Que cela soit d’un point de vue littéraire ou iconographique, la représentation des chaussures dans l’Antiquité exprime métaphoriquement des thèmes liés à la mobilité, à la transition, à la transformation1 ; c’est alors la question même de l’identité de la personne qui endosse les chaussures qui peut être définie par cet acte d’apparence anodine. Que l’on pense ici, par exemple, au début de la Vie de Thésée de Plutarque2 : à Trézène, Égée quitte Aithra, qui est alors enceinte du futur Thésée, en laissant son épée et ses chaussures sous un rocher. Ces signes de reconnaissance ne seront accessibles au jeune homme que lorsqu’il sera capable de démontrer physiquement, en soulevant la pierre, qu’il est digne de cette ascendance, qu’il peut chausser les sandales de son père et, par là même, connaître ses origines, qui lui étaient jusqu’alors inconnues. La chaussure peut également fonctionner comme un indice permettant de définir l’identité et le destin d’une personne, parfois à son insu : ainsi, dans la Quatrième Pythique3, ou au début des Argonautiques4, Pélias est capable de reconnaître en Jason l’individu “monosandalos” qui causera sa perte5, avant même qu’il soit explicitement nommé par le poète, alors que le héros, lui, n’a pas encore conscience de sa destinée.
Élément d’habillement défini par Platon comme essentiel au deuxième livre de la République – puisque le cordonnier fait partie, avec le laboureur, le maçon et le tisserand, des personnes nécessaires à la constitution de la cité primitive juste et saine6 –, les chaussures apparaissent comme élément métaphorique dans des expressions qui peuvent devenir proverbiales, en grec comme en latin7. Dans le cadre de cette étude, sera uniquement pris en compte, pour désigner les chaussures, le terme assez générique de calcei8, sorte de bottines d’origine étrusque qui pouvaient, selon les modèles, être portés par des hommes, voire des femmes, des personnes pauvres ou riches9. Ainsi, chez Plaute, dans le Truculentus, se retrouve dans les propos du jeune Diniarque, amoureux éconduit par Phronésie au profit de deux autres amants, le soldat Stratophane et le riche paysan Strabax, l’image des calcei comme définition de soi :
† Nihil me † perdidi omne quod fuit : fio impudens,
nec mi adeost tantillum pensi iam quos capiam calceos.
“Rien ne <me retient>10, j’ai perdu tout ce que j’avais ; je deviens effronté et je ne me soucie plus du tout à présent de savoir avec quels souliers je me chausse11.”
Ainsi, l’indifférence affirmée par le jeune homme concernant les chaussures qu’il porte devient une marque de mise en question de son identité et de son rôle – dans une perspective métathéâtrale – de jeune citadin12, qui souligne ici à la fois sa colère et son refus de se conformer au comportement attendu de lui13, comme le prouvent le terme impudens ou l’expression tantillum pensi.
Le fait même que les calcei, à la différence d’autres types de chaussures, puissent être portés par la quasi-totalité de la population, au-delà de toute condition sociale, leur confère l’image d’une forme d’adéquation à la romanité14 ; c’est alors le contexte qui permet de trancher ce que recouvre réellement le fait de porter ce type de chaussures dans une situation donnée, à quel statut social elles renvoient. De fait, comme l’écrivent Florence Gherchanoc et Valérie Huet, “le vêtement est inséparable de ses usages, des époques et des espaces : il est connoté et véhicule un message politique, social, économique et religieux. Il sert par exemple des stratégies de distinction, est un outil pour se faire Autre et qualifie ou disqualifie des manières d’être. Par le vêtement, les individus ou des groupes se singularisent plutôt qu’ils ne suivent une mode ! Le vêtement est un langage rhétorique et à ce titre un vecteur d’identité. Les apparences, le vêtement et les parures associées disent l’individu, définissent qui et ce qu’il est. […] Comme dans la physiognomonie, où l’apparence physique et la personnalité forment un tout, les manières de se vêtir et de se dévêtir ou d’être dévêtu sont comprises comme autant de manifestations de la phusis (nature) des individus et expliquent leur genre de vie, leurs comportements et leurs mœurs (epitêdeumata/mores)15.”
Or, dans un passage du livre I du De oratore, ce sont justement ces calcei qui symbolisent l’inadéquation au decorum romain : Cicéron y évoque les propos de Socrate face à ses juges et le fait que le philosophe aurait refusé le discours de défense écrit pour lui par son ami Lysias, au prétexte que ce discours ne pourrait, comme des calcei de Sicyone16, ville du golfe de Corinthe, convenir à la situation. Pour éclairer la métaphore proposée par le philosophe athénien entre les chaussures et l’éloquence déployée par l’orateur, à laquelle Cicéron semble souscrire, nous voudrions étudier quelles images l’Arpinate associe aux calcei, avant d’analyser directement le texte du De oratore, et voir comment les chaussures peuvent devenir le symbole d’une pratique oratoire correcte.
Les calcei, symbole de la respectabilité de l’homme d’État
Dans les textes cicéroniens, les calcei désignent majoritairement l’habillement définitoire du citoyen17, jusqu’à devenir un marqueur de la romanité – et de la respectabilité qu’elle implique – par rapport à d’autres peuples18, et particulièrement un marqueur du rang sénatorial. De façon plus précise, le fait de chausser des calcei désigne l’habillement normal du sénateur lorsqu’il agit en tant que tel, et souligne donc les activités accomplies par celui-ci. Ainsi, dans le récit-cadre du De Republica de Cicéron19, Scipion, pour sortir de sa chambre et accueillir Laelius qu’il respecte profondément, chausse des calcei, signalant le passage de l’espace privé à l’espace public, ou semi-public qu’est le portique de sa villa.
Le mouvement inverse, enlever ses chaussures de sénateur, ou du moins changer de chaussures, lorsque l’on rentre chez soi et que l’on quitte donc l’espace public, est aussi normal, comme le souligne Cicéron dans le Pro Milone20, où il tente de donner la meilleure image possible de l’accusé, sous-entendant par la mention de ces détails de la vie quotidienne qu’il n’a pas pu préméditer la mort de Clodius21. La réussite de ce portrait est d’ailleurs mentionnée par Quintilien, qui en loue la simplicité et l’efficacité :
Vt a Cicerone sunt quidem utilissime praedicta omnia, per quae Miloni Clodius, non Clodio Milo insidiatus esse uideatur ; plurimum tamen facit illa callidissima simplicitatis imitatio : ‘Milo autem, cum in senatu fuisset eo die quoad senatus est dimissus, domum uenit, calceos et uestimenta mutauit, paulisper, dum se uxor, ut fit, comparat, commoratus est.’ Quam nihil festinato, nihil praeparato fecisse uidetur Milo ! Quod non solum rebus ipsis uir eloquentissimus, quibus moras et lentum profectionis ordinem ducit, sed uerbis etiam uulgaribus et cotidianis et arte occulta consecutus est ; quae si aliter dicta essent, strepitu ipso iudicem ad custodiendum patronum excitassent.
“Cicéron, par exemple, a très bien servi la cause, en indiquant d’avance tout ce qui est de nature à montrer que c’est Clodius qui a tendu l’embuscade à Milon, et non Milon à Clodius, mais ce qui a produit le meilleur effet, c’est cet air de candeur très habilement feint : ‘Quant à Milon, qui était resté ce jour-là au sénat jusqu’au moment où la séance fut levée, il rentra chez lui, changea de chaussures et de vêtements, attendit quelques instants, comme il arrive, que sa femme fût prête’. Quelle absence de précipitation, quelle absence de préméditation, on le voit, chez Milon ! Cet effet, l’éminent orateur ne l’a pas seulement obtenu par les détails mêmes qui indiquent les délais et la lenteur du dispositif de départ, mais aussi par le recours à des mots ordinaires, des mots de tous les jours et un art voilé ; s’il avait parlé autrement, l’éclat des mots aurait suffi à mettre le juge en garde contre l’avocat22.”
Ainsi, si les calcei, souvent associés à la toga, définissent la tenue traditionnelle du sénateur et marquent à la fois la respectabilité de la fonction et de la personne puisque cette dernière endosse le costume conforme aux usages de la bienséance romaine dans ses activités publiques23, ces chaussures peuvent au contraire révéler l’inadéquation de l’homme à la charge qu’il entend occuper. La rapidité avec laquelle est alors décrit, dans les Philippiques, le changement de chaussures d’un certain Asinius24 – qui indique la vitesse avec laquelle il est devenu sénateur après la mort de César – peut apparaître comme une dénonciation de son comportement et de sa personne tout entière et au-delà, de celle d’Antoine bien entendu :
Est etiam Asinius quidam, senator uoluntarius, lectus ipse a se : apertam curiam uidit post Caesaris mortem ; mutauit calceos, pater conscriptus repente factus est.
“Il y a aussi un certain Asinius, sénateur volontaire, qui s’est choisi lui-même : il vit la curie ouverte après la mort de César, il changea de chaussures et devint tout à coup sénateur25.”
