Je suis désolée que vous ne puissiez pas venir me voir avant longtemps, moi aussi j’ai un très grand désir d’être près de vous et j’espérais votre visite pour dimanche prochain, mais puisque c’est impossible il faut bien s’incliner devant les exigences de votre métier et ce serait de ma part bien mal comprendre mon devoir de future femme de marin que de me lamenter, devant vous surtout1 !
Ces mots ont été écrits en 1931 par Thérèse Franchelli à son futur époux, l’enseigne de vaisseau Louis Blaison, en partance pour une mission d’une durée indéterminée. Ils montrent combien les femmes des officiers de marine connaissent cette réalité structurante du monde maritime qu’est l’absence, à la fois choisie et répétée, mais aussi périlleuse, impromptue ou prolongée de façon inattendue. Ils invitent surtout à interroger l’impact de l’éloignement sur l’économie conjugale et à mesurer en ce domaine la singularité de cette fraction du milieu naval par rapport au reste des gens de mer. Celui-ci s’avère en effet assez homogène tant dans son recrutement, ses codes et ses habitus, que dans l’image qu’il a de lui. La régulation des comportements des officiers de marine est autant interne qu’externe, puisqu’à l’époque, être membre du « Grand Corps », du point de vue des individus ou des règlements, n’est pas seulement une profession. C’est aussi un état et une dignité imposant un mode de vie et des devoirs une fois la coupée ou l’aubette franchies. L’officier est considéré aussi bien comme un notable inséré localement que comme un représentant du pouvoir central. Les prescriptions sociales ou institutionnelles inhérentes à son rang s’étendent à sa conjointe.
Dans quelle mesure cette expérience de l’absence, dont il faudra apprécier la singularité, joue-t-elle un rôle essentiel dans ce que nous proposons d’appeler le « couple officier de marine2 » ? Comment ce dernier permet-il l’incarnation féminine de la position sociale de l’officier quand celui-ci est à la mer ? Cette question a été assez peu envisagée. L’attention des historiens et des sociologues s’est d’abord portée sur les femmes des sociétés littorales ou sur les épouses de pêcheurs3. Dans le sillage des recherches de Clémentine Vidal-Naquet sur les couples dans la Grande Guerre, il s’agit d’appréhender l’acte épistolaire comme le support privilégié de la relation conjugale en situation d’absence4. Dans le cas des officiers de marine, l’intime peut sans doute être davantage approchée, car aucun dispositif de censure n’existe comme pendant la Première Guerre mondiale et parce que les plis ne sont pas visés par la hiérarchie. Nous nous appuierons sur une dizaine de correspondances en grande partie inédites conservées dans les fonds privés du Service historique de la Défense à Vincennes. Tous les grades et tous les âges du lien conjugal sont représentés. Nous n’ignorons pas les limites de ce qu’Antoine Prost a qualifié d’« argumentation par “exemplification”5 ». Pour autant, le corpus réuni devrait permettre d’éclairer, à partir d’itinéraires individuels, la réalité de ce groupe et de proposer des pistes pour une enquête plus systématique.
Les années 1850-1950 ont été retenues pour leur cohérence, certes relative. Le courrier est alors le moyen privilégié pour communiquer à distance entre conjoints, la part du télégramme et du téléphone demeurant marginale, y compris à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, le rythme des affectations et la durée des campagnes sont stables, en dépit d’une réduction progressive du nombre comme des périodes d’absence. Il n’existe pas encore de prise en charge institutionnelle des femmes quand leurs époux sont à la mer. Enfin, tout au long de la séquence, le cadre impérial justifie de nombreuses affectations ultramarines, tandis que se succèdent des périodes de paix, de crises ponctuelles et de conflits majeurs6.
Qui est la femme de l’officier de marine ?
Être épouse d’officier est d’abord un statut, car réglementairement cela implique d’avoir reçu l’agrément de la Marine pour le devenir. Comme les autres administrations militaires, la « Royale » exerce un contrôle a priori7. Les unions sont en effet subordonnées à une autorisation préalable de la hiérarchie qui fait procéder à une enquête de mœurs et de voisinage. Jusqu’au début du XXe siècle, les capacités financières de la future conjointe sont également contrôlées, officiellement pour la protéger, ainsi que ses enfants, en cas de mort prématurée de son mari8. Cet encadrement, autant matrimonial que social, est dénoncé par un mouvement féministe alors minoritaire, mais en plein essor. Le journal La Fronde moque par exemple un cadre normatif reposant sur l’idée « que les officiers sont d’une niaiserie si pitoyable que, seuls parmi tous les Français, ils sont hors d’état de contracter un mariage qui ait le sens commun ». L’ironie ne doit pas masquer l’essentiel et la remarque témoigne d’un aspect méconnu de la républicanisation des armées. C’est au nom de celle-ci que la suppression de l’autorisation de mariage est réclamée. Le système est en effet accusé d’« éloigner certaines femmes de l’armée » pour assurer l’endogamie sociale et l’influence de l’Église au sein de la hiérarchie militaire9. L’intuition est fondée. L’impératif du rang à tenir dans les élites écarte de fait les prétendantes les plus pauvres et favorise l’entre-soi, d’autant que la règlementation privilégie la rente aux dépens des revenus tirés du travail. L’objectif de la Marine est en effet de garantir la « bonne réputation » de la future épouse, ce qui exclut toute activité professionnelle10.
Les enquêtes diligentées pour délivrer les autorisations de mariage offrent une source idéale pour connaître le profil des conjointes des officiers. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude prosopographique d’ensemble et il n’était pas envisageable de dépouiller ici une telle masse documentaire. Au-delà de cas emblématiques, il n’a par exemple pas été possible de quantifier le nombre de femmes de marins qui sont aussi filles d’officiers ou issues du monde maritime. Cet angle mort empêche de mesurer l’influence d’une origine navale dans les représentations et les comportements par rapport à l’absence. En revanche, les sondages auxquels nous avons procédé montrent que les couples sont issus de catégories sociales proches, la bourgeoisie le plus souvent comme le soulignent les travaux consacrés au Toulon de la Belle Époque11. Il semble également que les conjointes appartiennent à des familles plus favorisées par la naissance ou la fortune que leur mari12. Comme dans l’Armée, épouser une femme bien dotée est donc une façon de compenser la faiblesse relative des soldes et de pouvoir tenir son rang13.
