Méthode élaborée par Emmanuelle Burgaud, Cécile Castaing, Marie Deramat, Marie Lamarche, Ludivine Limandas et Sébastien Tournaux dans le cadre du projet STEP (intégration de l’enseignement clinique dans les maquettes) avec l’appui de la MAPI – université de Bordeaux 2018-2022.
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » (article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle)1.
Remarquepréliminaire : L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire a été tenté à plusieurs reprises dans plusieurs masters mais l’expérimentation n’étant pas convaincante, la conceptualisation est demeurée limitée ce qui explique que son commentaire ne suive pas la même construction que pour les autres enseignements cliniques.
Situation authentique individuelle : issue de la demande d’une personne
Dans l’enseignement clinique « Identification d’un sujet de mémoire », les étudiants s’appuient sur la participation au Service d’information juridique2 de la Clinique du droit pour identifier le sujet de leur mémoire de recherche. Le SIJ est le service de la Clinique du droit qui permet de mettre en relation les étudiants avec des personnes en vue de leur apporter des informations juridiques de qualité. Son objectif est de simplifier l’accès au droit pour les usagers et de proposer à des étudiants d’analyser des situations réelles en rencontrant des membres de la société civile. Les étudiants sont donc placés en situation authentique individuelle, c’est-à-dire qu’ils répondent à la demande d’une personne.
L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire
Type de formation
L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire est proposé à des étudiants de master et comprend 3 séances en présentiel. Cet enseignement s’appuie sur les situations authentiques individuelles que constituent les rendez-vous du SIJ. Le sujet est choisi en collaboration par l’étudiant et le directeur de mémoire, soit à partir d’un cas traité par l’étudiant lui-même au cours de sa participation au SIJ, soit d’un cas choisi au sein des archives de la Clinique ( Document 1)3.
Après un passage au SIJ et en s’appuyant sur le cas clinique traité, les étudiants retravaillent le dossier clinique en vue d’identifier un sujet de mémoire. Cet enseignement a pour objectif de renforcer les liens entre l’enseignement du droit, la réalité du monde socio-économique et l’apprentissage de/par la recherche. Il vise principalement à engager une réflexion approfondie sur le cas clinique à partir de travaux préparatoires, à développer l’autonomie de l’étudiant dans la détermination du sujet de recherche, à favoriser un travail collaboratif enseignant-chercheur/étudiant.
Bon à savoir : La méthodologie proposée ne diffère pas de celle d’un mémoire de recherche classique. Seules, la phase initiale de détermination collaborative du sujet de mémoire et quelques particularités rédactionnelles (annexes du mémoire) se distinguent du travail de mémoire habituel.
1. Genially, frise Identification d’un sujet de mémoire.
Objectifs pédagogiques
Identifier un sujet de recherche à partir des intérêts suscités par une situation authentique permettant de resituer le droit dans sa réalité sociale.
Favoriser l’autonomie et l’intérêt de l’étudiant en lui donnant la possibilité de choisir son sujet de recherche.
Objectifs sociaux
Ancrer les résultats d’une recherche universitaire dans la réalité sociale
Permettre à la société de bénéficier de travaux de recherche universitaires présentant un intérêt immédiat et identifié.
Travaux produits
La production principale de l’Identification d’un sujet de mémoire est la détermination d’un intitulé d’un sujet de mémoire de recherche. Accessoirement, les travaux réalisés par l’étudiant dans le cadre de son étude préparatoire lui permettront de nourrir les éléments de contextualisation du sujet et de formuler une problématique dans l’introduction du mémoire.
Le mémoire de recherche produit à partir du sujet élaboré dans le cadre de l’Identification d’un sujet de mémoire comporte en annexe l’étude préparatoire réalisée par l’étudiant au cours de cet enseignement (2)5. Il est également possible d’y annexer d’autres documents utilisés au cours de l’enseignement (documents anonymisés remis par l’usager au SIJ, bibliographie de l’étude préparatoire, etc.) ( Document 2)6.
1. Genially, étude préparatoire.
Déroulement détaillé des séances
Rappel : cet enseignement est obligatoirement précédé d’une participation au SIJ.
La séance 1 – Présentation de l’enseignement (fin septembre, début octobre-1h)
Avant la séance
Enseignants-chercheurs
L’enseignant-chercheur prend connaissance de la méthode « Information juridique appliquée » et de la méthode « Identification d’un sujet de mémoire ».
