des médiévistes italiens, n’importe quelle variété d’occitan. À ce sujet, Regis observe :

« Le glossonyme provenzale ne semble pas connaître de crise, faisant consensus bien au-delà de la moitié du XXe siècle ; il n’a de cesse de paraître dans les études de linguistique historique, dans les essais sur la littérature des troubadours ainsi que dans les manuels de linguistique romane, souvent en binôme avec lingua d’oc (cf., entre autres, Portal 1911 ; Debenedetti 1911 ; Crescini 1926; Tagliavini 1952; Monteverdi 1952 ; Zorzi 1954 ; [Del Monte 1958 ;] Pellegrini 19602 ; Battaglia 1965 ; Roncaglia 1965 ; Cremonesi 19673). Encore en 1996 Di Girolamo et Lee écrivent un Avviamento alla filologia provenzale […]. Liborio et Giannetti sont les éditeurs d’une Letteratura provenzale medievale (2004) ; dans le premier volume de l’Atlante della letteratura italiana (Luzzatto / Pedullà 2010), ne sont employés que les termes lingua d’oc et provenzale […] »20.

Le prestige des œuvres de Mistral et le rôle joué par le Félibrige ont sans doute contribué à consolider cette primauté et à faire en sorte que ce glossonyme recouvre tout l’espace linguistique occitan même à une époque plus récente, voire contemporaine, et même en dehors du cercle strictement universitaire. En effet, l’école et l’esthétique félibréenne furent imitées en Italie (Escolo dóu Po) et introduites dans la culture de ce pays, entre autres, par les traductions de Mario Chini et les comptes rendus d’un très jeune Pier Paolo Pasolini.

Une preuve ultérieure du pouvoir « conquérant » de « provenzale », de son prestige, nous est fournie par le fait que ce glossonyme a longtemps désigné également la variété de francoprovençal des Pouilles (dans les deux îlots de Faeto et de Celle di San Vito)21, justement avant que n’intervienne la ratification du glossonyme « francoprovenzale » (forgé en 1873 par Graziadio Isaia Ascoli)22, au tout début du XXIe siècle suite à l’entrée en vigueur de la loi n° 482 de 1999. Les enquêtes de terrain de Perta (2009), Puolato (2013), Pallini (2015) et Agresti (2016) mettent en relief une importante variation diagénérationnelle dans l’usage de ce glossonyme : ce sont surtout les personnes âgées qui associent, encore de nos jours, la langue locale au « provenzale »23.

Patuà (patois) et autres dénominations populaires

Si les glossonymes passés en revue jusque-là sont connus et employés surtout dans les milieux scientifiques ou bien militants, patois, avec d’autres dont il sera question plus loin, est connu et couramment employé par les occitanophones des vallées piémontaises (et par leurs voisins). Les dénominations localement en usage pour indiquer les variétés linguistiques parlées du Piémont occidental ont été étudiées par Sabina Canobbio (1991, 1995), à partir des données de l’Atlante Linguistico ed Etnografico del Piemonte Occidentale24, qui les considère comme autant de marques de la conscience linguistique des locuteurs25.

Si l’on exclut les dénominations qui dérivent des toponymes (lo vilarenc : le parler de Villar ; l’aisonenc : celui de Aisone, et ainsi de suite), deux types de glossonymes s’imposent. Le premier est justement « patois », qui est bien le terme de provenance française, mais qui dans les montagnes italiennes n’a pas la même valeur qu’au-delà des Alpes ; le second est « parlar a nòsta mòda » (parler qui nous est propre) et formes similaires. Si « patois », en français, dans les usages courants comme dans le domaine de la dialectologie, indique un parler local, souvent stigmatisé (face à la langue, bien sûr, mais face aussi au dialecte en tant qu’entité artificielle et théorique comme ce serait le cas du gascon, du languedocien etc.)26, en Italie (Piémont et Vallée d’Aoste) ce désignant indique plutôt une « variété non-piémontaise » (ou « non italienne »), c’est-à-dire une « variété galloromane » (Canobbio 1991 : 436). Par conséquent, « patois » (qui doit être accompagné d’un complément si l’on veut indiquer précisément la variété locale) indique l’ensemble des variétés alpines, sauf que, dans la conscience des locuteurs, l’extension du domaine où « l’on parle patois » est quelque peu floue. Ce n’est pas le cas des militants, évidemment : l’action des associations qui œuvrent à la promotion linguistique de l’occitan a élargi et approfondi dans le temps cette conscience ; toutefois, on est loin de pouvoir parler d’une véritable conscience partagée. Le sentiment d’appartenance à une altérité linguistique n’arrive pas à inclure, normalement, le territoire qui s’étend bien au-delà des vallées voisines.