Enfin, être épouse d’officier de marine, c’est incarner une fonction sociale. Celle-ci est liée au regard de la société qui les perçoit comme des « femmes de », selon un processus connu consistant à poser la situation conjugale en trait caractéristique de l’identité des femmes et à réduire celles-ci à la profession de leur conjoint. Les correspondances des couples invitent à aller au-delà. En effet, dans l’intimité des échanges épistolaires, maris et femmes se pensent et se comportent comme ce que nous proposons d’appeler un « couple officier de marine ». Le contre-amiral Rosset est par exemple chargé par son épouse d’avertir Valentine Querville, dont le mari vient d’être promu officier général, qu’elle entre dans une « corporation […] difficile14 ». Les valeurs de l’institution et les habitus du « Grand Corps » sont incarnés autant par l’un que par l’autre. Nombreuses sont les correspondances dans lesquelles la première personne du pluriel est employée pour évoquer le déroulement de la carrière du conjoint. En novembre 1912, Geneviève Vennin écrit à propos d’une affectation refusée à Louis, son mari : « Ayons un peu de patience, peut-être que pendant que nous nous agitons, quelque chose de meilleur se prépare […]. Dans tous les cas, mon Louis chéri, nous les avons vécus ensemble ces heures-là et nous avons mieux senti que jamais que nous ne faisions qu’un15. » Certaines femmes revendiquent même cette identité par procuration. C’est par exemple le cas de Cécile Cavelier de Cuverville qui assure ne « fai[re] qu’un » avec son mari, alors capitaine de vaisseau16.
Plus ou moins fusionnel, ce « couple officier de marine » n’en demeure pas moins strictement genré et hiérarchisé selon des modalités en partie propres à la culture navale. Le temps de l’absence est l’occasion d’éprouver et d’expérimenter pratiquement cette conception partagée de la place et du rôle de l’épouse du marin militaire. Mais, afin d’appréhender cette réalité, encore faut-il être capable de la cerner.
Mesurer l’absence
et communiquer avec l’absent
Il est très délicat de prendre la mesure de l’absence. À croire les chiffres de la Direction du personnel de la Marine, les « amiraux de Vichy » auraient, au 1er janvier 1940, passé plus des deux tiers de leurs trente-cinq années de carrière en service à la mer17. Or, ce n’est pas parce que les archives mentionnent l’embarquement d’un officier que celui-ci est absent. Le bâtiment sur lequel il sert peut être en carénage ou en réparations. Et comme l’écrit Honoré d’Estienne d’Orves à son épouse Éliane, être au bassin implique, le plus souvent, « peu de service et beaucoup de vie de famille18 ».
Par ailleurs, de nombreuses affectations dites embarquées le sont d’abord sur le papier. Parmi les officiers considérés par l’administration comme en service à la mer, beaucoup servent au sein de dépôts flottants à bord de petites unités cantonnées dans les eaux littorales ou sont affectés sur des navires-écoles embossés en rade, à l’image du Borda, le bâtiment qui abrite l’École navale jusqu’à la Grande Guerre et qui ne quitte jamais Brest. La vie de ces hommes s’assimile davantage à celles de leurs camarades encasernés de l’armée de Terre qu’à celle des navigateurs au long cours. Par ailleurs, comme dans toutes les marines de l’âge industriel, l’évolution technologique réduit le tropisme marin avec, dans l’Entre-deux-guerres, la multiplication des bases aéronavales à terre et le développement à Paris des services de l’état-major général.
Une autre difficulté consiste à évaluer la durée des embarquements qui varie en fonction du contexte international. Dans les phases de recueillement postérieures aux deux conflits majeurs de 1870-1871 et de 1914-1918, les officiers naviguent peu, en raison de la réduction du nombre de coques, des restrictions frappant l’approvisionnement en combustible ou du recentrage des missions sur les eaux européennes. À l’inverse, l’activité opérationnelle s’accroît sensiblement en période de crise. En 1872 et 1920, lors des vacances navales consécutives à la fin des hostilités, 38 % et 48,4 % des officiers sont embarqués, alors qu’en 1896 et 1914, années marquées par de fortes tensions internationales, cette proportion s’élève à 71 % et 70,7 %19.
Enfin, pour ce qui est du temps passé à la mer, plusieurs phases sont à distinguer dans une carrière. Sans surprise, ceux qui naviguent le plus sont les officiers subalternes. La plupart ne sont pas mariés. Ceux qui le sont ont convolé en justes noces peu avant, à l’exception des lieutenants de vaisseau anciens, groupe relativement important compte tenu de la lenteur de l’avancement. Entre octobre 1931 et juillet 1933, Éliane d’Estiennes d’Orves, récemment mariée et mère de deux jeunes enfants, ne voit son mari que trois mois, à l’été 1932, entre deux campagnes de la Jeanne d’Arc. La situation des officiers supérieurs est différente, dans la mesure où seule la moitié est embarquée, tandis que la proportion n’oscille plus qu’entre 10 à 20 % chez les officiers généraux20.
Dans le cadre de cette étude, plus que la durée d’embarquement, c’est en fait le temps réellement passé à la mer qui compte. Or, les données manquent. Mesurer l’absence sur une cohorte significative implique un travail incompatible avec le format de ce texte. Il faudrait en effet croiser les états de service de chaque officier avec les archives de toutes les unités à bord desquelles il a servi. Par conséquent, nous mettrons à profit l’approche de Clémentine Vidal-Naquet qui prône « l’éclairage du singulier » pour tenter de comprendre comment est conçue et vécue l’absence21 ».
La lettre demeure le moyen d’échange privilégié entre les femmes d’officiers et leurs maris à la mer. L’éloignement géographique ne signifie pas nécessairement distance affective et la correspondance joue un rôle capital pour entretenir et réaffirmer le lien conjugal. « Nous ne sommes pas encore à Dakar, nous allons y arriver dans une heure, et là, je suis sûr d’avoir enfin des nouvelles de toi. Et alors commencera j’espère un échange un peu plus régulier de lettres qui diminuera la distance », écrit Honoré à Éliane d’Estienne d’Orves en octobre 193022. Le développement du télégraphe au cours de la période ne remet pas en cause la primauté du courrier. Trop chers et peu propices à l’échange d’informations intimes, les télégrammes et les câblogrammes sont réservés aux situations d’urgence ou à l’annonce des événements les plus graves. En dehors de celles-ci, l’emploi de ces moyens est explicitement perçu comme une atteinte aux modalités traditionnelles tant de gestion que de représentation de l’éloignement et de l’absence au sein du couple. Sans nouvelles depuis plusieurs semaines de sa fiancée, le sous-commissaire Lelaidier refuse de recourir à la télégraphie. « C’est moi, le voyageur perdu dans les régions arctiques », proclame-t-il fièrement pour se justifier, sans qu’aucune récrimination de Clémence Vicel ait été trouvée23. Quant à l’essor de l’Aéropostale à l’orée des années 1930, elle marque indéniablement un progrès, du moins pour les ports qui sont desservis par son réseau. Depuis le Brésil, Honoré d’Estienne d’Orves constate avec bonheur : « L’avion est une merveille et nous rapproche intimement24. »
Les correspondances étudiées montrent que l’envoi du courrier est autant le fait des hommes que des femmes. Un rythme quotidien est chose courante. En 1855, Clémentine La Roncière le Noury reçoit ainsi tous les jours une lettre de son époux capitaine de vaisseau. Ce dernier profite de son affectation à Paris pour lui adresser à Cracouville, dans l’Eure, de « bien longues tartines » depuis le « Conseil d’Amirauté où les quatre vice-amiraux sont à parler autour de [lui]25 ». Toutes les femmes n’ont pas la chance de bénéficier d’une telle régularité, imputable à une proximité géographique et à une facilité d’accès exceptionnelles. Les différences entre celles dont les époux naviguent dans des eaux extra-européennes et les autres sont criantes. Cécile Cavelier de Cuverville reste par exemple jusqu’à deux mois sans aucune nouvelle de son mari quand celui-ci, commandant la Division navale de l’Atlantique Sud en 1885, sillonne les côtes de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cependant, les conditions pratiques, telles que le nombre d’escales, l’existence de lignes commerciales régulières et l’éloignement n’expliquent pas tout. L’équation personnelle des couples compte également. En 1892, Clémence Vicel reçoit ainsi de son fiancé 93 courriers au cours des 170 jours de sa mission entre l’Islande et l’île de Jan Mayen, au large du Groenland.