Pendant la séance
La première séance en présentiel vise à expliquer à l’étudiant la démarche et les objectifs liés à cet enseignement ainsi que les différentes étapes de travail lui permettant d’y parvenir.
Après la séance
Étudiants
À la suite de cette séance, l’étudiant devra assimiler l’ensemble des étapes de travail et prendre connaissance des différents documents/ressources contenus dans l’espace Moodle et la boîte à outils ()7.
Il doit ensuite participer à l’enseignement « Information juridique appliquée » au SIJ (formations et rendez-vous du SIJ).
La séance 2 – Présentation de l’étude préparatoire (novembre-2h)
Avant la séance
Enseignants-chercheurs
L’enseignant-chercheur doit prendre connaissance du cas traité par l’étudiant au SIJ s’il ne l’a pas supervisé (enseignant-chercheur-référent du SIJ).
Un schéma méthodologique de l’étude préparatoire, permettant de déterminer les intérêts issus du cas, a été réalisé et est mis à disposition sur Moodle (cf. 2).
Cette étape est parfois complexe à appréhender pour les étudiants, c’est pourquoi il est conseillé d’organiser la séance en deux temps (explication/supervision du début de travail préparatoire).
Pendant la séance
Afin de pouvoir identifier un sujet de mémoire, l’étudiant doit mener une étude préparatoire qui lui permettra de déceler les principaux intérêts du cas clinique.
La séance 2 permet, en première partie de séance, d’exposer à l’étudiant la démarche à adopter pour procéder à cette identification. L’enseignant-chercheur rappelle la distinction entre l’information juridique et le conseil juridique, qui constitue l’une des branches d’approfondissement, et présente la méthodologie de l’étude préparatoire à l’étudiant.
Dans une seconde partie de séance, l’étudiant commence à travailler l’étude préparatoire, sous la supervision de l’enseignant-chercheur en l’appliquant au cas qu’il a traité au SIJ.
Cette étude constitue une première réflexion sur le cas et sa situation en contexte. Elle permet à l’étudiant d’identifier des thématiques potentielles de recherche. L’étude préparatoire fera l’objet d’une évaluation et sera notée. Elle doit donc être formalisée pour être placée en annexe du mémoire de recherche quand celui-ci aura été réalisé.
Après la séance
Étudiants
L’étudiant devra finaliser l’étude préparatoire commencée lors de la séance 2. Celle-ci leur servira de base pour préparer une présentation orale des intérêts à l’enseignant-chercheur au cours de la séance suivante. Cette présentation devra comprendre : la présentation rapide du cas sur le plan technique ; la présentation des intérêts suscités par le cas ; la présentation d’une simulation de conseil juridique sur le cas traité ; les thématiques de recherche pressenties par l’étudiant. L’étudiant devra lui adresser l’étude préparatoire finalisée avant la séance 3.
La séance 3 – Détermination du sujet de mémoire (fin novembre, début décembre-1h)
Avant la séance
Enseignants-chercheurs
L’enseignant-chercheur prend connaissance de l’étude préparatoire finalisée avant la séance afin de cadrer les discussions.
Pendant la séance
L’étudiant présente à l’enseignant-chercheur le cas clinique et les différents intérêts pratiques et théoriques (juridiques et extra-juridiques) identifiés.
L’enseignant-chercheur guide l’étudiant pour choisir l’une de ces thématiques et formaliser un sujet de mémoire. Outre les critères habituels d’originalité et d’intérêt scientifique du sujet, l’enseignant-chercheur prend garde au risque de récurrence de certaines problématiques traitées au SIJ, afin d’éviter que des sujets déjà traités soient choisis par l’étudiant.
L’enseignant-chercheur et l’étudiant s’accordent sur le sujet du mémoire.
Enfin, l’enseignant-chercheur présente la méthode de recherche scientifique propre à la réalisation d’un mémoire de recherche, comme il le ferait pour tout sujet de mémoire classique.
Après la séance
Étudiants
L’étudiant engage son travail de recherche. Il utilise dans son introduction les éléments tirés de son étude préparatoire pour mettre en avant les intérêts de son sujet.
Bon à savoir : l’enseignement Identification d’un sujet de mémoire raccourcit le temps effectivement consacré à la recherche sur le sujet déterminé. Ces contraintes temporelles ont vocation à disparaître si l’étudiant peut procéder à ce travail dès la première année de master. Dans le cadre de la mise en place d’un espace Moodle consacré à l’archivage des cas cliniques, les enseignants-chercheurs référents auront par ailleurs la possibilité de signaler la pertinence d’un cas clinique pour servir de fondement à l’identification d’un sujet de mémoire.
