Le déchiffrement contre la description : le débat empoisonna les années d’adolescence de l’égyptologie.
Jean Lacouture, Champollion, une vie de lumières, 1988, p. 325.
Les extraordinaires levers de cartes associés aux guerres de la Révolution et de Napoléon provoquent une transformation du statut de la carte en relativement peu de temps. Au cours de cette période, la carte à grande échelle descend plusieurs marches dans sa longue descente d’instrument des rois qu’elle était au statut de document commun. Les implications pour l’ensemble de la société sont profondes, mais n’ont jamais été étudiées. Il est évident qu’un accès et une familiarité accrus avec les cartes améliorent l’administration militaire, locale et nationale. Ces facteurs ont également pu changer la façon donc l’État est conçu. Beaucoup moins important pour la société dans son ensemble, mais plus important pour la géographie, l’accès accru aux cartes tend aussi à banaliser la carte1. Comme on l’a décrit, cela a des conséquences pour la discipline, qui durant des siècles avait été étroitement et fructueusement associée à la cartographie. Au début du XIXe siècle, un certain nombre de géographes sont prêts à accepter l’idée que le futur de l’entreprise intellectuelle de la géographie ne se situe plus dans ce domaine. Mais plus nombreux sont ceux qui ne sont pas du tout préparés à abandonner la carte. Plutôt que cela, la plupart cherchent à faire glisser leur affiliation vers une carte plus métaphorique dans laquelle le but de la recherche ne serait plus tant la création et la production de la carte en elle-même, mais l’ajout de quelque chose à la carte du monde dans un sens plus abstrait. Au cours du XIXe siècle, le long flirt de la géographie avec l’exploration, « le remplissage de la carte », l’histoire des découvertes et de l’exploration et les progrès de la connaissance géographique sont la manifestation la plus claire et la plus continue de cette nouvelle perception de la géographie. Débutant vraiment dans les années 1820, cette conception de la géographie s’affirme rapidement et pour un temps, au moins, semble offrir continuité, statut, structure et possibilités sans fin pour l’action, la contemplation et la croissance. Cela génère une large littérature autour du thème de l’histoire, de l’exploration et de la cartographie du monde par les Européens, auxquelles tous les pays d’Europe semblent avoir contribué. Les géographes du XIXe siècle les plus représentatifs de cette tendance viennent d’Espagne, de France, d’Italie, du Portugal, d’Allemagne et de Grande-Bretagne, approximativement dans cet ordre. Parmi les chercheurs français notables en ce domaine, on compte Marie-Armand-Pascal d’Avezac de Castera-Macaya, Casimir Delamarre, Ludovic Drapeyron, Jules Théodore Ernest Hamy, Gabriel Marcel, Charles de la Roncière et le baron Charles Athanase Walckenaer. Parmi les savants les plus influents travaillant dans ce genre, certains ne sont pas français, mais sont reconnus comme des autorités par les géographes français, en particulier C. Raymond Beazley, Henry Harisse, Konrad Kretschmer, Joachim Lelewel, Martín Fernández Navarette, A. E. Nordenskjold, Sophus Ruge et le Vicomte Manuel Francisco de Santarem. À travers leur intérêt pour l’histoire de l’exploration et la documentation destinée à la cartographie, ces géographes lancent essentiellement l’histoire de la cartographie comme un sous-domaine viable2. Au sein de ce mouvement très général, quelques géographes, spécialement ceux formés au lever à grande échelle, s’attachent avec plus de ténacité à la cartographie comme objectif primordial, prévenant que tout écart avec cette vraie piste mettrait en grand danger la géographie. Le plus influent de ces carto-géographes confirmés est Edme-François Jomard [1777-1862].
C’est au début des années 1820 qu’un groupe de huit collègues se réunit pour fonder une société de géographie. Six seulement de ces personnages se seraient eux-mêmes décrits comme des géographes : Edme-François Jomard, Conrad Malte-Brun, Jean-Denis Barbié du Bocage, Elisabeth-Paul-Édouard de Rossel, Jean-Antoine Letronne et le Baron Walckenaer. Malte-Brun, celui des huit du rang le plus bas du fait qu’il est le seul à ne pas être membre de l’Académie des Inscriptions, est, néanmoins, peut-être le plus important de ces fondateurs. Il a fondé en 1807 les Annales des Voyages. On peut soutenir que ce journal, dédié à la recherche géographique et à la publication des résultats de voyage, sert de modèle à la Société de Géographie. C’est donc ce groupe de huit qui fonde la première société de géographie en Europe et à travers les contacts interdisciplinaires et gouvernementaux de l’ensemble de ses membres, c’est lui qui fixe les thèmes dominants et le ton de la géographie française jusque dans les années 1870.
Les règles gouvernant la société sont présentées dans le premier volume de son Bulletin, publié en 1822. Selon le premier article des buts annoncés de la Société, celle-ci est fondée pour faire avancer la connaissance géographique, encourager les voyages d’exploration, rester en contact avec les voyageurs et géographes, publier leurs récits, distribuer des prix et faire graver des cartes3. La confection de cartes est ainsi mentionnée dans le premier article des règles de la Société mais la mention est mise en sourdine. La Société ne s’intéresse pas au lever et à la compilation des cartes, ou même à diriger leur compilation, mais uniquement à leur publication. La plupart des fondateurs conçoivent la Société comme une sorte d’entrepôt mondial pour ceux intéressés à l’amélioration métaphorique de la carte du monde.
Si quelque chose mérite d’être souligné, c’est que l’absence relative des cartes dans la Société s’accroît avec le temps. Le Bulletin ne produit ou ne reproduit que quelques cartes de son cru, et si elle mentionne de temps en temps les cartes, c’est une activité en déclin et menée de manière décousue. En très peu de temps, les cartes n’apparaissent plus que comme un des multiples outils que le géographe peut mettre en œuvre, et en aucune façon, le plus commun et le plus crucial. Le Secrétaire général de la Société de 1827 à 1830, La Renaudière, place de manière très marquée la description textuelle synthétique au-dessus de toute autre forme d’expression. Pour lui, une description riche prenant en compte la nature du terrain, les systèmes agricoles, les raisons de la richesse de la nation et les caractéristiques des races qu’elle abrite, survivra certainement à l’écoulement du temps, alors « qu’il est de la nature des travaux scientifiques qu’ils vieillissent rapidement. Les Statistiques vieillissent encore plus vite. Très peu de temps après avoir été écrites, elles ne sont plus exactes ». Sa vue de la géographie de ses prédécesseurs dominée par l’approche cartographique, est sans équivoque : « La description du terrain est un travail vulgaire si elle ne se limite pas à la classification des faits observés »4.
Peut-être plus impressionnants sont les cas où des problèmes retenus par la Société, et qui sont essentiellement relatifs à la localisation et à la cartographie, ne sont pas traités comme ils devraient l’être. Un cas frappant se trouve dans le numéro de 1830 de la publication Recueil de voyages et mémoires de la Société. Cette publication est consacrée à un essai couronné d’un prix sur l’orographie de l’Europe (la description des formes de relief, incluant montagnes, vallées et systèmes fluviaux, jointe à la mention de l’altitude de certains points). Les organisateurs de la compétition ont mentionné que les concurrents devraient présenter leurs données sous forme de textes ou de tableaux. En conséquence, l’essai vainqueur est composé de textes et de tableaux d’une extraordinaire complexité décrivant une information qui aurait été beaucoup plus aisément exprimée et comprise sous forme cartographique. Les examinateurs soulignent l’utilité de la carte à petite échelle que l’auteur a inclue pour ceux qui sont incertains de la localisation des Pyrénées ou des Alpes, mais ne regrettent pas l’absence de cartographie à grande échelle5.