L’acte épistolaire entretient la fiction de la présence de l’autre. « Malgré ton absence, je te sens si près de moi », écrit par exemple Thérèse Blaison à son époux, Louis26. Hier comme aujourd’hui, l’écriture permet un « tête-à-tête imaginaire », selon l’expression de la sociologue Yvonne Claudic-Guichard qui a enquêté auprès des femmes de marins pêcheurs au thon de Concarneau27. Au-delà des contraintes inhérentes au quotidien familial ou du service à bord, c’est sans doute aussi pour faire durer ce moment que les correspondances sont rédigées sur plusieurs jours et sont complétées à de multiples reprises. La rédaction de la lettre postée le 24 juin 1885 par Cécile Cavelier de Cuverville a commencé deux semaines plus tôt28. Elle est caractéristique de la temporalité que ces échanges instaurent au sein du couple, une temporalité différente de celle du reste de la société qui rompt le déroulement linéaire du temps. Cécile répond en effet à un courrier parti le 18 mai et reçu le 6 juin. Son pli est complété le 11 juin après la réception de deux nouveaux messages de son mari, datés du 25 et du 28 mai.
Par ailleurs, de nombreuses lettres arrivent dans le désordre, les plus récemment postées avant les autres, et ce, au hasard des péripéties des navires chargés de les acheminer ou de la bonne volonté des agents consulaires au soin de qui elles ont été confiées. Il est également fréquent qu’elles soient expédiées dans un port où le mari ne se trouve pas. Hommes et femmes en souffrent et cette souffrance est fréquemment exprimée dans les correspondances. « C’est invraisemblable de voir l’absence de programme et de voir combien on ne sait pas ce qu’on fait », s’emporte Honoré d’Estienne d’Orves depuis Alger, car il avait demandé à Éliane de lui écrire à Oran29. Le 11 août 1936, le capitaine de frégate Pierre-Jean Ronarc’h annonce à sa conjointe son appareillage d’Alicante dans les deux jours « sauf imprévu », cette dernière expression signifiant selon lui : « Ne t’emballe pas exagérément et attends que le phénomène soit réalisé pour y croire avec certitude30 ». En période de guerre, alors que le déploiement de nombreuses unités dans la même région garantit une meilleure régularité des échanges, de nouvelles difficultés surviennent. Les changements d’affectation des maris au gré des urgences opérationnelles compliquent la tâche des épouses. En septembre 1914, Louis-Alexandre Lelaidier laisse par exemple le soin à Clémence de décider à pile ou face pour savoir si ses plis doivent être adressés au cuirassé Paris ou Vérité. Elle fait visiblement le mauvais choix puisque le courrier qu’elle lui envoie peu après met un mois à parvenir à destination à Zante, en mer Égée, après un détour par les Dardanelles31.
Les lettres définitivement perdues sont nombreuses, ce qui provoque des incompréhensions au sein du couple. Après une telle expérience, survenue à la veille de ses fiançailles avec Louis Blaison, Thérèse Franchelli veut croire que « cette histoire de lettre égarée ou retardée a resserré les liens qui nous unissent, et cela je le crois parce qu’elle nous a fait respectivement mesurer la valeur de notre attachement mutuel32 ». Néanmoins, maris et femmes se plaignent s’ils ne reçoivent pas les missives attendues. Les remarques plus ou moins acerbes à propos des retards ou de l’absence de lettres occupent une place de choix dans les échanges. De même, une vigilance peut être notée quant à la forme des courriers, que ce soit leur longueur ou leur chaleur supposée. Face à l’éloignement souvent douloureux, voire inquiet, toute modification formelle est aussitôt interprétée. Rien de spécifiquement naval dans cette économie épistolaire des couples mariés. On citera juste ici, ne serait que pour son humour coutumier, cette pique douce-amère adressée à son mari par Thérèse Blaison : « Maintenant monsieur l’Enseigne je vous ferai remarquer que je vous écris 4 pleines pages très fines […], vous, monsieur, vous vous contentez de 3 petites pages à grosse écriture pour vieille bigote myope33. »
La relation épistolaire est donc une condition essentielle du maintien du lien conjugal. Pour Geneviève Vennin, l’arrivée d’une lettre est le « meilleur instant de [sa] journée34 ». Plusieurs épouses affirment vivre au rythme du courrier. Sa réception est anticipée, imaginée et ritualisée. Les facteurs jouent un rôle ambivalent. Guettés, fêtés parfois, ils sont le plus souvent voués aux gémonies. Les récriminations à leur encontre se retrouvent à longueur de correspondances. Si certaines conjointes se contentent de coucher par écrit leur colère contre les « facteurs [qui] ne sont décidément pas des gens raisonnables », d’autres écrivent directement au ministre des Postes pour exprimer leur frustration35.
