[Nicolas de Fer] dont je vous ai souvent parlé, vient d’achever son grand ouvrage des Forces de l’Europe, qui renferme environ deux cents planches. (…) Les Curieux lui doivent savoir gré des grandes recherches qu’il a faites, et des dépenses où il s’est engagé pour leur donner dans un seul ouvrage, qui ne contient que huit parties, une connaissance parfaite de toutes les Places fortes de l’Europe1.
C’est par ces mots que le Mercure Galant signale, en 1695, les deux dernières livraisons de l’atlas de Nicolas de Fer (c. 1647-1720). Cette annonce dresse le bilan d’un vaste projet étalé sur cinq ans et construit l’image d’un véritable entrepreneur de la carte à la fin du XVIIe siècle. Fils du marchand d’estampes et de cartes géographiques Antoine de Fer et de Geneviève Hourlier, Nicolas de Fer acquiert une formation de graveur comme apprenti chez Louis Spirinx2. Entre les années 1669 et 1687, il réalise de nombreuses cartes vendues à la “boutique familiale”, transférée de son défunt père à sa mère3. Âgé d’une quarantaine d’années en 1687, lorsqu’il reprend la boutique de la Sphère Royale à sa mère4, Nicolas de Fer est implanté quai de l’Horloge, le “quartier des géographes” parisiens5. Parfois qualifié de graveur, de producteur de cartes ou encore d’éditeur par l’historiographie, Nicolas de Fer reste un personnage peu connu et étudié6. Il n’entre pas dans le profil du grand géographe consacré, qui prend pour modèle l’image vermeerienne du savant, travaillant ses sources, penché sur une table où se mélangent cartes, instruments, compilations et récits de voyage. Cette grille de lecture ne concerne en effet qu’une poignée d’hommes tels Nicolas Sanson pour le XVIIe siècle ou Jean-Baptiste d’Anville pour le XVIIIe siècle. Dans l’univers compétitif des productions cartographiques du Grand Siècle, Nicolas de Fer ne possède a priori aucune légitimité en la matière par rapport à ses principaux concurrents Guillaume Sanson et Alexis-Hubert Jaillot. Face à ces géographes du roi solidement implantés sur le marché cartographique7, Nicolas de Fer doit mettre en place un ensemble de stratégies pour s’insérer dans ce milieu.
La notion de stratégie sera envisagée ici comme “un outil d’analyse susceptible de faire apparaître des phénomènes qui, sans cela, seraient restés dans l’ombre”8. Il s’agit avant tout d’une grille de lecture pour aborder et étudier l’entreprise des Forces de l’Europe et approcher les actions et les techniques mises en place par le géographe afin de produire et vendre son ouvrage9. Afin d’accroître son activité, Nicolas de Fer déploie diverses stratégies politiques, matérielles, éditoriales, commerciales et publicitaires. Premier ouvrage d’envergure du géographe10, l’atlas des Forces de l’Europe (1690-1695)11 présente les principales villes fortes d’Europe occidentale. Avec les plans-reliefs12 et les cartes, les atlas occupent effectivement une part importante de la production militaire à cette époque13. Celui de Nicolas de Fer constitue un véritable terrain d’étude pour aborder la carrière du géographe et, précisément ici, ses tactiques entrepreneuriales. Le projet révèle combien Nicolas de Fer est conscient de la nécessité d’articuler des stratégies matérielles de composition de son œuvre, permettant de cerner la façon dont il pense et organise ses Forces, avec des stratégies éditoriales et commerciales à même d’assurer la promotion de son ouvrage. Ce sont ces différents volets de la conception, tant matérielle et intellectuelle que commerciale, qui caractérisent les premières activités de l’entrepreneur et permettent d’approcher l’aspect kaléidoscopique de sa production et son insertion dans le paysage général des savoirs cartographiques des XVIIe et XVIIIe siècles.
Les Forces de l’Europe :
penser et organiser un atlas de villes fortifiées
Lors de la parution de la dernière livraison des Forces de l’Europe, le journal de la jeune Académie royale des Sciences conclut son annonce par ces mots : “M. de Fer a travaillé avec son exactitude ordinaire pour faire voir la grandeur et la puissance de l’État”14. Au terme de cinq années de travail et de livraisons régulières de planches gravées, l’atlas de Nicolas de Fer est réduit à une œuvre à la gloire de la monarchie française alors qu’il obéit pourtant à des stratégies de composition assez spécifiques à la forme prise par l’atlas.
Trois cartes pour un titre :
devenir géographe du Dauphin à la fin du XVIIe siècle
Dans une carte somptueusement décorée et intitulée la Franche-Comté divisée en ses quatre balliages (fig. 1), Nicolas de Fer, s’adressant au Dauphin, souligne qu’elle contient “le Théâtre de vos Victoires […] j’ay lieu d’espérer que vous aurez la bonté de recevoir favorablement l’offre que je vous en fais comme une marque du profond Respect avec lequel je suis Monseigneur Votre très humble serviteur N. de Fer”15. C’est en partie grâce à cet éloge militaire inscrit dans le cartouche de dédicace de l’une des trois cartes de l’ensemble intitulé Frontières de France et d’Allemagne, que Nicolas de Fer obtient en 1689 le titre de géographe du Dauphin. Cette désignation fonctionnelle, honorifique et nominale inscrit Nicolas de Fer dans une relation de patronage avec le Dauphin puisqu’en échange de son travail et de ses louanges, il obtient la validation d’un parent éminent du monarque16. La propagande royale est une pratique courante à l’Époque moderne et de nombreux géographes y participent en échange d’une reconnaissance sous la forme d’une pension ou d’un titre17. Ce dernier, gage de qualité cartographique, garantit à Nicolas de Fer le succès sur le marché parisien de la carte. Il s’agit de la première attribution du titre de géographe du Dauphin18, bien moins répandu que celui de géographe du roi19. Le territoire frontalier de la Franche-Comté est d’ailleurs le centre de rivalités, de combats et de projets de conquête depuis la guerre de Dévolution et, malgré son rattachement au royaume de France par le traité de Nimègue (1678), cet espace reste contesté par les principaux rivaux du Roi-Soleil20. La représentation cartographique dédiée au Dauphin permet de réaffirmer la possession de ce territoire par la couronne de France. Comme il est d’usage à cette période, les trois cartes sont accompagnées d’un mémoire, sorte de feuillet explicatif servant à éclairer le sens des gravures et l’organisation générale du recueil21. C’est d’ailleurs en comparant la signature de Nicolas de Fer sur les trois cartes avec celle de la deuxième édition du mémoire des cartes22, que l’on peut attester de l’obtention du titre de géographe du Dauphin par de Fer. Les trois cartes sont simplement signées “N. De Fer” tandis que, dans le mémoire de cartes, il appose à son nom le titre nouvellement obtenu23.