L’hapax que constitue l’expression senator uoluntarius souligne encore le caractère ironique de la situation puisque les termes ne désignent aucune charge réelle ; Asinius ne serait alors devenu sénateur que par la volonté d’Antoine, sans en avoir ni les capacités ni la stature, créant par là le statut monstrueux d’un sénateur-soldat, puisque le terme de uoluntarius fait aussi écho aux engagés volontaires26. L’acte de changer de chaussures, qui devrait être le moyen métaphorique de désigner une réelle évolution de statut et de rang social27, est alors réduit à un simple changement de tenue aux lourdes conséquences !
À l’époque impériale, les chaussures restent l’indice de l’adéquation d’un personnage à son statut social et politique ; le fait d’être mal chaussé fonctionne alors comme un signe d’un mauvais comportement, comme le montrent les descriptions physiques de Caligula et de Néron par Suétone, le premier endossant tour à tour des sandales, des cothurnes, des chaussures de soldat ou encore de femme28, le second pouvant aller jusqu’à apparaître pieds nus29, ce qui, hors contexte religieux, est l’apanage des pauvres, voire des esclaves30. De fait, l’habitus vestimentaire des personnages décrits par Suétone exprime leurs défauts (ou leurs qualités lorsqu’il s’agit d’Auguste) puisque “la tenue [de Caligula] relève plus du déguisement et du travestissement que de la dignité d’un Romain”31.
Ainsi les calcei apparaissent bien chez Cicéron comme l’indice et le symbole d’un statut social élevé, souvent celui de sénateur, et de la dignité qui y est normalement associée.
Les chaussures de Socrate : un philosophe en arbitre des élégances vestimentaires et oratoires ?
Le fait que Cicéron choisisse de mettre dans la bouche du Socrate qu’il fait parler au premier livre du De oratore une métaphore dont le comparant est une chaussure ne manque pas de saveur32. En effet, si l’on se penche sur l’image qui est donnée du philosophe athénien dans les sources grecques33, puis dans les sources latines et particulièrement chez Cicéron lui-même, c’est bien comme un philosophe aux pieds nus qu’il apparaît34.
Ainsi, dans les dialogues platoniciens, les mentions sont de deux ordres ; elles soulignent d’une part le caractère humble, voire pauvre de Socrate35, qui ne porte des sandales, au début du Banquet, que pour rendre hommage à ses hôtes et à la beauté d’Agathon36, ou encore dans le Phèdre où le personnage éponyme est pieds nus, ce qui est contraire à son habitude, mais pas à celle du philosophe37. D’autre part, l’entraînement physique que représente le fait de marcher pieds nus par tous les temps est défini comme un exercice particulièrement favorable pour accroître sa résistance dans les Lois38]. Socrate incarne lui-même cette endurance dans la fameuse description que fait de lui Alcibiade dans le Banquet lorsqu’il relate l’expédition de Potidée39. Ces deux éléments, la pauvreté et la résistance physique, que l’on retrouve dans la réception postérieure du philosophe, chez Diogène Laërce par exemple, sont des caractéristiques qui tendent à la lecture cynicisante de la figure socratique, dans l’assimilation qui peut parfois être faite avec la figure de Diogène40. De fait, l’attitude de Socrate, sans sandales, se trouve en décalage, parfois léger, dans le Phèdre, parfois plus appuyé, dans le Banquet, avec celle de ses compatriotes, qui y voient l’affirmation d’une individualité qui peut apparaître dérangeante.
Le Socrate aux pieds nus apparaît également chez Cicéron, tout particulièrement à l’ouverture du De oratore, dans le récit-cadre qui fonctionne comme un décalque du Phèdre, tout en organisant une acculturation sinon du personnage de Socrate, du moins de la situation, à la société romaine, à la fois d’un point de vue thématique, mais aussi rhétorique41.
Cur non imitamur, Crasse, Socratem illum qui est in Phaedro Platonis ? Nam me haec tua platanus admonuit, quae non minus ad opacandum hunc locum patulis est diffusa ramis quam illa cuius umbram secutus est Socrates, quae mihi uidetur non tam ipsa acula, quae describitur, quam Platonis oratione creuisse ; et quod ille durissimis pedibus fecit, ut se abiceret in herba atque ita illa, quae philosophi diuinitus ferunt esse dicta, loqueretur, id meis pedibus certe concedi est aequius. Tum Crassum : Immo uero commodius etiam ; puluinosque poposcisse et omnis in eis sedibus, quae erant sub platano, consedisse dicebat.
“Que n’imitons-nous Socrate, mon cher Crassus, dit Scaevola, le Socrate du Phèdre de Platon ? Ce qui me fait songer à cette ressemblance, c’est ton platane, aux branches largement déployées. Sans doute il ne répandait pas plus de fraîcheur, celui dont l’ombrage fut si recherché par Socrate, et qui me semble redevable de l’importance qu’il a prise, beaucoup moins au filet d’eau de la source voisine qu’à la description qu’en a laissée Platon. Si Socrate, aux pieds nus endurcis, s’est cependant étendu sur l’herbe pour faire entendre les divins propos que lui prêtent les philosophes, à coup sûr j’accorde avec plus de justice cette faveur à mes propres pieds. Mieux que cela, dit Crassus, avec plus d’agrément. Alors il fit apporter des coussins, et chacun prit place sur les sièges disposés à l’ombre du platane42.”
Dans son récit-cadre, Cicéron confie au personnage de Scaevola le rôle de construire un décor semblable à celui du Phèdre43, par la simple évocation des détails caractéristiques du dialogue platonicien qui, à eux seuls, résument et symbolisent le texte-source44, chargeant ainsi le De oratore d’une mémoire textuelle45. Cependant, le rapport d’imitation se double d’une pratique d’émulation, marqué par les comparatifs aequius et commodius, qui passe par une focalisation sur les pieds des personnages, ceux de Socrate, qualifiés de durissimi et ceux de Scaevola, qui reposeront donc sur des coussins.
Cette dimension métatextuelle touche aussi le Socrate évoqué, celui du Phèdre, ce qui montre d’ailleurs que Cicéron était tout à fait conscient de la construction et de l’évolution de la figure socratique, qui n’est pas tant le personnage historique que la figure littéraire. Si Socrate est bien désigné comme en train de dialoguer (loqueretur), il convient de noter que le choix du dialogue n’est pas neutre pour un traité sur l’art oratoire comme le De oratore : le Phèdre est en effet un dialogue bien plus favorable à la rhétorique, à la différence du Gorgias par exemple.
L’émulation, voire le dépassement, est donc présent puisque, tout en se réclamant du dialogue platonicien, Cicéron infléchit fortement le genre : si l’on applique une lecture métaphorique à la scène, l’opposition vigoureuse entre les participants du dialogue, que suppose la mise en aporie socratique (soulignée par les pieds endurcis de Socrate), ne peut pas être acceptée : l’adoucissement46, symbolisé par les coussins, passera alors par un traitement plus aristotélicien du genre dialogique, la disputatio in utramque partem, et par la seule réunion de personnages appartenant au même milieu social, partageant donc les mêmes valeurs et les mêmes préoccupations, dans l’intimité du jardin d’une villa privée47. Ainsi, si le Socrate aux pieds nus, endurcis, du Phèdre est bien l’un des points de départ de la réflexion cicéronienne sur l’éloquence, le dépassement de ce personnage est rendu néanmoins nécessaire.
C’est cette même tension que nous allons retrouver plus loin dans le dialogue, où Socrate fait figure à la fois de modèle et de contre-modèle, à la fois vestimentaire et rhétorique. Il est alors surprenant, voire paradoxal si l’on s’en tient à nos sources grecques, de retrouver Socrate en arbitre des règles de bienséance liées au vêtement, par le choix de la métaphore des chaussures de Sicyone. Sollicité pour exposer les règles de l’art oratoire, Antoine, qui affirme ne pas les connaître, propose de décrire sa propre méthode48 : à l’universalité des connaissances, inatteignable, il oppose comme conditions minimales le charme des paroles et leur caractère convaincant. La définition de l’orateur idéal d’Antoine repose donc avant tout sur un esprit pénétrant, une habileté naturelle et une grande expérience49 et s’ancre ainsi dans une vision concrète du monde, loin de l’idéalisme de Crassus ou de la République platonicienne50.
Or, c’est bien dans cette cité réelle que des comportements, des discours comme ceux de Socrate ou encore de Publius Rutilius Rufus ne peuvent être admissibles selon Antoine. De fait, ce dernier entrelace l’attitude de Socrate face à ses juges et le procès de Publius Rutilius Rufus51 : en 92 a.C., après avoir été légat de Quintus Mucius Scaevola, alors gouverneur de la province d’Asie52, Rutilius s’attira les foudres des publicains, les accusant d’effectuer les levées de taxe de façon malhonnête, et fut alors poursuivi pour concussion. Bien que l’accusation ait été clairement perçue comme mensongère, les membres du jury, qui appartenaient à l’ordre équestre, le condamnèrent à l’exil ; il se retira à Mytilène, puis à Smyrne53. Au cours du procès, Rutilius, suivant les principes des Stoïciens, refusa d’apitoyer ses juges pour privilégier l’expression de la simple vérité. Le rapprochement entre Socrate et Rutilius se retrouve d’ailleurs dans la latinité chez Quintilien54.