« Patois » est attesté dans tout le domaine galloroman alpin, avec cependant une remarquable interruption dans les vallées centrales (Po, Varaita, Maira et Grana), où « parlar a nòsta mòda » ou « nòsta mòda » remplit les mêmes fonctions. Dans les hautes vallées Varaita et Stura, il n’est pas employé couramment, mais il est connu surtout parce que l’on sait, en raison des traditionnelles migrations saisonnières, que les Français appellent ainsi les parlers locaux (et notamment les parlers occitans). « Nòsta mòda », loin d’être une dénomination occasionnelle, indique, comme dans le cas de « patois », le type de parler (non-piémontais et non-italien) des vallées (occitanes principalement, mais aussi francoprovençales). Les aspects identitaires et affectifs sont là bien résumés et l’altérité linguistique est exprimée par une formule qui met en évidence un sentiment commun d’appartenance.

Lingua valdese et/ou lingua dei valdesi 

Le glossonyme « lingua valdese » (langue vaudoise), ou « valdese » (vaudois) tout court, indique, dans les domaines de la philologie et de l’histoire des mouvements religieux, la langue des textes vaudois médiévaux (Cornagliotti 1995). Ce corpus est formé d’une vingtaine de manuscrits, dont les contenus portent essentiellement sur des thèmes doctrinaires, qui ont été collectés à la fin du XVIe siècle par les Vaudois du Piémont pour servir à la rédaction d’une histoire du mouvement vaudois. Aujourd’hui, ils sont conservés dans différentes bibliothèques d’Europe (Dublin, Cambridge et Genève principalement) (Borghi Cedrini 2009). Les textes, dont la circulation était liée à la prédication des Barbes – les prêcheurs itinérants d’avant l’adhésion à la Réforme de la part des Vaudois (Molnar 1974) –, sont rédigés dans une scripta occitane périphérique qui présente, sur un fond de registre très littéraire (qui va jusqu’à calquer la syntaxe des sources latines), des traits que l’on peut retrouver dans des variétés occitanes parlées dans les vallées du Piémont encore aujourd’hui (occitan cisalpin) (Bronzat 2005). La « lingua valdese » est une variété linguistique illustre, qui paraît très cohérente et régulière en l’état actuel de la connaissance de ce corpus et que l’on ne peut rattacher à aucune variété occitane en particulier (Borghi Cedrini 2009).

Le glossonyme est en quelque sorte déjà attesté au cours du XVIe siècle. On le retrouve, en effet, dans un texte italien attribué au pasteur vaudois Gerolamo Miolo : on y lit que les Vaudois des Alpes ont été les premiers à faire traduire en français la Bible, mais pendant qu’ils « composaient des livres de leur doctrine et écrivaient leurs prêches dans leur langue »27 (Miolo 1971 [1587] : 103-104). Pour sa part, Jean-Paul Perrin, dans son Histoire des Vaudois (1618), fait mention de « langue vaudoise ». Par la suite, à part le « langage barbe » cité dans les actes du synode de Mentoulles en 1612 (Jalla 1905 : 46 et Bo 2014 : 9), on trouve « dialecte vaudois » chez Raynouard (1817 : 140) et « patois vaudois » chez Senebier (1779 : 463).

La question de la classification de la « langue vaudoise » a hanté pendant longtemps nombre d’historiens et de philologues (Nüesch 1979). Sous certains aspects, elle n’a pas encore fini d’interroger les savants, notamment en ce qui concerne l’époque de la formation de la scripta et de sa circulation, ainsi que les liens entretenus par celle-ci avec les variétés alpines (Giraudo 2018 : 105). C’est justement cette dernière question qui a sollicité certains historiens, comme Alexis Muston (1881), qui se devaient de faire remonter l’implantation des Vaudois dans les Alpes à une époque aussi ancienne que possible et, surtout un linguiste comme Giuseppe Morosi. Ce dernier, vers la fin du XIXe siècle, consacre une longue étude intitulée L’odierno linguaggio dei valdesi aux parlers occitans des Vallées vaudoises, qui sont dès lors les premiers à être étudiés parmi les « patois » occitans cisalpins (Morosi 1890-1892).

