La métaphore du corps “vêtement de l’âme” est une antique métaphore. Cette ancienneté invite à poser la question de son usage plus tardif dans le néoplatonisme comme celle de son usure. C’est donc un questionnement contemporain sur la place, la pertinence et l’éventuel danger que représenterait la métaphore dans le discours philosophique (questionnement que l’on peut faire aller des œuvres de Nietzsche et Heidegger à celles de Derrida et de Ricoeur1) qui sous-tend la lecture que nous proposons ici de deux textes de Porphyre, philosophe néoplatonicien du IIe siècle p.C.
Sommes-nous, dans le réemploi de cette “antique métaphore” par les néoplatoniciens, plus de huit siècles après son usage orphico-pythagoricien et platonicien, en présence d’une métaphore morte, c’est-à-dire d’une métaphore qui, devenue lieu commun, finit par se faire oublier comme métaphore et par faire adhérer comme à une réalité trop évidente à la thèse philosophique qu’elle sert à exprimer : le dualisme ? Cette métaphore, répétée, serait-elle un des lieux où s’opère, où s’est opérée l’“illusion métaphysique” ? En effet, si le corps est un vêtement, c’est qu’il cache quelque chose, qu’il couvre la nudité originelle d’un autre “corps”, l’âme, dont il faut alors reconnaître l’existence bien qu’on ne la voie pas et justement parce qu’on ne la voit pas. Cette expression n’est-elle donc pas un exemple par excellence du transfert métaphorique comme transfert métaphysique, nous invitant à passer allégrement du sensible à l’intelligible, du corps à l’âme, du visible à l’invisible, c’est-à-dire à poser l’existence d’une réalité dont on justifie en même temps métaphoriquement le fait qu’elle se dérobe toujours à notre prise et à nos regards ?
Creuset d’une anthropologie dualiste, cette métaphore en véhiculerait aussi les effets néfastes : le mépris du corps. La surimpression d’une seconde dénomination (le vêtement, la tunique), à la dénomination usuelle (la peau, le corps), invite à la même surimpression mentale, voire perceptive : mon enveloppe charnelle devient pour moi ce vêtement qui s’attache à moi, mais n’est pas moi et dont je dois souhaiter le dépouillement.
Pour réfléchir sur le statut de la métaphore dans le discours philosophique, il m’a semblé intéressant d’étudier précisément les emplois par un même auteur, Porphyre, de la même expression de “tunique de peau” (δερματινός χιτών) pour désigner le corps. Celle-ci relève bien de la métaphore qui fait du corps un vêtement, plus précisément ici une tunique (χιτών).
La métaphore des “tuniques de peau”
Je ne m’intéresse donc ici pas à toute métaphore vestimentaire dans l’œuvre de Porphyre, mais à une expression bien précise qui est celle de la “tunique de peau”, δερματινός χιτών. Je voudrais rappeler quelques éléments mentionnés dans les travaux précédents du laboratoire junior Himation à ce sujet2.
Il s’agit d’une expression biblique, que l’on trouve au pluriel en Genèse 3, 21 dans le texte de la Septante où elle désigne ce que Dieu donne à Adam et Ève après avoir annoncé leur châtiment et juste avant de les renvoyer du jardin d’ Éden.
Il existe ensuite une lecture gnostique de ce verset qui identifie la tunique de peau au corps charnel, visible ; la précision “de peau” signifie, pour ces gnostiques, que le corps charnel enveloppe un autre corps, celui dont jouissait l’homme avant la chute, fait d’une matérialité autre. La métaphore de la tunique peut donc être exploitée dans le sens d’une superposition de tuniques (d’autres modes de corporéité), ce qui va déjà compliquer ou raffiner le dualisme ; et c’est ce que vont exploiter les néoplatoniciens, de Porphyre à Proclus.
Peut être appelé “tunique” non seulement le corps charnel visible, mais tout ce qui vient s’ajouter à l’âme, qui lui est un attribut extérieur, étranger et dont il faut se dépouiller. Même si l’idée d’une “superposition” était apparemment déjà présente chez Platon, la précision du matériau de la tunique permet bien de penser l’existence d’autres types de tuniques.
La tunique de peau du De l’abstinence 1.31
Cette expression de “tunique de peau”, bien que d’origine biblique, se retrouve (on ne sait pas par quelle médiation exacte : Numénius ? Ammonios Saccas ? La gnose valentinienne ?) chez Porphyre à deux reprises dans le traité De l’abstinence, c’est-à-dire de l’abstinence de nourriture carnée. Il s’agit d’un traité en quatre livres, écrit à la fin du IIIe siècle p.C. et destiné à Firmus Castricius, camarade de classe de Porphyre à l’école de Plotin. À la mort du maître en 270, Porphyre n’est pas présent à Rome ; il apprend toutefois que Firmus a abandonné le régime végétarien adopté certainement au contact de Plotin. Il compose donc un traité pour lui montrer le bien-fondé philosophique du végétarisme et l’exhorter à l’adopter à nouveau.
La première occurrence de notre expression se trouve dans la section 31 du livre I3. Dans la seconde partie de ce premier livre, après avoir rappelé les arguments de ses adversaires opposés au régime végétarien), Porphyre expose les fondements philosophiques de l’abstinence. L’exhortation à l’abstinence de viande ne concerne en réalité que celui qui a choisi d’adopter la vision du monde platonicienne : celui qui a compris que ce qu’il était vraiment, c’était une essence intellectuelle, qu’il provient donc d’une autre vie étrangère à la vie d’ici-bas, mais que, attirée par la nature mortelle, son âme a chuté et se retrouve enchaînée au sensible. Pour retourner à son soi essentiel, l’âme doit donc identifier ce qui ne vient en elle que de sa liaison avec le sensible, et l’abandonner. Ce processus de purification, Porphyre le décrit en s’appuyant sur la métaphore du dépouillement de tuniques et c’est ici qu’intervient l’expression de “tunique de peau” :
ἀποδυτέον ἄρα τοὺς πολλοὺς ἡμῖν χιτῶνας, τόν τε ὁρατὸν τοῦτον καὶ σάρκινον καὶ οὓς ἔσωθεν ἠμφιέσμεθα προσεχεῖς ὄντας τοῖς δερματίνοις, γυμνοὶ δὲ καὶ ἀχίτωνες ἐπὶ τὸ στάδιον ἀναβαίνωμεν τὰ τῆς ψυχῆς Ὀλύμπια ἀγωνισόμενοι. ἀρχὴ δὲ τὸ ἀποδύσασθαι καὶ οὗ οὐκ ἄνευ τὸ ἀγωνίζεσθαι γένοιτο.
“Il faut donc nous dépouiller de nos nombreuses tuniques, de la tunique visible et charnelle à celles dont nous sommes revêtus au-dedans et qui sont contiguës à notre tunique de peau. Nus, sans tuniques, entrons dans le stade pour y disputer les Jeux olympiques de l’âme. Car se dévêtir est le point primordial et la condition sine qua non de la lutte4.”
