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Jean Bernard Marquette, l’homme d’une collection

À propos de :
Collection Atlas historique des villes de France. Volumes publiés, 1982-2025 (classement chronologique par région)
Gironde-Landes 
Bazas/Gironde (Jean Bernard Marquette, 1982) ; La Réole/Gironde (Jacques Gardelles, 1982) ; Mont-de-Marsan/Landes (Jean Bernard Marquette, 1982 ; Anne Berdoy 2018) ; Saint-Sever/Landes (Jean-Claude Lasserre, 1982) ; Bordeaux/Gironde (Sandrine Lavaud, Ézéchiel Jean-Courret, 2009)
Pyrénées-Gascogne 
Auch/Gers (Gilbert Loubès, 1982) ; Bayonne/Pyrénées Atlantiques (Pierre Hourmat, 1982 ; Frédéric Boutoulle, Ezéchiel Jean-Courret et Sandrine Lavaud, 2019) ; Foix/Ariège (Gabriel-Michel de Llobet, 1982) ; Pau/Pyrénées Atlantiques (Christian Desplat et Pierre Tucoo-Chala, 1982 ; Dominique Bidot-Germa, Cécile Devos et Christine Juliat, 2017, rééd. 2021) ; Tarbes/Hautes-Pyrénées (Maurice Berthe, Roland Coquerel et Jean-François Soulet, 1982) ; Oloron-Sainte-Marie/Pyrénées Atlantiques (Jacques Dumonteil, 2003) ; Orthez/Pyrénées Atlantiques (Benoît Cursente, 2007)
Périgord-Limousin 
Bergerac/Dordogne (Yan Laborie, 1984) ; Brive/Corrèze (Bernadette Barrière, 1984) ; Périgueux/Dordogne (Arlette Higounet-Nadal, 1984 ; Hervé Gaillard et Hélène Mousset 2018) ; Ussel/Corrèze (Jean-Loup et Nicole Lemaitre, 1984) ; Limoges/Haute-Vienne (Bernadette Barrière, 1984)
Quercy-Rouergue
Albi/Tarn (Jean-Louis Biget, 1983) ; Cahors/Lot (Jean Lartigaut, 1983) Figeac/Lot (Jean Lartigaut, 1983) ; Montauban/ Tarn-et-Garonne (Jean-François Fau et Jean-Claude Fau, 1983) ; Rodez/Aveyron (Bernadette Suau, 1983)
Agenais 
Agen/Lot-et-Garonne (Jacques Clémens, 1985 ; Sandrine Lavaud 2017) ; Marmande/Lot-et-Garonne (Jacques Clémens, 1985) ; Nérac/Lot-et-Garonne (Jacques Clémens, 1985) ; Villeneuve-sur-Lot/Lot-et-Garonne (Jacques Clémens, 1985)  
Bretagne 
Fougères/Ille-etVilaine (Jean-Pierre Leguay et Claude Nières, 1986) ; Morlaix/Finistère (Jean Tanguy, 1986) ; Saint-Malo/Ille-et-Vilaine (Catherine Laurent, 1986) ; Vannes/Morbihan (Patrick André, Jean-Pierre Leguay et Claude Nières, 1986) ; Lorient/Morbihan (Claude Nières, 1988) ; Quimper/Finistère (Jean Kerhervé, 1988) ; Brest/Finistère (Marie-Thérèse Cloitre, 1991) ; Saint-Brieuc/Côtes-d’Armor (Jean Kerhervé, 1991)
Île-de-France Picardie 
Étampes/Essone (Claudine Billot, 1989) ; Senlis/Oise (Ghislain Brunel, Thierry Crépin-Leblond et Jean-Marc Femolant, 1989) ; Provins/Seine-et-Marne (Pierre Garrigou-Grandchamp et Jean Mesqui, 1992) ; Mantes-La-Jolie/ Yvelines (Lucien Bresson, 2000)
Lorraine – Franche-Comté  
Belfort/Territoire de Belfort (Michel Rilliot et Yves Pagnot, 1993) ; Besançon/Doubs (Marie-Laure Bassi et Thomas Chenal, 2024) Épinal/Vosges (Bemard Houot, 1993) ; Montbéliard/Doubs (André Bouvard, Jean-Claude Voisin, 1994) ; Nancy/Meurthe-et-Moselle (Jean-Luc Fray, 1997) ; Bar-Le-Duc/Meuse (Jean-Paul Streiff-Figueres, 1998) ; Toul/ Meurthe-et-Moselle (Michel Hachet, Abel Lieger, André Mertzweiller, 2000)
Roussillon 
Collioure-Port-Vendres/Pyrénées-Orientales (Antoine de Roux et Alain Ayats, 1997) ; Perpignan/Pyrénées-Orientales (Antoine de Roux, 1997)
Normandie 
Alençon/Orne (Gérard Louise, 1994) ; Évreux/Eure (Pierre Bauduin, 1997)
Poitou-Charente 
Niort/Deux-Sèvres (Valérie Trouvé, 1998)