La plus claire expression de l’éloignement de la Société vis-à-vis de la cartographie et des cartographes se trouve dans les tendances de son recrutement. Les ingénieurs anciens élèves de l’École polytechnique et de l’École des Ponts-et-Chaussées représentent une portion significative de ses membres dans les années 1820. En 1852, ils ont quitté la Société comme l’ont fait la plupart des cartographes et des graveurs6. Au cours des années 1830, le Bulletin reçoit nombre de lettres de Corabœuf, un géodésiste (et un ancien membre de l’expédition d’Égypte) sur la cartographie des Pyrénées et la solution de problèmes variés de cartographie, de géodésie et de topographie. De telles communications sont cependant rares et la Société ne semble pas suivre de près les nombreuses entreprises cartographiques du XIXe siècle. Pierre Jacotin est membre de la Société dès sa création. Comme mentionné dans le chapitre 2, il a eu une illustre carrière cartographique qui l’a amené en Corse, en Égypte et en Espagne et a fait de lui un des responsables de la conceptualisation et du dessein de la nouvelle Carte de France au 1/80 000. Quand il meurt en 1827, son éloge funèbre par le Secrétaire général le décrit non pas comme un géographe important, mais comme un de ces « savants dont la vie entière a été consacrée à l’exploration d’une branche spéciale de la connaissance humaine »7.
Les deux historiens qui ont étudié l’histoire de la Société de Géographie l’ont fait du point de vue du contexte social8. Cela veut dire que leurs histoires, quels que soient leurs mérites à d’autres points de vue, ont tendu à ignorer le caractère essentiel de la Société, c’est-à-dire la géographie et sa nature changeante. Lejeune rapporte une précoce dispute intervenue entre les membres fondateurs de la Société qu’il identifie par l’absence soudaine et prolongée de Jomard aux premières réunions de la Société. Lui, aussi bien que Fierro, attribuent cette apparente querelle à la différence d’âge entre ces personnes et au refus de Jomard d’être marginalisé parce qu’étant le plus jeune membre du groupe9. Cependant, au moment de la fondation de la Société, Jomard est déjà au milieu de ses quarante ans et un savant reconnu selon tous les critères. Seuls Barbié du Bocage et Rossel sont significativement plus âgés que lui. Letronne a dix ans de moins. Malte-Brun n’a que deux ans de plus que Jomard. La différence d’âge a donc peu de chance de constituer un problème, sauf si elle se double d’une profonde différence d’opinion. Il est probable que s’il y a une querelle ou une différence de vue entre les fondateurs, avec Jomard seul dans son camp, la cause n’en est vraisemblablement pas un problème d’âge ou de rang, mais plutôt un problème de contenu ou de principe. Les documents sont silencieux à ce sujet, mais les chances sont, comme j’espère le suggérer, que le différend tournait autour du rôle que la carte et la cartographie devaient assumer dans la nouvelle société géographique.
Jomard est l’un des plus fascinants et en même temps des plus décevants des géographes du premier XIXe siècle. Mort à 85 ans, son expérience s’étend de l’Ancien Régime à la Révolution et ses multiples phases, au Consulat, au Premier Empire, à la Restauration (dans ses versions douce ou dure), à la Monarchie de Juillet et au Second Empire. La première moitié du XIXe siècle n’est pas seulement une période d’expérimentation politique et sociale en France, mais aussi une époque de développements majeurs dans les sciences de la vie, les mathématiques, la physique, l’astronomie et les sciences sociales encore naissantes.
Jomard vit dans ce contexte et joue un rôle majeur dans une large variété d’activités sociales et scientifiques. Il appartient en effet à la première fournée d’étudiants produite par la fameuse École Polytechnique, avec André Jean François Marie Brochant de Villiers, Louis Benjamin Francœur, Étienne Louis Malus, Antoine-Léonard Chézy, Étienne Augustin de Wailly, Joseph Michel Dutens, Gilbert-Joseph-Gaspard comte de Chabrol de Volvic, Tupinier, Joseph Bernard Pons, Louis Clair de Beaupoil comte de Saint-Aulaire, Louis Poinsot, Jean-Baptiste Biot et le baron Charles Athanase de Wackenaer10. L’École polytechnique enseigne à la fois la science et la technologie, et à travers ses instructeurs et ses étudiants, en particulier Auguste Comte et Barthélémy Prosper Enfantin, elle élève en fin de compte l’ingénierie et la mentalité de l’ingénieur au niveau d’une idéologie que l’on peut embrasser en France comme une religion et qui est exportée à l’étranger comme une forme des Lumières. Jomard n’est en rien le moindre des produits de cette éducation. Comme ancien élève de l’École, il est un de ceux sélectionnés par Monge et Bonaparte pour l’expédition d’Égypte, dans laquelle il accompagne ce dernier et à peu près 150 savants. Il sert comme géographe produisant des cartes, explorant des ruines et rédigeant des rapports sur l’état de tel ou tel aspect du pays.
À son retour d’Égypte, il va à Londres pour participer aux négociations pour la récupération des Antiquités abandonnées au profit du Général Sir J. Hely-Hutchinson et pour copier la pierre de Rosette. Il joue ainsi un rôle instrumental dans le déchiffrement des hiéroglyphes – nous y reviendrons. Il est alors envoyé comme officier topographe dans l’armée de Bavière. En 1803, suite à la mort de deux autres responsables, Nicolas-Jacques Conté et Michel-Ange Lancret, il est rappelé de l’armée pour assumer le titre de secrétaire puis de président de la Commission en charge d’organiser et de publier les vingt-et-un volumes de la monumentale Description de l’Égypte. Il sert comme Président de la Commission de 1807 à 1822, de l’âge de 30 ans à celui de 45. Comme on l’a déjà indiqué, l’expédition et la publication qu’en fait Jomard réveillent l’intérêt français pour l’Égypte, l’égyptologie, ou dit autrement, pour la place de l’Égypte ancienne dans la conscience intellectuelle (artistique, religieuse et scientifique) française.
L’expédition et la Description réveillent l’intérêt pour l’ensemble du Moyen-Orient, qui devient, et reste, une des principales préoccupations de la France pour le monde.
Comme membre de l’Institut d’Égypte au début de ses vingt ans, et comme membre de l’Académie des Inscriptions avant quarante ans, Jomard devient un homme de plus en plus puissant et important. Sa formation à l’École polytechnique et son expérience de l’expédition d’Égypte lui ont permis d’entrer en contact avec quelques-uns des meilleurs savants et des plus puissantes personnalités de la France. Son travail en Égypte et dans la Commission lui donne une expérience et une largeur de vue dont peu de ses contemporains peuvent se vanter. Mais surtout, Jomard est jusqu’au bout des doigts un géographe. Il n’est pas seulement un des principaux fondateurs de la Société de Géographie de Paris, mais il la sert une fois comme Président, vingt-six fois comme vice-Président, et treize fois comme Président de sa Commission centrale11. Vers la fin de sa vie, et comme la géographie se tourne de plus en plus vers l’étude des peuples et des phénomènes sociaux, il est aussi un des fondateurs de la Société Ethnographique de Paris et la sert comme Président l’année de sa mort. Dans une partie de son travail à la Société de Géographie de Paris, il devient en quelque sorte le directeur officiellement patronné par le gouvernement de la recherche et de l’exploration géographiques en France. Dans ce rôle, il correspond avec la plupart des explorateurs qui cherchent à entrer en contact avec le gouvernement français dans la première moitié du XIXe siècle. C’est avec, et souvent grâce à l’aide de Jomard, que ces explorateurs reçoivent une assistance financière pour leurs voyages et trouvent des éditeurs et un réseau de contacts intellectuels à leur retour. La plupart des géographes ont, à l’époque, le souci de l’éducation et en particulier de l’instruction primaire et du rôle que la géographie peut jouer dans la formation de la compréhension des enfants – prolongeant tout à fait comme un écho les préoccupations des Lumières et des Idéologues. Jomard passe une bonne partie de sa vie à se battre pour l’universalisation de l’instruction primaire. Il croit également – et fermement – au bénéfice que l’éducation française scientifique et technique pourra procurer aux nations « moins civilisées » et soutient l’établissement d’écoles françaises à l’étranger et la venue en France d’étudiants étrangers pour l’enseignement supérieur – une tradition qui perdure sous des formes modifiées jusqu’à aujourd’hui. Finalement, comme géographe, il fonde et dirige le Département des Cartes et Plans à la Bibliothèque Royale à Paris. Cet établissement donne aux cartes un statut d’enregistrements historiques et de trésors nationaux, et conduit ainsi au recueil et à la préservation d’un nombre extraordinaire de trésors cartographiques. Jomard est ainsi un important géographe à son époque, et nombre des effets et conséquences de ses efforts sont encore ressentis aujourd’hui – à la fois en France et au sein de la discipline géographique.