Superposition et pluralité des tuniques
Ce qui intéresse Porphyre dans la métaphore du vêtement, c’est d’abord l’idée de superposition : de la même manière qu’on peut mettre de nombreux vêtements les uns par-dessus les autres, il y a de nombreuses “choses” dont l’âme s’est encombrée et avec lesquelles elle vit actuellement alors qu’elles lui sont étrangères.
Quelles sont ces tuniques ? Une première tunique visible, charnelle (τόν τε ὁρατὸν τοῦτον καὶ σάρκινον – le corps visible), aussi qualifiée de δερματινός ; et d’autres tuniques intérieures (ἔσωθεν), contigües à cette tunique de peau (προσεχεῖς ὄντας τοῖς δερματίνοις5). Cette bipartition se retrouve au début de la phrase suivante : τὰ μὲν ἦν ἔξωθεν τῶν ἐνδυμάτων, τὰ δὲ ἔσωθεν6. Nos vêtements sont bien de deux sortes.
Pour comprendre à quoi font référence les “tuniques intérieures” (ἔσωθεν), il faut se reporter aux lignes précédentes, il faut :
αἰσθήσεως μὲν ἀφίστασθαι καὶ φαντασίας τῆς τε ταύταις ἑπομένης ἀλογίας καὶ τῶν κατ’ αὐτὴν παθῶν
“se détacher de la sensation, de l’imagination, de l’irrationalité, des passions”
Ce sont autant d’éléments étrangers à la nature propre de l’âme, à son état originel purement intellectif, mais dont elle est accompagnée actuellement et qui sont dues à sa condition incarnée ; Porphyre insiste bien par ailleurs sur le fait qu’il faut se dépouiller d’attitudes intérieures (l’attirance pour tel aliment, ou pour les honneurs, ou pour le corps de telle personne).
On peut donc remarquer que l’expression “tunique de peau” vient ici plutôt compliquer le dualisme que l’exprimer de façon schématique ; comme on l’a dit, alors même que la précision “de peau” est ce qui permet de désigner le corps dans sa matérialité, cet adjectif ouvre en même temps la possibilité de penser d’autres tuniques pour l’âme que le corps charnel.
D’une part donc, la métaphore du vêtement sert ici à exprimer une continuité entre l’âme et différents revêtements dont le corps n’est que le “dernier”, visible ; d’autre part, si cette “visibilité” du corps nous conduit à le séparer des autres tuniques (comme l’extérieur, de l’intérieur) c’est surtout par pédagogie : il s’agit d’insister sur la double dimension que doit revêtir la conversion du compagnon philosophe. Si celle-ci doit bien se voir, s’incarner dans des actes concrets, elle ne doit pas s’y limiter : il y a une tunique extérieure, mais aussi de nombreuses tuniques intérieures. Il ne faut donc pas confondre enchaînement au sensible et existence visible : il y a un enchaînement au sensible qui est invisible (et la métaphore sert donc bien à donner à voir l’invisible).
Le paradigme athlétique
Pour comprendre dans sa portée singulière cet emploi de la métaphore par Porphyre, il faut s’intéresser également à la fin du paragraphe 3 que nous avons cité : celui-ci nous indique l’image réelle que Porphyre a en tête quand il mobilise la métaphore de la tunique dans ce texte. Puisque le vêtement est un objet on ne peut plus quotidien, le philosophe ne manque pas d’expériences humaines vestimentaires qui pourront servir de support à la métaphore. C’est justement dans le choix de ces expériences que réside à mon sens la profondeur philosophique de la métaphore, et que l’on peut trouver un argument pour soutenir qu’il s’agit de “métaphores vives”, consciemment et délibérément réinvesties.
γυμνοὶ δὲ καὶ ἀχίτωνες ἐπὶ τὸ στάδιον ἀναβαίνωμεν τὰ τῆς ψυχῆς Ὀλύμπια ἀγωνισόμενοι. ἀρχὴ δὲ τὸ ἀποδύσασθαι καὶ οὗ οὐκ ἄνευ τὸ ἀγωνίζεσθαι γένοιτο.
“Nus, sans tuniques, entrons dans le stade pour y disputer les Jeux olympiques de l’âme. Car se dévêtir est le point primordial et la condition sine qua non de la lutte.”
L’image que Porphyre a en tête est celle de l’athlète professionnel (et non du simple citoyen mâle s’entraînant régulièrement dans le gymnase) qui entre ici, après des mois de préparation, à Olympie, dans le stade, pour concourir aux plus célèbres de jeux helléniques. Très prestigieux, ces ἀγονές n’ont lieu que tous les quatre ans et leur récompense (un rameau d’olivier) est purement honorifique.
C’est bien la mention de la peau par l’adjectif δερματινός, c’est-à-dire ce qui fait le déploiement particulier que nous étudions ici de la métaphore du corps-vêtement, qui “ouvre” sur cette nouvelle proposition et qui donne à la métaphore du dés-habillement un contexte précis : on voit bien comment l’on passe de l’image du détachement comme d’un déshabillement (déshabillement multiple), à celle du corps comme vêtement de peau puis du vêtement de peau à l’image du corps nu, cette fois-ci sans vêtements. Paradoxalement donc, ce dont l’âme est censée se dépouiller dans la réalité (le corps nu : et pas n’importe lequel ici : le corps beau et fort de l’athlète) devient, par le jeu de la métaphore, l’image même de l’âme !
Dans son étude sur “l’âme nue”, Jean-Louis Chrétien revient sur ce paradoxe et sur l’objection que l’on pourrait en tirer envers le dualisme.
“Il peut sembler qu’il y ait là contradiction ou inconséquence, comme si l’âme isolée et séparée ne pouvait avoir de sens et décrire son isolement que par ce qu’elle retiendrait encore de la vie incarnée, premier sol de toute signification, comme si le sens incorporel ne pouvait abandonner le ‘sens des sens’ dans l’instant même où il prétendrait s’en exempter totalement7.”
Mais, souligne-t-il ensuite, une telle critique manquerait de penser vraiment la nudité corporelle : celle-ci est toujours seconde, circonstanciée, historique. Ce qui est intéressant ici, c’est justement de considérer les circonstances de cette évocation, et donc le paradigme à l’intérieur duquel s’insère la désignation du corps comme “vêtement de peau” qui, ôté, nous laisse nus pour combattre.
Quel sens a la nudité corporelle dans ce contexte “sportif”, et pourquoi évoquer un tel contexte ? Cette interrogation permettra de comprendre tout à fait ce qui motive ici la reprise de l’antique métaphore.