Ce caractère incompatible entre l’attitude de Socrate et celle de Rutilius au cours de leurs procès et le fonctionnement de la justice à Rome est mis en lumière par le traitement sur le mode parodique de l’actio du discours de défense de Rutilius. Ce qui importe en effet, ce n’est pas de remporter le procès, mais de ne pas déplaire aux membres du Portique : se révèle alors une sorte de chaos où les philosophes prennent la place des juges, et où les valeurs de la philosophie remplacent les comportements attendus dans le cadre d’une rhétorique judiciaire. De même, Socrate et Rutilius ne sont plus des accusés, supplices, mais des maîtres de sagesse : les domaines privé et public sont mélangés, tout comme ceux de l’otium et de la res publica. De ce chaos naît le manque d’efficacité des discours, qui conduit à la condamnation de Socrate comme de Rutilius :
Nunc talis uir amissus est, dum causa ita dicitur, ut si in illa commenticia Platonis ciuitate res ageretur : nemo ingemuit, nemo inclamauit patronorum, nihil cuiquam doluit, nemo est questus, nemo rem publicam implorauit, nemo supplicauit ; quid multa ? Pedem nemo in illo iudicio supplosit, credo, ne Stoicis renuntiaretur. Imitatus est homo Romanus et consularis ueterem illum Socratem, qui, cum omnium sapientissimus esset sanctissimeque uixisset, ita in iudicio capitis pro se ipse dixit, ut non supplex aut reus, sed magister aut dominus uideretur esse iudicum. Quin etiam, cum ei scriptam orationem disertissimus orator Lysias attulisset, quam, si ei uideretur, edisceret, ut ea pro se in iudicio uteretur, non inuitus legit et commode scriptam esse dixit ; “sed, inquit, ut, si mihi calceos Sicyonios attulisses, non uterer, quamuis essent habiles atque apti ad pedem, quia non essent uiriles”, sic illam orationem disertam sibi et oratoriam uideri, fortem et uirilem non uideri. Ergo ille quoque damnatus est ; neque solum primis sententiis, quibus tantum statuebant iudices damnarent an absoluerent, sed etiam illis, quas iterum legibus ferre debebant. […] Cuius responso iudices sic exarserunt, ut capitis hominem innocentissimum condemnarent. Qui quidem si absolutus esset, quod mehercule, etiam si nihil ad nos pertinet, tamen propter eius ingeni magnitudinem uellem, quonam modo istos philosophos ferre possemus, qui nunc, cum ille damnatus est nullam aliam ob culpam nisi propter dicendi inscientiam, tamen a se oportere dicunt peti praecepta dicendi ? Quibuscum ego non pugno utrum sit melius aut uerius : tantum dico et aliud illud esse atque hoc, et hoc sine illo summum esse posse.
“Et maintenant ce grand homme est perdu pour nous, parce que sa cause fut plaidée comme elle eût pu l’être dans la république idéale de Platon. Pas un de ses avocats n’eut un gémissement, une exclamation, un cri de douleur, une plainte ; pas un n’implora la patrie, ne fit appel à la pitié ; bref, pendant tout ce mémorable procès, pas un n’osa frapper la terre du pied : on craignait, j’imagine, que le fait ne fût dénoncé aux Stoïciens. Il imita ainsi, ce Romain, ce consulaire, l’antique Socrate, Socrate, le plus sage des hommes, qui, après la vie la plus pure, dans un procès où il y allait de sa tête, se défendit lui-même de telle sorte, qu’il semblait non point un suppliant ou un accusé, mais un précepteur qui donne des leçons : je me trompe, un maître qui donne des ordres à ses juges. Bien mieux, le très habile orateur Lysias lui ayant apporté un discours tout écrit, qu’il pût apprendre par cœur s’il le jugeait à propos, pour le débiter en son nom devant le tribunal, le philosophe le lut volontiers et le déclara plein de talent : ‘Mais, ajouta-t-il, si tu m’avais apporté des souliers de Sicyone, je ne les mettrais point, quelque bien faits qu’ils fussent et adaptés à mon pied, parce que cette chaussure n’est pas digne d’un homme. De même ton discours me paraît habile, un vrai discours d’orateur ; mais je ne le trouve point assez ferme, ni d’un homme’. En conséquence, il fut condamné lui aussi, et non seulement par un premier vote où l’on bornait à déclarer l’accusé coupable ou absous, mais par un second, que les juges conformément aux lois, devaient rendre. […] La réponse de Socrate irrita tellement les juges que le plus innocent des hommes fut condamné à mort. Mais s’il eût été absous (et par Hercule, quoique cela ne nous importe guère, je le voudrais tout de même, par admiration pour ce grand génie), ne seraient-elles pas devenues intolérables, les prétentions de tes philosophes, de ces gens qui aujourd’hui encore, après que Socrate a succombé uniquement pour avoir manqué d’éloquence, osent venir nous dire que c’est à la philosophie qu’il faut aller demander les préceptes de l’art oratoire ? Je ne dispute pas d’ailleurs avec eux pour savoir de quel côté se trouve le bien ou le vrai. Je dis seulement que leur art est différent du nôtre et que le nôtre, sans le leur, peut atteindre à la perfection55.”
Sont ici mises en parallèle deux oppositions, deux rejets d’un discours judiciaire. Le premier, qui suit le fil directeur de la démonstration du De oratore, est le rejet d’Antoine pour le discours de défense de Socrate face à ses juges : même si ce dernier déplore la mort du philosophe qui suit logiquement sa condamnation, le discours en lui-même ne peut être acceptable, et surtout transposable à Rome, comme le montre l’exemple de Rutilius Rufus.
Le second refus est celui de Socrate face au discours qu’aurait écrit pour lui Lysias, au prétexte que ce discours, comme les chaussures de Sicyone, ne serait ni fortis, ni uirilis. Cicéron rapporte ici une anecdote très peu connue sur le procès de Socrate : dans la latinité, seul Valère Maxime évoque cette anecdote56, en faisant disparaître la métaphore des chaussures. Diogène Laërce en revanche la reprend57. Chez ces trois auteurs, l’origine de l’anecdote reste inconnue, mais le refus d’une défense traditionnelle se retrouve néanmoins chez les Socratiques, et notamment chez Xénophon58.
S’il est paradoxal de voir un Socrate spécialiste de convenances vestimentaires et des chaussures de Sicyone particulièrement, il convient de noter aussi que les propos du philosophe, cités au style direct, apparaissent en contradiction avec la conclusion que tire Antoine de l’anecdote : la condamnation de Socrate serait, selon lui, due à une dicendi inscientia, un manque de connaissance des règles de l’éloquence. Pourtant, le philosophe est capable de reconnaître les vertus du texte de Lysias, qualifiée d’oratio diserta et oratoria, mais il choisit justement de ne pas avoir recours à cette éloquence, ce qui marque ici un parallèle avec la source platonicienne, l’Apologie de Socrate59, où ce dernier affirme clairement que ce ne sont pas les discours, l’art oratoire qui lui manquent, mais la volonté de la mettre en pratique60. Le Socrate qui nous est donné à voir est également “romanisé” dans son rapport à l’art oratoire : en refusant, pour se défendre, le discours écrit par un autre, il se conforme à la pratique romaine qui ne prévoit pas de logographe et où chacun prononce son propre discours – à moins d’être défendu par son patronus.
Les chaussures de la rhétorique : discours et decorum
Pour déplier la métaphore des chaussures proprement dite, il faut noter que, comme pour le discours proposé par Lysias, le problème n’est pas lié à leur élaboration, qui remplissent la fonction que l’on attend d’elles : elles sont habiles, apti ad pedem, c’est-à-dire qu’elles sont bien adaptées au corps de celui qui les chausse, qu’elles sont agréables à porter. Si l’idée d’harmonie avec le corps est l’un des critères du beau et de l’utile en ce qui concerne les éléments vestimentaires, comme on peut le lire dans les Mémorables de Xénophon à propos des armures61, dont la nature rigide et contrainte peut se rapprocher des chaussures, force est de constater que le problème est ici lié à l’articulation entre l’adaptation (des chaussures, du discours…) aux normes sociales et à la personne-même de l’orateur, ainsi que Cicéron l’expose dans l’Orator :
Vt enim in uita sic in oratione nihil est difficilius quam quid deceat uidere. Πρέπον appellant hoc Graeci, nos dicamus sane decorum. De quo praeclare et multa praecipiuntur et res est cognitione dignissima. Huius ignoratione non modo in uita sed saepissime et in poematis et in oratione peccatur. Est autem quid deceat oratori uidendum non in sententiis solum sed etiam in uerbis. Non enim omnis fortuna non omnis honos non omnis auctoritas non omnis aetas nec uero locus aut tempus aut auditor omnis eodem aut uerborum genere tractandus est aut sententiarum semperque in omni parte orationis ut uitae quid deceat est considerandum ; quod et in re de qua agitur positum est et in personis et eorum qui dicunt et eorum qui audiunt.