Jomard s’est toujours étroitement identifié à l’Égypte et à l’égyptologie. Un de ses portraits le décrit comme « Jomard l’orientaliste ». On peut soutenir que c’est son expérience égyptienne qui lui donne de la crédibilité sur une scène beaucoup plus large, incluant les études antiques, la cartographie et les voyages – ceux-ci pas seulement en Égypte ou au Moyen Orient, mais jusque même aux Amériques. Il continue toute sa vie à publier sur l’Égypte ancienne et sur les questions concernant les relations entre la France et l’Égypte moderne. Si son auto-identification comme orientaliste est forte, elle est aussi reconnue par ses contemporains, même si c’est d’une manière quelque peu négative. Le géographe physicien Élie de Beaumont, auteur avec Dufresnoy de la Carte géologique de la France, se réfère d’une manière quelque peu désobligeante à lui comme « Jomard bey »12. Jean-François Champollion, que l’on peut tenir comme l’Égyptologue du XIXe siècle, a peut-être mieux saisi une partie de l’esprit de l’homme. En réponse à l’exclusion réussie par Jomard du frère aîné de Champollion de l’Académie des Inscriptions, il décrit la tactique de Jomard (et par le même fait, Jomard lui-même) comme « une petite ruse sous-géo-microscopique »13. Comme nous le verrons, cette expression saisit admirablement l’approche très particulière et singulièrement géographique de Jomard en matière d’égyptologie.
La nature de l’imagination géographique de Jomard
Edme François Jomard représente la réponse la plus conservatrice à la crise d’identité de la géographie. Sa compréhension de la géographie débute, culmine et se termine avec la carte. Sa première tâche comme adulte actif est la production de cartes en Égypte et sa dernière publication est un atlas facsimilé de cartes anciennes : les Monuments de la géographie. Peu de ses nombreuses publications s’aventurent loin du sujet de la cartographie. Sa compréhension de la cartographie va cependant bien au-delà de la simple représentation de la topographie. Pour Jomard, la géographie n’est pas seulement une carte finie mais une procédure de recherche. La méthode géographique implique non seulement la localisation ordonnée et la mesure des phénomènes mais la recherche de leur compréhension à travers l’information spatiale et les configurations que cela crée. Cette méthode peut être appliquée d’une manière ou de l’autre à virtuellement toute chose. Pour Jomard, c’est ce que veut dire être un géographe moderne. Le géographe moderne n’est pas seulement un cartographe, quelqu’un qui produit des relevés cartographiques nationaux, régionaux ou locaux, mais un chercheur qui applique les méthodologies scientifiques des géographes aux problèmes du jour. La méthode géographique doit être appliquée à des problèmes dont la gamme s’étale de la nature, la chronologie et la langue de l’Ancienne Égypte à l’établissement de la manière d’étudier les divers peuples de la terre. Son approche est moderne, aux yeux de Jomard, parce qu’elle reflète les méthodologies développées à travers quelques-unes des sciences les plus respectées de l’époque, les sciences naturelles.
Une recherche du sens à travers l’examen des configurations spatiales a une consonance résolument moderne. Lorsque les spécialistes de sciences sociales d’aujourd’hui parlent de distributions et de configurations spatiales, il y a en arrière-plan de cette discussion une conscience et une curiosité de la nature complexe et construite d’une société et la conviction qu’explorer sa configuration spatiale pourra révéler des dimensions formellement cachées de l’existence sociale. C’est en cela que réside la modernité du concept d’analyse spatiale dans le contexte des sciences sociales.
Pour l’essentiel, l’intérêt spatial de Jomard est loin d’être moderne. Il est en fait caractérisé par l’application de méthodologies géographiques anciennes à de nouveaux problèmes qu’il n’est pas facile de soumettre à l’analyse par ces moyens. Il existe dans les écrits de Jomard une exception importante à cette observation générale, sa Comparaison de plusieurs années d’observation faites sur la population française14. Comme déjà noté, Jomard s’intéresse à l’enseignement primaire. De plus, comme ancien Polytechnicien ayant travaillé avec des ingénieurs-géographes (auxquels on a demandé de collecter de telles statistiques), et comme collègue à la fois de Jean-Baptiste Fourrier et du comte Gilbert-Joseph-Gaspard Chabrol de Volvic, Jomard manifeste un certain intérêt pour les statistiques sociales. En 1827, il répond à un mémoire écrit par Louis-François Benoiston de Châteauneuf dans lequel l’auteur se demande explicitement s’il existe une relation entre la criminalité, ou l’incidence des comportements criminels, et l’ignorance15. Jomard soutient qu’il n’est pas possible de répondre à la question posée par cet auteur parce que tant d’autres facteurs peuvent jouer : conflits domestiques, inconvenance, nombre d’enfants illégitimes, impact du jeu, etc.16. Cependant en 1832 et sur la base de statistiques fournies par les administrations militaires et judiciaires, et de celles recueillies sur l’enseignement primaire, il conclut que compte tenu du petit nombre et de la nature longitudinalement limitée des statistiques collectées à cette date, il y a en fait quelque signe de corrélation entre une incidence plus faible de la criminalité et l’éducation primaire reçue à la fois par les hommes et les femmes17. En tant que géographe, et s’inspirant d’une page d’un livre de Charles Dupin, qui a produit une carte de France mettant en rapport l’éducation et la productivité dans les différentes provinces de la France18, il conduit le problème plus loin et soutient, de manière caractéristique, que le problème devait être cartographié. Il propose, mais ne réalise pas, une sorte de cartogramme comparant par province la population totale, le nombre de délinquants, et la taille de la population ayant bénéficié de l’enseignement primaire. Le cartogramme aurait retenu seulement une localisation relative approximative et abandonné à la fois la localisation absolue et la topographie. En un sens, l’idée est moderne de manière frappante, mais si nous pensons avec soin à la carte proposée et si nous regardons la relation entre statistiques sociales et géographie, nous découvrons que Jomard n’a pas réellement appliqué la géographie, ou une méthodologie géographique, à un problème social. La carte ne fait pas réellement partie de l’analyse. Il ne propose pas une analyse spatiale d’un comportement social, mais la représentation directe sur une carte de résultats obtenus par d’autres voies. La carte est la forme vers laquelle il est attiré, mais la géographie ne fait pas partie de son analyse. Ce n’est qu’une toile de fond.
« En ce qui concerne la surface territoriale, il est clair qu’il n’y a pas de relation avec le problème moral et statistique, qui implique seulement la population, c’est-à-dire ces masses vivantes et mouvantes comme on doit en trouver dans des conditions sociales variées et aux différents âges de la vie. La position géographique devrait donc être considérée depuis un autre point de vue : à savoir que la proximité ou l’éloignement des lieux n’est pas sans influence sur les gens aux marges des régions »19.