Le sage comme athlète spirituel
Il faut d’abord souligner que la comparaison du sage ou de l’apprenti philosophe à un athlète est un lieu commun de la philosophie à partir de la période hellénistique. On la retrouve notamment maintes fois chez Philon d’Alexandrie8, pour décrire la constance de l’homme vertueux qui peut désarmer les coups du sort par son endurance (comme un lutteur qui encaisse sans rien céder, et par là use son adversaire) ou pour insister sur les exercices (l’ascèse), l’entraînement total de l’être que suppose la vertu ; on la trouve également chez Sénèque9, pour décrire l’inexpugnabilité du sage, et encore chez Plotin dans le même sens, dans un passage du traité 46 où le stoïcisme est très présent10. Épictète11 mentionne les Jeux olympiques et le régime sévère que leur préparation suppose, régime dont on doit d’abord se demander si l’on sera capable de le soutenir jusqu’au bout ; le prétendant à la philosophie doit de même examiner ses forces, et jauger de sa capacité à persévérer dans la discipline sévère à laquelle il va s’engager.
Cette métaphore du sage comme un “athlète spirituel” (ἀθλητής, ἀσκητής) est également très présente dans un contexte chrétien et généralement développée à partir d’une citation de la lettre aux Philippiens de Paul12 qui emploie cette même métaphore. “Nous sommes des athlètes, et nous combattons dans un stade spirituel”13, affirme aussi Ambroise qui file abondamment la métaphore.
Mais que la vie chrétienne, ou philosophique, soit pensée comme une lutte nécessitant un entraînement et une vigilance permanente n’implique pas forcément d’évoquer la nudité athlétique.
Signification de la nudité athlétique
Pourquoi Porphyre l’évoque-t-il ? En s’appuyant sur l’étude évoquée de Jean-Louis Chrétien, on peut avancer les deux raisons suivantes.
la vérité du soi
D’une part, la nudité athlétique n’est pas n’importe quelle nudité. La nudité athlétique correspond à un idéal viril de beauté, de perfection, de santé. C’est donc une nudité qui montre la beauté propre, la façon dont le sportif (qu’est tout citoyen dans le gymnase) s’est approprié, par son travail, son propre corps et ainsi elle révèle déjà son âme : s’opposant aux beautés d’emprunt, aux fards, aux ornements factices, elle ne trompe pas. Il s’agit de se montrer soi, soi seul, de montrer sa valeur, de montrer sa vertu à l’état pur (comme c’est le cas de la nudité eschatologique de l’âme, dans le Gorgias). L’image est donc bien appropriée pour décrire ce soi essentiel auquel Porphyre invite à revenir et elle résonne avec une autre métaphore courante dans la tradition platonicienne, qui est celle de la statue que l’on sculpte progressivement par la pratique philosophique. Dans la littérature grecque, notamment de l’époque impériale, il n’est pas rare de voir le corps de l’athlète comparé à une statue14.
l’absence de prise
D’autre part, la nudité de l’athlète n’a pas qu’une raison esthétique, mais aussi une raison pratique15 : le corps nu présente moins de prise, il glisse, s’échappe plus aisément. La nudité de l’athlète est donc aussi liberté et atout dans la lutte. Une interprétation “spirituelle” de cette utilité de la nudité athlétique se trouve dans un sermon de Grégoire le Grand (VIe s. p.C.), plus tardif donc que notre texte, mais il semble qu’elle peut bien s’y appliquer :
“Les esprits du mal ne possèdent rien en propre en ce monde. C’est donc nus que nous devons lutter avec des êtres nus. Car si un homme tout habillé lutte avec un homme nu, il est vite jeté à terre, parce qu’il offre des prises. Et que sont en effet tous les biens terrestres, sinon des sortes de vêtements pour le corps ?16”
Jean-Louis Chrétien commente ainsi : “nous tombons et nous sommes défaits lorsque nous multiplions ce par quoi on peut nous saisir” ; or, n’est-ce pas ce qu’exprime la dernière métaphore platonicienne présente dans notre texte, celle du clou des passions ?
ὥστε μετὰ τῶν ἔργων ἀποστατέον καὶ τῆς πρὸς αὐτὰ προσπαθείας καὶ τοῦ πάθους. Τί γὰρ καὶ ὄφελος τῶν ἔργων ἀφιστάμενον ταῖς αἰτίαις, ἀφ’ ὧν καὶ τὰ ἔργα, προσηλῶσθαι;
“Aussi faut-il nous détacher non seulement des actes eux-mêmes, mais également de l’attirance et de la passion qui nous y portent. À quoi bon en effet se détacher des actes si l’on reste cloué aux causes qui les engendrent ?17”
Si les passions sont comme un “clou” comme l’affirmait déjà le Phédon18, c’est bien parce que c’est ce qui en nous donne prise au sensible. Comme la main que l’on tend peut être celle par laquelle on nous attrape et nous fait tomber, l’inclination (προσπαθεία) pour et vers le sensible est en même temps ce par quoi nous pâtissons (παθὴ) du sensible et ce par quoi il a prise sur nous.
Se dévêtir de nos diverses tuniques est donc à la fois la condition (οὐκ ἄνευ) et le point de départ (ἀρχὴ) du concours (τὸ ἀγωνίζεσθαι) : la lutte se trouve déjà dans sa préparation, de même que le mode de vie philosophique a pour condition sine qua non le détachement de ce qui nous “cloue” au sensible, en même temps qu’il consiste justement dans ce dépouillement progressif des différentes tuniques.
Les Jeux olympiques que le prestige rend autotéliques (pas de rémunération financière) sont enfin l’achèvement ultime du travail d’entraînement de l’athlète, comme le retour de l’âme à son principe est l’achèvement ultime du travail d’ascèse philosophique.
On voit donc comment Porphyre fait entrer en résonance cette métaphore du corps “tunique de peau” avec une autre métaphore classique de la tradition philosophique, celle du sage-athlète, afin de mobiliser une caractéristique précise du vêtement : non pas tant ce qui cache et recouvre, mais ce qui encombre, entrave et donne prise à l’extérieur19.
Dans un contexte d’exhortation, cette image forte et frappante a une fonction rhétorique ; mais il semble qu’elle exprime aussi précisément une dimension paradoxale du travail de l’ascèse (et donc du rapport au sensible voulu pour le philosophe), qui suppose à la fois maîtrise de soi, action volontaire, tension intérieure, résistance (se garder de faire certains actes) que l’on peut apparenter à une lutte ; et lâcher-prise, détachement (ne pas avoir le désir de) que l’on doit plutôt concevoir comme un dépouillement, un déshabillement.
Tout autre est la mobilisation de la même métaphore dans le texte où l’on trouve la seconde occurrence de l’expression “tunique de peau”, au livre II.
La tunique de peau du De l’abstinence 2.46
Le livre II est consacré au traitement religieux et surtout rituel de la question du végétarisme ; il s’efforce de répondre à un argument qui invoque la nécessité du sacrifice sanglant, du partage et de la consommation de viande qui s’ensuit. En refusant de participer à cet acte essentiel de la religion civique, le philosophe se mettrait en retrait de la cité et ferait acte d’impiété, n’honorant pas les dieux.