Le “très humble serviteur” ne se contente toutefois pas d’écrire un texte déférent à la gloire du Dauphin, mais l’insère dans un cartouche dont l’ornementation allégorique délivre un message politique à plusieurs degrés de lecture. Au sommet, porté par les figures de Mars et Hercule24, le portrait du Dauphin couronne le cartouche tandis que le soleil, surplombante personnification de Louis XIV, l’influence dans sa quête. Le socle du cartouche souligne la trajectoire, à l’antique, d’un vainqueur militaire – l’arc de triomphe franchi par le charriot de Monseigneur – conduisant le Dauphin à la postérité, en gravissant les marches du Temple de la Gloire guidé par la déesse Athéna.
La carte est gravée par Jean Liébaux25, alors que le cartouche est l’œuvre de Nicolas Guérard, graveur des cartouches des deux autres cartes, ce qui souligne une véritable division du travail éditorial, Nicolas de Fer coordonnant des artisans ayant leurs spécialités propres26. Ce sont bien les iconographies en marge des trois cartes qui fournissent des éléments de réflexion sur l’atlas des Forces de l’Europe. En effet, plusieurs places fortes sont disséminées sur l’estampe et viennent informer la morphologie militaire des villes cartographiées. Dans le mémoire des cartes, Nicolas de Fer justifie l’utilisation de ce type de gravures :
“On ne saurait imaginer d’accompagnement qui convienne mieux à une Carte de Géographie, ni qui y fasse un ornement plus utile que d’y joindre les Plans des Places les plus considérables qu’elles renferment, principalement lorsqu’elles sont situées sur les limites des grands États”27.
Non essentiels à la compréhension des cartes, ces dispositifs miniaturisés de villes fortifiées ont un potentiel esthétique qui aiguise la curiosité des lecteurs en représentant les espaces “qui font tant de bruit pendant la Guerre”28, tout en mettant en exergue les places tenues par le pouvoir monarchique. Publiées en 1689, au début de la guerre de la ligue d’Augsbourg, les trois cartes servent autant le discours militaire et guerrier à la gloire du Dauphin qu’elles ne documentent les fortifications mêmes. Conditionné par les limites physiques de l’objet carte, Nicolas de Fer sature l’estampe par des places fortes miniaturisées qui préfigurent la constitution de l’atlas des Forces de l’Europe, publié l’année suivante.
Du recueil de cartes à l’atlas :
penser l’organisation des Forces de l’Europe a posteriori
“Rien ne pouvait être plus utile que ce petit ouvrage”29 indique élogieusement le Journal des Savants lors de la parution de la première partie des Forces de l’Europe en juillet 1690. Ce petit ouvrage, d’une vingtaine de planches gravées, en compte près de 200 en 1695. C’est par un système d’enrichissement régulier de nouvelles planches gravées que Nicolas de Fer augmente le volume de son atlas. Ce système de livraison, s’il n’est pas nouveau au XVIIe siècle30, constitue pourtant l’une des particularités de l’éditeur-géographe. Il permet d’échelonner la parution de son atlas sur le marché, en étalant son travail sur plusieurs années. Il segmente ainsi sa réalisation par tranche d’une vingtaine de planches par livraison, plutôt que de sortir l’atlas en une fois. Cet échelonnement des livraisons permet également de conserver une certaine souplesse dans le choix des planches en l’adaptant à une actualité militaire mouvante et à des sources éparses. En profitant de la “structure ouverte”31 de l’atlas, Nicolas de Fer propose ainsi huit livraisons permettant d’amortir l’investissement des nouvelles planches par les anciennes et d’étaler le coût d’investissement de l’ouvrage dans le temps. Ce système révèle les stratégies matérielles de composition de l’atlas et témoigne du bon maniement des techniques cartographiques par Nicolas de Fer. Se posent toutefois les questions de la cohérence d’ensemble et de la forme adoptée par l’atlas.
À la différence d’un recueil de cartes, l’atlas possède deux caractéristiques majeures, le choix des planches, des cartes et leur organisation commune32. Un recueil se rapproche bien plus d’une collection de cartes, choisies par l’éditeur ou le libraire, regroupée dans un format livre ou en portefeuille. L’unité des Forces tient bien plus dans le fait de rassembler que d’assurer l’uniformité des planches en les confiant à une seule main. Ainsi, Christian Jacob note qu’à la différence du recueil, l’atlas “est un objet mûri et pensé, unifié dans le cadre d’un projet intellectuel autant qu’éditorial”33. À l’origine, la distinction entre recueil ou atlas ne va pas de soi lorsqu’on observe les Forces de l’Europe. Le système des livraisons permet un enrichissement certes régulier, mais quelque peu empirique des planches de l’atlas. Pourtant, les nombreux indices laissés sur les planches permettent d’accréditer la thèse selon laquelle Nicolas de Fer avait bien une vision que l’on peut qualifier d’extensive de son œuvre, dans le sens où, dès le départ, il ne souhaitait pas se restreindre à une livraison et parce que chaque livraison annonçait la suite. En effet, dès le premier volume, sur la planche n° 10 de Venise, Nicolas de Fer annonce les prémices d’une série : “Cet Ouvrage est la Première Partie dont la Seconde qui Paraîtra dans quelques temps sera composée des principales Places fortes de l’Europe et se vendra comme celle-ci. À Paris chez le Sr. De Fer”.
C’est toutefois lorsqu’il recompose l’ordre des planches aux lecteurs que les Forces de l’Europe adopte définitivement la forme d’un atlas : en 1695, lors des deux dernières livraisons, Nicolas de Fer fournit au lecteur une “table des plans contenus en cet ouvrage divisés selon l’ordre qu’on a jugé le plus convenable” (fig. 2). C’est à partir de ce moment que la “transition entre le recueil et l’atlas se produit” c’est-à-dire au moment où l’éditeur entend “leur donner une cohérence formelle”34. Cette Table des plans35, clarifie la forme définitive, cohérente et générale de l’atlas : estampe à la main, elle offre au lecteur un classement de la collection de villes fortifiées par entités politiques (villes de France, des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne), rappelant ainsi les principaux États engagés dans la guerre de la ligue d’Augsbourg36. Cette réorganisation des planches de l’atlas est également pensée à l’échelle chorographique puisque Nicolas de Fer propose de les classer selon leurs appartenances régionales. Ainsi, les planches d’Abbeville, Ambleteuse et Calais appartiennent à la Picardie tandis que Dieppe, Havre-de-Grâce et Rouen composent la province normande.