La caractérisation confessionnelle du glossonyme finit donc par concerner aussi les représentations des parlers occitans des Vallées et perdure assez longtemps : encore en 1973, Teofilo G. Pons publie un Dizionario del dialetto valdese della Val Germanasca lequel, réédité en 1997 par les soins de Arturo Genre, s’intitule désormais Dizionario del dialetto occitano della Val Germanasca. Pourtant, le lien identitaire des Vaudois du Piémont à leurs variétés occitanes est finalement assez faible. Ce n’est que dans la partie la plus externe des Vallées que le choix linguistique entre occitan et piémontais double la division confessionnelle entre Vaudois et Catholiques, alors qu’ailleurs les uns et les autres parlent la même langue. C’est en effet plutôt le français qui a joué un rôle important dans la construction d’une identité culturelle « vaudoise », et ce jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle28.

Guardiolo (gardiòl)

« Guardiolo », ou, en langue locale, « gardiol (gardiòl) », est le glossonyme qui désigne la variété municipale de Guardia Piemontese, îlot linguistique occitan en province de Cosenza (Calabre, Italie méridionale). Son emploi coexiste aujourd’hui au village avec « occitano (occitan) », qui est largement employé, aussi par les vieilles générations, suite à l’entrée en vigueur de la loi de l’État n° 482 de 1999, déjà rappelée29. Le village ayant été fondé au XIVsiècle par des Vaudois piémontais occitanophones, pendant un certain temps sa langue a été associée au valdisme, jusqu’à être nommée pendant un certain temps « lingua valdese ».

Une enquête sur les représentations sociales de la langue et de l’identité de cette communauté située, pour ainsi dire, à la périphérie de la périphérie, nous a permis, en 2014, de mesurer jusqu’à quel point l’occitan de Guardia Piemontese est encore lié, ne serait-ce qu’au niveau de l’imaginaire de la population locale, à l’identité vaudoise, marquée par la tragédie de la persécution religieuse à l’époque de la Contre-Réforme qui touche à son apogée le 5 juin 156130 (Agresti & Pallini 2017). Or, de cette enquête, sur une échelle mesurant le score d’adhésion à plusieurs items issus d’une pré-enquête réalisée auprès de la même population31, allant de – 2 (rejet maximum) à + 2 (adhésion maximum), il résulte que : a) l’item « occitan et gardiol signifient la même chose » a obtenu un score de + 0,22 sur l’ensemble de l’échantillon32 ; b) l’item « l’occitano de Guardia Piemontese est la lingua valdese » a obtenu un score de + 0,27 sur l’ensemble de l’échantillon ; c) l’item « c’est la lingua d’oc qui fonde l’identité gardiole » a obtenu un score de + 0,06 ; d) l’item « c’est le valdisme qui fonde l’identité gardiole » a obtenu un score négatif de – 0,27 ; e) l’item « l’identité de Guardia est celle du reste de l’Occitanie, aussi bien italienne que française » a obtenu un score négatif de – 0,4.

Ces résultats, opportunément mis en perspective, témoignent d’une forte singularisation de cet îlot linguistique, sorte d’hapax culturel en contexte occitan. Les signes d’un désir de panoccitanisme ne manquent pas pour autant : la chanson Se chanto, sorte d’hymne national des Occitans, est considérée comme étant l’élément porteur par excellence de l’identité gardiole (score d’adhésion : + 1,12) ; un rocher monumental provenant de la Val Pélis campe au milieu du village en marque d’alliance entre Guardia et les vallées alpines occitanes d’origine ; une association culturelle locale arbore le drapeau occitan tout en évoquant la ville de Toulouse dans une peinture murale à l’extérieur de son siège…

Conclusion

Ce parcours à travers la palette glossonymique de l’occitan en Italie a montré, bien que de manière synthétique, et à travers des niveaux d’approfondissement divers, la richesse non seulement des formes mais également des enjeux culturels qui sont posés par celles-ci. Un glossonyme non seulement désigne une variété linguistique, mais aussi – et, finalement, surtout – reflète et construit les représentations qui s’y greffent. L’exemple de Guardia Piemontese est en ce sens paradigmatique : « occitano (occitan) », « gardiol (gardiòl) » et même « lingua valdese » ont tous leur raison d’être, en tant que, respectivement, l’occitan des droits et politiques linguistiques, l’occitan des racines et de l’identité locale, l’occitan désigné à travers le prisme à la fois tragique et mythique (mythe de fondation, mythe de disparition, mythe de transcendance, mythe de résistance) du valdisme de Calabre.