Une des réponses de Porphyre consiste à dire que le sacrifice sanglant n’est en réalité pas conforme à la volonté divine ; il s’engage pour cela dans un développement théologique et démonologique (sections 34-50) qui consiste à montrer que, si les sacrifices sanglants satisfont certaines entités supérieures, il s’agit des mauvais démons ! Or leur compagnie n’est pas du tout souhaitable, car ils constituent un obstacle à la remontée de l’âme. Cette difficulté, puisque l’on est dans un contexte rituel, Porphyre va l’exprimer en termes de pureté.
Exigence de pureté et lecture allégorique des rites
Si l’approche de la divinité, dans les sanctuaires ou lorsque l’on réalise un acte religieux, requiert un état de pureté (l’ἁγνεία), alors l’accès ou le retour de l’âme vers ce qu’il y a de divin (en elle et au-dessus d’elle, l’intellect) peut aussi être exprimé en termes de “pureté”, et d’une exigence de purification (κάθαρσις). Cette transposition20 est déjà effectuée par Platon dans le Phédon21 et reprise par la tradition platonicienne, par exemple chez Philon, Plotin et Porphyre. On retrouvera ainsi, chez Philon puis Plotin22, la métaphore des vêtements dont il faut se dévêtir pour entrer dans le sanctuaire (c.-à-d. se dépouiller des parties irrationnelles revêtues par l’âme dans sa descente, au contact du sensible).
Ce qui est le plus intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas dans cette tradition platonicienne d’une simple analogie qui compare le rapport concret de l’homme à la divinité dans le sanctuaire et le rapport plus intérieur de l’âme à la divinité. Cette analogie s’accompagne d’une lecture allégorique de formules religieuses et de rites, considérés comme un langage mystérieux qu’il convient de déchiffrer23. C’est dans ce cadre qu’il faut lire notre second texte, où la métaphore de la “tunique de peau” se trouve prise très précisément dans cette analogie, qui est en même temps lecture allégorique des rites.
οὐ γὰρ δὴ ἐν μὲν ἱεροῖς ὑπ’ ἀνθρώπων θεοῖς ἀφωρισμένοις καὶ τὰ ἐν ποσὶ καθαρὰ δεῖ εἶναι καὶ ἀκηλίδωτα πέδιλα, ἐν δὲ τῷ ναῷ τοῦ πατρός, τῷ κόσμῳ τούτῳ, τὸν ἔσχατον καὶ ἐκτὸς ἡμῶν χιτῶνα τὸν δερμάτινον οὐχ ἁγνὸν προσήκει διατηρεῖν καὶ μεθ’ ἁγνοῦ διατρίβειν ἐν τῷ ναῷ τοῦ πατρός;
“Car enfin, il est une chose qu’on ne peut admettre : dans les sanctuaires que les hommes ont délimités pour les dieux, même ce qu’on porte aux pieds doit être pur, jusqu’à la semelle des sandales qui doit être exempte de souillure ; et dans le temple du Père, c’est-à-dire dans ce monde, il ne serait pas requis de sauvegarder la pureté de notre ultime vêtement externe, c’est-à-dire notre tunique de peau, et de le tenir en état de pureté rituelle quand nous séjournons dans le temple du Père ?24”
La démarche allégorique de Porphyre
Contexte
On peut d’abord constater que le texte dresse un double parallèle assez simple : entre les sanctuaires et le monde qui est temple du Père d’une part, et entre l’exigence de pureté touchant aussi ce que l’on a aux pieds (chaussures ou sandales) et l’état de pureté de notre corps, désigné comme “ultime vêtement externe, tunique de peau”. Porphyre utilise ici deux métaphores anciennes, qui sont des lieux communs, pour mettre en parallèle ce que l’on exige pour l’accomplissement de devoirs religieux et ce que le philosophe devrait exiger pour sa vie tout entière.
Il est inutile de revenir sur la première, la métaphore du corps – tunique ; la seconde, la métaphore du monde comme temple de Dieu se trouverait peut-être déjà chez Aristote, dans le Peri philosophias, puis elle se trouve chez de nombreux auteurs antiques (Cicéron, Philon, Sénèque, Plutarque…)25.
Porphyre mobilise ces deux métaphores et les intègre à une analogie qui parcourt toute son œuvre : celle qui consiste à décrire la vie de l’esprit dans un vocabulaire qui a trait à la religion, et plus précisément au domaine rituel (sacrifice, prière, temple, prêtre…). Porphyre va par exemple décrire le dernier stade du parcours de l’âme, son union au divin, comme un “sacrifice intellectuel”, ou bien l’intellect du sage comme un sanctuaire dans lequel, prêtre, il va honorer Dieu par la sagesse (De l’abstinence, Lettre à Marcella notamment).
Analogie, allégorie, anagogie
Mais il ne s’agit pas d’une simple analogie, ni d’une simple transposition du vocabulaire par métaphore. Il me semble que l’usage de la métaphore a un lien étroit avec la méthode philosophique de Porphyre, qui se veut aussi philologique et exégétique. Elle se déploie par exemple dans la Philosophie des Oracles ou l’Antre des Nymphes et consiste à dégager, dans un certain nombre de traditions anciennes (les Oracles Chaldaïques, Homère, les sentences de Sextus, etc.), le contenu de pensée authentique, la volonté divine authentique : à dégager l’esprit, en quelque sorte, sous la lettre. Cette interprétation est elle-même considérée comme une étape du chemin de l’âme vers son salut, de son retour vers le divin. Cette méthode consiste donc à interpréter un certain nombre de textes, mais il me semble que Porphyre va jusqu’à se faire ici interprète des rituels. Cela n’a rien de révolutionnaire car il reproduirait simplement un mouvement déjà à l’œuvre, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, chez Platon et Plotin. Plotin allait jusqu’à voir dans l’architecture des sanctuaires un enseignement sur la façon adéquate d’approcher de la divinité26. L’analogie est alors motivée par l’allégorie, dont le déchiffrement a une vertu anagogique. Autrement dit, on peut comparer le progrès général de l’homme vers le divin et les exigences rituelles de la religion, car celles-ci signifient en réalité celui-là, et la compréhension de cette signification participe elle-même de ce progrès.
La métaphore de la “tunique de peau” est donc ici prise dans cette démarche allégorique plus globale, qu’elle va soutenir et alimenter : puisque le corps est le vêtement de l’âme (antiquité de la métaphore, non interrogée et presque utilisée comme un axiome), alors on peut considérer que les vêtements représentent le corps et donc que les prescriptions rituelles touchant le vêtement nous disent quelque chose de la façon dont on doit avoir un rapport avec notre corps. Alors que dans une métaphore classique, le comparant dit quelque chose du comparé, rend visible une vérité du comparé (le vêtement dit quelque chose du corps), ici, il semble que Porphyre invite, à partir de la métaphore, à faire le trajet retour. Le fait que le vêtement puisse dire quelque chose du corps sensible nous dit en retour quelque chose du vêtement dans le contexte précis qui est convoqué, c’est-à-dire celui de l’exigence de pureté rituelle dans un sanctuaire. En même temps, ce contexte restreint le sens de la métaphore : comparer le corps à un vêtement, ce n’est ici que dire qu’il est aussi soumis à l’exigence de pureté.
