Le 21 mai 1420 en la cathédrale de Troyes un traité fut signé entre Charles VI, roi de France, et Henri V, roi d’Angleterre1. Charles conservait la couronne de France pour le restant de sa vie (cl. 2), la couronne devait ensuite passer à Henri et ses héritiers à perpétuité (cl. 6) Charles n’étant pas en mesure de s’occuper personnellement des affaires du royaume (une allusion indirecte à sa maladie mentale), c’est donc à Henri qu’incombèrent l’exercice du gouvernement. Il devait également œuvrer au retour de l’autorité royale (cl. 12) dans tous les domaines et auprès des gens tenans la partie ou estans de la partie vulgaument appellé du Daulphin et d’Armignac.
Une seule région était spécifiquement mentionnée dans ce traité – la Normandie. Comme nous le savons, les activités militaires d’Henri s’étaient concentrées sur la conquête de ce duché. Au moment de la signature du traité, il avait en sa possession la presque totalité de la Normandie, de même que quelques territoires attenants du côté de Paris, nommés pays de conquête par les administrateurs d’Henri. À la suite de son second débarquement en Normandie le 1er août 1417, Henri s’appropria le titre de duc de Normandie, utilisant ce titre en France, aux côtés de ses titres de “Roi de France, d’Angleterre et Seigneur d’Irlande”2. Mais la clause 18 du traité stipulait que la Normandie retournerait sous contrôle royal français une fois qu’Henri deviendrait roi. D’ici là, et par implication, le duché et le pays de conquête continueraient à être gouvernés directement par Henri. Ceci est démontré par l’usage continu des Rotuli Normannie, enregistrements des actes du roi concernant la Normandie, commencées peu après le débarquement de ce dernier en 1417 et poursuivies jusqu’à sa mort, le 31 août 1422.
Le traité de Troyes ne fait nulle mention de la Guyenne (ou Aquitaine), l’autre duché tenu par Henri. La possession de la Guyenne datait du milieu du douzième siècle et avait toujours fait l’objet de controverse entre les rois anglais et français. Lors du traité de Brétigny-Calais de 1360, Édouard III avait obtenu un statut de souveraineté totale sur une Guyenne élargie, un succès symbolisé par son adoption du titre de “seigneur d’Aquitaine” (dominus Aquitanie en latin) de préférence au titre du duc d’Aquitaine dont il s’était servi avant 1340, jusqu’à sa prétention formelle à la couronne de France après laquelle il s’est intitulé roi de France et d’Angleterre. Ce titre de seigneur était inspiré par celui utilisé depuis 1177 par les rois anglais en Irlande pour y montrer leur souveraineté. Ce titre indiquait que ce territoire appartenait à la couronne d’Angleterre elle-même et qu’il en était inséparable. Pour la Guyenne une telle indivisibilité, théorique et pratique, avait une longue tradition, datant au moins de l’octroi du duché par Henri III en 1254 à son fils ainé Édouard (le futur roi d’Angleterre Édouard Ier) “de telle manière qu’ils ne soient jamais séparés de la couronne mais appartiennent au roi d’Angleterre à jamais”3. L’union avec la couronne d’Angleterre était un principe fondamental pour les habitants de la Guyenne traditionnellement fidèles aux rois d’Angleterre (que nous appellerons ici en simplifiant du simple nom de Gascons). Ils se considéraient comme des sujets directs de la couronne anglaise puisque leur duc était roi d’Angleterre et parce qu’il proclamait tenir la Guyenne en toute souveraineté. D’un point de vue constitutionnel la prétention des rois anglais au trône de France était donc très théoriques pour les Gascons du parti anglais. Le traité de Troyes concernait la France : donc inutile de faire mention de la Guyenne. Elle ferait automatiquement partie de la double monarchie puisqu’elle faisait partie du royaume d’Angleterre. Les historiens ayant travaillé cette question sont d’accord sur ce point. Margaret Wade Labarge a jugé que “le traité de Troyes… a eu très peu d’effet dans le duché car c’était sans importance pour ses sujets gascons [du roi Henri V] sur lesquels il régnait légitimement en tant que roi d’Angleterre”, et Malcolm Vale a écrit : “durant le quinzième siècle le duché de Guyenne ne fut jamais considéré par les Anglais comme faisant partie du royaume de France”4.
Toutefois, et quelle que soit les positions théoriques, la prétention au trône de France, et plus particulièrement sa réalisation au travers du traité de Troyes, allait nécessairement avoir des implications pour la Guyenne et les Gascons, tout comme pour les Anglais. Nous avons pour but de considérer l’impact du traité à la lumière de la relation entre le duché et Henri V, plus généralement à travers l’ensemble du règne. Elle est divisée en cinq sections : les sources, la relation spéciale au vu de la prétention au trône de France, le règne d’Henri V jusqu’à l’hiver 1419, et enfin la situation à la veille et à la suite du traité de Troyes. Bien que le thème essentiel de notre étude concerne les relations entre le roi anglais et ses sujets gascons, nous ne devons pas oublier que la Guyenne “anglaise” était entourée des domaines de grands seigneurs, tels que les Albret, les Armagnac et les Foix-Béarn, dont les intérêts étaient tout à la fois français et gascons et qui tombaient sous la juridiction du territoire élargi de la Guyenne, revendiquée par les Anglais depuis le traité de Brétigny-Calais. La Guyenne “anglaise” était donc une région située à l’interface de leurs propres domaines pour ces joueurs-clés dans les relations anglo-françaises. Comme nous le verrons, cela revêtit une grande importance après le traité de Troyes, Henri espérant persuader de tels hommes d’accepter ses conditions et de le reconnaitre comme héritier et futur roi de France.
Les sources
La relation spéciale et directe entre la Guyenne et la couronne anglaise est bien documentée dans les Rotuli Vasconie (rôles gascons) – l’enregistrement des affaires des rois d’Angleterre en tant que ducs ou seigneurs d’Aquitaine qui a été rédigée et préservée à la chancellerie royale d’Angleterre à Westminster. L’enregistrement a commencé en 1273, la première année du règne d’Édouard Ier, mais certains actes datant des années 1240 et 1250 y ont été ajoutés lors de l’édition des rôles gascons au XIXe siècle, si bien que l’on croit souvent que les rôles gascons s’étendent de la trente huitième année d’Henri III (1242) à la septième année d’Édouard IV (1467)5. La création d’un rôle pour la Gascogne occidentale ou duché d’Aquitaine n’était pas seulement la reconnaissance de l’importance de ce territoire spécifique pour la couronne anglaise, mais aussi le résultat du développement général de l’administration royale à la fin du treizième siècle qui l’amena à créer des rôles spécifiques pour garder une trace des décisions prises. Jusqu’à cette époque toutes les affaires anglaises et étrangères avaient été placées de manière indiscriminée dans les Patent, Close or Charter Rolls. Édouard Ier fit commencer un rôle gallois en 1277 quand il envahit le Pays de Galles, mais il y mit fin en 1294-1295, quand le Pays de Galles devint partie intégrante de l’Angleterre6. Ses ambitions en Écosse l’amenèrent à garder à partir de 1291 les Rotuli Scotie qui ne cessèrent pas avant 15167. Au cours de la dernière année de son règne, un rôle romain fut commencé pour les affaires avec la papauté qui se poursuivit jusqu’en 13588 ; les Rotuli Alemannie virent également le jour sous Édouard Ier mais se terminèrent en 1342 ; les Rotuli Francie virent aussi le jour cette année-là, ce qui montre bien les ambitions accrues d’Édouard III en France, et ils se poursuivirent jusqu’à la fin du seizième siècle. Ces rôles français contiennent des documents portant sur les relations diplomatiques ainsi que sur d’autres parties de France, comme Calais, tenu par les Anglais, mais pas sur la Guyenne, ce qui nous rappelle la position distincte et spéciale de ce territoire au sein de la couronne anglaise. Et comme nous l’avons vu, quand Henri V envahit la Normandie en 1417 un rôle normand fut créé et se poursuivit jusqu’à sa mort9.