L’évaluation formative (non sanctionnée par une note) des étudiants s’opérera d’une séance sur l’autre. Elle visera à vérifier la bonne compréhension et la réalisation des travaux interséances de l’étudiant.
L’évaluation sommative (notée) de l’étudiant tiendra compte de la qualité et de la pertinence de l’étude préparatoire (80 % de la note) et de la présentation orale des intérêts lors de la séance 3 (20 % de la note).
Compétences et acquis d’apprentissages visés
Compétence 1 : réaliser une analyse pluridisciplinaire/pluridimensionnelle à partir d’un cas clinique
Acquis d’apprentissages liés :
L’étudiant est capable d’identifier un ou plusieurs intérêts pratiques ou théoriques (juridiques et/ou extra-juridiques) à partir d’un cas clinique.
L’étudiant est capable de formaliser une étude préparatoire retraçant ces intérêts en respectant les consignes qui lui ont été données.
Compétence 2 : mener un travail collaboratif avec l’enseignant-chercheur pour identifier et formuler une problématique de recherche
Acquis d’apprentissages liés :
L’étudiant est capable de communiquer sur l’avancée de l’étude et de rendre compte de façon claire et synthétique sans en perdre le sens.
L’étudiant est capable d’établir un calendrier propre à l’enseignement, conjointement avec l’enseignant, et de le respecter.
L’étudiant est capable de présenter et de proposer des thématiques de recherche à partir des intérêts juridiques identifiés.
L’étudiant est capable d’engager une réflexion avec l’enseignant-chercheur pour déterminer et choisir un sujet de mémoire à partir des thématiques qu’il a identifiées.
Éléments indicatifs de structure de maquettes de diplômes
Les éléments définis ci-dessous ont été élaborés à partir d’expériences d’intégration d’activités cliniques au sein de certains masters. Ils sont donc donnés à titre indicatif et peuvent varier en fonction du master concerné.
L’enseignement comptera pour 1 ECTS sur un semestre.
4 heures d’accompagnement de l’étudiant en présentiel par l’équipe pédagogique de la Clinique du droit.
L’investissement étudiant comprendra environ 16 heures de travail personnel pour rédiger l’étude préparatoire.
L’investissement enseignant-chercheur comprendra : 1 HETD pour environ 4h de travail réel.
L’évaluation sera rapportée sur 20 points.
La naissance de l’Identification d’un sujet de mémoire
L’idée d’élaborer l’enseignement Identification d’un sujet de mémoire est née des réflexions de l’équipe pédagogique de la Clinique du droit sur les façons d’exploiter de manière plus approfondie les cas traités au Service d’information juridique. La première piste a consisté à faire travailler les étudiants en groupe et a permis de construire l’enseignement « Approfondissement des cas cliniques ». Une seconde piste a émergé et a conduit à chercher à faire le lien entre les cas cliniques et la recherche.
Les étudiants de certains masters doivent en effet réaliser un mémoire de recherche dont les sujets sont traditionnellement proposés par les enseignants-chercheurs de l’équipe pédagogique de la mention. Ces sujets sont pertinents parce qu’ils s’appuient sur l’expérience, la connaissance et l’intuition de ces chercheurs. Il a toutefois semblé possible de compléter cette offre à partir de sujets de recherche s’élevant du terrain, de la réalité socio-économique.
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit a souhaité mettre en place des travaux de mémoire de recherche en lien avec la Clinique du droit. Des enseignants-chercheurs assumant déjà des enseignements à la Clinique du droit et ayant l’habitude d’encadrer des mémoires de recherche ont ainsi choisi de proposer des sujets de mémoire « indéterminés » (intitulé « Mémoire Clinique du droit »). Le sujet n’était donc pas établi par avance, mais devait être identifié par l’étudiant et son directeur de mémoire à partir d’un cas traité par l’étudiant au Service d’information juridique. L’intérêt d’un tel sujet pour la recherche s’imposait par le fait qu’il s’élevait de la société, connecté à la société. En d’autres termes, il s’agissait de créer les conditions d’une recherche appliquée en complément de la recherche fondamentale plus habituelle dans le cadre de ces travaux de mémoire.