La métaphore “le corps est le vêtement de l’âme” est donc à la fois une sorte de lieu commun, d’association systématique qui sert à déchiffrer tel rite ou tel vers27 dans le cadre d’une lecture allégorique, et une phrase qui ne trouve son plein sens (une métaphore ravivée) que par l’allégorie précise qu’elle permet.
Sandales et tuniques de peaux
Dans ce texte, l’analogie porte sur un point très précis : elle vise à comparer l’exigence de pureté qui touche les chaussures ou sandales à celle que l’on devrait avoir pour notre corps. Il ne faut pas simplement considérer que Porphyre parle là de tout ce qui peut rentrer dans la catégorie du “vêtement”, de l’ornement extérieur (donc étranger, etc.), pour s’appuyer sur la métaphore platonicienne (le corps vêtement). La précision de l’évocation de règles concernant les chaussures et l’adjectif δερμάτινος sont au contraire déterminants.
Des sources épigraphiques (collectées via la base de données du CGRN28) attestent en effet de l’existence d’un certain nombre de prescriptions rituelles touchant les vêtements mais aussi les chaussures29. En les regardant de plus près, on voit que ce n’est pas tellement la saleté des chaussures, certainement recouvertes par la poussière de la route, qui pose problème : c’est leur matériau, le cuir, qui du fait de sa nature (de l’animal mort) est porteur d’impureté. À Éleusis par exemple, comme Porphyre le mentionne au livre 4.1630, toucher des bêtes mortes (θνησείδια) est cause d’impureté31.
Or ce qu’il met en parallèle avec la pureté des chaussures, c’est bien la tunique de peau, δερμάτινον. Le point de contact de la métaphore est donc ici non pas l’idée de recouvrement, d’enveloppement, mais précisément le matériau, la peau, le cuir (ce que signifie aussi l’adjectif δερμάτινος)32. Pour le faire apparaître, il faudrait traduire deux fois chaque terme de la métaphore : “ce vêtement de cuir qu’est notre ultime tunique externe, la peau”.
La métaphore du vêtement, de la tunique de peau exprime donc ici un enjeu précis de la condition incarnée auquel le philosophe doit faire face (et qui n’est pas celui de 1.31, l’attachement passionnel), enjeu dont un des lieux est le sacrifice sanglant et plus généralement, la consommation de viande. En effet, selon le principe de l’allégorie, le destinataire de Porphyre est amené à considérer, à partir du danger inhérent au sacrifice, le danger qui réside dans toute consommation de viande. Qu’est-ce à dire ?
Démons, viandes et sacrifices sanglants
La singularité de l’usage de la métaphore dans ce paragraphe nous semble être qu’elle nous invite à nous soucier du corps dans sa matérialité (sa charnalité) plutôt qu’en tant que cause des passions de l’âme. En effet, de même que ce n’est pas la saleté, mais le matériau (cuir) des chaussures qui est problématique, de même Porphyre souligne ensuite (section 2, dont le texte est donné ci-dessous) que le danger ne réside pas dans la souillure ou la saleté du corps (τὸ μεμολύνθαι, l’état qui résulte du fait d’avoir été sali, taché), mais dans le rapport matériel, physique de celui-ci aux viandes c’est-à-dire à l’ingestion du corps d’animaux morts, composé de chair et de sang.
εἰ μὲν γὰρ ἐν τῷ μεμολύνθαι αὐτὸν μόνον ὁ κίνδυνος ἔκειτο, ἐνῆν παριδεῖν ἴσως καὶ καταρρᾳθυμῆσαι· νῦν δὲ παντὸς τοῦ αἰσθητικοῦ σώματος ἀπορροίας φέροντος δαιμονίων ὑλικῶν, ἅμα τῇ ἀκαθαρσίᾳ τῇ ἐκ σαρκῶν καὶ αἱμάτων πάρεστιν ἡ ταύτῃ φίλη καὶ προσήγορος δύ αἱμάτων πάρεστιν ἡ ταύτῃ φίλη καὶ προσήγορος δύναμις δι’ ὁμοιότητα καὶ οἰκειότητα.
“Si le danger résidait dans sa seule souillure, on pourrait peut-être se permettre de le négliger et de se montrer insouciant à cet égard. Mais en fait tout notre corps sensible emporte les émanations des démons de la matière, de sorte que là où se trouve l’impureté due à la chair et au sang se trouve aussi présente la puissance qui en est l’amie et la correspondante, à cause de la similitude et de la communauté qui les unissent33.”
Rappelons d’abord d’une part, à la suite de Porphyre (2.44.2-4) que dans certains types de sacrifices, l’exigence de pureté rituelle s’explique moins par le respect avec lequel il faudrait approcher la divinité toute pure, que comme une mesure de protection. En effet, la question religieuse et rituelle ne doit pas être abordée de façon monolithique : selon une idée pythagoricienne rappelée à la section 34, il y a une correspondance ou une parenté (οἰκείωσις, ou οἰκείοτης) entre le type de sacrifice qu’on offre et la puissance à qui on l’offre34. À chaque puissance supérieure correspond un type de sacrifice différent : au dieu purement immatériel ne peut plaire rien de matériel, mais on peut lui offrir notre silence ou des pensées droites. À qui peuvent donc plaire le sacrifice sanglant, la chair et le sang, et la violence qu’elles supposent ? Les puissances qui se complaisent dans la violence et apprécient les odeurs des chairs qui brûlent sont nécessairement des puissances qui ont un certain substrat matériel, un corps (le pneuma), et qui sont plutôt dominées par cette partie irrationnelle de leur être. Elles sont donc marquées par une double impureté, ontologique (elles ne sont pas totalement intelligibles) et morale (elles sont soumises aux passions). Ces âmes qui :
“Au lieu de dominer la partie pneumatique qui leur est contigüe sont au contraire le plus souvent dominées par elle et qui subissent par cela même des agitations et des transports excessifs, lorsque les colères et les appétits de la partie pneumatique prennent leur essor, ces âmes-là sont aussi des démons, mais des démons malfaisants35.”
Suivant les thèses de Porphyre, les mauvais démons trouvent un double intérêt aux sacrifices sanglants, qui correspond à cette double impureté : le plaisir malsain de la violence, mais aussi le maintien et la persévérance dans l’être. Il se trouve que leur substrat matériel, leur corps, est sujet à la corruption et donc pris dans un processus permanent de flux entrants et sortants36. Or ce qui peut nourrir et engraisser ce pneuma, ce sont les effluves et les vapeurs de viandes cuites37. Ainsi se comprend l’empressement des démons à susciter des sacrifices en menaçant les hommes de catastrophes multiples et en se faisant passer pour des puissances que l’on doit constamment apaiser et se rendre favorables par de multiples rites.