Ces rôles normands, rédigés depuis la Normandie elle-même, au fur et à mesure que la conquête d’Henri progressait, indiquent bien la participation active et intensive du roi en personne. Par contraste, les rôles gascons laissent entrevoir un seigneur absent. Le dernier roi à avoir rendu visite à la Guyenne était Édouard Ier en 1289. Depuis les débuts de son règne les principaux personnages officiels étaient presque toujours des Anglais envoyés dans le duché. Il y avait les sénéchaux de Gascogne, puis d’Aquitaine (à partir de 1360), qui devaient être présents en permanence, et les lieutenants royaux nommés de temps en temps, qui avaient des pouvoirs généraux et judiciaires délégués par le roi. Le roi nommaient le connétable de Bordeaux, l’officier en chef des finances dans le duché, ainsi que le maire de Bordeaux. Le sénéchal avait en général un sous-sénéchal sous son commandement, celui des Landes, de même qu’une multiplicité d’officiers devant manier le droit local. La vaste majorité d’entre eux étaient recrutés localement. À l’exception des grades le plus élevés, la présence dans le duché d’administrateurs anglais était minime.
Les natifs gascons jouaient un rôle substantiel dans leur gouvernement, de même que pour leur propre défense (une seule garnison était régulièrement maintenue sous contrôle anglais direct et aux frais de ces derniers – Fronsac, sur la Dordogne sur la colline près de la ville neuve de Libourne (1270) à 40 km au nord-est de Bordeaux, tombée entre les mains des Anglais, qui l’avaient prise à Guillaume Sans IV de Pommiers en 1376). La plupart des offices dirigeant des bailliages locaux, nommés baylies ou prévôtés, étaient affermés à des Gascons. La bourgeoisie et le clergé de Bordeaux étaient particulièrement influents en politique, et au sein du conseil qui entourait le sénéchal. Alors que les rôles gascons, comme tous les registres de la chancellerie de la couronne anglaise étaient en latin, et que les lettres royales au duché étaient normalement en français ou en latin, la langue de tous les jours dans les relations sociales et l’administration locale était le gascon. On avait recours à des interprètes si nécessaire : ainsi le 4 mai 1415 le connétable de Bordeaux de l’époque s’adressa en gascon aux Trois-États du Bordelais per la boqua de mestre Pey deu Prioret, procurador phiscau10. Le nom du duché lui-même est significatif : Guyenne ou Guienne (Guiayna ou Guiayne en gascon médiéval) était la forme populaire du nom Aquitaine tel qu’il était utilisé par les gens de ce duché11.
Malheureusement il ne subsiste que très peu de documentation relative aux administrations déléguées. À l’origine celles-ci se trouvaient au château de l’Ombrière à Bordeaux – le siège du gouvernement royal anglais – mais elles furent envoyées à Paris en 1460 après la conquête française, et installées, ainsi que les archives de la chambre des comptes française, près de la Sainte-Chapelle où elles subirent des pertes dues à un incendie en 173712. D’autres pertes furent subies à Bordeaux après une révolte contre les Français en 1548 où les insurgés portèrent la croix de saint Georges, dans un geste nostalgique envers leur ancienne union avec l’Angleterre, et ensuite dans un incendie de l’hôtel-de-ville de Bordeaux en 1862. Aucun document urbain n’a survécu pour Bayonne ou Dax, villes les plus importantes après Bordeaux, à part ceux copiés dans leurs cartulaires municipaux, le Livre des Établissements de Bayonne, et le Livre Noir de Dax13. Mais pour la capitale nous avons la chance d’avoir les Registres de la Jurade (le conseil de la ville) pour certaines années du début du XVe siècle14. Pour le règne d’Henri V les registres de la Jurade ont survécu pour les années 1414 et 1416 et pour la période 1420-1422 et contiennent de la documentation d’une grande valeur pour notre travail, y compris des lettres du roi. Ils nous apportent également un aperçu de l’attitude des citoyens les plus éminents de Bordeaux et, à l’occasion, d’autres personnages provenant du duché : comme nous le verrons, ils sont une source d’une importance vitale pour mesurer la réaction de la Guyenne au traité de Troyes.
Une relation spéciale à la lumière de la prétention anglaise au trône de France
Les Gascons de la Guyenne “anglaise” se caractérisaient par un sens aigu de leur propre identité, néanmoins inséparable de leur loyauté indéfectible à la couronne anglaise. Dans ce contexte, la prétention royale anglaise à la couronne de France représentait un facteur potentiellement perturbateur. Pour les Gascons, l’abandon du titre de duc ou de seigneur de Guyenne en faveur du titre de roi (comme ce fut le cas en 1340 et 1369) dans la titulature officielle royale était un signe qui ne manquait pas de les inquiéter, bien qu’ils pouvaient reconnaitre le bon droit des rois Plantagenêts au titre de rois de France. Les Gascons envoyaient régulièrement au roi d’Angleterre des pétitions, à la fois individuelles et collectives : un système officiel était en place pour s’en occuper15. Ainsi pouvons-nous détecter plusieurs délégations vers l’Angleterre, de même qu’un grand nombre de messages et de messagers allant et venant entre l’Angleterre et la Guyenne. C’est en réponse à une pétition qu’en 1342 Édouard III donna l’assurance formelle au maire, aux jurats et à la communauté de Bordeaux qu’il n’y aurait pas de séparation avec la couronne d’Angleterre, quand bien même le roi prendrait possession du royaume de France16. En 1376, les Français ayant renié les termes de Brétigny et Édouard ayant repris son titre royal français, il fallut rassurer les bourgeois de Blaye eux-aussi en leur confirmant que la ville demeurerait annexée à la couronne à jamais17.
Nous avons un aperçu de la force de leur réaction, lorsque le 2 mars 1390 Richard II accorda le duché à son oncle, Jean de Gand, duc de Lancastre. Les Gascons refusèrent cette transmission du duché à une autre personne qu’au prince héritier, afin d’éviter leur séparation avec l’Angleterre et leur soumission au royaume de France18. Le plus inquiétant pour eux c’est que les termes de l’accord faisaient que Gand tenait le duché de Richard II, en tant que roi de France plutôt qu’en tant que roi d’Angleterre, donc un signal pour eux que le duché allait faire partie de la couronne de France. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si, une fois devenu roi d’Angleterre, Henri IV, le fils de Jean de Gand, accorda à son fils ainé, Henri, prince de Galles (le futur Henri V) le titre de duc de Guyenne dès 1399. Le fait qu’en décembre 1399, Henri choisisse comme sénéchal Galhart de Durfort, seigneur de Duras et Blanquefort, un important seigneur gascon, plutôt que le choix traditionnel d’un Anglais, est significatif19.