Le lecteur et acquéreur devient aussi acteur de son atlas grâce à la possibilité d’ajouter, d’organiser et d’ajuster lui-même la succession des planches gravées. Il s’agit d‘une façon originale de les investir dans la constitution de leur atlas et de rendre dépendante une clientèle qui a pris plaisir à composer un atlas à partir d’une série déterminée de planches. Cette méthode permet ainsi à De Fer de vendre plus facilement et pour un prix plus attractif les différentes livraisons en reportant certainement le coût de la reliure sur l’acquéreur. C’est ce qui explique en partie la diversité des atlas conservés dans les fonds documentaires. Deux atlas peuvent ainsi différer d’une ou plusieurs planches selon l’organisation choisie par son lecteur et acquéreur. De manière générale, l’atlas permet d’alterner vues, plans et cartes en variant les échelles et en diversifiant les points de vue réels et idéels. L’ensemble des planches s’insèrent alors dans cette proposition de découpage, à l’exception de la dernière planche qui s’intitule : Table ou Échelle Géographique (fig. 3).
Cette planche se présente sous la forme d’un tableau semi-pyramidal classant alphabétiquement les villes selon la distance, en lieues, qui les sépare les unes des autres. Tandis que la forme même de l’atlas sépare matériellement les différentes planches gravées, la Table Géographique permet de les relier au sein d’une même estampe, offrant à nouveau au lecteur une cohérence d’ensemble. Placée en fin d’atlas37, elle permet au lecteur d’estimer par lui-même les distances qui séparent certaines villes fortifiées des principales capitales européennes sélectionnées par De Fer, tout en lui offrant la possibilité de se soustraire, un moment, aux contraintes de l’espace-temps en voyageant par l’atlas. Cette table apparaît lors de la quatrième livraison de l’atlas comme en témoigne l’annonce de janvier 1693 du Mercure Galant : “la dernière feuille est une Table ou Échelle Géographique, pour savoir la distance qu’il y a entre les principales Villes de l’Europe sans se servir de compas”38. Le but est avant tout pratique et le lecteur muni de cet outil peut naviguer de planche en planche en suivant les renvois. Cette table aborde les notions d’éloignement et de proximité entre certaines villes fortifiées et articule une pensée en réseaux des différentes places fortes d’Europe occidentale39. Ainsi, la Table des Plans et la Table Géographique encadrent l’atlas et lui donnent une cohérence générale à la différence des nombreux frontispices qui séparent visuellement les différentes livraisons entre elles.
Un atlas didactique des villes fortifiées d’Europe occidentale
Conformément à la tradition du manuscrit médiéval (page d’Incipit) et aux ouvrages inscrits dans une optique universelle et encyclopédique, les atlas s’ouvrent sur un frontispice annonçant les éléments relatifs à l’ouvrage grâce à une iconographie spécifique. Qu’ils soient le titre lui-même ou qu’ils soient placés en regard de ce dernier, ils servent “à manifester en une sorte de langage crypté les pensées de l’auteur concernant son livre”40. Ils fournissent une image allégorique, symbolique ou descriptive du contenu supposé de l’atlas. L’une des particularités des Forces de l’Europe est de reposer sur plusieurs frontispices qui sont autant de marqueurs des objectifs affichés de l’auteur. Ainsi, la première livraison de l’atlas s’ouvre sur un frontispice dédié au duc de Bourgogne et adopte pour titre initial Introduction à la Fortification41 (fig. 4).
La partie supérieure voit l’affrontement de fantassins et de cavaliers, symbolisant la bataille terrestre traditionnelle à l’Époque moderne, tandis que la partie inférieure présente une bataille navale. Daté de 1690, ce frontispice rappelle en deux bandeaux horizontaux les opérations militaires auxquelles se livre le royaume de France à cette période42. Drapée aux armes de la famille royale, la partie centrale présente le titre et la dédicace ainsi qu’une scène où des putti dessinent et pratiquent l’art des fortifications. Cette scène d’apprentissage est une référence au contenu des premières planches, davantage théoriques et pédagogiques, tandis que cette première livraison s’achève par quelques exemples de villes fortifiées. Ainsi, le but initial de l’atlas semble d’abord de donner des connaissances théoriques à son dédicataire. L’Introduction est une initiation du duc de Bourgogne à l’art des fortifications ; en ce sens, le projet se rattache à l’ancienne tradition didactique de la littérature politique médiévale (speculum, miroir, enseignement, traité de conseils). En effet, Louis de France (1682-1712), fils aîné du Dauphin, n’est âgé que de sept ans en 1690 et les fortifications font partie des nombreux savoirs qu’un prince doit acquérir. En proposant ce type de planches au public, Nicolas de Fer visait très certainement à s’intégrer dans le corpus de l’éducation des jeunes princes par les cartes43. Cette première livraison s’inscrit donc dans la vive tradition des atlas pédagogiques de la seconde moitié du XVIIe siècle.
C’est à partir de la deuxième livraison, que l’atlas s’écarte de son ambition didactique et théorique pour devenir un atlas plus général des places fortes d’Europe occidentale. Nicolas de Fer inscrit sous le frontispice qu’il s’agit bien de “la Seconde partie de l’Introduction à la Fortification”44 (fig. 5), assurant explicitement une continuité avec la précédente livraison.
Le titre est modifié en Partie des Forces de l’Europe et son frontispice n’est pas censé remplacer le précédent, mais plutôt coexister avec le premier, dans une logique cumulative propre à l’atlas. Gravé par Nicolas Guérard, il présente une armée en campagne, avec au premier plan le Dauphin entouré de ses ingénieurs-militaires et spécialistes des fortifications45. Alors qu’Adam Fritach, Samuel Marolois et Simon Stevin montrent leurs plans au Dauphin, qu’Antoine de Ville et Pietro Sardi s’éloignent de la scène et que les plans de Jean Errard, de Blaise François Pagan et de Matthias Dögen gisent sur le sol, le Dauphin pointe de la main droite un plan signé et tenu par “Mr. de Vauban”46. Cette scène permet d’inscrire le projet de Nicolas de Fer dans l’illustre sillage de Sébastien le Prestre de Vauban, commissaire général des fortifications du roi depuis
167847. En effet, la réalisation des Forces de l’Europe reste intimement liée au développement de l’art de la guerre sous Louis XIV avec un poids de plus en plus important accordé aux sièges militaires dans la conduite des campagnes, tout spécialement à l’art poliorcétique, relatif au siège des villes. Toutefois, c’est lors de la troisième livraison que l’atlas adopte son titre définitif : Forces de l’Europe, Introduction à la Fortification (fig. 6).
