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La seigneurie de Labrit en 1582

Paru dans : Marquette, J. B. et Laborie, Y., dir., Labrit, castrum
de la Grande Lande
, Aquitania Suppl. 42, 2020, 339-392.

Le terrier de Labrit de 1582 est le seul document qui nous éclaire sur l’histoire de cette seigneurie et de ses habitants jusqu’à la fin du XVIIe s. Il est aussi le seul de toute la Grande Lande. Il nous est parvenu dans des conditions qui rendent son accès aléatoire sur le plan paléographique. Nous avons donc pris le parti d’en donner une version allégée qui ne retienne que les informations propres à chaque déclaration, pour servir de matériau à notre étude et à des recherches ultérieures. Au terme d’une analyse minutieuse des 32 reconnaissances du terrier nous sommes allé à la rencontre de la société des possédants de la Grande Lande, à la fin du XVIe s. Cependant, c’est dans le domaine de l’occupation du sol et du peuplement que l’enquête s’est révélée la plus novatrice. Tout d’abord, elle nous a apporté la preuve du lien étroit que l’on peut même qualifier de générique, entre les zones originelles de boisements de feuillus, elles-mêmes liées à la nature du sous-sol (glaises) et au drainage, et la création d’un terroir ; en second lieu, l’existence de deux strates successives d’occupation du sol, celle des bourdieux, puis celle des bourdieux recomposés ; enfin, la découverte d’une forme nouvelle d’extension du terroir, cette fois au détriment de la lande, révélatrice d’un nouvel essor démographique à la fin du XVIe s.

“La seigneurie la plus mal connue de toutes celles que possédait au milieu du XIVe s. la famille d’Albret est, paradoxalement, celle de Labrit.” Tel est le constat que nous avions fait lors de l’étude que nous avions consacrée à l’histoire des sires d’Albret jusqu’en 13601. Aujourd’hui encore, notre information pour cette période se réduit à une douzaine de mentions du castrum ou de la seigneurie. Pas la moindre trace d’un quelconque document foncier ou d’un terrier dans les inventaires du Trésor des chartes de Nérac, de la fin du XVe et du début du XVIe s. Cette situation n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel. C’est aussi celle des autres seigneuries de la Grande Lande comme celles de Sore ou de Pissos. Certes, il existait “ung livre terrier en parchemin contenant VIII feuilletz sur les rentes des paroisses de St Jean de Sore, Luxey, Calen et Argeloz” du 21 février 14962 et “ung libre non authentique des droitctz et fiefs de la seigneurie de Sore appartenant à Mgr d’Albret”3, mais ils furent brûlés à Nérac au début de la Révolution. En revanche, un fragment de compte tiré d’un “Vieux livre du trésor de Nérac couvert d’une bazane blanche, cotté Labrit 1340” nous apporte des informations sur les revenus de Labrit et du Sen5. Rappelons, tout d’abord, la différence qu’il existe entre un terrier et un dénombrement, ces deux termes étant souvent confondus. Le dénombrement nous fait connaître pour chaque tenancier la nature du bien qu’il reconnaît tenir, le montant de la redevance annuelle et la date de son versement. Le terrier comporte, en plus, un arpentement, c’est-à-dire une description précise des biens faisant l’objet de la reconnaissance. Une partie de la Grande Lande (Labouheyre, Sabres, Brassenx) et de la Lande maritime (Marensin, Maremne, Pays de Gosse, et de Seignanx), terres de franchises, ne possède pas de documents seigneuriaux, sauf ceux des seigneuries cavières comme le dénombrement de la seigneurie de Montolieu en Brassenx et Born des années 1481-14846.

Le terrier de Labrit est le seul terrier du XVIe s. de la Grande Lande connu à ce jour. Ce qui fait aussi l’intérêt de ce document, bien qu’il ne nous reste que 32 reconnaissances, c’est son contenu. Il donne en effet pour chaque tenure, sa superficie, le lieu-dit, la nature et les confronts de chacun des éléments qui la composent. Son seul défaut est de ne pas préciser la nature des parcelles en confront, mais seulement le nom de leur tenancier. On n’a conservé qu’un petit nombre de dénombrements et terriers du XVIe s. ceux des pays de bordure de la Grande Lande. Ils appartiennent essentiellement aux pays de Born7 et seuls deux terriers de Salles ont fait l’objet d’une étude8. Il existe aussi des dénombrements et terriers des XVIIe et XVIIIe s., pour Vert9, Salles10, Sore (1724, 1747, 1762)11 et le comté de Belhade (1640, 1669-1671, 1750)12. Notons que les cadastres des années 1670-1672 constituent aussi une source d’un grand intérêt pour connaître les structures foncières et l’utilisation de l’espace, mais nous n’en avons conservé qu’un petit nombre13. Il n’est donc pas exagéré de parler de pauvreté documentaire, mais cette situation n’est pas propre à la Grande Lande. Elle est pire dans la vicomté de Marsan pour laquelle on ne connaît qu’un seul terrier, celui de Roquefort14.

Compte tenu de la place originale qu’occupe le terrier de Labrit de 1582, plutôt que de présenter une simple synthèse des informations recueillies, rendue quelque peu périlleuse en raison du petit nombre d’actes en notre possession, nous avons pris le parti de faire quatre approches approfondies de ce document : tenanciers et tenures ; exploitations et faire-valoir ; identité et géographie des biens et des hommes ; éléments du paysage et extension du terroir. Autant de “lectures” qui se sont avérées particulièrement riches d’enseignements, car les éléments de comparaison, on vient de le voir, sont rares. Il importe, cependant, de souligner que ce document a été confectionné par un notaire qui a enregistré les déclarations faites par les tenanciers, transcrites par son scribe comme celui-ci les entendait. D’où les variantes s’agissant des noms de personnes ou de lieux. Quoi qu’il en soit, malgré la subjectivité et l’imprécision des déclarations, considérées dans leur ensemble, les 32 reconnaissances nous apportent un éclairage satisfaisant sur la seigneurie de Labrit, ses habitants et son terroir.

Au mois d’août 1582, maître Jehan Chambre, avocat du roi de Navarre au siège de Tartas, dont dépendait la “baronnie” de Labrit, s’établit au bourg de Labrit, dans la maison de maître Berthomieu de La Violle, afin de recevoir les reconnaissances des tenanciers des deux paroisses composant la seigneurie, celles de Labrit et de Vert. Il avait été mandaté par le sieur de Pichard pour procéder dans cette seigneurie à la “refformation” du domaine du roi Henri III de Navarre qui avait succédé à sa mère, Jeanne d’Albret, en janvier 1572. La baronnie d’Albret dépendait alors du duché d’Albret, érigé en décembre 1550 par Henri II en faveur d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret son épouse. Il regroupait les possessions de cette famille dans les diocèses landais, en Bordelais, Bazadais et Agenais. La seigneurie de Labrit était rattachée à la sénéchaussée de Tartas, l’une des quatre sénéchaussées établies avec celles de Castelmoron, Casteljaloux et Nérac, lorsque, en 1556, le duché était devenu duché-paierie.

D’après le terrier, le sire d’Albret était seul seigneur des paroisses de Labrit et de Vert. En tout cas dans les confronts il n’est jamais fait mention d’une autre seigneurie. On notera cependant que, selon le “Vieux Livre” du trésor de Nérac, la seigneurie de Labrit était, en 1340, composée de trois catégories de tenures, les unes qualifiées de “fiefs de Labrit”, probablement situées dans les paroisses de Labrit et de Vert, dans la directe du sire d’Albret, d’autres dites “fiefs du Sen” en coseigneurie entre le sire d’Albret et le prieur du Sen, enfin de “fiefs” achetés par le sire d’Albret à la dame de Desest et à Arnaud de Bordesolas. On doit y ajouter les terres, cens et rentes situés aussi au lieu de Deses, achetés en 1324 à R. de Mames, seigneur de Caslnau de Mames15. Le terrier de 1582 étant incomplet nous ignorons si cette situation avait ou non perduré.

À aucun moment il n’est fait mention de la manière dont la seigneurie était organisée. À la fin du XVe s. il y avait à Labrit un capitaine qui devait résider au château, un bayle chargé de l’administration et de la justice et un receveur qui collectait les redevances des tenanciers, les amendes et compositions. La communauté était, pour sa part, représentée par des jurats : en 1494-1495, le bayle avait pris avec leur accord une ordonnance relative à la réparation du moulin16.

Tenanciers et tenures

Les tenanciers

Ils sont au nombre de trente-deux17.

Dans la majorité des cas ils font personnellement la déclaration : seuls (1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 17, 21, 27) ou bien à plusieurs en cas d’indivision (14, 18, 28, 30). Quand il s’agit de femmes, celles-ci peuvent agir avec l’accord de leur frère (4), mais en règle générale elles le font sans l’assistance de leur époux, simplement mentionné (13, 18, 20, 22, 23, 24). Notons, cependant, une déclaration faite à la fois par les deux époux (25). Il arrive aussi que ce soit les tuteurs d’enfants mineurs comme ceux de Nauton de Naliis de Vert, représentés par Jehan de Naliis, frère ou oncle du défunt, venu de Sabres (11) ; Mainjon Dupuy et Catherine de Gourgue, sa femme, de Bélis en Marsan, font la déclaration pour les enfants du premier lit de Catherine, veuve d’Ogier de Maurin (29) ; Jehan Dupon représente les enfants d’Étienne Dagez dont il est le tuteur (31) ; Jehan Dupoy est, pour sa part, assisté de deux curateurs (32) ; quant à Jehan Deler, bien que laboureur, il agit avec le consentement de sa mère, qualifiée d’“administresse” (26). Plus original, enfin, est le cas de Semyonne Dupoy, mariée à Médard de Narran, qui fait sa déclaration avec l’accord du père et tuteur de son époux (19). Comment ne pas être frappé par la diversité de cet échantillon : quatre cas d’indivision, trois successions sous tutelle, trois autres cas de tutelle difficiles à interpréter. Voilà qui nous donne un premier éclairage sur la société de ces deux paroisses.

Vingt-deux tenanciers ou leurs représentants déclarent détenir des biens dans la paroisse de Labrit, neuf dans celle de Vert, baronnie de Labrit, mais, nous le verrons, certains tenanciers sont possessionnés dans les deux. Faisons connaissance avec eux.

Au Bourg (A la Ville) : Bernard de Correges (3), Estevenine de Latornerie (4).
Au quartier de La Claverie18 : Jehan de Castaignede (1), Pasqual de Castaignede (2), Andriu de Maurin (5), Jehan de Maurin (6), Estienne de Brustis (7), Jehan de Castaignede et Pierre Dubourc (14), Jehanne de Tartas (23), les héritiers d’Ogier de Maurin (29).
Au quartier de La Mole Vielhe-La Bernede : Plasance de Lucfrey (20) et Estevenine Desport (24).
Au quartier de Lesperon : Jehan de Ransinangou (8), Pierre Dubacque (10), Semyonne Dupoy (19), Micheu de Narran (21), Jehanne de Narran (22), Jehan Deler (26), Arremon de Lafontan (27), Jehan Dupon (31), Pierre Dubacquie et Anthoine Dupuy (32).
À Vert : Pierre de Puyo (12), Marguerite de Gourgue (13), Bertrand de Sentorens (15), Pierre de Sentorens (16), Martin de Martin (17), Jehanne et autre Jehanne de Gourgue (18), Ramon du Tastet (25), Pierre et Jehan Duluc (28).
Au quartier de Trescasses : les héritiers de Nauton de Naliis (11) et Matheou Danthes (30A).

Les tenanciers précisent, la plupart du temps, dans quelle paroisse ils résident, Labrit ou Vert. Mais Jehan de Castaignede et Pierre Dubourc qui sont en indivision se déclarent seulement “habitants de la juridiction et baronnie de Labrit”, probablement parce qu’ils ne résident pas dans la même paroisse (14). L’un d’eux, Guirons de Precilhon, habite dans celle de Maillères en Marsan (9), mais nous ne sommes pas certain que sa reconnaissance porte sur des biens situés dans la baronnie de Labrit. En effet, aucun des noms de lieu ou de personne qui figurent dans l’acte n’apparaît ailleurs dans le terrier. Si l’on est en droit de penser que la majorité des tenanciers habitent la résidence ou l’une des résidences qu’ils mentionnent dans leur reconnaissance, ce n’est pas forcément toujours le cas. Ainsi, lorsque le déclarant réside dans une autre paroisse et agit pour le compte de mineurs, il est probable que ceux-ci ne résident pas non plus sur leur tenure (11). C’est assurément le cas pour les enfants issus du premier mariage de Catherine de Gourgue qui habite avec son second époux à Bélis (29).

Les tenures

Leurs caractères

Les tenures constituent “l’héritage” ou patrimoine du tenancier et nous permettent d’apprécier sa fortune. Elles sont constituées :

  • de bourdieux, identifiés par leur nom, en d’autres termes, nous y reviendrons, d’unités foncières d’un seul tenant, parfois complétées par un certain nombre de parcelles (fig. 2) ;
  • de résidences qui possèdent, elles aussi, un nom, dont dépendent des parcelles en nombre variable. Par convention, après nous être penché sur leur origine, nous avons donné à ces ensembles – résidence + parcelles – le nom de “bourdieux recomposés”, introduisant ainsi un nouveau type d’unité foncière dans l’aire de la Grande Lande (fig. 3) ;
  • enfin, uniquement de parcelles.

Chacun de ces composants, bourdieu, résidence, parcelle est identifié par son nom, sa nature, ses confronts, sa superficie.

Le nom se décline sur deux ou parfois trois niveaux :

  • le territoire ou le quartier (ex. : territoire de Lesperon) ;
  • le nom du bourdieu (ex. : A la Borde), ou celui du lieu-dit où se trouve la résidence du bourdieu recomposé (ex. : Au Baylet) ;
  • puis, éventuellement, le nom de la parcelle ou du lieu-dit où se trouve chaque parcelle s’ajoutant au bourdieu ou constituant un des éléments du bourdieu recomposé (ex. : Au Pomer Roge).

Voici quelques exemples de la manière dont est précisée la nature du noyau de ces entités. Pour un bourdieu : “bourdieu, maison et héritage consistant en une maison couverte de tible creuz, parcq, parcques, terres laborables et a laborer, brostres, toyars, branars, dalhins,  tout en un tenant” (17B)19.

Pour un bourdieu recomposé : “une maison couverte de tuile, lieu où elle est bâtie, heyrial, avec une pièce de terre laboradisse et quelques chênes” (14).

Pour une parcelle : “une pièce de terre laboradisse” (18-3, 4).

En ce qui concerne la nature des parcelles il convient de distinguer celles qui sont d’une seule nature et celles qui en associent au moins deux : “une pièce de terre laboradisse et sostra” (18-2) ; “un journal un quart de tauzia et bois” (18-5) ; “un journal de terre et bois” (18-6).

La superficie est exprimée en journaux et parfois en règes, globalement pour les bourdieux d’un seul tenant, individuellement pour les parcelles associées à un bourdieu, de même que pour les résidences et les parcelles qui leur sont associées (bourdieu recomposé). Pour chaque tenure – sauf les tenures n° 1, 3, 8, 11, 20, 25 – le terrier donne, en plus, la superficie totale. Dans dix-sept reconnaissances (n° 5, 7, 12, 13, 14, 16, 17, 19, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 29, 30, 31) le notaire a précisé que le journal en usage dans la seigneurie de Labrit fait 100 pas commun sur 100. Si l’on admet que le pas fait 0,74 m, un journal de Labrit équivaut à 0,54 ha, mais si on considère que le pas ne vaut que 0,62 m la superficie du journal tombe à 0,37 ha20. Plusieurs parcelles, en particulier celles de la tenure n° 31, sont mesurées en arrégues d’un pas commun de largeur. Si l’on considère que l’arrégue équivaut à la distance séparant le creux de deux sillons, en d’autres termes la largeur d’un sillon et d’un billon, il semble que le pas de Labrit soit proche de 0,74 m.

Qu’il s’agisse d’un bourdieu, de la résidence d’un bourdieu recomposé ou de simples parcelles, en règle générale, le déclarant indique le nom des tenanciers des parcelles contiguës, selon les points cardinaux : bise, midi, levant, couchant. Cependant, à quelques rares exceptions, la nature de ce confront n’est pas précisée, sauf s’il s’agit d’un chemin ou d’un ruisseau. Dans tous les autres cas on ne trouve qu’une formule du type : “la terre de Jehannot Dubourg” ou “des héritiers de Jean de Gourgue” ou bien “les terres vacantes du seigneur”. Terre au singulier ou au pluriel signifie dans ce cas “le bien de…, la propriété de…”. Faute de connaître la nature des confronts la reconstitution du paysage s’avère difficile. C’est la seule lacune du terrier de Labrit.

Les différents types de tenure

Comme nous allons le voir, c’est la plus grande diversité qui règne.

L’échantillon de 32 tenures étant pertinent, le tableau ci-joint nous donne une idée satisfaisante des structures foncières de la seigneurie en cette fin du XVIe s. Nous avons pris en compte la présence dans la tenure d’une ou de plusieurs “unités foncières”, c’est-à-dire d’unités correspondant, à de rares exceptions près – une maison –, à des bourdieux ou à des “bourdieux recomposés”.

Dans la majorité des cas, le tenancier ne reconnaît qu’une unité. Celle-ci peut être constituée :

A :

  • 1. soit d’une maison : Bernard de Correges, qui habite le bourg de Labrit, ne possède qu’une maison et un lopin de terre (3).
  • 2.  soit d’un bourdieu ou partie de bourdieu, résidence et terres d’un seul tenant (10, 20), avec parfois, en plus, une (32), deux (11) ou trois parcelles (25).
  • 3. soit d’un bourdieu ou partie de bourdieu recomposé, constitué :
  • d’une résidence et des terres qui l’entourent, mais toujours d’une superficie réduite (2 jx. au plus), ainsi que d’un certain nombre de parcelles, la plupart isolées (1, 2, 4, 7, 12, 13, 14, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 31) ;
  • ou bien de deux résidences et de plusieurs parcelles (5, 6).

Précisons que le noyau de la tenure 29 est une borde.

B :

Ou bien la tenure comprend plusieurs résidences que nous avons considérées comme autant de “têtes” d’unités foncières, même si la réalité est, nous le verrons, parfois complexe. Nous avons aussi rattaché à chacune de ces unités les parcelles qui sont énumérées à la suite. Il s’agit :

  1. de deux bourdieux avec, en plus, des parcelles (17A, 17B ; 30A, 30B).
  2. de deux bourdieux recomposés et de leurs parcelles (15A, 15B ; 16A, 16B).
  3. de tenures complexes. En voici deux exemples :
  • tenure 19. Elle comprend : une résidence, salle et appentis (A) ; un bourdieu avec maison, terres, bois, sostrars et branars (9 jx) et des parcelles complémentaires (B) ; un second bourdieu avec maison, terres, bois, landes, branars et sostrars (C) ; une moitié de bourdieu avec maison, terres, bois et sostrars, et des parcelles complémentaires (D) ;
  • tenure 28. Elle comprend : un bourdieu d’un seul tenant avec trois maisons (A) ; un bourdieu avec, en plus, une parcelle (B) ; deux autres maisons constituant un bourdieu, avec plusieurs parcelles en complément (C).

Nous avons déjà signalé le cas d’une tenure possédée par un forain – il réside à Maillères en Marsan – qui ne reconnaît que quatre parcelles de prairie, qui ne se trouvaient probablement pas dans la baronnie de Labrit (9).

Le tableau ci-joint permet d’avoir une idée des caractéristiques de chaque tenure.

Type de tenure, superficie et rente

À l’intérieur de chaque type, le classement est fait selon le nombre croissant de parcelles. Pour la paroisse de Labrit nous avons indiqué le nom des quartiers : Bresso, La Bernede, La Claverie, La Mole Vieille, La Ville, Lesperon, Les Chinans.

Type de tenureSuperficie en journauxCENS en sous et deniers tournois
A 1 : Maison seule
N° 3 : La Ville : unité de résidence Sup.non précisée2 s. t.
A 2 : Tenure-bourdieu
N° 10. Lesperon : bourdieu 11,5 jx15 s.
N° 20. La Mole : bourdieu 22,5 jx22 s. 6 d.
N° 8. Lesperon : bourdieu : + 1 parc.Sup. non. pré. .16 s.
*N° 11-30A. Vert : bourdieu : + 2 parc.8 jx4 s.
N° 21 : Vert : u. de résidence + 3 parc.40 jx50 s.
N° 25. Vert : bourdieu : + 3 parc.16 jx15 s.
N° 32 : unité de résidence + 1 parc.8,5 jx12 s.
(1/3 de bourdieu) non précisé  
A3 : Tenure-bourdieu recomposé
N° 23. La Claverie : u. de résidence + 1 parc.6 jx6 s.
N° 12. Vert : u. de résidence + 2 parc.6 jx34 ardits
N° 27. Lesperon, Bresso : u. de résidence + 2 parc.2,5 jx9 ardits
N° 4. La Ville : u. de résidence + 4 parc.6 jx (est.)5 s. 8 d.
N° 2. La Claverie : u. de résidence + 4 parc.11,5 jx15 s.
N° 24. La Bernede : u. de résidence + 4 parc.6,5 jx8 s.
N° 29. La Claverie : u. de rés. (borde) + 4 parc. 4,25 jx3 s. 6 d.
N° 26. Vert : u. de résidence + 5 parc.9,5 jx10 s.
N° 18. Vert : u. de résidence + 5 parc.7,25 jx8 s.
N° 7. La Claverie : u. de résidence + 5 parc.12 jx20 s.
N° 13. Vert : u. de résidence + 5 parc.8 jx9 s.
N° 14. La Claverie : u. de résidence + 6 parc.21 jx25 s. 6 d.
N° 22. Lesperon : u. de résidence + 7 parc.8,5 jx13 s.
N° 1. La Claverie : u. de résidence + 7 parc.S.N.P.25 s.
N° 31. Lesperon :u. de résidence + 8 parc.3,25 jx14 s.
N° 6. La Claverie : 2 u. de résidence + 5 parc.8,5 jx13 s. 6 d.
N° 5. La Claverie : 2 u. de résidence et une borde + 6 parc.7 jx13 s. 6 d.
B : Tenure comprenant plusieurs bourdieux ou bourdieux recomposés, chacun avec une résidence
N° 17 : A. Lesperon, La Mole Vielhe, Badalie bourdieu + 4 parc. B. Les Chinans : bourdieu 62 jx   11 jx Total : 73 jx1 écu 1/3
N° 30 A ou 11 : A.Vert : bourdieu : + 2 parc. B. Vert : bourdieu : + 2 parc.8 jx 12,5 jx Total : 20,5 jx 
N° 15 : A. Vert : u. de résidence + 5 parc. B. Vert : u. de résidence + 6 parc.  20 jx (en tout)  19 s.
N° 16 : A.Vert : u. de résidence + 4 parc. B. Vert : u. de résidence + 3 parc.5,5 jx (en tout) 3 jx10 s.
N° 19 A. Lesperon : u. de résidence B. Vert : u. de résidence + 3 parc. C. Lesperon : bourdieu  D. La Mole Vielhe : u. de rés.+ 4 parc.  1 jx. 19,5 jx. 7 jx 26,50 jx Total : 54 jx        un écu ½ et 14 s. 6 d.
Autres cas :
N° 28 : A.Vert : bourdieu avec 3 maisons  B. Vert : bourdieu : + 1 parc. C. bourdieu, deux maison + 4 parc.  65 jx 11 jx 17,5 jx Total : 93,5 jx      un écu ½ et 14 s. 3 d.
N° 9 : pas de résidence 4 parc.6 jx3 s. 6 d.

Sur les 32 tenures recensées les superficies de trois d’entre elles (1, 3, 8) ne sont pas connues, soit en l’absence de toute indication (1), soit en raison du mauvais état du document (3) : au moins 13,8 jx. Une autre constitue un cas particulier (absence de résidence) (9). Dans ce domaine aussi c’est la plus grande diversité qui règne. La plus petite tenure n’a que 2,5 jx (27), la plus vaste 93,5 jx (28).

Le graphique joint (fig. 1) présente entrant dans chacune des tranches, par tranches de superficie en journaux :

Fig. 1. Terrier de Labrit (1582). Nombre de tenures, de bourdieux et de bourdieux recomposés par classes.
  1. le nombre de tenures et leur surface cumulée ;
  2. le nombre de bourdieux et leur surface cumulée ;
  3. le nombre de bourdieux recomposés et leur surface cumulée ;

Les tenures peuvent être réparties en quatre groupes :

  • de moins de un journal à 5 jx. inclus : trois, de 2,5 jx (27), 3,25 jx (31), 4,25 jx (29). Total : 10 jx. Moyenne : 3,3 jx ;
  • de 6 à 10 jx : onze de 6 jx (4,12, 23) ; 6,5 jx (24) ; 7 jx (5) ; 7,25 jx (18) ; 8,5 jx (6, 16, 22, 32) ; 9,5 jx (26). Total : 82, 25 jx. Moyenne : 7,47 jx ;
  • de 11 à 15 jx : trois, de 11,5 jx (2, 10) et 12 jx (7) Total : 35 jx. Moyenne : 11, 66 jx ;
  • de 16 à 20 jx : trois de 16 jx (25), 20 jx (15), 20,5 jx (30A-11). Total : 56,5 jx. Moyenne : 18,83 jx.
  • de 21 à 25 jx : deux de 21 jx (14), 22,5 jx (20). Total : 43,5 jx. Moyenne : 21,75 jx.

Restent quatre tenures de 40 jx (21), 54 jx (19), 73 jx (17), 93,5 jx (28) dont la superficie atteint 260,5 jx. Moyenne : 65,12 jx

Au total, la superficie cadastrée et reconnue est donc, pour 28 reconnaissances de 493,75 jx., soit 266 ha, si on retient l’équivalence d’un journal pour 0,54 ha, soit de 187 ha, si l’on estime le journal à 0,38 ha.

On se trouve donc en présence d’une société dans laquelle prédominent les petits propriétaires : ils sont 24 à se partager 244,75 jx, à peu près la moitié (48,44 %) de la superficie reconnue, soit en moyenne 10,19 jx ou 5,28/3,87 ha. Cependant les plus nombreux ne disposent que de 7,67 jx, soit 4,14/2,91 ha. Par contre, les quatre plus grosses tenures recouvrent à elles seules 260,5 jx, soit 140,67/99 ha et 51 % de la superficie reconnue. Dans trois cas sur quatre ces tenures comportent plusieurs unités d’exploitation.

À Salles, sur la basse Leyre, en 1540, sur 102 tenures, 28 (28,56 %) ont moins de 5 jx et 54 de 5 à 14 jx (55,08 %), correspondant à 536,31 jx et 41,88 % de la surface arpentée ; ainsi, 72 tenures (83,64 %) ont moins de 15 jx, soit une moyenne de 6,5 jx par tenure21. À Labrit, elles sont 19 sur 28 de moins de 15 jx, soit seulement 65,1 %, correspondant à 136,5 jx et 55,81 % de la surface arpentée, et une moyenne de 7,8 jx par tenure (4,12/2,96 ha.) Ainsi, les petits propriétaires de Labrit sont-ils apparemment mieux dotés que ceux de Salles, mais, comme nous le verrons, une part non négligeable de leur patrimoine est constituée de landes. À Salles, les tenures d’un superficie égale ou supérieure à 15 jx au nombre de 20 ont une superficie moyenne de 36,69 jx22, à peu de chose près comme à Labrit où, pour 12 tenures, la superficie moyenne est de 40,05 jx. Si, dans chaque cas, on retrouve une très grande variété de tenures, celles des petits tenants sont les plus nombreuses. On notera qu’en 1762 on comptait à Vert, 41 tenures couvrant 1814 jx. Les tenures les plus nombreuses sont alors celles qui ont entre 11 et 25 jx, alors qu’en 1582 ce sont celles de 2 à 10 jx23. En deux siècles la superficie des tenures s’est donc accrue.

Les charges pesant sur les tenures

À la lecture du terrier, le sire d’Albret, roi de Navarre, apparaît comme unique seigneur foncier des paroisses de Labrit et de Vert.

À la différence de la plupart de celles de la Grande lande (Sabres, Labouheyre, Brassenx) et de la Lande maritime (Maremne, Marensin, Gosse et Seignanx) qui sont sous le régime de la queste collective, la seigneurie de Labrit est une seigneurie rurale. La propriété éminente du sol appartient au seigneur qui concède la propriété utile de ses biens à des tenanciers par des baux à fief emphytéotiques, individuels (“fief vif et perpétuel”). Le tenancier use de ses biens comme il l’entend, à condition de ne pas en amoindrir la valeur, en retire les fruits et peut les transmettre par succession ou par vente. Il doit verser chaque année une rente et, en cas de mutation, le seigneur perçoit les lods et ventes de l’ordre de 10 à 12 % du montant de la vente.

Le tenancier, dont la qualité n’est pas précisée, alors qu’à Salles il est qualifié d’affeuat, après avoir énuméré les biens qui constituent sa tenure, indique le montant de la rente qu’il s’engage à payer chaque année à la Saint-Michel (29 septembre) au roi de Navarre ou à son représentant, à Labrit. Au cas où il apparaîtrait que le montant de la rente serait plus élevé que celui qu’il a déclaré ou qu’il serait redevable d’arrérages, il s’engage à s’en acquitter. Il lui est interdit de faire don de sa tenure à une institution religieuse (donation en main morte) ou à un autre seigneur. Il ne doit pas non plus sous inféoder (sous acaser) ses biens. Il reconnaît aussi tenir ses biens “avec les autres droits et devoirs seigneuriaux” qui ne sont pas précisés car régis en principe par la coutume orale. Il n’est pas fait mention de l’esporle ou acapte, ciment de la tenure “féodale”, payable à double mouvance. Cette acapte est du double de la rente dans le bail à nouveau fief du moulin de Labrit, en mai 158124.