Les difficultés rencontrées au cours de l’expérimentation de l’enseignement
Cette approche emportait plusieurs conséquences. D’abord, le sujet identifié était aléatoire puisqu’il dépendait de la problématique présentée par un usager au Service d’information juridique. Ensuite, le sujet n’était plus identifié unilatéralement par l’enseignant-chercheur mais en commun par l’étudiant et son directeur de mémoire. Enfin, le sujet pouvait potentiellement être abordé de façon pluridisciplinaire puisque la recherche des intérêts présentés par un cas implique toujours une ouverture sur d’autres disciplines que le droit.
Cette manière d’aborder les mémoires de recherche clinique n’a pas su convaincre la communauté des enseignants-chercheurs. À l’exception de trois enseignants de la Clinique du droit, les enseignants-chercheurs ont rapidement fait part de leur circonspection, voire de leur réticence à l’idée de perdre la maîtrise du sujet ou de prendre le risque que la recherche soit « moins juridique » et « moins théorique ».
Pire, les étudiants de master se sont eux aussi détournés de ce nouvel objet. Malgré les propositions faites quatre années consécutives dans trois parcours de masters différents (Culture juridique et Histoire du droit – Droit des personnes et des familles – Droit du travail et de la protection sociale), seuls quelques étudiants de l’un de ces parcours ont choisi de s’engager dans cette voie en optant pour un mémoire Clinique du droit. Par effet de ricochet, les raisons de ce désintérêt semblaient similaires à celles évoquées par les enseignants-chercheurs : en raison du caractère potentiellement moins théorique et moins juridique de ces sujets de mémoire, les étudiants craignaient d’hypothéquer leurs chances de poursuivre leurs études en doctorat en appuyant leur candidature à la thèse sur un mémoire Clinique du droit. Le faible nombre d’étudiants s’étant engagés dans cette démarche a nettement entravé le déroulement de l’expérimentation et la possibilité de tirer des conclusions claires sur cet enseignement.
Par ailleurs, le mémoire de recherche doit généralement être réalisé sur une année universitaire. Dans le cadre d’un mémoire de recherche « classique », les étudiants sont souvent déboussolés par la nouveauté que constitue l’entrée dans la recherche, l’apprentissage par la recherche. L’introduction d’une nouvelle méthode liée à la Clinique du droit ajoutait ainsi une incertitude et un aléa à ce sentiment d’inconfort qui ne les poussait pas à choisir les mémoires Clinique du droit.
La solution expérimentée : le recentrage sur la seule identification du sujet de mémoire
Afin de remédier à ces difficultés, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit a redimensionné l’enseignement pour le limiter à un seul travail d’identification d’un sujet de mémoire. Le but de ce changement consistait à réaffirmer, pour les étudiants comme pour les enseignants-chercheurs, la place centrale de la méthodologie de recherche qui n’avait pas vocation à différer de celle de tout autre mémoire de recherche. L’intérêt de l’enseignement était donc recentré sur ce qui fait son originalité, c’est-à-dire l’identification du sujet à partir d’un cas clinique en collaboration entre l’enseignant-chercheur et l’étudiant.
Cette évolution n’a toutefois pas permis de régler tous les problèmes. En particulier, le travail d’identification des intérêts du cas clinique et de détermination du sujet de mémoire vient s’ajouter au travail de recherche nécessaire à la réalisation du mémoire. La charge de travail des étudiants s’en trouvait nettement alourdie alors que le mémoire de recherche doit généralement être réalisé sur la durée d’une partie d’année universitaire (entre octobre et juin). Il fallait que l’étudiant soit passé au Service d’information juridique, qu’il ait traité un cas, qu’il ait mené un travail d’approfondissement et d’identification des intérêts du cas, ce qui reportait la date à laquelle le sujet était définitivement déterminé au mois de décembre alors que les sujets « classiques » leur sont généralement confiés au mois d’octobre. Le nombre de candidatures d’enseignants-chercheurs et d’étudiants disposés à encadrer et mener des recherches à partir d’un sujet identifié à la Clinique du droit n’a pas augmenté et l’expérimentation n’a toujours pas pu être menée dans des conditions efficaces. Finalement, aucun sujet de mémoire n’a été identifié grâce à cette méthode depuis l’année universitaire 2020-2021.
Quelles perspectives pour les liens entre Clinique du droit et recherche individuelle ?
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit n’a toutefois pas abandonné l’idée de développer une méthode d’apprentissage individuelle par la recherche en lien avec les enseignements cliniques. Il est notamment projeté de changer de modèle et, plutôt que de s’appuyer sur l’approfondissement d’un cas du Service d’information juridique, de chercher à transposer la méthode employée pour la Recherche en actions à la recherche individuelle d’un étudiant en mémoire. À partir d’un sujet de mémoire « classique », l’étudiant pourrait en effet ajouter à la méthode de recherche juridique une approche de terrain, par exemple en menant une enquête de terrain qui viendrait nourrir l’intérêt du sujet posé.