Le règne d’Henri V jusqu’à l’hiver 1419
Henri V suivit les précédents et ne manqua pas de souligner le lien qui existait avec lui-même, en tant que roi d’Angleterre : sa lettre au maire et jurats de Bordeaux le 15 octobre 1414 les félicitait pour desirantz le bien et bonne gouvernance de nostre pais de Guienne, comme bonnes et foialx liges a la couronne d’Engleterre20. Toutefois, il faut noter que les Gascons eux-mêmes avaient choisi d’appeler Henri duc de Guyenne, titre qu’il n’utilisait plus dans sa titulature depuis qu’il était devenu roi. Ce faisant, ils soulignaient leur lien, le reconnaissant comme leur souverain direct. Ainsi, par exemple, le serment de loyauté ordonné en avril 1415 par le maire et les jurats de Bordeaux aux bourgeois et citoyens de Bordeaux devait être fait au rey d’Anglaterra et de Franssa, duc de Guiayna, nostre tres souiran senhor21. De même, bien que le 8 mai 1415, la nomination de Sir John Tiptoft au titre de sénéchal de Guyenne ait été ordonnée par Henri, intitulé roi d’Angleterre et de France et seigneur d’Irlande22, quand celui-ci arriva à Bordeaux et que des promesses mutuelles furent échangées le 27 août, le peuple de Guyenne jura de lui être loyal en tant que sénéchal per lo rey d’Anglaterra et de Franssa et duc de Guiayna23. En échange Tiptoft s’engagea à être un bon seigneur et à respecter leurs privilèges sauuat la fideutat deu rey, nostre senhor d’Anglaterra et duc de Guiayna24. Ainsi dans le duché lui-même, il y avait un désir constant de qualifier le roi de duc, et les souverains anglais faisaient attention à bien respecter cela au niveau local. Ainsi par exemple, en novembre 1416, pour répondre à une pétition des Gascons, Henri V dut réitérer les promesses d’Édouard III à Bordeaux en 1342 et à Blaye en 1376, selon lesquelles il n’y aurait pas de séparation avec la couronne d’Angleterre25. Mais le fait que les Gascons aient jugé nécessaire de demander une telle confirmation montre bien leurs anxiétés à la veille de la reprise d’une guerre basée sur la prétention d’Henri au trône de France.
Lors de l’accession au trône d’Henri V le 21 mars 1413 une armée anglaise était en Guyenne, ayant été envoyée par son père, sous le commandement de son frère Thomas duc de Clarence, afin de venir en aide au parti Armagnac qui avait promis d’accepter l’autorité anglaise en Guyenne en échange d’une aide militaire anglaise contre le parti bourguignon qui détenait alors le roi Charles VI. Si la réconciliation des Armagnacs et de leurs ennemis Bourguignons fit échouer le plan, Clarence n’en bénéficia pas moins d’une belle récompense. Par ailleurs, Henri V décida de poursuivre cette campagne militaire. Le 22 juillet 1413, il nomma un des capitaines de Clarence, Thomas Beaufort, comte de Dorset, lieutenant de Guyenne avec une force de 240 hommes d’armes et 1000 archers26. Ce dernier prit plusieurs places en Angoumois et en Saintonge27.
Autrement dit, la première campagne d’Henri en France visait à accomplir une ambition anglaise de longue date en récupérant les territoires élargis d’Aquitaine, accordés aux Anglais par la paix de Brétigny-Calais de 1360. Bien qu’il ait choisi d’envahir la Normandie en 1415 – une action que ne pouvait être justifiée que par sa prétention au trône de France – comme l’a indiqué Malcolm Vale, la Guyenne n’était “pas entièrement périphérique à la stratégie d’Henri… [elle avait] un rôle utile à jouer dans ses plans”28. Et ceci peut s’appliquer à l’ensemble du règne d’Henri V, à la fois avant et après le traité de Troyes. Bien que le roi ne soit pas allé personnellement en Guyenne – et il est fort probable qu’il n’en ait jamais eu l’intention – la défense de la Guyenne anglaise était essentielle dans ses plans de guerre pour deux raisons. Tout d’abord parce qu’il devait éviter que les attaques françaises en Guyenne ne sapent ses plans dans le nord. En effet, le duc de Bourbon avait déjà manifesté l’intention d’attaquer les intérêts anglais en Guyenne. Ensuite parce qu’il espérait pouvoir utiliser la Guyenne “anglaise” comme base arrière pour attaquer les positions françaises dans les zones frontalières. Il espérait également garder sous son contrôle, voire même attirer dans son orbite des acteurs clés, tels que les Albret et les Foix en les persuadant d’accepter sa souveraineté. Comme nous le verrons ensuite, le traité de Troyes lui offrit une arme supplémentaire extrêmement importante, mais l’idée avait fait son chemin dans sa tête bien avant cela.
Au fur et à mesure que les plans d’Henri pour une invasion de la France voyaient le jour, en 1414-1415, nous constatons l’envoi d’un grand nombre de lettres en direction de Bordeaux, remerciant les habitants pour la “conservation de votre allégeance” et cherchant à calmer leurs inquiétudes pour la “bonne gouvernance du duché”29. Le maire de Bordeaux John St était en Angleterre durant l’automne 1414, au moment-même où commençaient les préparatifs de guerre. Une lettre envoyée à Bordeaux le 19 octobre 1414 dit qu’il espère une mise à disposition de certeins enginhs (machines de guerre) et d’un maistre treshour dicelles de la part de la ville pour sa campagne30. En juin 1415, il écrivit à nouveau pour demander que deux des meilleurs engines nommés brides, ainsi qu’un maitre artilleur et un charpentier pour les faire marcher, soient envoyées le plus rapidement possible, puisqu’Henri allait récupérer ses droits en France31.
Le choix d’un Anglais (John Tiptoft) le 8 mai 1415 pour remplacer le Gascon Galhart de Durfort, seigneur de Duras et Blanquefort, en tant que sénéchal de Guyenne, est significatif en lui-même et indique bien qu’Henri souhaitait accroître l’influence royale et l’influence anglaise, afin de coordonner les efforts de guerre dans le nord et le sud du royaume de France. Tiptoft avait déjà démontré ses capacités en tant que trésorier d’Angleterre sous Henri IV, et allait être l’un des bras droits d’Henri V pour le reste de son règne et il tint un rôle essentiel pendant la conquête de la Normandie32. Le fait qu’il ait des relations existantes avec la Guyenne était un avantage considérable. Il avait reçu la sénéchaussée des Landes à vie le 8 février 1408, ainsi que la garde du château de Dax33. Ceux-ci lui avaient été accordés à la veille de son mariage avec la veuve du guerrier vétéran Matthew Gournay († 1406), qui les avait détenus précédemment. Plus tard la même année, il acquit la prévôté d’Entre-deux-Mers à vie par l’entremise de la reine d’Henri IV, Jeanne de Navarre, à qui elle appartenait précédemment. Rien ne permet de démontrer que Tiptoft ne soit jamais venu en Guyenne avant son arrivée en 1415, mais il avait manifesté de l’intérêt pour ses terres et permis l’envoi de victuailles à Dax34.
Tiptoft fut envoyé dans le duché avec 494 hommes35. Ses troupes avaient été levées relativement vite, furent rassemblées à Plymouth le 19 juin 1415 et arrivèrent à Bordeaux le 20 août. D’autre part, les termes de sa nomination lui permettaient de disposer de 840 hommes en cas de guerre, confirmant que la Guyenne n’allait pas être ignorée dans les plans de guerre d’Henri V. C’était bien le message qu’il désirait envoyer aux Gascons dans une lettre qu’il avait écrite pendant le siège d’Harfleur le 3 septembre 1415 qui fut reçue à Bordeaux le 1er octobre36; une lettre similaire ayant été envoyé à Bayonne37. Celle-ci encourageait les habitants de Bordeaux à donner tout leur soutien à Tiptoft pour resister la malice de noz enemiz pour vos costez que se pourra trouver au bien et saubacion de nostre pais part dela.