Également gravé par Nicolas Guérard, ce frontispice n’est alors plus dédié au duc de Bourgogne, mais à son père le Dauphin48. La scène le représente marchant en direction de la déesse Athéna, siégeant, entourée des attributs de l’architecture (règle, équerre) et d’ouvrages représentant la filiation entre les savoirs mathématiques antiques (Euclide) et ceux des ingénieurs militaires de l’entourage ducal49. Tenant fermement de sa main gauche un plan de fortification50, la déesse, de son autre main, pointe le plan pour le Dauphin, de concert avec Mars qui se tient debout à proximité et qui domine la composition. Initialement conçu comme un atlas à visée pédagogique, l’atlas des Forces de l’Europe prend rapidement pour objet principal les places fortes d’Europe occidentale grâce à un enrichissement progressif de nouvelles planches gravées.
Les différents frontispices de l’atlas sont les supports des logiques de patronage et de reconnaissance politique du géographe envers le Dauphin. Ils sont des dispositifs permettant l’identification et la datation fine des planches de l’atlas et renseignent les modalités empiriques de composition et d’élaboration des planches par De Fer. Ils posent également la question du public visé par les Forces de l’Europe. En effet, lors de la première livraison, le Mercure Galant indique qu’il “sera d’une grande utilité pour les Cadets dont le Roy entretient les Compagnies”51. Le Journal des Savants reprend en partie cette affirmation, en indiquant qu’il permet de “donner aux jeunes gens qui s’engagent dans la profession des Armes, une première teinture des connaissances nécessaires pour défendre et pour attaquer les places”52. À visée pédagogique, les premières planches sont avant tout destinées aux jeunes militaires tandis que les suivantes peuvent s’adresser à un public plus large53 en complément des journaux de l’époque. Sur ce dernier point, Nicolas de Fer adopte une communication active pour faire la promotion de son atlas, en s’adressant aussi bien au public du Mercure Galant qu’à celui du Journal des Savants. Il met ainsi en place de véritables stratégies d’entrepreneur de la carte.
Entreprendre l’édition d’un atlas militaire imprimé
à la fin du XVIIe siècle
À la différence d’Alexis-Hubert Jaillot qui édite des atlas et de nombreuses cartes de Guillaume Sanson, Nicolas de Fer endosse successivement les rôles de cartographe, graveur, éditeur et marchand dans les Forces de l’Europe. Il réalise ses planches, en grave certaines tout en étant son propre éditeur, impliqué dans toutes les tâches de réalisation et de coordination de son atlas, y compris dans celle de marchand condamné à un certain succès pour amortir les sommes importantes qu’il a investies. Ainsi, Nicolas de Fer, très polyvalent, est une figure transversale entre deux mondes, le monde savant de la carte et le monde astucieux du commerce, dont les limites ne sont pas claires à l’Époque moderne. Cette porosité entre ces deux univers professionnels invite à repenser la figure de Nicolas de Fer sous l’angle de la notion d’entrepreneur54.
L’image d’un entrepreneur de la carte
La personnalisation de l’œuvre, qu’elle prenne la forme d’une carte ou d’un atlas, marque durablement l’histoire de la cartographie et d’autres disciplines savantes à l’Époque moderne. Pourtant, la simple observation des différents frontispices de l’atlas témoigne que Nicolas de Fer n’est pas le seul acteur engagé dans ce projet, puisqu’il fait appel au graveur Nicolas Guérard. Dès lors, résumer les Forces de l’Europe à la seule personne de Nicolas de Fer ne semble pas pouvoir rendre compte de l’ensemble des compétences nécessaires à son élaboration. C’est d’ailleurs ce que remarque Alexandre Cojannot lorsqu’il propose un autre regard pour analyser le statut des architectes en France au XVIIe siècle55. Cette nouvelle approche propose de s’intéresser non plus à l’œuvre architecturale comme le fruit d’un travail personnel, mais de faire une histoire par le bas, en s’intéressant à la multitude des acteurs impliqués dans le projet. Cette perspective prend davantage de poids lorsqu’elle est associée au renouveau de l’histoire des sciences depuis une quarantaine d’années56. Les génies solitaires de la science moderne laissent ainsi la place à l’étude des pratiques et techniques des savants permettant de nuancer le rôle central que l’historiographie leur attribue généralement57. Cette dépersonnalisation du travail cartographique permet ainsi de contextualiser le rôle du savant, qui n’est alors plus réductible à son projet, pour faire émerger un ensemble de professions nécessaires à sa mise en œuvre. L’objet carte est d’ailleurs un bon exemple pour illustrer la multiplicité des professions impliquées dans leur élaboration : des graveurs à l’éditeur en passant par l’enlumineur58 et le marchand, c’est tout un ensemble d’acteurs qui collaborent, de la production à la vente.
Dans une histoire intellectuelle dite positiviste, qui donne le primat à l’inventeur de la carte plus qu’à sa mise en œuvre, l’histoire de la cartographie a bien souvent été celle des grands noms plutôt que des petits artisans et producteurs, tout aussi importants mais peu étudiés. Si l’atlas des Forces de l’Europe reste attaché à la figure de Nicolas de Fer, il n’en reste pas moins qu’il s’agit bien d’une œuvre collective dans laquelle les techniques de l’imprimerie sont centrales. Malgré une formation initiale de graveur, Nicolas de Fer n’a pas forcément les capacités techniques, ni le temps, de graver l’ensemble des planches de son atlas et c’est pour cette raison qu’il délègue la réalisation de certaines planches à d’autres graveurs. Il mobilise ainsi six graveurs pour réaliser quelques planches de son atlas. Herman Van Loon et Charles Inselin sont les deux principaux graveurs employés par De Fer, tandis que Claude Gournay, Louis Loisel, Philippe Starckman et Antoine Coquart interviennent ponctuellement sur quelques planches (fig. 7 et 8). Sur près de 200 planches gravées, le géographe en délègue deux cinquièmes à ses graveurs.