Une première tentative a été menée au cours de l’année 2021-2022 avec une étudiante ayant travaillé sur le sujet de « la perruque ouvrière » et qui a sondé des ouvriers, des cadres, des dirigeants d’entreprise, des représentants syndicaux et du personnel pour mesurer la persistance de cette pratique ancienne au XXIe siècle et son appréhension par les acteurs en dehors des cadres juridiques ( Documents 4 et 5)9. Certaines formations de master ont d’ores et déjà exprimé le souhait de pouvoir expérimenter cette démarche, notamment le parcours de master Criminologie. Enfin, si cette expérimentation devait porter ses fruits, il ne serait pas inenvisageable de la proposer dans le cadre d’un encadrement doctoral.
Lamarche, Marie, Tournaux, Sébastien, « Méthode et commentaire de l’Identification d’un sujet de mémoire », in : Lamarche, Marie, Tournaux, Sébastien, Les méthodes d’enseignement à la Clinique du droit de l’université de Bordeaux, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, collection V@demecum 2, 2024, p. 153-166, [en ligne] https://una-editions.fr/methode-et-commentaire-identification-sujet-de-memoire [consulté le13/12/2024].
Méthode et commentaire de l’Identification d’un sujet de mémoire
par
Marie Lamarche, Sébastien Tournaux
Méthode
Commentaire de la méthode
Méthode élaborée par Emmanuelle Burgaud, Cécile Castaing, Marie Deramat, Marie Lamarche, Ludivine Limandas et Sébastien Tournaux dans le cadre du projet STEP (intégration de l’enseignement clinique dans les maquettes) avec l’appui de la MAPI – université de Bordeaux 2018-2022.
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » (article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle)1.
Remarque préliminaire : L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire a été tenté à plusieurs reprises dans plusieurs masters mais l’expérimentation n’étant pas convaincante, la conceptualisation est demeurée limitée ce qui explique que son commentaire ne suive pas la même construction que pour les autres enseignements cliniques.
Situation authentique individuelle : issue de la demande d’une personne
Dans l’enseignement clinique « Identification d’un sujet de mémoire », les étudiants s’appuient sur la participation au Service d’information juridique2 de la Clinique du droit pour identifier le sujet de leur mémoire de recherche. Le SIJ est le service de la Clinique du droit qui permet de mettre en relation les étudiants avec des personnes en vue de leur apporter des informations juridiques de qualité. Son objectif est de simplifier l’accès au droit pour les usagers et de proposer à des étudiants d’analyser des situations réelles en rencontrant des membres de la société civile. Les étudiants sont donc placés en situation authentique individuelle, c’est-à-dire qu’ils répondent à la demande d’une personne.
L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire
Type de formation
L’enseignement Identification d’un sujet de mémoire est proposé à des étudiants de master et comprend 3 séances en présentiel. Cet enseignement s’appuie sur les situations authentiques individuelles que constituent les rendez-vous du SIJ. Le sujet est choisi en collaboration par l’étudiant et le directeur de mémoire, soit à partir d’un cas traité par l’étudiant lui-même au cours de sa participation au SIJ, soit d’un cas choisi au sein des archives de la Clinique ( Document 1)3.
Après un passage au SIJ et en s’appuyant sur le cas clinique traité, les étudiants retravaillent le dossier clinique en vue d’identifier un sujet de mémoire. Cet enseignement a pour objectif de renforcer les liens entre l’enseignement du droit, la réalité du monde socio-économique et l’apprentissage de/par la recherche. Il vise principalement à engager une réflexion approfondie sur le cas clinique à partir de travaux préparatoires, à développer l’autonomie de l’étudiant dans la détermination du sujet de recherche, à favoriser un travail collaboratif enseignant-chercheur/étudiant.
Bon à savoir : La méthodologie proposée ne diffère pas de celle d’un mémoire de recherche classique. Seules, la phase initiale de détermination collaborative du sujet de mémoire et quelques particularités rédactionnelles (annexes du mémoire) se distinguent du travail de mémoire habituel.
Frise de l’enseignement ( 1)4
Objectifs pédagogiques
Objectifs sociaux
Travaux produits
La production principale de l’Identification d’un sujet de mémoire est la détermination d’un intitulé d’un sujet de mémoire de recherche. Accessoirement, les travaux réalisés par l’étudiant dans le cadre de son étude préparatoire lui permettront de nourrir les éléments de contextualisation du sujet et de formuler une problématique dans l’introduction du mémoire.