Cela ne veut pas dire que cette exploration des possibilités de la cartographie statistique soit sans importance, mais simplement que sa relation à la géographie scientifique sociale moderne est limitée. C’est dans le domaine des statistiques sociales que la méthodologie cartographique de Jomard a la consonance la plus moderne et la plus convaincante. Cela vaut la peine de regarder de manière critique la façon dont il applique sa méthodologie cartographique à des problèmes variés au cours de sa carrière.
En déchiffrant l’Égypte
Beaucoup plus tôt dans son existence, lorsque Napoléon, ses forces et les chercheurs sélectionnés pour l’accompagner (y compris Jomard) envahissent l’Égypte, en 1798, on en sait remarquablement peu sur la langue, la culture et l’histoire de l’Égypte ancienne. Les hiéroglyphes sont indéchiffrables et, assez naturellement, il semble qu’il ne subsiste que très peu de mémoire chez les populations locales en ce qui concerne la signification des ruines au milieu desquelles elles vivent. Les intellectuels de l’expédition sont dépassés par la nature monumentale de l’architecture, l’étrangeté des images, en résumé par la richesse suggérée de la culture dont l’accès leur est interdit. Incapables de distinguer une construction vieille de 2 000 ans de restes de 5 000 ans, ou de reconnaitre une représentation zodiacale vieille de 1 600 ans d’une datant de 5 000 ans, ils se démènent pour développer des voies afin d’interpréter et comprendre ce qui se trouve devant eux et pour l’intégrer en quelque sorte dans leur connaissance de l’histoire ancienne. Le sentiment de l’étonnement, de la frayeur, de l’excitation et de la peur anxieuse de manquer quelque chose d’important est palpable dans les schémas peignant leurs travaux que l’on peut trouver dans la Description de l’Égypte. Tous les savants essaient d’utiliser les procédures et la perspicacité dont leurs formations diverses les ont dotés. Fourier, par exemple, qui est mathématicien, cherche à comprendre les six figurations zodiacales qu’il trouve sur les plafonds de temples non loin de Thèbes grâce à une analyse astronomique20. Il soutient que l’on serait capable d’utiliser les anciens zodiaques comme calendriers s’ils indiquaient clairement et incontestablement la relation des signes avec les solstices et les équinoxes. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Jomard essaie principalement de mettre en œuvre les méthodologies cartographiques traditionnelles pour briser le code égyptien : la mesure et l’érudition. Les temples et les ruines de l’Égypte pourraient être rendus compréhensibles et rationnels si l’on pouvait accéder à la connaissance scientifique qui était à leur fondement. On pourrait peut-être comprendre la science égyptienne à travers la science qui, Jomard le croyait, était quintesssentiellement la leur : la géométrie – ou ce qu’il appelait « géométrie », c’est-à-dire, l’art de mesurer et de cartographier21.
En observant les monuments qui l’entourent et de plus en plus convaincu de la sophistication numérique et scientifique des anciens Égyptiens, et peut-être projetant sa propre fascination pour la « géométrie », il est de plus en plus convaincu qu’il existe une clef à la fois graphique et numérique à leur interprétation. La régularité et la monumentalité des pyramides suffisent à le suggérer. Il croit que les Égyptiens étaient des géomètres de naissance et qu’un système rationnel se trouvait derrière toutes les ruines de l’Égypte. Il estime et soutient de plus que ce système est déchiffrable et ouvrirait une intelligence considérable sur l’ancienne Égypte et sur son influence sur le monde moderne si l’on parvenait au moins à comprendre comment l’étudier. Aussi, avec beaucoup d’autres membres de la commission scientifique, et en particulier, les autres ingénieurs et géographes, il mesure et cartographie laborieusement les ruines de l’Égypte. Ceci a une double fonction : c’est une partie intégrale de la méthodologie analytique et descriptive du géographe, et si l’analyse échoue, Jomard croit que la carte topographique, comme toute autre carte de ce type, enregistrera la vérité pour une analyse ultérieure menée selon une perspective différente22. En bref, les ingénieurs/géographes/chercheurs essaient ainsi de saisir l’Ancienne Égypte et de la mettre dans leur poche de telle façon qu’ils puissent rentrer chez eux et y réfléchir.
C’est sur la base de cette prise de mensurations que Jomard construit plus tard une thèse mûrie, étayée par des interprétations libres de sources classiques et en partie arabes (y compris Hérodote, Diodore de Sicile, Strabon, Artémidore d’Ephèse dans Strabon, Strabon et le périple de la mer Érythrée dans Strabon, Ératosthène dans Strabon, Hipparque dans Strabon, Aristides, l’Itinéraire antonin et Pline parmi les sources anciennes ; et Abou-el Farage, Abd el-Latyf, Mohalli, Joseph d’Altiphasi et Ibn Salamas parmi les sources arabes). L’argument est que les Anciens Égyptiens avaient un système de mensuration « naturel » pas totalement différent du système métrique de la France révolutionnaire, avec la suggestion qu’il aurait même peut-être été plus exact que le système français moderne23. Cela suggérait que l’Égypte aurait pu être le berceau de la culture scientifique occidentale et particulièrement française (via la Grèce et Rome)24.
Le lecteur moderne du « Mémoire sur le système métrique des anciens Égyptiens… » de Jomard est immédiatement dépassé par la multiplication en apparence sans signification des mesures et par la comparaison détaillée d’écrits de sources anciennes ; il est étonné par le caractère fastidieux de la recherche. Le mémoire n’est pas sans signification lorsqu’on le prend selon ses termes propres. Jomard croit fondamentalement que la compréhension de l’ancienne Égypte viendra de la cartographie de ses monuments. A cette fin, il emploie les deux méthodes de recherche géographique à sa disposition : les mesures sur le terrain avec les meilleurs instruments disponibles, et la méthode la plus vénérable et la plus éprouvée : la consultation relativement critique des relations des Anciens25.
Les résultats sont extraordinairement érudits et admirables pour leur fondement dans les mesures et la recherche de terrain, comme Jomard le rappelle fréquemment à ses critiques et collègues, mais néanmoins absurdes. La méthodologie cartographique n’est simplement pas adaptée au problème, qui, en son, est le déchiffrement des hiéroglyphes. Le mémoire de Jomard est publié en 1817 et n’est pas vigoureusement attaqué et discrédité avant 182326. Dans les écrits de Jomard postérieurs à cette date, aucun signe ne montre qu’il ait accepté de quelque façon que ce soit que sa méthode et son approche ne soient pas adaptés au problème. Il publie en 1846 un article dans lequel il discute d’une nouvelle méthode de faire des copies d’inscriptions anciennes (essentiellement en effectuant des frottis) et se lamente de ce que cette technique, utile pour ce qui revient encore à cartographier des inscriptions, lui ait été inconnue au moment de l’expédition d’Égypte. Il commence presque admettre que ses cartes et croquis des monuments n’étaient pas suffisamment précis pour répondre aux besoins de l’égyptologie moderne, mais il ne reconnaît pas que la recherche sur les hiéroglyphes ait pris une toute nouvelle direction27.
