À l’automne 1917, pendant que des milliers de soldats vivent un enfer de sang et de boue sur les champs de bataille de la Grande Guerre, l’épouse de militaire Blanche Lacoste-Landry vit une tout autre sorte d’enfer dans une maison bourgeoise de la rue Saint-Hubert, à Montréal. Envahie par le désespoir et l’angoisse en l’absence de son mari, le général Joseph Philippe Landry, parti à la guerre, la femme de 45 ans traverse une « crise de neurasthénie1 », maladie nerveuse qui annihile sa capacité d’action. Elle est hébergée par ses parents, le juge Alexandre Lacoste et son épouse Marie-Louise Globensky, qui prennent soin d’elle et de ses deux plus jeunes enfants2. Pendant environ six mois, son état fluctue entre agitation et apathie. Les proches, « gardes-malades », médecins et prêtres qui officient à son chevet ne parviennent pas vraiment à l’aider. Selon Blanche, une seule chose pourrait mettre fin à son mal-être : le retour de son mari. Blanche Lacoste-Landry est – ou du moins se croit – malade d’absence.
Le cas de Blanche Lacoste-Landry révèle un côté sombre de l’absence, lorsque le manque de l’autre provoque – ou précipite – un épisode de « maladie nerveuse ». Il survient dans l’une des familles les plus en vue de la bourgeoisie franco-catholique montréalaise. Née en 1872, Blanche Lacoste est la quatrième des treize enfants3 de l’avocat, sénateur et juge en chef à la Cour du Banc de la Reine Alexandre Lacoste (1842-1923) et de sa très pieuse et philanthrope épouse, Marie-Louise Globensky (1849-1919). En 1896, elle conclut avec l’avocat Joseph Philippe Landry (1870-1926), un mariage basé sur des sentiments amoureux4, qui est aussi une alliance entre deux familles de l’élite québécoise5. Blanche Lacoste et Joseph Landry auront sept enfants, dont trois mourront en bas âge entre 1903 et 19056. Joseph Landry s’engagera dans les forces armées permanentes en 1912 et obtiendra le commandement du 5e district militaire de Québec, ville où s’installera la famille. Trois ans plus tard, en mai 1915, Landry s’embarquera pour l’Europe. Sa femme sera alors âgée de 43 ans, lui de presque 45.
La « crise neurasthénique » de Blanche Lacoste-Landry débute un peu plus de deux ans après le départ de son mari en Europe. Cet article se penche sur les deux ans et neuf mois d’absence du général Landry, examinant d’abord les mois qui précèdent la crise neurasthénique, puis la crise elle-même, caractérisée par l’incapacité de Blanche de s’occuper d’elle-même et de ses enfants, qui s’étend entre septembre 1917 et février 1918 (moment où Joseph Philippe Landry revient d’Europe et où cesse la production des sources épistolaires). Il observe ce moment dans la vie d’une femme et d’une famille à travers deux sources complémentaires de type autobiographique : les lettres que Blanche Lacoste-Landry a écrites à son mari7 et le journal intime qu’a tenu à cette période Marie-Louise Globensky8, mère de Blanche.
Malgré les biais inévitables de ce type de sources9, les lettres de Blanche Lacoste-Landry et le journal de Marie-Louise Globensky sont comme des trous de serrure, nous offrant d’entrevoir toutes sortes de dynamiques à l’œuvre dans un moment précis de l’histoire d’une femme et d’une famille. En premier lieu, dans cet article, nous décrirons l’évolution de l’état émotionnel de Blanche en l’absence de son mari. En deuxième lieu, nous observerons le déploiement genré de la solidarité durant la période de perte d’autonomie amenée par la crise neurasthénique. En troisième lieu, nous analyserons les perceptions de la maladie mentale à l’œuvre dans la bourgeoisie franco-catholique montréalaise et ce qu’elles laissent voir sur les rôles sociaux de sexes. Au final, nous nous demanderons si l’absence de Joseph Landry est la cause réelle de la crise neurasthénique de Blanche ou si elle en est plutôt un catalyseur.
De l’absence à la neurasthénie
C’est à travers le journal de Marie-Louise Globensky que l’on peut voir la scène déchirante du départ de Joseph Philippe Landry, le 10 mai 1915. Un départ militaire solennel, ritualisé, où les hommes jouent la partition active ; où les femmes, tenues à l’écart de l’action, restent, passives, avec leur chagrin. Blanche est décrite par sa mère comme une épouse qui se sacrifie, et son sacrifice comme offert à Dieu.
Toute la journée fut agitée par le grand départ de ce soir. Mon gendre le Colonel Landry10 fut pris une bonne partie de la journée. […] Enfin l’heure cruelle sonna, il dût embrasser femme et enfants puis partir. Les hommes seuls le suivirent, les autres n’étant pas admis. Alors la pauvre Blanche ne put retenir ses sanglots de même que les enfants. Jamais je n’oublierai cette scène émouvante de la souffrance. Cette jeune mère enlacée de ses enfants voulant calmer sa douleur. Qu’il fut grand et méritoire j’en suis sûre ce sacrifice offert à Dieu qui le lui demande. Que la Vierge Marie lui obtienne le courage et à notre cher Jo toute sa protection maternelle11.