“Dans un discours, tout comme dans la vie, rien n’est plus difficile que de voir ce qui convient. Les Grecs appellent cela πρέπον, et, quant à nous, nous pouvons très bien dire decorum. On donne là-dessus beaucoup de préceptes excellents et la chose mérite au plus haut point qu’on s’en instruise : c’est en l’ignorant que l’on commet des fautes non seulement dans la vie, mais très souvent aussi en poésie et dans l’éloquence. L’orateur doit voir ce qui est convenable dans les idées, mais aussi dans les mots. En effet, toutes les conditions, toutes les dignités, toutes les autorités, tous les âges, et même tous les lieux, les temps et les auditoires ne doivent pas être traités en usant du même genre de mots ou d’idées, et toujours, dans toutes les parties du discours comme de la vie, il faut considérer ce qui convient. Le principe en réside dans l’objet dont on traite et dans les personnes tant de ceux qui parlent que de ceux qui écoutent62.”
En ce sens, ce sont bien le beau et le convenable, l’honestum et le decorum, qui doivent aller de pair63, comme l’explique Cicéron au premier livre du De officiis :
Sequitur ut de una reliqua parte honestatis dicendum sit, in qua uerecundia et quasi quidam ornatus uitae, temperantia et modestia omnisque sedatio perturbationum animi et rerum modus cernitur. Hoc loco continetur id quod dici latine decorum potest, graece enim πρέπον dicitur decorum. Huius uis ea est, ut ab honesto non queat separari ; nam et quod decet honestum est et quod honestum est decet.
“Il reste à parler d’une seule et dernière division de la beauté morale, où l’on distingue le respect et, comme autant de parures de la vie, la tempérance et la pondération, toute maîtrise des troubles de l’âme et la mesure de toutes choses. Ce point constitue ce qu’on peut appeler en latin decorum, le convenable ; on dit en effet πρέπον en grec. La signification en est telle qu’on ne peut le dissocier de la beauté morale, car ce qui est convenable est beau et ce qui est beau est convenable64.”
Ainsi, les chaussures de Sicyone pourraient bien être adaptées au corps de Socrate, elles ne sont pas adaptées au decorum, c’est-à-dire ici au fait que Socrate soit un homme, accusé dans un procès, puisque les chaussures sont définies comme non uiriles. C’est encore ici le De officiis qui nous permet d’entrer dans une distinction genrée et d’ainsi faire la part entre une beauté dite féminine et une beauté, elle, proprement masculine en ce qui concerne les corps65 :
Cum autem pulchritudinis duo genera sint, quorum in altero uenustas sit, in altero dignitas, uenustatem muliebrem ducere debemus, dignitatem uirilem. Ergo et a forma remoueatur omnis uiro non dignus ornatus, et huic simile uitium in gestu motuque caueatur.
“Il existe deux genres de beauté : dans l’un réside la grâce, dans l’autre la dignité, et nous devons considérer la grâce comme propre à la femme, la dignité comme propre à l’homme. Par conséquent, l’on bannira de son aspect physique tout apprêt qui n’est pas digne d’un homme, et l’on se gardera de semblable défaut dans le geste et le mouvement66.”
À ce titre, il convient de se pencher maintenant davantage sur les chaussures de Sicyone proprement dites : outre leur mention chez Cicéron, elles apparaissent à trois reprises dans la littérature latine. Les deux premières occurrences de ces chaussures les relient à des personnages féminins. Chez Lucilius, le caractère très fragmentaire de la description de ce vers isolé restreint bien entendu son analyse :
et pedibus laeua Sicyonia demit honesta.
“Et, de sa main gauche, elle retire de ses pieds les belles sandales de Sicyone67.”
L’éditeur François Charpin se contente de le décrire comme un portrait en actes d’une femme68, même si la mention du caractère féminin tient peut-être davantage à l’influence du texte cicéronien qu’au vers lui-même, ainsi qu’au choix du terme honesta pour décrire le caractère esthétique des chaussures.
En revanche, dans la pièce Ciris de l’Appendix Vergiliana, le lien avec un personnage féminin est avéré puisque le carmen relate la transformation en oiseau de Scylla, fille de Nisos, le roi de Mégare, qui trahit son père par amour en coupant la mèche de cheveux qui lui assure protection :
coccina non teneris pedibus Sicyonia seruans,
“Les rouges sandales de Sicyone n’enserrent plus ses pieds délicats69.”
Cependant, dans le De rerum natura de Lucrèce, les chaussures de Sicyone deviennent un symbole du luxe et de l’avilissement70 :
Labitur interea res et Babylonia fiunt,
languent officia atque aegrotat fama uacillans.
Vnguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident,
scilicet, et grandes uiridi cum luce zmaragdi
auro includuntur teriturque thalassina uestis
adsidue, et Veneris sudorem exercita potat.
“Leurs biens vont en fumée, en tapis de Babylone,
Leurs devoirs languissent, leur renommée chancelle.
À leurs pieds parfumés rient des merveilles, de Sicyone
bien sûr ! De grosses émeraudes dans l’or serties
jettent des feux verdâtres et leur vêtement de pourpre
s’use à toujours boire la sueur de Vénus71.”
Le contexte de la citation est clairement négatif, puisque Lucrèce décrit ici les affres de la passion amoureuse qui survient lorsqu’un besoin naturel et nécessaire, la reproduction, est transformé en exaltation sentimentale, ce qui contrevient à la sérénité et à la tranquillité, mais entraîne également des retombées sociales. Cela apparaît clairement dans la description de la possession physique, qui précède notre passage, dont l’apparente nécessité renaît après chaque étreinte, créant ainsi un désir impossible à combler. Le luxe de la mise des amants, que souligne les précieuses sandales de Sicyone72, et tous les autres matériaux onéreux, évoque alors à la fois le gaspillage des ressources financières et du temps qui s’écoule en vain, desidiose (v. 1136)73, tandis qu’ils oublient leurs officia et leur fama74. À ce titre, ces chaussures incarnent donc la rupture vis-à-vis du decorum attendu de citoyens romains. Il est d’ailleurs amusant de noter que ces chaussures de Sicyone deviendront, chez Lucien, l’équipement de base du mauvais orateur, celui qui ne pourrait qu’être condamné pour sa mise, sa pratique et son attitude :
Κόμιζε τοίνυν τὸ μέγιστον μὲν τὴν ἀμαθίαν, εἶτα θράσος, ἐπὶ τούτοις δὲ τόλμαν καὶ ἀναισχυντίαν. Αἰδῶ δὲ ἢ ἐπιείκειαν ἢ μετριότητα ἢ ἐρύθημα οἴκοι ἀπόλιπε· ἀχρεῖα γὰρ καὶ ὑπεναντία τῷ πράγματι. Ἀλλὰ καὶ βοὴν ὅτι μεγίστην καὶ μέλος ἀναίσχυντον καὶ βάδισμα οἷον τὸ ἐμόν. Ταῦτα δὲ ἀναγκαῖα πάνυ καὶ μόνα ἔστιν ὅτε ἱκανά. Καὶ ἡ ἐσθὴς δὲ ἔστω εὐανθὴς ἢ λευκή, ἔργον τῆς Ταραντίνης ἐργασίας, ὡς διαφαίνεσθαι τὸ σῶμα, καὶ ἢ κρηπὶς Ἀττικὴ γυναικεία, τὸ πολυσχιδές, ἢ ἐμβὰς Σικυωνία πίλοις τοῖς λευκοῖς ἐπιπρέπουσα, καὶ ἀκόλουθοι πολλοὶ καὶ βιβλίον ἀεί.
“Apporte donc, c’est le plus important, ton ignorance, puis de l’arrogance, et en outre de l’audace et de l’impudence. La pudeur, la mesure, la modération et la rougeur, laisse-les chez toi : elles sont inutiles et nuisent à ton projet. Mais des cris les plus violents possible, des inflexions éhontées de la voix, et une démarche semblable à la mienne, voilà les qualités absolument nécessaires, uniques et qui se suffisent parfois à elles seules. Que tes vêtements soient fleuris ou blancs, fabriqués dans les ateliers de Tarente, de manière à laisser voir ton corps au travers. Tu dois avoir des chaussures attiques, comme les femmes, largement fendues, ou des chaussures de Sicyone, ornés de feutre blanc, une escorte nombreuse, et toujours un livre à la main75.”