Mais le roi les encourageait aussi à lui envoyer des vins et des victuailles en Normandie. À la suite de cette demande, la commune de Bayonne lui envoya sur une nef bayonnaise deux cent pipes de vin, deux barriques de salpêtre, ainsi qu’une barrique de souffre. Dès le début de sa seconde campagne, le roi accorda à la ville de Bayonne le pouvoir de lever un impôt sur les marchandises y transitant pendant quatre ans pour financer la construction d’un grand navire pour un usage militaire38.
Mais les relations générées par la guerre ne se limitaient pas seulement à du matériel de guerre. C’était aussi une question de main d’œuvre : un certain nombre de Gascons tinrent un rôle important dans les campagnes d’Henri en Normandie et en Île-de-France, créant par là un lien significatif et tenant le roi au fait de la situation dans le duché de Guyenne. Ceci s’ajoute, bien entendu, aux nombreux échanges de messages entre le roi et les sujets de son duché. Johan du Bourdieu (en latin Bordilli), l’archidiacre du Médoc, était avec le roi au siège d’Harfleur (il allait être nommé vicaire de l’église St Martin d’Harfleur) et il écrivit lui-même à la jurade de Bordeaux depuis Harfleur le 3 septembre afin d’encourager à satisfaire les demandes du roi en matière de nourriture et de vin et à rester dans ses bonnes grâces, en lui écrivant à lui aussi bien qu’au comte de Dorset. Bourdieu affirmait même que le roi avait l’intention de venir à Bordeaux39. Était-ce vraiment dans les intentions du roi ? On peut en douter : ce n’était en tout cas pas quelque chose que le roi aurait promis lui-même au peuple de Bordeaux.
Un certain nombre de Gascons participèrent à la conquête de la Normandie qui commença en 1417. Juan d’Amezqueta, seigneur de Saint-Pée-sur-Nivelle et d’Arbonne dans le Labourd, s’y trouvait avec une troupe de 10 hommes d’armes et de 50 archers de Guyenne et de ses environs40. Il y avait à ses côtés Menauton de Sainte-Marie avec le même nombre d’hommes. Ce dernier servit continuellement Henri V depuis le débarquement de 1417 jusqu’en 142041. La femme de Juan d’Amezqueta était la fille illégitime de Charles de Beaumont, alfarez (connétable) de Navarre et châtelain de Mauléon pour Henri V42. Beaumont fut également au service d’Henri dans les campagnes de 141543, 141644 et 141745. Le seigneur médocain Pons VII de Castillon avait quant à lui reçu une commission de 450 hommes, aux côtés de deux capitaines anglais pour garder la mer durant l’année 1417, afin de faciliter la traversée de l’armée d’invasion d’Henri46. Au fur et à mesure que la conquête de la Normandie avançait, un Gascon particulièrement important, Gaston de Foix, captal de Buch, accompagna le roi. Ses services furent estimés suffisamment remarquables pour lui valoir le don du comté de Longueville (tenu auparavant par Bertrand du Guesclin) en Normandie le 20 juin 141947. En tant que frère du comte de Foix – seigneur du Béarn –, Gaston fut particulièrement utile au roi dans les négociations visant à amener ce comte à prêter allégeance aux Anglais.
Les fulgurants succès d’Henri en 1415 mirent fin aux menaces immédiates sur la Guyenne, comme l’indique bien le retour de Tiptoft en Angleterre au printemps 1416. Il avait conservé son poste de sénéchal, mais des lieutenants agissaient à sa place dans le duché. Il s’engagea pour servir dans la campagne de 1417, et quoiqu’il n’ait pas traversé la Manche avec le roi en août, puisqu’il avait été envoyé au concile de Constance, il fut nommé à son retour trésorier général et président du duché de Normandie le 1er novembre 1417, avec des pouvoirs délégués peu différents de ceux dont il bénéficiait en Guyenne, par exemple pour nommer aux différents postes48. Il était donc le principal officier royal dans les deux duchés et bien qu’il ne soit pas retourné à Bordeaux avant 1421 il constitua néanmoins un lien vital entre les deux duchés. Ce fut également le cas de John St John le maire de Bordeaux, en poste à Bordeaux depuis le 1er avril 141349, mais qui fut absent entre décembre 1415 et octobre 1416, pour servir dans le cadre d’une expédition navale qui permit de sauver Harfleur en août 141650.
Le nombre de similarités entre les administrations des deux duchés et assez remarquable, et l’on serait tenté d’y voir la main de Tiptoft, tout comme celle du roi. Toutefois, il y eut davantage de terres concédées aux Anglais en Normandie, dans le but de gagner l’allégeance des Normands et de les encourager à jouer un rôle dans leur propre défense et d’accepter la souveraineté anglaise. En Guyenne, tout comme en Normandie, l’accent était donc mis sur l’idée d’offrir des opportunités à ceux qui faisaient allégeance au roi en lui prêtant serment. Jusqu’au meurtre de Jean sans Peur le 10 septembre 1419, la diplomatie d’Henri avait continué à se focaliser sur la restauration du traité de Brétigny-Calais de 1360, et donc sur une Guyenne élargie et tenue en toute souveraineté51.
Au printemps 1419 après la capitulation de Rouen qui entraina la capitulation aisée de la majorité de la Normandie, nous trouvons quelques indices suggérant qu’Henri désirait reconquérir des territoires en Guyenne à la suite des demandes réitérées de ses fidèles du duché. Vale fait valoir ce point de vue basé sur la fréquence avec laquelle des missions furent envoyées au roi durant le siège de Rouen52. Il y a deux autres signes d’un intérêt royal renouvelé. Le connétable de Bordeaux, William Clifford, qui était mort en service après cinq années de service le 27 mars 1418, avait été, semble-t-il, basé de manière permanente en Guyenne. Au départ le roi ne fit aucun effort pour le remplacer. Toutefois, le 16 mai 1419, il nomma John Radcliffe connétable ainsi que capitaine de Fronsac pour une durée de six ans53. Radcliffe avait servi pendant la campagne de 1415 et avait tenu un rôle important dans la conquête de la Normandie, ayant été nommé bailli d’Évreux le 2 juin 1418, un poste qu’il conserva jusqu’au 12 mars 141954. Mais plus encore, Tiptoft avait dû quitter son poste de trésorier général et président du duché de Normandie le 1er mai 1419, date à laquelle William Allington avait été promu trésorier général55. Selon un auteur, le maire et les jurats de Bordeaux auraient envoyé en mars 1419 une supplique au roi pour avoir un sénéchal présent en personne en Guyenne56. Et nous savons que Galhart de Durfort, le sénéchal qui avait précédé Tiptoft en Guyenne, s’était trouvé en Normandie durant l’été et le début de l’automne 1419, puisqu’il prétendit qu’on lui devait 4000 francs pour ses services là-bas57. Tout cela ressemble bien à des discussions sérieuses sur le sort de la Guyenne. On pourrait donc considérer la mise en disponibilité de Radcliffe et Tiptoft en Normandie comme le premier pas pour leur retour en Guyenne.