Dans les lettres qu’elle écrit à son mari, et dans le journal de sa mère, au cours des mois suivants, Blanche apparaît triste et inquiète, mais néanmoins brave. Elle s’occupe de ses enfants, participe à la vie sociale de la ville de Québec, est présente lors d’anniversaires familiaux à Montréal. « Je tâche d’être brave, comme toi, pour toi et nos enfants12 », écrit-elle à son mari en mai 1915. Or, une entrée du journal de sa mère écrite durant la même période montre que, malgré les apparences, Blanche est très ébranlée par l’absence du son mari et par l’ignorance dans laquelle elle est tenue – en raison du secret militaire13 – de sa localisation et de ses occupations14. « Ma pauvre Blanche a dû passer plusieurs jours au lit et ne fait que commencer à reprendre. Elle a été fortement secouée par les dernières émotions au sujet de son mari. Elle paraît forte et courageuse, mais la nature succombe à tant d’anxiété15. »
Au début de l’année 1917, Blanche Landry fait face à des tracas de différentes natures. Elle est d’abord sommée de quitter la maison qu’elle habite, au 130, rue Grande-Allée à Québec, car le bail que possède le ministère de la Défense sur cette maison arrive à échéance. Elle tente de contester cette décision, mais n’obtient pas gain de cause et doit déménager. Aussi, une erreur de calcul faite par ce même ministère de la Défense lui vaut de toucher une part moindre que celle qu’elle devait toucher du salaire de son mari. Elle se débat pour faire corriger cette erreur16. Enfin, à l’été 1917, son fils Jules, 13 ans, est atteint de scarlatine et elle passe huit semaines en quarantaine avec lui, « sans jamais passer la porte17 ». L’enfant ressort guéri de cette période d’isolement. Mais après un séjour à Hulett’s Landing, au cœur des montagnes Adirondack, censé lui procurer du calme et du repos18, Blanche Landry rentre chez ses parents, à Montréal, et bascule radicalement dans la maladie nerveuse.
Dans son journal, le 31 août 1917, Marie-Louise Globensky écrit que Blanche est revenue de ses vacances « affreusement fatiguée ». Le lendemain, 1er septembre, ont lieu les funérailles en grandes pompes du major Lambert Laviolette19, une connaissance de la famille, mort des suites de graves blessures de guerre. Ces funérailles alimentent-elles ses scénarios anxiogènes concernant son mari ? Peut-être, car Blanche se sent si mal ce jour-là qu’un médecin est appelé auprès d’elle. Sa mère écrit : « Blanche n’est pas aussi bien, la voilà prise d’une forte attaque de neurasthénie. Elle souffre de grandes terreurs et j’en ai le cœur brisé. Le médecin cependant ne s’effraie pas mais recommande un grand calme autour d’elle. Je lui cache donc mon anxiété pour la rassurer. La nuit est plus agitée20 ».
Une lettre de Blanche à son mari écrite dans les jours suivants nomme son découragement et son anxiété en plus de montrer une sorte de résignation devant son malheur. Pour elle, sans aucun doute, ce malheur est causé par l’absence. Une absence qui est amplifiée par le manque de nouvelles et par le départ de sa fille Yvonne (11 ans) pour le pensionnat. Elle écrit :
Mon cher Jos, ma petite Yvonne vient de me quitter pour le pensionnat et j’en ai le cœur gros. Cependant, dans les circonstances, il faut qu’il en soit ainsi. Évidemment je ne suis pas née pour la chance et les circonstances m’apportent beaucoup trop d’épreuves. Je demande toujours aux heures de passer plus rapidement afin d’approcher le moment du retour. Je voudrais ne pas perdre courage, mais hélas ! Comment y arriver. Si au moins comme autrefois je recevais de tes nouvelles. Rien. Pourquoi cela, mon ami ? Vraiment je suis dans l’anxiété. […] Il me semble en tout cas qu’un congé serait bien raisonnable après une si longue absence21.
Blanche, on le voit, ne peut plus continuer à faire la brave dans les lettres qu’elle écrit à son mari. En lui exposant ses émotions et la situation telles qu’elles sont, elle cherche à susciter sa compassion et à l’inciter à lui écrire ou encore mieux, à rentrer au pays. Toutes ses lettres écrites entre septembre 1917 et février 1918 montrent ses émotions de tristesse et d’inquiétude, son ennui, son amour, et son sentiment d’être comme dans un « mauvais rêve » :
Mon cher Jos, un siècle depuis que je t’ai écrit ! Que fais-tu toi-même, mon ami ? Ce silence entre nous ne doit pas exister. Il faut absolument que je sache ce que tu deviens et où je dois te trouver – mon anxiété est trop grande ainsi. Depuis que tu as laissé le camp où t’a-t-on placé ? Tout m’apparaît étrange aujourd’hui et jamais 1er janvier ne m’a semblé si triste. L’espoir que j’avais caressé de te retrouver aujourd’hui peut-être doit tomber à toute hâte et me voilà vivant encore que de souvenir. Quel mauvais rêve que celui de ces trois années et quand m’éveillerai-je réellement ? Quand reprendrons-nous notre vie calme et paisible ? Je voudrais pourtant ne pas me décourager. […]
Je t’embrasse mon mari chéri. À bientôt de te lire, il le faut. Toujours sincèrement, Ta femme qui t’aime, Blanche L. Landry22.
