Parmi les nombreuses formes de langages du pouvoir développées à la fin du Moyen Âge pour exprimer, matérialiser ou sublimer l’autorité princière, l’emblématique occupe une place essentielle progressivement redécouverte par l’historiographie.
Sous ce terme générique d’emblématique, il convient d’entendre l’ensemble des signes d’identité qui permettent de reconnaître ou de signaler le prince et son pouvoir : les éléments proprement héraldiques – l’écu armorié, le heaume coiffé de son cimier qui le surmonte parfois, les supports ou tenants qui soutiennent l’écu, le cri d’armes – ou les devises – l’emblème figuré (la devise au sens propre de la terminologie médiévale), le mot ou sentence qui lui est parfois associé ou substitué, les couleurs “de livrée”, le chiffre ou monogramme – et, pour compléter cette panoplie emblématique, la signature et le portrait.
En effet, si l’image emblématique du prince participe, par son esthétique, de sa représentation et du spectacle du pouvoir, elle contribue également par son contenu symbolique et généalogique au discours dynastique et idéologique, mais se trouve encore très largement et très pragmatiquement exploitée dans les outils de gouvernement et d’administration de ses états.
Cette dimension du pouvoir, quoiqu’essentielle, est pourtant souvent difficile à établir à défaut de sources explicites et compte tenu du faible patrimoine conservé, aujourd’hui très dispersé et rarement ou mal collecté.
Il reste néanmoins possible de percevoir cette image à travers des vestiges de la mise en signe de l’espace via le décor sculpté et peint, les rares mentions de rituels ou de pratiques emblématiques rapportées par les sources narratives ou normatives, la diffusion et le partage des signes autour des princes via divers outils de pouvoir comme les sceaux, les monnaies ou les manuscrits.
Je m’intéresserai ici à l’emblématique des quatre principales dynasties qui ont dominé les principautés méridionales à la fin du Moyen Âge – Navarre, Foix-Béarn, Armagnac, et Albret – dans une approche comparée qui permettra de souligner les similitudes et la singularité de chacun de ces lignages en envisageant en premier lieu le rôle joué par les armoiries elles-mêmes dans la représentation princière avant de me pencher plus avant sur les autres types d’emblèmes exploités par les princes méridionaux, cimiers et devises1.
Lis, lions et pals, une héraldique de prestige
Il est assez frappant de constater qu’entre la fin du XIIIe siècle et celle du siècle suivant, tous les princes méridionaux se parent d’armes combinées, c’est-à-dire associant plusieurs armoiries distinctes dans les quartiers d’un même écu. Cette solution héraldique reflète leurs origines prestigieuses ou leurs prétentions, tant par son contenu emblématique – les lignages ou les domaines qu’elle représente – que par sa puissante symbolique. En effet, ces combinaisons retiennent toutes la formule de l’écartelé (chaque armoirie est répétée deux fois en diagonale) plutôt que celle du parti moins valorisante2. Ce mode d’association, initié vers 1220 par les rois de Castille et Léon, inscrit ces compositions méridionales dans un modèle royal et valorise équitablement chaque armoirie figurée, démultipliant la puissance du signe héraldique et de celui qui le porte.
Cette performativité sémiologique est par ailleurs renforcée par l’origine de ces signes et la diffusion de légendes héraldiques qui donnent à la plupart de ces compositions un sens symbolique rappelant leurs origines célestielles ou les exploits guerriers de leurs fondateurs.
Les armes de Navarre
Revenons d’abord sur les armes des rois de Navarre. Celles-ci sont portées écartelées avec les armes aux fleurs de lis des Évreux depuis le couronnement de Jeanne II de Navarre (†1349)3 et de Philippe d’Évreux (†1343) à Pampelune en 13294. La combinaison retenue donne la priorité aux armes d’Évreux – armes capétiennes d’azur semé de fleurs de lis d’or brisées par la bande componée d’argent et de gueules – au quartier 1 et 4, sur celles de Navarre – de gueules aux chaînes mérelées (alias posées en orle, en croix et en sautoir) d’or, situées aux quartiers 2 et 3 (fig. 1).
Ce mode d’association d’armoiries est clairement innovant dans l’armorial capétien et navarrais qui privilégiaient jusqu’alors la solution du parti pour combiner par exemple les armes de Navarre et de Champagne5. Ce choix s’explique très probablement par la nécessité d’équilibrer les apports et les statuts respectifs des conjoints : un prince capétien, petit-fils du roi Philippe le Hardi, et l’héritière d’un royaume, fille du roi Louis X. Il s’agit également de souligner le sang de France, que les époux portent tous deux, comme leur proximité à la Couronne.
Cette combinaison est pourtant modifiée par leur fils Charles II (†1387) qui donne clairement la priorité aux armes de Navarre, faisant primer le royaume sur le comté, le sang navarrais sur l’origine capétienne6, en contradiction avec ses revendications sur la couronne de France. Il modifie d’ailleurs temporairement cette combinaison Navarre/Evreux en adoptant en 1363 des armes écartelées France/Navarre, suscitant la colère de Charles V qui en dénonce l’usage au pape7. La combinaison, maintenue par Charles III (†1425), conserve d’ailleurs les quartiers aux armes d’Évreux après la confirmation de la perte du comté, confisqué par Charles V en 1378, et son échange avec le comté de Nemours en 1404. La composition des armes des rois de Navarre évoluera encore au milieu du XVe siècle après l’avènement de la maison de Trastamare avec Jean II (†1479) en 14418, puis, après 1479, avec l’accession des Foix-Grailly et le couronnement de François-Fébus (†1483) (fig.2)
Du point de vue symbolique, ces armes supportent deux légendes héraldiques : l’origine divine des fleurs de lis et la gloire militaire des rois de Navarre.
La construction d’un discours sur les origines célestielles des armes de France et la symbolique du lis, énoncée dès le milieu du XIIe siècle, se consolide au début du XIVe siècle avec des œuvres comme Le Dit de la Fleur de Lis de Guillaume de Digulleville9 ou la Légende de Joyenval10. Cette abbaye Prémontré, fondée entre 1204 et 1224 par Barthélémy de Roye, devient, peut-être dès la fondation mais certainement dans le courant du XIIIe siècle, le lieu supposé de la légende des lis qui raconte comment Clovis reçoit d’un ange envoyé par Dieu les armes aux lis, à la place de ses armes aux crapauds, à la veille de la bataille de Tolbiac, version qui est développée vers 1375 dans la Traduction de la cité de Dieu de Raoul de Presles où l’auteur enrichit encore le discours en y faisant intervenir saint Denis et sainte Clotilde. Le thème est largement exploité par Charles V qui le souligne en faisant porter ses armes par deux anges et en réduisant à trois, en l’honneur de la sainte Trinité, le semé de lis en 1376.
Les armes de Navarre bénéficient quant à elles d’une légende héraldique attestée dès le début du XVe siècle et selon laquelle les chaînes des armes évoqueraient celles qui protégeaient le camp et les chameaux du sultan Miramamolin (Muhammad an-Nâsir) vaincu par Sanche VI de Navarre lors de la bataille de Las Navas de Tolosa (1212), rapportées comme trophée par le roi11. Si l’incidence héraldique n’est explicite qu’au début du XIVe siècle, l’exploit légendaire du roi est pour sa part déjà mentionné à la fin du XIIIe siècle12.
Les armes des Foix-Béarn13
Les armes combinant en écartelé l’écu de Foix (d’or à trois pals de gueules) à celui du Béarn (d’or à deux vaches passantes de gueules accornées et clarinées d’azur) résultent du mariage en 1267 de Roger-Bernard III (†1302), comte de Foix avec Marguerite, héritière de la vicomté de Béarn. La formule apparaît dès 1291 sur les sceaux de Roger-Bernard III14, après la mort de son beau-père en 129015. Cette armoirie est adoptée par leur fils Gaston Ier de Foix (†1315) et conservée par ses successeurs puis combinée avec les armes des différentes dynasties titulaires du comté (Grailly, Navarre, Albret).