Un glossonyme reflète donc une particulière manière d’interpréter et d’appréhender une langue et de la lier en quelque sorte à un espace à la fois anthropisé et historicisé, par conséquent à la communauté qui l’habite. Dans le cas de l’Occitanie, vaste territoire débordant la frontière française aussi bien du côté de l’Italie que de l’Espagne, il ne s’est jamais agi d’un espace d’État. Le flou qui en découle est à l’origine de fantasmes, de désirs, de projections idéologiques, de contradictions. Ainsi, un même glossonyme, « patois » (mais, au bout du compte, s’agit-il d’un véritable glossonyme ?), indique deux notions assez différentes de part et d’autre la frontière italo-française et, par ailleurs, une même variété linguistique peut être considérée de l’occitan en Italie ou un dialecte ligurien en France33.

La dialectique de langue et espace demande toujours une analyse particulièrement complexe, d’autant plus en domaine occitan, où l’espace, l’Occitanie, porte le nom de la langue et non d’une communauté ethnique, quitte évidemment à ethniciser la communauté linguistique occitanophone… Dans cette perspective, on peut légitimement se poser la question des conséquences à moyen et long terme de la réforme administrative de 2014-2015 portant sur la refonte des régions de France, au niveau des représentations sociales de l’espace occitan, et donc du référent même du glossonyme. Ailleurs (Agresti 2020), nous avons présenté les premiers résultats d’une enquête de terrain sur la « double frontière » de l’Occitanie : après deux ans depuis sa création, la région administrative Occitanie, qui ne coïncide que très partiellement avec l’Occitanie linguistique et historique, semble s’imposer dans les esprits, du moins en France, comme bien mieux définie – et donc, en quelque sorte, plus réelle – que l’autre. Au moins trois questions surgissent dès lors : au niveau de la doxa, les désignations de la langue vont-elles changer de référent, l’Occitanie administrative occultant de plus en plus l’Occitanie linguistique ? Assistera-t-on, par conséquent, à un nouvel essor des désignations locales (« béarnais », « provençal », « nissart » …) des variantes externes à l’espace de l’Occitanie administrative, et donc à une fragmentation de l’espace occitan ? Moins probable : ces réactions iront-elles jusqu’à affecter la configuration glossonymique de l’occitan en Italie ? Voilà autant de questions qui méritent toute notre attention (et vigilance), au présent et dans les années à venir. Ce qui est en jeu est la reconnaissance même de cette langue minoritaire, charnière entre trois États, dont l’unité sous la diversité ne peut qu’être d’ordre culturel.    


Bibliographie

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Notes

* Giovanni Agresti : UMR 5478 Iker (CNRS/Université Bordeaux Montaigne/UPPA) ; Matteo Rivoira : Dipartimento di Studi Umanistici, Università degli Studi di Torino. Ce chapitre a été élaboré par les deux auteurs ; cependant, on peut attribuer à Giovanni Agresti plus particulièrement les sous-paragraphes « Lingua d’oc », « Occitanico (lingua occitanica) », « Occitano (lingua occitana) », « Provenzale (lingua provenzale) » et « Guardiolo (gardiòl) » ; les sous-paragraphes « Patuà (patois) et autres dénominations populaires » et « Lingua valdese et/ou lingua dei valdesi » sont en revanche de la plume de Matteo Rivoira. L’Introduction et la Conclusion ont été rédigées conjointement.
Dans le cadre du présent chapitre, pour désigner la langue qui fait l’objet de notre étude, nous usons du glossonyme « occitan », en français, de manière dénotative, neutre. Ce choix est à notre sens pleinement justifié par le fait que, aujourd’hui, « occitan » est le glossonyme normalisé en contexte francophone et parce que la dénomination officielle de cette langue, telle que dans les textes de loi italiens, est son équivalent « occitano ». Par ailleurs, il existe désormais une tradition d’études conséquente qui utilise, et qui donc contribue à justifier, cette forme (Regis 2015).