Si l’on déplie à présent la métaphore, en transposant les caractéristiques mises en avant à un contexte rhétorique, le discours de Lysias, tout comme les chaussures, est rejeté car il n’est pas considéré comme fortis et uirilis. Tout comme pour les chaussures encore une fois, ce ne sont pas les qualités intrinsèques du discours qui sont en cause, puisque l’oratio est décrite par le personnage de Socrate lui-même comme diserta et oratoria, et que, de toute façon, les qualités de Lysias en tant qu’orateur sont louées par Cicéron76, mais bien son articulation avec le decorum, c’est-à-dire la mise en question de ce que doit être un discours judiciaire.
Les termes de uirilis et de fortis pour décrire le discours qui, selon Socrate, serait convenable dans le cadre d’un procès est intéressant parce qu’il permet de creuser le jugement que porte Antoine sur le propre discours de défense de Socrate, qui devrait être conçu lui-même comme uirilis et fortis, et, de fait, valorisé. En effet, l’association des mêmes adjectifs est utilisée également par Cicéron de façon positive, dans les prescriptions de Crassus au livre III du De oratore, dans la description de l’actio du bon orateur en ce qui concerne ses attitudes :
Omnis autem hos motus subsequi debet gestus, non hic uerba exprimens scaenicus, sed uniuersam rem et sententiam non demonstratione sed significatione declarans, laterum inflexione hac forti ac uirili, non ab scaena et histrionibus, sed ab armis aut etiam a palaestra.
“Tous ces émotions [l’utilisation des passions dans le discours] doivent être accompagnées de gestes, non de ce geste qui traduit toutes les paroles, comme au théâtre, mais de celui qui éclaire l’ensemble de l’idée et de la pensée en les faisant comprendre plutôt qu’en cherchant à les exprimer ; les attitudes seront énergiques et mâles, empruntées non pas à la scène et aux acteurs, mais à l’escrime ou même à la palestre77.”
De même, l’adjectif uirilis peut également être utilisé pour qualifier, toujours positivement, le ton de voix recommandé pour l’orateur dans la Rhétorique à Hérennius78 :
Acuta exclamatio uocem uolnerat ; eadem laedit auditorem : habet enim quiddam inliberale et ad muliebrem potius uociferationem quam ad uirilem dignitatem in dicendo adcommodatum.
“Un éclat de voix trop vif blesse l’organe ; il indispose aussi l’auditeur : il manque en effet de noblesse et convient plus à des criailleries de femme qu’à la mâle dignité de l’orateur79.”
L’association entre les pensées, les passions exprimées par l’orateur et ses gestes – ce que Cicéron résume dans la formule : est enim actio quasi sermo corporis, quo magis menti congruens esse debet80 – conduisent à définir un code de conduite comportemental que l’orateur se doit de respecter pour rester dans le cadre du decorum81. Comme l’explique Joy Connolly82, dans le cadre exclusivement masculin de la pratique oratoire, les adjectifs non uirilis ou encore effeminatus sont utilisés pour qualifier et ainsi condamner plusieurs choses : à la fois la technique (vue comme mollis), l’origine ethnique (avec le rejet d’une rhétorique asianiste vue comme trop fleurie) ou le statut social. Les femmes et les acteurs sont alors associés et blâmés pour leur manque de naturel, physique et comportemental, et le caractère feint de leurs actions.
Le jeu de transfert sur les termes de fortis et uirilis, passant des qualités matérielles de l’objet, les chaussures, à la description du discours permet également d’articuler le passage, de façon métaphorique, des qualités éthiques, discutables, de celui qui porte les fameuses chaussures, aux caractéristiques morales de celui qui prononce le discours83. Ainsi, comme l’explique Quintilien, le fait d’avoir remplacé, dans la formation de l’orateur, les véritables combats qui se déroulaient sur le forum par les affrontements feints des déclamations a une influence directe sur la qualité des discours, mais aussi des orateurs eux-mêmes :
Quod eo diligentius faciendum fuit, quia declamationes, quibus ad pugnam forensem uelut praepilatis exerceri solebamus, olim iam ab illa uera imagine orandi recesserunt ; atque ad solam compositae uoluptatem neruis carent, non alio medius fidius uitio dicentium, quam quo mancipiorum negotiatores formae puerorum uirilitate excisa lenocinantur. Nam ut illi robur ac lacertos barbamque ante omnia et alia, quae natura proprie maribus dedit, parum existimant decora, quaeque fortia, si liceret, forent, ut dura molliunt, ita nos habitum ipsum orationis uirilem et illam uim stricte robusteque dicendi tenera quadam elocutionis cute operimus et, dum leuia sint ac nitida, quantum ualeant nihil interesse arbitramur. Sed mihi naturam intuenti nemo non uir spadone formonsior erit, nec tam auersa umquam uidebitur ab opere suo prouidentia, ut debilitas inter optima inuenta sit, nec id ferro speciosum fieri putabo, quod, si nasceretur, monstrum erat. Libidinem iuuet ipsum effeminati sexus mendacium, numquam tamen hoc continget malis moribus regnum, ut, si qua pretiosa fecit, fecerit et bona.
“J’ai dû mettre [aux arguments] d’autant plus de soin que les déclamations, qui sont des sortes d’armes mouchetées avec lesquelles nous avions coutume de nous entraîner au combat du forum, ont cessé depuis longtemps déjà d’offrir une image exacte des plaidoiries ; uniquement faites pour le plaisir, elles manquent de nerf et, ma foi, nos déclamateurs ont la même perversion que les marchands d’esclaves qui mutilent la virilité des jeunes garçons pour les rendre plus beaux. En effet, la force physique, la musculature, et surtout la barbe, ainsi que les autres avantages naturels proprement masculins, ils les regardent comme trop dépourvus de beauté, et ce qui serait vigoureux, si on laissait faire la nature, ils le considèrent comme rude et ils l’amollissent ; ainsi, la mâle tenue de l’éloquence même, cette vigueur de parole, serrée et robuste, nous la voilons en quelque sorte sous l’enveloppe délicate de l’expression et, lorsque nos paroles ont du poli et du brillant, nous estimons que le fond n’a aucune importance. Mais, à mes yeux, à moi qui considère la nature, il n’y aura pas d’homme qui ne soit plus beau qu’un eunuque, et jamais je ne croirai la Providence assez hostile à son œuvre propre pour avoir inventé la débilité et en faire une perfection, et je ne considérerai pas qu’un bistouri puisse faire quelque chose de beau d’un être qui, né dans cet état, serait un monstre. Qu’une apparence efféminée donne le change sur le sexe et puisse exciter à elle seule la sensualité, les mauvaises mœurs cependant ne régneront jamais assez pour faire estimer bien ce qu’elles ont fait mettre à haut prix84.”
C’est une nouvelle métaphore, corporelle ici, qui permet d’affirmer la supériorité du vrai, du naturel, du masculin par rapport au feint (la déclamation), à l’artificiel (les mutilations sexuelles), au féminin ou plutôt à l’efféminé dans le discours, qui combine ces différents éléments puisqu’il est à la fois construit, non naturel et conduit à une superficialité telle que la beauté des propos l’emporte sur leur signification. Nous nous trouvons ici dans un moment de rupture éthique, de bouleversement des valeurs et il est alors facile de comprendre comment le passage des qualités ou des vices d’un discours peut s’effectuer vers la personne-même qui le prononce.
Ainsi, dans la Lettre 114, Sénèque aborde la question d’un style défini comme uirilis et fortis, qui ne peut se fonder sur de seuls critères stylistiques, assez obscurs85 :
Quidam praefractam et asperam probant ; disturbant de industria si quid placidius affluxit ; nolunt sine salebra esse iuncturam : uirilem putant et fortem quae aurem inaequalitate percutiat.
“Certains veulent [une composition de phrase] hachée, heurtée ; de propos délibéré on la bouscule quand elle s’écoulait paisiblement ; ils veulent en tout joint une aspérité ; ils ne jugent viril et fort qu’un assemblage raboteux, secouant l’oreille86.”
Ce style doit être défini par des critères éthiques, horizon premier de l’orateur et de toute personne :
Ideo ille curetur : ab illo sensus, ab illo uerba exeunt, ab illo nobis est habitus, uultus, incessus. Illo sano ac ualente oratio quoque robusta, fortis, uirilis est : si ille procubuit, et cetera ruinam secuntur.
“Soignons donc notre [âme] : d’elle proviennent les pensées, d’elle les paroles, d’elle le maintien, la physionomie, la démarche. Saine et vigoureuse, elle communique au style robustesse, force, mâle fierté. Si elle s’effondre, tout la suit dans sa ruine87.”