Cette combinaison associe elle-aussi des armes prestigieuses. Les plus anciennes mentions de l’usage d’un palé d’or et de gueules par les comtes de Foix remontent à Roger-Bernard Ier (†1188) qui les arbore sur la figure équestre de son sceau16 et un texte de 1217 montre qu’ils se font déjà reconnaître à cette date par leur enseigne armoriée17. Cette homonymie héraldique entre les comtes de Foix et les rois d’Aragon18 est motivée par les liens vassaliques et familiaux qui les unissent depuis le début du XIIe siècle19. Comme le rappelle Laurent Macé20, Jean Froissart confirme d’ailleurs, dans une de ses pastourelles dédiée aux armes de son patron Gaston Fébus, que cette interprétation a cours à la fin du XIVe siècle : Le champ est d’or, c’est uns beaus draps, / Mais d’Arragon il se champie, : car il en descent de lignié, : Si les poet et doit bien porter ; / Et Berne est, au voir ordener, / de deus vaches en rouge peauls / Passans, et à leurs hateriaux : Ont esquires d’asur, c’est drois. / Or va, faic poindre en tes jupeaus : Les armes de Berne et de Fois.
Ces armes sont assurément portées par Roger-Bernard II (†1241) sur son sceau équestre de 122921. Son fils Roger IV (†1265) affiche lui aussi cet écu aux pals sur son bouclier et le caparaçon de son cheval sur ses sceaux équestres connus par deux empreintes de 124122. Il y est accosté par un écu aux armes des vicomtes de Castelbon (d’or au chef de sable à trois losanges d’or) dont il est devenu seigneur à la suite de sa mère Ermessinde (†1229), héritière de la vicomté et dame d’Andorre.
Si l’armoirie de Foix se fixe progressivement à trois pals au lieu des quatre couramment retenus par les rois d’Aragon, cette “brisure” ne s’impose en réalité que très progressivement et cohabite avec des versions de palés imprécis qui soulignent d’abord et avant tout le lien avec les célèbres armes aragonaises adoptées dès le milieu du XIIe siècle (1146)23.
Cet écu est l’objet de nombreuses interprétations au Moyen Âge24. Selon une légende héraldique, connue par une version du XVIe siècle25, mais sans doute plus ancienne, les pals d’Aragon renvoient à l’épisode mythique de Guifred le Velu, comte de Cerdagne et fondateur de la maison de Barcelone26, mort au combat contre les Normands au service de Louis le Pieux (Palliot évoque Charles Chauve) qui, venu au chevet du comte, traça sur son écu de bronze ses doigts trempés dans le sang du mourant, donnant ainsi naissance aux armes de la maison de Barcelone.
À ces pals chargés d’histoire sont donc associées, à partir de 1291, les vaches du Béarn. Cette vache de gueules des armes de Béarn27, renvoie peut-être pour Guilhem Pépin28 à la vache rouge “Behigorri”, figure tutélaire du patrimoine symbolique et culturel de l’aire basque, quand les auteurs de la fin du Moyen Âge y voient d’abord une référence à saint Volusien et peut-être une allusion mariale27. On peut encore faire état d’une légende héraldique mal documentée mais nourrie par la réalité pastorale et les pratiques monétaires selon laquelle l’emblème de la vache aurait été adopté après un combat d’animaux opposant les vaches du vicomte de Béarn à l’ours de l’archevêque de Morlaàs. Dès la fin du XIIIe siècle, le blason distingue clairement cette vache du taureau en la parant du collier à cloche, attribut de la domestication mais aussi symbole de la force maîtrisée.
Cette figure héraldique est adoptée par la puissante famille de Moncade après leur alliance avec l’héritière de Béarn en 1171 et se retrouve déjà dans l’emblématique associée à Guillaume II de Moncade († 1229), vicomte de Béarn29, aux côtés des besants des Moncade et du château de Castelvieil, seigneurie dont la mère de Guillaume II est héritière. Gaston VII de Béarn associe ces trois emblèmes héraldiques dans ses sceaux en privilégiant l’écu aux vaches de Béarn30. C’est également l’armoirie que conserve son gendre et héritier Roger-Bernard III de Foix en écartelant ses armes aux vaches du Béarn31. Ces différentes armoiries des Moncade-Béarn s’ajoutent alors à celles de Foix et de Castelbon. Gaston Ier de Foix reprend ainsi, au revers de son sceau équestre aux armes écartelées Foix-Béarn, le sceau revers de son grand-père maternel Gaston VII (écu de Béarn, besants et château) et son fils cadet, Roger-Bernard III de Foix-Castelbon (†1350), écartèle dans un même écu Foix/Béarn, Castelbon, Moncade et Castelvieil32. Gaston II (†1343) et Gaston III (1391) n’utilisent en revanche que l’écartelé Foix-Béarn (fig. 3) qui sera de nouveau modifié par Archambaud de Grailly (†1412), combiné en parti avec les armes de sa famille (d’or à la croix de sable chargée de cinq coquilles d’argent) puis par Jean Ier de Grailly, comte de Foix (†1436) qui ajoute en abîme de l’écartelé Foix-Béarn un écusson aux armes de Bigorre, territoire disputé rendu officiellement aux successeurs des Moncade en 1425. Son arrière-petit-fils François-Fébus (†1483), roi de Navarre, comte de Foix, etc. combinera plusieurs armoiries qu’il distribuera dans l’écu au gré de ses titres et qu’il porte parfois tiercé en pal au 1 coupé Navarre/Evreux, au 2 écartelé Foix/Béarn, au 3 écartelé en sautoir au 1 et 4 d’Aragon au 2 de Castille et au 3 de Léon, un écusson Bigorre brochant sur le tout.
Les armes des comtes d’Armagnac
Les armes d’Armagnac, d’argent au lion de gueules, sont connues dès la fin du XIIIe siècle33. Elles sont écartelées avec un écu aux armes de Rodez de gueules au lion léopardé d’or à partir de 1298, après l’union des deux frères d’Armagnac, Bernard VI (1270 †1319) et Gaston (1275 †1320) avec deux des filles du comte de Rodez.
Martin de Framond voit dans le choix de cet écartelé une double influence : la volonté d’imiter le prestigieux modèle royal castillan, confortée par une légende familiale qui, depuis la fin du XIIe siècle, fait des Armagnac des cadets de la maison de Castille, sur la foi de la ressemblance de leurs armes avec celles des rois de Léon. Cette origine mythique justifie d’ailleurs leur prétention à la souveraineté de comtes “Par la grâce de Dieu” lors des hommages au roi de Castille en 142534 et la rivalité avec les comtes de Foix, qui, comme nous venons de le voir, arborent eux aussi des armes écartelées depuis l’union de Roger-Bernard III et de Marguerite de Béarn en 1290. Rivalité doublée de revendications en raison de la relative spoliation de Mathe de Béarn, sœur de Marguerite et épouse du comte d’Armagnac Géraud VI.
Pour preuve de ces revendications patrimoniales, leur fils Bernard VI d’Armagnac (†1319) porte sur ses sceaux soit les armes Armagnac seules soit un écartelé au 1 et 4 Armagnac au 2 et 3 à la vache, allusion évidente aux armes de Béarn. Son fils, Jean Ier d’Armagnac (†1373), né de son union avec Cécile de Rodez, abandonne cette prétention béarnaise et adopte vers 1330 l’écartelé Rodez/Armagnac que conserveront ses successeurs (fig. 4).