Concevoir, ressentir
et consentir à l’absence
Même si elle est difficile à mesurer, l’absence est consubstantielle à l’expérience des couples dont l’un des membres est officier de marine. Les femmes l’acceptent, car elles la savent inhérente au métier de leur conjoint, comme à celui de tous les gens de mer. Néanmoins, cette acceptation est d’abord une résignation. Si elle est familière, l’absence est une réalité à laquelle les épouses ne s’accoutument pas. « Quel ennui de se séparer toujours », regrette par exemple Laetitia Bergasse du Petit Thouars en mars 190136. Quant à Genneviève Vennin, elle tente de se faire une raison : « Il ne faut pas que j’oublie qu’en tant que femme de marin, je dois m’habituer à tes absences, cela ne se peut, mais à avoir le courage de les supporter37. » Cette acceptation résignée est fréquemment accompagnée de vives récriminations à l’égard de la hiérarchie qui est jugée responsable de la situation et de sa durée. Cette même Geneviève peste ainsi contre le « Grand Chef [qui] n’est pas attiré par les délices de son chez lui » ou, alors qu’elle est sur le point d’accoucher, contre « cet affreux amiral qui a eu l’idée de vous envoyer en Corse38 ».
Pour autant, les officiers de marine attendent de leurs épouses qu’elles s’accommodent en conscience et en silence de la situation. Au lendemain de son mariage, l’un d’eux présente à sa femme les « joies de la vie maritime » et les lui décrit de cette manière : « Quand il vous sera arrivé de ne pas me voir rentrer un soir, et de m’attendre pendant 3 jours quelquefois, vous trouverez ça naturel, ou bien de recevoir une lettre de Casablanca quand vous me croirez à Marseille, vous ne vous inquiéterez plus. Seulement, il faut apprendre à posséder une grande dose de calme, et maîtriser un peu [ses] nerfs39. » Les maris attribuent une valeur éthique, morale et parfois même sacrée à l’épreuve que les périodes d’absence imposent à leurs conjointes. Certains vont jusqu’à en faire l’une des marques distinctives du corps des officiers de marine dont leurs femmes feraient partie par le mariage. Alors que beaucoup d’entre eux conçoivent leur état davantage comme une vocation que comme un simple métier, cette expérience singulière, douloureuse, mais librement consentie apparaît comme un élément constitutif d’une prétendue supériorité du « Grand Corps » sur le reste de la société. Comme l’écrit à son épouse l’enseigne de vaisseau Blaison : « Une femme de marin doit être supérieure aux autres femmes, moralement et intellectuellement. » Et ce même officier de conclure dans une autre lettre comme une évidence : « Femme de sous-marinier, c’est tout de même un peu moins tranquille que femme de notaire40 ! ».
Accepter l’absence ne veut pas dire s’y accoutumer avec le temps. Au contraire, les courriers adressés par Thérèse Blaison avant et après son mariage montrent que des formules identiques reviennent sous sa plume pour exprimer sa douleur face à une épreuve « atrocement longue ». La répétition des périodes d’éloignement lui paraît d’ailleurs plus difficile, à mesure de l’évolution de leur vie commune : « Que c’est dur de vivre ainsi loin l’un de l’autre quand on s’aime et qu’on devrait avoir tous les droits de ne jamais se quitter. Enfin, c’est la vie telle que nous l’avions prévue, mais à ce moment-là nous ne savions pas que c’est que c’est qu’aimer41 ! » De même, les années de vie conjugale ne changent pas la nature de l’épreuve que constitue l’absence. Un quart de siècle après son mariage, alors que son mari navigue depuis quatre mois entre Dakar et Salvador de Bahia, Cécile Cavelier de Cuverville s’en plaint toujours avec la même insistance42.
Dans les ports-arsenaux, l’absence est une expérience partagée par les épouses des officiers. Elle renforce une sociabilité préexistante qui se déploie en partie comme un décalque féminin de la hiérarchie du bord. S’incarnent ici de nouveau les notions de « femme de » et de « couple officier de marine ». Les déjeuners, thés ou dîners sont autant d’occasions de regrouper les enfants, de féliciter telle ou telle pour la promotion d’un mari, de se rassurer mutuellement en cas de rupture des communications ou de comparer les rumeurs quant aux dates de retour des bâtiments. De même, au tournant du XXe siècle, la position des femmes d’officiers dans la gouvernance des œuvres correspond très largement aux grades et aux fonctions de leurs conjoints43. À une période où il n’existe aucune prise en charge institutionnelle de l’absence, ces différents réseaux de solidarité et d’entraide peuvent à l’occasion se transformer en groupe de pression. En février 1913, les conjointes des officiers du croiseur-cuirassé Léon Gambetta dont le déploiement à Constantinople se prolonge en raison des guerres balkaniques envisagent ainsi une descente à la préfecture maritime pour protester contre « cette douce Marine [qui] envoie toujours nos maris ailleurs quand ils seraient si bien ici44 ».
Si la confiance entre les époux est au fondement du lien conjugal, l’absence en radicalise les enjeux. Les couples dont l’un des deux membres est marin n’en ont évidemment pas l’apanage. Néanmoins, conscientes que l’éloignement accroît le risque d’infidélité, les correspondances étudiées sont riches de leurs mises en garde ou de leurs reproches plus ou moins euphémisés. En retour, leurs maris redoublent de promesses de fidélité. C’est par exemple le cas en 1855 du capitaine de vaisseau La Roncière Le Noury qui se défend d’être resté à Paris pour assister au bal de l’Hôtel de Ville45. Nulle originalité navale ici, d’autant que cet officier est affecté à Paris, au service du Prince impérial, à 150 km de chez lui. En revanche, au cœur de la dialectique de la confiance et de la jalousie propre à de nombreux couples, les épouses des officiers de marine se montrent particulièrement sensibles au topos du marin volage en escale. Le port, qu’il soit lointain ou non, apparaît le lieu par excellence des tentations. Les conjoints sont ainsi mis en garde contre Toulon et ses « petites alliées » à la réputation sulfureuse. Et quand le jeune enseigne de vaisseau Georges Thierry d’Argenlieu évoque les « délices de [cette] nouvelle Capoue », Thérèse Blaison redoute les rencontres qu’en « fripouille de marin » son mari pourrait y faire46. Aucune allusion ou récrimination semblable n’a été trouvée dans les courriers adressés par les maris absents à leur femme. L’une des raisons tient peut-être au contrôle social pesant sur leurs épouses restées en métropole, particulièrement fort dans les ports-arsenaux. En effet, la plupart des familles d’officiers habitent les mêmes quartiers, appartiennent aux mêmes paroisses et participent d’un réseau amical, social ou charitable aussi circonscrit qu’englobant47. Les autres épouses de marins, le clergé et les officiers affectés dans les services à terre en sont les agents zélés. Et pourtant, la littérature maritime regorge d’allusions, voilées ou non, à la légèreté des conjointes d’officiers quand ceux-ci sont à la mer, en témoigne le scandale provoqué par les romans de l’ex-enseigne de vaisseau Olivier Diraison48.