  1. Dans le cadre du présent chapitre, pour désigner la langue qui fait l’objet de notre étude, nous usons du glossonyme « occitan », en français, de manière dénotative, neutre. Ce choix est à notre sens pleinement justifié par le fait que, aujourd’hui, « occitan » est le glossonyme normalisé en contexte francophone et parce que la dénomination officielle de cette langue, telle que dans les textes de loi italiens, est son équivalent « occitano ». Par ailleurs, il existe désormais une tradition d’études conséquente qui utilise, et qui donc contribue à justifier, cette forme (Regis 2015).
  2. Une histoire linguistique, et d’ailleurs une histoire tout court de l’ensemble de ces colonies occitanophones fait encore défaut. Fondation et (re)peuplement « occitans » et présence vaudoise se croisent à plusieurs reprises, dans un enchevêtrement qu’il est parfois bien compliqué de démêler. L’exemple de Volturara Appula, dans les Pouilles, est paradigmatique : le village étant presque complètement abandonné,  ce fut au début du XVIe siècle que Beatrice Carafa, épouse d’Albéric II, décida de le repeupler en faisant appel à une colonie de « Provençaux » sans doute provenant des Vallées vaudoises du Piémont, qui purent profiter d’un statut privilégié et libéral (Ceci 1917). En ce qui concerne Faeto et Celle di San Vito, îlots francoprovençaux qui gardent encore aujourd’hui l’usage de la langue, il est assez probable qu’à l’origine (XIIIe siècle) il s’agissait de colonies occitanophones, Charles Ier d’Anjou ayant fait appel, pour peupler ces contrées, à des colons provenant de Marseille, Nice, Grasse, Hyères, Forcalquier… (Rainone 2010). Pour sa part, la présence vaudoise est attestée dans ces deux villages, même si pendant longtemps elle a été passée sous silence ou gommée pour des raisons idéologiques. Ailleurs, nous avons tâché de résumer les principaux éléments qui définissent, aujourd’hui, l’identité des Francoprovençaux des Pouilles, y compris pour ce qui est des glossonymes utilisés (Agresti 2017). Plus loin, nous reprenons quelques-unes des considérations développées dans cette dernière étude (voir infra, « Provenzale (lingua provenzale) » p. 127).
  3. C’est précisément la perspective historique qui a été privilégiée par Riccardo Regis dans son article consacré aux glossonymes « provenzale » et « occitano » et à la dialectique de leurs usages (Regis 2015).
  4. « Raramente un’area del dominio romanzo ha conosciuto tante etichette glottonimiche quante il Midi francese ». Ici et ailleurs, sauf indication différente, la traduction en français, dans le texte ou en note, est de nous.
  5. En effet, Dante n’a pas inventé le glossonyme « occitan », qui lui est précédent (Sauzet 2012). Cependant, la voix de Dante n’est jamais anodine, et elle reste.
  6. « 3. Ab uno postea eodemque ydiomate in vindice confusione recepto diversa vulgaria traxerunt […]. 4. Nam totum quod ab hostiis Danubii sive Meotidis paludibus usque ad fines occidentales Anglie Ytalorum Francorumque finibus et Oceano limitatur, solum unum obtinuit ydioma, licet postea per Sclavones, Ungaros, Teutonicos, Saxones, Anglicos et alias nationes quamplures fuerit per diversa vulgaria dirivatum, hoc solo fere omnibus in signum eiusdem principio remanente, quod quasi predicti omnes jo affermando respondent […]. 6. Totum vero quod in Europa restat ab istis, tertium tenuit ydioma, licet nunc tripharium videatur: nam alii oc, alii oil, alii sì affirmando locuntur, ut puta Yspani, Franci et Latini. Signum autem quod ab uno eodemque ydiomate istarum trium gentium progrediantur vulgaria, in promptu est, quia multa per eadem vocabula nominare videntur, ut Deum, celum, amorem, mare, terram, est, vivit, moritur, amat, alia fere omnia ». Dante, De vulgari eloquentia (1303-1305), Livre Ier, Ch. 8. Source : www.intratext.com/IXT/LAT0445/__P8.HTM (consulté le 12/10/2019). C’est nous qui soulignons en droit.
  7. Le choix de privilégier la particule affirmative dans la définition des types linguistiques est peut-être interprétable comme, d’une part, l’élection d’un présumé « universel linguistique » : on présume que dans toutes les langues il existe une particule affirmative. D’autre part, celle-ci est un élément langagier intimement lié à la dimension spirituelle : c’est le mot d’adhésion, donc d’union, par excellence. On connaît l’importance de la dimension spirituelle chez Dante.