Tout au long de la maladie nerveuse, pour pallier à la perte d’autonomie de Blanche, plusieurs personnes, proches, employés et experts, seront amenés à se mettre en action autour d’elle.
Une mobilisation genrée
autour de la malade
À partir du 1er septembre, une véritable cellule de crise se met en branle au 191 rue Saint-Hubert à Montréal. La malade est prise en charge au sein de sa famille, comme c’était souvent le cas au XIXe siècle23, d’abord dans la maison de ses parents sur la rue Saint-Hubert, puis, à partir de janvier, dans la maison de sa sœur Justine, à Outremont24. Dans ces maisons privées, Blanche reçoit des soins élémentaires et un accompagnement constant, tâches incombant aux femmes de sa famille, à des « gardes-malades » et à des religieuses. Elle reçoit également des interventions médicales et spirituelles de la part d’hommes non-apparentés considérés comme des experts.
Le rôle des femmes
En première ligne, autour de Blanche, l’on retrouve sa mère Marie-Louise, secondée par sa sœur Justine, et par sa fille Louise Landry25, alors âgée de 20 ans. En deuxième ligne, apparaissent les autres sœurs de Blanche, ses belles-sœurs (surtout Anita, épouse de son frère Paul) et la sœur de Marie-Louise, Élodie Garneau. Ces femmes assurent une présence constante auprès de la malade. Elles « dirigent les opérations », aménageant une chambre de convalescence dans la bibliothèque, cherchant des écoles montréalaises pour ses deux enfants d’âge scolaire (Jules, 13 ans et Yvonne, 11 ans), accueillant des ami(e)s et parent(e)s visiteurs, communiquant avec les médecins et les prêtres, faisant les courses et embauchant du personnel pour leur venir en aide.
Dès le 2 septembre, devant l’insistance de ses autres filles, Marie-Louise fait venir mademoiselle Raymond comme « garde-malade » nocturne. « Elle s’installe pour la nuit sans dormir car Blanche est de plus en plus agitée, je suis bien aise de n’être pas seule26. » Le 8 septembre, l’infirmière laïque est remplacée par des religieuses de la Providence, qui se relaient jour et nuit. La présence des religieuses ne semble pas plaire à Blanche, mais rassure sa mère27. La malade n’a pas un caractère facile, a des accès de colère, fait des demandes capricieuses à son entourage. Son état alterne entre grande agitation et léthargie. Elle traverse parfois de bonnes journées qui remplissent ses proches d’espoir, mais ce sont chaque fois des épisodes de courte durée. Durant ces mois difficiles, les sources dont nous disposons nous montrent donc un bataillon de femmes mobilisées, jouant à la perfection le rôle d’abnégation et de dévouement qui est attendu d’elles dans les circonstances28. Les sources ne nous montrent aucun moment d’impatience provenant de ces femmes, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu, mais plutôt probablement que l’impatience féminine en situation de soins était trop mal perçue pour pouvoir être exprimée.
Le rôle des hommes
Des personnages masculins interviennent aussi auprès de Blanche Lacoste-Landry durant la maladie. Les sources sont assez discrètes au sujet du rôle joué par Alexandre Lacoste, père de Blanche, mais elles révèlent entre les lignes sa présence suivie auprès de son épouse29. Le beau-père de Blanche, le sénateur Landry, vient visiter la malade30. Le fils aîné de Blanche, René, comme ses frères et beaux-frères, lui font de courtes visites31, mais ce ne sont pas eux qui prennent la situation en charge. Les hommes qui tiennent les rôles les plus importants durant cet épisode sont les médecins, qui possèdent l’autorité du savoir médical, et les prêtres, qui détiennent celle qui concerne les affaires spirituelles. Leurs visites et les répercussions de celles-ci sont soigneusement notées dans le journal de Globensky et leurs conseils sont scrupuleusement suivis. De ces experts, on espère la guérison de la malade.
Le médecin de famille32, apparait dans le journal, comme on l’a vu, dès le 1er septembre. Il vient visiter la malade presque tous les jours au cours de ce mois, et régulièrement par la suite. Le 3 septembre, il « se sert de remèdes plus énergiques ». « […] nous lui tenons […] de la glace sur la tête. Elle en paraît soulagée.33 », écrit Globensky. Plus tard en septembre, le médecin permettant que la malade se distraie, sa mère fait avec elle une partie de besigue34. Le 4 novembre, les Lacoste consultent un éminent spécialiste des maladies nerveuses, le Dr. Prévost35, qui se présente accompagné d’un autre expert, le Dr Lesage. « Les deux la trouvent en voie de guérison », écrit Marie-Louise Globensky. « La convalescence commence et ils nous donnent grande confiance36. » Mais l’état de Blanche demeure en montagnes russes tout l’automne 1917 et l’hiver 1918.