Un certain nombre de tenanciers sont tenus “de n’aller moudre en autre moulin qu’au “banneret dudit seigneur en ceste dite baronnie”, mais le montant de la redevance, le “ffariat de les moles” (1340), n’est pas précisé. Nous ignorons pour quelle raison certains tenanciers n’y sont pas astreints. Leurs tenures se trouvent, soit à Vert (13, 15, 18, 28), soit à Lesperon, un quartier de Labrit (17, 19, 29, 21, 26). Nous nous demandons s’il ne s’agirait pas d’un oubli du scribe. Il existait sur l’Estrigon deux moulins bannerets, celui de La Mole Vielhe et le moulin du Roy, plus récent. Le montant de l’amende que devaient payer les contrevenants n’est pas précisé, ni le délai à partir duquel les assujettis pouvaient se rendre à un autre moulin. L’Estrigon servant en partie de limite aux deux paroisses et chaque moulin étant doté d’un pont pour passer d’une rive à l’autre, il était facile d’y accéder. Le notaire du Sorbet qui a reçu les déclarations des tenanciers précise qu’avec un de ses confrères, Berthomieu de La Violle, chez qui il s’est établi, ils “ont pris ledit moulin audit seigneur en rente
perpétuelle” (21-2). Cette indication, inhabituelle dans un terrier, s’explique par la date du contrat, passé le 8 mai 1581, quelques mois avant l’établissement du terrier : le montant de la rente est de 100 l. tournois, payable, comme celle des autres tenanciers, à la Saint-Michel25.

Le montant de la rente est exprimé dans la majorité des cas en monnaie de compte, sous et deniers tournois, et plus rarement en espèces, ardits valant trois deniers (23, 27) et écus (17, 19, 21, 28). Les paiements en ardits concernent de petites tenures, 9 ardits soit 2 s. 3 d. pour une résidence entourée de quelques parcelles faisant 2,5 jx et 34 ardits, soit 8 s. 6 d. pour 6 jx. Les paiements en écus correspondent aux tenures les plus importantes : 50 s. pour 40 jx, 1 écu pour 62 jx (17), un écu et demi et 14 s. 3 d. pour 54 jx (19) et 93,5 jx (28). L’écu dont il est ici question est l’écu d’or au soleil qui avait cours à cette époque pour 60 s. C’est ce qui ressort du bail à fief nouveau du moulin de Labrit du 25 mai 1581. La rente s’élève à 100 livres ou 33 écus un tiers, soit 3 livres ou 60 sous par écu. Ainsi la rente de la tenure n° 17 s’élève-t-elle à 60 s. et celle des tenures n° 19 et 28 à 104 s. 3 d. Cette estimation concorde avec le montant de la rente pesant sur les autres tenures, en règle générale à peu près proportionnel à la superficie de la tenure. Voici les moyennes : 4 s. pour 6,25 jx ; 12 s. pour 8 jx ; 17 s. pour 15,25 jx ; 24 s. pour 21,75 jx. Les tenures de 7 à 8 jx versent une rente de 8 à 13 s. Pour autant, il n’existe pas de règle stricte. Ainsi, deux des trois tenures qui paient 15 s. font 11,5 jx, mais la dernière fait 16 jx ; de même, nous venons de le voir, les tenures n° 19 et 28 qui font respectivement 54 et 93,5 jx sont assujetties à la même redevance : 1 écu 1/2 et 14 s. Le fait que les redevances soient exprimées en écus pour les plus élevées n’était pas sans conséquences. Depuis plusieurs années, en effet, le cours de l’écu n’ayant cessé de s’élever, passant de 40 à 60 s., le tenancier n’avait aucun intérêt à ce que sa redevance soit estimée en écus. C’est probablement pour cette raison que dans le bail à fief du moulin banneret le cours de l’écu a été fixé à 60 s. D’une manière générale, compte tenu de la hausse des prix tout au long du XVIe s., le montant fixe de la rente féodale ne cessa d’avantager les tenanciers, sauf dans le cas du paiement en écus sans autre précision. Au total, le produit de la rente des 32 tenures s’élève à 32 livres 10 s. 5 d. À la fin du XVe s. les revenus de la seigneurie de Labrit étaient estimés 150 livres, bien peu de chose au regard de ce que rapportaient alors les seigneuries de Castelnau, de Cazeneuve, de la Maremne et du Marensin.

On notera qu’à Salles il existait un tarif uniforme des redevances : pour chaque journal de terre labourable, la rente était de 6 d., 1/10 de poule et un picotin de seigle ; par journal de lande, 6 d. et 1/10 de poule ; pour les pinadas, 7 s. 6 d. par cas (charrette) de 10 qx. de résine26.

De la même manière qu’à Salles il n’est pas fait mention de redevances versées par les tenanciers pour l’usage des vacants. À la différence des habitants de Salles les tenanciers de Labrit n’étaient pas astreints à une corvée27.

Comment expliquer la diversité des patrimoines ?

On ne dispose que de peu d’indices susceptibles de nous éclairer sur les origines des tenures telles qu’elles apparaissent dans le terrier. Dans la majorité des cas elles correspondent, on l’a vu, à des bourdieux ou des bourdieux recomposés, mais il existe aussi un certain nombre de tenures regroupant plusieurs bourdieux ou bourdieux recomposés. Si l’on peut considérer que les bourdieux constituent des unités foncières anciennes ayant connu peu ou pas de modifications, par contre, les bourdieux recomposés sont probablement issus, dans la majorité des cas, de partages successoraux. En témoignent partages et indivisions.

Voici deux exemples de partage d’un bourdieu transformé en deux bourdieux recomposés correspondant chacun à une tenure. Il s’agit, tout d’abord, des tenures-bourdieux de Jehan (1) et de Pasqual de Castaignede (2). Jehan possède la moitié d’une maison et “une chambre d’icelle” qu’il a achetées à Pascal. Celui-ci possède, de son côté, “un appentis et une chambre de maison du côté du midi et du derrière”. Les lieux indiqués, Peche Bolhet dans le premier cas et Bolhic dans le second, ne sont apparemment pas les mêmes, mais il ne s’agit que de transcriptions différentes du nom du même lieu-dit. D’ailleurs, le jardin et la pièce de terre contigus appartenant à Jehan se trouvent du côté de “bise”, tandis que le jardin et le bois dépendant de la résidence de Pasqual sont du côté du midi. La tenure de Jehan fait un peu plus de 13 jx. (deux parcelles ne sont pas cadastrées), celle de Pasqual, 11,5 jx. Mais comment interpréter cette situation? Probablement Jehan n’a t-il eu dans le cadre d’un partage que des terres, ce qui l’aurait conduit à acquérir plus de la moitié de la maison de Pasqual. On remarquera, néanmoins, que celui-ci a conservé le “bon côté” de la maison, celui du midi.

Second exemple, celui des Maurin, Andriu et Jehan dit Gatou qui possèdent chacun un bourdieu recomposé à Maurin, quartier de La Claverie à Labrit (5, 6). La résidence du premier est constituée d’un appentis de maison, celle du second d’une maison sauf un appentis. Il s’agit, bien sûr, de la même maison. Le bourdieu d’Andriu fait 7 jx, celui de Jehan 8,5 jx, chacun avec 6 parcelles en plus du lot-maison. Andriu possède aussi, en plus, une salle de maison et Jehan une petite maison et leurs parcelles sont toutes contiguës. C’est l’image parfaite du partage d’un ancien bourdieu, probablement entre deux frères. Estevenine de Latornerie reconnaît, pour sa part, la moitié d’une maison et d’un jardin et deux pièces de terre, dont la reconnaissance pour l’autre moitié ne nous est pas parvenue (4).

D’une manière générale, on peut considérer que les bourdieux recomposés dont la résidence est, presque toujours, constituée d’une partie de maison, sont issus, pour l’essentiel, de partages successoraux (1, 2, 4, 5, 6, 7, 12, 13 18, 19, 24, 27, sauf 14, 23, 26). Un phénomène, sur lequel nous reviendrons, qui concerne la moitié des bourdieux recensés, révélateur, à notre avis, d’une pression démographique en cette fin de siècle, et peut-être aussi d’une mutation au sein du groupe familial.

Cependant, il existe aussi plusieurs exemples d’indivisions n’ayant pas encore donné lieu à des partages (14, 18, 19D, 28, 20, 30, 32) : dans ce cas, une seule reconnaissance est faite par les tenanciers : Micheou Dantes de Sabres, tient un de ses bourdieux de Trescasses avec les héritiers de Nauton de Naliis (30) ; Semyonne Dupoy possède en commun par moitié avec les héritiers de Babili de Lucfrey le bourdieu de Babili du Sarto (19D) ; Jehan de Castaignede et Pierre Dubourg reconnaissent tenir respectivement 2/3 et 1/3 de leur tenure (14) ; Jehanne et autre Jehanne de Gourgue, deux sœurs, n’ont pas partagé leur héritage (18), de même que les frères Pierre et Jehan Duluc (28).

D’autres cas semblables apparaissent dans des confronts. À Lesperon, Jehan de Sanques et consorts (19D, 26), à Vert, deux frères, Pierre et Jehan Duluc (15A, 16A, 28). Cependant, il peut arriver que des biens en indivision fassent l’objet de deux reconnaisssances : c’est le cas pour un petit bourdieu recomposé, reconnu pour une moitié par le tuteur des héritiers de Nauton de Naliis (11) et pour l’autre par Matheou Danthes (30).

À cette indivision devenue, semble-t-il, structurelle, s’en ajoute une autre liée au décès récent du tenancier, ce qui crée une indivision dont on ne sait si elle sera temporaire ou durable. C’est le cas des héritiers de Nauton de Naliis ou Neliis (11, 30), celui des enfants et héritiers d’Etienne Dagez (31), de Jehan Dupoy dit Jehandiron (8, 32), celui des enfants du premier mariage de Catherine de Gourgue avec Ogier de Maurin. En 1582, Catherine est tutrice de ses enfants avec son second mari, Marson Dupuy (29). D’autres indivisions apparaissent dans les confronts des bourdieux ou des parcelles. On trouve ainsi : à La Ville et à La Claverie, les héritiers de maître Bertrand de La Burthe (4, 5, 6, 29) ; à La Claverie, les héritiers de Jehan de Castaignede (1, 2), Pierre de Causamanque (30) et Maijon de Tarist (14) ; à Lesperon, les héritiers de Menjon de Laserre (25-6, 31), Pierre de Ransinangue (26), Martin de Sauques (19B, 22, 31), Jehan Dupoy (31), Jehan Dupoy dit Cluc (19B, 14, La Claverie), et de Pierre Depoy dit Machic (19B, 17A La Mole Vielhe) ; Aux Chinans, les héritiers de Menjon de Lesgoardes (17B), Mathieu Ducum (17B), Mathieu Dupoy dit du Marcaut (17B) ; A Bresso, les héritiers de Mathieu Dupoy (27) ; à La Mole Vielhe, les héritiers de Babili de Lucfrey (17A, 19D, 21) et de Fabian de Sairis (19D, 20) ; à Vert, les héritiers de Jehan de Babili (13), de Jehan de Gourgue dit Babili, peut-être le même (15A, B, 16A, 18), de (autre) Jehan de Gourgue (18), de Pierre de Gourgue (13) et de Jehan de Nogue (15A, 16 A, 28C).

Cette situation n’est pas propre à la seigneurie de Labrit. À Salles, en 1540, elle touchait 20,6 % des tenures, 24 sur 116, beaucoup plus encore en 1554-5528. En 1672, à Pissos et Liposthey, près du tiers des biens étaient en indivision29, à Vert, en 1762, 15 sur 4130. Cependant, à Labrit, à la différence de ce qui se passe à Salles, où l’esporle autrement dit la reconnaissance est faite collectivement par les ayants droit, chaque membre de l’indivision fait une reconnaissance individuelle. Dans la pratique, l’indivision sur le plan seigneurial n’empêchait pas des partages en vue de mises en exploitation séparées31.

Nous avons vu, par contre, que certaines tenures regroupaient plusieurs bourdieux (17A, B ; 19A, B, C, D ; 28A, B, C ; 30A, B) ou bourdieux recomposés (15A, B, 16A, B). Les successions et alliances ont sans nul doute leur part dans ces regroupements, ainsi l’union d’un fils et d’une fille uniques, mais aussi une politique d’acquisition de la part de tenanciers disposant déjà d’un bien suffisant pour répondre aux charges quotidiennes auxquelles ils avaient à faire face. Pour cela, en plus du faible poids de la rente, il a fallu que des opportunités s’offrent à eux : liquidation d’une succession, endettement de certains tenanciers les obligeant à se séparer d’une partie de leur tenure.

Voici, un exemple illustrant de quelle manière une famille a su “faire sa pelote” (17). Nous sommes à Vert, au Boscq. C’est là que se trouve le “bourdieu, mayne et heritage” de Martin de Martin, 18 jx. d’un seul tenant, dont cinq de terres labourables et à labourer, soit 27 % de la superficie. Le reste du mayne, ce sont des bois, sostrars et branars. Sur trois côtés, le mayne est entouré de terres labourables ou de sostrars appartenant à d’autres tenanciers, sur le dernier, par les vacants du seigneur (17-1). À ce noyau probablement initial les Martin ont ajouté – on ignore dans quelles circonstances, achat ou héritage – à Bernachon, près de la gourgue du moulin du Roi, sur la rive gauche de l’Estrigon, 24 jx. d’un seul tenant de terres labourables, placeas et bosquaiges, dans un environnement de terres, sostrars et brostèrs (17-2). On ignore le pourcentage de terres labourables au sein de cet ensemble.

Les Martin possèdent aussi, près de La Mole Vielhe, au sud de la paroisse de Labrit, la moitié d’un lopin de terre vacante et pignada provenant sans doute d’un héritage, en indivision avec les héritiers de Jehan Dupoy (17-3).

Martin de Martin vient aussi de prendre à nouveau fief, à La Houticque de Badalie, à Labrit, sur la rive droite de l’Estrigon, 2 jx. de sostrar, ainsi que 6 jx. de terre, dalhin, brostèr et pré, à Capbœuf, au sein des vacants du seigneur, au nord-ouest du lot précédent, un choix dicté sans aucun doute par la connaissance des lieux, la qualité ou l’accessibilité du sostrar (17-4, 5).

Les Martin possèdent encore au territoire des Chinans, à Labrit, un second bourdieu avec sa maison, ses dépendances, ses terres, brostèrs, tojars, branars et dalhes d’un seul tenant, de 11 jx., entouré de terres et sostrars de plusieurs tenanciers (17-6).

Autre exemple, celui de Semyonne Dupoy, de Lesperon à Labrit. Sa reconnaissance ne comporte pas moins de onze articles qui se répartissent en quatre ensembles (19). Elle possède :

  • une salle et appentis de maison A l’Estantade de Menauton, un jardin et des terres à l’entour, probablement le noyau originel de la tenure familiale (19-1), dont dépendaient, semble-t-il, deux pièces de terre labourable “joignant ledit bourdieu de Lesperon” faisant 2,5 jx (19-4, 5).
  • un bourdieu de 7 jx dont on ignore l’origine (19-6) ;
  • la moitié d’un autre bourdieu, près La Mole Vielhe, qu’elle partage avec les héritiers d’un certain Babili de Lucfrey, “sa dite part” faisant 20 jx (19-7).
  • trois parcelles de terre, sostrar, vacants, faisant 3,5 jx (19-9, 10, 11).

À cela s’ajoutent les acquisitions faites par le père de Semyonne, Jean Dupoy dit Clic :

  • un bourdieu de 9 jx acheté à Catherine de Precilhon, femme de Jean de Narran, ainsi que des pièces de terre ne faisant pas moins de 8 jx (1-2, 3).
  • un lopin de pignada acquis de Martinon de Narran, mais en indivision avec lui (19-8), une situation qui cache probablement la réalisation d’un prêt sur gage.

Bien que nos informations soient incomplètes, on se rend bien compte de l’origine du patrimoine de Semyonne : les héritages et les acquisitions rendues possibles grâce au produit des héritages. En effet, Semyonne a épousé Médard de Narran, fils de Martin, qui, bien que marié, est resté sous la tutelle de son père. Or, les biens acquis par Jean Dupoy, le père de Semyonne, l’ont été auprès de Jean et Catherine de Narran et de Martinon de Narran, sans aucun doute des parents de Médard, dont on ignore pour quelle raison ils ont été contraints de vendre leur bourdieu ou leur pignada. Impossibilité de rester en indivision peut-être, à moins qu’ils ne se soient endettés comme Mathieu de Precilhon, un parent de l’époux de Catherine dont des biens ont été hypothéqués par le notaire Berthomieu de la Violle (19-3).

Maître Berthomieu de La Violle, qui a mis sa maison à la disposition des représentants du roi de Navarre, apparaît de son côté comme un rassembleur de terre. Il est regrettable que nous ne disposions pas de sa reconnaissance car il était sans aucun doute une des plus riches tenanciers de la seigneurie. Il possède :

  • au bourg de Labrit, sa maison et ses dépendances, terre et jardin (3-1), une autre terre et maison près la place Boeitere (4-4), de la terre et des sostrars à Denezet (4-5) ; 
  • des terres à Lesperon, près de Mondicot (19B-3) ;
  • d’autres terres au voisinage du bourdieu de Babili du Sarto, près de La Mole Vielhe, au sud de la paroisse (17A-3, 19D-7, 8 ; 20-1) ;
  • le moulin banneret, le moulin du Roi, sur l’Estrigon, qu’il a pris à nouveau fief en 1581, avec son confrère du Sorbet (21-2) ;
  • dans la paroisse de Vert, vis-à-vis du moulin de La Mole Vielhe, sur la rive gauche de l’Estrigon, des terres qui paraissent relativement importantes (21-2) ; d’autres terres près de Lareyrot (15A-5, 28C-7) et près du bourdieu de Coayre (25-1), au sud de la paroisse.

C’est probablement à la suite de prêts sur gages que maître B. de La Violle a, comme d’autres notaires ou marchands de la Grande Lande, mis la main sur nombre de ces biens, obligeant certains vendeurs à devenir des métayers32. Nous touchons là à un aspect majeur de l’évolution de la société landaise.

Exploitations et faire-valoir

Le terrier ne nous informe directement que sur l’état de la propriété utile et ne répond que partiellement à une double interrogation, celle de la structure des exploitations et celle de leur faire-valoir, soit direct par le tenancier, soit par métayage.

Les 32 tenures se décomposent en 41 unités foncières à savoir :

  • quatre bourdieux d’un seul tenant ;
  • treize bourdieux complétés par des parcelles ;
  • vingt-et-un bourdieux recomposés dont deux avec deux unités de résidence (5, 6) et un établi à partir d’une borde (29) ;
  • deux maisons (1,19A) ; une unité foncière sans résidence (9).

Les bourdieux (fig. 2 et 3)

Essayons, dans un premier temps, de préciser les caractères propres aux deux entités principales que nous avons identifiées, le bourdieu et le bourdieu recomposé avec résidence et parcelles.

Si le terrier est particulièrement précis pour décrire une parcelle, il l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’un bourdieu pour lequel il ne donne jamais la structure parcellaire. Par contre, le vocabulaire utilisé est toujours le même. Nous nous en tiendrons pour l’instant à une approche synthétique.

Pour le bâti, il s’agit de maisons ou parties de maisons, salles, appentis, chambres et de bâtiments annexes, bordes, parcs, fournières.

Le non bâti peut être réparti en trois groupes :

  • des parcelles emblavées : terra laboradissa (labourable), cultivée ;
  • des parcelles non emblavées ;
  • des bois : bois, tausiar, pignada ;
  • des formations végétales appartenant à la lande : prairies : dalhin, sostrar, branar, brostèr.
  • des parcelles associant de la terre au dalhin, au bois, au bosquaige, au tausiar, au bois et sostrar, au sostrar.

Nous reviendrons sur chacun de ces termes, riches d’enseignement pour la connaissance du paysage de la seigneurie à la fin du XVIe s. ; ils vont nous permettre, dans un premier temps, d’en savoir plus sur l’économie des exploitations, puis de comprendre de quelle manière s’est faite l’occupation du sol dans cette partie de la lande.

Ce sont des bourdieux et bourdieux recomposés qui constituent, on l’a vu, la quasi-totalité des tenures. On note cependant, rappelons-le, quelques cas particuliers : une maison avec un lopin de terre dont la superficie n’est pas précisée dans le bourg (3) ; quatre pièces de dalhin ou prairie faisant 3 jx situées, semble-t-il, à Maillères (9) ; une salle et appentis de maison sur un lot de 1 j. à Lesperon (19A).

La distinction entre bourdieu et bourdieu recomposé n’est pas toujours facile, mais, en nous appuyant sur le vocabulaire, les caractéristiques de la résidence et la superficie de l’exploitation, le classement que nous avons retenu nous paraît fondé.

Les bourdieux (fig. 2)

Nous en avons dénombré 16 : n° 8, 10, 11 et 30A (il apparaît deux fois dans le terrier), 17A, 17B, 19B, 19C, 19D, 20, 21, 25, 28A, 28B, 28C, 30B, 32.

Ils se caractérisent :

  • par le terme de  “bourdieu” (32), ou “avec le bourdieu” (10, 30A), qui peut être remplacé par celui de meterie (8), ou associé à “héritage” (10, 11, 28A, 28C), “bourdieu, mayne et héritaige” (17A, 19D), “bourdieu, maison et héritage” (17B, 19B, 19C, 25), “moitié de maison, bourdieu et héritage” (20), le terme d’héritage soulignant le caractère privé de la propriété, celui de  mayne désignant l’ensemble constitué par la maison et les terres.
  • par le nom : Bourdieu des Foguet (11), appelé aussi Au bourdieu de Jean Dupuy dit Foguet (30A) ; Le bourdieu de Menau (30B) ;
  • par le regroupement autour de l’habitation des parcelles qui le composent : “le tout d’une pièce” (10), “tout à un tenant” (17A, 17B, 28A), “joignant à la dite maison” (21). Les confronts concernent alors cet ensemble ;
  • par la superficie qui est égale ou supérieure à 9 jx.

Parfois, il ne s’agit que d’une moitié de bourdieu (11 et 30A, 19C), ou même d’un tiers de bourdieu (32), pour lesquels la documentation est incomplète. Il arrive aussi que le terme soit absent, mais le noyau de la structure atteint 8 jx (28B).

Fig. 2. Terrier de Labrit (1582) : les bourdieux.
Fig. 3. Terrier de Labrit (1582) : les bourdieux recomposés.

Le noyau du bourdieu

Il arrive que le contenu du bourdieu ne soit pas précisé (20), mais dans tous les autres exemples le déclarant en donne une description relativement précise. Le bourdieu comprend :

  • une maison : 8, 10, 17A, 17B, 19B, 19 C, 20, 25, 30B) ; une petite maison (28 B) ; ou seulement une moitié (11 et 19D), ou une partie de maison (32), dans le cas d’une indivision. Un une ancienne (28A) ;
  • plusieurs heyrials (cas d’un bourdieu avec trois ou deux maisons) (28A, 28C) ;
  • un dabantiu (11) et jardin (32) ; une fournière (17A) ;
  • un parc et andoste (8) ; des parcs, parques et andostes (17), des parcs et parques (17C), des parques (19C, D) ;
  • des terres (10, 20, 25, 28 A, 30A, 32), cultes et incultes (8, 11, 28B, 28C), labourables et à labourer (17A, 17B, 19B, 19C, 19D), extirpées et à extirper (25) ;
  • des bois (8, 10, 11, 17A, 19B, 19C, 19D, 28A, 30A, 32) ;
  • de la lande (8, 19C), des sostrars (10, 11, 17B, 19B, 19C, 19D, 28A, 30B, 32), des branars (17A, 17B, 19B, 19C), brostres (brostèrs) (17B), tojars (17B) ;
  • des terres vacantes (19D) ;
  • des prairies (dalhins) (17B, 28A, 32) ;
  • des rivières (19C).

Nous reviendrons sur chacun de ces termes dans le chapitre consacré aux composantes du paysage.

Les seize bourdieux ont une superficie allant de 7 à 65 jx.. Lorsqu’il s’agit de biens en indivision, comme le montre l’exemple des reconnaissances n° 11 et 30A, chaque tenancier peut en faire une pour sa part. Voici les superficies par ordre croissant : 7 jx (19C)  ; 11 jx (17B, 28B) ; 11,5 jx (10) ; 12 jx (32) ; 12,5 jx (30B) ; 15 jx au moins (11+30 A) ; 17 jx (25) ; 17,5 jx (28C), 19,5 jx (19B) ; 22, 5 jx (20) ; 26,5 jx (19D) ; 40 jx (21) ; 51 jx (17A) ; 65 jx (28A) ;  sup. non précisée (8).

Il aurait été intéressant de connaître la proportion de terres labourées, de bois et de landes entrant dans la composition des bourdieux. De ceux d’un seul tenant au nombre de cinq, nous ne connaissons que la superficie et l’énumération plus ou moins stéréotypée de leurs composants (10, 17B, 19C, 20, 28A). Pour les dix autres qui comptent, en plus, d’une à quatre parcelles, nous connaissons la superficie respective du noyau et celle de ses annexes (11-30 A, 17A, 19B, 19 D, 21, 25, 28B, 28C, 30A, 30B, 32). Celle du noyau représente de 18,75 à 88 %, de la superficie du bourdieu, pourcentage sans relation avec sa superficie.

En voici le détail :

18,75 %, S. : 16 jx (25) ; 23 %, S. : 18 jx. (28C) ; 24 %, S. : 26,5 jx (19D) ; 45 %, S. : 51 jx (17A) ; 46 %, S. : 19,5 jx, (19B) ; 62,5 %, S. : 8 jx (30A) ; 68 %, S. : 12,5 jx (30 B) ; 88 %, S. : 11 jx (28B).

Autre donnée, la répartition selon leur nature entre terres, landes et bois, des parcelles annexes des bourdieux. La chose n’est pas aussi facile à appréhender qu’il pourrait paraître, car une même parcelle peut contenir des terres et des bois ou de la lande. Voici, cependant une approche, complétée par un graphique (fig. 2).

La part des terres arables ou des landes varie en superficie de 0 à 100 %, celle des bois de 0 à 33 %. Ces pourcentages extrêmes résultent de l’existence d’une seule parcelle en plus du noyau du bourdieu.

Terres labourables : 100 % (32, 19B) ; 76,9 % (19D) ; 75 % (30B) ; 72 % (17A) ; 25 % (28C) ; dans le bourdieu 17A les terres arables avec 29 jx sur 51 représentent 56 % de la surface totale ; des terres peuvent être associées sur la même parcelle à du sostrar ou du tauziar (30A) 

Pignada, bois : 38 % (19D) ; 33 % (30 A) ; 25 % (28C) ; 12,5 % (30B) ; 3, 03 % (17A) ; 0 (19B).

Sostrar, dalhin, brostre (brostèr), pré : 100 % (28B, 32) ; 66 % (30A) ; 50 % (28C) ; 24 % (17A) ; 12, 5 % (30B) ; 7, 69 % (19 D) ; 0 (19B).

Ce qui est finalement remarquable c’est l’accroissement de la superficie de ces bourdieux par l’adjonction de parcelles nouvelles traduisant une faim de terre probablement ancienne, comme le suggère dans certains bourdieux la part des terres cultivées : leur extension était la seule réponse possible à l’accroissement du nombre de bouches à nourrir.

Les bourdieux recomposés (fig. 3)

Il s’agit, rappelons-le, d’unités foncières composées d’une résidence et d’un certain nombre de parcelles. Elles sont au nombre de vingt-et-une.

La plupart se confondent avec une tenure (1, 2, 4, 5, 6, 7, 12, 13, 14, 18, 22, 23, 24, 26, 27, 31). Les tenures n° 5 et 6 possèdent deux résidences, mais la modestie de leur superficie (7 et 8,5 jx) prouve qu’il n’y a qu’une seule unité foncière. La présence de deux unités est probable dans le cas de la tenure n° 16A, B, vraisemblable dans celui de la tenure n° 15A, B.

On peut rattacher à cet ensemble la tenure n° 4 dont le noyau est constitué par une borde. On notera aussi que dans le bourdieu recomposé n° 5 est incluse une borde avec 2 jx de terre, amorce probable d’un nouveau bourdieu.

Ces unités foncières se caractérisent par :

  • l’absence d’un terme spécifique pour les désigner, à la différence des bourdieux ;
  • la présence, autour de la résidence, d’un ensemble foncier modeste ;
  • la répartition en parcelles plus ou moins dispersées de l’ensemble des terres qui en dépendent ;
  • une superficie largement inférieure en moyenne à celle des bourdieux.

La résidence : à la différence des bourdieux, les maisons sont rares. En plus de celle du bourg (4), on n’en trouve que trois (14, 23, 26). Pour le reste, il s’agit :

  • d’une moitié de maison (12), une partie de maison (22), une moitié de maison et une chambre (1), une maison sauf l’appentis et une salle de maison (6), une salle de maison (13), avec l’appentis de bise (7), avec appentis au nord et au sud (15A) ;
  • d’un appentis de maison (5, 15B, 16A, 27), un appentis et une chambre de maison (2), deux appentis de maison (24) ;
  • d’une chambre de maison (16B) ; une estantade de maison consistant en une chambre (18).

La résidence est implantée sur un lot-maison d’un demi-journal à 2 jx qui représente de 4 % à 25 % de la superficie du bourdieu. Le lot sur lequel elle est établie peut comporter :

  • un parc (13) ; 
  • un dabantiu (22, 24) ;
  • un jardin (1, 2, 13, 19A, 22, 24, 27) ;
  • de la terre (19A), un lopin de terre (3, 7, 13), une pièce (16B), deux pièces (26), de la terre cultivée (15B) ;
  • une pièce de terre labourable (1, 6, 14, 15 A, 16A) et à labourer (5, 18) ; une pièce de terre et bois (27) ;
  • un bois (1, 2, 7), un bosquaige (13), quelques chênes (14), bois et forêt (15 B), bois et tausiar (16B) ;
  • un heyrial (6, 7, 14, 15B, 26, 28B), deux heyrials (15A) ;
  • une pièce de sostrar (7, 13), sostrar et branar (16A), tojar et sostrar (26) ;
  • un verger (15B).