Pour Guilhem Pépin35, ces armes d’argent au lion de gueules pourraient d’ailleurs être le reflet des origines généalogiques communes des ducs d’Aquitaine et des comtes d’Armagnac, issus des ducs-comtes de Gascogne. Comme il le souligne, cet argument semble pourtant oublié des Armagnac eux-mêmes comme des rois d’armes qui, à l’orée du XVe siècle, réinventent une armoirie pour la Guyenne-Gascogne et son duc titulaire : de gueules au léopard d’or.
Les armes d’Albret
Depuis la fin du XIIIe siècle et jusqu’en 1389, la puissante famille d’Albret porte les célèbres armoiries de gueules plain.
Comme l’a établi Michel Pastoureau36, c’est très probablement l’homonymie entre le patronyme Lebret et la figure du héros arthurien Perceval le Breton qui, dans l’ambiance arthurienne de la cour de son patron Édouard Ier d’Angleterre, pousse Amanieu VII (†1326), sire d’Albret à adopter à la fin des années 1290 les armes de fiction attribuées à son héros : de gueules plain.
Ces armes sont portant modifiées par la fameuse concession héraldique accordée par Charles VI à son cousin et familier, Charles Ier d’Albret (1370 †1415), à Toulouse en 1389. Mention rarissime, l’épisode est rapporté par Jean Froissart dans ses Chroniques : Le roy de France estant a Toulouse… donna a son cousin germain messire Charles de Labreth par cause de augmentation deux quartiers des armes des fleurs de lis de France, car en devant les seigneurs de Labreth portoient et ont porté tousjours en armoerie de gueules tout plain sans nulles brisures. Or sont-ils maintenant esquatelées de France et de Labreth, laquelle chose le sire de Labreth tint a riche et grant don… On ne sait pas en revanche si les protagonistes et les contemporains se souvenaient de la concession identique, signalée par Jean de Joinville, accordée par Louis IX à Bohémond d’Antioche en 125537. Cette concession octroyée à Charles d’Albret (fig. 5) est conservée par toutes les branches de sa famille38. Véritable privilège marquant l’agrégation au lignage royal39, elle signale clairement l’investissement politique de la Couronne dans cet espace méridional stratégiquement essentiel et très concurrentiel.
Ces armoires sont donc pour les princes qui les arborent à la fois un outil de prétention, de communication, de continuité de l’institution, et, nous le verrons, une image eschatologique. Les légendes qui fondent l’épaisseur symbolique de ces emblèmes commémorent souvent leur origine divine et assurent implicitement celle du pouvoir qu’ils représentent.
Outre le prestigieux modèle royal castillan que ces armes imitent, la combinaison en écartelé remplit ici différentes fonctions : association de deux domaines (Foix-Béarn), association de deux lignages (Armagnac-Rodez ; France-Albret) ou encore les deux réalités à la fois (Évreux-Navarre).
Supports et media de l’image héraldique
Cette image héraldique du prince est diffusée via de multiples media : les sceaux, les monnaies, le décor monumental (peintures, sculptures, vitraux, décors de toiture) et vexillaire, les vêtements, les armoriaux, les manuscrits enluminés, le décor des chartes mais aussi les discours, les chansons ou les légendes.
Cette mise en signe permet de baliser le territoire et d’affirmer le pouvoir et l’autorité du prince. Elle se fonde notamment sur la capacité d’abstraction de l’image héraldique, pensée au Moyen Âge comme une présence in absentia de celui qu’elle figure40.
Si l’on retient l’exemple des comtes de Foix, il reste possible, en dépit de la part considérable d’artefacts disparus, de rassembler quelques reflets de leur image héraldique.
La question des sceaux a déjà été abordée, le corpus des empreintes conservées pour les XIVe et XVe siècle est relativement important41 et permet, même si l’inventaire exhaustif reste à faire42, d’identifier la quasi-totalité des matrices utilisées par les comtes successifs. Nous avons vu que ce support reste une des principales sources pour connaître les emblèmes précisément retenus pour signaler l’identité juridique du prince.
Les monnaies, plus souples dans leur décor, apportent parfois un utile complément à ce discours officiel43. Dans le cas de la principauté de Foix-Béarn toutefois, la part prise par l’héraldique reste modeste et seule la vache béarnaise, notamment celle des célèbres vaqueta de Morlaas, s’impose à partir de Jean Ier de Grailly jusque sur les florins d’or de François-Fébus44.
Si l’on ne connaît pas de chartes ornées produites par les Foix-Béarn, plusieurs manuscrits passés par leur bibliothèque portent encore leurs armes ou leurs emblèmes et nombre d’autres les représentent45. Les marques de propriété héraldiques de Gaston III Fébus46 se retrouvent ainsi sur plusieurs folios de l’Elucidari de las proprietatz de totas res naturals47, son exemplaire en grisaille du Livre de la Chasse48, ou un exemplaire de la Chirurgie d’Albucassis49. On retiendra d’ailleurs de ces figurations la variation sur le nombre de pals (palé de huit pièces, à trois pals, à deux pals), l’usage de l’ange pour support et les mentions du cimier et du cri de guerre. Le corpus de manuscrits emblématisés s’étoffe avec Jean de Grailly50 et deux prélats bibliophiles, le cardinal Pierre de Foix (†1464)51 et Matthieu II de Foix (†1453), comte de Comminges et chevalier de la Toison d’or52 et son fils bâtard Jean de Foix (†1492), évêque de Comminges.
En revanche, il est intéressant de noter que, lorsqu’il est identifié dans l’image, comme dans les Chroniques de Froissart de la fin du XVe siècle53, Gaston Fébus est associé à l’écu de Béarn plutôt qu’à celui de Foix ou à l’écartelé. Il en va de même pour son successeur Gaston IV dans les Vigiles de Charles VII (vers 1483)54 tandis que Le livre du Cœur d’Amour épris lui attribue un écartelé qui place Béarn en 1 et 4 et oublie l’écusson de Bigorre55.
Peu présent dans les grands armoriaux, le comte de Foix se retrouve pourtant dans le célèbre Armorial de Gilles le Bouvier (Gaston IV vers 1455)56 arborant l’écusson de Bigorre sur l’écartelé Foix-Béarn tandis que les ajouts tardifs de l’Armorial le Breton (vers 1450), lui attribuent les armes de François-Fébus, un écartelé avec Navarre, Foix, Béarn, Évreux, Bigorre sur le tout57.
Pâle reflet d’un véritable balisage héraldique du territoire, il faut également évoquer les quelques décors armoriés sculptés figurant pals et vaches encore conservés dans les châteaux de Pau, de Foix, de Montaner, de Mauvezin58 (fig. 6), de Morlanne, les murailles de Tarascon-sur-Ariège, les églises de Coarraze, de Lembeye, de Ledeuix, de Saint-Vivien de Bielle, Louvie-Juzon, de Béost, de Saint-Germain d’Arudy, de Saint-Joseph de Taron, de Monein, de Saint-Michel de Montaner59, de Saint-Sulpice-la-pointe. Au château de Foix, par exemple, deux clefs de voûte aux armes de Foix-Béarn et de Comminges signent le chantier d’Aliénor de Comminges (†1369) et ornent encore la salle haute de la tour où étaient conservées les archives comtales. Nombre de ces représentations, en soulignant la mentions de la guiche – la courroie qui permet de suspendre le bouclier –, insistent sur la matérialité de l’armoirie et l’idée de suspension publique, signe visible de revendication des droits féodaux et judiciaires.
À l’exception d’une peinture murale aux armes conservée au musée de Pampelune, ni vitraux ni tapisseries ne viennent en revanche compléter ce maigre corpus. Citons toutefois, parmi les pièces conservées qui exposent encore les armes Foix-Béarn, cette étonnante bourse aumônière aux armes, datable des dernières années du XIVe siècle60.