La jalousie se traduit parfois dans le registre de l’humour et du second degré. Reproches, suspicions et tentations sont mis en scène dans un jeu de séduction plus ou moins érotisé entre époux. Ceux-ci peuvent ainsi exprimer aussi bien leurs frustrations que leurs désirs, comme l’illustrent les lettres à son mari de cette même Thérèse : « Vous, encore, vous êtes heureux. Vous voguez sur un luxueux paquebot, sur les rives enchanteresses de la Corse, vous avez délaissé les sirènes de Toulon, mais peut-être avez-vous trouvé de belles corsoises [sic] du maquis, prenez garde à la Vendetta ! […] Pensez à votre chère Thérèse qui vous attend en jouissant par avance du grand bonheur qui va résulter de notre prochaine et définitive réunion. » Et d’insister quelques jours plus tard : « Vous n’avez aucune raison pour vous mettre à la recherche du bar à Sirènes avec baille à drisse, “recherche” est d’ailleurs un mot excessif puisque ce bar des Sirènes est votre lieu, ou l’un de vos lieux habituels de débauche49 ! ».
Enfin, le cas des femmes d’officiers ayant rallié la France libre permet d’appréhender une catégorie inédite de l’absence, celle qui résulte de la dissidence. La situation de ces épouses est cependant exceptionnelle, et ce, à double titre. Tout d’abord, car la quasi-totalité des membres du « Grand Corps » est restée fidèle au gouvernement de Vichy. Ensuite, parce que la France libre est d’abord un phénomène de jeunes célibataires50. Dans quelle mesure ce contexte sans précédent vient-il influer sur l’économie de l’absence au sein du « couple officier de marine » ? Chez les conjointes des marins servant sous pavillon à croix de Lorraine, au moins deux réactions se distinguent. La première est une résignation douloureuse au nom d’un engagement patriotique partagé et assumé, à l’image d’Éliane d’Estienne d’Orves. Cette dernière estime qu’« il faut prendre courageusement son parti de tels sacrifices qui, joints à beaucoup d’autres, contribueront un peu à nous valoir la délivrance et le relèvement de notre pauvre pays si humilié51 ». D’autres femmes au contraire, mais aussi parfois les mêmes, ne comprennent pas la décision de leur époux qui, de fait, les place dans une situation difficile. Ce qui peut être admis d’un homme sans attaches familiales l’est beaucoup moins dès lors qu’il a charge de famille. En faisant délibérément le choix de l’absence dans ce contexte exceptionnel, le mari semble avoir rompu aux yeux de sa compagne l’un des termes du véritable contrat coutumier qui lie le « couple officier de marine ». Une lettre de Louis Blaison à Thérèse, écrite quelques semaines seulement avant sa tragique disparition avec le sous-marin Surcouf témoigne de ces reproches vécus douloureusement par l’officier ayant rallié Londres : « Il y a une idée qui revient souvent dans tes lettres et qui est loin d’être vraie, celle que je t’ai sacrifiée à mon devoir. Je demeure persuadé que j’ai préservé ton avenir, le mien, celui des enfants, non seulement moralement, mais matériellement, et cela j’ai pu le faire grâce à toi qui est arrivée à fuir52. »
Ces lignes sont écrites au cœur de la Seconde Guerre mondiale alors qu’au sein du couple, chacun a conscience du danger couru sur mer. Inhérente au métier des armes, cette hantise de la disparition définitive survenue à la faveur de l’éloignement se manifeste de façon plus ou moins prégnante selon les périodes dès le temps de paix. Confrontées aux absences récurrentes de leurs maris, les épouses développent une hypersensibilité face aux fortunes de mer et aux accidents. La mort reste une réalité très présente entre 1850 et 1950. Si cela est dorénavant exceptionnel, la Marine perd toujours des bâtiments en raison des éléments naturels. En 1885, alors que son conjoint navigue sur les côtes occidentales de l’Afrique, Cécile Cavelier de Cuverville apprend avec horreur la disparition corps et bien de l’aviso Renard pris par un cyclone au large de Djibouti. Le phénomène d’identification à l’égard des femmes concernées par le décès qui d’un père, d’un fils ou d’un mari est immédiat53. Pourtant, dans le dernier tiers du XIXe siècle, le péril vient davantage des maladies, en particulier de celles contractées outre-mer, que des dangers de la navigation. Ce n’est donc pas un hasard si cette même Cécile ne cesse d’interroger son époux sur sa santé quand celui-ci navigue sur les côtes africaines.
À la Belle Époque, le principal risque est désormais l’accident. Entre 1900 et 1912, la Marine nationale perd chaque année deux bâtiments d’importance54. Le pic de mortalité consécutif à ces disparitions a un impact très fort sur le moral des cadres et de leurs familles, d’autant que les circonstances de la mort, soudaine et aléatoire, imprévisible et cruelle nourrissent un sentiment de vulnérabilité extrême, de fatalisme, voire de désenchantement. Ces pertes du temps de paix sont d’autant plus traumatisantes pour les couples qu’elles ne correspondent pas aux formes traditionnelles de la mort en mer, mais peuvent s’assimiler à des accidents industriels largement médiatisés et provoqués par une modernité technique mal maîtrisée, sans que la nature intervienne comme dans les fortunes de mer. En juillet 1932, apprenant disparition du sous-marin Prométhée, Thérèse Blaison, alors enceinte, manque de faire une fausse-couche, car son mari est également sous-marinier. La projection sur sa propre situation est immédiate. « S’il arrivait une chose pareille au Requin mon Dieu ! Que deviendrais-je ? », s’inquiète-t-elle immédiatement. Et de conclure : « Je ne vis plus de penser que des catastrophes pareilles peuvent se produire sur un bateau neuf, en surface, par une mer calme, alors que toi tu es sur un bateau vieux, rafistolé et en plongée ». Enfin, à l’image de Cécile Cavelier de Cuverville, s’opère le processus d’identification aux veuves, d’autant que pour le Prométhée, l’une d’elles était enceinte55. Notons toutefois que ces réactions témoignent finalement moins d’une réponse à l’absence de l’époux qu’à l’épouvante face à la perspective de sa disparition. En effet, les accidents surviennent aussi bien au port qu’en pleine mer.
Les femmes d’officiers de marine
et la gestion de l’absence
En situation d’absence, les correspondances entre maris et femmes montrent que ces dernières assurent de fait la gestion quotidienne et matérielle du couple, qu’elles jouent un rôle central dans l’éducation des enfants et qu’elles veillent à la défense des intérêts professionnels de leurs conjoints. Le lien épistolaire en est un excellent révélateur, d’autant que les épouses d’officier bénéficient d’une autonomie peu courante à l’époque dans les foyers bourgeois et aristocratiques. Le mari est en effet le plus souvent réduit à confirmer a posteriori leurs décisions. L’échange de courrier donne lieu à des transactions et à des accommodements conjugaux, où la prééminence de l’homme est contrebalancée par son absence structurelle. L’idée du « couple officier de marine » s’incarne alors dans la place prise par les femmes, place à laquelle consentent les absents.