Les visites des prêtres sont tout aussi importantes, pour la malade et pour sa mère, que celles des médecins. Le 3 septembre, à la demande de la malade, le curé de Saint-Jacques, vient la visiter. Dans son journal, Marie-Louise Globensky se réjouit et se montre reconnaissante : « […] il peut la confesser et elle veut communier demain. Oh Dieu ! quelle faveur ! Le calme revient et elle passe une excellente nuit, nous en faisons autant. Et vous Sainte Vierge Marie, soyez bénie et aimée plus que jamais, vous avez exaucé mes vœux37. » Mais le 5 septembre, Blanche est de nouveau agitée. « Que cette maladie est pénible. Que de souffrances elle endure ». Le 8 septembre, l’état de Blanche se dégrade encore et le 9, elle demande à voir le père Loiseau, Jésuite, qui reste avec elle plus d’une heure, la laissant dans un « grand calme ». Le père Loiseau, qui est le confesseur d’Alexandre Lacoste et de quelques-unes des filles Lacoste38 revient voir Blanche le 21 octobre pour une « longue conférence »39. Par ailleurs, un prêtre la confesse et la fait communier cinq fois entre septembre et décembre 191740. Marie-Louise Globensky met beaucoup d’espoir dans chacune de ces interventions, probablement plus que dans celles des médecins. Or, si elles semblent souvent, sur le moment, apaiser la malade (et sa mère), leur effet ne dure que quelques heures.
Une perception genrée de la maladie mentale
Comme on le voit, la maladie nerveuse de Blanche Landry n’est ni un secret ni un tabou, du moins dans sa famille et dans son entourage immédiat. Marie-Louise Globensky en parle abondamment dans son journal qui est destiné à être lu au moins par ses enfants41. Blanche s’en ouvre à son mari dans ses lettres. Des amies viennent la visiter ou lui envoient des fleurs. Si la situation suscite beaucoup de tristesse et d’inquiétude, il ne semble pas y avoir de honte attachée à la maladie nerveuse d’une femme bourgeoise dont le mari est parti à la guerre. L’inquiétude (même pathologique) n’est-elle pas, après tout, une forme d’amour ? Et l’amour n’est-il pas le sentiment le plus valorisé chez cette élite franco-catholique42 ?
La maladie de Blanche est particulièrement acceptable dans cette communauté émotionnelle, selon nous, parce que Blanche a une « bonne raison » d’être malade : l’absence de son mari. Une absence qui lui est imposée par un événement bien plus grand qu’elle (la guerre), qui est considéré comme la véritable cause de tout ce malheur. La fragilité nerveuse de Blanche Lacoste sera moins bien acceptée lorsque son mari sera revenu de la guerre. En témoigne l’extrait d’une lettre de sa sœur Jeanne à son autre sœur Marie, datée de 1921 (donc quatre ans après l’épisode neurasthénique de 1917) qui emprunte un ton moins indulgent que celui qui caractérise les sources produites en 1917 et 1918. Jeanne raconte que de passage à Québec, elle a vu Blanche « […] qui sortait du lit comme d’habitude. Pauvre sœur, comme elle fait pitié ! Elle est toujours aussi pâle. Je suis venue pour la distraire un peu car c’en est même une charité.43 »
Plus important peut-être, la crise neurasthénique de Blanche est « acceptable » parce qu’elle est une femme. En effet, les symptômes de ce que l’on appelle la « neurasthénie féminine », qui selon le Journal de Françoise, un des premiers magazines féminins québécois, est « une des maladies qui font, en ce moment, le plus de ravages44 », sont proches de la « nature » des femmes, à qui l’on associe volontiers l’inquiétude, la mélancolie, les larmes… La maladie nerveuse des hommes de qui l’on attend force, productivité, rationalité, est beaucoup moins acceptée au début du XXe siècle, car elle les rapproche dangereusement de la condition féminine45. En 1908, quelques années avant l’épisode neurasthénique de Blanche, son frère Alexandre a traversé une mystérieuse maladie qui a fait vivre à leur mère des sommets inégalés d’angoisse dont son journal témoigne. Étonnamment, cette maladie n’est jamais décrite ni nommée dans le journal, comme si elle était taboue. Était-ce une sorte de « neurasthénie masculine », un problème d’alcool, une maladie vénérienne ? Difficile à dire, mais l’on comprend que pour un homme, ce type de dérive dans la bourgeoisie montréalaise de la fin du XIXe siècle était si grave que c’était innommable46.
L’absence, cause de la neurasthénie ?
Joseph Philippe Landry rentre au Canada le 9 février 1918. Son service devait-il se terminer ou a-t-il cédé aux pressions familiales pour revenir auprès de son épouse malade ? Cela reste un mystère. Tout ce que nous savons est qu’il obtient un nouveau mandat à Québec, qui commence le 1er mars 1918.
