Pourquoi un enseignement devient transdisciplinaire ?
Les formations universitaires en droit n’ont pas toujours négligé la pluridisciplinarité. Autrefois, l’enseignement du droit et celui de l’économie avaient partie liée et ce n’est qu’en 1968 que l’enseignement de l’économie a pris son autonomie1. À la fin des années 1990, les études de droit à Bordeaux faisaient une place à d’autres disciplines, telles que l’histoire, l’économie, la science politique, la comptabilité ou la méthodologie des sciences sociales. Il s’agissait là toutefois d’une approche morcelée, qui ne conduisait pas à opérer de liens entre ces autres disciplines et la discipline juridique.
Les études de droit à l’université ont en effet toujours éprouvé les plus grandes difficultés à aborder la formation des étudiants de façon transdisciplinaire2. L’obstacle a pourtant pu être franchi, comme en témoigne l’enseignement clinique qui, parce qu’il s’appuie sur une situation authentique, offre les conditions de cette transdisciplinarité. Il ne faut pas ici entendre la transdisciplinarité dans le sens que lui donne l’épistémologie, c’est-à-dire « la posture scientifique et intellectuelle qui a pour objectif la compréhension de la complexité du monde moderne et du présent »3, mais plutôt dans le sens donné à ce terme dans les travaux du Centre International de Recherches et études Transdisciplinaires (CIRET) : l’approche transdisciplinaire de l’enseignement, c’est apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble, apprendre à être4.
Dès lors que les étudiants en droit travaillent à partir d’une situation réelle, globale et complexe, qui ne peut être réduite à sa seule dimension juridique, ils bénéficient de la possibilité d’étudier cette situation de façon transdisciplinaire. Cela implique aussi un changement de paradigme pour les enseignants-chercheurs dès lors que l’équipe pédagogique d’un enseignement clinique doit s’ouvrir à cette transdisciplinarité.
Pour les étudiants, le premier enjeu de la transdisciplinarité est de mieux comprendre l’analyse de leur discipline et des réponses qu’elle peut apporter à un phénomène social. L’amélioration de cette compréhension passe par une connaissance des éléments de réponse qu’apporteraient d’autres disciplines. Il s’agit d’une démarche qui n’est pas totalement méconnue du juriste, en particulier lorsqu’il s’inscrit dans une analyse de droit comparé, qu’il étudie une législation étrangère pour mieux comprendre son propre système juridique. Par exemple, les étudiants d’un parcours de Recherche en actions qui traitent des problématiques juridiques du prélèvement d’organe ne peuvent comprendre la législation et l’ensemble des règles qui gouvernent cette question sans s’intéresser de près aux techniques médicales, biologiques ou psychologiques qui l’entourent (cf. « Méthode de la Recherche en actions », p. 167).
Un deuxième enjeu tient à ce que la transdisciplinarité permet de comprendre qu’un problème social ne trouve pas toujours une réponse juridique appropriée, alors que les études de droit et leur caractère un peu tubulaire peuvent conduire les étudiants à développer un tropisme juridique et à donner au droit une place démesurée. Il est ainsi fréquent que les étudiants de la Clinique du droit ne puissent pas traiter un problème social qui leur est présenté en se limitant à une analyse juridique. Par exemple, un usager du Service d’information juridique qui se présente en refusant toute idée de saisir le juge peut profondément déstabiliser ces étudiants qui se trouvent alors dépourvus de toute réponse juridique adéquate (cf. « Commentaire de l’Information juridique appliquée », p. 67). Les étudiants apprennent à reconnaître les limites du droit, à percevoir la nécessité de recourir à d’autres disciplines et à orienter l’usager vers une personne qualifiée.
La transdisciplinarité permise par l’enseignement clinique donne l’opportunité de ne pas seulement former des juristes, mais plus largement de former des citoyens. L’accès aux autres disciplines scientifiques constitue un puissant levier de développement de la culture générale, d’ouverture d’esprit et de conscience et de connaissance des problématiques sociétales alors que la communauté enseignante fait souvent le constat de carences des étudiants de ce point de vue.