Parfois, il est précisé “le tout joignant ensemble”, comme s’il s’agissait d’un bourdieu ancien (26).

Si la superficie moyenne des bourdieux recomposés est de 16,27 jx, soit de 6,01 à 8,78 ha, inférieure en moyenne de 5,1 jx à celle des bourdieux anciens, on note néanmoins des différences considérables au sein de ce groupe. En voici la liste par ordre croissant :

2,5 jx (27), 3 jx (16B), 3,25 jx (31), 4,25 jx (29), 5,5 jx (16A), 6 jx (4, 12, 23), 6,5 jx (24), 7 jx (5), 7,25 jx (18), 8 jx (13), 8,5 jx (6, 22), 9,5 jx (26), 10 jx (15A, 15B), 11,5 jx (2), 12 jx (7), 13 jx (1), 21 jx (14).

Le plus petit de ces bourdieux qui fait 2,5 jx se réduit à un appentis de maison (0,50 j.) et deux parcelles dans lesquelles la terre est associée au tauziar et au dailhin ; c’est probablement un bourdieu de défrichement (27). Le plus important avec 21 jx, structuré autour d’une maison, ne compte pas moins de sept parcelles dont une de terre labourable atteint 3,5 jx et une de terre et sostrar 9 jx (14). La maison se trouve au centre d’une petite parcelle d’un demi-journal seulement, composée d’un jardin, de terre et de bois.

Le nombre de parcelles s’ajoutant au lot-maison varie de un à sept : une (23), deux (12, 27), trois (16B), quatre (2, 4, 16A, 24), cinq (6, 7, 13, 15A, 18, 26), six (5, 14, 15B), sept (1), en moyenne 4,5. Il convient de mettre à part le bourdieu n° 31 qui, autour d’une partie de maison et de métairie (3,25 jx), regroupe sept parcelles mesurées en sillons. La superficie des parcelles varie de 2 a à 30 a33.

Il est difficile, en raison du grand nombre de parcelles associant deux natures du sol, de préciser la part respective des terres arables, des prairies, des bois et des landes. Les terres arables de 1,5 à 8,5 jx représentent de 15 % à 70 % de la superficie des bourdieux recomposés, soit en moyenne 3,82 jx de 1,91 ha à 2,06 ha. Si chaque bourdieu possède des champs, la présence de landes ou de bois varie énormément. Ainsi, deux bourdieux n’en possèdent pratiquement pas (7, 12), mais, dans d’autres, les landes représentent plus de la moitié de la superficie totale : 11 jx (52,38 %), pour une superficie totale de 21 jx (14). Dans les autres cas il ne s’agit que de 1 à 2 jx qui représentent néanmoins de 6 à 22,4 % de la superficie. Les bois sont présents dans la moitié des bourdieux : de 0,5 à 2 jx, une fois 6 jx, soit 33 % (12). Certains bourdieux ne possèdent, en plus des terres, que des landes (1, 2, 14, 16), d’autres que des bois (7, 12, 13), d’autres des landes et des bois (5, 6), mais ce qui est remarquable c’est l’importance des landes et des bois. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect, essentiel à notre avis, pour reconstituer l’histoire de l’occupation du sol des deux paroisses.

Le faire-valoir

Il existe, nous venons de le voir, une majorité de tenures constituées, les unes d’un seul bourdieu d’un seul tenant, complété éventuellement par une ou deux parcelles, les autres par un ensemble de parcelles dépendant d’une résidence, réduite le plus souvent à une partie de maison.

La tentation est forte de voir des exploitants directs dans les tenanciers qui se qualifient de laboureurs, résidant dans la même paroisse que celle dans laquelle se trouve la tenure et ne déclarant posséder qu’un bourdieu ou bien un bourdieu recomposé dont la superficie est inférieure à 15 jx. Cette situation correspond probablement à la réalité dans la majorité des cas. C’est vrai, par exemple, pour les Castaignede (1, 2), mais les déclarants précisent rarement qu’ils résident sur la tenure. C’est le cas de Martin de Martin qui reconnaît un bourdieu “où il fait présentement sa demeurance” (17) ou celui de Jehanne de Narran et de son époux qui font aussi leur “demeurance” dans une partie de maison à Lesperon (22).

Cependant, le faire-valoir à part de fruit n’était pas inconnu dans la seigneurie de Labrit, en cette fin du XVIe s. Ainsi, Jean de Ransinangou déclare tenir une maison, parc, andoste, meterie, consistant en terres cultes et incultes, bois et landes (8). Si le tenancier avait été lui-même exploitant, il aurait sans aucun doute parlé de bourdieu. Métairie encore que ce modeste bourdieu recomposé de 3,25 jx, constitué, entre autres, d’une “partie de maison et partie de meterie” appartenant aux enfants et héritiers d’Etienne Dagez placés sous tutelle (31). On peut estimer, d’ailleurs, que l’on devait avoir recours sinon au métayage du moins à un faire-valoir indirect chaque fois que les tenanciers étaient mineurs. C’est le cas des enfants d’Ogier de Maurin et de Catherine de Gourgue, qui possèdent une borde à La Claverie dans Labrit. Catherine s’est remariée avec Marson du Puy avec lequel elle réside à Bélis. On peut tenir pour certain que Catherine a confié l’exploitation des 3,66 jx de la borde à des brassiers ou des métayers, ou bien en métayage à d’autres tenanciers (29). Il devait en être de même pour le bourdieu du Foguet situé à Trescasses, à Vert, appartenant aux héritiers de Nauton de Naliis, sous tutelle de l’un de leurs parents Jehan de Naliis (11) ou pour les biens des héritiers de Jehan Dupoy dit Jehandiron (32).

Le faire-valoir indirect s’impose aussi lorsqu’il s’agit de mettre en valeur des patrimoines qui sont constitués de plusieurs unités foncières. Prenons pour exemple la tenure que deux frères, Pierre et Jehan Duluc tiennent en indivision. Leur patrimoine est constitué de six maisons et 93,5 jx. de terres de diverses natures, répartis entre trois bourdieux dont l’un fait encore 65 jx (28). Même si chacun des co-tenanciers exploite un bourdieu, il est à peu près certain que les autres maisons sont occupées par des métayers ou des brassiers qui apportent probablement aussi un complément de main d’œuvre. Trois autres tenures présentent les mêmes caractères : deux bourdieux recomposés faisant en tout 20 jx (n° 15A, B) ; deux bourdieux de 62 et 11 jx (17A, B) ; une maison et trois bourdieux faisant 54 jx (19A, B, C, D). Dans deux autres cas la superficie de la tenure est moindre : 30,5 jx pour deux bourdieux de 8 et 12,5 jx et seulement 8,5 jx pour deux autres bourdieux (16A, B).

C’est l’occasion de rappeler que le terrier masque la réalité sociale et la situation démographique des deux paroisses dans la mesure où les tenanciers ne sont pas tenus d’indiquer de quelle manière ils exploitent leurs biens. Une partie de la population, celle des petites gens – tenanciers déchus, métayers et brassiers – nous échappe.

Identité et géographie des biens et des hommes (fig. 4)

L’identité des lieux : leur nom

En règle générale, les tenanciers s’attachent à localiser avec soin les biens qu’ils déclarent. Aujourd’hui, pour identifier une parcelle on donne successivement : le nom de la commune, celui de la section du cadastre, le nom du lieu-dit, puis le numéro de la parcelle.

En 1582, cette localisation se fait de deux façons, étant entendu que les biens se trouvent dans la baronnie ou juridiction de Labrit et dans la paroisse de Labrit ou celle de Vert. Chaque lot – qu’il s’agisse d’un bourdieu d’un seul tenant, d’une résidence et de ses annexes immédiates, d’une parcelle quelle qu’en soit la nature – est défini par son nom et sur ses quatre confronts, soit par les noms des tenanciers voisins, soit par un chemin, une rue, un ruisseau ou les vacants du seigneur.

Fig. 4. Les paroisses de Labrit, Vert, le Sen d’après la carte de Belleyme Habitat et occupation du sol. Carte réinterprétée par J. Menault. Les noms de quartiers encadrés et ceux de lieux dits soulignés sont ceux attestés par le terrier de 1582.

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter : ou bien le déclarant précise successivement le nom du quartier, puis celui du bourdieu ou de la résidence du bourdieu recomposé, ou bien il ne mentionne pas le nom du quartier. La situation est différente selon les paroisses.

Notons tout d’abord, que “au lieu de Labrit” signifie “au bourg de Labrit” ou bien La Ville, selon les commentateurs ultérieurs du terrier (3, 4).

Dans cette paroisse les quartiers sont assez bien individualisés. Il s’agit de ceux de :

  • La Claverie : appelé “territoire de La Claverie” (1, 5-1, 5-7, 14) ou, plus simplement, “A la Claverie” (23). Parfois ce nom est absent, mais on peut identifier le quartier à partir du contenu de la reconnaissance (1, 2, 5, 6, 14, 23, 29). Il arrive que le nom du quartier soit précisé dans le cas d’une borde (5-7).
  • La Bernede : quartier (7), A La Bernede (24) ;
  • Lesperon : quartier (8, 10, 31) ; territoire (19A, B, 22) ; A Lesperon (21) ;
  • Les Chinans : territoire (17B) ;
  • Bresso : porté dans la marge (27).

Il arrive aussi qu’un bourdieu soit situé par rapport à un élément bien connu du paysage : La Mole Vielhe sur l’Estrigon (19D), qualifié aussi de territoire rapporté à La Bernede (20, 21-4).

Dans la paroisse de Vert, en revanche, il est seulement fait référence à la paroisse, qualifiée de territoire de Vert (11, 13, 16A, B, 18), paroisse de Vert (15A, 21-2, 25), “audit Vert” (15B) ou bien à un lieu, qualifié ou non : A Trescasses (11), quartier de Trescasses, pour une pièce (25-3), Aux Trescasses (30A, 30B).

À Labrit, lorsque le quartier est précisé, il est suivi du nom du bourdieu : Au Camp de Piroza (8), Al Bere (10), Au bourdieu du Foguet (11) (17B), A Menauton (21), Le bourdieu de Menau (30B), A Johan Dagez (31), ou de celui du lieu-dit : Pe de Bolhet (1), lieu appelé Au Baylet (15A). Mais, le plus souvent, le nom de la résidence est introduit par “appelée” : A Maurin (5), A Poy (7), A Jehan de Babili (13), A Bolhet et Au Claus (14), A Jehan de Babili de Gorgue (18), A l’estantade de Menauton (19A), A Michot (22), Au Pesquita (23). Il arrive aussi que la résidence soit désignée par le même nom que celui du quartier : A La Bernede (24). Exceptionnellement le nom du bourdieu n’est pas indiqué (19B).

Second cas de figure, le déclarant ne mentionne pas le nom du quartier, soit par oubli, soit en l’absence de quartiers bien définis comme à Vert. Il donne alors seulement et comme précédemment :

  • soit le nom du bourdieu : Au Boscq (17A), Aux Jocmes (19C), La Bordasse, Le Lanot de la Mole Vielhe (19D), A Coayre (25), Au bourdieu de Jean Dupuy dit Fogit (30) ;
  • soit celui de la résidence, introduit par “appelée” : A Bolhic (2, 4), Meurin (6), A Senton (12) Au Baylet (15A) (15B) ou, plus directement, “la maison vieille de Bertet (28A)”, A Vinson (28B), A Cazeneuve (28C). C’est aussi le cas lorsque qu’il s’agit d’une autre résidence énumérée dans la suite de la reconnaissance : L’ostalet du Stuenot (7-2) ; Pepin (16B).

Il arrive aussi que ni le quartier, ni le nom de la résidence ne soient précisés et seule une indication marginale plus récente nous fait connaître le nom du quartier (26, 27, 29, 30A).

Lorsqu’un tenancier déclare des maisons dans chacune des paroisses, il précise alors celle dans laquelle il habite. Ainsi, Martin de Martin de Vert, déclare d’abord un bourdieu au Boscq où il fait sa résidence (17A), puis un autre bourdieu aux Chinans, un quartier de Labrit (17B). De même, Mathieu de Narran possède des biens à Labrit, à Lesperon et paroisse de Vert (21).

Tous les autres éléments constituant ou complétant la tenure sont identifiés de la même façon par un nom introduit par la formule “appelé”. Ce nom s’applique, soit à une parcelle qualifiée de pièce (ex. pièce de terre “laboradisse” (1-3), soit à une superficie (ex. “deux journaux de terre laboradisse” (1-2). Si, dans le premier cas, il y a tout lieu de penser que le nom est celui de la parcelle, dans le second il pourrait aussi bien s’agir de celui d’un lieu-dit.

Cependant le terrier nous apporte indirectement, à travers les noms des tenanciers dont les biens confrontent ceux des déclarants, des informations qui permettent d’identifier et de localiser d’autres bourdieux. Grâce à ces noms nous pouvons ainsi découvrir un grand nombre de tenanciers de Labrit et de Vert, dont les déclarations nous sont perdues.

Les repères 

Il reste à identifier ces quartiers et ces bourdieux car, s’agissant des parcelles, la recherche serait vaine. Il n’est pas inutile de rappeler ici que les toponymes ne sont pas des sources écrites. Les noms de lieu sont créés puis transmis de manière orale. Le nom des paroisses et celui des cours d’eau importants ont fait l’objet de transcriptions portées ensuite sur des cartes. Si des changements interviennent, l’identification des dénominations anciennes ne pose pas en général de problème. Il n’en est pas de même pour les noms de quartiers et encore moins pour ceux des bourdieux dont les plus anciens reports sur une carte ne datent que de la seconde moitié du XVIIIIe s. Il serait vain enfin de vouloir retrouver sur un plan cadastral du début du XIXe s. les noms des parcelles, de loin les plus nombreux. En effet, si ces plans donnent un état fidèle des noms de lieux-dits habités ou non, en règle générale l’état de sections n’indique pas le nom des parcelles. L’indiquerait-il, il y a peu de chances que nous retrouvions des noms du XVIe s. tant ces dénominations sont fugitives. C’est dire les limites de notre démarche.

Cours d’eau et chemins

Parmi les éléments pérennes du paysage une place à part doit être accordée aux cours d’eau et parfois aux chemins (fig. 4).

L’Estrigon constitue la colonne vertébrale de la seigneurie qu’il traverse du nord-est au sud. Si on se reporte à la carte de Cassini ou à celle de Belleyme, on s’aperçoit qu’il sépare la paroisse de Labrit en deux parties inégales : sur la rive droite, mis à part un quartier délimité par le ruisseau et la paroisse de Vert, la lande l’emporte. C’est sur la rive gauche que se trouve la partie “utile” de la paroisse. Elle est divisée en deux ensembles : un pédoncule à l’extrémité sud-est, sur lequel le terrier est muet, un territoire dont le château occupe en gros le centre où se mêlent terres emblavées, feuillus et pignadas, appuyé à l’Estrigon, entouré sur les trois autres côtés par une auréole de landes jusqu’aux limites orientale et méridionale de la paroisse. Aux Chinans, à l’est de l’église, lEstrigon limite un bourdieu vers l’ouest (17-6). Au quartier de Lesperon, au sud de l’église, il borde vers l’est le bourdieu du Camp de Piroza (8-1) et un lopin de brostèr Au Lanejoulx (22-5), au sud, le bourdieu d’Al Bere (10-1) ; “en la part du soleil levant du ruisseau”, c’est-à-dire sur sa rive gauche, il coule en bordure de pièces de terre près le Mondicot (19-3). Le ruisseau de la Bernede, attesté à trois reprises, est un affluent de rive gauche de l’Estrigon : il borde, à l’est, deux et probablement trois lopins de pignada près La Mole Vielhe (17A-3, 19D-8, 21-4).

À Vert, le ruisseau du Bertès (15-12) borde à l’est un lopin de terre appelé Au Bertès. Nous pensons que ce ruisseau est celui qui coule au nord du lieu-dit Verlet (Cassini, Belleyme), devenu en 1823 le ruisseau de Lesgarriques. Le bourdieu appelé Aux Jocmes est limité à l’ouest par le ruisseau qui vient de Badelade (19C-6). Il s’agit probablement du ruisseau du Bernin qui coule à l’est du lieu de Badilade dans la paroisse de Labrit, puis à proximité de l’église de Vert. Un bois et dalhin dépendant du bourdieu de Cazeneuve portent le nom de Bernin (28C-5).

S’il est bien chose mouvante et souvent éphémère dans la lande ce sont les chemins qui traversent les vacants. Il n’en est pas de même dans les secteurs où sont implantées les tenures, le terme chemin public est là pour le rappeler. Ces chemins on les trouve, bien sûr, à proximité des maisons (1-1 ; 2-1 ; 4-3 ; 5-1, 2 ; 6-1, 2 ; 7-1 ; 13-1 ; 14-1 (deux chemins) ; 23-1 ; 26-1 ; 27-1 ; 29-1), bordant des bourdieux (19B-2) ou des parcelles de terre (1-3, 4, 8 ; 2-2 ; 4-5 ; 5-5 ; 5-8 ; 6-4 ; 7-5 ; 14-2 (deux chemins), 3, 4, 5, 6 ; 16B-8 ; 19B-4, 5, D-11 ; 21-2 ; 22-3 ; 23-2 ; 26-2 (deux chemins), 5 ; 27-2 ; 29-3 ; 31-8). À Labrit, à Lesperon, un bourdieu est longé à l’ouest par un “chemin et estrade publique” (10-1) ; dans le bourg, le chemin prend le nom de rue publique (4-1, 2) ; non loin, passe un chemin royal (4-3) que l’on retrouve – mais est-ce le même ? – en bordure de la maison de Menauton à Lesperon (21-1). En fait, les mentions de chemins sont relativement rares puisque nous n’en avons recensé que treize en bordure de lieux habités et tout juste le double s’agissant de parcelles. Il est certain dans ces conditions que les servitudes de passage devaient être nombreuses.

Les cartes de Cassini et de Belleyme et les anciens plans cadastraux nous donnent par leur recoupement une bonne idée de ce réseau de chemins.

De l’église de Labrit en partent quatre : vers le Sen, au nord-est, Sabres à l’ouest, Vert, au sud-ouest, enfin Brocas, au sud, celui-ci séparant le château du hameau de La Place (fig. 5). De l’église de Vert partent de même, vers l’est, le chemin de Labrit, vers le nord-ouest, celui de Sabres, vers l’ouest, celui de Luglon, vers le sud-ouest, celui de Garein. Ce réseau est loin de couvrir l’espace de la seigneurie ; sur les cartes du XVIIIe s. un seul chemin est indiqué dans la partie septentrionale de la paroisse de Labrit. Il existe, par contre, trois ponts sur l’Estrigon, l’un, au sud de l’église de Labrit, reliant les deux parties de la paroisse et l’église de Labrit à celle de Vert, un autre, en aval, au Moulin du roi, utilisé par le chemin qui relie Vert aux quartiers du sud de Labrit et, au-delà, aux paroisses de la Gouaneyre (Bélis, Maillères) et à Roquefort ; enfin, celui de La Mole Vieille qui relie Vert à la partie méridionale de la paroisse de Labrit.

Églises et moulins

Les églises de Labrit et de Vert n’apparaissent à aucun moment dans le terrier ; y seraient-elles présentes, ce serait en tant que confronts. Par contre, trois sites sont mentionnés qui doivent retenir notre attention : La Grange, le moulin banneret et celui de La Mole Vielhe dans Labrit, à la limite des deux paroisses, enfin la Tuilerie de Vert.

Les “terres et  bourdieu de La Grange dudit Labrit” (19-B3) apparaissent dans le confront méridional de pièces de terre situées “en la part de soleil levant du ruisseau appelé L’Estrigon près Le Mondicot”, en d’autres termes sur la rive gauche. Indiquée sur les cartes de Cassini et de Belleyme, la Grange est située à 1 km au sud-ouest du château, en amont du moulin du Roi (15). C’est le seul bourdieu qui apparaisse dans un confront et l’expression “La Grange de Labrit” prouve qu’elle est bien connue des habitants. Il s’agit d’une grange de l’abbaye de Pontaut, victime des Huguenots en 1571, devenue par la suite une simple exploitation affermée par l’abbé34.

Le moulin du Roi est appelé dans le terrier “moulin baneret de la présente seigneurie”. Le ruisseau du moulin – L’Estrigon – sert de confront oriental à un ensemble de parcelles de diverses natures, situées paroisse de Vert (21-2). Le moulin, indiqué sur les cartes de Cassini et de Belleyme ainsi que sur le plan cadastral de 1823, se trouvait à 1,5 km au sud-ouest du château. Dans le contrat de bail à rente du 25 mai 1581 il est décrit comme “un molin bannier et a l’au, molant à deux mulles courantes…, ledit molin de bois et fermé de parois de bois, couvert de tuiles crues, avec ses gourgues, nasses, peysserre, cours d’eau et toutes ses autres appartenances et depandances”35. Sur le cadastre de 1823 on aperçoit un vaste plan d’eau avec canal d’amenée et canal de fuite, traversés par un chemin venant de Vert et se dirigeant vers l’Est. Le moulin a disparu dans les années 1870.

Le moulin de La Mole Vielhe apparaît à cinq reprises dans le terrier. Il est indiqué sur la carte de Belleyme (La Mole vieille) et sur le cadastre de 1823 (La Moule vieille). Il était situé, comme le précédent, sur la rive gauche de L’Estrigon, à l’extrémité méridionale de la paroisse, à 2,5 km du château, en amont de la confluence avec le ruisseau de La Bernede. Il était alimenté, comme le moulin du Roi, par un canal de dérivation, mais l’étang était de moindre importance. Le cours du ruisseau et le canal étaient traversés par un chemin venant de Vert et se dirigeant vers l’est et le bassin de la Gouaneyre. Il fut probablement le premier moulin “banneret” et conserva ce statut lorsque fut construit le moulin du Roi, implanté au centre de la seigneurie. Le moulin servait, nous le verrons, de repère topographique et il est même question d’un territoire de La Mole Vielhe (21-4).

Il convient, enfin, de signaler le lieu-dit “A La Tibliere” (21-2) situé sur le territoire de Vert, devenu Tuileries (Belleyme), puis La Tuilerie sur le cadastre de 1823. La pérennité de l’activité industrielle n’a rien d’étonnant en raison de son implantation sur des glaises, dans une partie de la paroisse où abondaient les taillis (Au Boscq de Bernachou, Au Bosquat).

Nous avons essayé, à partir des mentions des cours d’eau, de la carte de Cassini et de celle de Belleyme ainsi que des premiers plans cadastraux, de localiser les quartiers et les bourdieux cités ou faisant l’objet de reconnaissances.

Quartiers et lieux-dits (fig. 4)

Le château et le bourg de Labrit (fig. 5)

Le bourg de Labrit, La Ville, est devenu au XIXe s. le Hameau de la Place. Il était situé 200 m à l’ouest des fossés du château, structuré autour d’une place centrale vers laquelle convergent cinq chemins.

En 1582, des jardins se trouvent entre une “rue publique” et les “fossés dudit lieu” (4-2) ; une pièce de terre labourable située près du “château dudit lieu” confronte sur trois côtés à des terres et, au dernier, au “chemin royal et public” (4-3). Il s’agit sans aucun doute du chemin conduisant à Mont-de-Marsan qui traversait le Hameau de la Place. Au début du XIXe s. le hameau se présentait sous la forme d’une place de 150 m du nord au sud et 100 m de l’est à l’ouest, bordée à la périphérie par dix maisons. Il s’agit de la “place Boeitiere … les foires du bestial au présent lieu” (4-4). Dans l’un des confronts des biens que Berthomieu de La Violle donne en garantie lorsqu’il prend à nouveau fief le moulin du Roi, on trouve la place appelée de Laboutera36. En 1582, il existe une rue principale (4-1). Entre les maisons on trouve une parcelle de terre confrontant, au nord, à la place et sur les trois autres côtés à des terres, preuve s’il en fallait de la rusticité des lieux (4-4). La maison de Bernard de Correges est bordée sur trois côtés par des “terres publiques”.

On connaît cinq des maisons du bourg : celles de Bernard de Correges (3), de Berthomieu de La Violle (3-1 ; 4-1), d’Estevenine de Latornerie, sœur de B. de Correges, qui partage la sienne avec Andrieu de Latornerie (4-1) et celle de François de Lafite (4-1). La maison de B. de Correges possède un petit terrain par derrière (3), celle de B. de Laviolle un jardin (3-1), mais nous n’avons pas d’information sur les autres. Il existe aussi des jardins regroupés entre le fossé du lieu, au sud, et une rue publique, au nord (4-2). Le jardin d’Estevenine de Latornerie (4-2) qui fait six pas sur quinze – de 35 à 50 m2 – est contigu, à l’est, à une terre et jardin et, à l’ouest, à un autre jardin. Sur le plan du début du XIXe s. une demi-douzaine de jardins et des prairies entourent le hameau. La situation n’avait certainement pas beaucoup évolué depuis 1582.

Fig. 5. Le site du château de Labrit d’après le plan cadastral de 1823.

Si le patrimoine de Bernard de Correges, laboureur (3) et celui de sa sœur Estevenine de Latornerie (4) nous sont connus on peut esquisser celui des sept autres tenanciers possessionnés au bourg.

  • Andrieu de Latornerie possède une maison au bourg (4-1), une terre près la place Boeitère (4-4), enfin des sostrars à Denezet (4-5) ;
  • Maître Berthomieu de La Violle, est un rassembleur “de biens” que nous avons évoqué à propos de l’origine des patrimoines. C’est dans sa maison qu’ont été reçues les reconnaissances des tenanciers et qu’avait été passé, le 25 mai 1581, le bail à fief nouveau du moulin du Roi en sa faveur et en celle de maître Pierre Sorbé.
  • François de Lafite tient une maison au bourg (4-1) et une terre à La Boere (6-3) ;
  • Andreu de Maurin, qui possède un jardin (4-2), tient aussi un bourdieu recomposé A Maurin à (5) et des biens à La Bernede près du bourdieu de Poy (7-4, 5) ;
  • Jehan de Tarbeu, une terre près la place Boeitere (4-4) ;
  • Antoine Dupoy et Belote de Lesperon, son épouse, une terre et jardin (4-2) ;
  • Menjolet Dupoy, une terre, près le château (4-3).

Sur les neuf tenanciers du bourg qui nous sont connus deux, B. de La Violle et Andreu de Maurin, sont aussi possessionnés dans d’autres quartiers, une situation qui, nous le verrons, n’est pas si fréquente.

Les quartiers de Labrit

Si, dans la majorité des cas, nous savons dans quelle paroisse et, pour Labrit, dans quel quartier se trouvent les bourdieux, leur localisation n’a été que rarement possible. En effet, les noms de nombre de ces bourdieux ne réapparaissent pas sur les cartes et plans du XVIIIe et du XIXe s. Certaines reconnaissances concernent plusieurs bourdieux ou des dépendances qui peuvent se trouver à Labrit et à Vert, sans que cela soit toujours précisé. Enfin, si l’identification et la localisation d’un bourdieu sont assurées, cela ne signifie pas que les parcelles qui en dépendent se trouvent à proximité ou dans la même paroisse.

Voici l’exemple de Martin de Martin, de Vert, qui déclare tenir le bourdieu du Bosc (18 jx), sans indiquer dans quelle paroisse il se trouve (17A-1). Or, les noms des tenanciers dont les parcelles sont contiguës apparaissent dans d’autres reconnaissances concernant le quartier de Lesperon à Labrit. Un utilisateur ultérieur du terrier a d’ailleurs indiqué dans la marge “Lesperon”. La localisation du bourdieu est donc résolue, mais celle des dépendances pose plusieurs problèmes. Où se trouvent les 24 jx appelés A Bernachon (17A-2) ? Compte tenu des noms des tenanciers voisins, à Lesperon aussi ; mais point de lieu-dit Bernachon. Il existe, en revanche, un lieu-dit Bernache dans la paroisse de Vert, sur les bords de lEstrigon. Seconde dépendance, un pignada qui se trouve à La Mole Vielhe, près du ruisseau de La Bernede, à l’extrémité méridionale de la paroisse de Labrit (17-A3). Quant aux deux dernières dépendances il convient de les rechercher, selon nous, dans la paroisse de Labrit, mais sur la rive droite de l’Estrigon, au nord-ouest de l’église. Il s’agit de 2 jx de sostrar à La Honticque de Badalie et de 6 jx de terre dalhin, brostèr et pré situés à Capboeuf, ces biens confrontant de tous côtés aux vacants du seigneur. Badalie, probablement Badilade, et Capboueus figurent sur Cassini et Belleyme (Fig.4). Ce bourdieu et les parcelles qui lui sont associées constituent un exemple remarquable de la dispersion des parcelles appartenant à une même tenure, mais nous ignorons s’ils dépendaient d’une même exploitation.

Autre fait majeur, apparu à l’examen des noms de personnes recensées dans chacun des quartiers que nous avons identifiés : les noms des tenanciers qui apparaissent dans les confronts des bourdieux ou des parcelles d’un quartier ne réapparaissent pas, sauf exception, dans ceux d’un autre quartier. Ainsi, il existe de véritables communautés de quartier dominées, nous le verrons, par certaines familles.