Cartographie et « exploration et découverte »
L’approche cartographique de Jomard est beaucoup mieux appropriée au problème traité dans le cas de l’exploration de l’outre-mer, et particulièrement de l’Afrique, dans les années 1820, 1830 et particulièrement, dans les années 1840. Jomard joue là le rôle de directeur de recherche, fournissant et demandant à la fois des informations. Dans le cas des instructions fournies à M. Panet pour son voyage du Sénégal jusqu’à l’Algérie, il commence par créer une sorte de carte écrite de la route à suivre qui est, en partie, une annotation ou une critique de celles qui existent. Selon ceci et en plus de la route à suivre, M. Panet est informé d’où et comment il devra choisir ses guides ; du type d’information topographique qu’il devra rapporter ; de ce à quoi il devra s’attendre en termes de densité de population dans telle ou telle aire ; de quelles zones et quels peuples il devra se tenir à l’écart comme inutilement risqués ; de la manière de s’habiller et de la conduite à assumer dans telle ou telle région ; des lieux où il devra éviter de s’attarder trop longtemps pour éviter de susciter suspicion et hostilité ; des villes à visiter et de ce qu’il peut espérer y trouver ; des voyages annexes possibles ; et peut-être de manière plus importante, des documents, des publications et des experts à consulter avant le départ. Là, clairement, une carte doit être remplie, et le rôle du géographe, à la fois assez familier avec l’état de la connaissance cartographique du pays et possédant une érudition suffisante pour être averti des dernières publications existantes ou des recherches déjà menées, est de diriger le futur travail. Cette autorité géographique est à la fois reconnue par les explorateurs individuels qui entrent en contact avec la Société (et parfois avec Jomard lui-même) pour recevoir des conseils et une aide, et par le gouvernement. Dans le cas de M. Panet, c’est le Ministre de la Marine qui est entré en contact avec la Société pour une aide dans la compilation des instructions nécessaires.
Jomard joue ce rôle pour René Caillé28, Frédéric Cailliaud29 et un certain nombre d’explorateurs moins importants30. Les buts principaux de l’expédition ont souvent déjà été établis soit par l’explorateur, soit par le gouvernement. Le rôle de Jomard est alors de travailler dans le cadre de ces objectifs et autour d’eux. Il demande à tous les coups du matériel valable pour la « construction d’une carte exacte » – ou d’une carte aussi exacte que possible. Dans le cas des voyages de M. Prax à travers le Sahara septentrional, et sans doute inspiré par le travail de la Commission sur l’Algérie, il demande à Prax de recueillir de l’information linguistique pour la résolution d’un problème géographique : il pense que peut-être les inscriptions recueillies dans la région, particulièrement en Libye, pourraient donner un indice sur les origines et les migrations passées des divers peuples du Sahara septentrional. Il demande ici à l’explorateur de mener le type de travail qu’il a lui-même réalisé en Égypte. Dans ce cas, le but est de résoudre un type de problème géographique différent et qui est beaucoup plus susceptible de trouver une solution par des méthodes traditionnelles de la géographie.
L’ethnographie cartographique
Le travail ethnographique mené à la toute fin de sa vie par Jomard nous offre un autre exemple de recherche indissolublement liée à la carte, ou, plus correctement, au souci de l’ordre spatial et de la mensuration d’un phénomène et à sa compréhension à travers l’information spatiale et les configurations qu’elle crée. Les résultats n’en sont pas plus heureux que pour la recherche qu’il a menée en Égypte. Jomard est certainement conscient des préoccupations intellectuelles majeures de son temps et soucieux d’y répondre, et depuis la fin du XVIIIe siècle, un intérêt croissant s’est manifesté pour l’étude des apparences variées de « l’homme », des langues diverses de « l’homme » et très graduellement, de l’existence sociale de l’humanité31. Dans cette veine, Jomard divise l’étude de l’ethnographie en trois grandes catégories :
- L’étude de « l’homme » à travers sa langue.
- L’étude de « l’homme » à travers sa condition physique.
- L’étude de « l’homme » à travers les produits de son intelligence et de son industrie.
Conscient de ce que quelque chose derrière la diversité des langues humaines et l’anthropologie physique attire l’intérêt des savants, Jomard propose l’étude des objets produits par l’homme – des artefacts humains32. Le but n’est pas l’interprétation de ces artefacts afin qu’ils révèlent l’organisation sociale ou la réalité vécue des différents peuples, mais un moyen de les cartographier et de les mettre en place. Ce qui l’intéresse en effet dans la troisième approche, c’est qu’elle a le potentiel d’imposer un ordre au sujet d’une manière un peu semblable à celui imposé dans les sciences sociales par la classification. Ce qu’il recherche est « l’ordre qui met chaque chose à sa place et la fixe invariablement »33 et « un fil conducteur d’un type ou l’autre qu’il suffira, en un sens, de tenir de manière à ne pas perdre sa route »34. L’étude des affaires humaines est clairement une affaire compliquée difficile à mettre en ordre et à cartographier. Ce que Jomard propose dans sa classification méthodologique des produits de l’industrie extra-européenne (comprise au sens large) est une extension des cartes et de la cartographie pour « inclure pratiquement tous les objets qu’un observateur verra en voyageant »33. Jomard préconise un glissement du point focal de l’imagination géographique depuis la topographie, la géographie physique et la localisation – « parce qu’aujourd’hui, la distance et l’espace ne sont rien » – vers une cartographie de « l’homme »35.
Jomard divise les produits de l’industrie humaine en dix catégories majeures : les images, les outils utilisés pour produire la nourriture, l’habillement, les objets qui ont à voir avec le logement et la construction, l’économie domestique, la défense, les arts et les sciences (commerce compris), la musique, les coutumes et usages, et la religion. Une carte composée de tous ces produits de l’industrie humaine aurait nécessairement une forme spécifique. Elle serait moins un document qu’un musée. En fait, ce que Jomard a à l’esprit est justement un « musée de la géographie et du voyage »36. Sa création, malgré sa forme très différente, n’en est pas moins un travail pour un géographe. Tous les objets qu’elle saisirait auraient une double classification : « par sujet » et « géographique ». Mais pour un géographe qui, pourrait-on dire, a passé les années les plus actives de son existence à cartographier des monuments, le lien entre la carte et le musée comme produit final repose clairement sur le concept de monument et sur le processus de recherche capable d’élucider les monuments. Dans un passage qui nous ramène en Égypte et nous projette vers son atlas facsimilé, Jomard suggère une méthodologie cartographique connectant toute son œuvre :
« C’est donc grâce à l’étude réfléchie et tenace des monuments de l’Antiquité que l’on commence à pénétrer dans les secrets de leur architecture. Il est même possible de dire que la totalité de la science peut être incluse, appréciée et jugée d’après ses productions. Ce principe, que je considère comme un principe général, est surtout applicable à la science ethnographique »37.
C’est une méthodologie cartographique précisément parce que ce que Jomard appelle « une étude réfléchie et tenace » est la construction d’un système descriptif capable de mettre tout objet définitivement et sans question à sa propre place.
Les monuments de la géographie
Il est donc parfaitement logique que le dernier ouvrage de Jomard, celui qu’il consacre à l’histoire de la géographie, ait comme titre les Monuments de la géographie et soit consacré à l’histoire de la cartographie38. Ce n’est pas un « traité doctrinal » ou « une nouvelle histoire générale et critique de la géographie »39. Quel intérêt y aurait-il, demande Jomard, à reproduire ce qui a déjà été dit par un grand nombre de prédécesseurs40 ?
« Cette entreprise, bien mise en œuvre, sera, en un sens, une histoire de la géographie selon les cartes ; une entreprise écrite par elle-même, c’est-à-dire, par ses productions graphiques. Ce sera ainsi la plus authentique et la plus sûre des histoires »41.
Tout comme l’architecture de l’Égypte saisie graphiquement avait parlé à Jomard, et tout comme il anticipait que les artefacts fourniraient toute la lumière nécessaire à une solide ethnographie, les cartes diraient au mieux l’histoire de la géographie. Tout ce que Jomard a à faire est de sélectionner et reproduire avec fidélité les meilleures d’entre elles. La carte déroulant la découverte prendrait forme dans la tête des lecteurs lorsqu’ils contempleraient cette sélection. L’atlas facsimilé servirait donc à porter l’histoire de la géographie à l’attention des chercheurs qui semblaient avoir oublié son importance et démocratiserait aussi l’accès à ces monuments rares42. Bien entendu, Jomard, en tant que cartographe, est loin d’être naïf à propos des cartes et prévient qu’elles doivent être observées de manière critique ; on ne peut pas assumer qu’elles reflètent la connaissance de l’époque où elles sont produites, mais seulement la connaissance ou la compréhension d’une puissance ou d’un géographe particulier43.