De là apparaissent deux dangers : malfaisantes, ces puissances sont susceptibles de causer du tort gratuitement à ceux qui les approchent ; marquées par cette instabilité ontologique, elles laissent échapper certaines émanations (ἀπόρροιαι) dont on comprend qu’il faut se garder de les absorber. Car la situation cosmologique du démon doté d’un corps aérien, dans la hiérarchie des êtres, est la région sublunaire – les mauvais étant d’autant plus proches de la terre. Or, le but que se donne le philosophe est justement de donner à son âme la possibilité de quitter cette région, après sa mort, c’est-à-dire d’être dans un état de pureté ontologique suffisamment important pour habiter avec les dieux, avec les astres (donc dans la région supralunaire) voire de l’autre côté de la sphère des fixes. Être, d’une certaine manière, physiquement lié aux démons malfaisants c’est prendre le risque de ne pas pouvoir réaliser cette remontée.
Lorsque l’on s’apprête à entrer en contact avec ces puissances lors d’un sacrifice, il faut donc non seulement éviter de consommer les viandes sacrifiées qui attirent directement la présence des démons, mais aussi se préparer en amont par un certain nombre de purifications (dont le jeûne et l’abstinence de viande, mais aussi des passions), c’est-à-dire entretenir le moins possible ce qui en nous pourrait leur donner prise :
Ἐναντίως γὰρ διακείμενος [ἢ] οἷς δρᾷ καὶ θειοτέρως, ὅτι καὶ καθαρωτέρως, καὶ κατὰ σῶμα καὶ κατὰ τὰ πάθη τῆς ψυχῆς μένει ἀβλαβής, οἷον ἔρυμα περιβεβλημένος τὴν ἁγνείαν.
“Ainsi en effet l’état dans lequel on se trouve est à l’opposé des opérations que l’on accomplit ; il est plus divin parce que plus pur ; et, relativement au corps comme aux passions de l’âme, on reste hors d’atteinte, puisque l’on s’est entourés de la pureté comme d’un rempart38.”
Si notre corps est susceptible de ramasser, en quelque sorte, ce qui émane du corps des démons qui se nourrissent de la chair et du sang des sacrifices et que les théologiens ont prévu des opérations de purification pour nous en protéger, pourquoi ne faudrait-il pas également éviter de susciter leur présence dans notre vie quotidienne ? Si les démons sont attirés par la chair et le sang, alors c’est toute consommation de viande qu’il faut éviter car :
“là où se trouve l’impureté due à la chair et au sang se trouve aussi présente la puissance qui en est l’amie et la correspondante, à cause de la similitude et de la communauté qui les unissent”? (Porph., De Abst., 2.46.2, trad. Bouffartigue et Patillon 1979, 112)
Le danger lié à la proximité des démons avec la chair et le sang d’animaux morts ne peut être limité au seul contexte rituel : c’est la matérialité de “tout notre corps sensible” (παντὸς τοῦ αἰσθητοῦ) qui doit être protégée de cette souillure. Cette extension de la nécessité de l’abstinence passe par la lecture allégorique du sanctuaire comme image du monde, et des sandales comme image de ce vêtement en cuir qu’est notre corps. Les prescriptions rituelles ont une justification physique ; cette justification physique doit nous conduire à ne pas les considérer comme des contextes extraordinaires de contact avec le divin, mais à les interpréter comme des images du mode de vie que nous devrions adopter.
Il est important de considérer ici toute l’expression métaphorique (tunique de peau), qui invite à considérer particulièrement la matérialité du vêtement : l’ancrage concret de la métaphore est moins celui du tissu qui encombre et donne prise que celui du matériau qui peut retenir des effluves néfastes présents dans une certaine atmosphère. Le cuir, peau morte, attire et retient de façon privilégiée les effluves des démons malfaisants amateurs de chair et de sang. Il ne faut pas d’abord se débarrasser du vêtement, mais éviter des fréquentations et des contacts physiques précis (notre chair – la chair d’animaux morts).
Quelle attitude envers les rites ?
Il faut enfin souligner quelle est l’attitude envers les rites à laquelle Porphyre invite son destinataire philosophe. La lecture allégorique n’implique pas l’abolition du comparant : il ne faut pas se débarrasser des rites quand on aurait compris leur sens profond. Au contraire, cette compréhension plus profonde permet de les accomplir enfin véritablement, adéquatement. Dans son ouvrage De l’abstinence, Porphyre met en garde contre un double écueil.
Le premier est un écueil “ritualiste”, qui consisterait à penser qu’il suffit de respecter à la lettre les règles de pureté (s’abstenir de certains aliments pendant les durées règlementaires) pour être dans un véritable état de pureté rituelle. On croit alors que l’impureté ne survient que par contact, mais on oublie que sa cause réside surtout dans nos désirs, nos passions, nos pensées.
Le second est un écueil “spiritualiste” qui soutiendrait que, du moment que la pureté intérieure est préservée, alors ce qui arrive à notre corps importe peu et l’on peut sans danger manger toute sorte d’aliments, même impurs, et ici précisément de la nourriture carnée (absorber donc de la chair et du sang). L’on pourrait se montrer insouciant, négligent à l’égard du corps39.
Porphyre précise justement que la pureté rituelle est intérieure et extérieure, qu’il faut jeûner à l’égard des passions de l’âme comme à l’égard des aliments qui éveillent ces passions. En voulant convaincre Firmus de la nécessité d’un certain régime alimentaire (abstinence de viande), Porphyre insiste sur la connexion intime qui existe entre ces deux types de jeûnes. Les deux occurrences de la métaphore du corps tunique de peau appartiennent à ce genre de contexte :
“Aussi faut-il nous détacher non seulement des actes eux-mêmes (τῶν ἔργων), mais également de l’attirance et de la passion qui nous y portent (τῆς πρὸς αὐτὰ προσπαθείας καὶ τοῦ πάθους). À quoi bon en effet se détacher des actes si l’on reste cloué aux causes qui les engendrent ?” (De Abst., 1.31.5)40
“La pureté rituelle, intérieure et extérieure, est donc le fait de l’homme divin, qui s’efforce de pratiquer le jeûne à l’égard des passions de l’âme (παθῶν ψυχῆς) comme il le pratique à l’égard des aliments susceptibles d’éveiller les passions (βρώσεων αἳ τὰ πάθη κινοῦσιν)…” (De Abst., 2.45.4)41
Conclusion
Il est ainsi frappant de constater les deux usages distincts que fait Porphyre de la même métaphore du corps, tunique de peau. Il s’agit d’une variation sur la métaphore platonicienne traditionnelle, variation qui n’est elle-même pas innovante (elle a des antécédents bibliques, chrétiens et gnostiques). Mais Porphyre a soin, en mobilisant d’autres métaphores traditionnelles (le sage-athlète, le monde-temple) de relier cette métaphore à des contextes réels précis (le stade, le sanctuaire et le sacrifice). Il me semble qu’il faut donc regarder en détail ces usages pour comprendre ce que la métaphore ainsi ravivée permet à Porphyre de penser et d’exprimer.