Le territoire de La Claverie

Le seul indice que nous ayons relevé permettant d’identifier avec certitude le quartier de La Claverie est le toponyme Pé de Boulic qui figure sur la carte de Belleyme ainsi que sur le plan cadastral de 1823 (Pedebouille), à l’extrémité orientale du terroir cultivé de Labrit, sur la rive gauche de l’Estrigon (fig. 4). Or, sous différentes graphies, ce toponyme apparaît à plusieurs reprises dans les reconnaissances des tenures du quartier de La Claverie. Jean et Pascal de Castaignede partagent une maison et possèdent deux bourdieux contigus appelés Pé de Bolhet et A Bolhic (1, 2). Une pièce de dalhin est appelée A la Come de Bolhet (1-5). Jehan de Castaignede, fils d’autre Jehan, partage avec Pierre Dubourg un bourdieu appelé A Bolhet et Au Claus (14-1), 3 jx. de terre laboradisse Au Clauset et Au Grand champ de Bolhet ainsi qu’une parcelle A La Come de Bolhit (14-6). Semyonne Dupoy tient de son côté soixante règes Au Clauset de Bolhic (19D-11). Certains de ces bourdieux sont situés au contact des vacants du seigneur ; ainsi celui du Pesquita, bordé par la lande au sud et au nord (23-1). 

Nous avons recensé au quartier de La Claverie huit bourdieux recomposés – mais nous n’avons pu en identifier que deux – et une borde. En voici la liste :

1. Jehan de Castaignede, laboureur, pour un bourdieu recomposé à Pe de Bolhet. Son nom réapparaît en confront de la tenure de Pasqual (2) : 2-1, A Bolhic : terre et maison, 2. A Bolhic, 3. inconnu, 4. Au Pouteric, 5. A Lestradas.
2. Pascal de Castaignede, laboureur, pour un bourdieu recomposé A Bolhic. Son nom réapparaît en confront de la tenure de Jehan (1) : 1-1, Pe de Bolhet, 3. Au Mauran, A La Grosse, 4. Aux Castanairons, 8. A Lestrade (14) :14-2, A Catalinon et A La Gautere, près de la tenure d’autre Jehan de Castaignede.
5. Andriu de Maurin, laboureur, pour un bourdieu recomposé A Maurin. Son nom réapparaît en confront de la tenure de son frère Jehan (6) : 6-1. A Maurin, 2. Arnaud Guilhem, 3. La Boere, 4. A la Borde de Jus, 5, 6. A La Maybonne, 7. Au Clausot du Parcq ; A La Claverie, près de la tenure d’Estienne de Brustis (7) : 7-3, A Berlais, 4. A Poy,
6. Jehan de Maurin dit Gatou, laboureur, frère d’Andriu, pour un bourdieu recomposé A Maurin. Son nom réapparaît en confront de la tenure de son frère Jehan (5) : 5-1. A Maurin, 2. A l’Ostalet de Stuenot, 3. A la Borde de Jus, 4. Au Claus Barad, 5. Au Brostre du Camp de Jus, 6. Au Bourcquessar, 7. A Estrise, 8. A Arnaud Guilhem. 
7. Etienne de Brustis, pour un bourdieu recomposé de 11 jx, au lieu-dit Poy. Son nom réapparaît en confront de la tenure de A. de Maurin (5) : 5-7, La Claverie, Estrise et de celle de J. de Maurin (6) : 6-5, La Claverie : A la Maybonne. Ces trois tenures étaient au moins en partie voisines.
14. Jehan de Castaignede, fils de feu Jehan de Castaignede (2-3) et Pierre Dubourc, laboureurs, pour un bourdieu recomposé A Bolhet et Au Claus. 
23. Jehanne du Tartas, femme de Guilhem de Tarritz, laboureur, pour le bourdieu recomposé du Pesquita.
29. Marson Depuy et Catherine de Gourgue, sa femme, comme tuteurs des héritiers d’Ogier de Maurin, pour une borde et ses dépendances.

Nous avons relevé, en plus des noms des tenanciers, ceux de 21 personnes qui apparaissent dans les confronts de leurs tenures. Elles appartiennent aux familles d’Arroman, d’Arrossat, de Castaignede (2 pers.), de Causamanque, de Jacomet, de Labeque, de Laolhar (3), de Leglise, de Lesparre, de Tarrist (2), Ducum (3), Dupoy (2), Durin, du Tartas. Certains de ces tenanciers possèdent aussi des biens A La Bernede (Darroman, de Jacomet, de Tarrist) ou A La Mole Vielhe (Dupoy).

Le territoire des Chinans

Un bourdieu “d’un seul tenant” est situé au territoire des Chinans (17B). Le nom des Chinans figure sur la carte de Cassini et celle de Belleyme, à l’est de l’église de Labrit, non loin de lEstrigon, en bordure du chemin conduisant au Sen (fig. 3). Le tenancier, Martin de Martin, détenait aussi, on le verra, le bourdieu du Boscq à Lesperon.

Sept tenanciers apparaissent aussi en confront : héritiers de Menjon de Lesgoardes ; Mathieu Ducum ; Mathieu Dupoy ; autre Mathieu Dupoy ; Guirons Dupoy, présent aussi à Lesperon (Bresso) ; les héritiers de Mathieu Dupoy, dit du Marcaut ; Pierre Dupoy.

Des trois familles possessionnées en contiguïté avec ce bourdieu, une n’apparaît que dans ce quartier (Lesgoardes), une autre à La Claverie (Ducum) et une à Lesperon (Dupoy), dont trois des représentants cités dans l’acte (Pierre, Mathieu et autre Mathieu) ne réapparaissent pas dans le quartier de Lesperon et un autre, Guirons, est présent à Bresso. On trouve le même toponyme des Chinans à Vert.

Le quartier ou territoire de Lesperon (fig. 3)

Il existe, au nord-est du château, un habitat appelé Lasperon sur la carte de Cassini et Lesperon sur celle de Belleyme et le premier plan cadastral. Il ne peut s’agir que du nom porté naguère par ce quartier. En revanche, nous n’avons retrouvé qu’un seul nom de bourdieu situé dans ce quartier, celui de La Grange et seulement celui d’un lieu-dit voisin : il s’agit de pièces de terre situées “en la part du soleil levant du ruisseau appelé l’Estrigon, près le Mondicot” (19-B3). Le Mondicot figure sur la carte de Belleyme au bord du ruisseau, au nord de La Grange, sous le nom de Mondiquoa et sur le cadastre sous celui de Moundiquoa. On peut aussi localiser les biens, un appentis et des terres, reconnus par Arremon de Lafontan, habitant de Labrit. Si celui-ci n’indique pas comment s’appelle le lieu où se trouve cet appentis, un utilisateur du terrier a porté dans la marge Bresso. Il s’agit probablement du lieu-dit Bruzon (Cassini, Belleyme), Bruson (cadastre), situé au nord-ouest du château, non loin de l’Estrigon.

Nous pensons aussi que certaines dépendances du bourdieu de Michot appelées Au Lanejoulx et A Sesqut (22-5, 7) étaient situées sur la rive droite de l’Estrigon. En effet ces terres confrontent celles des héritiers de Martin de Sauques, un nom que nous rapprocherons volontiers de celui du lieu-dit Sauques (Cassini) ou Saugues (Belleyme).

Nous avons recensé dans ce quartier douze bourdieux et une salle :

  • trois bourdieux : 10, 19C, 31 ;
  • six bourdieux avec dépendances : 8, 17A, 19B, 19D, 21, 32 ;
  • trois bourdieux recomposés : 22, 26, 27 ;
  • une salle : 19A.

Les bourdieux, au nombre de neuf, sont trois fois plus nombreux que les bourdieux recomposés, seuls présents, nous l’avons vu, à La Claverie. Malgré le caractère aléatoire des données dont nous disposons, nous sommes enclin à y voir une preuve de l’ancienneté de la mise en valeur du sol dans le quartier de Lesperon situé entre l’église et le château, par rapport à celui de La Claverie situé, à l’est, en bordure de la lande. Il reste encore des vacants comme ceux qui se trouvent au sud du bourdieu du Boscq (17-1), au nord et à l’ouest de celui de Menauton (21-1) ou au nord de celui de Jehan Deler (26).

Voici la liste des tenanciers de ce quartier :

8. Jehan de Ransinangou dit Vidau, laboureur, habitant de Labrit, pour un bourdieu et ses dépendances Au Camp de Piroza, à l’ouest de l’Estrigon.
10. Pierre Debacque, laboureur, habitant à Labrit, pour un bourdieu appelé Al Bere*.
17. Martin de Martin, habitant à Vert, tient un bourdieu appelé Au Boscq (A) et un autre, nous venons de le voir, au territoire des Chinans (B). Les noms des tenanciers qui apparaissent en confronts du bourdieu du Boscq (De Narran, Dupoy) se retrouvent dans d’autres reconnaissances du quartier de Lesperon, dont le nom a été indiqué dans la marge par un utilisateur du terrier.
19. Semyonne Dupoy, épouse de Médard de Narran, fils de Martin de Narran, avec l’accord de Martin de Narran, curateur de son fils Médard, résidant à Vert. Pour une salle à Lesperon, A L’Estantade de Menauton (19A), un bourdieu et ses dépendances à Lesperon (19B), un autre Aux Jocmes (19C), un autre près la Mole Vielhe (19D). Autres mentions : A Lesperon : 17A-1. Au Boscq, 2. A Bernachon ; 21-1. A Menauton, 3. A Michot ; 22-1. A Michot : terre et maison ; 2. A Mata, 3. Au Camp de Dehans, 4. A La Plassere et A La Lague du Bacquera, 5. Au Lanejoulx, 6. A La Trolhe (3), 7. A Sesqut, 8. Au Casau : terre et paduens ; à La Molle Vieilhe : 17A-3, 21-4.
21. Michel de Narran, laboureur, pour le bourdieu de Menauton et ses dépendances. Son nom apparaît en confront de la tenure de Martin de Martin (17) : 17A-1, A Lesperon, Au Boscq ; sa maison est voisine de celle de Semyonne Dupoy à Lesperon, à l’Estantade de Menauton (19A-1) ; son padouen est contigu à un branar et jardin de Jehanne de Narran : 22-8, à Lesperon, Au Casau.
22. Jehanne de Narran, femme de Jehan de Cas […] dit Pasquerou, habitant à Lesperon pour le bourdieu recomposé de Michot.
26. Jean Deler, laboureur, demeurant à Lesperon, avec le consentement de sa mère, Marguerite Cameleyre pour un bourdieu recomposé à Lesperon.
27. Arremon de Lafontan, tailleur, habitant à Labrit, pour un bourdieu recomposé, à Bresso.
31. Jehan Dupon, laboureur, tuteur des enfants et héritiers d’Etienne Dagez pour une partie de métairie (bourdieu et dépendances), à Lesperon, appelée A Johan Dagez.
32. Pierre Dubacque et Anthoyne Dupoy – il s’agit probablement d’une femme –, habitants de Labrit, comme curateurs des biens laissés par Jehan Dupoy dit Jehandiron, pour un bourdieu et ses dépendances. Le quartier n’est pas précisé ; un seul des noms des tenanciers mentionné en confront réapparaît dans le quartier de Lesperon, Jehan de Ransinangue (8).

Nous avons recensé les noms de dix autres familles qui apparaissent dans les confronts des bourdieux : Dagez (4), De Brostet, De Laserre (2), De La Truerie, De Narran (8), De Precilhon (2), De Ransinangue (2), De Sauques ou De Sanques (2), Dupoy ou Depoy (5), Dutilh. Les Ransinangue et les Dupoy sont déjà connus comme tenanciers. Au total, en ajoutant les autres tenanciers – Dubacque, Martin, Deler, Dupon, Lafontan –, on arrive à treize familles identifiées par leur nom et à celui de trente tenanciers. Les Laserre apparaissent aussi à Vert.

Mis à part Martin de Martin (17) et Semyonne Dupoy (19), possessionnés, nous l’avons vu, dans plusieurs quartiers, Catherine de Precilhon, seule de tous les tenanciers apparaissant en confront, possède des biens dans un autre quartier (La Bernede) (20-1).

Les quartiers de La Bernede et de La Mole Vielhe (fig. 4)

La Bernede se trouve à l’extrémité méridionale de la paroisse, au sud du ruisseau du même nom (17-3, 19-8, 21-4), affluent de rive gauche de LEstrigon, à égale distance du ruisseau et de la limite de la paroisse. La Bernede figure sur la carte de Belleyme et sur le plan cadastral. C’était au XVIIIe s., un habitat isolé disposant d’un petit champ en direction du ruisseau, entouré partout ailleurs par la lande.

Trois tenures sont connues :

24. Estevenyne Desport, épouse de Peyrot de Saint Martin, tixier, habitant au territoire de La Bernede, reconnaît un bourdieu recomposé de 6,5 jx, comprenant deux appentis de maison et un jardin, en bordure des vacants du seigneur et quatre pièces et lopins de terre labourable et de sostrars.

Trois autres tenanciers sont possessionnés à La Bernede : Georges du Tartas (7-1, 4, 6 ; 24-2, 3) et Jehanon Serre (24-2, 3), peut-être en indivis, et Me Jehan Vinsens (24-1, 2, 3, 4) dont la tenure est aussi contiguë à celle dite de Babili du Sarto, près La Mole Vielhe (19-D7).

La Mole Vielhe est, nous l’avons vu, le nom d’un moulin, mais aussi celui d’un ruisseau (19-7) et d’un territoire (21-4, 17-3).

À proximité de La Mole Vielhe, dans la zone de confluence de LEstrigon et du ruisseau de La Bernede (17-A3), six tenanciers font une reconnaissance.

La plus importante, celle de Semyonne Dupoy et des héritiers de Babili de Lucfrey, concerne le bourdieu de Babili du Sarto, proche du ruisseau de La Mole Vielhe (19D-7). Il comprend : la maison, des parcs, des terres labourables, des bois et sostrars, appelés A La Berdasse et du Lanot de La Mole Vielhe, mais une bonne partie était en vacants car les terres étaient “sabloneuses et de petite valeur”. La part de Semyonne Dupoy est de 20 jx. Plasance de Lucfrey déclare, de son côté, détenir 22,5 jx, correspondant, pensons-nous, au quart du bourdieu (20) dont la superficie devait donc dépasser 80 jx. Nous ignorons à qui appartenait le dernier quart.

Quatre autres tenanciers et Semyonne Dupoy reconnaissent des terres vacantes et un pignada, bordés à l’est par le ruisseau de La Bernede, à l’ouest par le Lanot de la Mole Vielhe, au sud, par le bourdieu du Sarto, et au nord par des biens appartenant à Me B. de La Violle :

  • 2 jx. sont indivis entre les héritiers de Jean Dupoy et Martin de Martin de Vert, qui tient le bourdieu du Bosc à Lesperon (17A-3) ;
  • un journal est indivis entre Martin de Narran et Semyonne Dupoy (19D-8) ;
  • un autre lopin de pignada appartient à Micheou de Narran (21-4).

La situation se présente ici d’une manière tout à fait différente de celle des autres quartiers. En effet, si Plasance de Lucfrey et Martin de Martin, de Vert, ne réapparaissent dans aucun acte, il n’en est pas de même des autres co-tenanciers, ni des autres tenanciers. Ainsi, Semyonne Dupoy est-elle possessionnée  à Lesperon (19 D) ; les héritiers de Jehan Dupoy à La Claverie (2-3) ; Martin de Narran à Lesperon (22-4, 5, 6) et Bresso (27-1, 2, 3) ainsi qu’à Vert, où il est voisin des terres de Micheou de Narran (21-2) ; celui-ci tient à Lesperon le bourdieu de Menauton (21), contigu à ceux de Martin de Martin (17A-1, 2) et de Semyonne Dupoy (19A-1).

Nous connaissons aussi les noms de tenanciers possessionnés à La Mole Vielhe qui n’apparaissent qu’en confronts : les héritiers de Fabian de Tarrist (19-D7, 20-1), Me du Sorbet, notaire ( 17-A3 ; 19-7, 8 ; 20-1), Me Berthomieu de la Violle (19-D 7, 8 ; 20-1) et Jean Vinsens (19-7), Jehan Ducaq et Catherine de Precilhon (20-1), Fabian de Serres (20-1). Au total, ce sont donc douze tenanciers qui possèdent des biens dans ce territoire somme toute réduit entre l’Estrigon et le ruisseau de La Bernede.

Lieux-dits et quartier de Vert (fig. 4)

La localisation des bourdieux a été plus facile que dans la paroisse de Labrit. Un seul quartier est mentionné, celui de Trescasses (25-3), attesté aussi comme lieu-dit (11-1, 30B-4). Ce quartier où se trouve le bourdieu de Foguet est porté sur les cartes de Cassini et de Belleyme et sur le plan cadastral ancien (Tres Casses). Il se trouve à l’extrémité occidentale de la paroisse, séparé du centre par la lande, en bordure du chemin de Vert à Sabres, à proximité de la limite entre la paroisse de Vert et celles de Sabres, Luglon et Garein.

  • Le bourdieu du Foguet est entouré par les vacants à l’est et au sud (11-1, 30 A, B). Il n’est pas le seul à se trouver dans cette situation : c’est aussi le cas de deux bourdieux situés Au Baylet quiconfrontent aux vacants à l’est, au nord et au sud, pour l’un (15-A1), au sud pour l’autre (16A-1) ; celui du bourdieu de Jehan de Babili de Gorgue, au sud et au nord (8-1). La lande entoure aussi la maison vieille de Bertet sur trois côtés (28 A-1), celle située à Vinson, sur deux (28B-2) et borde, au sud, les maisons de Cazeneuve (28C-4).

Nous avons pu identifier d’autres bourdieux ou lieux-dits :

  •  Le bourdieu de Pepin, porté sur les cartes de Cassini et de Belleyme et sur le plan cadastral ancien (Pépin : I.G.N.) (15B, 16B). Il est situé au sud-ouest de l’église, en bordure du chemin de Vert à Garein (cadastre). Il ne fait aucun doute que le lieu appelé Au Verger de Pepin se trouvait à proximité (15A-6).
  •  Le bourdieu de Coayre (25), indiqué sur la carte de Cassini (Couaire), celle de Belleyme (Couaire, Petit Couaire) et sur le plan cadastral de 1823 (Couairot), au sud de l’église. Ce bourdieu et le suivant sont en bordure d’un chemin orienté d’ouest en est, venant de Sabres et se dirigeant vers la Mole Vielhe.
  • Les trois bourdieux des frères Duluc situés au sud de la paroisse :
    • celui de Cazeneuve (28C-4), absent des cartes de Cassini et Belleyme, mais présent sur le plan cadastral de 1823 (Casanabe), contigu à l’ouest à celui de Coayre ;
    • la maison vieille de Bertet avec deux autres maisons, au cœur d’un ensemble de 65 jx (28A-1). Bertet – appelée Verlet dans Cassini et Belleyme – se trouve au sud de la paroisse, à proximité de la limite avec celle de Brocas (I.G.N.) ; le petit bourdieu de Vinson, de 8 jx, autour d’une petite maison et de son heyrial, au sud-ouest de Bertet, en bordure des vacants, présent sur Belleyme (28B-2).

On peut identifier le lieu de Puy Blancq avec Pouy Blancq, porté sur les cartes de Cassini et de Belleyme ainsi que sur le plan cadastral de 1823 (Hameau de Pouy Blancq), à mi-chemin entre Vert et le quartier de Trescasses, sur le chemin de Sabres. On y trouve un journal de terre qui dépend du bourdieu de Foguet à Trescasses (11-3 ; 30A-3), un journal de tausiar et bois qui dépend de celui de Menau (30-B6), 3 jx. de tausiar qui dépendent du bourdieu de Pepin (15B-13), un demi journal de tausiar qui dépend du bourdieu de Jean de Babili (Bosquaton de Poy Blancq) (13-6) (Pouy Blanc : I.G.N.). On se trouve manifestement en présence d’un îlot boisé, mis en valeur par des bourdieux situés, soit à l’ouest (Trescasses), soit à l’est (Menau, Pepin).

Nous ne sommes pas parvenu à localiser les bourdieux de Senton (11), de Jehan de Babili (12) et du Baylet (15A, 16A). On notera les lieux-dits Gourgues (Cassini, Belleyme, cadastre) et Jean de Gourgues (Belleyme, cadastre) au nord-ouest de l’église, un patronyme bien représenté chez les tenanciers de Vert.

Tout à fait exceptionnellement nous avons pu identifier quatre lieux-dits où se trouvaient des terres, tojars, brostèrs et bois, sur la rive gauche de l’Estrigon, au droit du moulin du Roi : A La Tibliere, devenu Tuileries (Belleyme, cadastre I.G.N.), Au Bosquat, Au Boscq de Bernachou (Bernache : Belleyme, cadastre, I.G.N.) (21-2). La lande de Poycabourt ou Poycabanot (28-C5), dépendance du bourdieu de Cazeneuve correspond probablement à Pouy Cabanot (IGN).

Nous avons recensé à Vert quinze bourdieux, soit huit bourdieux simples et sept bourdieux recomposés :

11. Jehan de Naliis, habitant de Sabres, tuteur des héritiers de Nauton de Naliis, tient en indivision par moitié avec Micheou Dantes le bourdieu du Foguet, à Trescasses.
12. Pierre de Puyo, laboureur, habitant de Vert, un bourdieu recomposé A Senton.
13. Marguerite de Gourgues, femme de Bertrand de Bretes, habitant de Vert, le bourdieu recomposé, appelé A Jehan de Babili.
15. Bertrand de Sentorens, laboureur, habitant de Vert, un bourdieu recomposé, Au Baylet (A), un autre appelé A Pepin (B) (16-1, 2, 3, 5, 6, 7, 8 ; 18-4, 5).
16. Pierre de Sentorens, laboureur, habitant de Vert, un bourdieu recomposé, Au Baylet (A), un autre appelé A Pepin (B) (15-1, 2, 3, 4, 6, 7).
18. Jeanne et autre Jehanne de Gourgue, sœurs, épouses de Manjon et Jehan du Bourg, avec l’accord de leurs maris, habitant Vert, un bourdieu recomposé, territoire de Vert, appelé A Jehan de Babili de Gorgue.
25. Ramon du Tastet et Jehanne de Negue, sa femme, laboureur, habitant paroisse de Vert, un bourdieu A Coayre et Au Grand Champ.
28. Pierre Duluc et Jehan Duluc, frères, habitant Vert, la maison vieille de Bertet et son bourdieu (A), une autre bourdieu A Vinson (B), un autre bourdieu A Cazeneuve (C).


30. A et B. Matheou Danthes, laboureur de Sabres, en indivis avec les héritiers de Nauton de Naliis*, tient le bourdieu de Jean Dupuy dit Foguit (A) – cette reconnaissance est la répétition de celle n° 11 – et celui de Menau à Trescasses (B).

Les noms de ces tenanciers ne réapparaissent dans aucun des confronts des autres reconnaissances de la paroisse de Vert.

Ce n’est pas le cas de vingt autres tenancierss qui appartiennent aux familles d’Arroulhe ou de Castetz, de Cantelop, de Gourgue (6), de Laserre (15A, 15B, 16A), de Narran, de Nogue (héritiers) (5A, 16A, 28C), de Sentorens (4), de Surges, de Viben (28A, B), Dubourg (2), Ducru. Les héritiers de Jehan de Gourgue dit Babili apparaissent dans trois reconnaissances (15A, 16A, 18), Jehan et Mathieu dans deux (15A, 18), Pierre dans trois (15A, 15B, 28C). C’est aussi le cas des Sentorens : Jehan (15A, 15B, 16A, B), Bertrand (16A, B, 28C), Jehan dit Petu (13, 16A, B) et de Jehanot Dubourg (13, 15A, 18).

Si les tenanciers possessionnés dans les deux paroisses sont peu nombreux, à Labrit, on peut estimer à un sur cinq le nombre de ceux qui le sont dans plusieurs quartiers: le notaire Berthomieu de La Violle, qui réside à La Ville à Labrit détient des biens à La Ville, à Lesperon et à La Mole Vielhe ainsi qu’à Vert (3, 17, 19, 20 ; 15, 21, 25, 28C ) ; Martin de Narran à Lesperon, Bresso et La Mole Vielhe (21, 22, 27); Martinon de Narran à Lesperon, Badelade, La Mole Vielhe (21, 22, 27) ; Martin de Martin qui habite à Vert, Au Bosc et A Bernachon – peut-être à Vert –, A la Mole Vielhe, A la Houticque de Badalie, A Capbœuf et au territoire des Chinans (17A, B) ;Semyonne Dupoy à Lesperon, La Mole Vielhe (19 A, B, C, D) ;sept tenanciers de La Claverie ont aussi des biens à La Bernede, trois à la Mole Vielhe, deux autres à La Ville ; un tenancier de Lesperon a des biens à La Bernede, un autre à La Mole Vielhe.

À la rencontre des tenanciers

Nous les connaissons directement par les reconnaissances : ou bien ils tiennent seuls les bourdieux qu’ils déclarent – ils sont au nombre de 26 : il peut s’agir d’individus : 1 à 13, 15-17, 19, 21-24, 26 ou d’héritiers, 27, 29, 31, 32 ; ou bien ils sont en indivision – dans tous les cas, ils ne sont que deux –, 15 en tout : 11, 18, 19D (déjà mentionné n° 19), 20, 25, 28, 30 (50-50 %), 14 (66-33 %).

À ces 41 tenanciers il convient d’ajouter ceux dont les noms apparaissent dans les confronts des bourdieux ou des parcelles. Nous en avons recensé 102 – 82 à Labrit et 20 à Vert –, mais ce chiffre n’a qu’une valeur relative en raison d’un nombre non négligeable d’homonymes. Cela représente néanmoins 143 noms, mais nous ne nous hasarderons pas, à partir de ces données, à avancer une estimation du nombre des tenanciers des deux paroisses. On notera seulement qu’en 1762 on comptait 41 tenures à Vert alors que nous n’avons recensé que dix tenanciers dans cette paroisse.

La seule qualité connue est celle de “laboureur” attribuée aux hommes de la baronnie, sauf exception – Martin de Martin de Vert, sans précision (17), Peyrot de Saint Martin “tixier” (24) ou Arremon de Lafontan, tailleur (27). Par contre, les femmes – ainsi Estevenine de Latornerie (4), Marguerite de Gourgue (13), les sœurs de Gourgue (18), Semyonne Dupoy (19), mais aussi les étrangers comme G. de Precilhon de Maillères (9), ou Jehan de Naliis de Sabres, tuteur de ses proches (11), en sont dépourvus.

Sur les 26 témoins dont les noms apparaissent au bas des actes, huit seulement savent signer dont deux étrangers, Besse de Bazas (7), Guirons de Precilhon de Maillères en Marsan (9, 17, 19), les deux notaires de la juridiction, Berthomieu de la Violle et Ramond Delau (12, 17, 19) et quatre habitants de la baronnie : il s’agit de P. de Lasserre (13, 16, 18, 20, 21, 23, 26, 28), Arnaut de Poy (27), Bertrand de Sentorens (6, 10, 15) et P. Duluc (13, 16, 18, 26, 28) qui signent au bas de leur reconnaissance.

Les étrangers apparaissent rarement. Il peut s’agir de tenanciers qui résident hors de la seigneurie : ainsi Guirons de Precilhon de Maillères – mais nous ignorons dans quelle paroisse se trouvaient ses biens (9) et Matheou Danthes, de Sabres, qui tient un bourdieu avec les héritiers de Nauton de Naliis et un autre à lui seul (30). D’autres sont tuteurs d’enfants mineurs comme Jehan de Naliis qui habite Sabres, un parent du défunt, Nauton de Naliis (11) ou bien, comme Marson Dupuy, de Bélis, second mari de Catherine de Gourgue et tuteur des enfants du premier mariage. D’autres, enfin, sont des témoins, comme Raimond Delaut, notaire à Maillères (12, 17,19), Jehan de Sauques qui vient du Brassenx (27) ou Besse de Bazas (7).

Les familles

Dans la plupart des cas nous ne connaissons qu’un seul représentant par famille. Dans d’autres, encore ne s’agit-il que de parentés identifiées à partir d’un même nom, on en dénombre jusqu’à quatorze. Il s’agit des Laolhar de La Claverie et des Maurin de La Claverie et La Bernede (3 représentants chacune), des Castaignede de La Claverie (au nombre de cinq), des Sentorens de Vert (6 représentants), des Narran de Lesperon (7 représentants), des Gourgue de Vert (10 représentants), enfin des Dupoy de Lesperon, les plus nombreux (14 représentants). Pour la plupart d’entre eux, dont les noms n’apparaissent que dans les confronts des tenures reconnues, et en l’absence de précision sur la nature de leurs biens, nous ignorons le lieu précis où se trouve leur bourdieu.

Nous avons recensé dix prénoms féminins pour 22 occurrences et 27 prénoms masculins différents sur un total de 141. Les prénoms de Jehanne et Jehan l’emportent largement : celui de Jehanne apparaît dix fois (45 %) et celui de Jehan et ses diminutifs Jehanot, Jehanchinon, Jehandiron, 52 fois (36,8 %). Les prénoms féminins, fidèles à une tradition bien connue dans nos régions depuis le XIIIe s. sont rarement empruntés au calendrier des saints. En effet, à côté de Jeanne et Catherine (2 fois), nous rencontrons Marguerite, Marquèze, Brunette, Plasance, Belote, Sensonne et Semyonne, Estevenine (2 fois). Chez les hommes, après Jean, les prénoms les plus portés sont ceux de Pierre (15 fois), Mathieu et Manjon ou Menjon (8 fois), Bertrand (7 fois), Arnaud et Martin (5 fois), Guirons et Guiraut (4 fois), Arremon, Bernard, Étienne, (3 fois), Gaillard, Micheou, Ogier (2 fois). N’apparaissent qu’une seule fois Anthoine, Domenge, Fabian, François, George, Guilhem, Médard, Marson, Menjolet, Nauton.