Il conviendrait d’ajouter encore à cet ensemble le patrimoine immatériel constitué par ces légendes, chansons, poésies qui prennent pour objet l’armoirie du prince et qui conduisent par exemple l’auteur de la chronique des comtes de Foix à qualifier son œuvre d’escu de l’hostel de Foix et de Béarn, preuve s’il en faut de la parfaite analogie entre les armoiries, la dynastie, l’État et son territoire.
Rituels héraldiques
Aux côtés de ces expositions armoriales plus ou moins permanentes, de véritables rituels héraldiques mettent en scène ces armoiries princières, notamment lors des célébrations de la liturgie politique comme les acclamations, les entrées, les adoubements et les hommages, mais aussi à l’occasion de certains épisodes clefs de la représentation princière.
Jean Froissart nous rappelle ainsi la mise en scène de la concession d’armoiries accordée par Charles VI à Charles d’Albret en 1389 : Et ce jour que le roy donna et renouvella l’armoerie de Labreth a Toulouse, fist le sire de Labreth ung disner qui cousta plus de mille frans, et donna aux heraulx qui là estoient pour ce jour et aux menestrels IIc frans, et fist largesse crier sur luy très grandement61.
Dans le contexte qui nous retient, un dépouillement exhaustif des sources écrites renseignerait certainement de nombreux exemples de déploiements d’étendards à l’occasion de départs en campagne, la facture de tabards de hérauts, de housses armoriées lors de tournois, le pavoisement des édifices lors des joyeuses entrées, etc. Citons par exemple la description du parement de Gaston IV, comte de Foix lors du tournoi de Nancy de février 1445 :
Le deuxième coureur… ce fut monsieur le conte de Foix, lequel estoit monté sur ung tres bel et puissant coursier… et estoit ledit cheval couvert d’une tres riche houssure de veloux cramoisy broché d’or, laditte houssure semée à riches aiglantines d’or et de brodure ; sur ledit veloux cramoisy y avoit petites vaches à campannes d’or fin, pendues à leur col, sonnant clerement et menans un grand bruit, et laquelle houssure estoit bordée de veloux vert, chargée d’orphavrerie d’or, à escriteaulx faits à lettres d’or de la devise que portoit le dit prince, disant : C’est moi qui l’a…62.
L’étude approfondie conduite par Pierre Tucoo-Chala sur les honneurs funèbres des princes de Foix-Béarn Archambaud de Grailly (†1414), Isabelle de Grailly (1429) et Jean Ier (1437) livre de très précieuses informations. On y observe notamment, lors du rituel de l’offrande chevaleresque, la remise au célébrant de l’écu renversé du comte défunt qui est alors redressé et rendu au nouveau comte qui le présente à l’acclamation des fidèles. Ce rituel est en réalité un véritable concentré de symboles. Fondé sur le geste de la subversio armorum, symbole classique de mort chevaleresque pris ici dans son sens valorisant63, cet acte confie au clerc, agissant au nom de Dieu, la mission de ressusciter la fonction comtale pour en investir, de droit divin, le nouveau titulaire qui, en faisant acclamer son écu par sa noblesse, renouvelle implicitement leurs hommages. À la fois support de la revendication à la souveraineté des princes et substitut des traditionnelles tournées d’hommages64, ce rituel, centré sur l’écu armorié, résume le mode de gouvernement des comtes à partir du XVe siècle.
Cette publicité autour des armoiries princières passe également par la pratique des partages d’armoiries qui, comme l’illustre la concession royale accordée aux Albret, sont, au Moyen Âge, un moyen d’établir ou de souligner une parenté et une affinité, de marquer une alliance visible. La pratique reste pourtant rare et l’on ne connaît, semble-t-il, aucun cas de concession héraldique accordé par les Foix ou les Armagnac65, en raison peut-être de leur souveraineté relative. Mais, cet usage est en revanche bien documenté en Navarre durant les règnes de Charles II et Charles III66.
Mais les armoiries ne sont pas les seuls emblèmes chargés de mettre en scène l’image des princes méridionaux.
Les cimiers, masques de guerre des princes chevaliers
Les années 1350-1400 sont marquées par la survalorisation d’un élément singulier de la panoplie héraldique : le heaume à cimier. Cet objet, presque exclusivement utilisé dans le contexte spécifique du tournoi, devient à cette période un véritable synonyme de l’identité chevaleresque. Il offre d’ailleurs un nouveau registre de signes, bien plus souple dans ses formes et ses fonctions que l’armoirie contrainte par les règles du blason et les usages. Cet objet de parade devient également un support de légendes qui reste un faire-valoir très efficace de la représentation princière.
Les cimiers des princes méridionaux
À partir du XIVe siècle, tous les princes méridionaux adoptent à leur tour un cimier dans leurs représentations héraldiques. Celui des rois de Navarre est un plumail dans une cuve à leurs armes ; celui des comtes de Foix, une tête de vache colletée et clarinée, dans un vol aux armes de Foix ; celui des comtes d’Armagnac, une gerbe de blé ou un plumail dans une cuve ; celui des seigneurs d’Albret, une tête de maure aux grandes oreilles.
Le cimier dynastique des rois de Navarre succède aux cimiers personnels des derniers rois capétiens (dragon, griffon, sagittaire) et à celui de Philippe d’Évreux (une tête de lion dans un vol). Il se fixe à la fin de son règne, vers 1340, avec un plumail de paon dans une cuve aux armes d’Évreux-Navarre parfois soulignée d’une couronne et sera conservé par Charles II et ses successeurs. Ce cimier est d’ailleurs partagé avec les différentes branches de la famille et les bâtards légitimés et s’impose comme un véritable trait d’union dynastique.
Le cimier des Foix-Béarn n’apparaît qu’avec Gaston III vers 1345 : une tête de vache de gueules inclinée, accornée, colletée et clarinée d’azur entre deux volets aux armes de Foix (fig. 6). Il offre en quelque sorte une traduction tridimensionnelle des armes écartelées et ne prétend pas imiter le célèbre cimier au dragon ou drac alat des rois d’Aragon. Conservé par ses successeurs, ce cimier souligne en revanche le rôle quasi totémique de la vache rouge67 et se trouve parfois exceptionnellement mis en valeur comme sur la célèbre dalle de Mauvezin aux armes et devises de Jean de Foix. Ce cimier reste d’ailleurs adaptable comme le prouve la plaque de chevalier de la Jarretière de Gaston de Foix-Grailly, captal de Buch, qui figure un cimier combinant le volet aux armes de Foix avec la tête de maure aux grandes oreilles de Grailly.
Le cimier des Armagnacs est connu à partir de Jean Ier (1306 †1373) qui l’expose sur son sceau équestre en 1343 puis adopte même un signet-cimier en 134668. Sa forme même semble hésiter entre un plumail dans une cuve ou une gerbe de blé, placée dans une cuve, souligné par une couronne (fig. 4). Peut-être faut-il voir dans ce cimier l’influence de la maison de Bourbon, famille dont est issue Jeanne de Clermont, l’épouse de Jean Ier, et dont les comtes portaient précisément un écu aux gerbes de blé (fig. 7).
Le cimier des Albret, un géant ou un maure à grandes oreilles, figure pour la première fois sur le sceau de Bérard d’Albret, seigneur de Sainte-Bazeille en 1371 et sur celui de d’Arnaud-Amanieu entre 1368 et 1397 (fig. 8). On le retrouve ensuite sur les sceaux de ses fils Louis, Charles et de plusieurs membres de cette famille jusqu’à la fin du XVe siècle69.