  8. Cette question est controversée et nous ne pouvons pas l’approfondir ici, elle déborde d’ailleurs notre propos. Toujours est-il que l’on a majoritairement l’habitude de reconnaître une unité à l’occitan, alors que l’on préfère, de nos jours, user du pluriel pour désigner les langues du diasystème d’oïl : « Le pluriel, utilisé pour la première fois dans les années 1980 (par l’association “Défense et promotion des langues d’oïl” […]), semble s’imposer de nos jours, mais on trouve également les termes de langue d’oïl et langue d’oc, au singulier, pour désigner les “deux langues standard embryonnaires” (Lodge 1997 : 79) du Moyen Âge, issues du gallo-roman ». (Léonard & Djordjević 2010 : 58).
  9. Nous retrouvons des effets de sens comparables dans grecanico, variété linguistique issue du grec classique de la Grande-Grèce et encore vivante – quoique très sérieusement en danger – dans quelques villages de montagne de la province de Reggio Calabria (Calabre). Nous reviendrons sur cette variété plus loin (v. note 13).
  10. Norme in materia di tutela delle minoranze linguistiche storiche (Normes en matière de protection des minorités linguistiques historiques), loi publiée dans la Gazzetta ufficiale (Journal officiel) n° 297 du 20 décembre 1999.
  11. « In attuazione dell’articolo 6 della Costituzione e in armonia con i princípi generali stabiliti dagli organismi europei e internazionali, la Repubblica tutela la lingua e la cultura delle popolazioni albanesi, catalane, germaniche, greche, slovene e croate e di quelle parlanti il francese, il francoprovenzale, il friulano, il ladino, l’occitano e il sardo ». La traduction en français dans le texte est tirée du site web L’aménagement linguistique dans le monde, http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/italie_loi1999.htm (consulté le 13/10/2019).
  12. Il s’agit du gallo-italique et du tabarquin, parce que considérées des « hétéroglossies internes » (Telmon 2007) ; il s’agit surtout du rromani, considéré à l’instar d’une « langue non-territoriale » et donc exclue de cette loi qui valorise au plus haut point le lien entre l’histoire, le territoire et l’identité linguistique… Cf. Agresti (2015). Mais sur ce sujet les références sont vraiment trop nombreuses pour être rappelées ici.
  13. Cette distinction est très discutable : en Calabre comme dans les Pouilles, les soi-disant Grecs ne sont que des Italiens qui parlent, respectivement, le grecanico, sans doute issu du grec de la Grande-Grèce, et le griko (grico), grec d’origine plus tardive. De même, les soi-disant Albanais ne sont que des Italiens d’ancienne origine albanaise (XVIe-XVIIIe siècle) qui ont gardé l’usage d’une langue qui, au fil du temps, s’est tout naturellement différenciée de celle de la mère patrie, et que l’on appelle aujourd’hui l’arbëresh. Les soi-disant Croates évoqués par l’article 2 de la loi sont, quant à eux, des Italiens qui ont gardé la langue de la diaspora slave du XVIe sièclequi, elle aussi, s’est différenciée de la langue de la mère patrie. Cette langue diasporique s’appelle aujourd’hui « na-našu » (na-naš : la langue de chez nous) ou alors croato molisano, croato-molisano, croatomolisano, slavisano (Bada 2008 : 103-104 ; Agresti 2019).
  14. « La Région […] protège et valorise [la langue piémontaise,] le patrimoine culturel et linguistique original du Piémont, ainsi que celui des minorités occitane, francoprovençale, française et walser » (« La Regione […] tutela e valorizza [la lingua piemontese,] l’originale patrimonio culturale e linguistico del Piemonte, nonché quello delle minoranze occitana, francoprovenzale, francese e walser ») (art. 1er, premier alinéa). Entre crochets figurent les mots qui ont été jugés constitutionnellement illégitimes par la Cour constitutionnelle (arrêt n° 170 du 10-13 mai 2010).
  15. http://arianna.cr.piemonte.it/iterlegcoordweb/dettaglioLegge.do?urnLegge=urn:nir:regione.piemonte:legge:2018;11@2019-01-01&tornaIndietro=true (consulté le 27/03/2020).
  16. « La Regione valorizza e promuove, nei limiti delle proprie competenze, il patrimonio linguistico e culturale piemontese, nonché quello delle minoranze occitana, franco-provenzale, francese e walser, incentivandone la conoscenza ».
  17. « La Région [vise] les objectifs suivants : […] la protection et la valorisation des minorités ethniques, linguistiques et religieuses présentes en Calabre, avec une attention particulière aux populations d’origine albanaise, grecanica, occitanica et rrom » (« La Regione [punta] al raggiungimento dei seguenti obiettivi: […] la tutela e la valorizzazione delle minoranze etniche, linguistiche e religiose presenti in Calabria, con particolare riguardo alle popolazioni di origine albanese, grecanica, occitanica e rom ») (art. 2). Pour les textes complets de ces lois (www.minoranzelinguistiche.provincia.tn.it/normativa/Normativa_delle_Regioni/pagina23.html, consulté le 14/10/2019).