Dans certaines familles, plusieurs de leurs membres portent le même prénom, de sorte que l’identification des divers représentants ne peut se faire dans le meilleur des cas que par l’indication de la filiation ou bien par l’usage d’un surnom. Ainsi, deux tenanciers de la famille Castaignede se prénomment-ils Jehan (1, 14). Le bourdieu du premier voisine avec les terres des héritiers d’un “autre Jehan” (1-1), le second est “fils de Jehan” et ses terres voisinent avec celles d’un “autre Jehan” et de “Jehan dit Chun” (14) ! Chez les de Gourgue deux sœurs se prénomment Jehanne : elles sont restées en indivis (18), mais il existe une “autre Jehanne” (30).

Nous avons relevé sept cas de tenancières : ceux de Marguerite de Gourgue, de Vert, épouse de Bertrand de Bretes, dont le nom ne réapparaît pas dans le terrier (13) ; de Jehanne de Narran de Lesperon, épouse de Jehan dit Pasquerou (22) ; des sœurs Jehanne et autre Jehanne de Gourgue, épouses des frères Dubourg, Jehan et Menjon dont on ne sait s’ils sont natifs de Vert ou de Labrit (13) – Pierre Dubourg est tenancier à La Claverie (14), mais un Jehanot Dubourg apparaît dans les confronts de bourdieux de Vert (13, 15, 18) ; de Semyonne Dupoy, épouse de Médard de Narran de Labrit (19) ; de Plasance de Lucfrey, de La Mole Vielhe, dont la famille de l’époux, Jehan Duromar, ne nous est pas connue (20) ; d’Estevenyne Desport, épouse de Peyrot de Saint-Martin, tisserand à La Bernede (24), enfin de Jehanne du Tartas, épouse de Guilhem de Taritz, tous deux de Labrit (23). Il semblerait que, dans chacun de ces cas, les épouses, seules héritières, aient épousé des cadets. Belote de Lesperon, épouse d’Antoine Dupoy du quartier voisin de Lesperon, a probablement porté en dot un jardin à La Ville (4-2). La situation de Catherine de Gourgue, native sans aucun doute de Vert, épouse d’Ogier de Maurin de La Claverie est différente. Devenue veuve, elle s’est remariée avec un habitant de Bélis, Marson de Puy et c’est comme tuteurs des enfants d’Ogier qui en ont hérité de leur père, que tous deux font reconnaissance d’un bourdieu à La Claverie (29).

Sur un ensemble de 32 reconnaissances, dont 18 sont le fait d’hommes seuls (1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 17, 21, 27, 30) ou de frères (14, 28), sept fois il s’agit donc de “tenancières”. L’interprétation de telles données est délicate. Le fait que le nombre des tenanciers soit près du triple de celui des tenancières résulte nécessairement de la manière dont avaient été réglées les successions tant paternelles que maternelles. Pour des raisons que nous ignorons mais qui résultent probablement de la rédaction plus ou moins précise des actes, la situation juridique des épouses vis-à-vis de leur époux varie. Ainsi, trois d’entre elles, Plasance de Lucfrey (20), Jehanne de Narran (22) et Estevenyne Desport (24) paraissent agir de leur seul chef. En revanche, trois autres, Marguerite de Gourgue (13) Jehanne du Tartas (23), Jehanne et autre Jeanne de Gourgue (18) le font avec l’accord de leur mari ou, comme Semyonne Dupoy, avec celui de son beau-père, en raison de la mise sous tutelle de son époux (19). Quant à Ramon du Tastet et Jehanne de Negue, ils font une reconnaissance conjointe (25). Le consentement de membres masculins de la famille est aussi attesté pour les femmes célibataires ou veuves : ainsi, Estevenine de Latornerie* reçoit l’accord de son frère Bernard de Correges – on notera que le frère et la sœur ne portent pas le même nom, ce qui ne peut se comprendre que s’ils n’avaient pas le même père (4).

Mais il existe des situations particulières dans lesquelles la femme joue un rôle privilégié comme tutrice de son fils majeur (26) ou de ses enfants d’un premier lit, conjointement avec son second époux (29). En revanche, nous ignorons de quelle manière s’effectuait le choix des tuteurs, lorsque les héritiers étaient orphelins. Il devait s’agir de parents comme chez les Naliis (9-11), mais dans d’autres cas nous n’avons aucune certitude (31, 32).

Il convient enfin de noter que, sur trente-deux reconnaissances, quatre sont faites au nom d’héritiers – enfants mineurs, orphelins de père (29) ou de leurs parents (9-11, 32) ou apparemment faute d’héritiers directs survivants (32). La présence de deux adultes sous tutelle, l’un de son père (19), l’autre de sa mère (26) témoigne du médiocre état de santé de la population.

Les éléments du paysage (fig. 4, carte de Cassini)

L’occupation du sol, telle que nous la fait connaître le terrier, ne diffère pas fondamentalement de celle que l’on découvre deux siècles plus tard sur la carte de Belleyme. Ainsi des bourdieux sont établis à la périphérie du terroir cultivé, à La Bernede et La Mole Vieille à Labrit, à Bertet (Verlet) ou Trescasses, à Vert et des écarts, comme ceux de Capbœuf (Cap Boueus) à Labrit ou Pouyblanc à Vert, sont déjà mis largement en valeur.

La principale question qui se pose à nous est de savoir dans quelle mesure le paysage des années 1580 était différent de celui que révèle la carte de Belleyme.

Si le petit nombre de tenures connues ne donne qu’une information limitée sur la densité du peuplement à l’intérieur des zones habitées, telles qu’elles apparaissent sur la carte de Belleyme, deux indices prouvent que ce peuplement était certainement aussi dense en 1582. Tout d’abord, les secteurs habités sont, on l’a vu, structurés en quartiers dont nous connaissons le nom de nombreux tenanciers, en plus de ceux dont les reconnaissances nous ont été conservées. D’autre part, comme nous le révèle l’existence de plusieurs unités foncières au sein des plus grosses tenures, le nombre de ces unités est supérieur à celui des tenures.

Au XVIIIe s., que ce soit à Labrit ou à Vert, l’habitat et l’espace cultivé qui lui est subordonné est organisé selon deux modèles : l’un que l’on peut qualifier d’interne, dont le château à Labrit constitue le centre : les terres cultivées sont ici mêlées à des bois de feuillus et des pignadas. Dans l’autre modèle que nous appellerons périphérique, l’habitat est auréolaire, situé entre une zone interne mise en culture et une zone externe en vacants : c’est le cas, à Labrit, au nord-ouest, sur la rive droite de l’Estrigon et au sud-est, tandis qu’à Vert, l’habitat dessine une auréole en forme de croissant à l’ouest de la zone médiane. Particulièrment à Labrit, au sud et à l’est, un semis de pignadas implantés sur les vacants souligne celui de l’habitat. Enfin, des pignadas et des bois de feuillus de plus en plus importants vers l’aval, ourlent les rives des ruisseaux.

Afin d’en savoir plus sur la mise en place de ce paysage nous avons d’abord procédé à une étude de chacune de ses composantes, telles que nous les fait connaître le terrier : l’habitat, les terres emblavées, le bois et la lande.

La maison et son environnement

Sa typologie

Parfois seule comme dans le bourg de Labrit, le plus souvent noyau d’un bourdieu ou d’un bourdieu recomposé pluri parcellaire, la résidence du tenancier est toujours citée en premier dans les reconnaissances, mais ce n’est qu’à de rares occasions qu’une maison apparaît en confront : au bourg de Labrit la maison de maître Berthomieu de La Violle est proche de celle de Bernard de Correges (1-1) et celle d’Estevenine de Latornerie* est entourée de trois autres (4-1). C’est aussi le cas dans la reconnaissance n° 32.

Il convient de distinguer la maison en tant que bâtiment et la résidence d’un tenancier qui peut consister soit en une maison, soit en une partie de celle-ci.

Dans la majorité des cas la maison n’abrite qu’un seul résident. Cette maison est le plus souvent désignée par le seul terme de “maison” (22 occurrences : 3, 4, 5, 8, 10, 14, 17A, 17B, 19B, 19C, 19D, 20, 23, 25, 28A (trois maisons), 26B (deux maisons), 28C (deux maisons), 30B). Certaines sont considérées comme anciennes, probablement parce qu’au même lieu-dit une maison plus récente y a été construite. C’est le cas de la maison vieille du Baylet (16A-1) ou de celle de Bertet avec deux autres maisons, probablement vieilles elles aussi (28A-1). On trouve aussi des “petites maisons” (5-2, 28-2), bien différentes sans doute par leur taille.

Partant de ces simples mentions il serait impossible de se faire la moindre idée de ce qu’étaient les maisons de Labrit à la fin du XVIe s. Or, nous l’avons vu, dans vingt-trois cas la résidence est réduite à une partie de la maison (1, 2, 4, 5, 6, (2), 7, 11, 12, 13, 15A, 15B, 16A, 16B, 18, 19, 21, 22, 24, 27, 30A, 31, 32). Il peut s’agir de la majeure partie : “une maison sauf l’appentis de cap de bise” (6-1). Parfois, celle-ci n’est pas précisée : “certaine partie de maison” (31-1), “une partie de maison avec le dabantiu”(32-1), “une partie de maison où ils font leur demeurance avec le dabantiu (maison en confront)” (22). Parfois il s’agit de la moitié : “la moitié” (4, 12, 30A-1), “la moitié d’une maison…, une moitié de maison où il demeure” (21), ou encore “la moitié d’une maison… et une chambre d’icelle” (1).

Cependant, à neuf reprises, la résidence est réduite à une petite partie de la maison. Il peut s’agir d’une “chambre” : une “chambre de maison appelée Pepin” (16B-7), une “estantade de maison, consistant en une chambre seulement” (18) ; ou encore d’un “appentis” : “un appentis et une chambre de maison du côté du midi et du derrière” (2), “un appentis de maison” (5, 15-7, 27), “un appentis de maison de la part du midi de la maison vieille du Baylet” (16A-1) ou “deux appentis de maison avec jardin au derrière d’icelle et dabantiu” (24). Le terme de “chambre”, est bien distinct de celui d’“appentis” puisqu’il peut lui être associé. On se trouve donc en présence de maisons assez grandes et structurées de façon à pouvoir accueillir plusieurs familles, composées de plusieurs “chambres” ou pièces et d’appentis que l’on imagine adossés à la partie centrale de l’édifice, Si l’existence de résidences composées d’une ou deux salles ou chambres et d’un ou deux appentis est certaine, il est impossible néanmoins de savoir quelle en était la proportion en 1582, dans l’ignorance où nous sommes de ce que recouvre le terme de “maison” – maison élémentaire ou maison à plusieurs éléments.

Or, il arrive aussi – cinq cas – qu’il ne soit pas question d’une maison ou de l’une de ses composantes, mais d’une “salle de maison”, seule ou complétée par un ou plusieurs appentis : une “salle de maison” (6-2, 13), une “salle et appentis de maison” (19-1), une “salle de maison avec l’appentis de bise” (7), “une salle de maison avec un appentis du côté de bise et un autre appentis du côté du soleil couchant” (15A-1). Ne pourrait-on pas interpréter l’expression “salle de maison” comme “maison constituée d’une seule salle”, une sorte de “maison élémentaire” puisqu’un tenancier peut posséder une salle avec ou sans appentis et que deux appentis peuvent s’y appuyer. Le fait que la nature de la couverture d’une salle ou d’une chambre soit parfois précisée prouve qu’elles sont considérées comme des maisons.

Deux cas sont tout à fait intéressants : il s’agit, tout d’abord, de la résidence constituée d’une “estantade de maison consistant en une chambre seulement” (18). C’est la seule fois où le terme d’estantade apparaît dans le terrier. L’estantade, rappelons-le, est un auvent ouvert dont les parties latérales sont closes par les murs latéraux de la maison. Elle est susceptible dans ces conditions d’accueillir deux petites chambres encadrant un espace libre. Ce modèle serait donc attesté dès 1582.

D’autre part, dans quatre des quatorze résidences constituées de parties de maisons, il est question d’un dabantiu (11, 22, 24, 32-1). Trois fois il est cité en même temps qu’un jardin : “une partie de maison avec le dabantiu et un petit jardin au derrière (22), deux appentis de maison avec un jardin au derrière et dabantiu (24), une partie de maison… avec le debantiu et jardin qui est près (32-1)”. Ne s’agirait-il pas de la sortie de la maison vers l’est, le jardin se trouvant par derrière, du côté opposé (24). On notera qu’il s’agit dans tous les cas de maisons de plain-pied.

De cet ensemble de données, à défaut de conclusions, on peut avancer certaines hypothèses en considérant, bien que nous n’en ayons pas la preuve formelle, qu’à Labrit, à la fin du XVIe s., la maison est construite en bois et en terre, et qu’elle est donc périssable et démontable.

La mobilité

La mobilité peut s’apprécier dans l’espace et dans le temps : il peut s’agir, dans le premier cas, du remuement qui consiste à déplacer purement et simplement une maison. Dans le second, de la réutilisation des parties saines de la charpente d’une maison ancienne pour contribuer à la construction d’une nouvelle. Le terrier ne révèle rien de ces pratiques. Par contre, il mentionne une “maison vieille”, celle de Bertet à Vert, associée à deux autres maisons, à la tête d’un bourdieu de 65 jx (28A-1), ainsi qu’un “appentis de maison de la part du midi de la maison vieille du Baylet”, toujours à Vert (16A-1). Ainsi, il existe des bourdieux dont les maisons sont anciennes, d’autres où voisinent constructions anciennes et récentes. Il est clair que les constructions anciennes, après avoir cohabité avec de nouvelles, seront un jour démolies pour être, peut-être, remplacées par de nouvelles, en réutilisant des éléments anciens de la charpente. La mobilité dans le temps est certaine.

Cependant, en cette fin du XVIe s., le caractère évolutif de ces maisons dans l’espace est sans conteste le trait dominant. La résidence du tenancier consiste, dans plus de la moitié des cas, en une partie ou une moitié de maison, ou encore en une chambre ou un appentis ou les deux. Les quatre exemples de salles de maisons avec un ou deux appentis font songer à une maison élémentaire réduite à une salle, à laquelle ont été adossés latéralement un ou deux appentis. On ne peut s’empêcher de penser à la maison de Guiraute, à Sabres à un stade ancien de son évolution37. Autre type de maison, celle avec un seul appentis : Andriu de Maurin possède un appentis (5) et Jehan une maison sauf l’appentis (6).

Mais parfois l’interprétation des données pose un problème. Prenons le cas des frères Castaignede (1, 2). L’un, Jehan, possède, on l’a vu, la moitié de la maison et une chambre “qu’il en a achetée à Pascal”, son frère. Celui-ci possède pour sa part un appentis et une chambre, du côté du midi. À partir de telles données il est impossible de reconstituer le plan de cette maison.

Les fouilles conduites sur le site de Guiraute ont révélé l’existence de deux types de maison : au début du XVIe s., la maison à salle unique de 15 m2, au sol d’argile, à cheminée non murale ; au début du XVIIe s., la maison évolutive constituée à l’origine d’une salle unique, doublée d’abord, de part et d’autre, de deux appentis, puis, en arrière, d’une seconde salle avec cheminée adossée à celle d’origine, elle-même complétée par deux appentis. La concordance entre les textes et l’archéologie est donc tout à fait satisfaisante. À Salles, en 1540, sur un total de 78 tenanciers 37 partageaient leur habitation, mais le caractère très superficiel de l’étude ne permet pas d’en savoir plus. L’exemple cité est celui d’une maison à salle centrale avec appentis que l’on retrouve à Labrit38.

Le sol sur lequel la maison est construite

Il est parfois précisé, dans treize cas, que la résidence appartient au tenancier avec “le lieu et place où elle est bâtie”. Est-ce seulement une formule ou bien le tenancier tient-il à préciser qu’il possède aussi le sol ? On peut se poser la question, car on connaît des cas où, dans le cadre d’un partage, la maison est dissociée du sol. Or, à Labrit cette précision concerne : une maison (3, 10, 14, 25, 26, 27) ; une partie (32) ou une moitié de maison (1, 4,11, 12, 30A) et même un appentis (5). Mais, beaucoup plus souvent, dans des cas identiques, cette formule est absente sans que l’on en connaisse la raison. Il peut s’agir de maisons (8, 17A, 17B, 19 B, 19C, 19D, 20, 23, 28C (deux maisons), 20B), d’une maison vieille et de deux autres (28A), d’une petite maison (5-2, 28B), d’une maison sauf un appentis (6), d’une moitié (21) ou d’une partie de maison (22, 31). On trouve aussi dans ce cas une salle de maison (7, 13), avec un (19A) ou deux appentis (15A). Enfin, une chambre de maison (16B), un appentis (15, 16A), deux appentis (24), un appentis et une chambre (2), une estantade (18). Nous pensons que c’est afin d’éviter d’éventuelles contestations que certains tenanciers ont fait apporter cette précision dans leur déclaration : ainsi Jean de Castaignede qui a acquis d’un parent une partie de la maison sous le toit de laquelle ils résident tous deux (1, 2). Mais, une nouvelle fois, on ne saurait attacher trop d’importance à l’absence de certaines formules due à la négligence du scribe autant qu’à l’imprécision des déclarations faites par les tenanciers.

Les matériaux

Nous ne disposons dans ce domaine que d’une seule information : elle concerne la couverture : dans vingt-deux cas l’édifice est dit “couvert de tuile”. Il s’agit de maisons (3, 8, 10, 14, 23, 25, 26, 27, 28C (deux maisons), 30B), moitiés de maison (1, 4, 11, 12, 30A), parties de maisons (31, 32), petite maison (5-2, 28B), appentis (5-1, 27). La couverture est faite de tuiles sans autre précision ; par contre, sept autres maisons – (17A, 17B, 19C), la maison vieille de Bertet de même que trois autres maisons (28A, B, C) – sont couvertes de “tible creuz”. Il arrive aussi –18 cas –, qu’aucune précision ne soit donnée quant au mode de couverture : il peut s’agir d’une maison (19B, 19D, 20), d’une moitié (21) ou d’une partie de maison (22), d’une maison sauf un appentis (6-1), ou d’une petite maison (28B). On trouve aussi une salle (6-2, 7, 13), avec un (19A) ou deux appentis (15A-1) ; un (15B, 16A) ou deux (24) appentis, une estantade consistant en une chambre (18), une chambre (16B), un appentis et une chambre (2).

À partir de telles données on ne saurait tirer que de prudentes conclusions. Le fait que la nature de la couverture ne soit pas mentionnée est, selon nous, sans importance : il ne doit s’agir que d’un simple oubli. S’il s’était agi d’un autre mode de couverture, il aurait été précisé comme on peut le voir à propos des bordes ou des andostes couvertes de brande. Plus intéressante à notre avis est la mention de tuiles creuses. Il se pourrait bien que certaines maisons n’aient pas été couvertes de cette façon. Si tel était le cas, seule la découverte d’autres types de tuiles serait susceptible d’étayer cette hypothèse. L’usage de la tuile creuse était déjà ancien en 1582 puisque la “maison vieille” de Bertet était couverte de cette façon.

L’existence de maisons anciennes, celle de maisons apparemment réduites à une petite salle et d’autres ayant bénéficié d’extensions plus ou moins importantes en façade, en arrière ou sur les côtés sous forme d’“appentis”, témoignent de la diversité du bâti en cette fin du XVIe s. Mais cette situation est révélatrice, à notre avis, d’un phénomène que nous avons déjà évoqué à propos de la typologie des tenures et des structures foncières : un essor démographique déjà ancien.

Il existe en effet une relation entre la typologie de la résidence et celle de l’exploitation : bourdieux et bourdieux recomposés. À la tête des bourdieux on trouve en effet dans la majorité des cas une maison (8, 10, 17A, 17B, 19A, 19B, 19C, 20, 25, 28A ; 28B, 28C, 30B). Lorsqu’il s’agit d’une moitié de maison on est en présence d’une indivision, attestée (11, 32) ou probable (21, 30A) portant sur des superficies relativement importantes : 40 jx (21) ou d’un seul tenant pour l’essentiel : 8 sur 9 jx (11), 5 sur 8 jx (30A). Par contre, dans la majorité des bourdieux recomposés, dans lesquels, rappelons-le, la superficie des terres entourant la maison est faible et ne représente qu’une part réduite de la superficie totale, la résidence est, dans la majorité des cas, une partie de maison (1, 2, 6, 7, 12, 13, 15A, 15B, 18, 22, 24, 27, 31), une moitié (4), un appentis, une petite maison et une borde (5), exceptionnellement une maison (14, 23, 26). Dans ces derniers cas on reste bien en présence d’exploitations dont les terres entourant la maison sont de peu d’importance, 2 jx sur 21 jx (14), 1 j. sur 6 jx (23) ; les proportions devaient être les mêmes dans la tenure 26 (6 parcelles pour 9,5 jx).

Les dépendances

C’est seulement à sept reprises qu’il est fait mention de dépendances, mais on ne saurait en tirer la moindre conclusion quant à la fréquence de ces constructions puisqu’elles ne figurent pas parfois dans la description des bourdieux. Il est question de “parcs, parques” (17A, 17B) ou de parques (19C, 19D), dans des bourdieux ; d’une maison avec “parc, parque” (23-1), ou “parc” (8-1) ou d’un parc accompagnant une salle de maison (13). 

Ces parcs sont associés à trois reprises à des endòstas (endostes ou andostes). “Un bourdieu, mayne et heritage consistant en une maison couverte de tuile creuse, fornière, parcs, parques, andostes (17A) ; “maison.., parc, parcque, andoste” (23-1) ; “maison…, parc et andoste couverte de brande” (8-1). La place occupée par ces endòstas dans l’énumération, la couverture en brande comme celle des bordes, prouvent bien que nous sommes en présence de petites constructions annexes.

Une seule fois, une fournière est mentionnée (17A-1).

Les deux bordes, situées l’une en bordure de la lande (5-7), l’autre au milieu de terres cultes et incultes (29) sont couvertes de brande. Dans ces deux cas, nous le verrons, il pourrait s’agir de têtes de défrichement.

L’airial

Aujourd’hui, l’airial est considéré comme une “forme particulière de l’aménagement de l’espace”. Il s’agit probablement, à l’origine, de parties défrichées de la forêt de feuillus.

Dans l’airial les maisons et leurs dépendances sont dispersées sur une pelouse, engraissée par les animaux, plantée de feuillus (surtout le chêne pédonculé) et ouvert aux hommes et aux animaux. Les champs sont contigus à l’airial, protégés des animaux par les dougues.

Nous avons relevé douze occurrences du terme airial qui apparaît sous diverses graphies dans le terrier. 

Cinq dans des bourdieux ; la superficie du noyau dans lequel est inclus l’airial n’est pas précisée :

  • à Labrit, A Lesperon, A Menauton : “Une moitié de maison.., hayraou, bourdieu et héritage joignant ladite maison”. Superficie du bourdieu : 40 jx. Confronts : trois terres et le vacant du seigneur (21).
  • à Vert, A Bertet : “La maison vieille de Bertet avec deux autres maisons.., heyrial, terres, bois sostrars, dalhins,bourdieu et heritage”. Au total, 65 jx d’un seul tenant. Confronts : une terre et les vacants du seigneur sur trois côtés (28A-1).
  • à Vert, A Vinson : “Une petite maison.., avec l’eyrial, terres cultes et incultes”. Au total, 11 jx. Confronts : des terres dont une du déclarant, les autres des terres de tiers et du seigneur (28B-2).
  • à Vert, A Cazeneuve : “Deux autres maisons.., heyrials, terres cultes et incultes, bourdieu et héritage”. Au total : 14 jx. Confronts : terres appartenant à des tiers et vacants du seigneur (28C).
  • à Labrit : “Une partie de maison…, avec le debantiu et jardin qui est près…, terres, bois, sostrars, dalhins, bourdieu…, consistant en la tierce partie du bourdieu .. ladite maison et heyrial” confrontant à des terres appartenant à des tiers (32).

Sept dans des bourdieux recomposés. La superficie de l’airial est toujours incluse dans le noyau entourant la maison qui comprend aussi des parcelles de nature variée :

  • à Labrit, A La Claverie, A Maurin : “Une maison, sauf l’appentis de cap de bise et un demi-journal de terre laboradisse et heyrial à l’environ d’icelle (maison)”. Superficie du noyau : 0,5 j. ; superficie du bourdieu : 8,5 jx. Les confronts sont : deux chemins à l’est et au sud, de la terre et du sostrar à l’ouest de la terre, au nord, appartenant à des tiers (6).
  • à Labrit, A La Bernede, A Poy : “Une salle de maison avec l’appentis de bise, terre, heyrial, bois, sostrars au derrière d’icelle et aussi avec les terres labourables au-devant” (2 jx/12 jx). Confronts : trois parcelles de terre appartenant à des tiers et un chemin (7).
  • à Labrit, A La Claverie, A Bolhet et Au Claus : “Une maison, heyrial, avec une piece de terre laboradisse de 2 jx et quelques chênes” (2 jx/21 jx). Confronts : lande, terre et deux chemins (14).
  • à Vert, Au Baylet : “Une salle de maison avec un appentis du côté de bise et un autre appentis du côté de soleil couchant, avec l’eyrial au-devant et au derrière d’icelle avec une pièce de terre.  Confronts: sur trois côtés, des pièces de terre appartenant à des tiers et des vacants (15A-1).
  • à Vert, A Pépin : “Un appentis de maison, heyrial avec un verger, terre culte, bois et forêts aux environs d’icelle” (superficie non précisée). Confronts : parcelles de terre appartenant à des tiers (15B-7).
  • à Labrit, A La Claverie, Au Pesquita : “Une maison…, parcq, parque, andoste, heyrial, avec une pièce de terre près ladite maison” (1 j./6 jx). Confronts : sud et nord : terres vacantes du seigneur, terre d’un tiers, chemin public (23).
  • à Labrit, A Lesperon, “Une maison…, heyrial avec deux pièces de terre, toyars et sostrars, le tout joignant ensemble” (superficie non précisée /9,5 jx). Confronts : chemin public ; deux parcelles de terre appartenant à des tiers, vacants du seigneur (26).

Écrit heyrial, eyrial ou heyraou l’airial apparaît comme l’un des composants de la tenure au même titre que la maison, la terre culte ou inculte, les bois ou les sostrars et dalhins. Cette parcelle, désignons-là ainsi par commodité, est alors citée immédiatement après la maison, probablement en raison de sa proximité, mais aussi parce qu’elle constitue un tout avec la résidence. La formule “maison, eyrial, bourdieu et héritage” (14) témoigne de l’importance qui lui est accordée. L’airial est présent sur des bourdieux (21, 28A, 28B, 28C, 32) et accompagne aussi la résidence des bourdieux recomposés : maison (14, 23, 26), maison sauf appentis (6), salle de maison et appentis (7, 15A-1), appentis (15B-7). Il reste à en préciser sa situation par rapport à la maison et sa nature. Les tenures pluriparcellaires qui comportent une description relativement précise de l’environnement immédiat de la maison nous éclairent sur ces deux points. L’airial fait partie d’un groupe de parcelles de natures diverses, terres cultivées pour l’essentiel, situées “à l’environ” (15B-7) ou bien “au derrière” (15A-1) ou “au-devant” (6, 7) ou “près” (23) de la maison ou la joignant. Tout ce que l’on sait, s’agissant de son étendue, c’est qu’il est inclus dans des entités dont la superficie va de 0,5 à 2 jx. Il s’agit de terre labourable (6, 14) ou de pièces de terre (15A-1, 23), mais aussi d’ensembles dans lesquels voisinent pièces de terre, tojars et sostras (26) et parfois, en plus, des bois (7), que l’on retrouve associés à de la terre et à un jardin (15B-7). Une seule fois il est fait mention de chênes (14). L’airial du XVIe s. se trouve inclus dans un ensemble d’un seul tenant (bourdieu) ou bien il fait partie d’un ensemble composite entouré de chemins ou de parcelles appartenant, le fait mérite d’être souligné, à une exception près, à des tiers (bourdieu recomposé).

À s’en tenir à la lettre du terrier une majorité de bourdieux – treize sur dix-sept – et de bourdieux recomposés – treize sur vingt-et-un – ne possèderaient pas d’airial. S’agissant des bourdieux (8, 10, 11, 17A, 17B, 19B-2, 19-C6, 19D-7, 20, 21, 25, 30A, 30B) on peut mettre cette absence de mention sur le compte de la négligence du déclarant ou de celle du scribe s’inspirant d’un formulaire plus ou moins bien reproduit. Il n’est question, dans ce cas, que de terres, bois, sostrars et de surface totale. Mais en quoi consiste l’environnement immédiat des résidences des bourdieux recomposés qui ne posséderaient pas d’airial (1, 2, 4, 5, 12, 13, 16A, 16 B, 18, 22, 24, 27, 31) ? Il peut s’agir : d’une moitié de maison entourée d’un jardin, une terre labourable au nord de la maison et un petit bois au-devant, le tout faisant 2 jx. (1) ; d’une maison avec pièce de terre labourable de 1,5 j. (12) ; de deux parties de maison avec jardin au derrière, pièce de terre labourable et sostrar près de la maison (2,5 jx) (24) ; d’une salle avec un parc, entourés d’une pièce de terre, jardin, bosquet et sostrar (13) ; d’une salle et appentis avec jardin et terres à l’environ (19-A) ; d’une partie de maison avec un dabantiu et un petit jardin (22) ; d’une chambre associée à une pièce de terre, bois et tausiar (0,75 j) (16B) ; d’une estantade avec une pièce de terre labourable et à labourer (1,5 j) (18) ; d’un appentis entouré d’une pièce de terre labourable et à labourer, le tout faisant 2 jx (5) ; d’un jardin et d’un bois à l’environ faisant 0,5 j (2) ; d’une pièce de terre labourable au-devant et pièce de sostrar au midi (16A) ; enfin, d’un appentis avec un petit jardin et une pièce de terre et bois, au nord (5 jx.) (27).