Un signe d’identité chevaleresque, un support de légendes
Le développement du cimier s’inscrit dans le vaste courant de reviviscence de la chevalerie qui marque les années 1350. Cette valorisation du cimier, symbole du chevalier tournoyeur, est en effet en partie une réponse à la désaffection de la noblesse pour l’adoubement et au déclin des valeurs chevaleresques mais surtout un moyen pour les princes de réaffirmer leur position à l’égard de la noblesse militaire en rappelant qu’ils sont les premiers chevaliers de leurs états et ceux vers qui convergent les hommages et les devoirs militaires.
Cette performativité du signe justifie la mise en scène de cimiers, réels ou figurés, sur de multiples supports (sceaux, miniatures, monnaies) mais aussi à travers différents rituels ou pratiques notamment l’exposition du heaume aux côtés du prince tête nue ou coiffé d’autres parements. On le constate par exemple dans cette scène de dévotion figurant Gaston Fébus devant le Christ, accosté par un écuyer chargé de son heaume qui souligne l’identité chevaleresque de l’orant (fig. 9)70. Lors des funérailles, le heaume cimé est l’objet d’attentions analogues. Ainsi durant l’offrande de Jean Ier de Foix-Béarn en 1437, au moment du dépôt des armes sur la chapelle ardente : “le seigneur de Mulglos prendra le timbre aux armes des Foix-Béarn et le remettra aux seigneurs de Gabaston et de Doumi qui le porteront et l’offriront pour le mettre avec les autres armes…”71.
Les cimiers sont par ailleurs de précieux relais pour diffuser une légende héraldique plus ou moins connectée à l’armoirie. C’est par exemple le cas du cimier des Albret, le maure aux grandes oreilles, étudié par Christian de Mérindol, dossier repris depuis par Emmanuel Labat. Le premier explore en particulier la piste des croisades, notamment celles de Prusse dont le cimier au Sarazin pourrait être le souvenir. Mais il souligne également qu’à croire certains auteurs, les grandes oreilles de lièvre qui affublent le maure/géant pourraient découler d’une étymologie fantaisiste du fief éponyme de Labrit/Lebret qui tirerait son nom d’un ancien qualificatif de Pagus Leporetanus (le pays des lièvres). Cette piste est rejetée par le second qui voit dans ce cimier une figuration du roi Midas et un marqueur héraldique des successeurs de la famille de Bordeaux, captaux de Buch72. Comme l’a récemment démontré Pierre Courroux en reprenant ce dossier73, ce cimier rejoint peut-être aussi une légende familiale qui fait descendre les Albret du géant Brutus, le premier roi d’Angleterre connu par L’Historia Regum Britanniae de Geoffrey de Monmouth. Cette généalogie légendaire est citée pour la première fois par Christine de Pizan dans une ballade qu’elle dédie à Charles Ier d’Albret vers 1400. Ce mythe des origines anglaises s’inscrit dans la suite logique du choix de l’armoirie de Perceval par les Albret qui, après 150 années au service des Plantagenêt, leur doivent leur fortune et leur gloire. Mais Brutus est également connu pour avoir vaincu les géants qui peuplaient l’île d’Albion. C’est donc peut-être ce trophée de leur ancêtre mythique, une tête de géant à grande oreilles74, que les Albret ont retenu comme cimier ? La piste de Midas, parfois confondu avec le roi Marc, renvoie elle aussi à la culture classique et arthurienne d’Édouard Ier. Quelle que soit son origine, ce cimier constitue assurément pour ce puissant lignage un outil d’agrégation des parents, vassaux ou alliés. Il est partagé avec plusieurs des fidèles des Albret possessionnés dans la région de la Grande Lande : les Tartas, les soudans de la Trau75 et le célèbre Captal, Jean III de Grailly, beau-frère d’Arnaud Amanieu d’Albret ou Jean Ferriol, sire de Tonneins76.
Ce masque de guerre du prince est fréquemment associé à une voix, celle du cri d’armes féodal. Celui-ci s’impose paradoxalement dans l’image héraldique au moment où il disparaît des champs de bataille et de tournoi et devient une sorte de conservatoire de la mémoire féodale77. Comme pour le cimier et bientôt les devises, le cri appartient à différentes catégories – il peut être national, féodal et dynastique, personnel –, un même personnage peut donc user de plusieurs emblèmes sonores selon les besoins et les circonstances. Guilhem Pépin a magistralement souligné l’impact identitaire du cri “Guyenne” en Aquitaine et l’on peut légitimement imaginer que les cris “nationaux” des principautés méridionales ont contribué à la cohésion de leurs populations dans de multiples contextes.
Le Febus Avant de Gaston Fébus, documenté par le décor marginal de son manuscrit de Montpellier, semble évidemment plus personnel et, associé au cimier et à l’écu en forme de targe, renvoie au monde du tournoi. Mais d’autres cris princiers existent : à en croire l’Armorial du héraut Berry78 : [Le comte de] Foix crye Foix et Biarne. Et sur son timbre la teste d’une vache, quand Labrait crye Saint Georges et sur son timbre la teste d’ung morien, Armegnac crye armegnac79 et sur son timbre ung lambrequin darmines et un lyon de gueules dessus.
Assurant la transition entre le monde codifié du blason et la créativité des nouvelles formes emblématiques de la fin du Moyen Âge, le cimier et son cri d’armes donnent corps au prince chevalier, identité bientôt complétée par celle, plus personnelle, fournie par les devises.
L’emblématique nouvelle au service du prince
Les innovations emblématiques de la fin du XIVe siècle introduisent de nouvelles formules qui permettent au prince à la fois de singulariser son expression emblématique et de partager certains de ces signes avec un groupe plus ou moins étendu de fidèles. Les princes méridionaux n’ont pas dédaigné ces moyens, à plus forte raison quand ils se sont engagés sur la scène politique nationale lors des grands conflits civils de la fin du Moyen Âge.
Les devises des princes méridionaux
L’adoption de devises, ces emblèmes figurés associés à des mots, des lettres et des couleurs80, distincts du cimier et des figures héraldiques, est assez inégalement documentée pour les maisons princières étudiées. Ce constat tient peut-être aux sources conservées mais reflète également l’intérêt que ces différents princes ont manifesté pour les modes et les innovations issues de la culture des grandes cours souveraines européennes.
L’emblématique des Évreux-Navarre est particulièrement riche et conforme aux pratiques des grandes cours souveraines. Des figures promues supports d’armoiries deviennent progressivement des emblèmes autonomes comme le lévrier de Charles II, associé au nœud en trèfle et au mot BONNE FOY. Ces figures sont conservées par Charles III et complétées par la devise de la branche de châtaignier pour former une trilogie qui se maintient avec des variantes et différents développements jusqu’à la fin XVe siècle81.
L’emblématique des comtes de Foix est moins bien connue. Il n’est pas assuré que Gaston Fébus ait adopté des devises même si son surnom solaire tient déjà de l’emblème et, comme nous l’avons souligné, Febus avant s’approche davantage du cri d’armes que du mot emblématique, au même titre que le (trop) mythique Toque-y si gauses. Les premiers emblèmes connus sont ceux déployés lors des funérailles d’Archambaud de Grailly – une biche blanche enchaînée et les couleurs rouge et noir82 – et surtout le mot emblématique JAY BELLE DAME initié par Jean Ier de Foix en 140183 qui l’associe parfois à la devise du dragon (fig. 6)84.
L’emblématique de son fils Gaston IV est connue grâce à sa description dans le Cœur d’Amour épris de René d’Anjou : Estoit plus bas ung aultre bel et riche escu, au tour duqel y avoit en semeures roes de chariot desfaictes et rompues, entre lesquelles roes avoit petitz roletz dedans esquielz estoit escript A REFAIRE (fig. 10)85. On peut encore citer les belles manifestations emblématiques de deux grandes figures de la famille : Matthieu II de Foix (†1453), comte de Comminges et chevalier de la Toison d’or52 et son fils bâtard Jean de Foix (†1492), évêque de Comminges86.