  18. Il s’agit respectivement de nos Caravanes de la mémoire et de la diversité linguistique, de la thèse d’Irene Micali (2014) et des récentes enquêtes (juin 2019) du frioulan Massimo Garlatti-Costa en vue de la réalisation du long-métrage documentaire Lingua Mater.
  19. Fiorenzo Toso (2008 : 194) a bien éclairci ce cas de figure, en en soulignant les contradictions qui touchent à leur apogée lorsque, allant à l’encontre de l’expertise remise par les spécialistes dès les années 1980 du XXe siècle, les conseils municipaux des deux communes se déclarèrent de langue occitane au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi n° 482. En plus de susciter de vives réactions aussi bien au niveau de l’opinion publique locale qu’au niveau de la communauté scientifique, cette décision bascula dans le paradoxe : la même variété linguistique est nommée « occitano » à Olivetta San Michele et « ligure » dans les hameaux Piena et Libri, qui se trouvent depuis 1947 en territoire français.
  20. Traduit de l’italien : « il glottonimo provenzale non sembra conoscere crisi, raccogliendo consensi ben oltre la metà del XX sec.; esso continua a comparire negli studi di linguistica storica, nei saggi sulla letteratura trobadorica e nei manuali di linguistica romanza, spesse volte in alternanza con lingua d’oc (cfr., tra gli altri, Portal 1911; Debenedetti 1911; Crescini 19263; Tagliavini 19522; Monteverdi 1952; Zorzi 1954; [Del Monte 1958 ;] Pellegrini 19602; Battaglia 1965; Roncaglia 1965; Cremonesi 19673). Ancora nel 1996 Di Girolamo e Lee scrivono un Avviamento alla filologia provenzale […]. Liborio e Giannetti sono i curatori di una Letteratura provenzale medievale (2004); nel recente primo volume dell’Atlante della letteratura italiana (Luzzatto / Pedullà 2010), soltanto i termini lingua d’oc e provenzale vengono utilizzati […] » (Regis 2015 : 132).
  21. Il faut néanmoins préciser que, fort probablement, les tout premiers habitants de Faeto et Celle provenant en large mesure du Royaume d’Arles, ils devaient être occitanophones. L’histoire de ces deux villages n’a pas encore été reconstituée de manière pleinement satisfaisante. Voir supra, note 2.
  22. La graphie utilisée par Ascoli dans ses articles fondateurs est cependant franco-provenzale. Cf. Ascoli (1878 [1873] : 61). L’élimination du tiret répond à une volonté contemporaine d’autonomiser davantage cette langue.
  23. Cette variation diagénérationnelle se double d’une variation au niveau des représentations sociales : « L’emploi des glottonymes comme clé d’accès aux réalités sociolinguistiques de Faeto et Celle montre que chaque glottonyme ponctue un aspect particulier du rapport entre identité, territoire et langue minoritaire. “Provençal”, en voie de disparition, s’ancre dans les souvenirs du passé ; “langue francoprovençale” se charge de significations idéologiques ; “francoprovençal” désigne de façon neutre la réalité sociolinguistique d’aujourd’hui ; les noms faetano et cellese sont les plus évocateurs de l’identité ethnoculturelle et linguistique » (Puolato 2013 : 189).
  24. Il s’agit là de matériaux inédits collectés en réponse aux questions suivantes : « Comment appelez-vous votre parler ? » ; « Comment votre parler est-il appelé par les autres, par les gens qui viennent d’ailleurs ? ».
  25. Cette conscience est définie par Benvenuto Terracini comme l’évolution du « sentiment intuitif de la langue » suite à la réflexion (Terracini 1970 : 173, 201).
  26. Dans le contexte qui est le nôtre, « patois » n’est pas accompagné de la valeur péjorative qu’il a en domaine français. Bien entendu, en Italie aussi il s’oppose à la langue (l’italien, mais aussi le français dans le cadre des vallées vaudoises et de l’ancien Dauphiné), et il évoque d’ailleurs une appartenance à un domaine qui en quelque sorte se rallie à la France. C’est pour cette raison que ce glossonyme est même porteur de valeurs positives. Le piémontais, quant à lui, a été longtemps perçu comme une langue permettant une promotion sociale (ce qui fait qu’il a presque supplanté l’occitan dans quelques localités). Cependant, pour les populations des Vallées occitanes, il demeure la langue des autres, des « gens de la plaine », qui sont, eux, rarement porteurs de valeurs positives. Évidemment, on ne parle pas ici des variétés occitanes régionales standardisées.
  27. Traduit de l’italien : « Inoltre essi componevano libri della loro dottrina et scrivevano le loro prediche nella lor lingua ».