Cette rhétorique fortis et uirilis est donc valorisée, pour elle-même et, chez Sénèque, pour ce qu’elle révèle des qualités morales de son auteur88. C’est alors en ce sens que l’on peut comprendre la valorisation de cette manière de parler associée aux Stoïciens faite par Cicéron lui-même au troisième livre des Tusculanes, en opposition donc avec les propos qu’il prêtait à Antoine dans le De oratore : À la question “le sage est-il sujet au chagrin ?”, les Stoïciens apportent une réponse ferme (sententia), qui s’appuie sur un raisonnement à la logique rigoureuse (ratio) qu’il convient d’imiter :
Haec sic dicuntur a Stoicis concludunturque contortius. Sed latius aliquando dicenda sunt et diffusius, sententiis tamen utendum eorum potissimum qui maxime forti et, ut ita dicam, uirili utuntur ratione atque sententia.
“Voilà comment les Stoïciens s’expriment sur ces questions, dans une forme où la chaîne de raisonnement est trop serrée. Il faut enfin que nous les traitions avec plus d’ampleur et d’étendue, en utilisant d’ailleurs de préférence leurs principes, car l’attitude qu’ils adoptent dans la question est la plus courageuse et pour ainsi dire la plus virile89.”
Un nouveau décalage permet de creuser encore l’anecdote du discours de Lysias et des chaussures de Sicyone : cette pratique stoïcienne du discours, décrite comme fortis et uirilis, héritée d’une certaine manière de Socrate comme l’affirme Cicéron un peu plus haut90, n’est pas condamnable en soi, mais uniquement dans le cadre de l’éloquence judiciaire, lorsque la stature de l’orateur entre en contradiction avec le but premier du discours, son efficacité, la victoire judiciaire.
À ce titre, la métaphore des chaussures de Sicyone ne semble pas si bien choisie puisque, à la différence de ces sandales dont le port par un homme ne peut jamais être acceptable, il peut y avoir un cadre où la rhétorique des Stoïciens est acceptable : au sein de la conversation privée bien entendu, le sermo, mais même aussi dans la contio, à condition que l’objectif de la réussite du discours ne soit jamais perdu de vue.
Si, chez Cicéron, le discours de Lysias, tout comme les chaussures de Sicyone, n’est pas adapté à un comportement éthique, conduisant à penser que c’est précisément sa pratique de l’éloquence judiciaire qui, telle qu’elle est appliquée, ne convient pas au decorum, l’anecdote est néanmoins quelque peu infléchie chez Diogène Laërce, qui reprend la métaphore vestimentaire, en l’adaptant également :
Ὁ δ’ οὖν φιλόσοφος, Λυσίου γράψαντος ἀπολογίαν αὐτῷ, διαναγνοὺς ἔφη, “καλὸς μὲν ὁ λόγος, ὦ Λυσία, οὐ μὴν ἁρμόττων γ’ ἐμοί.” Δηλαδὴ γὰρ ἦν τὸ πλέον δικανικὸς ἢ ἐμφιλόσοφος. Εἰπόντος δὲ τοῦ Λυσίου, “πῶς, εἰ καλός ἐστιν ὁ λόγος, οὐκ ἄν σοι ἁρμόττοι” ; ἔφη, “οὐ γὰρ καὶ ἱμάτια καλὰ καὶ ὑποδήματα εἴη ἂν ἐμοὶ ἀνάρμοστα”.
“Quant au philosophe [Socrate], Lysias ayant écrit pour lui un plaidoyer, il le lut d’un bout à l’autre et dit : ‘C’est un beau discours, Lysias, pourtant il ne me va pas.’ Car il relevait évidemment pour la plus grande part du genre judiciaire, plus que de la philosophie. Et comme Lysias lui répondait : ‘Si le discours est beau, comment ne t’irait-il pas ?’, il dit : ‘Parce que de beaux habits ou de belles chaussures ne m’iraient pas non plus’91.”
C’est bien la question de l’adaptation qui se pose ici, mais non au caractère général du uir, mais bien à l’éthos de Socrate lui-même. En ce sens, les paroles de Socrate doivent être des propos philosophiques et non des discours judiciaires, spécialisant la figure du philosophe athénien dans le domaine éthique sans questionner les pratiques des tribunaux. Cette évolution de la portée de l’anecdote se double assez logiquement d’une évolution de la métaphore vestimentaire : les luxueuses chaussures de Sicyone font place à un équipement, des chaussures, des vêtements, qui ne sont qualifiés que par leur aspect esthétique.
L’inadéquation de ces vêtements au Socrate décrit par Diogène Laërce peut s’entendre dans un double sens : elle consacre tout d’abord la figure du philosophe athénien dans sa rupture avec la kalokagathia, telle qu’elle apparaît par exemple dans le Banquet platonicien. Néanmoins, derrière la mention de l’esthétisme des vêtements se cache aussi, bien entendu, la question de leur prix. En refusant un beau manteau, de belles sandales, Diogène Laërce insiste sur la pauvreté de Socrate, rapprochant par-là la figure du philosophe athénien de celle de Diogène dans la focalisation sur ce qui est l’équipement du philosophe cynique : le manteau et les sandales92.
Or, il convient de noter l’association du cynisme avec des personnages de philosophes-cordonniers93, tels Simon le cordonnier94, compagnon de Socrate, ou encore Philiscos. Comme l’écrit Pedro Pablo Fuentes González, “la figure du cordonnier industrieux qui manifeste en même temps une disposition naturelle à la philosophie symbolise à la perfection le caractère populaire, pratique et volontariste de la philosophie cynique, valorisant le travail et l’effort personnel, face aux tendances aristocratiques et théorétiques des écoles académicienne et péripatéticienne.”95. Si Simon le cordonnier est avant tout connu pour sa liberté de parole, prenant parti pour Antisthène dans le débat qui l’oppose à Aristippe dans l’attitude qu’il convient de tenir face aux puissants, il permet peut-être aussi de comprendre le retour de la métaphore de la chaussure, appliquée cette fois à la polémique cynique qui oppose Aristippe et Antisthène sur l’usage raisonné de la richesse. L’idée est toujours celle d’une adaptation de l’objet à la personne, qui ne concerne non plus la rhétorique, mais la possession des biens ; nous en retrouvons d’ailleurs des exemples chez Épictète96, ou encore Plutarque97. Chez les Latins, c’est Horace qui en donne un exemple dans l’épître 1.10, dans une formule qui constitue une reprise implicite d’Aristippe98 :
Cui non conueniet sua res, ut calceus olim
si pede maior erit, subuertet, si minor, uret.
“Quand il n’y a pas de convenance entre l’homme et ses possessions, c’est comme une chaussure qui, d’ordinaire, fait trébucher si elle est trop grande et, si elle est trop petite, enflamme le pied99.”
Si la référence peut s’entendre comme une réécriture à tonalité épicurienne de la position sur la possession des richesses100, la métaphore de la chaussure plaide néanmoins clairement pour un usage raisonné de la fortune, dont l’excès, à l’exemple d’une chaussure trop grande, ne saurait être utile. L’image passe donc de l’adaptabilité (de la chaussure au pied, du discours aux circonstances et à l’orateur) à celle du critère de la juste mesure.
L’anecdote de Socrate et des chaussures de Sicyone connaît, dans la littérature latine une dernière évolution chez l’autre auteur qui aborde la question, Valère Maxime. Dans ce texte, la mention des chaussures, ou de tout autre pièce vestimentaire, n’est pas présente, au profit d’une autre métaphore désignant le contexte d’énonciation du discours de défense de Socrate. La perspective de la métaphore est donc déplacée, mais il est important de remarquer que l’anecdote subit un retournement complet de valence par rapport à la caractérisation qu’en donnait Cicéron : loin de marquer une rupture par rapport au decorum romain, le comportement de Socrate refusant le discours de Lysias devient l’une des formes d’expression d’une des qualités définitoires du citoyen romain, la grauitas (Valère Maxime a déjà abordé la pudicitia, la libertas et la seueritas) qui trouve néanmoins son expression, comme à chaque fois selon la structuration des chapitres, à la fois dans des exemples romains et des exemples étrangers.
Sed illos quidem natura in haec grauitatis uestigia deduxit ; Socrates autem, Graecae doctrinae clarissimum columen, cum Athenis causam diceret defensionemque ei Lysias a se compositam, qua in iudicio uteretur, recitasset, demissam et supplicem, imminenti procellae adcommodatam : “Aufer, inquit, quaeso, istam. Nam ego si adduci possem ut eam in ultima Scythiae solitudine perorarem, tum me ipse morte multandum concederem.” Spiritum contempsit ne careret grauitate, maluitque Socrates extingui quam Lysias superesse.
“Mais ces gens-là certes, c’est la nature qui les a amenés à fournir le témoignage de gravité que je viens de présenter ; Socrate, lui, qui fut pour la culture grecque le sommet le plus prestigieux, se trouvait inculpé à Athènes, et Lysias avait lu devant lui une plaidoirie qu’il avait composée pour qu’il pût se défendre en l’utilisant au tribunal, et qui était humble et suppliante, en accord avec le désastre qui le menaçait. ‘Reprends, dit-il, je t’en prie, le discours que tu as fait. Car si je pouvais être amené, au fond des déserts de Scythie, à le prononcer, alors j’accepterais de moi-même d’être condamné à mort’. Il a méprisé la vie pour ne pas manquer de gravité, et il a préféré être encore Socrate à son dernier soupir plutôt que Lysias pour survivre101.”