Nicolas de Fer apparaît alors comme un véritable entrepreneur de la carte au sens donné par Hélène Vérin, c’est-à-dire risquant sa fortune dans des projets éditoriaux de grande ampleur tout en assurant “l’organisation, la médiation entre différents métiers et différents milieux sociaux”59. Figure intermédiaire entre plusieurs catégories professionnelles dont “l’activité est plus entremêlée à d’autres”60, Nicolas de Fer doit aussi avancer l’argent pour acheter le papier, organiser l’impression de
l’atlas61 et surtout payer le salaire des professionnels impliqués dans le projet. Il doit ainsi rémunérer les graveurs de carte, de lettre et de frontispice. La presse périodique se fait le relai de ce topos de la bonne dépense pour désigner l’entreprise du géographe, le Mercure Galant notant que “jamais personne avant le Sr de Fer n’avait fait tant de dépense pour enrichir le Public d’un aussi grand nombre de Plans”62. Malgré l’échelonnement des planches, l’atlas de Forces de l’Europe reste une entreprise coûteuse et il convient d’organiser sa production avec habileté. Le Mercure Galant conclut d’ailleurs que : “Les Curieux lui doivent savoir gré des grandes recherches qu’il a faites, et des dépenses où il s’est engagé pour leur donner dans un seul ouvrage, qui ne contient que huit parties, une connaissance parfaite de toutes les Places fortes de l’Europe”63. Ces annonces de presse, qui accompagnent les différentes livraisons des Forces de l’Europe, constituent de véritables canaux et relais publicitaires pour Nicolas de Fer. Le projet de communication est certainement une initiative de De Fer, bien que chacun y trouve son compte : sous-couvert d’information, la Sphère royale bénéficie d’une forme de publicité commerciale, émergente dans la presse de l’époque ; quant aux journaux, ils peuvent fidéliser une clientèle férue de nouveautés cartographiques. Quoi qu’il en soit du caractère payant ou gracieux de ces annonces, c’est bien parce qu’il doit amortir l’ensemble des sommes avancées dans le projet que ces annonces sont cruciales pour garantir la visibilité et la diffusion de l’atlas.
Faire la promotion de l’atlas :
le rôle de relai de la presse périodique
Le Mercure Galant de janvier 1699 signale que “Mr Jaillot, géographe ordinaire du Roi, ne s’est jamais servi des voies publiques pour donner du poids à ses ouvrages, son Atlas François, en deux grands volumes, dédié au Roi, et qu’il a eu l’honneur de lui présenter depuis quelques jours est d’une trop grande considération, pour priver les curieux de sa connaissance”64.
Absent jusque-là, Alexis-Hubert Jaillot utilise exceptionnellement ces “voies publiques” que constitue la presse pour faire la promotion de son Atlas François. À l’inverse, Nicolas de Fer est adepte de ces annonces dans la presse périodique. Entre les années 1687 et 1705, il publie presque sans interruption et fréquemment dans le Mercure Galant, avec une moyenne d’une annonce tous les deux mois, alors qu’il faut attendre un demi-siècle de plus pour voir à nouveau un géographe (George Louis le Rouge) publier autant dans le journal65. Entre les années 1690 et 1695, on observe une augmentation des annonces correspondant au suivi des différentes livraisons de l’atlas par le Mercure Galant. Un phénomène similaire s’observe dans le Journal des Savants et témoigne que Nicolas de Fer parvient à se saisir des nouvelles formes de communication
savante66.
Les deux journaux, qui relaient et suivent assidûment les différentes livraisons de l’atlas, ne sont pas construits de la même manière ni pour un même public. Le Mercure Galant est le journal mondain d’Ancien Régime, qui diffuse surtout des anecdotes relatives à la vie de cour et au déroulement des campagnes militaires67. Il s’adresse principalement à un public de salon68 et ne constitue pas a priori un medium destiné à publiciser les ouvrages cartographiques69. Le Journal des Savants est, quant à lui, l’organe de presse de l’Académie royale des Sciences et constitue son principal canal de diffusion des informations savantes70. Ainsi, les deux journaux rendent fidèlement compte des différentes livraisons des Forces de l’Europe, certainement à l’initiative de De Fer lui-même, mais ils ne se focalisent pas sur les mêmes informations. En effet, les annonces du Mercure Galant sont plus longues et détaillées, puisqu’elles s’attachent à décrire finement la composition d’une livraison tout en vantant les capacités de son auteur à mener des projets d’envergure. A contrario, le Journal des Savants est plus succinct dans la description des livraisons pour se centrer uniquement sur les quelques plans gravés dignes d’intérêt pour sa communauté de lecteurs.
Canaux d’autopromotion, ces annonces permettent à Nicolas de Fer de faire la publicité de son atlas auprès de différents publics. Le Mercure Galant présente de longues listes détaillées des planches et des villes représentées tandis que le Journal des Savants mentionne uniquement les noms des principales villes. Par exemple, dans l’annonce de la deuxième livraison de l’atlas, le Mercure Galant distingue les planches selon s’il s’agit d’un plan ou d’une vue71. Il insiste également sur la qualité de la gravure et des planches mises en vente : “Voici les noms de tous ces plans, qui sont très riches en travaux, et très proprement gravés, et généralement de tout ce que contient cet ouvrage”72. Alors que finalement assez peu de planches évoquent l’implication du Dauphin dans la guerre de la ligue d’Augsbourg, la planche de la plaine de Weil, représentant le Dauphin en campagne, est analysée différemment d’un journal à l’autre. Le Journal des Savants indique sobrement qu’elle contient “la description de la plaine de Weil, où l’armée commandée par Monseigneur le Dauphin, campa huit jours au mois de septembre de l’année dernière”73, tandis que le Mercure Galant renforce l’idée que “ce Prince y demeura huit jours pour attendre les ennemis, qui n’osèrent paraitre devant lui”74.
Le Mercure Galant, dédié au Dauphin, ne s’interdit alors pas d’interpréter les planches du géographe en fonction des intérêts de son dédicataire. Les annonces servent également à informer le lecteur des prochaines livraisons de l’atlas en reprenant la formulation des livraisons elles-mêmes, indice qui suggère que l’édition et l’entreprise promotionnelle sont conjointement pensées et pilotées par De Fer. Lors de la troisième livraison, le Mercure Galant note qu’“on prépare la quatrième partie pour le commencement de l’année 1693 et elle se vendra comme celle-ci chez son auteur dans l’île du Palais, à la Sphère Royale”75. Dès la cinquième livraison de l’atlas, le Mercure Galant précise également que Nicolas de Fer donnera “d’année en année les trois parties qui restent pour achever ce grand ouvrage”76 et anticipe les livraisons à venir. Ainsi, les deux journaux relaient des informations très similaires tout en les traitant distinctement, même s’ils tombent parfois d’accord sur la qualité d’une planche, comme celle du plan de Paris lors de la cinquième livraison77.