  28. On remarquera, au passage, que la langue n’est « valdese » que parce qu’elle est celle des manuscrits médiévaux identifiés comme vaudois. Cependant, elle est devenue à son tour l’élément principal (le seul avec l’histoire unitaire qui caractérise l’ensemble des codes qui nous sont parvenus) qui permet de définir l’appartenance des textes aux corpus vaudois lorsque les études relativisent l’originalité de la composante doctrinaire de ces traités.
  29. Le glossonyme « occitano » a été très vite retenu par la population de Guardia Piemontese, comme témoignent quelques récentes enquêtes de terrain (voir supra, note 19). Même du côté des publications scientifiques (cf. Micali 2014 et 2023), l’impression est que l’on considère « guardiolo » et « occitano » comme synonymes parfaits.
  30. Cette journée est passée à l’histoire en raison du nombre très élevé de Vaudois tués pendant la répression. C’est pourquoi, depuis quelque temps, le 5 juin de chaque année est célébré à Guardia comme la journée de la mémoire.
  31. Pour mener à bien notre enquête, nous avons utilisé la méthode MAC (Méthode d’Analyse Combinée des représentations sociales) mise au point par Bruno Maurer (Maurer 2013). Ici, nous donnons toujours la traduction en français des items présentés, qui dans les questionnaires administrés (l’un sur la langue, l’autre sur l’identité gardiole) étaient formulés en italien.
  32. Des carottages ultérieurs montrent cependant que les représentations varient même beaucoup suivant les variables en jeu : âge, sexe, lieu de résidence.
  33. Dans les conclusions de son essai, très documenté, sur la diversité glossonymique occitane, Riccardo Regis se pose la question de quel désignant privilégier aujourd’hui, et dans quel contexte. Il distingue dès lors trois niveaux : référentiel, idéologique, communautaire, pour conclure avec une sorte de recommandation, adressée semble-t-il en premier lieu aux linguistes : « même le linguiste le plus speaker-friendly doit parvenir à un glossonyme de synthèse, c’est-à-dire doté d’un certain degré d’abstraction ; et j’ai l’impression que, sur la base de l’évaluation des pours et des contres, la balance penche aujourd’hui vers le deuxième glossonyme [occitano], qui peut être éventuellement modifié par des adjectifs qui en précisent la pertinence territoriale (occitano aranese, occitano alverniate, occitano alpino orientale, etc.). Avec le souhait conclusif que « occitano » soit vidé enfin de toute signification idéologique préalable et utilisé pour ce qu’il est, à savoir une bonne étiquette à apposer à un objet-langue » (« anche il linguista più speaker-friendly deve pervenire ad un glottonimo di sintesi, i.e. dotato di un certo grado di astrazione; e a me sembra che, valutati pro e contra di provenzale e occitano, l’ago della bilancia penda oggi verso il secondo glottonimo, il quale può essere eventualmente modificato da aggettivi che ne precisino la pertinenza territoriale (occitano aranese, occitano alverniate, occitano alpino orientale, ecc.). Con l’augurio conclusivo che occitano venga finalmente svuotato di qualsiasi significato ideologico pregresso e usato per quello che è, una buona etichetta da apporre ad un oggetto-lingua. ») (Regis 2015 : 138-139).
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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9791030008395
ISBN html : 979-10-300-0839-5
ISBN pdf : 979-10-300-0840-1
ISSN : 3000-3563
18 p.
Code CLIL : 3153
licence CC by SA

Comment citer

Agresti, Giovanni, Rivoira, Matteo, « La configuration glossonymique de l’occitan en Italie », in : Moskvitcheva, Svetlana, Viaut, Alain, éd., Les noms des variantes de langue minoritaire. Études de cas en France et en Russie, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux , collection Diglossi@ 2, 2024, 119-136 [en ligne] https://una-editions.fr/la-configuration-glossonymique-de-loccitan-en-italie [consulté le 15/04/2024].

http://dx.doi.org/10.46608/diglossia2.9791030008395.7
Illustration de couverture • L'illustration de la première de couverture a été réalisée par Ekaterina Kaeta (École académique des Beaux-Arts de Moscou - Département de Création graphique). Deux textes y apparaissent en arrière-plan : à gauche, un extrait d'une poésie en mordve de Čislav Žuravlev (1935-2018), recopié manuellement par l'illustratrice à partir de Žuravlev Č. (2000), Večkemanʹ teše [Étoile d’amour] (tome 2, Sarans, Tipografiâ Krasnyj Oktâbrʹ, p. 139), et, à droite, un extrait d'un poème inédit en occitan de l'écrivain Bernard Manciet (1923-2005), avec l'aimable autorisation de sa famille.
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