Si l’absence de Joseph Landry est considérée, par la malade comme par sa mère, comme la cause principale de l’épisode neurasthénique, le retour de ce dernier ne ramène pas la santé à Blanche. Le 14 février, cinq jours après le retour de Landry, Globensky écrit : « Ma chère fille n’est pas encore bien, j’en ai bien de la peine. » Le 20 février, elle écrit que Blanche a passé les trois derniers jours au lit. Et le 28 février, jour du départ pour Québec de Blanche avec son mari, Marie-Louise Globensky épanche son chagrin :
C’est aujourd’hui le grand départ de ma pauvre Blanche avec son mari. Une nurse accompagne cette chère convalescente. Le général doit être à son poste le 1er mars. Blanche, tout en n’étant pas encore bien veut l’accompagner et se rendre chez elle. Le médecin espère que ce changement pourrait lui être favorable, que Dieu le veuille. J’ai le cœur brisé de ce départ précipité. Je l’ai tant soignée durant les six derniers mois et après tant d’efforts hélas, pas encore de guérison. J’ai beaucoup souffert avec elle. La souffrance de ceux qu’on aime est cruelle. […] Ma mission est finie auprès d’elle. Je prierai beaucoup et ma pensée la suivra sans cesse47.
À partir de ce moment, les sources se font rares sur l’évolution de la santé mentale de Blanche, cette dernière n’écrivant plus à son mari, et sa mère se trouvant trop loin d’elle pour décrire son état quotidiennement48. Cependant, quelques sources complémentaires, dont des lettres que les fils de Blanche lui écrivent beaucoup plus tard, montrent que Blanche Lacoste-Landry restera une grande partie de sa vie – sinon toute sa vie – une personne aux nerfs fragiles, souvent alitée, parfois acariâtre avec son entourage. Elle aura par ailleurs des comportements d’achat compulsif, accumulant les dettes dans les grands magasins49, ce qui lui vaudra des récriminations acerbes de la part de son mari et de certains de ses enfants50.
Blanche Lacoste-Landry, durant l’épisode neurasthénique qu’elle a traversé en 1917 et 1918, était-elle essentiellement, comme elle le croyait, malade d’absence ? La question se pose.
Si l’on en croit sa mère, Blanche a déjà eu le bonheur facile. Lorsqu’elle avait 21 ans, Globensky lui écrivait : « Ma chère Blanche, Je viens de recevoir ta lettre qui me rassure encore dans mon opinion, tu sais trouver la vie bonne partout et c’est un gage de bonheur bien précieux51 ». Cependant, après l’épreuve du décès de trois de ses enfants en 1903 et 190552, le journal de Marie-Louise Globensky laisse voir le plus souvent une Blanche malade et épuisée, ayant besoin d’aide maternelle et de traitements médicaux53. Elle ne semble jamais avoir vraiment retrouvé un équilibre émotionnel après la mort de ses petits Paul, Philippe et Jean.
La fragilité nerveuse de Blanche Lacoste-Landry est donc présente bien avant le départ à la guerre de son mari. Toutefois, l’absence prolongée du général, les risques auxquels il est exposé en Europe et l’ignorance dans laquelle elle est tenue quant à son positionnement et à ses activités augmentent considérablement l’anxiété de Blanche. Ces éléments contribuent à la faire basculer, en 1917, dans une véritable crise neurasthénique durant laquelle elle n’est plus en mesure de fonctionner de façon autonome. Ainsi, l’absence de Joseph Philippe Landry doit être vue comme un catalyseur plutôt que comme le déclencheur unique de la crise neurasthénique de Blanche Lacoste Landry.
Conclusion
Cette étude de cas liant absence et crise neurasthénique veut contribuer à l’histoire des femmes et de la famille durant la Grande Guerre54. Les sources (journal intime et correspondance), créées en partie en raison de l’absence, ouvrent une fenêtre sur le déploiement genré de l’entourage d’une épouse bourgeoise de militaire aux prises avec des problèmes de santé mentale et en perte d’autonomie. Nous avons vu que les femmes (apparentées ou non) héritent des tâches multiples et exigeantes d’organisation et de soins, dont elles doivent s’acquitter avec abnégation, dévouement et patience. Et que les hommes (non-apparentés) reçoivent quant à eux la mission de guérir la malade, grâce à leur expertise médicale ou spirituelle.
Cet article ajoute aussi à l’histoire des émotions55, qui touche ici celle de la santé mentale56, car nous sommes en présence d’angoisse et de tristesse pathologiques. Il montre l’évolution de l’état émotionnel d’une épouse de militaire en l’absence de son mari, tout en suggérant que l’absence n’est pas l’unique cause de sa maladie nerveuse, mais qu’elle s’additionne à d’autres épreuves survenues antérieurement dans sa vie, dont des deuils d’enfants57. Il observe la perception genrée de la maladie mentale dans la bourgeoisie franco-catholique montréalaise du début du XXe siècle. Enfin, il éclaire les stratégies, aléatoirement efficaces, des femmes de la bourgeoisie pour gérer leur vécu émotionnel difficile, notamment le recours à la religion (prière, consultations spirituelles) et à l’écriture épistolaire ou journalière.