Tout d’abord, les épouses se voient confier la gestion matérielle du foyer. Depuis l’Islande, le sous-commissaire Lelaidier est à cet égard très explicite :
À toi ma chère femme, chère petite ménagère, je confie dès maintenant le soin de nos intérêts matériels. Secondée par ton excellente mère, dont les vues ne se séparent pas des tiennes, je ne doute pas que tu n’amènes à bien l’entreprise peut-être difficile d’assurer ton bonheur matériel en même que ton bonheur moral en unissant ta volonté à la mienne. Déjà 2 ou 3 fois je me suis reposé exclusivement sur toi du soin d’ARRANGER CELA56.
Cette responsabilité précède souvent le mariage. En l’absence de son fiancé, Thérèse Franchelli est par exemple contrainte de s’occuper de la publication des bans, du choix de l’église, de la salle, de l’orchestre… Si son futur conjoint, consulté, mais a posteriori, se dit « désolé de la laisser se débrouiller », il considère néanmoins qu’il s’agit d’une parfaite propédeutique à son « métier de femme de marin57 ». Un schéma identique se retrouve chez nombre d’autres couples, l’éloignement ne permettant pas de procéder autrement. La gestion de l’argent est une préoccupation constante, d’autant que la société ne reconnaît aux femmes aucune indépendance financière. Celles-ci sont donc contraintes d’agir en délégataire ou en mandataire de leur époux, avec toutes les limites que cela comporte. Ainsi, en 1917, Geneviève Vennin se voit empêchée par la Banque de France d’acheter des titres au porteur faute de « l’autorisation maritime », comme elle l’écrit avec une pointe amère d’ironie58. En 1940, Marie-Thérèse Ronarc’h connaît des difficultés semblables : son mari n’a pas eu le temps de lui signer de procuration générale sur ses comptes avant de quitter précipitamment Saint-Nazaire pour que son bâtiment, le cuirassé Jean Bart, ne tombe pas aux mains des Allemands59.
Pendant les périodes d’absence de leurs époux, il n’est pas rare que les femmes les plus jeunes retournent habiter chez leurs parents, parfois avec leurs enfants en bas âge. N’ayant pas d’activité professionnelle, elles dépendent du soutien de leur famille ou de celle de l’argent envoyé par leurs maris. Ces derniers exigent en retour que des comptes leur soient rendus et les archives de Cécile Cavelier de Cuverville conservent de nombreux documents justifiant les dépenses faites en l’absence de Jules.
L’exemple du foyer du futur chef d’état-major de la Marine montre que l’autonomie relative n’est, en aucune façon, une remise en cause des fondements du modèle patriarcal par la femme. Une lettre de Cécile de 1885 en témoigne :
Oh ! Devant tout cela mon bien-aimé que ton retour est nécessaire ! Qu’il est nécessaire, indispensable que nous soyons tous les deux en un pour prendre ensemble ces graves décisions ! J’ai besoin de toi, besoin de ton appui, de ton cœur […]. Ces décisions ne peuvent se prendre sans toi, tu es le chef de famille, tu as tous les droits et si je sais parfois prendre bien des responsabilités, celles qui regardent l’avenir de nos enfants ne peuvent être prises sans toi. Dieu t’a placé à la tête de la famille, c’est à toi qu’Il donnera la lumière et la sagesse. Et si ta petite femme ne fait qu’un avec toi, elle t’est cependant soumise60.
Cette représentation inégalitaire et genrée du rôle de la femme au sein du couple domine jusqu’à la fin de la période étudiée26. Si des déclarations de ce type abondent dans les archives, elles peuvent aussi être lues comme une forme de réassurance à l’égard du conjoint absent par rapport à la place prise par les femmes dans la gestion des affaires du couple. Enfin, l’analyse des correspondances ne fait pas apparaître de spécificité du rôle des épouses dans l’éducation des enfants, d’ailleurs moins nombreux dans ces couples que dans le reste de la société française au moins dès le début du XXe siècle, en décalage avec la représentation populaire des officiers de la « Royale61 ».
Un dernier volet fondamental du rôle dévolu aux femmes dans le « couple officier de marine » renvoie à l’influence réelle ou supposée que celles-ci jouent dans la carrière de leur mari, en particulier en son absence. Les correspondances étudiées permettent d’apprécier l’action de certaines épouses pour assurer l’avancement de leur conjoint. Jugeant que Louis se sert maladroitement de son réseau pour obtenir le commandement auquel il aspire, Geneviève Vennin le qualifie « d’enfant à côté de [ses] petits camarades62 ». Et, sans l’avoir prévenu, elle écrit à son supérieur, le contre-amiral Lecuve, pour évoquer la question. Quant au rôle de Cécile Cavelier de Cuverville dans l’ascension de son époux, futur chef d’état-major général de la Marine, il est avéré63. Il s’agit d’une véritable cogestion de la carrière du mari au sein du « couple officier de marine ». Cette configuration n’est pas spécifique au milieu naval, y compris dans sa dimension politique à l’heure de la républicanisation des armées. Cécile de Cuverville ne s’y trompe pas quand elle espère que « les titrés et les cléricaux » appuieront l’avancement de son époux, figure du mouvement catholique hostile à la République radicale64. Par un effet de miroir, la presse féministe et républicaine recourt au même schéma65.