Le mémoire de recherche produit à partir du sujet élaboré dans le cadre de l’Identification d’un sujet de mémoire comporte en annexe l’étude préparatoire réalisée par l’étudiant au cours de cet enseignement ( 2)5. Il est également possible d’y annexer d’autres documents utilisés au cours de l’enseignement (documents anonymisés remis par l’usager au SIJ, bibliographie de l’étude préparatoire, etc.) ( Document 2)6.
Déroulement détaillé des séances
Rappel : cet enseignement est obligatoirement précédé d’une participation au SIJ.
La séance 1 – Présentation de l’enseignement (fin septembre, début octobre-1h)
L’enseignant-chercheur prend connaissance de la méthode « Information juridique appliquée » et de la méthode « Identification d’un sujet de mémoire ».
À la suite de cette séance, l’étudiant devra assimiler l’ensemble des étapes de travail et prendre connaissance des différents documents/ressources contenus dans l’espace Moodle et la boîte à outils ()7.
Il doit ensuite participer à l’enseignement « Information juridique appliquée » au SIJ (formations et rendez-vous du SIJ).
La séance 2 – Présentation de l’étude préparatoire (novembre-2h)
L’enseignant-chercheur doit prendre connaissance du cas traité par l’étudiant au SIJ s’il ne l’a pas supervisé (enseignant-chercheur-référent du SIJ).
Un schéma méthodologique de l’étude préparatoire, permettant de déterminer les intérêts issus du cas, a été réalisé et est mis à disposition sur Moodle (cf. 2).
Cette étape est parfois complexe à appréhender pour les étudiants, c’est pourquoi il est conseillé d’organiser la séance en deux temps (explication/supervision du début de travail préparatoire).
La séance 2 permet, en première partie de séance, d’exposer à l’étudiant la démarche à adopter pour procéder à cette identification. L’enseignant-chercheur rappelle la distinction entre l’information juridique et le conseil juridique, qui constitue l’une des branches d’approfondissement, et présente la méthodologie de l’étude préparatoire à l’étudiant.
Dans une seconde partie de séance, l’étudiant commence à travailler l’étude préparatoire, sous la supervision de l’enseignant-chercheur en l’appliquant au cas qu’il a traité au SIJ.
Cette étude constitue une première réflexion sur le cas et sa situation en contexte. Elle permet à l’étudiant d’identifier des thématiques potentielles de recherche. L’étude préparatoire fera l’objet d’une évaluation et sera notée. Elle doit donc être formalisée pour être placée en annexe du mémoire de recherche quand celui-ci aura été réalisé.
L’étudiant devra finaliser l’étude préparatoire commencée lors de la séance 2. Celle-ci leur servira de base pour préparer une présentation orale des intérêts à l’enseignant-chercheur au cours de la séance suivante. Cette présentation devra comprendre : la présentation rapide du cas sur le plan technique ; la présentation des intérêts suscités par le cas ; la présentation d’une simulation de conseil juridique sur le cas traité ; les thématiques de recherche pressenties par l’étudiant. L’étudiant devra lui adresser l’étude préparatoire finalisée avant la séance 3.
La séance 3 – Détermination du sujet de mémoire (fin novembre, début décembre-1h)
L’enseignant-chercheur prend connaissance de l’étude préparatoire finalisée avant la séance afin de cadrer les discussions.
L’enseignant-chercheur guide l’étudiant pour choisir l’une de ces thématiques et formaliser un sujet de mémoire. Outre les critères habituels d’originalité et d’intérêt scientifique du sujet, l’enseignant-chercheur prend garde au risque de récurrence de certaines problématiques traitées au SIJ, afin d’éviter que des sujets déjà traités soient choisis par l’étudiant.
L’enseignant-chercheur et l’étudiant s’accordent sur le sujet du mémoire.
Enfin, l’enseignant-chercheur présente la méthode de recherche scientifique propre à la réalisation d’un mémoire de recherche, comme il le ferait pour tout sujet de mémoire classique.
L’étudiant engage son travail de recherche. Il utilise dans son introduction les éléments tirés de son étude préparatoire pour mettre en avant les intérêts de son sujet.