L’atlas de Jomard ressemble à un atlas factice, ou à un recueil de cartes. C’est une collection non reliée de planches isolées, largement en noir et blanc presqu’entièrement lithographiée par E. Rembiélinski et publiée chez Kaeppelin. Il contient une page de titre, une table des matières et vingt-et-une représentations en quatre-vingt feuilles. Le texte devait être publié de manière séparée, mais ne paraît en fait que de manière posthume. Six des cartes sont vendues individuellement. Dans les Monuments, les images sont présentées de manière chronologique mais sans autre organisation systématique en dépit du fait que la collection inclut quelques œuvres qui ne sont pas, à strictement parler, des cartes. Elle inclut trois globes célestes (dont deux sont arabe et coufique) et un astrolabe. Les autres cartes sont, pour la plupart, des facsimilés de cartes manuscrites qui représentent les sommets de la cartographie médiévale.
Jomard explique dans une brève « Introduction » publiée après sa mort qu’il a choisi cette période parce qu’un atlas composé de cartes plus anciennes ou plus récentes n’aurait pas été aussi intéressant : les cartes produites après la réforme opérée au XVIe siècle par Ortelius diffèrent de manière moins frappante des cartes modernes, et, comme cartes imprimées, sont disponibles en nombre suffisant pour rendre leur reproduction relativement moins intéressante ; les cartes de l’Antiquité ou « orientales » auraient été trop peu nombreuses pour faire un livre et pour permettre d’arriver à des conclusions sur l’histoire de la découverte. Sa sélection inclut : la carte de Matthieu Paris ; une carte médiévale de la Lombardie ; la carte mondiale de Hereford ; le globe de Martin Behaim ; la carte de Juan de la Cosa ; et une carte de Descelliers de 1546. Certaines parmi elles n’avaient été que récemment découvertes et leur valeur était loin d’être reconnue à l’époque de Jomard.
Grâce au désaccord de Jomard avec Santarem sur la propriété du concept d’atlas facsimilé – sur lequel nous reviendrons – nous connaissons quelque chose des procédures que suit Jomard. La plus grande partie du travail, et c’est un travail qui va de pair avec ses fonctions de directeur du Département des cartes et plans, consiste à identifier, acheter, emprunter ou copier des cartes dans toute l’Europe. Nous savons que l’une des cartes, celle de Juan de la Cosa, appartient à un ami de Jomard, le bien connu géographe Baron Walckenaer. Une des cartes appartient à Jomard : la carte mondiale de Descelliers de 154644. En vue de se procurer certaines des autres, il affirme avoir voyagé pendant une période de onze ans en Angleterre, Belgique, Italie, Allemagne et Hollande. Quelques cartes lui sont envoyées. Certaines des plus spectaculaires de la collection, comme la mappemonde de Hereford ou la carte de Matthieu Paris, sont copiées sur place et les copies envoyées à Jomard.
Une bataille monumentale
Bien que Jomard se tienne à une certaine distance du travail physique nécessaire à l’atlas, c’est un projet cher à son cœur45. Il est en consonance positive avec les principales préoccupations de sa carrière comme géographe. Aussi, il dit la vérité lorsqu’il écrit en 1847
« que la géographie raconterait son histoire à travers ses propres œuvres, à travers la variété de ses productions graphiques…, cette idée n’appartenant pas à M. de Santarem »46.
C’est très particulièrement son idée et son approche. Il ne lui vient même pas à l’idée – ou peut-être ne veut-il pas le penser – que quelqu’un puisse parvenir à la même conclusion que lui, ou à une conclusion plus complète, par une route différente. Les Monuments de la géographie de Jomard sont publiés un peu après 1847. L’introduction l’est de manière posthume en 1879, bien longtemps après sa mort survenue en 1862, bien qu’elle ait été écrite quelque part dans les années 1840. L’Atlas composé de mappemondes et de cartes hydrographiques et historiques du monde depuis le XIe jusqu’au XVIIe siècle du Vicomte de Santarem est publié en France en 1842. Cette publication est suivie en 1848, avant la publication de l’Atlas de Jomard ou de son « Introduction », par la discussion et la description, une par une, des cartes que l’on peut trouver dans l’atlas facsimilé de Santarem47. Alors que les reproductions de Jomard sont en noir et blanc, beaucoup de celles de Santarem sont en couleurs. De plus, une comparaison détaillée de quelques planches montre qu’au moins quelques-unes des copies de Santarem sont plus proches de l’original. Ainsi, en comparant la reproduction du Beatus de Turin de Jomard avec celle de Santarem, nous trouvons que le copiste de Jomard a sophistiqué l’image par des vents personnifiés qui ne se trouvent pas sur l’original. Obtenir une bonne copie n’est pas une question simple, comme Santarem le commente dans sa discussion de cette carte :
« Pasini a produit une gravure sur bois de la copie de la carte mondiale que l’on peut trouver dans le manuscrit de la Bibliothèque Royale de Turin [voir le catalogue de Pasini (Taurini, 1749, vol. 2, p. 29)] et nous reproduisons sa gravure dans notre atlas avec la plus grande fidélité. Mais lorsque nous l’avons eue colorée en nous basant sur l’original, notre collègue savant de l’Académie Royale des Sciences de Turin, M. Amédée Peyron, eut l’extraordinaire considération de comparer la gravure de Pasini avec l’original. Il trouva d’importantes erreurs et prit le temps de les corriger selon l’original manuscrit. Nous sommes bénéficiaire de son travail sur ce monument »48.
En vérité, aucune des reproductions n’est d’une qualité suffisamment bonne pour permettre aujourd’hui un travail informé, étant donné les standards actuels de reproduction et le niveau détaillé d’analyse couramment employés dans l’étude de tels documents. Il n’empêche que la reproduction de Santarem était plus correcte que celle de Jomard. De plus Santarem avait légendé plus complètement ses cartes au sein de son atlas et les décrivait certainement plus complètement dans son histoire de la cartographie en trois volumes. Pour finir, l’atlas de Santarem avait quatre ou cinq fois la taille de celui de Jomard et avait de plus été produit plus systématiquement. Il était en effet divisé en sections consacrées aux cartes de différents types et périodes.
Dans une attaque publique au vitriol lancée contre Santarem, en 1847, Jomard affirme qu’il a travaillé sur son propre facsimilé durant de nombreuses années49. Santarem, soutient-il, a volé son idée et a ainsi massivement sapé sa publication. Il ne fait pas de doute que Jomard ait à la fois ressenti de l’indignation et de la déception – bien qu’il ait attendu cinq ans après la publication de l’Atlas de Santarem pour les exprimer, ce qui est un mystère. L’attaque de Jomard est pleine d’autocontradiction et de confusion. Négligemment et involontairement, il indique trois dates séparées pour la conception de l’atlas facsimilé : 1829, 1830 et 1832. Comme preuve de son antériorité, il fait mention de toute une phalange de chercheurs qu’il affirme avoir consultés. La liste prouve seulement qu’il a été un actif conservateur des collections cartographiques à la Bibliothèque nationale et qu’il a pu travailler pour lui-même et pour celle-ci en même temps. Il soutient que la plupart des planches de son atlas avaient déjà été gravées en 1842. Mais elles ne furent pas publiées avant 1847 et sa description de combien sont déjà gravées et du nombre de celles qui attendent de l’être ne correspond pas au nombre final produit. De plus, Jomard soutient qu’il n’a reçu aucune assistance financière dans la production de son atlas, ce qui, si l’on compte seulement les coûts des copies à partir desquelles le lithographe travaillait, est complètement faux.