Il n’y a donc pas de différence notable entre l’environnement des structures à airial et celui de celles qui n’en possèderaient pas. Si, dans un premier temps, il est nécessaire de s’en tenir aux descriptions du terrier, nous ne sommes pas assuré pour autant que les informations données par le déclarant au notaire aient toujours été faites avec la précision souhaitée. Dans quelle mesure aussi le scribe les a-t-il scrupuleusement transcrites ? Comme nous l’avons précédemment souligné, on ne saurait tirer de ces informations de conclusions sur l’absence d’airial dans certains bourdieux ou bourdieux composés.

Les parcelles

À l’exception des bourdieux d’un seul tenant, tous les autres possèdent des parcelles, soit en annexe, soit comme composantes dans le cas des bourdieux recomposés. Dans la majorité des cas ces parcelles sont qualifiées de “pièces” ou de lopin (2-4), quelle qu’en soit la nature : terres, bois, sostrar, branar brostèr, tojar, dalhin. Parfois, il est précisé “petite pièce” : “petite pièce de terre et bois” 0,33 j. (5-5) (Id. 9-1, 2, 3 ; 15B-4, 5 ; 16-3, 5) ou bien “petit lopin” : “petit lopin de sostra : 0,5 j.” (5-4), “un petit lopin de terre et jardin : 15 pas carrés” (5-8) ; “toutes lesdites pièces avec quelques petits lopins de bosquaige qu’il y au bout de chacune d’elles” (12) (Id. 15B-6 ; 17A-3 ; 19B-4, D-2 ; 21-4 ; 22-5, 6, 7, 8 ; 24-4 ; 26-6). Il arrive aussi que la mention de “pièce” soit omise (28-5, 6, 7, 8 ; 30-6 ; 31-2 ; 33-9). Plusieurs pièces, au moins quatre, apparemment contiguës, sont regroupées sous une même rubrique car elles sont “tout en un tenant” (superficie non précisée) (21-2).

On trouve aussi des formules qui font seulement référence à la superficie : “deux journaux de terre laboradisse” (1-2), “trois journaux de terre et sostra” (1-7) ; “trois journaux et demi de terre culte avec quelques chênes” (2-3) ; “demi journal de terre et bois” (2-4) ; “cinq journées de terre culte et inculte” (7-4 ) ; “demi-journée de terre cultivée et à cultiver” (7-5) ; “demi-journée de terre culte” (7-6) ; demi journal de tauzia (13-6) ; “un journal un tiers de dailhin” (14-5) ; deux journaux de sostra” (17A-4) ; “un journal un quart de tauzia et bois” (18-5) ; “deux journaux de terre laboradisse” (25-2).

Parfois ces espaces confrontent aux vacants du seigneur :

  • sur un côté : “un journal de terre” (11-3) ; “un demi journal de terre et sostra” (24-3) ;
  • sur trois côtés : “un journal de terre et bois” (18-6) ; “deux journaux de terre et sostrar” (19-9) ;
  • de tous côtés : “trois journaux de tauzia” (15B-7) ; “six journaux de terre, dailhin, brostre et pré” pris à nouveau fief (17A-5).

Au lieu de journaux il peut être question de sillons (33-4, 6, 8) ou d’arreges (33-7).

Dans tous les cas ces parcelles ou ces espaces sont décrits avec quatre confronts. Si, lorsqu’il s’agit de terres emblavées ou susceptibles de le devenir, nous sommes en présence de parcelles de forme quadrangulaire, il n’en est probablement pas de même s’agissant de prairies, de bois ou de landes. Ce doit être le cas en particulier pour ces journaux qui confrontent sur un ou plusieurs côtés aux vacants du seigneur.

À aucun moment, il n’est fait mention dans le terrier de clôtures destinées à protéger les champs des troupeaux ou d’animaux sauvages comme les sangliers. En d’autres termes nous n’avons aucune preuve qu’il existait déjà des dougues si caractéristiques du paysage landais du XIXe s. Plusieurs toponymes suggèrent, cependant, que certains champs regroupant plusieurs parcelles étaient clos. C’était probablement le cas à Labrit, à La Claverie qui désigne un lieu clos où l’on rencontre les toponymes : A Bolhet et Au Claus, une maison, heyrial, pièce de terre laboradisse (14-1) ; Au Clauset et autres, situé audit lieu et grand champ de Bolhet, 3 jx. et demi de terre laboradisse avec un petit lopin de bois (14-3) ; Au Clauset de Bolhic (ou Bolhet), même lieu, 30 arreges de terre (19-11) ; Au Claus Barad, un lopin de sostra (5-4) ; Au Clausot du Parc, une pièce de bois confrontant aux vacants, S. 0,5 j. (6-7). On ne saurait tirer aucune conclusion de ces rares mentions. On notera seulement que le quartier de La Claverie, situé à l’ouest, de la paroisse ouvrait sur des vacants.

Les jardins 

Nous en avons recensé dix. Ils sont naturellement associés à la résidence, quelle que soit sa nature, partie de maison, salle, chambre, appentis ; il est certain dans ces conditions qu’une maison abritant plusieurs résidents devait être entourée de plusieurs jardins. Mais ces jardins ne sont, la plupart du temps, que la parcelle la plus proche de la maison, au sein d’un ensemble qui comprend aussi terre labourable, prairie de fauche, bois ou bosquet, voire sostrar comme l’illustrent les exemples suivants : “la moitié d’une maison…, et une chambre…, avec un jardin et pièce de terre laboradisse, qui est en la part de bise”, S. : 2 jx (1-1) ; “un appentis et une chambre de maison avec un jardin et bois à l’environ”, S. : 0,5 j. (2-1) ; “une salle de maison avec un parc et une pièce de terre, jardin, bosquaige et sostra”, S. : 2 jx (13-1) ; “une salle et un appentis de maison avec un journal de jardins et terres à l’environ”, S. : 1 j. (19A) ; “une partie de maison…, avec le dabantiu et un petit jardin au derrière”, S. : n. p. (22-1) ; “deux appentis de maison avec un jardin au derrière d’icelle et dabantiu”, S. : 0,25 j. (24-1) ; “un appentis de maison…, avec un petit jardin et une pièce de terre et bois qui est du côté du nord dudit appentis”, S. : 0,5 j. (27-1) ; “une partie de maison…, avec le dabantiu et jardin qui est près, terres, bois, dalhins, bourdieu” (32-1).

Dans le bourg, on l’a vu, certains jardins s’intercalent entre les maisons ou sont dissociés de la résidence et regroupés, comme ceux qui confrontent aux fossés du château : ainsi, la moitié d’un jardin confrontant latéralement à deux autres, donnant d’un côté sur la rue, de l’autre sur le fossé du château (4-2). Cependant, pour des raisons liées sans doute à la qualité du sol, d’autres jardins sont séparés de la maison : ainsi ce “petit lopin de brana et jardin” qui a donné son nom à la parcelle dite Au Casau, entourée de terres sur trois côtés et de padouens dépendant de la tenure sur le dernier (22-8).

Ces jardins sont de taille variée, parfois minuscules : 6 pas sur 15, soit, en comptant un pas pour 0,90 m, 5,40 m sur 13,50 m soit 72 m2, mais il ne s’agit que d’une moitié (4-2); de taille plus raisonnable est ce petit lopin de terre et jardin de 15 pas carrés, soit 13,5 m x 13,5 m = 182 m²(5-8) ; mais certains se fondent ou se prolongent par de la terre labourable – qui n’est plus travaillée à la main : 11 sillons de 30 pas, soit 27 m au carré ou 7,29 a (31-2).

La présence d’arbres fruitiers serait attestée, sauf erreur d’interprétation de notre part, par les noms de trois parcelles dépendant du bourdieu recomposé du Baylet, à Vert : Au Pomer Roge (15A-3), Au Grand Perer (15A-4), Au Verger de Pepin (15-6). Un autre petit bourdieu appartenant à la même tenure, recomposé autour d’un appentis au lieu-dit Pepin, possède un verger (15B-7). De la tenure voisine dont la résidence se trouve aussi Au Baylet dépend une petite parcelle d’un quart de journal de “terre et berger” (16A-5), la seule de cette nature relevée dans le terrier.

La terre

Plusieurs expressions sont utilisées pour désigner les surfaces cultivées par opposition aux parcelles à l’état de lande (sostrar, tojar, branar) ou de bois. Cependant il convient de distinguer la terre comme composante d’une tenure ou d’une exploitation du terme de “terre”, en confront d’une parcelle. En effet, s’il arrive parfois, mais très rarement, que la nature de la parcelle située en confront soit précisée, dans la quasi- totalité des cas “terre” désigne “le bien” de telle personne : le rédacteur du terrier a privilégié l’identité des tenanciers confrontants, au détriment de la nature des confronts. On ne peut que le regretter car ces indications auraient permis de reconstituer le paysage des quartiers de manière relativement précise.

Or, à côté des deux entités que constituent, d’une part, la terre emblavée, de l’autre les bois et la lande ou l’association du bois et de la lande, le terrier en introduit une troisième, celle de parcelles associant la terre, soit au bois, soit à la lande, soit même aux deux. Nous nous sommes interrogé sur l’interprétation qu’il convenait de donner d’expressions du type “terre et bois” ou “terre et sostrar”. On pourrait entendre par là des parcelles de terre sur lesquelles se trouvent des bois ou du sostrar, mais dans une telle hypothèse on ne devrait pas rencontrer comme dans la reconnaissance faite par les sœurs de Gourgue les mentions de deux pièces de “terre laboradisse”, mais aussi celles d’une pièce de “terre laboradisse et sostra” et d’une autre de “terre et bois” (18). Nous considérons donc qu’il existe des parcelles associant deux “natures”. Elles sont, nous allons le voir, révélatrices d’un paysage qui continue à évoluer, pourrait-on dire, sous nos yeux.

S’agissant des mentions, il convient de distinguer celles présentes dans la description de bourdieux ou dans l’environnement immédiat des résidences, de celles qui concernent des parcelles isolées, énumérées à la suite. Les unes ont une valeur collective, les autres individuelle.

La terre arable

Le terrier utilise des termes divers pour désigner la terre cultivée ou susceptible de l’être : “terre” bien sûr, “tèrra laboradessa ou labourable”, “terre culte et inculte”, “terre extirpée ou à extirper”.

a. La “terre” : nous avons distingué trois acceptions.

  1. La nature de certaines parcelles dans l’énumération des composantes d’un bourdieu : “une maison… avec le bourdieu, terres, bois” (10-1) : “une maison…, terres, bourdieu et héritage” (25-1) ; “la maison vieille…, heyrials, terres, bois, sostrars, dalhans” (28-1) ; “la moitié d’une maison…, avec le bourdieu, terres, bois, sostrars et héritage” (30-1). Cela vaut aussi pour un ensemble de biens en un lieu déterminé : “six journaux de terre, dailhin, brostre …”, à Capbœuf (17A-5).
  2. Une pièce ou une nature de sol dans l’environnement immédiat de la résidence : “maison.., avec un lopin de terre au derrière” (S. : n. p.) (3-1) ; “une salle de maison, terre, heyrial…” (S. 2 jx) (7-1) ; “une salle de maison avec parc et une pièce de terre, jardin, bosquaige et sostra” (S. : 2 jx) (13-1) ; une salle de maison… avec une pièce de terre” (15-1) ; “une salle et appentis de maison, avec 1 j. de jardin et terres à l’environ” (19) ; “une maison, parcq, parcque, heyrial, avec une pièce de terre près ladite maison” (S. : 1 j.) (23) ; “une maison…, heyrial, avec deux pièces de terre, toyars et sostrars, le tout joignant ensemble” (26-1) ; “une partie de maison avec le debantiu et jardin qui est près, terres, bois, sostrars” (32-1).
  3. Une parcelle isolée. Il ne peut s’agir que de terre labourable et l’absence de qualification résulte, à notre avis, de la négligence du notaire. La succession dans l’énumération des parcelles d’une tenure (15A), de pièces de “terre laboradisse” (2, 3), d’une “autre pièce” (4), puis d’une “autre pièce de terre laboradisse” (5), enfin d’une “autre pièce de terre” (6) prouve bien que les deux termes sont équivalents. En voici d’autres exemples : “une terre”, S. : 0,5 j. (28-7) ; “une petite pièce de terre”, S : 0, 5 j. (16A-3) ; “des pièces de terre”, S. : n. p. (26-2), S. : 3 jx, (30-B5), S. : 0,25 j. (29-5) ; “trois petits lopins de terre” (24-4) ; “un journal de terre” avec, sur les 4 confronts, les vacants du seigneur (11-3) ; “34 sillons de terre” (31-4) ; “certaines pièces de terre qu’il avait acquises” (19-3).

b. La “terre laboradisse” ou “labourable” ou “culte”

Ces trois termes sont équivalents. En effet, pour une reconnaissance donnée le notaire n’utilise que l’un de ces termes, comme on peut le constater pour “terre culte” (7, 8, 22) ou “terre labourable” (19 avec une exception concernant des arregues (19-11). Il s’agit de parcelles de terre cultivées au moment de la reconnaissance. On peut rapprocher de ce terme celui, plus rare, de “terre culte” ou “cultivée”, par opposition à “terre inculte”.

Il peut s’agir :

  • 1. d’une pièce de terre dans l’environnement immédiat de la maison, en association parfois avec l’airial, un jardin, un verger, mais aussi de parties boisées et de sostrars. Ces ensembles ont une superficie moyenne de 1,5 j. En voici des exemples : “La moitié d’une maison avec un jardin et une pièce de terre laboradisse.., et la moitié d’un petit bois” S. : 2 jx. (1-1) ; “une maison, sauf l’appentis de cap de bise et un demi journal de terre laboradisse et heyrial à l’environ d’icelle”. S. : 0,5 j. (6-1) ; “une salle de maison.. avec un journal de terre laboradisse” S : 1 j. (6-2) ; “une salle de maison avec l’appentis de bise, terre, heyrial, bois, sostrars au derrière d’icelle et aussi avec les terres labourables au devant d’icelle”. S. : 2 jx (7-1) ; “la moitié d’une maison… avec une pièce de terre laboradisse”. S. : 1, 5 j. (12-1) ; “une maison… heyrial, avec une pièce de terre laboradisse et quelques chênes”. S. de la terre : 2 jx (14-1) ; “un appentis de maison… avec une petite pièce de terre laboradisse au-devant d’icelle et une autre pièce de sostrar et branar qui est en la part de midi”. S. : 1,5 j. (16A-1).
  • 2. d’une pièce de terre isolée

En voici quelques exemples sous les noms de terre laboradisse, labourable ou culte.

Terre laboradisse : “deux journaux de terre laboradisse”, vacants sur deux confronts, au lieu dit Au Treytin (1-2) ; “une pièce de terre laboradisse” S. : n. p. (1-3) ; S. : 1,5 j. (4-3) ; S. : 2 jx (4-4) ; S. : 1,5 j. (12-2) ; S. : 1 j. (12-3) ; S. : n. p. (15-3) ; S. : n. p. (15-4) ; deux pièces, S. : n. p. (15-2) ; S. : n. p. (15-5) ; S. : 2,5 jx (16-2) ; S. : 0,75 j. (16-4) ; S. : 1,25 j. (18-3) ; 60 arreges S. : 0,5 j. (19-11) ; S. : 1 j. (29-3) ; “une petite pièce de terre laboradisse”, S. : 0,25 j. (18-4) ; “un journal de terre laboradisse”, S. : 1 j. (14-4) ; “deux journaux de terre laboradisse”, S. : 2 jx (25-2) ainsi que les cinq parcelles de la tenure n° 15, évoquées plus haut.

Terre labourable : “une pièce de terre labourable”, S. : 1,5 j. (13-5) ; S : 1 j. (19-4) ; “deux lopins de terre labourable”, S. : 1,5 j. (19-5) ; “une borde avec deux journaux de terre labourable” (5-7).

Terre culte : “demi-journée de terre culte”, S. : 0,5 j. (7-6) ; “une pièce de terre cultivée” (8-2) ; “une pièce de terre culte”, S. : n. p. (21-3) ; une petite pièce de terre culte, S. : n. p. (22-2).

La superficie : Les parcelles dont nous connaissons la superficie ont de 0,25 à 2 jx, en moyenne 1,27 j., soit 0,68 ha si l’on retient l’équivalence 1 journal = 0, 54 ha, soit 0,48 ha, si on retient l’équivalence 1 journal = 0,37 ha.

Dans une reconnaissance, au quartier de Lesperon, à Labrit (31), les parcelles sont estimées en “sillons appelés arregues, d’un pas commun de largeur”. Nous sommes donc en présence de l’un des plus anciens témoignages sur le type de culture en usage dans cette partie de la Grande Lande. Il faut entendre par arregue le billon en ados, chaque billon étant séparé de ses voisins par la caule. La largeur d’un pas s’entend du milieu d’une caule à l’autre. Nous avons fait deux estimations : la première sur la base un pas = 0,82 m, un pas carré = 0,67 m2, la seconde un pas = 0,74 m, un pas carré = 0, 54 m2. Les dimensions et superficies des parcelles de cette tenure sont les suivantes :

  • trois parcelles faisant respectivement 11, 13 et 34 sillons de 30 pas de long : le pas carré de 0,82 m de long fait 0,67 m2, celui de 0,74 m de long 0,54 m2
    • 11 x 30 x 0,67 m2 = 221 m2 x 0,54 m2 = 178 m2
    • 13 x 30 x 0,67 m²= 261 m2 x 0,54 m2 = 210 m2
    • 34 x 30 x 0,67 m2 = 683 m2 x 0,54 m2 = 550 m2
  • trois parcelles de : 9,76 et 43 sillons de 50 pas de long :
    • 9 x 50 x 0,67 m2 = 364 m2 x 0,54 m2 = 243 m2
    • 76 x 50 x 0,67 m2 = 3078 m2 x 0,54 m2 = 2052 m2
    • 43 x 50 x 0,67 m2 = 1741 m2 x 0,54 m2 = 1161 m2
  • une parcelle de 64 sillons de large et 45 de long
    • 64 x 45 x 0,67 m2 = 2332 m2 x 0,54 m2 = 1555 m2

soit en tout, pour un pas carré de 0,67 m2, 8680 m2, en gros l’équivalent de 1 ha ou, pour un pas carré de 0,54 m²: 5924 m2.

Nous sommes ici en présence de toutes petites parcelles dont la superficie ne pouvait être appréciée en sous-multiples du journal, la plus petite étant de 178 à 221 m2. À notre avis, il s’agit de parcelles issues d’un partage qui a affecté un modeste bourdieu, la reconnaissance portant, en plus de ces parcelles, sur une “partie” de maison et “partie” de métairie. En effet, sauf une, chaque parcelle reconnue par Etienne Dagez est contiguë à une autre appartenant à Gaillard Dagez, ce qui donne un parcellaire en lame de parquet.

La manière dont a été établie cette reconnaissance témoigne de la rigueur et de la précision avec laquelle ont été décrites les tenures ainsi que de la connaissance que les tenanciers avaient de leurs biens. Ceci dit, cette reconnaissance pose un problème d’interprétation car, en raison des difficultés de lecture du document, nous ne savons pas si le journal et demi équivalent à ces parcelles ainsi qu’un tiers de journal de lande sont ou non inclus dans les 3,25 jx, de la superficie de la “meterie”.

Les résultats de cette approche sur l’arregue sont confirmés par un second exemple (19-11). Dans celui-ci 60 arregues de terre laboradisse équivalent à un demi-journal, soit 1850 à 2700 m2, ce qui donnerait à chacune des arregues une superficie de 30,8 à 45 m2 et de 23 m à 54 m de long. On ne doit pas s’étonner de la longueur de certaines arregues ou de la forme allongée de certains champs comme en témoigne le lieu-dit Longues Arregues à Vert (15A-6 ; 16A-3 ; 29-2). On notera, enfin, la présence de 60 arregues “au mitan” de 3,5 jx de terre laboradisse et d’un petit lopin de bois au grand champ de Bolhet. (14-3). Ces 60 arregues qui appartiennent à un tiers sont “enclavées” dans le champ de Jean de Castaignede. Nous nous demandons si nous ne serions pas en présence d’une unité de défrichement.

Autres types de terres 

À côté des formules dont l’interprétation ne pose guère de problème, le terrier en utilise d’autres sur lesquelles il convient de s’arrêter.

1. Il s’agit, d’abord, des expressions “terre laborable, laboradisse et à laborer” que l’on peut rapprocher de celle de “terre cultivée et à cultiver”. Ces terres entrent dans la composition de bourdieux : “bourdieu consistant en une maison…, terres labourables et à labourer” (17A, B, 19B, C, D). Il peut s’agir aussi de pièces situées dans l’environnement immédiat de la maison (bourdieux recomposés), ainsi décrites : “un appentis de maison…, avec une pièce de terre laboradisse et à labourer”, S. : 2 jx (5-1) ; “une estantade de maison… avec une pièce de terre laboradisse et à labourer” (18-1) ; ou encore d’une simple parcelle : “une pièce de terre consistant en terres labourées et à labourer, S. : 5 jx (23-2) ; deux pièces de “terre cultivée et à cultiver”, deux fois 1,5 j. (7-3 et 7-5).

Le nombre d’occurrences est faible : deux pour les bourdieux, deux autres dans l’environnement de la maison, trois pièces isolées. Nous interprétons la formule, soit comme “en attente d’être cultivée” ou “pouvant être cultivée”, sans que l’on sache au juste s’il s’agit de la déclaration du tenancier ou d’une initiative du scribe.

La “terre culte et inculte”

Proche de la précédente, cette formule a-t-elle la même signification, en d’autres termes une terre “inculte” diffère-t-elle d’une terre “à labourer” ou à “cultiver” ? L’expression apparaît, comme dans la précédente rubrique :

  • soit pour désigner l’une des composantes d’un bourdieu : “maison…, parc.., meterie consistant en terres cultes et incultes” (8-1) ; “la moitié d’une maison…, dabantiu, terres cultes et incultes, bourdieu” (11-1) ; “petite maison, avec l’eyrial, terre culte et inculte”, S. : 8 jx (28B) ; “deux autres maisons, heyrial, terres cultes et incultes” (28C) ; “maison.., terres cultes, incultes, bois et sostrars”, S. : 8,5 jx (30B).
  • soit pour qualifier une parcelle : “cinq journées de terre culte et inculte”, S. : 5 jx ; l’un des confronts est un vacant (7-4).

Il doit s’agir, dans le premier cas, d’une formule générale par laquelle le notaire prend en compte la totalité des terres, quel que soit leur état, dès lors qu’il ne s’agit ni de bois ni de landes. On notera, d’autre part, que dans la reconnaissance n° 7, la parcelle de “terre culte et inculte” est précédée et suivie par une pièce et une “demi-journée” de “terre cultivée” ou “à cultiver”. Si nuance il y a entre elles, nous pensons que les formules : “à labourer”, “à cultiver”, désignent des terres susceptibles d’être emblavées immédiatement, celle de “terre inculte”, de l’autre, des terres mises en réserve ou ayant une affectation précise (passages, sentiers, chemins privés).

La description de la tenure n° 31 nous apporte une autre réponse. Il s’agit d’une partie de maison et de métairie consistant en “terres cultes et incultes ainsi que la pièce contenant la maison faisant 3, 25 jx”. Or, la pièce sur laquelle est bâtie la maison faisant 0, 25 j. est qualifiée “d’inculte”, ce qui est bien le cas.

La “terre treyte, extirpée et à extirper”

Ces expressions se rapportent manifestement à des défrichements projetés ou en cours. Il s’agit d’une “pièce de terre treyte appelée Le Treytin”, S. : 1,5 j. (13-3) ; et d’une mention dans la description d’un bourdieu : “maison…, terres, bourdieu et héritage, terres extirpées et à extirper”, S. 13 jx (25). Nous y reviendrons à propos des défrichements.

Les autres mentions de terre associée à des composants de la lande ou des bois seront abordées à ces deux rubriques.

Des bois aux “bois reliques”

Les bois constituent le second élément du paysage. Les toponymes Vert, La Bernede, Berniu, Bertet, rappellent l’existence sur les bords de l’Estrigon et de ses affluents d’une forêt galerie dans laquelle le vergne (l’aulne) devait être largement présent. Bien qu’il ne soit pas attesté dans le terrier, comment ne pas rappeler non plus la présence à proximité du château de Monsieur d’Albret d’“un fort beau bois” qui retint l’attention de l’ambassadeur vénitien, Andrea Navagero, lorsqu’il passa par Labrit en 1526 (34). Élément important de la réserve seigneuriale, il devait subsister un demi-siècle plus tard, témoin de ce qui fut à l’origine la “forêt de Labrit”. En effet, si, en 1582, les bois occupent en superficie une place réduite difficile à apprécier, par contre, leur présence dans l’environnement immédiat des maisons ou des champs fait apparaître les terres emblavées comme le “négatif” de zones antérieurement boisées. C’est ce qui nous a incité à parler de “bois reliques”.

Les bois sont désignés par le terme de “bois”, mais aussi par ceux de “bosquet” ou “bosquaige” qui évoquent, pensons-nous, des bois résiduels. Les toponymes confirment cette évolution. Si on rencontre des lieux appelés Au Boscq, plus fréquents sont les toponymes Au Bosquat attestés à Lesperon età La Bernede ou Au Bosquet, Au Bosquaton, à deux reprises, à Vert. Nous avons aussi relevé le terme de “forêt” dans le collectif “bois et forêt” (15-7) ou celui de “taillis” en bordure de l’Estrigon (22-5).

Trois essences sont présentes, en plus du vergne déjà évoqué : le chêne, attesté par le lieu dit Trescasses, – il s’agit du chêne pédonculé (quercus robur) –, le chêne tauzin et le pin maritime sous les collectifs de tausiar et de pignada. On peut estimer que le terme “bois” sans autre précision désigne des bois essentiellement constitués de chênes pédonculés. Les tausiars étaient vraisemblablement des taillis ou des broussailles ou dominaient les petits tauzins ; ils sont, nous le verrons, associés à plusieurs formations basses caractéristiques de la lande. Quant aux taillis des zones humides ils devaient être constitués de vergnes (aulnes) et de saules.

Le bois composante des bourdieux

Ce qui est remarquable, c’est l’association intime des bois à l’habitat et aux terres cultivées.

Les bois sont, tout d’abord, une composante des bourdieux d’un seul tenant, parfois complétés d’une ou deux parcelles : à Lesperon, le bourdieu de Jean de Ransinangou, S. : non précisée (8) et celui de Pierre Dubacque, S. : 11, 5 jx (10) ; celui de Jean de Naliis, à Vert, à Trescasses, S. : 9 jx (11), les trois bourdieux de Semyonne Dupoy à Lesperon (19B, C, D), celui de Bertet à Vert, S. : 65 jx (28A), les deux bourdieux de Mathieu Dantes, à Vert, à Trescasses, S. : 5 jx et 3, 25 jx (30A-1, B-1), la part du bourdieu de Jean Dupoy (32-1) ou l’un des bourdieux de Martin de Martin à Lesperon, Au Boscq (17A-1). On se trouve dans ce dernier cas en présence d’une inversion toponymique. Le bourdieu d’une superficie de 18 jx. d’un seul tenant dont cinq de terres labourables et d’autres terres à labourer, sans compter les sostrars et branars se trouve au lieu-dit Au Boscq. Peut-on aller jusqu’à imaginer que le bois primitif avait une superficie de près de 20 jx. ?

Pas de mention de bois, en revanche – mais cela n’est peut-être dû qu’à la négligence d’un scribe –, dans deux autres bourdieux, l’un à La Bernede (20), l’autre à Vert, à Cazeneuve (28C) et seulement des brostèrs, tojars et branars dans le second des bourdieux de Martin de Martin aux Chinans, à Labrit (17B).

Les bois et les bourdieux recomposés

Le bois fait aussi partie de l’environnement immédiat de certaines maisons de bourdieux recomposés. C’est le cas, nous y reviendrons, de celles de Jean et Pascal de Castaignede (1, 2), celui aussi à La Bernede, de la maison d’Étienne de Brustis qui est entourée de terre, sostrars ainsi que d’un airial et d’un bois que l’on ne doit pas confondre avec lui, même si l’airial est “boisé” (7-1). La maison de Marguerite de Gourgue, à Vert, est associée à un bosquaige (13) ; celle de Jean de Castaignede, à La Claverie, voisine avec “quelques chênes”, distingués, cette fois encore, de l’airial (14). L’appentis de maison que Bertrand de Sentorens tient à Vert, A Pepin, est entouré de son airial, d’un verger, de terre cultivée et de “bois et forêts” (15B-7). Doit-on entendre par là que le bois en question a une dimension inaccoutumée ? La chose semble peu probable. L’appentis de maison que possède Raimond de Lafontan est entouré d’un petit jardin et d’une pièce de “terre et bois” (27-1). À la différence des bourdieux, plus nombreux sont les cas où aucun bois n’est mentionné à proximité des résidences (3, 4 (maisons de Labrit), 5, 6, 15, 16, 18, 19 A, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28B, 31). À cela, selon nous, une seule raison, le fait que l’on se trouve en présence de bourdieux recomposés à partir d’une résidence établie et définie en fonction de considérations patrimoniales.

Les parcelles de terre et bois

Les parcelles associant des terres et des bois méritent une attention particulière. Prenons pour exemple le cas des deux tenures appartenant à Jean et Pascal de Castaignede (1, 2). Au lieu-dit Peche Bolhet, dans le quartier de La Claverie à Labrit, la maison de Jean de Castaignede, entourée d’une pièce de terre et d’un jardin, confronte en façade à un petit bois (1-1) ; Pascal de Castaignede, qui occupe l’autre partie de la maison, possède une autre partie de ce bois (2-1), Or, trois des quatre parcelles de terre qui constituent la tenure de Pascal de Castaignede sont constituées de “terre laboradisse et bois” (2 jx), de “terre culte et quelques chênes” (3 jx), de “terre et bois” (0,5 jx) (2-2, 3, 4), la dernière de “terre et sostrar” (2-5). Exemple identique à Vert, au lieu-dit Senton où il est précisé que trois parcelles de terre constituant la modeste tenure de Pierre de Puyo (1,5 j., 1 j., 1, j.) “contienent quelques petits lopins de bosquaiges qu’il y a au bout de chacune d’elles” (12). À La Claverie, l’une des parcelles de la tenure de Jean de Castaignede est, elle aussi, constituée de “terre labourable avec quelques chênes” (1,5 j.) (14-2).