Si la métaphore est totalement différente, puisqu’elle évoque la solitude par la mention topique des déserts de Scythie102, Valère Maxime reprend néanmoins des thématiques déjà présentes dans le texte cicéronien, particulièrement le fait que Socrate refuse d’adopter une attitude de suppliant, que l’on retrouve dans le ton du discours (defensio demissa et supplex). La vision du discours de Lysias passe alors un cap : il n’est pas seulement inapproprié pour un homme, en opposition au decorum, mais il est même réellement honteux, puisque, même sans public, sans témoin – la métaphore du désert – Socrate ne pourrait pas accepter de prononcer ce discours. De fait, la condamnation à mort qui suit le procès n’est plus tant une revendication du philosophe pour continuer à mener son activité qu’une échappatoire au déshonneur qui suivrait l’énoncé d’un tel plaidoyer, donnant un caractère quasi guerrier au philosophe, comme nous conduisent à le penser les anecdotes qui enserrent la référence à Socrate, c’est-à-dire la résistance de la ville de Cinginnia face au général Decimus Brutus, ainsi que la réponse d’Alexandre à Darius. Ainsi, un événement non assimilable à la société romaine, le discours de Socrate, est maintenant vu non comme le symbole de l’incapacité rhétorique du philosophe, mais bien comme l’indice d’une intégration du philosophe, avec l’éthos qui le caractérise, aux mœurs romaines par le biais de la grauitas103.
Si les chaussures de Sicyone, métaphore d’un discours qui n’est ni fortis ni uirilis, sont l’indice d’une rupture avec le decorum de l’éloquence du forum, elles sont aussi le signe discret d’une possible réconciliation entre la pratique rhétorique d’un Socrate dans l’Apologie et celle d’un Antoine dans le De oratore, permettant au fur et à mesure l’acculturation du philosophe à Rome. De fait, même si la pratique oratoire du philosophe athénien se trouve récusée à la fin du passage puisqu’elle ne conduit pas à l’efficacité judiciaire, à la victoire lors du procès, il n’en reste pas moins que les attentes stylistiques d’Antoine et de Socrate, particulièrement en ce qui concerne l’actio, ne sont pas si éloignées, et peuvent même se rejoindre. De fait, le philosophe athénien refusant le discours de Lysias qu’il juge, à juste titre, inadapté et contraire aux convenances ne peut donc être totalement écarté. La métaphore des chaussures de Sicyone a donc pu, chez Cicéron, constituer une valorisation de la rhétorique par rapport à la philosophie dans le premier temps de réflexion que constitue le De oratore. Néanmoins ce comparant reste polysémique et son rapprochement avec l’art oratoire est loin d’être monolithique, comme le montre l’aphorisme d’Agésilas rapporté par Plutarque :
Ἐπαινοῦντος δέ τινος ῥήτορα ἐπὶ τῷ δυνατῶς αὔξειν τὰ μικρὰ πράγματα, “Οὐδὲ σκυτοτόμον ἔφησεν ‘ἡγοῦμαι σπουδαῖον, ὃς μικρῷ ποδὶ ὑποδήματα μεγάλα περιτίθησι”
“On louait devant lui un orateur sur son talent à amplifier de petites choses. ‘Je pense que vous n’estimeriez pas, dit-il, un cordonnier qui ferait de grands souliers pour de petits pieds’104.”
Il faudra donc revenir sur l’adaptation du discours, comme on ajuste ses chaussures !
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Notes
* Je remercie vivement Catherine Baroin de sa relecture attentive et de ses précieuses remarques.
- Pickup et Waite 2019, 2.
- Plut., Thes. Rom., 3.6-7 ; 6.1-3.
- Pind., Pyth., 4.73-78.
- Apollon. 1.5-7.
- Faisant le point sur la bibliographie récente Blundell 2018, 216-228 ; Lapensée 2011. Avec un point sur la bibliographie plus ancienne, de Loos-Dietz 1994, qui souligne le lien entre le motif du monosandalisme et les moments de transition constitutifs de l’identité de l’individu, les rites de passage (état nubile/mariage ; monde des femmes/monde des hommes…).
- Plat., Rep., 2.369c-d. Pour un commentaire du passage, Vegetti 1998, 285-294 ; Annas 1994, 94-98.
- En général, Curletto 1990. Pour le domaine grec, Blundell 2006, qui insiste particulièrement sur les passages de l’Ancienne comédie et de l’épopée ; pour Rome, Olson 2017, 86-87. Pour l’époque médiévale, Ueltschi 2012.
- Pour un catalogue des autres types de chaussures utilisées à Rome, cf. Cleland et al. 2007, 169 ; Goldman 2001, 101-129 ; DAGR 1919, 815-820 ; Vincent 1859, 191-226.
- Olson 2017, 84-85.
- Le texte des manuscrits comporte ici une lacune : A. Ernout (CUF 19612), fait le choix du locus desperatus ; W. M. Lindsay (Oxford, 19536) propose l’ajout de prohibet (nihil me <prohibet>), suivi par W. De Melo (Cambridge 2013). G. Augello (Turin 19762), suivant F. Schoell, insère <pudet>.
- Plaut., Truc., 764-765. Traduction personnelle.
- Un autre jeu, de séduction cette fois, se joue plus haut dans la pièce : dans les vers 360-370, le fait que le jeune homme hésite à enlever ou non ses sandales (soleae) souligne le désir et la frustration qu’il éprouve face à Phronésie. Le comique de la pièce, comme le montre Zerbino 2017 repose tout particulièrement sur le fait de pouvoir entrer, ou non, chez Phronésie, et donc de pouvoir, ou non, enlever ses chaussures.
- De Melo 2013, 355, y voit la volonté du jeune homme de se substituer aux autres amants, en opposant, grâce au caractère générique du terme calcei, les fines chaussures du citadin à celles, plus robustes, du paysan ou du militaire. Il nous semble néanmoins que l’expression peut s’entendre aussi dans un sens plus ample que le cadre de la comédie elle-même. Enk 1953, 176, y voit un renoncement à l’élégance urbaine et cite en parallèle des passages illustrant les larges chaussures portées par les paysans, particulièrement chez Horace (Sat., 1.3.30) ou encore chez Ovide, qui souligne que l’amant doit, pour plaire, porter des chaussures ajustées (Ars, 1.516).
- Ainsi, chez Plutarque (Tranq., 465A ; Praecepta, 813E), le terme calceus (κάλτιος), qui désigne la chaussure du magistrat, symbolise le pouvoir romain sur la Grèce. Voir également la première partie de cet article pour les passages cicéroniens.
- Gherchanoc et Huet 2012, 16.
- Il s’agit, comme l’indiquent nos sources grecques et latines, de chaussures particulièrement luxueuses ; cf. Dercy 2015, § 105-107.
- Sur les huit occurrences du corpus cicéronien, seules trois mentions ne rattachent pas le terme de calceus à l’habillement du citoyen (dans le De inuentione, 1.47, et dans le Pro Caelio, 62, où le terme a une portée générique, ou encore dans le De natura deorum, 1.82, où il désigne les chaussures d’une représentation de la déesse Junon).
- Cic., Phil., 2.76 : Nam quod quaerebas quo modo redissem, primum luce, non tenebris, deinde cum calceis et toga, nullis nec Gallicis nec lacerna. “Quant à ta question sur les circonstances de mon retour, d’abord ce fut en plein jour et non dans les ténèbres ; ensuite je portais les chaussures romaines et la toge, non les sandales gauloises et la cape.” Sauf indication contraire, les textes et les traductions cités sont ceux de la CUF.
- Cic., Rep., 1.18 : Scipio calceis et uestimentis sumptis e cubiculo est egressus. “Scipion mit alors ses chaussures et son manteau, puis sortit de la chambre”.
- Cic., Mil., 28.
- Keeline 2021, 164, souligne l’efficacité de la rhétorique dans l’humilité et l’humour du portrait donné de Milon qui doit attendre que son épouse soit prête pour sortir.
- Quint., Inst., 4.2.57-58.
- Sur l’importance des chaussures comme marqueur de la conformité de la tenue aux usages et au respect des règles, cf. Croom 2010, 68.
- Selon la Brill’s New Pauly, le personnage n’est pas connu autrement que pour son soutien à Antoine en 43 a.C.
- Cic., Phil., 13.28.
- Brill’s New Pauly, entrée “Voluntarii”.
- Edmondson 2008, 27.