La direction de la collection de l’Atlas historique des villes de France, que Jean Bernard Marquette a assurée pendant plus de deux décennies, constitue un pan majeur de sa carrière scientifique, où se sont cristallisées ses appétences d’historien (l’occupation du sol, la cartographique historique, la ville…) et noués ses réseaux académiques, lui valant reconnaissance à l’échelle internationale. Quarante-huit fascicules ont ainsi été publiés sous sa direction, de 1982 à 2007. Néanmoins, Jean Bernard Marquette n’a pas été le fondateur de la collection et en a reçu l’héritage de Charles Higounet, dans un environnement scientifique d’alors particulièrement favorable ; les Landes, son territoire de “cœur”, ont constitué l’un des terrains d’expérimentation des premiers atlas, avec, entre autres, la parution en 1982 de ceux de Bazas et de Mont-de-Marsan réalisés par Jean Bernard Marquette lui-même.

S’il n’est pas à l’origine de sa conception, Jean Bernard Marquette a mis en application les principes arrêtés par les fondateurs de la collection et a été le véritable chef d’orchestre de cette aventure éditoriale dont il a assuré le succès. 

Le continuateur de Charles Higounet

La collection de l’Atlas historique des villes de France a été créée en 1973 à l’instigation de la Commission internationale pour l’histoire des villes. Fondée à Rome en 1955, sur l’exigence de mémoire des paysages urbains anciens détruits par la guerre et la reconstruction, la Commission a souhaité œuvrer à la réalisation d’atlas historiques des villes des différents pays européens, permettant d’en collationner les données historiques pour restituer leur trajectoire spatiale. Les premiers jalons théoriques ont d’abord été posés par les modèles anglais et allemands1, qui ont notamment fixé le recours comme fond cartographique à des plans cadastraux ou parcellaires d’avant la Révolution industrielle et à l’échelle du 1/2500.

C’est en 1973, que Philippe Wolff, professeur à l’université de Toulouse, alors président de la Commission, lance le projet d’une collection pour la France ; il en justifie l’urgence par la nécessité de conserver la “richesse humaine et touristique” des villes françaises dans un contexte d’urbanisation galopante. Lors de l’assemblée de Ferrare, en avril 1973, Charles Higounet, professeur à l’université de Bordeaux, dresse un premier programme de cet atlas national. L’enseignement de géographie historique qu’il dispense alors à l’École pratique des Hautes Études (IVe section), de même que le laboratoire de cartographie historique qu’il a créé à l’université de Bordeaux, dans le cadre du Centre de Recherches sur l’Occupation du Sol (CROS), le destinent tout naturellement à cette tâche. Sous son égide, la réflexion, les tâtonnements sur la mise au point de ce modèle français, ainsi que la recherche de moyens techniques et financiers durent jusqu’au début des années 1980. Si le recours à la méthode cartographique anglaise semble alors acquis, la spécificité de la source cadastrale napoléonienne, la fabrication d’une légende avec l’adoption de couleurs parlantes à notre sensibilité nationale, le choix des modes de représentation ont prolongé cette période préparatoire, si bien que lorsque Charles Higounet quitte l’université en 1979, aucun atlas n’est encore paru. C’est Jean Bernard Marquette qui, en reprenant la direction, assure les premiers tirages.

La maquette mise au point est le fruit d’une véritable aventure technique initiée au sein du laboratoire de cartographie historique. Jusqu’au recours à l’informatique, les atlas ont été dessinés sur table à dessin, puis transformés par films successifs (trames, lettre, couleurs) avec l’emploi du système chromalin pour le tirage d’épreuves couleur en vue des corrections. Le format adopté à l’échelle européenne est celui d’un fascicule, sous forme de chemise cartonnée à rabats, d’une taille de 42 x 31 cm, apte à loger le plan, parfois entier (60 cm x 80 cm), comme dans les quatre premières parutions puis, par la suite, plié en deux ou en quatre selon la taille et la forme de la ville. 