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Notes
* Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre du Vieux-Montréal, (ci-après BAnQ-VM), Fonds Famille Landry, P155, S7, SS3, D6-D7, lettre de Blanche à Joseph Landry, 14 janvier 1918. Le paragraphe complet va comme suit : « Que fais-tu toi, mon ami ? Aucune nouvelle et vraiment ce retard me jette pour le moins dans l’inquiétude – je me pose mille questions à ton sujet. As-tu perdu toute idée de correspondance, vite, vite, réponds je t’en prie. Quand reprendrons-nous donc nos beaux jours d’autrefois. Bientôt 22 ans de mariage et quel triste anniversaire sans toi ! »
- Ce sont les mots employés par sa mère Marie-Louise Globensky dans son journal intime. BAnQ V-M., Fonds Famille Lacoste (P76). Journal de Marie-Louise Globensky, 1er septembre 1917 (ci-après Journal).
- Yvonne, 11 ans, et Jules, 13 ans. Blanche a deux autres enfants vivants, René, 15 ans et Louise, 20 ans.
- Marie (1867-1945), Louis (1869-1909), Henriette (1870-1871), Blanche (1872-1957), Paul (1874-1945), Justine (1877-1967), Jeanne (1879-1962), Yvonne (1881-1947), Alexandre (1883-1940), Arthur (1885-1888), Thaïs (1886-1962), Berthe (1889-1966), René (1891-1892). Dix de ces treize enfants ont dépassé la petite enfance.
- Leur correspondance ainsi que des carnets de bal témoignent de leurs sentiments. BAnQ V.-M., Fonds famille Landry, P155, S8, SS3; P155, S7, SS3, D5, D6, D7.
- « Tout ce que Montréal compte de « sélect » était réuni ce matin dans l’église Saint-Jacques pour assister à une cérémonie qui a consacré l’union de l’une des familles les plus distinguées de la ville de Québec avec la famille qui est, sans contredit, à la tête de la société canadienne-française dans la métropole. » « Landry-Lacoste. Grand mariage fashionable à l’église Saint-Jacques. Invités distingués et toilettes élégantes », Le Courrier du Canada, mercredi 19 février 1896, p. 4.
- Elle perd au printemps 1903, des suites de la rougeole, ses fils Paul, 2 ans, et Philippe, 4 ans, à deux semaines d’intervalle. Puis, en août 1905, elle perd son fils Jean, âgé de quelques mois.
- Lettres écrites pour maintenir le lien affectif avec lui. En écrivant ces lettres, Blanche semble vouloir inciter son mari à lui écrire plus souvent et à rentrer à la maison le plus tôt possible. Disponibles à BAnQ V.-M., Fonds Famille Landry, P155, S7, SS3, D5, D6, D7.
- Le journal manuscrit de Globensky est disponible à BAnQ V.-M., Fonds Famille Lacoste, P76. Comprenant 25 cahiers, il a été écrit entre 1864 et 1866, puis entre 1888 et 1919. Il est aussi disponible sous la forme d’un tapuscrit, en six volumes totalisant environ 2 500 pages, format légal (8 ½ X14), sur du papier pelure (très mince). Les cahiers manuscrits des années 1915, 1917 et 1919 portent, en page de garde, la mention explicite : « dédié à mes enfants ». L’ensemble du journal semble écrit avec l’intention de se présenter devant ses enfants et devant Dieu, comme un modèle à suivre de mère, de catholique et de bourgeoise. Voir : Doucet S., « Toujours je sens mon âme se balancer entre les joies et les peines » : Le paysage émotionnel de Marie-Louise Globensky (1849-1919) observé à travers ses écrits personnels, thèse de doctorat (histoire), Université du Québec à Montréal, 2018.
- Voir : Lejeune P., Le Moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Seuil, 1993 ; Dauphin C., Lebrun-Pézerat P., Poublan D., Ces Bonnes lettre. Une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995 ; Bunkers S. L. et. Huff C. (dir.), Inscribing the Daily. Critical Essays on Women’s Diaries, Amherst, University of Massachusetts Press, 1996 ; Simonet-Tenant F., Le Journal intime. Genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Nathan, 2001 ; Simonet-Tenant F., Journal personnel et correspondance (1785-1939) ou les affinités électives, Louvain-La-Neuve, Bruylant-Academia, 2009 ; Jouhaud C., Ribard D. et Schapita N., Histoire, littérature, témoignage. Écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, 2009.
- Il est colonel au moment de son départ mais sera nommé général à l’automne 1915. Journal, 2 octobre 1915.
- Journal, 10 mai 1915.
- BAnQ-V.-M., P155, S7, SS3, D5, D6, D7, lettre de Blanche à Joseph Landry, Québec, 28 mai 1915.
- « Secret militaire oblige, il plane […] sur les familles une constante incertitude quant à l’emplacement de leurs proches outre-mer, à leur participation, ou non, aux opérations rapportées dans les journaux et à la nature de leur travail. » Morin-Pelletier M., « “The Anxious Waiting Ones at Home” : deux villes canadiennes plongées dans le tourment de la Grande Guerre », Histoire sociale / Social History, vol. 47, n° 94, 2014, p. 354.