Le 26 septembre 1419 le roi écrivit aux jurats et aux bonnes gens de la ville de Bordeaux pour leur annoncer qu’il avait confié à John de St John, maire de Bordeaux, et à John Radcliffe, connétable de Bordeaux, le rôle de leur déclarer ses intentions et ses désirs, sur les seurete et conservation de nostre pais de Guienne et pour y faire resistence et dommage a nous ennemis. Il encourageait les Bordelais à sélectionner quatre ou six notables avec les pleins pouvoirs d’accréditer St John et Radcliffe à un endroit et une date, notifiés ultérieurement58. Il n’y a aucun doute que ce que le roi désirait la convocation des Trois-États de Guyenne. Le 11 octobre le roi leur fit parvenir une autre lettre adressée cette fois à tous les seigneurs espirituelz et temporelx, gentilz hommes, bourgeoys et communes de nostre duchie de Guyenne se référant aux lettres d’accréditation publiées pour St John et Radcliffe mais qui entrait davantage dans les détails de leurs attributions59. Le roi rassurait les Gascons occidentaux sur le grant desir que nous avoms tant pour y deffendre et conserver nostre pays comment pour resister et grever noz enemis. Mais ils devaient être parfaitement conscients, disait le roi, des grands tribaylles effectués par sa propre personne depuis quatre ans déjà pour le recouverir de nous droys et heritage et auxi pour vous metre tous, pour le grace de Dieu, en tranquilite et paix. Il leur annonçait ensuite qu’il leur envoyait Simon Flete, alors contrôleur (trésorier) d’Harfleur, pour les informer de ses désirs et intentions.
Le même jour, le 11 octobre, nous trouvons des instructions du roi lui-même, en anglais, adressées à Radcliffe et à St John rendant explicite le désir de se voir accorder un fouage par les Trois-États de Guyenne for the sauvation of oure contree and harmyng of oure enemis (« pour la sauvegarde de notre pays et afin de nuire à nos ennemis »)60. De surcroît cette lettre leur suggérait également de consulter le captal de Buch Gaston de Foix. Ce dernier devait lui-aussi revenir en Guyenne pour ces discussions, de même que pour jouer un rôle dans sa défense. Le Dauphin avait établi les centres de son pouvoir au sud de la Loire, et le 12 février 1419 il avait fait du frère du captal, Johan de Foix, comte de Foix, son lieutenant en Languedoc. Il existait aussi de potentiels risques d’attaques de la part des Castillans avec qui le Dauphin avait conclu une alliance, et il y eut effectivement une attaque du Labourd en août 141961.
Les lettres royales du 26 septembre et du 11 octobre 1419 furent rédigées à un moment clé dans les relations anglo-françaises, à un moment où les conséquences du meurtre de Jean sans Peur à Montereau, le 10 septembre, commençaient à se faire sentir. Cela ne fait aucun doute que les ambitions d’Henri prirent rapidement de l’ampleur, comme le révèle la déclaration des Anglais après le meurtre, telle qu’elle fut présentée au conseil royal français à Paris le 27 septembre. Il y fut précisé qu’Henri n’était pas simplement venu pour obtenir les duchés de Guyenne et de Normandie et d’autres endroits devant lui appartenir, mais pour obtenir la couronne de France, elle-même. Cette déclaration se poursuivait pour souligner les tenants qui formaient la base d’un éventuel traité de Troyes62. Mais les négociations avec les Bourguignons ne commencèrent pas vraiment avant fin octobre et l’on ne conclut pas d’accord formel avant la fin de l’année. Il n’est donc pas certain que les lettres d’Henri datées du 26 septembre et du 11 octobre, puis envoyées à Bordeaux aient été directement influencées par les nouvelles ambitions du roi sur la couronne de France.
Ce qu’il faut d’ailleurs noter c’est que le gouvernement communal de Bordeaux ne prit connaissance des lettres que beaucoup plus tard. Alors qu’il fallait normalement plusieurs semaines pour que les lettres arrivent, les délais furent, dans ce cas particulier, beaucoup plus longs. La lettre d’Henri, datée du 26 décembre 1419 ne fut pas lue à la Jurade avant le 16 avril 1420, date à laquelle elle fut accompagnée d’une lettre en gascon, écrite à Bordeaux le 11 avril par Nolot de Blaye, le lieutenant du sénéchal63. On y faisait une mention explicite de la convocation des Trois-États de Guyenne le 1er mai suivant, en faisant remarquer que le lieu de convocation initial, Labouheyre, avait été changé et remplacé par Dax et qu’il était impératif de ne pas dévoiler ce secret aux Français “ennemis et rebelles au roi” (enemix et rebelles au Rey), tâche plutôt ardue au vu des nombreux rapports entre Gascons “anglais” et Gascons “français”. La lettre royale du 17 octobre n’arriva qu’une fois les États rassemblés, le 29 mai. Elle était accompagnée d’une seconde lettre envoyée par John Radcliffe64. Ce dernier y détaillait plus précisément en gascon les actions militaires du roi, comment il avait envahi la Normandie ab boluntat et prepaus de aber et retornar lo pais de Guiayna et de normandia cum sas propias terras et pais, et autres a luy appertenentz dessa la mar a ssa man et beraya hobedienssa… et metre totz los abandeitz pais en patz et tranquillitat. Il soulignait comment le roi avait dû gérer les grands maux et dégâts qu’avaient commis ses enemixs Frances et rebelles. Il avait fait tout cela uniquement avec l’aide de l’Angleterre, et il avait conquis toute la Normandie et d’autres territoires en France. Il affirmait avoir mené la guerre et continuait de la faire per far et accomplir sa reyau entencion prepaus et desir sur las deitas conquesta deusditz pais de Guiayne et autres sursdeitz. Si le roi ne pouvait pas réaliser entièrement ses intentions concernant la Guyenne en personne, il n’en souhaitait pas moins les mettre en œuvre.
C’était un appel explicite adressé aux Gascons occidentaux pour les inciter à financer la guerre avec les “Français” sur leurs propres frontières. La phrase suivante de la lettre du connétable était encore plus explicite : de far et mantenir las guerras en Guiayna contra los Frances enemix et rebelles au rey nostredit senhor, en Guiayna tant abant jusquas que entregrament aya compliment de ssa reyau entencion et prepaus. Et de faire en sorte que les Français et les rebelles ne puissent se rendre en France pour leur faire la guerre contre les Anglais. Ce que l’on peut constater, c’est qu’Henri était parfaitement conscient que la défense de la Guyenne et l’expansion de son territoire étaient les clés de son succès. Mais il était également bien conscient de la nécessité de reconnaître le statut spécial de la Guyenne. La lettre du connétable se terminait en rassurant les Gascons que l’impôt ne serait dépensé que pour la guerre destinée à reconquérir les territoires du duché : que lodeit argent es de intencion de metre et despendre ladeita guerra et conquesta deu pais de Guiayna et no en autre part.