Troisième enjeu de la transdisciplinarité, le développement de compétences spécifiques liées à la démarche scientifique du raisonnement universitaire est facilité. Dans la mesure où toutes les disciplines universitaires reposent sur un socle commun d’éléments méthodologiques (intégrité scientifique, argumentation, capacité de recherche, etc.), l’étudiant l’emploie aussi bien dans sa discipline que dans les autres disciplines impliquées par la situation authentique. Ce faisant, le développement de ces compétences scientifiques est facilité par la multiplication des contextes dans lesquels celles-ci sont mobilisées. La reproduction dans cette diversité de contextes facilite l’assimilation. Bien évidemment, c’est au sein de sa propre discipline que l’étudiant a commencé à développer cette compétence méthodologique. Ce sera en s’ouvrant à d’autres disciplines que cette compétence sera amplifiée et que l’étudiant prendra conscience de l’universalité de ce socle commun de compétences scientifiques. Il découvre également, au-delà de ce socle commun, l’existence de différences notables de méthodologie selon les disciplines. Alors qu’un étudiant en droit ne travaillera jamais avec des éprouvettes sur une paillasse ou dans la rue en interrogeant du public pour une enquête de terrain, il découvre et accède à ces méthodologies disciplinaires différentes qui servent pourtant des objectifs scientifiques similaires.
En définitive, il est possible de penser que ce n’est pas tant la transdisciplinarité qui constitue en soi une compétence transverse que développerait l’étudiant, mais plutôt le réflexe transdisciplinaire, que celui-ci vise l’aptitude à rechercher d’autres savoirs ou la capacité à utiliser d’autres méthodes scientifiques. Le développement de cette compétence valorise les études et diplômes universitaires. L’étudiant doté de ce réflexe est en effet mieux armé pour entrer dans le monde professionnel où, par hypothèse, ce type de compétence transverse est très recherché. Ce réflexe permet d’inscrire le futur professionnel dans une posture naturelle de capacité à l’autoformation et à l’auto-amélioration continue de ses connaissances et compétences. Il a également vocation à créer les conditions d’une aisance dans les relations humaines grâce à la meilleure compréhension de l’autre qu’il apporte.
Pour terminer, la Clinique du droit participe à la mise en œuvre de la responsabilité sociétale de l’université de Bordeaux. La réponse apportée par les étudiants à la société dans les enseignements cliniques se nourrit de transdisciplinarité. Celle-ci n’est donc pas en elle-même source de responsabilité sociétale, mais constitue un facteur d’amélioration de la qualité des réponses apportées à la société, lesquelles remplissent cet objectif de responsabilité5 (cf. « Et demain … », p. 331).
L’objectif de transdisciplinarité des enseignements cliniques ne vise pas seulement à bénéficier aux étudiants. Les enseignants-chercheurs qui s’y impliquent s’engagent eux aussi dans la transdisciplinarité et en tirent grand profit.
Prosaïquement, la transdisciplinarité amène d’abord les enseignants-chercheurs à développer leurs réseaux professionnels et scientifiques, accédant d’ailleurs à des communautés elles aussi spontanément ouvertes à la pluridisciplinarité6. Même si un enseignant-chercheur s’impliquant dans l’enseignement clinique doit avoir une certaine curiosité vis-à-vis des autres disciplines, nul n’est omniscient et ne peut être expert dans toutes les disciplines, ce qui implique le recours à d’autres spécialistes qui constitueront ces réseaux. Ces derniers pourront ensuite être mobilisés pour développer des communautés de pratiques, pour constituer des équipes pédagogiques pluridisciplinaires ou pour engager des projets de recherche transdisciplinaires (cf. « Et demain … », p. 331 et Document 17).
Ensuite, de larges ponts peuvent être construits entre les enseignements cliniques et la recherche scientifique transdisciplinaire. Les situations authentiques qui fondent l’enseignement clinique et, surtout, les réponses apportées par les étudiants, nourries de transdisciplinarité, peuvent servir de tremplin à des équipes de recherche. L’intérêt de l’objet d’étude est en effet vérifié par l’existence de la demande sociétale (situation authentique) et par les résultats du travail mené par les étudiants (pertinence de la problématisation opérée), ce qui pourra correspondre aux critères des bailleurs de fonds dans le cadre d’appels à projets.
Enfin, l’ouverture d’esprit attendue des étudiants peut aussi de ce fait être développée par les communautés scientifiques qui malheureusement, ont parfois elles aussi tendance à trop s’enfermer dans les limites de leurs propres disciplines.
Comment un enseignement devient transdisciplinaire ?
Convaincue de l’utilité d’une dose de transdisciplinarité dans les enseignements universitaires, en droit ou dans d’autres disciplines, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit a mis en œuvre des enseignements faisant appel à d’autres disciplines que le droit, alors que le contexte universitaire présentait un certain nombre de contraintes qui ont dû être levées.