Toutefois, le véritable tour de force de ces annonces de presse est de ne plus seulement parler de l’atlas, mais d’évoquer les autres productions du géographe. Ainsi, lors de la deuxième livraison, le Journal des Savants note que Nicolas de Fer “vient de publier une carte très exacte et très particulière de l’Alsace, où la marche et les campements de l’armée commandée par Monseigneur le Dauphin, sont marqués”78. Cette carte correspond à celle dédiée au Dauphin et réalisée en 1691 intitulée Partie du Haut Rhein où se trouvent la Haute et Basse Alsace79 (fig. 9).
Cette carte est enchâssée dans une table alphabétique qui est elle-même entourée d’un cadre ornementé où alternent places fortes du territoire représenté, globe terrestre et triton. Nicolas de Fer réutilise ainsi les cuivres et les thématiques des villes fortifiées dans d’autres cartes qu’il réalise au même moment. Dans la même optique, la troisième livraison de l’atlas est l’occasion pour le Journal des Savants de faire la publicité de la carte du Païs d’entre Sambre et Meuse, datée de 1692, présentée et dédiée au Dauphin80. Le cartouche de la carte est l’œuvre du graveur désormais incontournable, Nicolas Guérard, tandis que la carte est gravée par Charles Inselin, qui se charge également, la même année, de la planche de Hambourg pour les Forces de l’Europe. Dès 1693, le Mercure Galant met en exergue plusieurs activités et productions de la Sphère Royale notant que “cet ouvrage [l’atlas] se continue, aussi bien que sa géographie”81. Ces exemples révèlent combien Nicolas de Fer sait rentabiliser les travaux de ses collaborateurs, voire les personnels, pour maintenir un haut degré d’activité au sein de sa boutique.
De plus, les annonces des deux journaux ne portent pas “seulement sur ce qui est paru, mais sur ce qui va paraître”82. C’est ainsi que le Mercure Galant indique que “Le Sr de Fer donnera au premier jour une carte très belle et très particulière des Pays-Bas et du Bas Rhin”83. La dimension prospective de la presse explique que le journal se détourne des productions passées pour se projeter vers celles à venir qui tiennent en haleine le lecteur. La quatrième livraison de l’atlas est l’opportunité, pour les deux journaux de promouvoir prochainement “sa grande carte de France”84. On retrouve encore ce mode d’annonce anticipée lors de la sixième livraison85 et, de façon accrue, avec la parution de sa Mappemonde86. Cette carte est gravée par Herman van Loon, le graveur qui a le plus œuvré aux Forces de l’Europe, réalisant notamment cinq planches de l’atlas la même année. In fine, les annonces de la presse périodique et les productions de la Sphère Royale forment un cercle vertueux et, malgré l’importance indéniable de l’atlas, il semble qu’il ne soit qu’une production parmi d’autres, dans l’esprit de De Fer comme au sein de sa boutique.
Éloignées des pratiques du géographe savant ou pensionné, les stratégies mises en place par Nicolas de Fer, de la production à la vente, lui permettent d’affermir la place de son atlas sur un marché concurrentiel de la carte. D’abord, une stratégie politique conduit Nicolas de Fer à obtenir le titre de géographe du Dauphin, lui conférant l’autorité de faire des cartes par la reconnaissance d’un personnage de la monarchie très haut placé. Une stratégie matérielle de composition des planches de l’atlas permet ensuite à Nicolas de Fer d’échelonner ses livraisons puis d’en proposer une réorganisation complète lors de l’achèvement de son travail. La reconnaissance du Dauphin ne suffisant pas seule à assurer la vente et la promotion des productions, se met en place un ensemble de stratégies éditoriales, commerciales et publicitaires visant à promouvoir son atlas sur le marché parisien. De Fer apparaît comme un véritable entrepreneur de la carte, à même de mobiliser et coordonner de multiples professions et d’utiliser la presse périodique au service de son projet. Cependant, cette tactique entrepreneuriale ne sert pas seulement l’atlas des Forces de l’Europe, mais bien l’ensemble des productions du géographe. Ouvrage phare de sa boutique, l’atlas s’efface progressivement au profit des autres cartes fabriquées à la Sphère Royale. Il est davantage un tremplin permettant une première incursion sur le marché cartographique, mais pour lequel Nicolas de Fer envisage rapidement le dépassement.
Nourri de ce succès, il réalise par la suite de nombreux autres atlas dont l’un des plus célèbres, l’Atlas curieux en 1700. Il le considère comme la suite logique du précédent et note dans son avertissement, relayé par le Mercure Galant :
“Quand je donnai la dernière partie des Forces de l’Europe, je promis d’en donner bientôt les beautés, c’est-à-dire, les cartes, les plans, et les descriptions de tout ce qu’il y a de plus considérable dans cette partie du monde […] et au lieu de me borner simplement aux beautés de l’Europe, je vais publier les beautés du monde entier”87.
Ce nouvel atlas change d’échelle, de l’Europe au monde, et adopte un système de livraison similaire. L’accession de Philippe V, ancien duc d’Anjou et fils du Dauphin, au trône d’Espagne, est l’occasion pour Nicolas de Fer de réaliser un autre atlas dont les 18 planches sont tirées de l’Atlas Curieux88. Publié en 1701, cet atlas est intitulé Cartes et Descriptions générales et particulières pour l’intelligence des Affaires du temps au sujet de la Succession de la couronne d’Espagne89 et présente les territoires sous domination de la couronne espagnole rehaussés de rouge90. Cette réalisation permet à Nicolas de Fer d’obtenir le titre de géographe du roi d’Espagne l’année suivante. Sa proximité avec le Dauphin et ses enfants a certainement joué un rôle important dans l’obtention de ce nouveau titre, mais c’est bien grâce à la production d’un atlas légitimant le nouveau souverain que Nicolas de Fer le décroche. Projet imposant, multipliant les planches et invitant parfois à d’énormes dépenses, la réalisation d’un atlas constitue une véritable opportunité de carrière pour Nicolas de Fer qui signe ses cartes du double titre de géographe du Dauphin et du roi d’Espagne en 1702.
