William M. Murray revient sur la fresque découverte par une expédition du Musée de l’Ermitage en 1982 à Nymphaion en Crimée, à 17 kilomètres au sud-ouest de Kertch, l’ancienne Panticapée, capitale du royaume du Bosphore cimmérien, et qui a suscité une très abondante bibliographie1. Cette grande fresque polychrome peinte sur stuc, autrement dit un “scraffito”, dans une chapelle d’Aphrodite située près du port, présente plusieurs dessins de navires et des inscriptions en relation avec la mer écrites en grec.
Sur l’un des navires apparaît le nom ΙΣΙΣ. L’identification de ce navire, la signification de ce nom, le sens à donner à cet ensemble pictural et sa datation ont suscité nombre d’interrogations et d’hypothèses, résumées par l’auteur (p. 250-252). Selon ce dernier, on a bien affaire à une trirème nommée “Isis”, et peut-être consacrée à la déesse. Sa représentation serait toutefois antérieure à la gravure du nom du roi Parisadès. Il s’agirait certes d’un navire de guerre, mais aussi d’un navire sacré. C’est d’ailleurs davantage le symbolisme religieux de sa création picturale qui aurait intéressé l’artiste plutôt qu’un souci de véracité technique. Le navire aurait eu pour fonction de convoyer jusqu’en Crimée, mais aussi ailleurs, des images et des objets destinés à y introduire et à y célébrer le culte d’Isis.
L’auteur identifierait volontiers sur la scène figurée des vases canopes et une oie, animal consacré à Isis. La présence de cette représentation dans un sanctuaire d’Aphrodite s’expliquerait par le fait que les prêtres d’Aphrodite auraient perçu une certaine identité de caractère entre leur déesse et Isis, notamment en ce qui concerne leurs fonctions marines.
- Outre les nombreuses publications de la directrice des fouilles, N. L. Grač, “Otkrytije novogo istoričeskogo istočnika v Nimfee (La découverte d’un nouveau document historique à Nymphaion)”, VDI, 1984.1, 81-88 ; ead., dans Archeologija (Ukraine), 57, 1987, 81-94 ; ead., “Ein neu entdecktes Fresko aus hellenistischer Zeit in Nymphaion bei Kertsch”, dans L. Galenina et al. (éds), Skythika, Munich, 1987, 90-95 ; ead., dans le catalogue (édité par B. B. Piotrovskij) de l’exposition Tesori d’Eurasia, 2000 anni di storia in 70 anni di archeologia sovietica, Palais des Doges, Venise, Septembre 1987-Février 1988, 11-12, 125, 143, n° 177 ; ead., “K voprosu o političeskich kontaktach Bospora s Egiptom v III v. do n.e.” (Sur la question des contacts politiques entre le Bosphore et l’Égypte au IIIe s. av. notre ère), dans Skifija i Bospor, Novočerkassk, 1989, 44 sq., on verra L. Basch, “The Isis of Ptolemy II Philadelphus”, Mariner’s Mirror, 71,2, 1985, 129-151 ; O. Höckmann, Antike Seefahrt, Munich, 1985, 106-110 ; G. L. Semenov, “Prazdnik plojafesii v Nimfee (La fête des Ploiaphesia à Nymphaion)”, dans Ermitažne čtenija 1986-1994 gg. Pamjati V. G. Lukonina, St Petersbourg, 1995, 222-227 ; J. S. Morrison, Greek and Roman Oared Warships 399-30 B.C., Oxford, 1996, 207-214, n° 13 ; J. G. Vinogradov, “Der Staatsbesuch der “Isis” im Bosporus”, ACSS, 5, 4, 1999, 271-302 ; O. Höckmann, “Naval and other Graffiti from Nymphaion”, ACSS, 5, 4, 1999, 303-356 ; Y. G. Vinogradov & M. I. Zolotarev, “Worship of the Sacred Egyptian Triad in Chersonesus”, ACSS, 5, 4, 1999, 357-381 ; L. Bricault, Isis, Dame des flots, 22-25 ; L. Bricault, Isis Pelagia, Leyde, 2020, 23-27.