Un contexte à dépasser
La première contrainte tenait à une certaine méconnaissance des autres disciplines, tant par les enseignants-chercheurs que par les étudiants. Il n’est pas rare que les enseignants-chercheurs se désintéressent ou éprouvent une certaine méfiance à l’égard des autres disciplines que les leurs. Cela peut s’expliquer par différentes raisons. Il y a d’abord une méconnaissance objective de ces disciplines, de leurs vocabulaires, de leurs méthodes, de leurs fondements théoriques qui imposent un effort substantiel d’acculturation que tous ne sont pas en mesure ou prêts à fournir. Ensuite, les enseignants-chercheurs, experts dans leurs disciplines, peuvent avoir des doutes quant à leur légitimité à s’aventurer sur d’autres terrains scientifiques. Enfin, de façon plus subjective, certains membres de la communauté des enseignants-chercheurs craignent une dévalorisation de leurs travaux, voire de leurs disciplines qui ne seraient qu’instrumentalisées par d’autres disciplines. Ce sentiment peut être renforcé par des arguments plus objectifs tenant à la nature de l’évaluation des carrières des enseignants-chercheurs8. S’agissant du rapport des étudiants à la transdisciplinarité, il convient de reconnaître que leur appétence n’est pas souvent spontanée. Les étudiants sont fréquemment désorientés devant la nécessité de s’ouvrir à d’autres disciplines parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment légitimes.
Des leviers ont été actionnés pour dépasser ces contraintes. Pour les enseignants-chercheurs, une véritable volonté politique de favoriser la transdisciplinarité dans la recherche a émergé à l’université de Bordeaux. Les études portant sur des objets communs, généralement issus de phénomènes sociétaux, ont conduit à multiplier les recherches appliquées, dont le caractère transdisciplinaire est plus évident que dans la recherche fondamentale. Surtout, ces projets de recherches ont nécessité la mobilisation d’un socle commun de compétences scientifiques dans lequel chaque spécialiste de chaque discipline pouvait se retrouver. La familiarisation à ce socle commun était l’une des conditions permettant de surmonter les doutes et méfiances des enseignants-chercheurs parce qu’il facilite l’accès aux autres disciplines. La conviction des enseignants-chercheurs entraîne dans son sillage celle des étudiants, plus faciles à persuader, car leur manque d’expérience et d’expertise les a préservés de nombreux préjugés. Chacune des expériences d’enseignements cliniques a démontré que ces derniers parvenaient en réalité très bien à emprunter le chemin de la transdisciplinarité et qu’ils en ressortaient très fiers, du fait de leurs découvertes et de la meilleure compréhension du monde qui les entoure.
La seconde contrainte, en partie liée à la première, tient à la méconnaissance des communautés universitaires entre elles. Pendant longtemps, avant la création de l’université de Bordeaux, les juristes, les mathématiciens, les sociologues ou les médecins, par exemple, ne se fréquentaient et ne se connaissaient guère. Les communautés étaient particulièrement cloisonnées dans des universités distinctes et spécialisées. La fusion de trois des quatre universités bordelaises en 2014 a créé les conditions de la rencontre de ces communautés, à la fois d’un point de vue institutionnel bien sûr, mais également sur le plan de la recherche et, pour ce qui nous intéresse, de l’enseignement. L’université nouvellement créée a immédiatement mis en place une politique ambitieuse visant à transformer l’offre de formation, notamment en y développant une part non négligeable de pluri ou de transdisciplinarité. C’est dans ce contexte qu’a été créée la Mission d’appui à la pédagogie et à l’innovation (MAPI), service de support à la pédagogie qui propose des formations et organise des manifestations durant lesquelles les enseignants-chercheurs de différentes disciplines peuvent se rencontrer et partager leurs expériences pédagogiques9. Ces rencontres ont suscité la création de communautés de pratiques informelles, la constitution d’embryons de réseaux et donc l’initiation d’un décloisonnement disciplinaire. Plus avant, l’université de Bordeaux, lauréate dans le cadre des Plans d’Investissement d’Avenir (PIA 3 et 4), a fondé des « grands programmes », tels que NewDeal (œuvrer pour la réussite des étudiants), ACT – Augmented university for campus en world transition (faire de l’université un campus expérimental), InnovationS (accélérer les dynamiques et promouvoir l’entrepreneuriat) et ENLIGHT (créer une alliance universitaire européenne). Ces « grands programmes » franchissent une étape supplémentaire en constituant des équipes pluridisciplinaires en tout ou partie consacrées à des enseignements transdisciplinaires. Aujourd’hui les conditions de développement de la pluridisciplinarité dans la pédagogie sont réunies et ont pu (ou pourraient) profiter aux projets d’enseignements cliniques10.