La réponse de Santarem à l’attaque est empreinte de dignité mais mortelle. La preuve de la qualité de la recherche et de la réflexion de Santarem doit être trouvée dans son Atlas et dans les trois volumes d’analyse et de discussion qui le complète – ces deux ouvrages ayant reçu, parmi d’autres, des marques d’approbation de Jean-Antoine Letronne et Carl Ritter. Il n’y a qu’une chose qui puisse délimiter un territoire savant, c’est le caractère savant de la publication, et non la vague possession d’une idée qu’on peut, ou ne peut pas, avoir partagé avec quelques amis. De plus, qu’est-ce que Jomard revendique clairement ? L’idée de publier des cartes facsimilées ? Cette idée était dans l’air depuis quelque temps et il fournit dûment une liste de vingt-trois reproductions de cartes depuis 173050. L’idée d’un atlas facsimilé est-elle capable de raconter l’histoire entière de la géographie ?
« Il peut se détendre : je ne suis en aucune façon en train d’essayer d’embrasser l’histoire entière de la géographie. Cela n’a jamais été mon idée. La lecture des travaux prodigieux du savant le plus encyclopédique de nos jours (M. de Humboldt) m’aurait dissuadé de le faire. Et de toute façon, aussi universel que soit le savoir d’un savant, sa vie serait trop courte pour mener complètement à bien un tel projet, c’est-à-dire de la manière dont je comprends qu’il doive être conduit. M. Jomard n’a rien à craindre de quiconque dans le domaine de la compétition »51.
Ce qui compte vraiment, ce qui prend réellement du temps, de l’effort et de la scientificité, Santarem le souligne, n’est pas la reproduction des cartes, mais leur étude et leur analyse52.
De bien des façons, le combat avec Santarem, dans lequel celui-ci ne s’engage qu’avec beaucoup de regret et de dégoût, conduit à se souvenir de la bataille plus en sourdine, mais sans plus de succès, menée dans les années 1820 par Jomard contre Champollion, le savant qui sans mettre le pied en Égypte ou avoir vu un seul de ses monuments en personne, brise le code et lit le premier les hiéroglyphes d’Égypte53. Dans ce cas aussi, Jomard n’est simplement pas préparé à admettre ce qu’a accompli un chercheur avec une approche fondamentalement différente de la sienne (Santarem après tout est moins intéressé par l’histoire de la géographie que par celle des découvertes portugaises) et que lui, le géographe Jomard, n’a pas pu réaliser. Cette attitude reflète un sentiment de territorialité et de possessivité intellectuelles (bien mises en évidence dans d’autres publications principalement consacrées à poser une affirmation contestable de priorité intellectuelle) et un attachement particulier à une méthodologie traditionnellement géographique, la cartographie de tout problème qui se pose54. Les non-géographes ne sont pas attachés à cette méthodologie. C’est une question, comme Lacouture le dit si bien, de « déchiffrement contre description ». Il est toutefois important d’être juste avec Jomard en ce domaine. Pas tant à cause d’un sentiment de solidarité à son égard, mais parce que cela éclaire la manière souvent bizarre dont les découvertes sont effectuées et dont la compréhension prend forme. Jomard ne pouvait pas espérer déchiffrer les hiéroglyphes ou comprendre la civilisation de l’ancienne Égypte en cartographiant le terrain ou les monuments. Cela est totalement évident pour nous aujourd’hui et cela peut même avoir été clair pour certains de ses contemporains. Par suite peut-être de sa formation et de l’intelligence qu’il avait reçu de la façon de traiter les problèmes irrésolus, ce n’était pas clair pour Jomard. C’est ainsi que dans ce qui nous semble de la plus profonde futilité, il entreprend le lever et l’analyse cartographique de tout ce qu’il pense important et étonnant. C’est en partie cette opération de lever de cartes qui attire l’attention d’une large variété et d’un nombre important de chercheurs français (on est tenté de dire : d’une masse critique de chercheurs), Champollion inclus. Ce sont aussi ces mêmes cartes ou croquis cartographiques qui permettent à des chercheurs comme Champollion de commencer l’étude des hiéroglyphes sans mettre le pied en Égypte55. En un sens, l’impossible approche de Jomard conduit les chercheurs dans la bonne direction, mais pas de la manière qu’anticipait celui-ci. Elle ne lui assure pas plus le rôle qu’il convoitait.
Conclusion
Comme l’un des plus notables et des plus célèbres des géographes de la première moitié du XIXe siècle, la conception de la géographie de Jomard est importante et a un poids spécial. Comme nous avons pu le voir à partir de l’analyse de ses plus importantes publications, y compris l’atlas facsimilé, sa conception de la géographie est liée de manière intrinsèque aux cartes et à la cartographie. Comme déjà vu et au fur et à mesure que le siècle avance, la cartographie est de plus en plus considérée comme une technologie plutôt que comme une science. Jomard refuse toutefois d’abandonner cette conception de la géographie. Comme résultat de son éducation et de ses nombreuses rencontres avec de remarquables intellectuels et chercheurs que lui offrent sa situation et sa longue vie, Jomard cherche aussi à rester ouvert et sensible aux développements intellectuels et sociaux de son temps. Cela inclut l’intérêt croissant pour l’étude des humains et des sociétés humaines, le rôle de plus en plus important accordé aux statistiques sociales, la passion et l’intérêt pour les sociétés pré-grecques, les progrès de la société industrielle française et le développement de l’enseignement primaire universel. Jomard lutte pour rendre la géographie, telle qu’il l’entend, utile dans ce nouveau monde social. Pour lui, l’essence de la géographie n’est pas l’espace, le lieu, les distributions, le mouvement et une propension pour l’analyse spatiale, comme c’est largement le cas de la géographie humaine aujourd’hui : c’est la carte. Pour Jomard, l’histoire de la civilisation pourrait être résumée par ce « monument » de la pensée occidentale, la carte. C’est à travers son Atlas facsimilé qu’il cherche à ouvrir l’histoire de la cartographie à une audience plus large. En ce sens, nous pouvons penser Jomard comme l’un des premiers historiens de la cartographie et l’un des premiers bibliothécaires académiques de cartes. En plus, il cherche à étendre le concept de carte et particulièrement le concept de cartographie afin qu’il puisse s’appliquer à des problèmes non-géographiques. Les résultats sont souvent problématiques et la tentative place souvent Jomard dans une position difficile vis-à-vis de bien d’autres savants moins ou différemment prisonniers des traditions académiques. Et même s’il ne répond pas toujours de la manière la plus courtoise à une critique valide mais durement formulée, il y a quelque chose d’énormément positif dans son effort d’élargissement. Peut-être ainsi n’est-il pas surprenant qu’une certaine mesure d’éclaircissement et de compréhension en ait résulté.
Notes
- C’était une tendance qui avait peut-être commencé avec la presse à imprimer et qui a maintenant culminé dans notre société moderne saturée de cartes, dans laquelle des cartes d’une extraordinaire variété de type se trouvent partout, depuis les napperons de restaurant jusqu’aux chemins de randonnée et aux logos de certains empaquetages. Voir Wood (avec Fels), The Power of Maps (1992), p. 34-38.
- Pour un développement complet de cet argument, voir Harley, « The Map and the Development » (1987), p. 5-23.
- Bulletin de la Société de géographie de Paris 1 (1822), p. 1-9.
- La Renaudière, « Notice annuelle des travaux de la Société » (1827), 8, p. 320-321.
- Bruguière, « Orographie de l’Europe » (1830), 3, p. 512-514.
- Fierro-Domenech soutien que les ingénieurs représentaient une proportion significative des membres de la Société de Géographie de Paris, que leur nombre crut dans les années 1830, mais qu’un peu avant 1850, leur nombre déclina radicalement parce que « la Société n’avait rien à leur offrir qui paraisse suffisamment utile à leur profession », La Société de géographie (1983), p. 23-24, 29, et 45.