- Dans les faits, il sera d’abord envoyé pour quelques semaines sur le front, en France, en 1915. Puis, il sera posté au commandement de différents camps en Angleterre, jusqu’à son retour en 1918. BAnQ, « À la découverte des archives de la famille Landry » [en ligne] http://www.banq.qc.ca/histoire_quebec/parcours_thematiques/FamilleLandry/Page/volet3.jsp.
- Journal, 31 août 1915.
- Les lettres qu’elle a reçues du ministère de la défense, en réponses à celles qu’elle a écrites, ont été conservées. BAnQ-V.-M., P155, S8, SS3.
- BAnQ-V.-M, P155, S7, SS3, D5, D6, D7, lettre de Blanche à Joseph Landry, Hulett’s Landing, NY, 13 août 1917.
- Dans la longue lettre qu’elle écrit à son mari de Hulett’s Landing, le 13 août 1917, Blanche semble apprécier son séjour dans une station balnéaire américaine. Elle décrit les touristes qui s’y trouvent, venus de partout, l’air pur qui lui fait du bien, la joie de ses enfants Jules, Yvonne et Louise, qui l’accompagnent. Elle insiste toutefois sur un drame survenu la veille, la quasi-noyade d’une jeune touriste française, et termine sa lettre sur l’évocation du « triste anniversaire » du décès de leur fils Jean, survenu le 14 août 1905, soit douze ans auparavant. Ces indices peuvent nous laisser croire que son esprit navigue dans les eaux de la tristesse et de l’anxiété, même si elle tente de ne pas trop le montrer à son mari.
- Le Major Lambert Dumont Laviolette (1891-1917) faisait partie du 22e régiment de l’armée canadienne (qui sera nommé « Royal 22e Régiment » après la Première Guerre mondiale). Il fut blessé à la colonne vertébrale durant la bataille de Courcelette, en France. Paralysé, il fut hospitalisé pendant plusieurs mois en Europe avant d’être rapatrié à Montréal où il mourut après une longue et souffrante agonie. Il reçut plusieurs médailles de guerre dont la Croix de guerre française à titre posthume.
- Journal, 1er septembre 1917.
- Cette lettre n’est pas datée, mais la référence au départ pour le pensionnat d’Yvonne laisse croire qu’elle aurait été écrite le 9 septembre 1917.
- BAnQ-V.-M., P155, S7, SS3, D6-D7, lettre de Blanche à Joseph Landry, Montréal, 1er janvier 1918.
- Comme le montre Thierry Nootens, la famille était le principal lieu où l’on prenait soin des personnes aux prises avec la maladie mentale au XIXe siècle, les institutions psychiatriques venant agir en complément. Nootens T., Fous, prodigues et ivrognes. Familles et déviance à Montréal au XIXe siècle, Montréal/Kingston, McGill/Queen’s University Press, 2007.
- Justine Lacoste-Beaubien, fondatrice de l’Hôpital Sainte-Justine pour les enfants malades. Ce changement a probablement été décidé par les autres enfants Lacoste pour alléger la tâche de leur mère qui, à 68 ans, avait une santé fragile (elle est décédée deux ans plus tard, en décembre 1919, des suites de problèmes au cœur).
- Future Louise Gadbois, peintre québécoise reconnue (1896-1985).
- Journal, 2 septembre 1917.
- « Ceci l’agite un peu mais son état paraissant empiré, c’est une sécurité de les avoir. » Journal, 8 septembre 1917.
- Justine Lacoste-Beaubien, selon le journal de Marie-Louise Globensky, est d’un « dévouement sans nom », Journal, 16 septembre 1917 ; Louise Landry, selon la correspondance de Blanche, est « épatante de dévouement ». Lettre de Blanche à Joseph, 9 octobre 1917. Voir : Fahrni M., « “Elles sont partout…” : Les femmes et la ville en temps d’épidémie, Montréal, 1918-1920 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 58, n° 1, été 2004, p. 67-85.
- Par exemple, il apparaît ici dans le pronom « nous ». « Nos chers enfants viennent ce soir passer la soirée, seule distraction pour nous en ce moment ». Journal, 16 septembre 1917.
- Il semble appelé à intercéder auprès de son fils. « Ce soir nous avons la visite du Sénateur Landry revenant d’Ottawa. Il a vu Blanche et doit écrire à Jo. » Journal, 14 septembre 1917.
- Par exemple, Journal, 20 octobre 1917.
- Il n’est pas nommé.
- Journal, 3 septembre 1917.
- Jeu de carte. Journal, 28 septembre 1917.
- Le Dr. Albert Prévost est depuis 1914 agrégé de neurologie à la faculté de médecine de l’Université Laval à Montréal et chargé des cliniques des maladies nerveuses à l’hôpital Notre-Dame. Il fonde en 1919 le sanatorium Prévost, une clinique privée spécialisée dans le traitement des névroses, située à Cartierville, au Nord de l’île de Montréal. Grenier G., « Prévost, Albert », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003 [en ligne] http://www.biographi.ca/fr/bio/prevost_albert_15F.html.
- Journal, 4 novembre 1917.
- Journal, 3 septembre 1917.
- Journal, 11 septembre 1919.
- Journal, 21 octobre 1917.