Ce plan historique constitue le document central de l’atlas et résume à lui seul l’esprit et le but du programme : retranscrire, sur un plan parcellaire fiable et ancien, les informations relatives à l’évolution topographique d’une ville, des origines au début du XIXe siècle. Sur le fond cadastral redessiné, en conservant l’échelle du 1/2500, sont reportés, en géométrie plane, tous les monuments publics marqueurs de l’espace urbain. La sémiologie graphique retenue met en en exergue trois aspects de ces monuments : la chronologie de leur construction et des rénovations, leur état – en place ou disparus – à la date du plan et le degré de leur restitution par l’historien. Elle renseigne également sur la nature des parcelles indiquée par la source cadastrale. En complément du “Plan historique”, est adjointe une “Notice générale”, c’est-à-dire, un commentaire textuel, originellement court (deux feuillets au format du fascicule), apportant données et interprétations historiques relatives aux étapes de la structuration de l’espace urbain. Malgré des évolutions à partir de 2003 (format réduit, puis à partir de 2009 (Bordeaux) ajout de la partie “Sites et monuments”), la maquette est demeurée pérenne dans sa conception et ses objectifs.

Un environnement scientifique favorable

Expression d’une géohistoire chère aux fondateurs, les atlas ont été réalisés dans une perspective d’occupation du sol et du peuplement, faisant la part belle à l’approche monographique et cartographique de l’espace, conçu comme le produit d’une culture historico-géographique. On ne saurait assez dire ce que la démarche, que l’on pourrait qualifier de morphohistoire, avait alors de novateur et de singulier ; certes, les “Trente glorieuses” de la Nouvelle histoire en France ont fait la part belle à l’histoire urbaine, avec des monographies monumentales toujours de référence ; mais c’est alors une perspective d’histoire sociale qui prédomine peu attentive à l’espace, perçu seulement comme un cadre ou un décor dans lequel se déroulent les rapports sociaux. De fait, la cartographie, souvent sommaire et schématique dans sa conception, n’y occupe qu’une part mineure ; là réside le caractère inédit de l’entreprise de l’Atlas historique des villes de France, alors sans réel équivalent ou concurrence. Le développement de l’archéologie urbaine dans la décennie 1990, auquel fait écho la publication des Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France par le Centre National d’Archéologie Urbaine (CNAU, Tours), n’a pas encore changé la donne ; par leur perspective diachronique et leur utilisation de l’ensemble des sources disponibles – et pas seulement archéologiques – les atlas se sont imposés comme des monographies urbaines inédites et de référence, tant pour les scientifiques que pour tous les acteurs de l’urbanisme.

À l’échelle du site universitaire bordelais, la collection est hébergée par le CROS et sa section Moyen Âge que Charles Higounet, pour les deux grands objectifs qu’il lui a assignés : la recherche sur l’occupation du sol et du peuplement du Midi de la France et les atlas historiques, a voulu placer sous convention du CNRS. Les atlas en constituent en effet un programme-phare, associé à la réalisation de Plans d’Occupation des Sols Historiques et Archéologiques d’Aquitaine (POSHA). Lancé en 1978 par Charles Higounet et perpétué par Jean Bernard Marquette, ce programme des POSHA, lorsqu’il a porté sur des villes, a pu constituer un préalable à la réalisation d’atlas ; c’est le cas pour celui de Périgueux, en revanche, le POSHA de Dax n’a jamais abouti à un atlas de la ville. Voués à être des outils de décisions pour les collectivités territoriales, les POSHA ont pu également orienter les atlas vers une fonction de médiation scientifique et patrimoniale. Quant à la connaissance historique, les atlas ont pu s’appuyer sur la réalisation de mémoires de maîtrise ou de TER (Travaux d’étude et de recherche) initiée par Jean Bernard Marquette. Néanmoins, sur les Landes, ce dernier a préféré lancer les enquêtes de ses étudiants sur des territoires plutôt que sur des villes dont il s’est gardé l’étude. La création en 1996 de l’UMR 5607 Ausonius, par fusion du CROS et des centres Pierre Paris et Georges Radet, a développé encore la dynamique de recherche de la collection, désormais intégrée aux programmes de recherche du laboratoire et éditée par Ausonius Éditions.