À l’exception de la devise du lévrier, bien documentée pour Arnaud-Amanieu87, l’emblématique des Albret se résume en revanche au mystérieux chiffre VV affiché par Charles d’Albret sur ses sceaux88. Pourtant, comme pour les Armagnacs, ce relatif silence des sources n’implique pas nécessairement qu’ils n’en faisaient pas usage. En témoigne par exemple ce parement de chambre hérité par Jeanne d’Aragon (†1407), comtesse de Foix, de sa mère Mathe d’Armagnac (†1378) chargé de lions, de colombes et de tourterelles associés au mot ESTRE PORROYT et aux lettres AAY89. La figure de la sirène, utilisée durablement par les comtes d’Armagnac comme support héraldique a d’ailleurs pu jouer ce rôle de devise.
Si le sens de ces devises reste le plus souvent volontairement énigmatique, elles permettent aussi parfois d’exprimer une facette de la personnalité du prince, de partager ses aspirations, ses dévotions, les vertus qu’il souhaite incarner.
Cette expression directe du prince-personne se manifeste également, dans le prolongement direct de l’emblématique, grâce au portrait réaliste et à la signature. Si le premier moyen d’expression a laissé peu de traces – on ne connaît pas de portrait précisément réaliste de Gaston Fébus par exemple -, le développement de la signature autographe marque en revanche les pratiques diplomatiques des princes méridionaux, comtes de Foix en tête90.
Ordres et emprises
Un certain nombre de ces emblèmes sont par ailleurs exploités dans le cadre de sociétés chevaleresques qui permettent aux princes de rassembler et de fidéliser une clientèle plus ou moins étendue dans un cadre plus ou moins formel, imitant en partie les alliances contractuelles de seigneurs de leurs domaines91.
Parmi ces ordres, devises ou emprises, on peut citer l’ordre du Lévrier blanc initié par Charles III de Navarre, aujourd’hui assez bien connu et documenté92. Il permet au prince de rassembler sa noblesse et de fédérer ses états pyrénéens et normands séparés par près de 1000 km. Il contribue aussi à valoriser la chevalerie du royaume.
Les premières mentions de sociétés chevaleresques dans la principauté de Foix-Béarn sont liées à l’infante Jeanne d’Aragon, épouse de Mathieu de Foix-Castelbon (†1398) qui succède à Gaston Fébus en 1391. Vers 1390 déjà, Jean Ier d’Aragon reproche à son gendre Mathieu de Foix de porter la devise de la couronne double en bracelet et non en collier comme il le devrait93, ce qui n’empêche pas son épouse, en 1405, de concéder l’ordre aragonais, dont elle a reçu délégation, à cinq dames siciliennes94.
L’ordre ou emprise du Dragon de Jean Ier de Foix est surtout connu par ses statuts conservés mais son fonctionnement reste mal documenté95. Il prolonge en fait une “emprise” imaginée en 1406 par Jean Ier de Bourbon, alors comte de Clermont, et Jean de Foix, alors vicomte de Castelbon. Un texte de 1414, évoquant l’emprise du fer de prisonnier de Jean Ier de Bourbon précise au sujet de l’emprise du dragon : “Je, comte de Foix, fais savoir qu’il m’a été ordonné par elle… de porter par devers moi la devise d’un dragon d’or comme ma devise d’armes, et elle désire également que je le donne à porter à un certain nombre de dames et de pucelles, chevaliers et écuyers…”.
Emblèmes et guerres civiles
Mais ce sont principalement les guerres civiles qui ont contribué à la diffusion de cette emblématique princière hors du cadre curial.
Les princes méridionaux sont particulièrement impliqués dans deux grands conflits civils de la période : la crise des années 1358 et la Guerre Armagnacs-Bourguignons. Leur emblématique personnelle est alors déclinée dans des formes simplifiées adaptées à des partages à très large échelle.
Un des premiers exemples connus est celui de la livrée de Charles II de Navarre, rouge et bleu et associée au mot BONNE FOY, adoptée par Etienne Marcel et ses partisans qui en font le signe de la révolte parisienne et anti-nobiliaire de 1358-59.
La guerre civile Armagnac-Bourguignons fait quant à elle émerger les signes armagnacs face à l’arsenal emblématique de leur adversaire. Outre les broches à la sirène retrouvées dans la Seine et qui renvoient peut-être à des insignes partisans, c’est principalement l’étoffe blanche portée en bande qui identifie les membres de ce parti au même titre que leur cri Armaignac. Curieusement les chroniqueurs bourguignons semblent alors oublier que cette enseigne blanche héritait sans doute de l’enseigne militaire opposée à la croix rouge des Anglais sur la frontière franco-anglaise de Guyenne au début du XIVe siècle. Si Jean Jouvenel se contente de préciser que ceux qu’on disoit Armagnacs portoient la bande…, les auteurs bourguignons s’empressèrent de gloser sur cet emblème pour le déprécier à l’instar de Monstrelet qui nous apprend que icelle bende dont on faisoit à présent si grande feste et joye, avoit esté baillé ou temps passé aux prédécesseurs d’icelui conte, à la porter à tousjours lui et ses hoirs, pour la condampnation d’un pape, en signe d’amende, pour ung forfait que les devantdiz d’Armaignac avoient fait et commis contre l’Église, au temps dessusdit…96. C’est sous ce terme de “faux bandés armagnacs” ou “traîtres de la bande” que sont couramment désignés les membres du parti des princes.
L’image héraldique et emblématique du prince est donc bien plus qu’une simple traduction en signe de sa personne et de sa fonction. En l’inscrivant dans l’épaisseur généalogique d’un ou de plusieurs lignages, d’un patrimoine symbolique ou légendaire, elle sublime son pouvoir et l’attache à son terroir.
Par le biais de la diffusion de ces signes, de leur partage sous de multiples formes, le prince se dématérialise et élabore un réseau de fidélité qui assure son autorité, un mode de communication qui établit un dialogue permanent avec ses sujets.
Au carrefour d’influences emblématiques, entre France, Péninsule ibérique et Angleterre, les principautés méridionales reflètent parfaitement ces multiples potentialités de l’emblématique. Mais le sujet est loin d’être clos et des pans entiers du dossier restent dans l’ombre. Gageons que les projets de collectes numériques et les enquêtes monographiques apporteront bien des lumières encore sur ce riche corpus.
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Notes
- Je remercie vivement Véronique Lamazou-Duplan, Guilhem Pépin, Martin Aurell, Laurent Macé, Joan Mesquida, Pierre Courroux et Gauthier Langlois pour les conseils et informations.
- Le parti juxtapose verticalement deux armoiries distinctes dans un même écu. Cette solution se trouve à l’origine, dès la fin du XIIe siècle, chez quelques chevaliers qui arborent leurs armes familiales aux côtés de celles de leurs prestigieux parrains en chevalerie. Elle sera reprise pour associer deux pouvoirs dans un même signe – les armes de podestats par exemple – et se développe principalement dans le contexte des armoiries d’épouses qui associent ainsi les armes de leur mari à celles de leur père et composent une armoirie propre. Cette solution établit une hiérarchie entre la partie dextre (gauche dans le blason), plus honorable que la senestre (droite dans le blason). L’armoirie la plus prestigieuse (souverain, commune, époux) est donc énoncée en premier dans le sens de lecture (de gauche vers la droite). L’écartelé permet au contraire de résoudre plus ou moins la hiérarchisation des signes puisqu’une même arme est répétée deux fois, une fois en chef (en haut) et une fois en pied (en bas), à dextre et à senestre. Des lettres d’armoiries médiévales énoncent d’ailleurs ce principe. Malgré tout, même dans l’écartelé, la première armoirie citée en chef à dextre est la plus valorisée. Sur ces questions, voir Nassiet 1995.