Dans un cas, la métaphore de la tunique permet de décrire la façon dont notre corps mais aussi tout ce qui en nous vient de notre voisinage avec le sensible (sensation, imagination, désir…) constituent autant de prises par lesquelles nous sommes retenus en bas, et nous invite à ne pas négliger le dépouillement intérieur.
Dans le second cas, elle permet de décrire la façon dont la matérialité de notre corps est à même d’être imprégnée par une certaine présence démonique qui nous empêchera d’autant plus de nous en détacher, comme le poison imprégnant la tunique de Nessos la colle au corps d’Hercule et l’empêche de se détacher de ce qui le fait périr. La métaphore nous invite alors à ne pas négliger le dépouillement extérieur qu’est l’abstinence de viande et l’accomplissement de certains gestes.
Dans le discours porphyrien, la métaphore peut être utilisée pour sa puissance expressive, mettant sous les yeux du lecteur cette lutte singulière qu’il faut entretenir avec les passions, lutte faite aussi de détachement (ce qui est appréciable dans un contexte d’exhortation) ; ou bien mobilisée dans le cadre plus large d’un déchiffrement de signes, qui instruit autant sur la réalité signifiante (rites) que sur la réalité signifiée (la condition incarnée). Il me semble que cette exploitation fine de la métaphore est bien la preuve de sa maîtrise.
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Notes
- Cf. le débat : Derrida, “La mythologie blanche. La métaphore dans le texte philosophique” (1971), éd. Derrida 1972 et“Le retrait de la métaphore” (1978) éd. Derrida 1987 ; Ricoeur 1975 (8e étude).
- Voir l’article de L. Lavaud dans le même volume.
- Nous adoptons la numérotation de l’édition et traduction aux Belles-Lettres, par Bouffartigue et Patillon 1977 (vol. 1), 66. Le vol. 2 (livres 2 et 3) est paru en 1979.
- Porph., De l’abstinence (désormais De Abst.), 1.31.3. Traduction Bouffartigue et Patillon 1977, 66. Nous soulignons.
- Le passage au pluriel de l’adjectif désignant pourtant la même tunique charnelle s’explique ici par le pluriel du verbe ἠμφιέσμεθα : il désigne donc les tuniques visibles, charnelles de tous les hommes, Porphyre et Firmus en premier.
- Porph., De Abst., 1.31.4.
- Chrétien 1990, 35.
- Par exemple Quod omnis probus 26-27 ; De congressu 24, Sob. 65, Leg. 3.93, etc.
- Const., 9.5 : ex hoc puta genere sapientem, eorum qui exercitatione longa ac fideli robur perpetiendi lassandique omnem inimicam vim consecuti sunt. “Considère le sage comme un de ces lutteurs qui, par un long et consciencieux entraînement, acquièrent la résistance nécessaire pour soutenir et lasser toutes les attaques de l’adversaire.” (Trad. Waltz 1959, 48).
- Traité 46 (I, 4), 8.24ss. “Il ne faut pas ignorer l’art de la lutte ; il faut prendre ses dispositions comme un habile athlète (οἷον ἀθλητὴν μέγαν), dans la lutte contre les coups du sort ; il faut savoir qu’ils sont insupportables pour certaines natures, mais qu’ils sont supportables pour la sienne ; ils ne sont pas terribles, et seuls des enfants les redoutent !” (Trad. Vidart 2009).
- Arr., Epict. Diss., 29.
- Phil., 3.13-14 : “Je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus.” Trad. Bible de Jérusalem 1999.
- Helia, 21.79 (trad. Canellis 2020, 266-267).
- À la fin du Ier s. p.C., Dion de Pruse le dit explicitement du pugiliste Mélancomas (discours 28 et 29). Au IVe s. p.C., Jean Chrysostome décrit “les athlètes olympiques debout au milieu du théâtre en plein midi, sur la piste comme dans un four, et recevant les rayons du soleil sur leur corps nu, comme des statues de bronze” (Nom. mut., 2,1. PG 51.125). Sur ce thème, voir Visa-Ondarçuhu 2010.
- C’est même historiquement la première raison, selon Plat., Rep., 452c-d : “Il n’y a pas si longtemps qu’aux yeux des Grecs certaines choses paraissaient honteuses et ridicules qui le sont encore aujourd’hui aux yeux de la majorité des Barbares, à savoir que des hommes se laissent voir nus. Rappelons-leur aussi que lorsque les Crétois les premiers, puis les Lacédémoniens commencèrent à s’exercer à la gymnastique, pour des gens raffinés de ce temps là, tout cela était objet de raillerie : ne le crois-tu pas ? Mais, lorsque, je pense, au jugement de ceux qui faisaient tous ces exercices, il appartu préférable de se dévêtir que de demeurer vêtu, même ce qui semblait ridicule à leurs yeux disparut devant ce que les arguments révélaient comme ce qu’il y a de meilleur”. (Trad. Leroux 2002, 265).
- Nous citons le texte dans la traduction donnée par Chrétien 1990, 41. Nous soulignons.
- Porph., De Abst., 1.31.5. Nous soulignons.
- 83d1-2 : ὅτι ἑκάστη ἡδονὴ καὶ λύπη, ὥσπεη ἧλον ἒχουσα, προσηλοῖ αὐτὴν πρὸς τὸ σῶμα. Nous soulignons.
- On retrouve cet usage chez August., Conf., 8.11.26 : “Elles me retenaient, ces bagatelles de bagatelles, ces vanités de vanités, mes vieilles amies ! A petits coups elles me tiraient par ma robe de chair (succutiebant vestem meam carneam).” (Trad. Tréhorel et Bouissou, BA 14, 1996, 61).
- Cf. Diès 1913.
- 67b2.
- Philo, Legum, 22.56 ; Plot., Traité 1 (I, 6), 7.6-8 : “l’atteinte du Bien concerne ceux qui remontent vers la région supérieure et se sont retournés vers lui et se sont dévêtus de ce dont nous, en descendant, nous sommes revêtus (comme il en est pour ceux qui montent vers les sanctuaires des temples, où interviennent purifications, abandons de vêtements d’avant et remontée dans la nudité)” (Trad. Achard et Narbonne 2012, 11).
- Plat., Phd., 69c2-4 : “Il y a chance, ajouterai-je, que ceux-là même à qui nous devons l’établissement des initiations ne soient pas sans mérite, mais que ce soit la réalité depuis longtemps cachée sous ce langage mystérieux (πάλαι αἰνίττεσθαι)”. (Trad. Robin 1926, 21).