Expérimentations landaises

La couverture géographique des atlas à l’échelle de la France résulte tant de positionnements scientifiques que d’opportunités. La sélection initiale des villes à cartographier s’est faite en tenant compte de leur rang dans la hiérarchie urbaine – seuls les chefs-lieux de département ont été, au départ, retenus –, mais également en fonction des questionnements, alors en cours et auxquels la collection entendait contribuer, sur la typologie des villes (anciennes cités, villes d’accession ou de formation, villes de fondation…). Le choix a été aussi subordonné à l’existence d’un matériel cadastral satisfaisant et toujours à celle de collaborateurs compétents capables d’établir la minute du plan et la notice d’accompagnement. Dans leur recrutement et dans la bonne marche de l’entreprise, ont joué leur solide connaissance des ville traitées, mais aussi leur familiarité avec l’occupation du sol et la démarche topographique. Ont aussi pesé les relations institutionnelles tissées par Jean Bernard Marquette, relayé par ses correspondants régionaux qui ont localement sollicité des auteurs au profil varié : professeurs d’université, spécialistes de l’histoire médiévale, de l’Époque moderne ou de l’histoire de l’art, professeurs de lycée, érudits régionaux, directeurs d’archives ou conservateurs des monuments historiques. Sans surprise, l’Aquitaine tient la meilleure place, en étant chronologiquement le premier espace régional étudié et encore aujourd’hui le mieux couvert (23 atlas sur 55). La région a servi de terrain d’expérimentation pour le lancement de la collection ; ainsi, sur les neuf premiers atlas parus en 1982, sept villes (Auch, Bayonne, Bazas, La Réole, Mont-de-Marsan, Pau, Saint-Sever) en relèvent, les deux autres, Foix et Tarbes, ouvrant sur la région Midi-Pyrénées traitée l’année suivante. Dans cette sélection initiale, les Landes occupent une place de choix avec trois villes faisant en 1982 l’objet d’un atlas ; en revanche, elles ne font par la suite l’objet d’aucun autre volume jusqu’à la réédition de l’Atlas historique de Mont-de-Marsan en 2018. Que Jean Bernard Marquette se soit emparé des atlas deux vieilles cités de Bazas et de Mont-de-Marsan – la première, sa “petite patrie”, la seconde dont il confessait ne rien connaître au préalable – dit assez son attachement et sa connaissance intime du territoire landais. Quant au bourg monastique de Saint-Sever, la réalisation de son atlas relève davantage de l’opportunité d’une recherche déjà avancée. Ainsi, elle a pu s’appuyer sur un TER effectué en 1971 par Jean-Paul Farbos sur la géographie urbaine de Saint-Sever2 ; surtout, elle a bénéficié d’une étude de l’Inventaire menée dans les années 1970, de sorte que la direction de l’atlas a été naturellement confiée à Jean-Claude Lasserre, Secrétaire régional de l’Inventaire général d’Aquitaine. 

Bibliographie

  • Lobel, M.D., éd. (1969) : Historic Towns of the British Isles, Maps and plans of towns and Cities in the British Isles, with historical Commentaries, from Earliest Times to 1800, Oxford. 
  • Ennen, E., dir. (1972) : Rheinischer Städeatlas, Institut für geschichtliche Landeskunde des Rheinlande an der Universität Bonn, Bonn.
  • Farbos, J.-P. (1971) : Saint-Sever. Étude de géographie urbaine, TER, Université de Bordeaux. 
  • Farbos, J.-P. (1972) : “L’évolution historique de la morphologie urbaine de Saint-Sever”, Bulletin de la Société de Borda, 347.

Notes

  1. Lobel, éd. 1969 ; Ennen, dir. 1972.
  2. Farbos 1971 ; Farbos 1972, 297-310.
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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356136541
ISBN html : 978-2-35613-654-1
ISBN pdf : 978-2-35613-655-8
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
4 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Lavaud, Sandrine, “Jean Bernard Marquette, l’homme d’une collection », in : Boutoulle, F., éd., Jean Bernard Marquette, historien de la Haute Lande, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, vol. 3, 2025, [en ligne] https://una-editions.fr/marquette-l-homme-d-une-collection [consulté le 15/11/2025].
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