Cette action bien comprise de promotion des intérêts du mari absent est connue de tous, au point de venir un topos, au-delà des cercles navals. C’est le cas par exemple dans les ouvrages que Guillaume de La Landelle, journaliste et ancien officier de marine, écrit pour le grand public. Dans son Tableau de la mer. Mœurs maritimes de 1866, il évoque : « Madame la préfète maritime [qui] est une autorité locale autour de laquelle s’agitent une foule de dames parfaitement au courant des projets relatifs aux armements, aux stations navales, aux expéditions importantes […]. Ce que femme veut, Dieu le veut, dit-on66. » L’implication des épouses dans la carrière de leurs maris a fini par donner naissance à la figure de la « femme maritime », formule consacrée par plusieurs correspondances d’époques différentes et qui semble faire écho à la « maritime » de la littérature du XIXe siècle67. Le sous-commissaire Lelaidier définit dans les années 1890 ainsi l’expression : « Pour être la femme maritime, il faut : aimer mieux la situation de son mari que lui-même ; exceller aux papotages, reportages, manigancements, manœuvres sourdes, basses, viles, etc. ; enfin ne pas craindre, quand il y a lieu, de faire sonner la grosse artillerie, c’est-à-dire…, mais je m’arrête là : je n’oublierai pas que ma fiancée est une honnête fille et que non seulement elle n’a pas assez de ce que ces femmes-là ont de trop, mais aussi qu’elle a trop de ce qui leur manque totalement – la pudeur68. »
Cette expression de « la femme maritime » est très fréquemment employée et revendiquée par les épouses et leurs maris pour mieux se démarquer du stéréotype. Louis Alexandre Lelaidier pointe « M. Bienaimé peut se vanter des faveurs de la Fortune, en voilà un à qui les étoiles de contre-amiral n’auront guère coûté que quelques courtes absences de “son cher Toulon”, et pas mal d’intrigues de la part de… Madame », tandis que La Landelle rappelle que ces comportements ne sont pas l’apanage des femmes de marins militaires, ni même des femmes de marins20. Geneviève et Louis Venin sont à l’unisson sur ce thème. Alors qu’il affirme « av[oir] la haine de la “femme maritime”, mais la femme maritime est un ange de simplicité une femme de relations charmantes et agréables au suprême degré, en comparaison de “madame l’ambassadrice” », son épouse lui explique que, « tout en ne devenant pas une femme maritime, j’ai su ce matin que la commission de classement avait commencé à fonctionner ». De même, quand elle rapporte à son époux avoir écrit à l’amiral Lecuve pour aborder la question des commandements, elle lui assure sans sourciller qu’elle a présenté « [son] affaire sans avoir l’air trop femme maritime69. »
Conclusion
À la lumière des correspondances étudiées, une véritable co-construction de la gestion de l’absence s’esquisse. Au sein de ce qu’on peut qualifier de « couple officier de marine », le lien épistolaire joue un rôle majeur pour maintenir la relation conjugale malgré un éloignement récurrent. Entre l’autonomie de fait de la femme dont l’époux est en service à la mer et le contrôle social qui s’exerce sur elle dans les ports-arsenaux, ce « couple officier de marine » permet de défendre et d’incarner les intérêts des deux conjoints.
Tout au long de la période, cette expérience se fait dans le cadre d’un modèle patriarcal, profondément genré et déséquilibré qui est revendiqué par les deux époux. Toutefois, dans au moins deux des correspondances postérieures au premier conflit mondial que nous avons étudiées, cette conviction coexiste chez les femmes d’officiers avec une attitude plus autonome. Un ton plus distancié, voire caustique, y apparaît à l’égard des limites de l’autonomie qui leur est concédée au sein du « couple officier de marine ». Cette évolution semble moins liée à la Grande Guerre sur mer, qu’à un processus plus général s’inscrivant dans la longue durée, mais qui s’accélère au lendemain du premier conflit mondial. En d’autres termes, l’air du temps jouerait davantage ici que l’air du large en faveur de l’émancipation de la femme. Cette hypothèse mériterait d’être explorée plus avant à partir d’un corpus élargi et représentatif.
Cet objet singulier des femmes d’officiers de marine face à l’absence de leur conjoint permet de nourrir la réflexion sur la singularité d’une culture navale qui reste fondamentalement hybride : une culture qui emprunte à la fois aux mondes militaires et maritimes, ainsi qu’à celui des serviteurs civils de l’État. Dans le cas présent, le premier élément semble prédominant, l’expérience de ces femmes se rapprochant beaucoup de celle vécue par les épouses des officiers de l’armée de Terre. À cet égard, il faudrait interroger la relation entre modalités et représentations de l’expérience féminine de l’absence d’une part et la position occupée de l’autre par les maris dans la hiérarchie navale, qu’ils soient officiers, maistranciers ou équipages. Enfin, comme y invite Alain Cabantous, il conviendrait de mettre en perspective cette autonomie des épouses de marins à l’aune de l’expérience de femmes appartenant à d’autres communautés marquées par l’émigration temporaire masculine telles les sociétés montagnardes70.
Bibliographie
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Notes
- Service historique de la Défense, archives de la Marine conservées à Vincennes (désormais SHD-MV), 173 GG² 1, lettre de Thérèse Franchelli à Louis Blaison, s.d. [1931].
- Cette notion a été largement utilisée pour le cas de l’entre-deux-guerres par Ronald Chalmers Hood, Royal Republicans. The French Navy Dynasties Between the World Wars, Bâton-Rouge, Louisiana State University Press, 1985. Elle est à mettre en perspective avec les travaux de Pauline Ferrier-Viaud sur le rôle des épouses des ministres au temps de Louis XIV : Ferrier-Viaud P., Pouvoir, présence et action de femmes. Les épouses des ministres au temps de Louis XIV, thèse sous la direction de Lucien Bély, soutenue en 2017 à l’Université Paris-Sorbonne.
- Par exemple, Charpentier E., Le Peuple du rivage. Le littoral nord de la Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 et Guichard-Caudic Y., Éloignement conjugal et construction identitaire. Le cas des femmes de marins, Paris, L’Harmattan, 1998.
- Vidal-Naquet C., Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
- Prost A., « Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental, 1914-1918 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 81, 1, 2004, p. 18.
- Les auteurs remercient chaleureusement les ayant-droits qui les ont autorisés à consulter leurs archives familiales, ainsi que Claire Miot (Sciences Po Aix/Mesopolhis) pour sa relecture attentive. Les idées et opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs et non celle du Service historique de la Défense et du ministère des Armées.
- Pour la Gendarmerie, voir Bergère M., « Épouser un gendarme ou épouser la gendarmerie ? Les femmes de gendarmes entre contrôle matrimonial et contrôle social », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 20, 2004, p. 123-134, [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/1411. Pour le reste de l’Armée, Serman W., Les Officiers français dans la nation (1848-1914), Paris, Aubier, 1982, p. 145-183.
- Vidal G., Conventions matrimoniales des officiers des armées de terre et de mer, Toulouse, Imprimerie Douladoure-Privat, 1880, p. 5-6.
- La Fronde, 10 janvier 1901.
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- Maitre N., « Les officiers de la Marine à Toulon 1870-1900 », Les Cahiers de la Méditerranée, n° 10, juin 1975, p. 79-90 et Maushart E., La Place de la Marine dans la vie toulonnaise (1870-1914), mémoire de maîtrise (histoire), université de Provence-Aix Marseille I, 2001.
- Vibart E., Étude sur le corps des officiers de marine 1875-1935, t. 1, Vincennes, SHM, 1978, p. 24-25.
- Serman W., op. cit.
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- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 2 novembre 1912.
- SHD-MV, 190 GG² 1, lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 12 décembre 1885.
- Girardin-Thibeaud O., Les Amiraux de Vichy, Paris, Nouveau monde, 2016, p. 73-75.
- SHD-MV, 276 GG² 9, lettre d’Honoré à Éliane d’Estienne d’Orves, 14 mai 1930.