- La Renaudière, « Notice annuelle des travaux de la Société » (1827), 8, p. 326.
- Fierro-Domenech, La Société de géographie (1983), et Lejeune, « Les Sociétés de géographie en France » (1986-1987).
- Lejeune, « Les Sociétés de géographie » (1986-1987), p. 86, et Fierro-Domenech, La Société de géographie (1983), p. 11.
- Lacroix, « Walckenaer » (s.d.), 44, p. 221-237.
- « Cérémonie en l’honneur d’Edme Jomard » (1939), p. 29-46.
- Elie de Beaumont, Société de géographie (1860).
- Lacouture, Champollion (1988), p. 339.
- Jomard, Comparaison de plusieurs années d’observations (1832).
- Benoiston de Chateauneuf, Considérations sur les enfants trouvés (1824), et Extraits des Recherches statistiques (1824).
- Jomard, Du nombre des délits criminels (1827).
- Jomard, Comparaison de plusieurs années (1832), 8. Jomard utilisait les inadéquations des statistiques modernes pour plaider pour une meilleure et plus complète collecte des statistiques publiques : « Pourquoi les ministres du commerce, de la marine et des finances ne publieraient-ils pas des documents analogues tous les ans, et de plus, pourquoi ne tirerions pas avantage de l’organisation d’une garde nationale qui pourrait rendre la collecte jointe de ces statistiques plus facile que dans n’importe quel autre pays dans le monde ».
- Dupin, Tableau comparé de l’instruction populaire (1828).
- Jomard, Comparaison de plusieurs années (1832), p. 37.
- Fourier, « Premier mémoire sur les monuments astronomiques » (1818), Antiquités, Mémoires, 2, p. 71-86. Jomard, dont la formation de base incluait une saine mesure de mathématiques et d’astronomie, procéda à une analyse analogue dans son « Essai d’explication d’un tableau astronomique » (1809), Antiquités, Mémoires, 1, p. 255-261.
- Il révéla involontairement la dangereuse circularité de son raisonnement dans son mémoire lorsqu’il soutint que l’idée, et la preuve, que les Égyptiens étaient compétents en géographie « est essentielle dans l’explication des résultats contenus dans ce mémoire ». Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), Antiquités, Mémoires, 1, p. 699.
- L’idée de « vérité », et la conviction qu’il était en train d’apporter une clarté scientifique à des humanités confuses, était chère à Jomard. Parlant de la possibilité de déterminer l’état des « sciences » des « Anciens », il avançait que « la géométrie, plus qu’aucune autre branche de savoir, offre le moyen d’atteindre la vérité. En effet, les théorèmes de la géométrie ne permettent pas à de vagues interprétations de prendre prise ». Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), p. 699.
- C’est clair de sa citation de Gosselin, qui attribuait l’apparente inexactitude des mesures grecques à l’incapacité moderne de les interpréter correctement ; « les mesures d’itinéraires utilisées par les Anciens étaient plus correctes que nous ne le pensons… Il est souvent difficile… de décider si les erreurs apparentes dans les itinéraires sont de la responsabilité des Anciens ou sont dues à la nature limitée de notre savoir actuel », Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), p. 495. C’est plus clair dans la conclusion concernant le but réel des pyramides : ce n’était rien moins qu’un énorme standard de mesure, quelque chose comme le mètre national, la livre nationale, etc. Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), p. 531.
- Jomard l’avance dans les termes les plus clairs : « Ces résultats confirment que les grandes mesures de distance utilisées par les auteurs grecs anciens reposaient sur la valeur du degré Égyptien », Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), p. 502.
- Je dis « relativement » critique car Jomard était capable de déclarations abruptement non-critiques telles que : « La comparaison des nombreuses distances fournies par les auteurs [il voulait dire : les auteurs anciens], avec la carte que nous mesurions géométriquement en Égypte, donnera immédiatement la valeur des grandes mesures d’itinéraires telles que le “schoene”, le stade, le mille, etc. », Jomard, « Mémoire sur le système métrique » (1809), p. 498.
- Letronne, Notice sur la traduction d’Hérodote (1823).
- Jomard, Procédé pour prendre des empreintes (1846).
- Voir Jomard, Notice historique sur la vie et les voyages de René Caillé (1830).
- Jomard, Notice sur le second voyage de M F. Cailliaud (1823) ; et Cailliaud et Jomard, Voyage à Méroé (1826-1827), 4 vols., et 2 vols. de planches.
- Pour une indication sur l’échelle de cette activité, voir Fierro-Domenach, Inventaire des manuscrits (1984).
- Pour la thèse selon laquelle Jomard avait des intérêts géo-ethnographiques dès l’expédition d’Égypte, voir Dias, « Une Science nouvelle : la géo-ethnographie de Jomard » (1998).
- C’est clair dans la définition « d’ethnographie » adoptée par la nouvelle Société d’ethnographie en 1859. Société d’ethnographie, Paris, Société d’ethnographie fondée en 1859 (1868), 1, p. 1.
- Jomard, Classification méthodique (1862), p. 3-4.
- Jomard, Classification méthodique (1862), p. 3.
- Jomard, Classification méthodique (1862), p. 8 et 15.
- Sur la signification et la puissance du musée comme métaphore au XIXe siècle, voir Georgel, « The Museum as Metaphor » (1994).
- Jomard, Classification méthodique (1862), p. 10.
- Jomard, Les Monuments de la géographie (n.d).
- Jomard, Introduction à l’Atlas (1879), p. 6-7.
- Jomard établit cette liste de prédécesseurs : « Gottschling, Hauber, L. Hubner, Mayer, L. Schlicht, Fréret, Formaleoni, Zanetti, Andres, Cladera, Mannert, Sprengel, D. Vincent, de Murr, Tiraboschi, Zurla, Morelli, Heeren, Malte-Brun, Hoffmann, Lelewel, Baldelli, A. Pezzana, Pinkerton, Playfair, Loewenberg, etc. ».
- Jomard, Introduction à l’Atlas (1879), p. 4.
- Jomard, Introduction à l’Atlas (1879), p. 49. Pour en savoir plus sur les activités de Jomard comme conservateur de la collection nationale française de cartes, voir Pelletier, « Jomard et le Département » (1979), p. 18-27.
- Jomard, Introduction à l’Atlas (1879), p. 8-9.
- S’il y avait un conflit d’intérêts, il aurait dû être entre ses intérêts personnels comme collectionneur et/ou acheteur et les intérêts de la collection de cartes de la Bibliothèque nationale (royale), dont il était le chef.
- Pour une analyse de la qualité de l’Atlas selon ses propres termes, comme un facsimilé, voir Godlewska, « Jomard, The Geographical Imagination » (1995), p. 120-122.
- Jomard, Sur la publication des Monuments (1847), p. 12.
- Santarem, Essai sur l’histoire de la cosmographie (1848-1852).
- Santarem, Essai sur l’histoire de la cosmographie (1848), 2, p. 130.
- Jomard, Sur la publication des Monuments (1847), p. 3-5.
- Santarem, Essai sur l’histoire de la cosmographie (1848), 1, p. xxxviii.
- Santarem, Examen des assertions (1847), p. 26.
- Santarem, Examen des assertions (1847), p. 29.
- L’antagonisme manifesté contre Champollion par Jomard est fréquemment décrit dans Lacouture, Champollion (1988), bien qu’assez mal expliqué. Il semble, tel que la décrit Lacouture, n’être guère autre chose que l’intolérance autrement inexplicable à l’égard d’un brillant homme jeune.
- Jomard, Note sur la nouvelle direction (1859).
- En fait, Champollion lui-même admettait ceci en 1817 ou 1818. Voir Lacouture, Champollion (1988), p. 230.