- Le 27 septembre, les 14-15 octobre, les 5-6 novembre, les 28-29 novembre et les 17-18 décembre 1917.
- La littérature autour des écrits de soi reconnaît que les journaux intimes, au XIXe siècle, ne possèdent pas le caractère privé qu’on leur accole depuis environ la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, « la pratique de lire les diaires des autres femmes lorsqu’on les visitait était bien établie de sorte que vous pouviez souhaiter surveiller votre dignité », écrit Vickery A., « “S’il vous plaît, brûlez cela afin qu’aucun œil mortel ne puisse le voir” : les secrets des sources féminines », dans Bardet J.-P. et Ruggiu F.-J., Au plus près du secret des cœurs ? Nouvelles lectures historiques des écrits du for privé en Europe du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2005, p. 49. L’existence du journal de Marie-Louise Globensky était connue dans un cercle assez large. En témoigne un article publié au moment de son décès, qui demande à la famille de rendre ce document public : Madame Donat Brodeur, « Une grande dame », La Revue moderne, 15 janvier 1920. Reproduit dans Globensky Y., Histoire de la famille Globensky, Éditions du fleuve, 1991, p. 195-196.
- Voir Doucet S., op. cit.
- BAnQ V.-M., P783, S2, SS2, SSS1, lettre de Jeanne Lacoste à Marie Lacoste-Gérin-Lajoie.
- Brémontier J., « Neurasthénie féminine », Le journal de Françoise, 4e année, 9 (5 août 1905), p. 132-133.
- Oppenheim J., « Shattered Nerves » Doctors, Patients, and Depression in Victorian England, Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 141.
- Ces dérives contreviennent aux obligations de la masculinité, qui demandent aux hommes d’être compétents et assidus dans un emploi afin de soutenir leur épouse et leur foyer. Il en va de l’honorabilité et de la respectabilité des familles de cette élite. Nootens T., op. cit, p. 32-33.
- Marie-Louise Globensky, Journal, 28 février 1918.
- Il est possible aussi qu’on lui cache l’état de Blanche pour ne pas l’inquiéter.
- Voir lettres reçues des gérants de magasins (Morgan, Holt Renfrew, Dupuis Frères) réclamant le paiement des comptes, BAnQ V.-M., P155, S8, SS3.
- Notamment, BAnQ-V.-M., P155, S7, SS3, D5, D6, D7, lettre de Joseph Landry à Blanche, 21 octobre 1921 ; P155, S8, SS2, D23, lettre de Jules Landry à sa mère Blanche, 1er mars 1932. À la mort de son mari, Blanche Landry confie d’ailleurs tous ses avoirs à ses fils (en fidéicommis), selon la demande de son mari. Voir BAnQ V.- M., P155, S12, SS4, acte notarié du 4 octobre 1926.
- BAnQ V.-M., P155, S8, SS2, D6, lettre de Marie-Louise Globensky à Blanche Landry, Montréal, 14 mars 1893.
- À Montréal, au début du XXe siècle, le taux de mortalité infantile est très élevé : un bébé sur quatre meurt avant d’avoir un an. Blanche, elle, en perd trois sur sept, ce qui est plus élevé que la moyenne, malgré une position sociale privilégiée. Le cas des Landry-Globensky montre bien que les familles de l’élite, même les plus privilégiées ne sont pas à l’abri de ce fléau. L’impact de ces décès sur la santé psychologique des mères a été peu étudié. Sur la mortalité infantile : Baillargeon D., Un Québec en mal d’enfants. La médicalisation de la maternité, 1910-1970, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2004.
- Le journal de Globensky décrit la fragilité nerveuse de Blanche en 1903 et en 1905, au moment de ses deuils, et continue de l’évoquer au fil des années. Par exemple, en 1911, Globensky décrit Blanche comme « très nerveuse ». C’est pour permettre à sa fille de suivre son « traitement électrique » que Globensky emmène les enfants de Blanche en vacances. Voir notamment : Journal, 18 et 29 juin 1911.
- L’historiographie de la Première Guerre mondiale a montré des femmes vivant l’éloignement de leur mari militaire de toutes sortes de façons, mais peu ayant perdu pied à la manière de Blanche Landry. Thébaud F., Les Femmes au temps de la Guerre de 14, Paris, Payot, 2013 ; Vidal-Naquet C., Correspondances conjugales : 1914-1918. Dans l’intimité de la Grande Guerre, Paris, Robert Laffont, 2014 ; Vidal-Naquet C., Couples dans la Grande Guerre : le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
- Voir notamment Matt S. et Stearns P. N. (dir), Doing Emotions History, Urbana, Chicago and Springfield, University of Illinois Press, 2014 ; Boddice R., The History of Emotions, Manchester, Manchester University Press, 2018.
- Moran J. E. et Wright D. (dir.), Mental Health and Canadian Society. Historical Perspectives, Montréal/Kingston, McGill/Queen’s University Press, 2006.
- L’hypothèse des répercussions durables et importantes sur la santé psychologique de certaines mères des décès d’enfants en bas âge au début du XXe siècle mériterait d’être étudiée davantage dans l’historiographie québécoise en croisant des sources autobiographiques, médicales et judiciaires.