- Suet., Cal., 52 : Vestitu calciatuque et cetero habitu neque patrio neque ciuili, ac ne uirili quidem ac denique humano semper usus est. Saepe depictas gemmatasque indutus paenulas, manuleatus et armillatus in publicum processit, aliquando sericatus et cycladatus, ac modo in crepidis uel coturnis, modo in speculatoria caliga, nonnumquam socco muliebri. “Ses vêtements, ses chaussures et sa tenue en général ne furent jamais dignes d’un Romain, ni d’un citoyen, ni même d’un homme, ni, pour tout dire, d’un être humain. Souvent il parut en public avec des manteaux brodés, couverts de pierres précieuses, une tunique à manches et des bracelets ; de temps à autre, vêtu de soie, avec une robe brodée d’or, ayant aux pieds tantôt des sandales ou des cothurnes, des chaussures d’éclaireur, ou parfois des brodequins de femme.”.
- Suet., Ner., 51 : circa cultum habitumque adeo pudendus, ut comam semper in gradus formatam peregrinatione Achaica etiam pone uerticem summiserit ac plerumque synthesinam indutus ligato circum collum sudario in publicum sine cinctu et discalciatus. “Il manquait tellement de dignité qu’il arrangeait toujours sa chevelure en étages, la laissant même retomber sur sa nuque durant son voyage en Achaïe et que, bien souvent, il parut en public vêtu d’une robe de chambre, avec un mouchoir noué autour du cou, sans ceinture ni chaussures.”
- Goldman 2001, 105.
- Huet 2008, § 6.
- Benardete 1989, 50 (à propos de Rep., 2.369 c-d) : If Socrates belonged to “the true city”, he would have to take a pair of shoes he never needed.
- Ainsi, Aristoph., Nub., 103 ; 363.
- Sur la figure du “va-nu-pieds” en Grèce, qui recouvre des valeurs anthropologiques, socio-économiques et philosophiques et dont Socrate, puis Diogène apparaissent comme les paradigmes, cf. Chapuis.
- La pauvreté de Socrate est liée au refus de la rémunération pour son enseignement, cf. Apol., 31b. Sur le thème, Pébarthe 2014.
- Plat., Symp., 174a.
- Plat., Phaedr., 229a ; 230b.
- Plat., Leg., 1.633c ; 12.942 d.
- Plat., Symp., 220a-b.
- Cf. sur ce point Lucciano sous presse.
- Zetzel 2003, 129-135 ; Auvray-Assayas 2005, 219.
- Cic., De or., 1.28-29.
- Sur la question de la conceptualisation du paysage, cf. Malaspina 2011.
- Spencer 2010, 17 ; Vasaly 1993, 28.
- Auvray-Assayas 2001, 242-243.
- Benferhat 2007-2008.
- Narducci 1997, 32.
- Cic., De or., 1.208.
- Cic., De or., 1.223.
- Cic., De or., 1.224.
- Alesse 2012 ; Aubert-Baillot 2006, 638-675 ; Hendrickson 1933.
- Badian 1956.
- Pour un point complet sur le procès, et particulièrement sur les questions de datation et d’alliance possible de Rutilius Rufus avec les “Metelli”, factio nobilitatis, contre les “Mariani”, cf. Kallet-Marx 1990.
- Quint., Inst., 11.1.13.
- Cic., De or., 1.230-233.
- Val. Max. 6.4 ext. 2.
- D. L., 2.40-41.
- On retrouve à deux reprises le motif de la divinité qui s’oppose à ce que Socrate prépare un discours pour sa défense : Xen., Mem., 4.8.4-10 ; Apol., 8.
- Plat., Apol., 38d–39a : Ἴσως με οἴεσθε, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ἀπορίᾳ λόγων ἑαλωκέναι τοιούτων οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα, εἰ ᾤμην δεῖν ἅπαντα ποιεῖν καὶ λέγειν ὥστε ἀποφυγεῖν τὴν δίκην. Πολλοῦ γε δεῖ. Ἀλλ’ ἀπορίᾳ μὲν ἑάλωκα, οὐ μέντοι λόγων, ἀλλὰ τόλμης καὶ ἀναισχυντίας καὶ τοῦ μὴ ἐθέλειν λέγειν πρὸς ὑμᾶς τοιαῦτα οἷ ἂν ὑμῖν μὲν ἥδιστα ἦν ἀκούειν θρηνοῦντός τέ μου καὶ ὀδυρομένου καὶ ἄλλα ποιοῦντος καὶ λέγοντος πολλὰ καὶ ἀνάξια ἐμοῦ, ὡς ἐγώ φημι, οἷα δὴ καὶ εἴθισθε ὑμεῖς τῶν ἄλλων ἀκούειν. Ἀλλ’ οὔτε τότε ᾠήθην δεῖν ἕνεκα τοῦ κινδύνου πρᾶξαι οὐδὲν ἀνελεύθερον, οὔτε νῦν μοι μεταμέλει οὕτως ἀπολογησαμένῳ, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον αἱροῦμαι ὧδε ἀπολογησάμενος τεθνάναι ἢ ἐκείνως ζῆν. “Peut-être pensez-vous, Athéniens, que j’ai été condamné faute d’habiles discours, de ceux qui vous auraient persuadés, si j’avais cru qu’il fallait tout faire et tout dire pour échapper à votre sentence. Rien de moins exact. Ce qui m’a manqué pour être acquitté, ce ne sont pas les discours, c’est l’audace et l’impudence, c’est la volonté de vous faire entendre ce qui aurait été le plus agréable, Socrate pleurant, gémissant, faisant et disant des choses que j’estime indignes de moi, en un mot tout ce que vous êtes habitués à entendre des autres accusés. Mais non, je n’ai pas admis, tout à l’heure, que, pour échapper au danger, j’eusse le droit de rien faire qui fût lâche, et je ne me repens pas maintenant de m’être ainsi défendu. Ah ! Combien j’aime mieux mourir après une telle défense que de vivre à pareil prix !”
- Aubert-Baillot 2014, 126-127.
- Xen., Mem., 3.10.10-11. Sur la question de la beauté définie comme adaptabilité, cf. Lucciano 2021.
- Cic., Or., 70-71. Traduction C. Guérin.
- Sur l’utilisation d’un mot lié à l’esthétique dans une application éthique et la définition de soi en termes littéraires, cf. Bishop 2023.
- Cic., Off., 1.93-94.
- Cf. Baroin 2015.
- Cic., Off., 1.130.
- Lucil., Hex. incertae sedis, 111 (Charpin) = 1161 M.
- Charpin 2003, 290.
- App. Verg., Ciris, 169. Lyne, R.O.A.M., éd. (1978) : Ciris, a poem attributed to Vergil, Cambridge. Traduction personnelle.
- Colin 1955, 13-16.
- Lucr. 4.1123-1128. Traduction J. Kany-Turpin.
- Sur l’association entre chaussures et sexualité, cf. Blundell 2021, 195-197.
- Fratantuono 2015, 289.
- Landolfi 2013, 81-85.
- Luc., Rh. Pr., 15.
- Cic., Brut., 35 ; De or., 3.28 ; Or., 29.
- Cic., De or., 3.220.
- Sur le rejet des voix jugées féminines et donc condamnables, cf. Bueche 2015, § 18.
- Rhet. Her. 3.22.
- Cic., De or., 3.222 : “En effet, si l’action est comme le langage du corps, elle doit d’autant plus être en harmonie avec la pensée.” Une formule similaire (actio quasi corporis quaedam eloquentia) se retrouve en Or., 55.
- Guérin 2011, 122.
- Connolly 2007. La question de la virilité dans l’art oratoire est aussi abordée par Gleason 2013, 195-237.
- Sur l’usage paradigmatique des vêtements dans le discours et plus généralement sur la relation entre le vêtement, le corps et le style, cf. Conte 2010.
- Quint., Inst., 5.12.17-19.
- Graver 1998.
- Sen., Ep., 114.15.
- Sen., Ep., 114.22.
- Edwards 2019, 288.
- Cic., Tusc., 3.22.
- Cic., Tusc., 3.10.
- D. L. 2.40-41. Traduction M.-O. Goulet-Cazé.
- Il convient d’ailleurs de noter que le Socrate mis en scène par Diogène Laërce parle ici d’himatia pour qualifier les beaux vêtements, quand le manteau cynique est en général désigné par le terme de tribôn.
- Goulet 1997.
- Molinelli 2019.
- Fuentes González 2012, 322.
- Epic., Ench., 39.
- Plut., De Tranq., 466f. Dans ce passage qui met en avant le fait que, de même que la chaussure prend la forme du pied et non l’inverse, de même la vie des êtres humains se forme sur les dispositions de leur âme, sont évoqués comme modèles à la fois Diogène et Socrate.
- Aristipp., fr 67 Mannebach = fr. 75 Giannantoni. La référence à Aristippe est ainsi explicite dès l’ouverture du recueil : Hor., Epist., 1.1.18-19 ; l’image du pied comme mesure de soi se retrouve en 1.7.98.
- Hor., Epist., 1.10.42-43.
- Gigante 1993.
- Val. Max. 6.4 ext. 2.
- Kolendo 1991.
- Guerrini 1994.
- Plut., Apopht. Lac., “Agésilas”, 3.208 c.