La situation à la veille et à la suite du traité de Troyes
Quand vint le moment de lire la lettre du connétable aux États réunis à Dax, Charles VI et Henri V avaient déjà signé le traité de Troyes. Et pourtant aucune mention explicite du traité n’y est faite que ce soit là où ailleurs. Non seulement il n’y a pas la moindre mention de la Guyenne dans le traité de Troyes, mais aucune mention du traité de Troyes n’a pu être retrouvée dans les sources gasconnes. Ceci était probablement un acte délibéré de la part d’Henri et des Gascons eux-mêmes. L’accent était mis sur le fait de dépenser l’argent pour la guerre et la conquête en Guyenne, afin d’éviter que le roi de France puisse en bénéficier. Les États ne furent pas bien généreux et votèrent des fonds limités pour une période circonscrite à seulement trois mois65. D’autre part, les activités militaires auxquelles participèrent les Gascons après cette date, dont le siège de Budos au printemps 1421, furent principalement menées afin d’étendre la zone défendant Bordeaux. Bordeaux accepta d’envoyer l’artillerie et 200 hommes per la honor deu Rey nostre senhor et per la utilitat deu pais66. Mais la ville s’inquiétait surtout pour sa propre sécurité, d’où un approvisionnement en canons et artillerie pour Bordeaux plutôt que pour protéger Bourg quand cette ville fut menacée par l’avancée du Dauphin vers Pons en novembre 142067.
Difficile de croire qu’on n’ait pas pris connaissance du traité de Troyes dans le duché, jusqu’au moins aux alentours de mai 1420. Dans les registres de la Jurade nous voyons que le 17 mai le roi était décrit comme étant tres haut et exellent princep et nostre tres sobiran senhor, lo rey d’Anglaterra et de Fransa, duc de Guiayna68. Mais après le traité le roi se servit de son nouveau titre d’héritier du trône de France, et l’usage explicite du titre de duc de Guyenne fut parfois abandonné dans la Guyenne elle-même par les autorités officielles représentant le roi. Ceci dit, certains signes indiquent que les Gascons s’inquiétaient de la nouvelle situation géopolitique créée par le traité de Troyes par rapport au statut spécifique de leur duché. D’autre part, à la réunion du 12 août 1420, la ville de Bordeaux décida de se battre sous la bannière de saint Georges plutôt que la sienne69. C’était une façon subtile d’exprimer leurs inquiétudes à propos du traité. Comme Guilhem Pépin l’a bien démontré les sentiments gascons d’attachement à la couronne d’Angleterre étaient explicités par leur usage du cri de guerre “Guyenne ! Saint Georges !” qui était l’expression sonore de l’union entre le duché d’Aquitaine et le royaume d’Angleterre70. Les sceaux utilisés en Guyenne ne montrent d’ailleurs jamais les fleurs de lis des rois de France, mais seulement les armoiries “de gueules aux trois léopards d’or”, qui signifiaient que le statut du duché de Guyenne n’avait pas subi de changements après le traité de Troyes et qu’il était toujours une partie de la couronne d’Angleterre.
Il était donc nécessaire de rassurer ses sujets de Guyenne à la suite du traité de Troyes sur ce dernier point. Henri considérait que le territoire sous contrôle anglais en Guyenne était essentiel dans ses efforts pour vaincre le Dauphin et ses partisans à la suite du traité de Troyes. Il ne pouvait donc pas laisser ses exploits dans le nord être compromis par les attaques dauphinistes contre la Guyenne qui lui était fidèle. Par conséquent, le duché devait plutôt servir de base pour agir contre les “ennemis et les rebelles au roi, notre seigneur”, selon les mots du roi-duc déjà rapportés par le connétable de Bordeaux John Radcliffe aux Trois-États en 1420.
Cependant l’absence explicite de mention de la Guyenne dans le traité de Troyes ne signifie pas que le duché a été ignoré. En réalité, l’impact du traité fut de renforcer l’importance du duché dans l’effort de guerre d’Henri V. Cela est mis en évidence par trois faits : la présence réelle plus fréquente après le traité de Troyes d’officiers royaux anglais nommés dans le duché qui travaillaient en étroite collaboration avec les dirigeants de la société gasconne locale ; ensuite, l’intensification de l’activité militaire sur les frontières des territoires contrôlés par les Anglais, menée par les autorités anglaises en coopération avec les Gascons fidèles à Henri V, conformément aux objectifs exprimés lors de la réunion des Trois États de mai 1420 qui avaient pour but de recouvrer pour Henri V l’ensemble du duché de Guyenne tel que défini au traité de Brétigny-Calais ; et enfin, les efforts pour négocier des traités avec les grands seigneurs qui détenaient des terres en Gascogne et à proximité afin qu’ils acceptent le traité de Troyes et le soutiennent militairement contre le Dauphin.
La date d’arrivée précise de John Radcliffe à Bordeaux après sa nomination en tant que connétable de Bordeaux le 16 mai 1419, n’est pas connue, mais il a été certainement présent en Guyenne quasiment de manière continue depuis avril 1420 jusqu’à la mort d’Henri V. Le maire de Bordeaux John de St John est revenu dans le duché vers le 8 avril 1420 ou un peu auparavant. Le sénéchal de Guyenne John Tiptoft est arrivé à Bordeaux le 23 août 1420 et y est resté jusqu’au 21 novembre 1421. Ce fut une longue période où l’on vit des officiers anglais de haut rang présents en personne en Guyenne. Tiptoft était également militairement actif et dirigea les contingents gascons lors du siège du château de Budos pendant l’été 1421. Le captal de Buch était également présent en Guyenne avant le début du mois de mai 1420.
Les échanges épistolaires avec le roi et avec son conseil en Angleterre furent également nombreux, et ils renforcèrent l’importance de la Guyenne au sein du plan militaire général conçu par Henri V. Le roi envoya des lettres à Bordeaux en juin 1421, dans lesquelles il invitait les jurats à poursuivre “leur bonne diligence… au sujet de la bonne gouvernance de ses féaux sujets en vos contrées situées dedans notre duché de Guyenne”, leur demandant dans le même temps de “s’organiser en hâte pour faire continuelle guerre, chevauchées et nuisances à ceux du Poitou, Saintonge et autres lieux à nous rebelles, dans ces régions ou où vous pourrez afin de grever et détruire nos ennemis selon vos capacités, en suivant les décisions et les ordres de nos très chers féaux le comte de Longueville et de notre sénéchal de Guyenne”.
Le roi écrivit à nouveau à la jurade de Bordeaux depuis Bonvilliers en Île-de-France, le 21 juillet 142171. Dans cette lettre, il reconnait les efforts considérables que le connétable de Bordeaux John Radcliffe, et d’autres capitaines ont effectués pour ”faire et continuer la guerre à l’encontre de nos ennemis des marches situées par-delà”, et il remercie le soutien militaire que le gouvernement municipal bordelais a fourni. Le roi loue à cette occasion leur loyauté et leur constante obéissance que avez tousjours eu et aves a nous et a la couronne et royaume d’Angleterre, et il les exhorte à poursuivre leur effort de guerre. Le choix prudent des mots employés dans cette lettre devait rassurer les Gascons du parti anglais au sujet de leur relation spécifique avec la couronne d’Angleterre. Le roi désirait également les mettre au courant de ses actions comme dans une lettre datée de Rutheil (près de Meaux) le 31 octobre 1421, qui fut lu devant la Jurade le 17 février 1422. Une autre lettre royale envoyée quelques jours plus tôt demandait des nouvelles à la Jurade et nous y prenons tres grant plaisir72.