Dix ans après les dernières parutions de l’atlas, Nicolas de Fer réédite les Forces de l’Europe en modifiant pour l’occasion quelques dates de certaines planches91. Tandis que les nombreux exemplaires des Forces de l’Europe retrouvés dans les bibliothèques européennes et mondiales informent de sa diffusion, son succès s’illustre particulièrement à travers les nombreuses contrefaçons92 et rééditions. Contrefait par au moins trois éditeurs hollandais (Georges Gallet93, Pieter Mortier94 et Pieter van der Aa95), l’atlas a une influence qui est aussi perceptible dans le titre de deux atlas militaires manuscrits : les Forces du Dauphiné réalisé en 1707 et les Forces d’Alsace en 171596. À la mort de Nicolas de Fer, les cuivres de la Sphère Royale passent entre les mains de ses successeurs et ceux des Forces de l’Europe entre les mains de son gendre Jacques François Bénard. Ce dernier se charge de rééditer à trois reprises l’atlas jusqu’en 174097. Il sera une dernière fois réédité par Desbois en 174698 qui signe d’ailleurs ses cartes en tant que “petit-fils” de Nicolas de Fer, témoignant du renom et même de la lignée de l’entreprise cartographique familiale dans le milieu parisien de la carte jusqu’au milieu du XVIIIe siècle99.
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Notes
- Mercure 1695.
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- La date du décès d’Antoine de Fer reste incertaine. Mireille Pastoureau mentionne celle du 9 juin 1673, en suivant le fichier Laborde (B.N., Mss, NAF 12079 n° 16783) dans Pastoureau 1984, 167. Les auteurs du Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime supposent la “mauvaise lecture de la date par Laborde” et adoptent plutôt celle de 1675, s’approchant davantage du règlement de la succession d’Antoine par sa veuve Geneviève Hourlier (ANMC, XCVII-40, 11 septembre 1675) dans Préaud et al. 1987, 120. Les quelques cartes réalisées par Nicolas et éditées par Antoine de Fer en 1674 renforcent bien la dernière hypothèse.
- ANMC, CVIII-205, 8 novembre 1687.
- Sponberg Pedley 1981.
- Cet article est lié aux recherches en cours menées dans le cadre de ma thèse de doctorat intitulée : À la Sphère Royale, étude d’une entreprise cartographique à succès à Paris (1660-1740), sous la direction d’Antonella Romano (EHESS).
- Sur le marché cartographique des XVIe-XVIIe siècles en France voir Hofmann 2007 ; pour une étude comparée entre les marchés cartographiques parisien et londonien au XVIIIe siècle, voir Sponberg Pedley 2005.
- Chappey 2013, 44 ; voir également Revel 2006, 140-162.
- Sur les stratégies des ingénieurs et éditeurs et notamment le rôle central joué par la traduction voir Virol 2016.
- La presse périodique (Mercure 1690b ; Journal 1690b) confirme qu’il s’agit bien du premier atlas réalisé par Nicolas de Fer, juste avant sa réédition de l’atlas des Costes de France de Christophe Tassin.
- Pour le détail des livraisons, voir De Fer 1690 à De Fer 1695b.
- Warmoes 2019.
- Sur la production d’atlas imprimés, voir les travaux pionniers de Pastoureau 1980 et 1984 ; sur les premières formes de l’atlas voir Besse 2010 ; sur l’édition d’atlas en France aux XVIIe-XVIIIe siècles voir Sponberg Pedley 1995 et Orgeix d’ et al. 2003, notamment les contributions de Hofmann 2003 et Pelletier 2003 ; enfin, sur la production d’atlas manuscrits Orgeix d’ & Warmoes 2017.
- Journal 1695.
- BnF, Cartes et Plans, GE DD-2987 (1538 B).
- Les trois cartes sont conservées sous une même cote : BnF, Cartes et Plans, GE C-10480 (1-3). Ce terme de géographe du Dauphin pose un problème de définition. Il semble pourtant qu’il soit moins officiel que celui de géographe du roi, mais il revêt toutefois une importance croissante dans une période de guerre et de multiplication des offices.
- Sur les relations de patronage en France au XVIIe siècle voir Petto 2007 et 2015.
- Mormiche 2009, 419.
- Pastoureau 1982, 144-148.
- Sur l’intégration progressive de la Franche-Comté au royaume de France, voir en particulier Dee 2009.
- De Fer 1689.
- Seules les deuxième et sixième éditions ont été retrouvées. Datée de 1691, la sixième édition est conservée avec les trois cartes sous la côte : BnF, Cartes et plans, GE C-10480 (A 1-3).
- La mention “N. De Fer, Géographe de Monseigneur le Dauphin” apparaît dans les deux éditions et le Mercure 1689 note que cette carte a “fait mériter à son auteur le titre de géographe de Monseigneur le Dauphin, comme on le peut voir dans son privilège”.
- On retrouve l’emploi de ces figures mythologiques dans le frontispice de l’Atlas Nouveau de Jaillot ; voir à ce sujet Petto 2005, 56-57.
- Véronique Meyer relève par ailleurs la collaboration entre Nicolas de Fer et Liébaux sur d’autres projets (Meyer 2017, 141).
- Cette division du travail est mentionnée dans le cartouche de la première carte : “Le plan et la lettre sont gravés par Liébaux” et “Les Ornements inven[t]. et gravé par Guérard” dans BnF, Cartes et Plans, GE C-10480 (1-3).
- De Fer 1689, 8.
- Ibid.
- Journal 1690a.
- On retrouve en particulier ce système de livraison dans l’Atlas nouveau édité en 1681 par Alexis-Hubert Jaillot (Jacob 1992, 104).
- Ibid.
- Orgeix d’ & Warmoes 2017, 41.
- Jacob 1992, 101.
- Ibid.
- Cette Table des plans est insérée au début de l’exemplaire de De Fer 1695b.
- L’atlas reprend d’ailleurs les différents théâtres d’opérations de la guerre exposés dans Cénat 2017.
- En accord avec le classement proposé par Nicolas de Fer, cette Table Géographique est la dernière planche de l’atlas, comme on le constate dans la réédition réalisée par son gendre Jacques-François Bénard (De Fer 1723).
- Mercure 1693a, 287.
- Verdier 2007.
- Besse 2015, 171.