- Porph., De Abst., 2.46.1. Trad. Bouffartigue et Patillon 1977, 112. Nous soulignons.
- Voir Festugière 2014, 233-238 ; 538 ; 568.
- Traité 9 (VI, 9), 11.16-32 : “Il n’était plus parmi les belles choses, et sa course l’avait déjà conduit au-delà du beau et il avait même déjà dépassé le chœur des vertus, comme celui qui est rentré à l’intérieur d’un sanctuaire, après avoir laissé derrière lui les statues élevées dans le temple, et qui sont cependant les premières qu’il verra lorsqu’il sortira à nouveau après la contemplation et l’union qu’il aura eues à l’intérieur, non pas avec une statue ou avec une image, mais avec le dieu lui-même. Les statues ne feront l’objet que d’une contemplation secondaire. Il faut le dire, tout cela ce ne sont que des images ; elles suggèrent donc énigmatiquement aux interprètes avisés comment ce dieu peut être vu ; mais un prêtre avisé, qui trouve la solution de l’énigme, peut voir la contemplation véritable en entrant dans le sanctuaire. Et même s’il n’y entre pas, parce qu’il estime que ce sanctuaire est une chose invisible, et qu’il est ‘la source et le principe’, il saura qu’on voit le principe par le principe et que le semblable s’unit au semblable.” (Trad. Dufour 2003).
- Cf aussi Porph., De antr. nymph., 14.207-217.
- Collection of Greek Ritual Norms. Ce projet porté depuis 2017 par l’université de Liège est accessible à l’adresse : http://cgrn.ulg.ac.be.
- CGRN 222 (mystères d’Andania, Ier s. p.C.), face A, l. 22-2) : μὴ ἐχέτω δὲ μηδεμία χρυσία μηδὲ φῦκος μηδὲ ψιμίθιον μηδὲ ἀνάδεμα μηδὲ τὰς τρίχας ἀνπεπλεγμένας μηδὲ ὑποδήματα εἰ μὴ πίλινα ἢ δερμάτινα ἱερόθυτα· “Qu’aucune femme ne porte de (parure en) or, ni de fard rouge ou blanc, ni de bandeau, ni de cheveux noués, ni de sandales, si elles ne sont pas en feutre ou en cuir provenant d’animaux offerts en sacrifice aux dieux”.
CGRN 90 (sanctuaire d’Alektrona à Ialysos, IVe s. a.C.), l.19-30 : νόμος ἃ οὐχ ὅσιον ἐσίμειν οὐδὲἐσφέρειν ἐς τὸ ἱερὸν καὶ τὸ τέ-μενος τᾶς Ἀλεκτρώνας· μὴ ἐσί-τω ἵππος, ὄνος, ἡμίονος, γῖνος,μηδὲ ἄλλο λόφουρον μηθὲν μη-δὲ ἐσαγέτω ἐς τὸ τέμενος μη-θεὶς τούτων μηθὲν μηδὲ ὑποδή-ματα ἐσφερέτω μηδὲ ὕειον μη-θέν, ὅ τι δέ κά τις παρὰ τὸν νόμονποιήσηι, τό τε ἱερὸν καὶ τὸ τέμενοςκαθαιρέτω καὶ ἐπιρεζέτω, ἢ ἔνο-χος ἔστω τᾶι ἀσεβείαι “Loi concernant ce qu’il n’est pas pieux de faire entrer ou d’apporter à l’intérieur du sanctuaire et de l’enceinte d’Alektrona : que n’entre ni cheval, ni âne, ni mulet, ni bardot ni aucun autre équidé. Que l’on ne conduise aucun de ces animaux dans l’enceinte et qu’il n’y soit apporté ni chaussure ni quoi que ce soit en cuir de porc. Quiconque contreviendra à la loi devra purifier à la fois le sanctuaire et l’enceinte, et sacrifier en sus, ou sera passible d’une charge d’impiété”.
CGRN 181 (sanctuaire d’Eresos, Ier s. a.C.), l.1 ; 15-18
Σ εἰστείχην εὐσέβεας
[…]
[μη]δὲ εἰς τὸν ναῦον εἰσφέρην v σίδαρον
vvv μηδὲ χάλκον πλὰν νομίσματος
vvv μηδὲ ὐπόδεσιν μηδὲ ἄλλο δέρμα
vvv μῆδεν.
[…] entrer en état de pureté :
[…]
“n’introduire dans le temple ni fer ni bronze, sauf de la monnaie, ni sandale, ni aucune autre peau”.
Nous utilisons la traduction proposée par le CGRN, et soulignons. - Porph., De Abst., 4.16.6. Éd. Patillon et Segonds 1995, 27.
- Il faut préciser que le contexte de la mort de l’animal peut faire varier sa valeur : on trouve ainsi parfois la distinction entre l’animal mort, et l’animal sacrifié qui lui n’est plus porteur d’impureté. Voir n. 27, CGRN 222. Cf. sur le sens de θνησείδια notamment : Parker 1983, 52 n. 78 ; Patillon et Segonds 1995, 86 n. 248.
- Dans certains cas, on a proposé d’autres interprétations de prescriptions concernant les chaussures : Wächter, 1910, 24 (la sangle qui fixe la chaussure au pied est une force contraignante et gênante). Voir aussi Heckenbach 1911, 23-31 et Parker, 1983, 53 n. 78. La plupart du temps, c’est toutefois bien le matériau qui semble poser problème.
- Porph., De Abst., 2.46.2. Bouffartigue et Patillon 1977, 112.
- Règle rappelée par Jamblique dans son débat avec Porphyre sur ces thématiques rituelles : Réponse à Porphyre (De mysteriis), 5.14, p. 218. Voir l’édition par Saffrey et Segonds 2013, 162.
- Porph., De Abst., 2.38.4. Bouffartigue et Patillon 1977, 105.
- Καὶ γὰρ ἀπορρε͂ιν αὐτοῦ τι συνεχῶς εἰκός ἐστι καὶ τρ́φεσθαι. “Il est vraisemblable qu’il subit continuellement des écoulements et des enrichissements” (Porph., De Abst., 2.39.2).
- “Ce sont eux qui prennent plaisir ‘aux libations et à l’odeur des viandes’, dont s’engraisse la partie pneumatique et corporelle de leur être. Car cette partie vit des vapeurs et des exhalaisons, d’une vie diverse nourrie d’effluves divers ; elle tire sa force des fumets qui montent du sang et des chairs brûlés.” (Porph., De Abst., 2.42.3). Trad. Bouffartigue et Patillon 1977, 109.
- Porph., De Abst., 2.44.4. Bouffartigue et Patillon 1979, 111.
- Voir le discours retranscrit par Porphyre en De Abst., 1.42.2-3 (Bouffartigue et Patillon 1977, 75) : “Les aliments ne nous souillent pas… car nous dominons tous les aliments”.
- Bouffartigue et Patillon 1977, 66-67.
- Bouffartigue et Patillon 1979, 111-112.