On retrouve ce type de parcelle de “terre et bois” dans plusieurs tenures : celle d’Andriu de Maurin : deux “petites pièces” : 0,33 j. (5-5), 0,5 j. (5-6), à La Claverie ; celle de Jean de Maurin : une “pièce de terre laboradisse et bosquaige” (1,5 j.), toujours à La Claverie (6-4) ; celle d’Etienne Brustis à La Bernede : une pièce de “terre, bois et forest” (1,5 j.) (7-2) ; à Vert, celle de Pierre de Sentorens : “pièce de terre et bosquaige” (0,75 j.) (16B-7). Parfois, le toponyme rappelle la présence de ces bois : “terre et bois” (1j.), à Vert, Au Bosquaton de Laboup (18-6) ou, à Lesperon, A La Clede (26-3), une pièce de “terre laboradisse et bois” aux lieux-dits Les Longues Arregues, Au Bergeret et Au Bosquet (2 jx) (29-2). Il est parfois précisé que le bois en question est un bois de tauzins : une “pièce de terre et tausia”, à Vert (S. : n. p.) (15-8) ; à Labrit (1 j.) (27-2) ; à La Claverie (20 pas) (29-4) ; “une pièce de terre, broster et tausia” (1 j.) (16B-9). Ces bois sont souvent associés aux formations basses de la lande ; “terre, bois et dailhin” à Vert, A Bernin (1 j.) (28C-6”) ; “pièce de terre, bois et soustra” (9 x 50 pas), à Lesperon, Au Boscat (31-5).

Parfois, il s’agit de parcelles ou d’ensembles de grande dimension qui révèlent des défrichements hors contexte d’un habitat : ainsi, Jean de Castaignede de Labrit possède “trois journaux et demi de terre laboradisse” avec un petit lopin de bois (14-3). La formulation prouve déjà que ces 3 jx. ne sont pas isolés. En effet, ils sont situés Au Clauset et en d’autres lieux, situés eux-mêmes Au Grand Champ de Bolhet. De plus, “au mitan”, donc au milieu de ces 3 jx. et demi, les héritiers d’un autre tenancier, Jean Dupoy, possédaient soixante arregues.

Situation identique à La Bernede avec “une pièce de terre laboradesse, sostra, tailhins et dailhins” de 2,5 jx. (24-5). Les bois ont cette fois disparu, mais la pièce se trouve Au Bosquat et Champ de Bize, en bordure des vacants du seigneur.

Changement de dimensions, probablement, avec ces pièces de “terre, toya, broster et bois” situées paroisse de Vert “tout en un tenant”, en bordure du ruisseau du moulin banneret (21-2). Certes, la superficie de ces pièces n’est pas indiquée, mais elles constituent l’essentiel d’une tenure de 40 jx. Or, le nom de certaines d’entre elles, Au Bosquat, Au Boscq de Bernachou, révèle leur nature, au moins celle de leur origine, mais il est tout à fait possible qu’il s’agisse de bois. Une autre de ces parcelles appelée La Tiblière évoque une tuilerie qui devait trouver sur place le combustible nécessaire à la fabrication des tuiles. Chênes et autres feuillus ne pouvaient que croître en des lieux où affleuraient les glaises bigarrées. Autre exemple, celui de ces “terres labourables, placeas (?) et bosquaiges” situés à Bernachon, près de la gourgue du moulin “tout en une pièce et tiennent ensemble” d’une superficie de 24 jx (17A-2), non loin, semble-t-il, du bourdieu situé Au Boscq (17). Nous avons vu que les lieux de Bernarchon ou Bernachou et celui de La Tiblière correspondent à ceux de Bernache et à une Tuilerie portés sur la carte de Belleyme dans la paroisse de Vert, sur la rive droite de l’Estrigon, à hauteur du moulin du Roi.

Bois et défrichements

Nous nous trouvons donc en présence d’un paysage qui révèle en filigrane l’histoire de ses origines, celle de la création d’un terroir cultivé grâce aux défrichements de bois de feuillus : l’existence de bois reliques, la mixité dans la nature des parcelles, les inversions toponymiques, mieux encore le toponyme Treytin en constituent autant de témoignages. Les deux tenures des Castagneide (1 et 2) sont le parfait exemple d’une clairière ouverte à la limite de la chêneraie et de la lande. Des bois entourent la maison, et sont aussi associés aux parcelles cultivées (2-2, 2-3, 2-4). Au lieu-dit Au Treytin, un toponyme caractéristique des défrichements de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne, une pièce de terre laboradisse d’une surface de 2 jx confronte, sur deux côtés, aux vacants du seigneur (1-3).

Attardons-nous quelques instants sur la tenure de Marson Dupuy et Catherine de Gourgue (29). Il s’agit d’un bourdieu composé, de 3,66 jx, 2 ha à 2,25 ha, dont les divers éléments ne constituent pas encore une véritable exploitation, mais sont révélateurs de la manière dont celle-ci a commencé à se constituer. Le noyau est une simple borde couverte de brande qui n’a pas encore de nom, et de “terres culte et inculte” de 0,25 jx, en bordure d’un chemin, dans un environnement de biens détenus par d’autres tenanciers. Le bourdieu comprend, en plus : une pièce de “terre labourable” de 2 jx de superficie qui porte les noms de Longues Arregues, Au Bergeret et Au Bosquet, un toponyme qui rappelle la présence d’un bois relique ; une autre pièce de “terre laboradisse” d’un journal, appelée Le Treytin, dont le souvenir du défrichement qui lui a donné naissance est encore présent – elle confronte d’ailleurs à un bois ; enfin, une pièce de “terre et tausia” de 20 pas de superficie – probablement 20 pas au carré, soit de 219 à 268 m2, et une autre “petite pièce de terre” d’un quart de journal. Le caractère minuscule des parcelles, les toponymes, la présence de bois constituent autant d’indices d’un bourdieu en cours de formation.

Dans tous les exemples que nous venons d’évoquer, en aucun cas, sauf pour les tenures des Castaignede (1-3 ; 2-2, 3, 4), les parcelles de terre et bois ne confrontent aux vacants du seigneur. Il n’en est pas de même pour les parcelles de bois, en particulier celles de tausiar.

Les parcelles de bois

Les bois qui apparaissent sous forme de parcelles sont peu nombreux et de taille modeste : ainsi, à La Claverie, au lieu dit Clausot du Parcq, la “pièce de bois” qui confronte d’un côté aux vacants du seigneur n’a qu’un demi-journal (6-7) ; autres exemples, le “demi-journal de tauzia” (S. : 0,5 j.) situé à Vert appelé Au Bosquaton de Poy Blancq (13-6), ou bien le “tauzia et bois” (S. : 1,25 j.) situé aussi à Vert, appelé Au Boys de Labesan d’Estebenen, entouré de terres (18-5) ; la “pièce de bois et tauzia”, S. : 1 j. (30-A3) et le “tauzia et bois”, S.: 1 j. (30B-6) situés à Vert, à Trescasses, appelés A Puy Blancq ou encore ces “taillis” sur les bord de lEstrigon (22-5).

Parfois, nous venons de le voir dans le cas des tausiars, la nature du bois est précisée. Parfois aussi le  tausiar est associé au  brostèr ou brostrar, S. :1 j. (25-3, 4), au sostrar, S. : 0,33 j. et non précisée (31-9). L’environnement de ces tausiars est, tantôt constitué de parcelles dont on ignore la nature, tantôt de vacants du seigneur sur un (13-6) ou sur les quatre côtés (30-A3, 30B-6, 25-3, 4), donc aux limites de la lande, comme l’illustre le site de Poy Blanc à Vert.

Les pignadas sont, eux aussi, peu nombreux et de faible étendue : “une petite pièce de terre et pignada”, S. : 0,5 j. (13-4), “la moitié d’un lopin de terre et pignada”, S. : 1 j. (17A-3) ; “un lopin de pignada et terres vacantes”, S. : 1 j. environ (19D-8) ; un “petit lopin de pignada”, S. non précisée (21-4). Ces pièces et lopins ne portent pas de nom : les uns sont seulement définis par rapport aux tenures environnantes, bourdieux ou ruisseaux (13-4, 19D-8), les autres par rapport à un lieu-dit : “près La Mole Vieille” (17A-3), ou un territoire, celui de La Mole Vielhe (21-4). Cependant nous ignorons la nature des parcelles contiguës. Il est clair que les pignadas sont implantés sur des terres qui, bien que qualifiées parfois de “vacantes”, sont incluses dans les tenures. Le voisinage de ruisseaux fait songer à un pignada galerie, naturellement établi sur le rebord des versants stabilisés des cours d’eau. C’est en particulier le cas au territoire de La Mole Vielhe, au bord du ruisseau de La Bernede (17A-4 ; 21-4), ce que confirme la carte de Belleyme.

Les formations basses

De la lande à la terre emblavée

À la différence de ce que nous avons constaté pour les bois qui ne constituent plus que rarement de véritables parcelles, sauf peut-être à l’intérieur des bourdieux d’un seul tenant, les formations basses qui correspondent à la lande se présentent, comme les terres emblavées, sous forme de parcelles individualisées par leur nature et leurs confronts. Bien que faisant partie intégrante de la tenure ou de l’exploitation, ces parcelles ne doivent guère différer des vastes zones que sont les vacants du seigneur. Leur appropriation résulte sans aucun doute de la volonté des tenanciers de pouvoir utiliser à leur grè des portions de la lande. Nous sommes, en effet, dans une seigneurie dont les vacants sont la propriété du seigneur, sur lesquels les tenanciers n’ont qu’un droit d’usage dans des conditions régies par la coutume et moyennant le paiement d’une redevance. Ces parcelles constituent ainsi une sorte de réserve dans laquelle le tenancier peut puiser pour tenter d’aménager, grâce au fumier des troupeaux, de petites parcelles à cultiver. Nous aurons l’occasion de le voir en examinant un lot de baux à nouveau fief du milieu du XVIIe s. Il existe, en effet, des parcelles dans lesquelles la terre et la lande sont associées, moins nombreuses il est vrai que celles réunissant terres emblavées et parties encore boisées. Il faut dire que la lande est rebelle à la mise en culture, mais, nous allons le voir, ces parcelles méritent qu’on s’y attache tout particulièrement.

Lande

Le terme n’apparaît que rarement. C’est sous ce nom qu’étaient désignés les vastes espaces de parcours, comme on peut le voir par un bail à nouveau fief d’un journal de “terre, lande” appelé A Cazeneuve (28C-8), contigu aux autres terres de la tenure, confrontant sur deux côtés aux vacants du seigneur ; on le trouve aussi dans l’énumération des composants d’une métairie (8-1) ou d’un bourdieu (19C-6). Une “pièce de lande” sert de confront à un lot maison (14-1). On rencontre aussi le lanot, dans le toponyme Lanot de la Mole Vielhe, en bordure d’un pignada (17-3) terme que l’on retrouve dans deux autres reconnaissances (19D-7, 8 ; 20), mais il y avait en ce lieu des “terres sabloneuses et de petite valeur” (19D-7).

Les composants

Quatre termes sont utilisés pour désigner plus précisément certaines parties de la lande :

Le sostrar : selon F. Arnaudin et l’abbé Foix, le soustre ou sostre est la litière, et, selon S. Palay, le mélange qui compose la litière du bétail. D’où sostra, changer la litière dans un parc ou une étable (F. A.). Cependant sostre peut aussi désigner l’emplacement situé devant les parcs, étables ou maisons où l’on place la litière pour qu’elle soit mélangée et piétinée par les hommes, le bétail et les charrettes (Abbé Foix) ; d’où soustra : peler le terrain pour en faire du fumier (Foix). Soustrade est le nom donné aux herbes qui composent la litière, ajoncs, bruyères, genêts, fougères (S. Palay) et soustra peut signifier “couper de l’ajonc ou de la bruyère pour la litière”. À la différence, nous allons le voir, du terrier de Labrit, d’après ces auteurs, sostrar n’indiquerait pas le lieu où poussent ces plantes. L’examen des différentes occurrences du terme sostrar, seul ou en association, prouve le contraire.

Le tojar : selon S. Palay, il s’agit d’un “terrain de lande sur lequel poussent spontanément ou en semis des plantes qui sont ensuite utilisées en litière pour le bétail, ajoncs, bruyères, genêts, graminées diverses”. Or, ni Félix Arnaudin, ni l’abbé Foix ne semblent connaître ce terme pourtant répandu.

Le branar : selon F. Arnaudin, et l’abbé Foix, il s’agit d’une étendue couverte de brande (Erica scoparia).

Le brostèr ou brosser : selon F. Arnaudin, le brousté ou “brosser” est “un buisson de jeunes chênes et surtout de pousses de tauzin”. L’abbé Foix le définit comme des “broussailles”. Simin Palay y voit “un lieu couvert de pousses d’arbres, de taillis”.

Un autre terme semble devoir être rattaché à ces formations celui de cricq.

La lande seule
La lande composante d’un bourdieu

Sostrars, branars, brostèrs sont présents, dans l’énumération des composantes des bourdieux, sauf en l’absence de tout élément descriptif (20), ou bien en présence d’un seul airial (21), de terres extirpées et à extirper (25) ou de terres cultes et incultes (28B-2, 28C-2). En voici les occurrences :

“maison…, meterie consistant en terres…, bois et landes” (8-1) ; “une maison…, avec le bourdieu, terres, bois, sostrars” (10-1) ; “la moitié d’une maison…, terres…, bois, sostrars” (11-1) ; “bourdieu… consistant en … bois sostrars, branars” (17A-1) ; “bourdieu…, terres…brostres, tolhars, branars, dailhins” (17B-6) ; “bourdieu…consistant…en terres, bois sostrars et branars” (19B-2) ;maison, bourdieu, consistant en…terres, bois, landes sostrars, branars” (19C-6) ; “la moitié du bourdieu… consistant en…bois et sostrars et autres terres, vacans” (19D-7) ; “une maison.., heyrial avec deux pièces de terre, toyars et sostrars, le tout joignant ensemble – en fait un bourdieu” (26) : “la maison vieille de Bertet…, heyrials, terres, bois, sostrars, dailhins, bourdieu” (28-A1) ; “la moitié d’une maison… avec le bourdieu, terres, bois, sostrars” (30-A1) ; “une autre maison avec les terres…, bois et sostras” (30 -B4) ; “une partie de maison…, terres, bois, sostrars, dalhins, bourdieu” (32-1).

Sostrars et brostèrs apparaissent aussi en confronts (17-2).

La lande est parfois présente dans l’environnement immédiat de la maison dans les bourdieux recomposés

Il s’agit probablement en partie de l’emplacement situé devant les parcs :

“une salle de maison, terre, heyrial, bois, sostrars au derrière d’icelle” au quartier de La Claverie, A Poy, S. : 2 jx (7-1) ; “une salle de maison avec un parc et une pièce de terre, bosquaige, sostra”, S. : 2 j x (13-1) ; “un appentis de maison…. avec…une autre pièce de sostrar et branar qui est en la part de midy dudit appentis”, S. : 1, 5 j. (16A-1).

Beaucoup plus nombreux, cependant, sont les cas où la lande est absente à proximité de la maison (1, 2, 5, 6, 12, 14, 15, 16B-6, 18, 19A-1, 22, 23, 24, 27, 29), ce qui est normal parfois (Bourg de Labrit 3, 4). En fait, si, comme nous le pensons, c’est aux dépens de bois que se sont développés les bourdieux, il est logique de ne pas trouver de lande dans des pièces contiguës aux maisons.

Les parcelles de lande

Il s’agit de parcelles qui figurent dans les reconnaissances de certains bourdieux et celles de bourdieux recomposés, au même titre, nous le verrons, que les parcelles de terre et terre laboradisse associées aux composantes de la lande.

Si l’on peut trouver “une pièce de lande” (14-1) en confront A La Claverie, A Bolhet et Au Claus, la nature de la parcelle est toujours indiquée avec précision.

Il peut s’agir de parcelles de :

  • sostrar : “un petit lopin de sostra” A La Claverie, Au Claus Barad, S. : 0, 5 j. (5-4) ; “une pièce” à Vert, Au Sarailh, confrontant sur deux côtés aux terres vacantes, S. : n. p. (11-2) ; “deux journaux”, A la Houticque de Badalie, A Lesperon, pris à nouveau fief, confrontant de tous côtés aux vacants (17-4) ; “un demi-journal” A La Bernede, Au Jornau, confrontant à un vacant (24-3) ; une “pièce”, A Lesperon, A La Serre, S. : n. p. (26-4).
  • toyar : “un petit lopin de toyar”, A Lesperon, A Sesquit, S. : n. p. (22-7).
  • brostèr : “un petit lopin de brosser” Au Lanejoulx, confrontant aux taillis qui bordent l’Estrigon, S. : n. p. (22-5), un autre A La Trolhe (22-6).

Souvent aussi voisinent sur les mêmes parcelles du sostrar, du branar, du tojar ou du brostèr :

sostrar et branar : “une pièce de sostra et brana avec un lopin de treytin” à Vert, A La Baradine, confrontant sur deux côtés aux vacants, S. : 2 jx (13-2) ; brostèr et sostrar : à Vert, “une pièce de brostèr et sostra” appelée Au Plassot, S. : 0, 5 j. (15-9), une autre A Hosselebe, S. : 0,5 j. (16-B8), toutes deux confrontant d’un côté aux vacants ; lande et brostèr, à Vert, A Poycabourt*, confrontant sur trois côtés aux vacants, S. : 1 j. (28-5) ; branar et jardin peuvent voisiner sur une même parcelle (22-8).

Enfin, les diverses formations de la lande sont parfois associées au tausiar. Il peut s’agir du brostèr : “une pièce de brostèr et tausia” à Vert, au quartier de Trescasses, A la lande de Labrit, confrontant sur trois côtés à des vacants, S. : 1 j. (25-3) ; une autre aussi à Vert, A Poycabanot, S. : n. p. (25-4) ; une autre appelée de Hosselebe, confrontant sur trois côtés aux vacants, S. : 1 j. (16B-9) ; deux pièces à Vert, l’une de 1 j. dont les confronts sont les vacants du seigneur et des terres (25-4 et 5) ; du sostrar : une pièce, Au Dalhan, S. : 0, 33 j. (31-9) ; du tojar : à La Claverie, A la Maybonne, S. : 2 jx (6-6).

La terre associée aux composants de la lande

Il existe, on l’a vu, des bois associés à des parcelles de terre ou de terre labourable. On rencontre des situations identiques avec des composants de la lande. On peut s’interroger, lorsque la terre n’est pas qualifiée de laboradisse ou culte, sur l’interprétation à donner de formules du type “terre et un ou plusieurs des composants de la lande”. S’agit-il de terre au sens foncier portant de la lande ou d’une parcelle ou d’une étendue associant de la terre et de la lande ?

Voici, tout d’abord, les parcelles dans lesquelles la “terre” apparaît sans qualification particulière.

  • “terre et lande”, à Cazeneuve, à Vert, S. : 1 j. (28-8).
  • “terre et sostrar” : nous en avons relevé 16 mentions dont 4 en confronts. Mais il convient de distinguer les “pièces” des “superficies de …”

Pièces : “une pièce de terre, sostrar et cricq (?)”, au territoire de La Claverie, appelée A la Serre du Miey et A La Lague Roge, faisant 9 jx, confrontant sur un côté aux vacants (14-7) ; une autre, de “terre et sostrar”, nommée Au Cap du Brau, située A La Serre du Miey, confrontant sur trois côtés aux vacants du seigneur, S. : 2 jx (14-8) ; “une pièce de terre et sostra”, à Lesperon, Aux Tucqueletz, S. : n. p. (26-5) et un lopin au devant de la maison (26-6) ; “une pièce de terre et sostra” au devant d’une maison de Lesperon, S. : n. p. (26-6) ; “une pièce de terre et sostra” à La Claverie, Au Barralh, confrontant sur deux côtés aux vacants, S. : 2 jx (30-A2) ; “une pièce de terre et sostra” (S. : 3, 5 jx) (32). La maison de Maurin à La Claverie confronte sur un côté à une terre et sostra (6-1).

Superficies : à La Claverie, 3 jx A la Serre du Midi et 5 jx A Lestrade, confrontant chaque fois sur un côté aux vacants (1-7, 8) et cinq autres journaux A Lestradas, confrontant sur deux côtés aux vacants (2-5) ; 1 j. à Labrit, A Denezet, confrontant sur deux côtés à des sostrars, sur un autre à une terre et sostrar et sur le dernier à un chemin (4-5) ; “deux journaux de terre et sostrar” à Lesperon, A la Hontasse (19D-9) ; “un demi journal de terre et sostra” à La Bernede, appelée Au Jornau, confrontant sur un côté aux vacants (24-3).

  • “terre et brostèr” : une “pièce de terre et brostèr” A La Serre de Bernardon avec confront de terre et chemin public (15B-9).

On rencontre aussi, associées à de la terre, diverses formations de la lande ou des bois : “deux pièces de terre, toyars et sostrars” à Lesperon, joignant une maison et confrontant sur un côté aux vacants (26-1) ; plusieurs “pièces de terre, toya, broster et bois” à Vert, en divers lieux (21-2) ; “une pièce de terre, bois et sostrar” Au Boscat (31-5), une autre de “terre, broster et tausia” à Vert, confrontant sur trois côtés aux vacants (S.: 1 j.) (16B-9).

Nous avons rencontré aussi, à Vert, une une pièce de terre, toya, brostèr et bois” (S. : n. p.) (21-2).

Pièces de terre labourable et formations de la lande

Si des expressions telles que “terre et sostrar” peuvent faire l’objet d’une interprétation restrictive – terre portant du sostrar – il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de “terre laboradesse et sostrar”. Nous sommes ici en présence de véritables parcelles reconnues ou identifiables sur lesquelles voisinent une partie emblavée et une partie encore en lande. La terre laboradisse est associée :

  • au sostrar : “une pièce de terre laboradisse et sostra”, à La Claverie, A la Borde de Jus, S. : 1,5 j., une autre à Vert, Aux Pins, confrontant sur un côté aux vacants, S. : 2,5 jx (18-2) ; A La Bernede, près de la maison, S. : 2,5 jx (24-2).
  • au dalhin : “terre laboradisse et dalhin”, à La Claverie, A la Maybonne (1,5 j.), confrontant sur un côté à la terre et sostrar du tenancier (6-5).

Cependant, certaines parcelles regroupent diverses formations de la lande : ainsi, une “pièce de terre laboradesse, sostra, tailhins et dalhins” Au Bosquat, A La Bernede, confrontant sur un côté aux vacants, S. : 2,5 jx (24-5) ; une “pièce de terre culte, toyar, broster et dailhin”, à Lesperon, A la Plassere et A la Lague du Bacquera, S. : n. p. (22-4).

Un jardin, nous l’avons vu, peut être aussi associé au branar dans un même petit lopin (22-6).

À l’assaut de la lande

La présence sur une même parcelle de terre labourable et de sostrar, de tojar ou de brostèr rappelle celle de terre labourable et de bois, mais avec une différence essentielle. Dans le cas précédent c’est la terre labourable qui est partie à la conquête du bois et l’a fait en grande partie disparaître. Dans celui qui nous occupe c’est la lande qui est attaquée par l’homme, mais sur ses marges ou en des points particuliers, sans qu’il y ait le moindre risque de la voir disparaître. Dans la majorité des cas que nous venons d’évoquer les pièces de terre ou de terre laboradisse et de landeconfrontent aux vacants du seigneur sur un (1-7, 8, 14-7, 24-3), deux (2-5, 30A-2) ou même trois côtés (14-8).

Les parcelles partiellement mises en culture peuvent voisiner avec d’autres en totalité en nature de lande, esquissant des fronts actifs : une pièce de “terre et sostrar” confronte à des “sostrars” sur deux côtés et une “terre et sostrar” sur un autre (4-5) ; une parcelle de “terre et tojar” apparaît aussi en confront d’une pièce de “terre culte, toyar, brostrer et dalhin”, A Lesperon, A La Plassere (22-4). Nous sommes donc en présence d’une nouvelle “conquête”, qui prend la suite de la précédente. Nous avons, à cet égard, des exemples tout à fait éclairants. La première étape consiste à demander au seigneur un bail à nouveau fief d’une partie de ses vacants. C’est ce qu’a fait Martin de Martin de Labrit qui a pris à fief nouveau 2 jx. de sostrar A La Houtique de Badelade, au milieu des vacants (17A-4). Seconde étape, le défrichement progressif qui aboutit à la création de parcelles mixtes comme celle de 2 jx, à Vert, A La Baradine, constituée de “sostra et brana avec un lopin de treytin” (13-2), bordée de vacants sur deux de ses côtés. D’ailleurs, c’est non loin de là que se trouve une “pièce de terre treyte” appelée Le Treytin, S. :1,5 j. (13-3) dont nous ignorons si le défrichement fut réalisé aux dépens du bois ou de la lande.

La tenure – bourdieu recomposé – d’Estevenine Desport à La Bernede (24) rappelle celle de Marson Dupuy (29). Ici, ce sont deux simples appentis accostés d’un jardin et d’un dabantiu et non une borde qui constituent le noyau de la tenure de 6,5 jx. En plus de trois minuscules lopins de terre qui, à eux trois, font 0,75 j., on trouve trois autres parcelles dont la mise en valeur est inachevée : “un demi journal de terre et sostra” ; une pièce de 2,5 jx de “terre laboradisse et sostra”, près de la maison, une autre de même dimension “de terre laboradesse, sostra, tailhins et dailhin”Au Bosquat et Champ de Bize. On imagine les surfaces emblavées pénétrant dans la lande et gagnant sur elle.

Les prairies

Elles constituent, nous allons le voir, un autre aspect de la mise en valeur de la lande, mais il s’agit d’un cas particulier. Ici, il ne saurait être question d’un défrichement, mais d’un aménagement, d’une mise en valeur d’une partie de la lande où les graminées l’emportent sur la bruyère.

Ces prairies sont désignées par le terme de daille ou dalhe comme composantes d’un bourdieu : “bourdieu, maison… branars, dailles” (17-B1) ; “maison, jardin, bois, sostrars, dalhes” (32), mais, lorsqu’il s’agit de parcelles, les prairies s’appellent des dailhins ou dalhins. Nous avons même trouvé la formule “talhins et dalhins” (24-5).

On ne retrouve plus ce terme au XIXe s. F. Arnaudin distingue la dalhe, grande faux servant à couper le foin et le dalhot à lame plus courte et moins large, utilisé pour couper le soustre. Mais il mentionne aussi le dalh, le coupe bruyère, un instrument à lame de fer rectangulaire, aiguisé d’un seul côté, avec un emmanchement courbe. L’abbé Foix connaît ces trois termes, mais ses locuteurs en donnent des traductions différentes selon les lieux. Seul S. Palay connaît les termes dalha, dalhade, dalhadére, “pré, champ à faucher”,endroit où l’on fauche”.

C’est indiscutablement dans ce sens qu’il convient d’interpréter les termes dalhins ou tailhins recensés dans le terrier. Le dalhin est associé à la terre dans l’expression “terre” ou “terre laboradesse et dalhin”. On peut se demander, comme nous l’avons vu pour les formations de la lande, si, dans le premier cas, il s’agit d’une terre portant de la prairie où d’une parcelle associant de la terre à de la prairie. Il est parfois question dans une même tenure d’une “pièce de dailhin” et d’“une autre pièce de terre et dailhin” (1-5, 6 ; 15B-10, 11, 12) ou l’inverse (9-1, 2, 3), ce qui nous conduit, comme nous l’avons déjà fait pour d’autres associations, à retenir la seconde hypothèse, en distinguant deux natures, la terre et le dalhin. On notera seulement que nous n’avons recensé que quatre occurrences de “dalhin” contre quinze avec la formule “terre et dalhin”. Les dalhins peuvent aussi être associés aux formations de la lande sur une même parcelle. Notons, enfin, que le terme “pré” n’est pas inconnu (9-3).

Les dalhins se présentent comme des parcelles en herbe, de taille variable, tantôt isolées, tantôt apparemment regroupées. S’il existe des prats d’arriu comme c’est le cas en bordure du ruisseau de Bertès : “un petit lopin de dalhin” (S. : n. p.), (15-12), les dalhins sont situés essentiellement sur le plateau et souvent aux confins du terroir cultivé et de la lande39.

Il peut s’agir de parcelles de petite taille : “une petite pièce” de dalhin à Vert, Au Marquiuet, S. : n. p. (15B-10) ; une pièce de “terre et dalhin”, à La Claverie, A la Lague Roge, confrontant sur deux côtés aux vacants, S. 0,33 j. (1-6) ; à Labrit, S. :1 j. (27-3) ; une autre “petite pièce” à Vert, S. : n. p. (15-11) ; “une pièce de terre laboradisse et dalhin”, à La Claverie, A La Maybonne, S. : 1, 5 j. (6-5).

Ces parcelles sont parfois contiguës ou proches. C’est le cas pour ces quatre “pièces” voisines d’un bourdieu, situées A Brouxs : les trois premières de “terre et dailhin” ou de “dalhin” qui font 1 j. confrontent à une parcelle de même nature, la dernière de “terre, dailhin et pré” fait 2 jx (9-1, 2, 3). La situation est à peu près la même A Bolhit dans le voisinage de La Claverie. Dailhin y est associé au terme come qui est aussi un lieu-dit : on trouve ainsi “une pièce de dalhin”, appelée A la Come de Bolhet, (S. : 0,66 j.) (1-5), puis, dans une seconde tenure, “un journal et un tiers de dalhin et come”, A Bolhet, près de la maison, confrontant sur un côté aux vacants (14-5) et une “pièce de terre, dailhin et come”, appelée A La Come de Bolhit, S. 0,66 j. (14-6). Le terme de come étant toujours associé à celui de dalhin doit désigner une formation végétale proche. Come signifiant vallon, il doit s’agir de zones plus humides que les dalhins.