- De Fer 1690, voir le frontispice de l’Introduction à la Fortification dédiée à Monseigneur le duc de Bourgogne.
- Lors de la quatrième livraison, Mireille Pastoureau évoque la création d’un frontispice alternatif réalisé en miroir de celui de 1690 : “la nouvelle planche copie la précédente mais sa gravure est inversée ; de plus, le nom de De Fer est écrit sous la ligne précédente et non à côté, et ce titre est daté 1693 alors que le premier n’était pas daté” (Pastoureau 1984, 204).
- Mormiche 2009, 417-427.
- Voir le frontispice de la Partie des Forces de l’Europe de De Fer 1691 : BnF, Cartes et Plans, GE FF-20741 (RES).
- À l’inverse de l’image laissée par l’historiographie, le frontispice présente un “Dauphin de guerre” préparant la bataille à venir avec des plans judicieusement choisis. Sur ce point, voir en particulier Cénat 2014.
- “Le dessin de la planche qui enferme le titre, est très bien inventé, et représente les plus habiles Ingénieurs qui offrent leurs manières de fortifier à Monseigneur le Dauphin, qui choisit celle de Mr. de Vauban entre toutes les autres” dans, Journal 1691.
- Sur ce thème voir en particulier Orgeix d’ 2007.
- Voir le frontispice De Fer 1692 (BnE, GMG/418).
- Sur le sol, on peut identifier l’ouvrage du professeur de mathématiques du Dauphin, François Blondel, intitulé L’Art de jetter les bombes. Sur la deuxième feuille est notée “Malet”, certainement la référence à Philippe Mallet, mathématicien au collège de Bourgogne ou bien à son élève homonyme Alain Manesson Mallet qui fait paraître ses Travaux de Mars en 1671, réédité en 1684-1685, et retraçant différentes manières et méthodes de fortifications ; dans Orgeix d’ 2008.
- Shirley 2008.
- Mercure 1690a.
- Journal 1690a.
- Le terme de “public” est régulièrement employé par le Mercure Galant pour désigner les lecteurs de l’atlas : “Comme le Public reçoit favorablement tous les Ouvrages de Mr de Fer” (Mercure 1693a, 286).
- Voir en particulier le travail pionnier de Vérin 1982.
- Cojannot 2014. On retrouve également cette notion d’entrepreneur appliquée aux architectes dans Nègre 2016 ainsi que dans Nègre & Victor 2020.
- Voir en particulier les articles de Pestre 1995 et Romano 2015 ainsi que l’ouvrage de Van Damme 2015.
- Biagioli 1993 : l’exemple de Galilée a constitué un véritable terrain d’étude pour nuancer le rôle joué par ces grands savants à l’Époque moderne.
- Hofmann 1999.
- Nègre 2016, 118.
- Bernardi et al. 2020, 27.
- Pour approfondir les dispositifs d’impression cartographique à la même période et dans le cas du géographe du roi Pierre Duval, voir Phelippot 2021.
- Mercure 1691, 204.
- Mercure 1695, 190-191.
- Mercure 1699.
- Verdier 2015, 134 : le graphique présentant les auteurs de cartes dans le journal illustre l’omniprésence de Nicolas de Fer par rapport aux autres auteurs.
- Peiffer & Vittu 2008.
- Vincent 2005.
- Le Mercure Galant donne à voir une certaine image de la société d’Ancien Régime et de la vie des salons tout en constituant l’un de ses organes de presse (Lilti 2005).
- Pourtant, Verdier 2015 démontre qu’il s’agit bien d’un espace où l’on retrouve des auteurs de cartes, et non des cartes.
- Vittu 1997, 2002a et 2002b.
- Mercure 1691, 202-204.
- Ibid., p. 201.
- Journal 1691.
- Mercure 1691, 205.
- Mercure 1692 : le journal reprend ici la mention exacte présente sur le frontispice de la troisième livraison.
- Mercure 1693b.
- Ibid. ; Journal 1693b. Le plan de Paris fait l’objet d’une mention élogieuse dans les deux journaux.
- Journal 1691.
- BnF, Cartes et Plans, GE C-6665.
- BnF, Cartes et Plans, GE DD-2987 (4411) ; Journal 1692 : “Outre cette troisième partie des places fortifiées de l’Europe, M. de Fer vient de donner à part au Public une carte très exacte du pays d’entre Sambre et Meuse, et des environs de Namur, capitale du Comté de même nom, laquelle après peu de jours de siège vient d’être réduite à l’obéissance de Louis le Grand”.
- Mercure 1693a, 287.
- Grivel 1986, 242.
- Mercure 1691, 205-206.
- Mercure 1693a, 289 ; Journal 1693a.
- Journal 1694 ; Mercure 1694.
- BnF, Cartes et Plans, GE C-8478.
- Mercure 1700 ; le Journal 1700 relaie également cette continuité entre les deux atlas : “Lorsque M. de Fer donna au public la dernière partie des Forces de l’Europe, il promit de lui en donner les beautés. Maintenant il promet celles du monde […]”.
- Pastoureau 1984, 196-197.
- Journal 1701 ; Mercure 1701.
- BnF FOL-O-16 : sur la page du frontispice, Nicolas de Fer note que “Dans les cartes on a peint en Rouge ce que possède le Roi d’Espagne”.
- Sur ce point, voir en particulier Pastoureau 1984, 211.
- Pastoureau 1988.
- Il s’agit d’une contrefaçon dont les pages de titre et la table des plans sont rédigées en espagnol tandis que les plans copiés sont en français ; voir l’exemplaire Gallet 1700 conservé à la Bibliothèque nationale d’Espagne. Considéré comme l’un des pseudonymes utilisés par les imprimeurs Huguetan, il semble pourtant que Georges Gallet soit bien un important collaborateur puis directeur des deux frères (Boutinet 2019).
- Pieter Mortier est marchand et éditeur de cartes géographiques à Amsterdam et le fondateur de la firme Covens et Mortier, entreprise qui se spécialise entre autres dans les contrefaçons cartographiques souvent françaises. Voir sur ce point Egmond 2002.
- Les planches de Mortier sont vendues à Pieter van der Aa qui réédite l’atlas en 1726 (Pastoureau 1984, 213). Sur Pieter Van der Aa, voir Hoftijzer 1992.
- Cités dans Orgeix d’ & Warmoes 2017, 62.
- De Fer 1723, 1736 et 1740.
- De Fer 1746.
- Pastoureau 1984, 211-213 mentionne les nombreuses rééditions des Forces de l’Europe.