- Rappelons qu’elle est la fille de Louis X et de Marguerite de Bourgogne, écartée du trône par l’assomption de la loi salique et sa possible illégitimité, spoliée de son héritage de Champagne et Brie et privée avant 1328 de son trône de Navarre.
- Voir les sceaux de la collection Douet d’Arcq (désormais D.) n° 11385 et bis et le catalogue de Menendez Pidal, 1995 (désormais NA), NA 1/58 et pour Jeanne D. 11386 bis et NA 1/52, NA 1/53 et 1/54.
- Sur son sceau comme reine de France, Jeanne Ière de Navarre compose un mi-parti de France et d’un coupé (division horizontale) Navarre et Champagne, coupé qui représente théoriquement la moitié gauche (senestre) d’un écartelé aux armes de Navarre et de Champagne. Mais, à ma connaissance, aucune figuration de cet écartelé n’est connue.
- NA 1/61 et NA 1/62. Sur les armes de Navarre sous Charles II voir Surget 2006, 97-125.
- AN J/255/138 : .22. Item. Ou moys de May ensuiant, le dit Roy de Navarre fist escarteler les armes de France avec lez siennes, et oster la diff.rence qu’il portoit et doit porter, et . celles armes fist faire toutes ses bannieres et ses penonceaulx, et oudit moys chevaucha publiquement. ses penonceaulx desdictes armes, . grant soison de gens d’armes, . aler au Chastel de S.es devers le Roy d’Arragon… Voir sur le sujet le brillant essai de Mikel Zuza Viniegra, En recta linea, Pamiela, 2022.
- Armes parties de Navarre/Évreux et des Espagne (écartelé en sautoir Aragon, Castille et Léon).
- Duval 2014.
- Pinoteau 2003.
- Cette légende est citée par le prince Charles de Viane dans la Genealogia Regum Navarre dès 1404 et précisée dans la Cronica de los reyes de Navarra de 1454.
- Cité dans l’Histoire de la Guerre de Navarre en 1276 et 1277 de Guillaume Anelier de Toulouse (Surget 2006, 106-107).
- Macé 2014, 115-125.
- Une erreur du catalogue de Douet d’Arcq, qui date de 1281 l’acte sur lequel apparaît la plus ancienne empreinte connue de ce second sceau de Roger-Bernard III (promesse au roi de partir en Terre sainte, Paris, 18 juillet 1281 (sic) lire 1291 (AN, J 332, n° 14) pourtant signalé de 1291 en entrée de notice (D. 666) a induit en erreur certains auteurs qui, comme Laurent Macé (Macé, 2014, 120), ont cru voir dans ce décalage, la preuve que Gaston VII avait cédé ses droits à son gendre dès 1281.
- D. 666 et 666 bis. Comme sur son sceau précédent comme comte de Foix, Roger-Bernard s’associe sur son sceau équestre aux armes de Castelbon (à trois losanges en chef).
- Macé 2020.
- Macé 2019, 322 et notes 1241, 1242 et 1243 cite le passage de la Canso qui évoque la bannière des comtes de Foix reconnue sous les murs de Toulouse, en septembre 1217 : “Roger-Bernard est venu au milieu de la mêlée… sa présence raffermit les courages, aussitôt qu’il y fut reconnu. Messire Pierre de Durban, le seigneur de Montégut lui portant son enseigne, dont la vue les a ranimés” (Canso, t. II, laisse 184, p. 288-289, v. 30 et 32-34)
- Voir en dernier lieu Menendez Pidal 2004.
- Macé 2020 rappelle l’union entre Roger III de Foix (c. 1124 †1148) et Ximena de Barcelone vers 1117 et les offices et fiefs confiées par les rois d’Aragon à Roger Bernard Ier.
- Macé 2014, 124.
- D. 662 avers.
- D. 664 et D. 665, hommage au roi de France, Orléans, Juillet 1241 (Archives de l’Empire J 532, n° 5). Une erreur du catalogue de Douet d’Arcq, qui rattachait au même document deux sceaux contrescellés différents du même sigillant, a permis d’établir une information importante. Durant le mois de juillet 1241, Roger de Foix scelle deux fois un hommage au roi de France, le premier avec ses matrices (sceau équestre et contre-sceau au château) de fils aîné, le second avec ses nouvelles matrices de comte. Quelques légères différences et une nouvelle titulature distinguent ces deux matrices.
- Cette armorie apparaît sur le sceau équestre de Raimond Bérenger IV connu par une empreinte de 1150.
- Aurell 1997, 119-155.
- Segunda Parte de la cronica general de Espana, de Pere antoni Beuter de 1551. Cette légende est reprise par les auteurs de traités de blason moderne comme Marc Vulson de la Colombière, Pierre Palliot ou Gilles André de la Roque. Voir aussi Riquer 2000 et Menéndez Pidal 2004, 100.
- Aurell 1998, 7-18.
- Bidot-Germa 2008, 349 et suiv.
- Je remercie Guilhem Pépin de m’avoir partagé le fruit de ses recherches encore inédites sur les armes de Béarn.
- Comme le souligne Guilhem Pépin, la vache de gueules est associée par Guillaume II de Moncade aux besants des Moncade et au château de Castelvieil. On la retrouve figurée au centre du sarcophage de son tombeau à l’abbaye de Santa Creus en Catalogne et sur la célèbre représentation de Guillaume II sur la peinture murale de la conquête de Majorque – où il trouva la mort – de la maison Berenguer d’Aguilar à Barcelone, datée de la fin du XIIIe siècle. Le vicomte porte sur son écu, son casque et sa housse de cheval des armes de gueules à six besants d’argents au chef d’argent chargé de deux vaches passantes de gueules, formule unique de cette association.
- Sur ses premier et deuxième sceaux connus par des empreintes de 1266 et 1276 (D. 414 et D. 415), l’écu aux vaches est accosté des six besants des Moncade disposés 3 et 3 en pal dans le champ et surmonte un château allusif aux armes Castelvieil.
- D. 666 et 666 bis. On notera que sur le contre sceau de petite dimension, les armes de Foix sont résumées à deux pals et celles de Béarn à une unique vache.
- D. 416.
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- Framond 1994, 76 et note 17.
- Pépin 2018.
- Pastoureau 1991, 63-82.
- Par le grei dou roy, il escartela ses armes, qui sont vermeilles, aus armes de France, pour ce que li roys l’avoit fait chevalier. Jean de Joinville, Natalis de Wailly éd. (1874), 220 (J. 524, GHC 3, 514-5).
- Ces armoiries sont conservées par ses fils et ses parents mais les brisures sont généralement seulement appliquées aux armes Albret, voir par exemple les armes du seigneur d’Orval (écartelé France Albret à la bordure engrêlée d’argent) dans l’Armorial du héraut Berry (v. 1450) Paris, BnF, Ms. Fr. 4985, fol. 35r. Michel Pastoureau souligne fort justement que l’on ne connaît pas les armes de Charles d’Albret avant cette concession. Son père Arnaud Amanieu (†1401) semble pour sa part conserver les armes d’Albret pleines (je remercie Pierre Couroux pour ses informations sur le sujet).
- Cette augmentation est à comparer avec les autres concessions des Valois, Charles V, Charles VI et Charles VII (voir sur le sujet mon mémoire inédit d’Habilitation). Même Jean-Galéas Visconti n’est autorisé à un tel partage (il est contraint de briser le quartier de France qui lui est concédé par Charles en 1395) et il faudra attendre la concession faite par Charles VII aux Douglas et aux Stuart pour voir une telle adoption par les armes se manifester.