Mais le dalhin se trouve aussi souvent associé à des composantes de la lande dans des parcelles de plus grande superficie qui confrontent aux vacants du seigneur. On se trouve dans ce cas à un stade moins avancé de la mise en valeur où, dans une même pièce, voisinent des parties cultivées, d’autres en prairie, d’autres encore en lande (brostèr, sostrar) : “une pièce de terre culte, tojar, broster et dailhin”, A La Plassere et A la Lague du Bacquera, S. : n. p. (22-4) ; “une pièce de terre laboradisse, sostra, tailhin et dalhin” A La Bernede, Au Bosquat du Champ de Bize, confrontant sur un côté aux vacants, S. : 2, 5 jx (24-5) ; “six journaux de terre, dailhin, brostre et pré” à Labrit, appelés A Capbœuf, pris à nouveau fief dans la lande commune, confrontant de tous côtés aux vacants (17- A5) ; “une pièce de terre, lande et dalhin” Au Pas du Porc, à Vert, confrontant sur deux côtés aux vacants, S. : 3 jx (28B-3) ; de la “terre, bois et dailhin”, à Vert, A Bernin (S. : 1 j.) (28C-6).

Les terres vacantes du seigneur

Tout au long de cette enquête, nous avons à maintes reprises rencontré en confront les vacants du seigneur. Ces terres vacantes sont pour l’essentiel de la lande. Elles constituent une réserve seigneuriale et peuvent donc faire l’objet de baux à nouveau fief, mais elles servent essentiellement comme terrain de parcours pour les troupeaux qui n’apparaissent à aucun moment dans le terrier, mais sans lesquels les tenanciers n’auraient pu cultiver leurs champs.

Dans les reconnaissances elles sont qualifiées de “terres vacantes du seigneur” – sous-entendu  roi de Navarre (7-4, 8-1) – ou, tout simplement, de “terres vacantes” (30-B4). S’il n’y a rien d’étonnant à ce que des parcelles de lande soient contiguës aux vacants, l’interpénétration entre les bourdieux et les parcelles de terre, d’une part, les vacants, de l’autre, doit retenir toute notre attention.

Penchons-nous, d’abord, sur la présence de bourdieux et de bourdieux recomposés au contact des vacants : ils sont au nombre de vingt.

Il s’agit, tout d’abord, de douze bourdieux qui se présentent souvent comme des ensembles d’un seul tenant.

Ainsi, à Labrit, à Lesperon : celui du Camp de Piroza, bordé à l’est par l’Estrigon et à l’ouest par les vacants (8-1) ; celui d’Al Bere*, bordé au sud par l’Estrigon et au nord et à l’est par les vacants (10-1) ; celui du Boscq, bordé de vacants au nord et au sud (17A-1) ; celui appelé Aux Jocmes qui confronte au nord aux vacants et, à l’ouest, au ruisseau qui vient de Badelade (19C) ; enfin, celui de Menauton (21-1).

À Vert, à Trescasses, le bourdieu du Foguet confronte aux vacants à l’est et au sud (11-1) ; celui de Jean Dupuy (5 jx), à l’est et à l’ouest (30A-1), celui de Menaut (8, 5 jx) au sud (30B-4). À Vert encore, celui appelé A Coayre que l’on peut identifier avec Le Petit Couaire, est encore bordé au sud par des vacants au XVIIIe s. (Belleyme) (25-1) ; celui de la Maison Vieille de Bertet au centre de 65 jx, est entouré de vacants sur trois côtés (28A-1) ; le petit bourdieu de Vinson l’est au sud et au nord (28B-2), celui de Cazeneuve, au sud (28C-4).

On retrouve les vacants en bordure de onze bourdieux recomposés autour d’une maison ou d’une partie de maison :

  • À Labrit, A Lesperon, en bordure d’un petit noyau entourant une maison (26-1) ;
    • A La Claverie : A Pe de Bolhet, sur deux des côtés d’un noyau de 2 jx (1-1) et en bordure de trois pièces (1-2, 7, 8) ; A Bolhic, sur deux des côtés d’un noyau d’un demi journal et deux des côtés d’une pièce (2-1, 5) ; A la Salle d’Arnaud Guilhem, sur un côté du journal qui l’entoure (6-2) ; des deux côtés de la maison du Pesquita et de son environnement de 1 j. ; (23-1) ; en bordure d’une borde avec 2 jx de terre labourable, A Estrise (5-7) ;
    • A La Bernede, sur trois des côtés d’une parcelle de 0,25 j. portant deux appentis (24-1) ;
  • À Vert, A Jehan de Babili, en bordure d’une estantade de maison entourée d’une pièce de terre de 1,5 j. (18-1) et d’une salle de maison et des 2 jx. qui l’entourent (13-1) ; Au Baylet, à une salle de maison (15-1) et à un appentis et ses terres de 1,5 ha (16-A1).

Cette situation est à l’origine de la forme périphérique et auréolaire qu’affecte l’habitat, révélée par la carte de Belleyme : dans une bonne partie des bourdieux les maisons sont situées entre des champs à l’intérieur et les vacants sur lesquels ont été plantés des pignadas, à l’extérieur.

Parcelles de terre cultivée confrontant aux vacants, sur un, deux ou trois côtés

Nous n’avons rencontré qu’un seul cas de parcelle entourée de vacants sur tous les côtés, à Vert, A Poy Blanc : un journal de terre (11-3).

À Labrit,

  • sur deux côtés : à Lesperon, deux lopins de terre labourable proches d’un bourdieu, S. : 1,5 j. (19-B5) ; A La Claverie : 2 jx. de terre laboradisse, appelée Au Treytin (1-2) ; une pièce de terre et sostra de 5 jx, A Lestradas (2-5) ;
  • sur un côté : une pièce de terre laboradisse et bois, A Bolhic, S. : 2 jx(2-2) ; une pièce de terre de 5 jx consistant en terre labourée et à labourer, Au Bourdieu du Pasqueta (23-2) ; 5 jx. de terre culte et inculte, A La Bernede, A Poy, (7-4) ; une pièce de terre laboradesse, sostrar, tailhins et dailhins, Au Bosquat et Champ de bize, S. : 2,5 jx (24-5).

À Vert, une pièce de terre laboradisse et sostrar, aux Pins, sur deux côtés (S. : 2, 5 jx) (18-2) ; une pièce de terre au Grand Champ (25-2).

Pièces ou parcelles de lande situées en bordure des vacants

Elles sont nombreuses. La chose semble aller de soi, mais l’appropriation de la lande par les tenanciers constitue l’étape préalable à une mise en valeur ultérieure.

C’est le cas à Labrit :

  • sur tous les côtés : à Lesperon : 2 jx. de sostrar, à La Houticque de Badalie (17A-4) ; une pièce de terre et sostrar, au Cap du Brau, à La Serre du Miey, S. : 2 jx (14-8).
  • sur trois côtés : 2 jx. de terre et sostrar à Lesperon, à La Hontasse (19D-9) ;
  • sur un côté : une pièce de sostrar, à La Serre (26-4) ; à La Claverie : 3 jx. de terre et sostrar, à La Serre du Miey (1-7) ; une pièce de sostrar de 5 jx à Lestrade – lande vacante du seigneur – sur un côté (1-8) ; une pièce de terre, sostrar et cric, à La Serre du Miey et à La Lague Roge, S. : 9 jx, (14-7) ; à La Bernede : un demi journal de terre et sostrar, au Jornau, S. : 2, 5 jx (24-3).

À Vert :

  • sur trois côtés : une lande et brostèr à Poycabourt, S. : 1 j. (28C-5) ; une pièce de brostèr et sostrar sur un côté et une autre de terre, brostèr et tausiar sur trois côtés, près du Baylet, S. : 0, 5 et 1 j. (16-8, 9) ;
  • sur deux côtés : une pièce de sostrar, au Sarrailh (11-2) ; un petit lopin de toyar, à Vert, à Sesqut, S. : n. p. (22-7) ; une pièce de terre et sostrar, au Barralh, S. : 2 jx (30A-2) ; une pièce de terre, lande et dailhin de 3 jx, au Pas du Porc (28B-3) ; une lande à Cazeneuve, S. : 1 j., (28C-8).
  • sur un côté : une pièce de sostrar et brana avec un lopin de treytin, à La Baradine, S. : 2 jx (13-2) .

On rencontre aussi en bordure des vacants des parcelles associant bois, brostèr et tausiar. Sur les huit exemples recensés, la parcelle est bordée par des vacants, cinq fois sur les quatre côtés et trois fois sur trois côtés. L’image à retenir est celle de la présence dans la lande de bosquets de tausiar dont l’appropriation a été certainement privilégiée par les tenanciers.

  • sur les quatre côtés : une pièce de terre vacante et tauziar à Lesperon, près Badilade, S. : 3 jx (19D-10) ; trois pièces à Vert : 3 jx. de tausiar à Puy Blancq (15B-13) ; une pièce de bois et tauziar, à Puy Blancq, S. : 1 j. (30A-3) ; une autre pièce de bois et tausiar, à Puy Blancq, S. : 1 j. (30B-6) ;
  • sur trois côtés : deux pièces de brostèr et tauziar, à Trescasses, S. : 1 j. et n. p. (25-3) ; un demi journal de tausiar au Bosquaton de Poy Blancq – il est seulement dit “terres du seigneur” (13-6) ; un journal de terre et bois, au Bosquaton de Laboup, S. : 1 j. (18-6).
  • sur un côté : à Labrit, à La Claverie, une pièce de bois, au Clausot du Parcq, S. : 0,5 j. (6-7) : des pièces de terre, toyar, brostèr et bois, à Vert, en divers lieux – il est dit seulement “terres du seigneur” (21-2).

Des pièces de dalhin confrontent aussi aux vacants : une pièce de terre et dalhin, à La Lague Roge, sur deux confronts (1-6) : un journal et un tiers de dailhin et come, proche de la maison située à La Claverie, à Bolhet et au Claus, (14-5) ; 6 jx. de terre, dailhin, brostèr et pré, à Capboeuf, sur tous les côtés (17A-5).

Ainsi, pas moins de douze bourdieux sur seize et de onze bourdieux recomposés sur vingt-et-un confrontent à des vacants du seigneur. La présence, dans un cas sur deux, des vacants à la périphérie des bourdieux ainsi qu’autour des noyaux des bourdieux recomposés et des quelques parcelles qui les entourent témoignent de la discontinuité du terroir cultivé qui apparaît à la façon d’un archipel en bordure de la lande. Il n’existe pas à Labrit ou à Vert de quartiers nettement individualisés, comme on peut le voir ou du moins le supposer d’après les cartes dans d’autres paroisses de la Grande Lande. La lande reste omniprésente et enserre les champs comme le prouvent ces parcelles mixtes, partie intégrante des exploitations.

À la conquête de la lande

Que retenir de cette analyse des composantes du paysage de Labrit et de Vert en cette fin du XVIe s. ? Tout d’abord, la grande variété des termes utilisés par les tenanciers pour décrire leurs biens ; en second lieu, l’interpénétration des terres emblavées, des bois et de la lande, dans le cadre des bourdieux quel qu’en soit le type, mais aussi celui des parcelles bien délimitées.

Comme en témoigne le toponyme Treytin cette situation est le reflet d’un terroir cultivé gagné sur la forêt et même sur la lande. Certaines parcelles de terre cultivée sont encore en partie boisées ou en lande. La double ou triple nature de certaines d’entre elles au moment de la reconnaissance témoigne ainsi d’un défrichement inachevé.

Mais on est arrivé à un stade où il ne saurait être question de défricher les derniers lambeaux de feuillus sans rompre un équilibre devenu fragile entre les champs et les bois. C’est donc la lande dans ses parties jugées les moins stériles qui a retenu l’attention des tenanciers. Certaines pièces de terre sont ainsi “en attente”. C’est le cas, à Lesperon, de cette pièce de “terre vacante et tauzia” de 3 jx entourée de tous côtés par les “vacants du seigneur”, précédée dans la reconnaissance faite par Semyonne Dupoy d’une “terre et sostrar”, elle aussi entourée en partie par les mêmes vacants (19-10, 9). On peut même être en présence d’un défrichement en cours : c’est le cas au bourdieu de Raimond du Tastet, à Vert (25), constitué entre autres de “terre extirpée et à extirper”. On le voit, enfin, à travers les baux à nouveau fief : 3 jx au B(oscq) de Puy Blancq à Vert (15-B13) ; un journal – sans aucun doute de lande – baillé à nouveau fief à Bertrand et Jean de Sentorens, contigu à une autre pièce de lande et sur deux côtés aux vacants du seigneur (28-C-5).

Ce mouvement de mise en valeur s’est poursuivi au XVIIe s., comme en témoignent huit baux à nouveau fief, faits au printemps 1650, soixante-dix ans après la confection du terrier.

La poursuite des défrichements au XVIIe s.

Si la mise en valeur de certaines parcelles de lande intégrées dans les tenures ou reçues à nouveau fief a pu se poursuivre au cours des décennies suivantes, il semble qu’elle ait atteint ses limites soixante-dix ans plus tard. Nous en voulons pour preuve un ensemble de dix-sept baux à nouveau fief concédés du 3 mars 1650 au 17 mars 1652, dont six concernent la paroisse de Labrit, deux autres la juridiction, sept la paroisse du Sen, un celle de Sore et un qui n’est pas localisé. Cependant nous ignorons l’emplacement des parcelles concernées. Les dix-sept actes sont passés par-devant Calen, notaire royal, officiant tantôt à Labrit, tantôt à Saint-Médard, tantôt au Sen et même deux fois à Bordeaux. Il s’agit de baux “à nouveau fief, cens et foncière annuelle et perpétuelle aveq les droits d’entrée et générallement tous autre droits et devoirs seigneuriaux suivant la coustume de la juridiction de Labrit”. Le seigneur était à cette date Louis II de Bourbon, prince de Condé, duc et pair de France, qui avait hérité du duché d’Albret cédé à son père à titre d’engagement, le 2 mai1641. Le duché revint dans les mains de la couronne pour faire l’objet, le 20 mars 1651, d’un échange avec le duc de Bouillon, Frédéric Maurice de La Tour. La prise de possession fut retardée par la mort du duc le 9 août. On notera qu’au mois de mars 1652, le notaire considère que les Bourbon sont toujours ducs d’Albret, représentés dans la juridiction par Jean de Bordessoules, procureur du roi.

Les tenanciers qui concluent ces baux appartiennent à plusieurs paroisses ; ceux qui ont pris des terres à Labrit sont, pour quatre d’entre eux, des habitants de la paroisse, deux autres résident à Sabres, un à Maillères, un autre en un lieu non précisé. Les landes concédées au Sen sont prises par des habitants de la paroisse, un habitant de Luxey, un de Pissos et deux de Roquefort. Des habitants de Labrit, Dominique Dupin, Pierre de Hasa, Barthélemy Cassaigne dit Chignay, et Jean Petit du Molié, seul le premier appartient à une famille connue au siècle précédent. C’est aussi le cas de P. Dupoy qui représente sa belle-sœur qui habite Maillères. Georges de Maurin, du Sen fait partie sans aucun doute de la famille des Maurin, bien connue à Labrit et Jean et Antoine du Hasa, tenanciers de Sabres, sont probablement parents de Pierre. Si la majorité de ces tenanciers sont des laboureurs, on trouve deux marchands, Dominique de Remaseilles de Pissos, Gilliu du Père, de Luxey, un bourgeois de Roquefort qui s’associe au précédent et même un cordonnier de ce village, le plus gros tenancier. Ces investissements faits par des “étrangers” font écho à ce que l’on peut considérer comme un appel des administrateurs du duché ; ces baux à nouveau fief ne sont-ils pas faits en vue de “l’aucmentation du domaine de son altesse”. En sept décennies la situation a bien changé. Ce ne sont plus les tenanciers qui sollicitent la concession d’une portion de vacants, mais le seigneur qui devient promoteur. On peut se demander aussi, si ces baux ne seraient pas la régularisation d’une appropriation illicite faite par les tenanciers à l’insu de leur seigneur, un processus qui perdura jusque dans la première moitié du XIXe s. aux dépens cette fois de la collectivité.

Ces concessions portent uniquement sur des parcelles de lande, désignées le plus souvent par le terme de “lanes vaynes et vague” ou simplement lanes, parfois “lanes et brouté”, “lanes, brosse et tauza”. On rencontre aussi “une terre, lane et brosse” qui cache probablement un défrichement sauvage ainsi validé et même une lane avec borde qui rappelle la borde entourée de terre que nous avons rencontrée en 1582. La présence dans un même acte de “lanes vaynes et vagues” et de “lanes et brouste”, témoigne de la différence qu’il y avait entre ces deux formations, la première devant correspondre à la lande rase, la seconde à une lande à brandes et ajoncs. On retrouve aussi des “tauzins” et même des bois. Ce paysage est bien le même que celui que nous a fait connaître le terrier de Labrit. Quant aux confronts il sont, le plus souvent, constitués par des vacants dont la nature est la même que celle des parcelles concédées, par des chemins, une fois par un bois, une autre par une métairie.

Les lots font de un à seize journaux : 1 j.: 1 ; 2 jx : 4 ; 3 jx : 4 ; 4 jx : 1 ; 5 jx : 2 ; 6 jx, 7 jx, 8 jx, 10 jx, 16 jx : 1, faisant en tout 82 jx, de 30 à 44 ha, selon la valeur du journal, la superficie moyenne des douze lots étant de 6,83 jx,, soit de 2,52 à 3,68 ha. Le journal, comme celui du terrier, est de cent pas carrés.

Quel parti les tenanciers entendaient-ils tirer de ces parcelles de lande ? Il leur en avait coûté en “entrée” une livre par journal, à laquelle s’ajoutait un cens sou par journal. L’ignorance dans laquelle nous sommes de la situation des parcelles par rapport aux exploitations des tenanciers qui les prennent en fief permet seulement d’avancer deux hypothèses. Il pourrait s’agir, soit de la poursuite du mouvement d’extension des bourdieux, bien perceptible en 1582, soit de nouvelles implantations dans la lande en relation avec l’activité pastorale.

Conclusion

Au terme de ces parcours croisés à travers les 32 reconnaissances du terrier de Labrit que nous avons conservées, il nous reste quelques certitudes mais aussi de nombreuses interrogations. On se trouve en présence d’une société où prédominent les petits propriétaires de 4 à 5 ha de terre arable, bois ou lande qui voisinent avec de gros tenanciers possédant en moyenne 50 ha, mais l’origine de ces disparités nous échappe en grande partie. Le montant de la rente en argent qu’ils paient à leur seigneur est faible et devient de moins en moins lourde en raison de la hausse des prix. L’une des découvertes majeures que nous ayons faite réside dans l’identification de deux générations d’exploitations : celles des bourdieux et des bourdieux recomposés, la première en quelque sorte fossilisée, sauf quelques extensions ultérieures, la seconde constituée de parcelles rassemblées autour d’une résidence, issue de partages et de défrichements nouveaux. Cependant, comme celle des tenures, la structure des bourdieux est bien vivante. Si nombreux sont les témoignages de la création d’un terroir ancien aux dépens de forêts de feuillus, un processus encore insuffisamment étudié car longtemps ignoré, c’est maintenant au tour de la lande de faire l’objet de nombreuses tentatives d’intégration dans la partie “cultivable” des exploitations. C’est sans aucun doute en raison d’une pression démographique que l’on assiste à une transformation des structures foncières et à une extension du terroir cultivé dont on mesure d’ailleurs les limites. La principale interrogation concerne le mode de faire-valoir. Si les tenanciers étaient tous des exploitants directs, nous ignorons quelle était l’importance des métayers et des brassiers.

Notes

  1. Marquette, 2010, 300.
  2. Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques (AD 64), E 14, XI, E8. Sore, Luxey, Callen, Argelouse, cdc du Pays d’Albret : Pissos, cdc du canton de Pissos, arr. Mont-de-Marsan, Landes.
  3. Ibid., E 14, XI, Z3.
  4. “Aquest son los contes deus baylius et officiers de la terra de mossenhor que ffen a Cazanova lo jorn de santa Maria seteme en l’an de nostre Senhor MCCCXL” Archives départementales de la Gironde (AD 33), H 2224. Cazanova : Cazeneuve, château, cne de Préchac, cdc du Sud-Gironde, arr. de Langon, Gironde.[/efn_note.

    Le terrier de Labrit et de Vert de 1582 est donc un document exceptionnel, non seulement pour l’histoire de la seigneurie, mais aussi pour celle de la Grande Lande4On voudra bien se reporter à l’annexe intitulée : Le terrier de Labrit de 1582.

  5. Sur l’ensemble de ces seigneuries nous renvoyons à l’ouvrage Les Albret (Marquette 2010). Le dénombrement de Montolieu concerne une centaine de reconnaissances faites par ses tenanciers à Pes, seigneur de Montolieu, en Brassenx et en Born. Si la nature et le montant des redevances sont présentés avec précision, la description de chaque tenure est sommaire, ex : “tote aquere boyrie et heretaige aperat de Peyron”. Coll. part.
  6. Ces terriers sont conservés aux Archives départementales de la Gironde : Pays de Born : Aureilhan, 1542, 20 actes (E terriers, 336) ; Biscarosse : 1545, 56 actes (E terriers, 248) ; 1573, 14 actes (E terriers, 339) ; 1573-1574, 22 actes (E terriers, 339) ; 1573-1579, 153 actes (E terriers, 57-59) ; Lévignacq : 1580, 20 actes (E terriers 249) ; Parentis : 1576-1577, 2 actes (E terriers, 57 à 59) ; Pontenx : 1579, 10 actes (E terriers, 342) ; 1579, 13 actes (E terriers, 57-59) ; Sainte-Eulalie : 1578, 77 actes (E terriers, 337) ; 1578, 16 actes (E terriers, 341) ; Saint-Paul-en-Born : 1578, 77 actes (E terriers, 337) ; 1577, 12 actes (E terriers, 340) ; Sanguinet : 1587, 12 actes (E terriers, 249), Pays de Buch : Mios : 1581, 32 actes (E terriers, 715). Dans la seigneurie de Labouheyre : Escource : 1545, 56 actes (E terriers, 248) ; 1573-1574, 22 actes (E terriers, 330) ; 1573-1579, 153 actes (E terriers, 339) ; 1579, 14 actes (E terriers, 339). Cdc de la Haute-Lande, arr. de Mont-de-Marsan, Landes. On peut y ajouter les terriers pour les prieurs de Mons, dans l’ancien diocèse de Bazas, cne de Belin-Beliet, Gironde : 1579-1583, 37 actes (AD 33, 3E 12469) et Belin : 1538, 32 actes (3E 12470).
  7. AD. 33 : terrier de 1540, 116 reconnaissances (AD. 33, E Terriers, 713) ; terrier de 1554-1555, 47 reconnaissances (AD 33, E Terriers, 714). Jayr, 1997. Il y a deux autres terriers de Salles : 1584, 47 actes (E Terriers, 714) (inventorié par PJ,  4J 634) ; 1586, 2 actes (E Terriers, 890).
  8. Le Gars & Menault 1985, 41-64.
  9. Salles : 1634, 139 actes (AD 33, 4J 635) ; 1687 (AD 33 4J 637) ; 1758-61 (AD 33, 4J 638). Le terrier de 1758-61 a fait l’objet d’une étude de G. Aubin, 1985, 9-40.
  10. Sore : 1724, 73 f. ; 1747, 32 f. ; 1762, 144 f. D’après une note de François Lalanne.
  11. Comté de Belhade, fonds privé : 1640. Terrier en deux volumes : t. I. Saugnacq, 68 f. ; t. 2. Lugo, Ychoux, Moustey, Liposthey et Biganon, 81 f. ; 1669 : terriers de Pissos (incomplet), Liposthey (complet) et Ychoux (incomplet), 208 f. ; XVIIe s., terrier de Moustey, 38 f. ; 1746-1750, liève de la terre de Belhade.
  12. Loupès 1981, Rajchenbach 1981.
  13. Fritz 2010, 289-312. Le terrier de la maison noble de La Porte de 1514, énumère 352 tenanciers et 914 parcelles, mais ne donne aucune superficie.
  14. Cf. n. 4. La dame du Dezert ou de Desest était Agnès, fille du seigneur de Garein et de Desest. Le territoire du Desest se trouvait paroisse de Brocas. Relevait aussi de la seigneurie de Labrit le lieu de Greulin, paroisse de Bélis. D’après une analyse de cet acte la vente eut lieu en 1321 contre 5000 s. de bons deniers bordelais, celle des terres du seigneur de Mesmes en 1324, pour le prix de 15 l. de bons deniers bordelais (AD 64, E139, fol. 23 v°4-r°1). Le château de Mesmes se trouvait dans la commune de Saint-Michel de Castelnau, proche de Captieux. Nous ignorons où était possessionné A. de Bordessolas (Marquette 2010, 475). Pour Le Sen on voudra bien se reporter à l’article de E. Labat. On notera enfin qu’au début du xive s. (1321) le sire d’Albret possédait des serfs (hommes censalz et questalz) dans les paroisses de Saint-Gor, Bourriot, Lugaut et Bergonce. Ceux de Saint-Gor devaient  : 14 l. morlanes de “cens, queste et aubergade (accueil du seigneur)”, portés au château de Labrit à la Saint Michel, sous peine de 6 s. morl. d’amende, trois cars de charroi depuis Nérac ou d’autres lieux jusqu’au château de Labrit et, par feu, 2 s. morl. et deux “gelines” ; ceux de Saint-Martin de Bourriot (Borrejot) : 24 l. de cens, 8 cars de charroi et, par feu, 2 sous morl. et deux gelines ; ceux de Sainte-Marie de Lugaut : 21 l. morl. de cens et deux gelines par feu ; ceux de Saint-Jean de Bergonce : 300 s. morl. de cens (20 l.), 4 cars de charroi et, épar feu, 2 s. morl. et deux gelines S’il advenait que l’un de ces hommes s’en aille de la terre du sire d’Albret celui-ci pouvait les rechercher et les ramener liés et attachés (AD 64, E130, fol. 23 r°-v°).
  15. AD 64, E 89, fol. 78.Bous.
  16. Les numéros renvoient aux reconnaissances telles que nous les présentons dans le document en annexe intitulé “Le terrier de Labrit de 1582”. Lorsqu’un numéro est suivi des lettres A, B, C, D il renvoie aux différentes unités foncières (bourdieux ou bourdieux recomposés) reconnus par le tenancier. Lorsqu’un numéro de tenure ou de composant d’une tenure, ex. : 17B, est suivi d’un second chiffre – ex. 17B-6 – ce chiffre renvoi au sixième article de la reconnaissance.
  17. Nous reviendrons sur ces quartiers dans la troisième partie : Identité et géographie des biens et des hommes.
  18. Nous reviendrons sur la nature des formations végétales qui sont désignées par ces différents termes dans la quatrième partie : Les éléments du paysage.
  19. Nous avons relevé dans Gattey F, 165 les rapports suivants ; Landes : pas, canton de Pissos : 0,65943 ares ; journal de Labrit, Vert de 25 lattes : 65, 950 ares. Selon Brutails A., le journal d’Albret, en usage dans les seigneuries dépendant de la sénéchaussée de Castelmoron, faisait 42/43 ares (p. 59), celui de Bazas 39 ares (p. 63), celui de Captieux 114 ares (p. 67) dans une région où prédomine la lande.
  20. Jayr 1997, tableau, 40.
  21. Id.
  22. Le Gars & Menault 1985 , n. 9, p. 56.
  23. A D33 C 4758. Dans la reconnaissance n° 15 il est fait mention des “anciennes esporles”, c’est-à-dire des reconnaissances faites antérieurement, preuve de l’existence de la redevance appelée esporle. P 16.
  24. AD 33 C 4758. Gaillard, n. 78.
  25. Jayr 1997, 23.
  26. Jayr 1997,25. Les habitants de Salles devaient “faire et servir manœuvres audit seigneur toutes heures et quantes qu’ils en sont requis et mandés parledit seigneur ou commis, tant pour bastir, édifier que réparer le château, maysons, granges etmoulins dudit seigneur en ladite seigneurie de Salles seulement et charroyer chascun an les foings des prés dudit seigneur quant ils seront fauchés, fenés, séquer avec les autres habitants en la grange dudit Salles et aller rendre en la grange dudit seigneur”. Cette disposition ne fut pas maintenue.
  27. Jayr 1997, 43.
  28. Loupès 1981, 201.
  29. Le Gars & Menault 1985, 56.
  30. Jayr 1997, 44.
  31. Cocula-Vaillières 1985, 237-286, en particulier 241-250.
  32. Voir infra, 4e partie.
  33. Voir dans ce volume la contribution de H. Gaillard, n. 105-108.
  34. Id., n. 77-81.
  35. AD 33 C 4758.
  36. Laborie 2006.
  37. Jayr 1997, 51.
  38. Ces dalhins font penser aux terrains délimités dont il est question dans les coutumes de Labouheyre destinés à nourrir et faire pacager le bétail de labour (art. 4 et 5). Marquette, 2006, 101, 117.
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Pessac
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EAN html : 9782356135094
ISBN html : 978-2-35613-509-4
ISBN pdf : 978-2-35613-511-7
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
64 p.
Code CLIL : 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, J. B., “La seigneurie de Labrit en 1582”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 1, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 731-796, [URL] https://una-editions.fr/la-seigneurie-de-labrit-en-1582
doi.org/10.46608/basic4.9782356135094.40
Illustration de couverture • d'après “Atlas de Trudaine pour la ‘Généralité de Bordeaux n° 6. Grande route de Bordeaux à Bayonne. Les douze premières cartes du plan de cette route. Cy 15 cartes’.
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