Bon à savoir : l’enseignement Identification d’un sujet de mémoire raccourcit le temps effectivement consacré à la recherche sur le sujet déterminé. Ces contraintes temporelles ont vocation à disparaître si l’étudiant peut procéder à ce travail dès la première année de master. Dans le cadre de la mise en place d’un espace Moodle consacré à l’archivage des cas cliniques, les enseignants-chercheurs référents auront par ailleurs la possibilité de signaler la pertinence d’un cas clinique pour servir de fondement à l’identification d’un sujet de mémoire.
Évaluation des étudiants ( Document 3)8
L’évaluation formative (non sanctionnée par une note) des étudiants s’opérera d’une séance sur l’autre. Elle visera à vérifier la bonne compréhension et la réalisation des travaux interséances de l’étudiant.
L’évaluation sommative (notée) de l’étudiant tiendra compte de la qualité et de la pertinence de l’étude préparatoire (80 % de la note) et de la présentation orale des intérêts lors de la séance 3 (20 % de la note).
Compétences et acquis d’apprentissages visés
Compétence 1 : réaliser une analyse pluridisciplinaire/pluridimensionnelle à partir d’un cas clinique
Acquis d’apprentissages liés :
Compétence 2 : mener un travail collaboratif avec l’enseignant-chercheur pour identifier et formuler une problématique de recherche
Acquis d’apprentissages liés :
Éléments indicatifs de structure de maquettes de diplômes
Les éléments définis ci-dessous ont été élaborés à partir d’expériences d’intégration d’activités cliniques au sein de certains masters. Ils sont donc donnés à titre indicatif et peuvent varier en fonction du master concerné.
La naissance de l’Identification d’un sujet de mémoire
L’idée d’élaborer l’enseignement Identification d’un sujet de mémoire est née des réflexions de l’équipe pédagogique de la Clinique du droit sur les façons d’exploiter de manière plus approfondie les cas traités au Service d’information juridique. La première piste a consisté à faire travailler les étudiants en groupe et a permis de construire l’enseignement « Approfondissement des cas cliniques ». Une seconde piste a émergé et a conduit à chercher à faire le lien entre les cas cliniques et la recherche.
Les étudiants de certains masters doivent en effet réaliser un mémoire de recherche dont les sujets sont traditionnellement proposés par les enseignants-chercheurs de l’équipe pédagogique de la mention. Ces sujets sont pertinents parce qu’ils s’appuient sur l’expérience, la connaissance et l’intuition de ces chercheurs. Il a toutefois semblé possible de compléter cette offre à partir de sujets de recherche s’élevant du terrain, de la réalité socio-économique.
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit a souhaité mettre en place des travaux de mémoire de recherche en lien avec la Clinique du droit. Des enseignants-chercheurs assumant déjà des enseignements à la Clinique du droit et ayant l’habitude d’encadrer des mémoires de recherche ont ainsi choisi de proposer des sujets de mémoire « indéterminés » (intitulé « Mémoire Clinique du droit »). Le sujet n’était donc pas établi par avance, mais devait être identifié par l’étudiant et son directeur de mémoire à partir d’un cas traité par l’étudiant au Service d’information juridique. L’intérêt d’un tel sujet pour la recherche s’imposait par le fait qu’il s’élevait de la société, connecté à la société. En d’autres termes, il s’agissait de créer les conditions d’une recherche appliquée en complément de la recherche fondamentale plus habituelle dans le cadre de ces travaux de mémoire.
Les difficultés rencontrées au cours de l’expérimentation de l’enseignement
Cette approche emportait plusieurs conséquences. D’abord, le sujet identifié était aléatoire puisqu’il dépendait de la problématique présentée par un usager au Service d’information juridique. Ensuite, le sujet n’était plus identifié unilatéralement par l’enseignant-chercheur mais en commun par l’étudiant et son directeur de mémoire. Enfin, le sujet pouvait potentiellement être abordé de façon pluridisciplinaire puisque la recherche des intérêts présentés par un cas implique toujours une ouverture sur d’autres disciplines que le droit.
Cette manière d’aborder les mémoires de recherche clinique n’a pas su convaincre la communauté des enseignants-chercheurs. À l’exception de trois enseignants de la Clinique du droit, les enseignants-chercheurs ont rapidement fait part de leur circonspection, voire de leur réticence à l’idée de perdre la maîtrise du sujet ou de prendre le risque que la recherche soit « moins juridique » et « moins théorique ».