- Hablot 2017, 37-55.
- La Plagne-Barris 1888-1889 et Douet d’Arcq 1863-1868
- C’est l’ambition du programme SIGILLA (sigilla.org) qui s’efforce de ne pas seulement citer la meilleure empreinte connue mais de collecter toutes les empreintes conservées issues d’une même matrice, en tenant compte du type de cire, du mode d’attache, du contre-sceau et de toutes les variantes qui font de chacune de ces empreintes des documents uniques.
- Voir par exemple le cas de la vicomté de Limoges et le rôle des monnaies dans la naissance des armes d’hermine plain en Bretagne (Hablot 2019a, 171-186)
- Blanchet et Schlumberger 1893.
- Office de la Vierge, Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0520 fol. 3.
- Mironneau 2014, 146-155.
- Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 1029, fol. H (8).
- Paris, BnF, Fr. 619, fol. 1.
- Montpellier, Bibliothèque de la faculté de Médecine, ms. H 95, fol. 1.
- Paris, Bibl. de l’Arsenal, ms. 3688 ; Paris, BnF, Fr. 619.
- Le portail Biblissima cite six manuscrits à ses armes auxquels on peut ajouter le Gênes, Raccolta Durrazo, ms. 127.
- On lui connaît le mot SERVIR LA VUEIL et EN CROISSANT NOUS AMENDONS.
- Londres, B. L., Royal 14 D V, fol. 8.
- Paris, BnF, Fr. 5054, fol. 222.
- Paris, BnF, Fr. 24399, fol. 89 v.
- Paris, BnF, Fr. 4985, fol. 119 v.
- Paris, An, AE I 25, n° 6, p. 11, n° 102. La notice, fautive, attribue ces armes à Gaston IV de Foix.
- Galés 2014, 132-143
- Bidot-Germa 2008,349-350.
- Paris, Musée des arts décoratifs, inv. 16329. Récemment exposée au musée de Cluny au sein de l’exposition “L’art en broderie au Moyen-Âge”. L’authenticité de la pièce, parfois mise en doute en raison de la forme très géométrique de l’écu, a été confirmée par Isabelle Bédat, restauratrice experte. Les armes sont accostées par les lettres R A D.
- Jean Froissart, Kervyn de Lettenhove éd. (1872), 79.
- Courteault 1895, 117 et Mérindol 1994.
- Hablot 2009, 331-347.
- Tucoo-Chala 1978, 345.
- Signalons une lettre d’anoblissement émise par Jean Ier d’Armagnac en faveur de Pierre et Jehan Boysson, datée de 1439 passée en vente en 2002 (maison Roch de Coligny). Ce type d’acte est fréquemment suivi d’une concession d’armoiries qui peut occasionnellement intégrer une partie des armes du donateur.
- Quelques exemples : concession de Charles II à Jean de Picquigny (1357) ; concession de Charles II aux branches bâtardes de Navarre, Laccara, Beaumont (1390-1410), concessions à des prélats (évêque de Pampelune), des familiers (Peralta), et à des villes (Artajona, Pampelune, Larraun).
- La vache peut servir de support héraldique (cf. les armes de Jean de Foix, évêque de Comminges) ou de devise (cf. Gaston IV de Foix).
- Framond 1982, R. 17 et R. 18.
- Pour les sceaux des Albret voir désormais la base SIGILLA.
- Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 1029, fol. 1. Cette scène peut être comparée avec le Goldene Roessl qui figure Charles VI dans une situation en partie analogue.
- Tucoo-Chala 1978, 341.
- Labat 2014. Les Bordeaux, premiers à porter le titre de captal de Buch qu’ils transmettent ensuite aux Albret et aux Grailly, portaient peut-être un écu d’or plain qui aurait motivé cette référence de leur cimier à Midas. Dans le récit arthurien, le roi Marc (March = cheval en gallois) de Cornouailles, oncle de Tristan, est lui aussi affublé d’oreilles d’âne, comme le roi irlandais Labraid (confondu avec Labret ?). L’enquête très fouillée, ne résout toutefois pas toutes les questions, notamment le choix d’un visage de maure ou la diffusion d’un motif analogue (tête de maure à grandes oreilles) ailleurs en France et en Europe.
- Courroux 2019.
- L’iconographie médiévale confond souvent les maures et les géants, parfois affublés des traits des maures (peau noire, nez retroussé, cheveux crépus), archétype de l’infidèle.
- Pépin 2014.
- Ce partage n’explique pas en revanche la parenté avec d’autres cimier de maure à grandes oreilles comme celui des Estouteville ou des da Carrara.
- Hablot 2016, 157-171.
- Paris, BnF, Fr. 4985.
- De façon assez exceptionnelle, Jean Ier fait figurer ce mot sur son contre-sceau. Framond 1998.
- Pour une synthèse sur cette question Hablot 2019b. La base DEVISE (devise.saprat.fr) répertorie tous ces emblèmes et leurs références.
- Sur l’emblématique des Navarre, Narbona 2008, 477-509.
- Cette emblématique apparaît à l’occasion de l’offrande lors de son enterrement en 1414. “Le batard de Tilh… était coiffé d’un cabasset de fer… et portait un manteau étroit aux armes dudit seigneur qui étaient une biche blanche avec une chaîne dorée au cou bien pendante au champ mi partie noir et rouge”. Cette emblématique figure également sur le caparaçon du cheval et sur l’étendard. Tucoo-Chala 1978, 342.
- Selon la chronique de Michel de Bernis (1445) cité par Mironneau 2014, 146-155.
- Jean de Grailly ajoute ce mot dans un colophon – Le livre est a celuy qui sans blasme en son droyt mot porte Jay Belle Dame – écrit dans plusieurs manuscrits dont certains appartenaient à Gaston Fébus : Faits des Romains (Paris, BnF, Fr. 23082, fol. 249v.) ; Valère Maxime (Troyes, médiathèque, ms. 261, fol. 279v.) ; Chronique de Burgos (Besançon, bibl. mun., ms. 1150, fol. 2v°) ; Elucidari de las proprietaz… (Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 1029) ; Livre de la Chasse (Paris, BnF, Fr. 619) ; Livre des oraisons (Paris, BnF, Fr. 619) ; Codex Vogüé (Cambridge, Corpus Christi college, dépôt James et Elizabeth J. Ferrel).
- René d’Anjou, Waron éd. (1980), 141.
- Ce grand mécène a commandité la splendide façade du palais épiscopal d’Alan et plusieurs manuscrits à ses armes, chiffre et devises – un tau en forme de M inversé et le mot SIGNUM DEI VIVI. Je remercie Guilhem Pépin pour une grande part de ces informations. Missel de Jean de Foix, Paris, BnF, Lat. 16827, fol. 21, 1492 ; Paris, BnF, Lat. 16827 et Paris, BnF, N. a. lat.3192, fol. 38.
- Courroux 2017.
- Voir la base SIGILLA et la base DEVISE. La lecture des doubles lettres VV ou du W qui forment un chiffre – une composition énigmatique – reste incertaine : élision d’un mot, initiales d’un prénom ?
- Je remercie vivement Joan Domenge Mesquida pour cette information tirée de Sanpere 1878, 81-84.
- Voir le sujet les contributions de C. Jeay, P. Charron, V. Lamazou-Duplan et Ghislain Brunel, G. Ferrand dans Lamazou-Duplan, dir. (2014), 86-117.
- Alauzier 1952, 149-150 ; Morel 1951, 523-534.
- Narbona 2008, 2011.
- Lightbown 1992, 260 et suiv.
- ACA, C, 2056, f. 73. Je remercie vivement Juan Domenge pour ces informations.
- Lewis 1964, 77-84.
- Enguerrand de Monstrelet, Douët d’Arcq éd. (1862), p. 466-467