- SHD-MV, SS Ca 37, note sur les pourcentages d’officiers de marine servant à la mer en 1896, 1914 et 1920 rédigée par le LV Jean Decoux, 27 septembre 1920.
- Ibid.
- Vidal-Naquet C., op. cit., p. 32-34.
- SHD-MV, 276 GG² 9, lettre d’Honoré à Éliane d’Estienne d’Orves, 23 octobre 1930.
- SHD-MV, 249 GG² 1, lettre de Louis-Alexandre Lelaidier à Clémence Vicel, 30 août 1892.
- SHD-MV, 276 GG² 9, lettre d’Honoré à Éliane d’Estienne d’Orves, 17 novembre 1930.
- SHD-MV, 17 GG² 8, lettre de Camille à Clémentine La Roncière Le Noury, 19 avril 1855.
- SHD-MV 173 GG² 1, lettre de Thérèse à Louis Blaison, s.d. [1931].
- Guichard-Claudic Y., op. cit., p. 126.
- SHD-MV, 190 GG² 1, lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 8 juin 1885.
- SHD-MV, 276 GG² 9, lettre d’Honoré à Éliane d’Estienne d’Orves, 22 mai 1930.
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- SHD-MV, 249 GG² 1, lettres de Louis-Alexandre à Clémence Lelaidier, 20 septembre et 19 novembre 1914.
- SHD-MV 173 GG² 1, lettre de Thérèse Franchelli à Louis Blaison, 6 avril 1931.
- Ibid., lettre de Thérèse à Louis Blaison, s.d.
- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 6 septembre 1901.
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Thérèse à Louis Blaison, s.d. et 190 GG² 1, lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 31 octobre 1885.
- SHD-MV, 106 GG² 3, lettre de Laetitia à Aristide Bergasse du Petit Thouars, 19 mars 1901.
- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 16 mai 1901.
- Ibid., lettres du 21 juillet 1912 et du 11 février 1901.
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Louis Blaison à sa femme, s.d. [1931].
- Ibid., lettres de Louis Blaison à sa femme, printemps 1931 et s.d. [1931].
- Ibid., lettre de septembre 1931 et lettre postérieure à septembre 1932.
- SHD-MV, 190 GG² 1, lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 14 août 1885.
- De Préneuf J., Mentalités et comportements religieux des officiers de marine sous la Troisième République, thèse de doctorat (histoire), Université Paris X-Nanterre, 2007, p. 552-559.
- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 13 janvier 1913.
- SHD-MV, 17 GG² 8, lettre de Camille à Clémentine La Roncière Le Noury, 11 juin 1855.
- Archives de la famille Thierry d’Argenlieu, Journal de campagne du croiseur-école Duguay-Trouin, campagne 1908-1909 ; SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Thérèse à Louis Blaison, juillet 1932.
- Chalmers Hood R., op. cit., p. 53-74.
- Ébauché dans Les Maritimes. Mœurs candides (1901), ce thème est l’objet de son roman Les Nuits vides (1902). Sur cet auteur, voir Bruneau J.-B., « Un breton contre la marine de la Belle Époque. Olivier Diraison-Seylor et le scandale politico-littéraire des Maritimes », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 123, 2, 2016, p. 55-82.
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettres de Thérèse à Louis Blaison, s.d. [1931].
- Muracciole J.-F.., Les Français libres. L’autre résistance, Paris, Tallandier, 2009, p. 69.
- Lettre d’Éliane à Honoré d’Estienne d’Orves, 13 octobre 1940 citée par de Montetey E., Honoré d’Estienne d’Orves. Un héros français, Paris, Perrin, 2001, p. 212.
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Louis Blaison à sa femme, 3 septembre 1941.
- SHD-MV, 190 GG², 1 lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 11 juin 1885.
- Préneuf J., op. cit., p. 484 ; Vaisset T., « Death in port: the explosion of the battleship Liberté in Toulon harbor (25 September 1911) », Human Remains and Violence. An Interdisciplinary Journal, vol. 5, 2019/2, p. 91-109.
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Thérèse à Louis Blaison, s.d. [postérieure au 7 juillet 1932].
- SHD-MV, 249 GG² 1, lettre de Louis-Alexandre à Clémence Lelaidier, 31 mai 1892 (typographie respectée).
- SHD-MV, 173 GG² 1, lettre de Louis Blaison à Thérèse Franchelli, 26 septembre 1931.
- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 12 octobre 1917.
- SHD-DE, 2016 PA 50/18, lettre de Marie-Thérèse Ronarc’h au directeur de la succursale de Nantes de la Banque de France, 7 novembre 1940. Rappelons qu’en France, les femmes mariées n’ont pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur conjoint avant la loi du 13 juillet 1965. Cette disposition est emblématique d’un statut juridique de second rang instauré sous le Premier empire et dont les dernières traces perdurent jusqu’au tournant des années 1970. Bard C. (avec El Amrani F. et Pavard B.), Histoire des femmes dans la France des XIXe et XXe siècles, Paris, Ellipses, 2013. Ripa Y., Les Femmes, actrices de l’histoire France, de 1789 à nos jours, Paris, A. Colin, 2010.
- SHD-MV, 190 GG² 1 lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 12 décembre 1885 (typographie respectée).
- SHD-MV, TTB 95, annexe à la circulaire n°300 SCOM, 20 janvier 1941 et Maitre N., art. cit.
- Archives de la famille Vennin, lettre de Geneviève à Louis Vennin, 17 février 1913.
- De Préneuf J., « L’amiral de Cuverville, un “amiral chrétien” en politique (1890-1912) », dans Forcade O., Duhamel E. et Vial P., Militaires en République 1870-1962. Les officiers, le pouvoir et la vie publique en France, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 121-141.
- SHD-MV, 190 GG² 1, lettre de Cécile à Jules Cavelier de Cuverville, 11 février 1886.
- La Fronde, 10 janvier 1901.
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- Bruneau J.-B., « Femmes de marins, femmes de chagrins ? Les femmes de marins dans la littérature du XIXe siècle », dans Charpentier E. et Hrodej P. (dir.), La Femme et la mer à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 229-246.
- SHD-MV, 249 GG² 1, lettre de Louis-Alexandre Lelaidier à Clémence Vicel, 18 août 1892 (typographie respectée).
- Archives de la famille Vennin, lettre de Louis à Geneviève, 28 novembre 1912 et lettres de Geneviève à Louis du 16 novembre 1901 et 4 mars 1913.
- Cabantous A., « Vers l’affirmation des spécificités (milieu XVe-milieu XIXe siècles) », dans Cabantous A., Lespagnol A. et Péron F., Les Français, la terre et la mer, XIIIe-XXe siècle, Paris, Fayard, 2005, p. 354.