Pire, les étudiants de master se sont eux aussi détournés de ce nouvel objet. Malgré les propositions faites quatre années consécutives dans trois parcours de masters différents (Culture juridique et Histoire du droit – Droit des personnes et des familles – Droit du travail et de la protection sociale), seuls quelques étudiants de l’un de ces parcours ont choisi de s’engager dans cette voie en optant pour un mémoire Clinique du droit. Par effet de ricochet, les raisons de ce désintérêt semblaient similaires à celles évoquées par les enseignants-chercheurs : en raison du caractère potentiellement moins théorique et moins juridique de ces sujets de mémoire, les étudiants craignaient d’hypothéquer leurs chances de poursuivre leurs études en doctorat en appuyant leur candidature à la thèse sur un mémoire Clinique du droit. Le faible nombre d’étudiants s’étant engagés dans cette démarche a nettement entravé le déroulement de l’expérimentation et la possibilité de tirer des conclusions claires sur cet enseignement.
Par ailleurs, le mémoire de recherche doit généralement être réalisé sur une année universitaire. Dans le cadre d’un mémoire de recherche « classique », les étudiants sont souvent déboussolés par la nouveauté que constitue l’entrée dans la recherche, l’apprentissage par la recherche. L’introduction d’une nouvelle méthode liée à la Clinique du droit ajoutait ainsi une incertitude et un aléa à ce sentiment d’inconfort qui ne les poussait pas à choisir les mémoires Clinique du droit.
La solution expérimentée : le recentrage sur la seule identification du sujet de mémoire
Afin de remédier à ces difficultés, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit a redimensionné l’enseignement pour le limiter à un seul travail d’identification d’un sujet de mémoire. Le but de ce changement consistait à réaffirmer, pour les étudiants comme pour les enseignants-chercheurs, la place centrale de la méthodologie de recherche qui n’avait pas vocation à différer de celle de tout autre mémoire de recherche. L’intérêt de l’enseignement était donc recentré sur ce qui fait son originalité, c’est-à-dire l’identification du sujet à partir d’un cas clinique en collaboration entre l’enseignant-chercheur et l’étudiant.
Cette évolution n’a toutefois pas permis de régler tous les problèmes. En particulier, le travail d’identification des intérêts du cas clinique et de détermination du sujet de mémoire vient s’ajouter au travail de recherche nécessaire à la réalisation du mémoire. La charge de travail des étudiants s’en trouvait nettement alourdie alors que le mémoire de recherche doit généralement être réalisé sur la durée d’une partie d’année universitaire (entre octobre et juin). Il fallait que l’étudiant soit passé au Service d’information juridique, qu’il ait traité un cas, qu’il ait mené un travail d’approfondissement et d’identification des intérêts du cas, ce qui reportait la date à laquelle le sujet était définitivement déterminé au mois de décembre alors que les sujets « classiques » leur sont généralement confiés au mois d’octobre. Le nombre de candidatures d’enseignants-chercheurs et d’étudiants disposés à encadrer et mener des recherches à partir d’un sujet identifié à la Clinique du droit n’a pas augmenté et l’expérimentation n’a toujours pas pu être menée dans des conditions efficaces. Finalement, aucun sujet de mémoire n’a été identifié grâce à cette méthode depuis l’année universitaire 2020-2021.
Quelles perspectives pour les liens entre Clinique du droit et recherche individuelle ?
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit n’a toutefois pas abandonné l’idée de développer une méthode d’apprentissage individuelle par la recherche en lien avec les enseignements cliniques. Il est notamment projeté de changer de modèle et, plutôt que de s’appuyer sur l’approfondissement d’un cas du Service d’information juridique, de chercher à transposer la méthode employée pour la Recherche en actions à la recherche individuelle d’un étudiant en mémoire. À partir d’un sujet de mémoire « classique », l’étudiant pourrait en effet ajouter à la méthode de recherche juridique une approche de terrain, par exemple en menant une enquête de terrain qui viendrait nourrir l’intérêt du sujet posé.
Une première tentative a été menée au cours de l’année 2021-2022 avec une étudiante ayant travaillé sur le sujet de « la perruque ouvrière » et qui a sondé des ouvriers, des cadres, des dirigeants d’entreprise, des représentants syndicaux et du personnel pour mesurer la persistance de cette pratique ancienne au XXIe siècle et son appréhension par les acteurs en dehors des cadres juridiques ( Documents 4 et 5)9. Certaines formations de master ont d’ores et déjà exprimé le souhait de pouvoir expérimenter cette démarche, notamment le parcours de master Criminologie. Enfin, si cette expérimentation devait porter ses fruits, il ne serait pas inenvisageable de la proposer dans le cadre d’un encadrement doctoral.
Notes
Comment citer
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