Vers la fin de janvier 1422, il existait quelques craintes, rapportée par le maire John de St John, que le Dauphin tente de de benir dabant Bordeu et en lo pais part dessa73. La jurade de Bordeaux décida que le captal de Buch devait recevoir des canons per conquestar (pour conquérir) et que des messagers seraient envoyés auprès du roi. Bien qu’il se trouva qu’il s’agissait d’une fausse alarme74, le maire de Bordeaux retourna en Angleterre à la mi-mars pour avoir des discussions avec le conseil du roi75, puis le conseil du roi à Bordeaux envoya Bérart de Montferrand, seigneur d’Agassac, and Menaut de Habas auprès d’Henri V en Normandie, afin de lui faire un rapport sur la situation en Guyenne76. La réponse du roi se trouve dans une lettre datée de Rouen, le 30 mars 1422, envoyée au duc de Gloucester et au conseil royal en Angleterre77. Il y avait attaché un rôle conteynyng certeyn articles advised by oure wel beloved knyght John Tiptoft seneschal of our duchie of Guyenne for the governaunce of our said duchie and thansweres geven by oure conseil here upon the same articles (“contenant certains articles de conseils donnés par notre cher chevalier John Tiptoft, sénéchal de notre duché de Guyenne, pour la gouvernance de notre dit duché, et les réponses donnés par notre conseil sur les mêmes articles”). Le roi poussait Gloucester et le conseil royal d’Angleterre pour exécuter les dits articles afin que le sénéchal (qui était parti de la Guyenne en novembre 1421) et le maire be not tarried in our reame of England (“ne s’attardent pas dans le royaume d’Angleterre”). Bien que le rôle contenant ces articles n’ait pas survécu, il est évident que la Guyenne restait importante pour Henri, même quand il était impliqué au nord dans la guerre en “France”.
À partir de mai 1420 les actions militaires s’intensifient en Guyenne. En fait, les Anglo-Gascons n’avaient pas attendu le traité de Troyes pour lancer des offensives contre les partisans du Dauphin en Périgord, Saintonge, Agenais, Quercy, Rouergue, Languedoc et dans les Landes. Les Bordelais sous le commandement du connétable John Radcliffe avaient déjà repris quelques forteresses (Puynormand Malengin, Lamothe-Montravel) en 1419. Mais c’est en Bordelais qu’en 1420 se porte l’effort de guerre : Bordeaux mobilise dans un premier temps ses jurades en armes puis, dans un second temps, elle décide de recruter 100 hommes d’armes pour trois mois placés sous le commandement du connétable78. Ces modalités prises, les jurades en armes sous la bannière de saint Georges sont envoyées au siège de Rions puis à celui de Saint-Macaire et enfin à Budos. En Agenais, en Toulousain et en Angoumois, les partisans du roi-duc et ceux du Dauphin s’affrontent. Le présence des Gascons dans les guerres est notable, ainsi Menaut de Habas est accompagné au siège de Budos en juin 1421, par Bigoros Estèbe, jurat de La Rousselle (le quartier portuaire et commerçant de Bordeaux), et par Arnaut Miqueu, jurat du quartier des Ayres, avec deux petits canons forgées à la ville79. En 1423 John Radcliffe, nommé sénéchal le 1er mai de cette année, a dirigé l’ensemble de la campagne, appuyé encore une fois par les troupes de la commune de Bordeaux80. En mai 1424 les jurats de Bergerac et John Beauchamp sont sollicités pour aider le sénéchal qui assiège Duras et la prend par escalade81.
Le traité de Troyes ouvrait la perspective de placer des seigneurs français et gascons du parti français dans l’orbite anglaise. Le fait que ce problème était central pour Henri V au lendemain du traité est confirmé par l’octroi de pouvoirs au sénéchal Tiptoft le 12 juin 1420, lui permettant de recevoir le serment de Jean de Foix, comte de Foix et seigneur de Béarn, avec l’autorisation de recevoir dans la grâce du roi tous ses ennemis et rebelles du duché (c’est-à-dire toute la Guyenne “française” revendiquée par les Anglais) qui souhaitaient se soumettre à Henri V82. Le frère du comte, le fidèle Gaston de Foix, captal de Buch et comte de Longueville, était impliqué dans ces négociations au nom de son frère, ce qui souligne son rôle clé d’intermédiaire. Un accord fut finalement conclu le 3 mars 1422 avec le comte de Foix. Mais la mort d’Henri V et la persistance de différends portant sur certains paiements empêchèrent la ratification de cet accord et le comte finalement choisit l’allégeance de Charles VII en 1424. Quant aux frères Albret (Charles II et François), un accord fut passé le 16 janvier 1421 où le sire d’Albret promit de rendre hommage à Henri V en tant que roi d’Angleterre et duc de Guyenne, mais pas en tant que roi de France83. Puisque cet accord a été élaboré par les Anglais, il constitue la preuve qu’Henri V désirait maintenir la Guyenne (ou l’Aquitaine) séparée de la couronne de France, comme cela avait été prévu lors du traité de Brétigny-Calais.
En conclusion, il ne fait aucun doute que les Anglais ne considéraient pas que la Guyenne faisait partie du royaume de France légué à Henri V par le traité de Troyes en tant qu’héritier de Charles VI. Les Anglais restèrent donc déterminés à préserver l’union perpétuelle entre le duché et la couronne d’Angleterre. En cela, ils suivaient les opinions et les souhaits répétés des Gascons pro-anglais depuis des décennies. Un dernier symbole de cette politique est révélé dans les rôles gascons où le traité de Troyes n’est pas copié, ni même mentionné, et il n’a aucune d’incidence sur la composition ou le contenu du dernier rôle du règne d’Henri V qui couvre les années 1419 à 142284. En revanche, l’impact du traité est immédiatement visible sur les rôles normands, où un rôle a été commencé à l’anniversaire de l’accession du roi en mars 142085 et a été délibérément terminé juste avant la signature du traité. Un nouveau rôle normand a été commencé avec l’enregistrement du texte intégral du traité de Troyes en mai 142086.
Cela dit, le traité ne pouvait manquer d’avoir un impact en Guyenne puisque le duché restait au centre des ambitions anglaises sur le continent. Comme nous l’avons vu, le traité de Troyes a eu pour conséquence une plus grande activité dans le duché en tant que complément essentiel des politiques d’Henri V dans le nord et l’est de la France. Pourtant, malgré certains succès qui permirent l’extension du territoire contrôlé par les Anglo-Gascons au cours des dernières années de la vie d’Henri V et même après sa mort, le duché n’était plus en état de servir de rampe de lancement pour conquérir de nouvelles terres. Tout cela ne fut pas facilité par l’échec des accords passés avec le comte de Foix et le sire d’Albret après la mort d’Henri V.
Sources éditées
- Abadie, F., éd. (1902) : “Le Livre noir et les établissements de Dax”, Archives historiques du département de la Gironde, t. 37, Paris-Bordeaux.
- Barkhausen, éd. (1883) : Archives municipales de Bordeaux. Registres de la Jurade. Délibérations de 1414 à 1416 et de 1420 à 1422, Bordeaux.
- Darnalt (1916) : “Les antiquitez d’Agen”, Revue de l’Agenais, t. 43.
- Livre des Établissements (1892), Archives Municipales de Bayonne, Bayonne.
- Nicolas, N. H., éd. (1834a) : Proceedings and Ordinances of the Privy Council of England, volume II. 12 Henry IV MCCCCX to 10 Henry V MCCCCXXII, London.
- Nicolas, N. H., éd. (1834b) : Proceedings and Ordinances of the Privy Council of England, volume III. I Henry VI MCCCCXXII to 7 Henry VI MCCCCXXIX, London.
- Pena, N., éd. (1977) : Documents sur la maison de Durfort (XIe-XVe siècle), Bordeaux.
Bibliographie
- Bochaca, M. et Vitores Casado, I. (2015) : “Une attaque castillane contre le Labourd en 1419 : portée militaire et enjeux stratégiques d’une algarade frontalière”, Annales du Midi, t. 289.
- Bonenfant, P. (1955) : Du meurtre de Montereau au traité de Troyes, Bruxelles.
- Cosneau, E. (1889) : Les grands traités de la guerre de Cent Ans, Paris.
- Courroux, P. (à paraître) : “Two treaties between the lords of Albret and the kings of England: the loyalty of princes in the face of the crisis in the French monarchy in the early fifteenth century”.
- Curry, A. (1993) : The Hundred Years War, Basingstoke.
- Curry, A. (1994) : “Lancastrian Normandy. The Jewel in the Crown”, England and Normandy in the Middle Ages, éd. D. Bates and A. Curry, London.
- Curry, A. (1996) : “L’administration financière de la Normandie anglaise : continuité ou changement”, La France des principautés. Les chambres des comptes XIVe et XVe siècles, éd. O. Mattéoni, Paris.
- Flourac, L. (1884) : Jean Ier comte de Foix, Paris.
- Jaurgain, J. de (1909) : “Les Beaumont Navarre. Notes historiques et généalogiques”, Revue international des études Basques, t. 3 .
- Pépin, G. (2006) : “Les cris de guerre ‘Guyenne!’ et ‘Saint Georges’. L’expression d’une identité politique du duché d’Aquitaine anglo-gascon”, Le Moyen Âge, t. 112.
- Pépin, G. (2008) : “The Parlament of Anglo-Gascon Aquitaine: Les Trois États d’Aquitaine (Guyenne)”, Nottingham Medieval Studies, t. 52.
- Pépin, G. (2009) : “Petitions from Gascony. Testimonies of a Special Relationship”, Medieval Petitions. Grace and Grievance, éd. W. M. Ormrod, G. Dodd and A. Musson, Woodbridge .
- Pépin, G. (2017) : “Introduction”, Anglo-Gascon Aquitaine. Problems and Perspectives, éd. G. Pépin, Woodbridge.
- Roskell, J.S. (1983) : “Sir John Tiptoft, Commons Speaker in 1406” dans J. S. Roskell. Parliament and Politics in Medieval England, tome 3, London.
- Roskell, J. S., Clark, L. et Rawcliffe, C. (1993) : The House of Commons 1386-1421, 4 tomes, Stroud.
- Vale, M.G.A. (1970) : English Gascony 1399-1453, Oxford.
- Wade Labarge, M. (1980) : Gascony: England’s First Colony, London.
- Wylie, J. H. et Waugh, W.T. (1914-29) : The Reign of Henry V, 3 tomes, Cambridge.
Notes
- Cosneau 1889, 102-115.
- Curry 1994, 251.
- Curry 1993, 30.
- Wade Labarge 1980, 200 ; Vale 1970, 3.
- Kew, The National Archives (noté dorénavant TNA), C 61. Les résumés détaillés du contenu des rôles compris entre 1307 et 1467 se trouvent publiés en ligne sur www.gasconrolls.org.
- TNA, C 77.
- TNA, C 71.
- TNA, C 70.
- TNA, C 64.
- Barkhausen, éd. 1883, 153.
- Pépin 2008, 131 note 3.
- Pépin 2017, 1.
- Livre des Établissements, 1892 ; Abbadie 1902.
- Barkhausen, éd. 1883.
- Pépin 2009, 120-134.
- TNA, C 61/54, m. 8.
- TNA, C 61/89, m. 6.
- Curry 1993, 72-73.
- Vale 1970, 41-42.
- Barkhausen, éd. 1883, 187.
- Barkhausen, éd. 1883, 143.
- TNA, C 61/116 m. 5 ; Barkhausen, éd. 1883, 237.
- Barkhausen, éd. 1883, 239.
- Barkhausen, éd. 1883, 239.
- TNA C 61/117 m. 17, m. 10.
- TNA C 61/114 m. 8.
- Wylie & Waugh 1914-1929, t. 1, 134-139.
- Vale 1970, 71.
- Barkhausen, éd. 1883, 171 et 187.
- Barkhausen, éd. 1883, 188.
- Barkhausen, éd. 1883, 232.
- Roskell, Clark & Rawcliffe 1993, t. 4, 620-8 ; Roskell 1983, 107-150.
- TNA, C 61/112 m. 1.
- TNA, C 61/112 m. 10 et m. 8.
- TNA, E101/48/4 ; TNA, C 61/116 m. 5 ; Barkhausen, éd. 1883, 237.
- Barkhausen, éd. 1883, 256.
- Livre des Établissements, 395-397.
- TNA, C61/117 m. 5.
- Barkhausen, éd. 1883, 257.
- Jaurgain 1909, 56.
- Nicolas, éd. 1834a, 105.
- Jaurgain 1909, 46-62.
- TNA, C 76/98 m. 18 ; E 404/31/319 ; E 101/45/5 m.5d ; E 101/45/21, m. 15 et E 101/44/30 no. 2 m. 1.
- TNA, E 101/48/10/107.
- TNA C 76/100 m. 7.
- Wylie & Waugh 1914-1929, t. 3, 45.
- TNA, C 64/11 m. 35.
- TNA, C 64/8 m. 19 ; Curry 1996, 95-97.
- TNA, C 61/114 m. 15 ; Roskell, et al. 1993, t.4, 280-283.
- TNA, E 101/48/10/94 ; E 403/624 m.4 et E 101/69/8/537.
- Vale 1970, 79.
- TNA, E 36/188 fol. 43 et sq, cité dans Vale 1970, 79.
- TNA, C 61/118 m. 9 ; Roskell, et al. 1993, t. 4, 155-159.
- TNA, C 64/9 m. 25d, C 64/10 m. 14.
- TNA, C 64/11 m. 51d ; Curry, 1996, 106-7.
- Roskell 1983, 131.
- TNA, E 101/188/4, n° 3 et 4 ; Pena 1977, t. 2, 883.
- Barkhausen, éd. 1883, 363.
- Barkhausen, éd. 1883, 379.
- Nicolas 1834a, 265-266.
- Bochaca & Vitores Casado, 2015, 25-46.
- Bonenfant 1955, 191-192.
- Barkhausen, éd. 1883, 363-364.
- Barkhausen, éd. 1883, 380-381.
- Barkhausen, éd. 1883, 393
- Barkhausen, éd. 1883, 505.
- Barkhausen, éd. 1883, 463.
- Barkhausen, éd. 1883, 381-382.
- Barkhausen, éd. 1883, 434.
- Pépin 2006, 276.
- Barkhausen, éd. 1883, 586-587.
- Barkhausen, éd. 1883, 603-604.
- Barkhausen, éd. 1883, 597.
- Vale 1970, 86.
- Barkhausen, éd. 1883, 618.
- Vale 1970, 86-87.
- TNA, SC 1/43/161.
- Barkhausen, éd. 1883, 387, 402 et 397-398.
- Barkhausen, éd. 1883, 519.
- Nicolas 1834b, t. 3, 47.
- Darnalt 1916, 324.
- TNA, C 61/118 m. 7 ; Vale, 1970, 83-9 ; Flourac 1884, 84-87.
- Vale 1970, 84-85 ; Courroux, à paraître.
- TNA, C 61/118.
- TNA, C 64/13
- TNA, C 64/14 m. 28-29.