Une transdisciplinarité à doser
La Clinique du droit a commencé par dispenser des enseignements à destination d’un public d’étudiants en droit dans le cadre des formations délivrant des masters en droit. Ce cadre délimitait nécessairement la part d’enseignement pluridisciplinaire qui pouvait entrer dans ces formations au moyen des enseignements cliniques. Un dosage était donc nécessaire pour un équilibre satisfaisant entre le droit – matière socle – et les autres disciplines – parts d’ouverture.
Il est pour l’instant très difficile de préciser la mesure exacte du dosage approprié. Tout peut dépendre de nombreux facteurs. Cela peut dépendre du type de formation en premier lieu. Certains diplômes ont plus naturellement vocation à accueillir des enseignements transdisciplinaires que d’autres. Par exemple, le master Criminologie allie par nature des enseignements en droit et en psychologie, sachant que l’équipe pédagogique est pour une part importante constituée d’intervenants professionnels extérieurs. Au contraire, d’autres diplômes très théoriques, juridico-centrés et axés sur la recherche fondamentale se prêtent moins facilement à la transdisciplinarité.
Le dosage peut, en deuxième lieu, dépendre des thèmes s’élevant des situations authentiques proposées à la Clinique du droit. C’est une évidence, mais un problème de permis de construire présenté au Service d’information juridique sera moins propice à la transdisciplinarité qu’un cas de divorce qui peut impliquer des considérations d’ordre économique, psychologique, éthique ou philosophique par exemple.
En troisième lieu, les types d’enseignements influent aussi sur le dosage équilibré de la transdisciplinarité. Ainsi les enseignements « Objectif droits » et « Information juridique appliquée » conduisent à mettre en œuvre une part moins importante de transdisciplinarité, dès lors que l’information transmise dans le cadre de la situation authentique est quasi exclusivement juridique. Les étudiants extraient de la situation authentique les questions d’ordre juridique qu’ils vont traiter. La transdisciplinarité n’y trouve sa place que dans l’analyse de la réponse apportée par les étudiants à une personne ou à un public cible. Au contraire, des enseignements tels que « Recherche en actions » ou « Approfondissement des cas cliniques » amènent les étudiants à pleinement travailler en transdisciplinarité. Les étudiants sont en effet conduits à élargir dans un premier temps leurs réflexions au-delà du disciplinaire à partir de la situation authentique et ce n’est que dans un second temps que les résultats de leurs travaux retrouvent les aspects juridiques comme noyau dur (cf. « Méthode de l’Approfondissement des cas cliniques », p. 115 et « Méthode de la Recherche en actions », p. 167).
Enfin, en quatrième lieu, le dosage peut dépendre des étudiants qui suivent les enseignements cliniques, en raison de la forte autonomie qui leur est laissée. Cette autonomie permet à l’étudiant d’être libre du degré de transdisciplinarité qu’il va mobiliser. L’enseignant-chercheur conserve un rôle de vigie afin que les étudiants ne se dispensent jamais totalement de travailler de façon transdisciplinaire.
Quelles que soient parmi ces quatre critères ceux qui influent et la force avec laquelle ils jouent leur rôle, il reste indispensable de toujours conserver une dose minimale de transdisciplinarité. C’est de l’essence et de l’identité même de l’enseignement clinique, fondé sur une situation authentique, que de maintenir cet aspect essentiel. Il convient de rappeler que c’est le « réflexe de la transdisciplinarité » qui est la compétence recherchée par l’enseignement clinique11.
Mise en œuvre de la transdisciplinarité
Les enseignements de la Clinique du droit mettent désormais en œuvre une dose variable de transdisciplinarité à la fois par le biais d’outils spécifiques et grâce à des personnes qualifiées.
S’agissant des outils, l’équipe de la Clinique du droit s’est d’abord appuyée sur des techniques ou des méthodes employées essentiellement en sciences sociales. À ce titre, les méthodes d’enquête de terrain pratiquées, de façon simplifiée, dans le cadre de l’enseignement « Recherche en actions » ont été empruntées à la sociologie ( Document 2)12. De la même façon, la recherche documentaire utilisée pour « Approfondissement des cas cliniques » s’inspire de la méthode employée par les chercheurs dans la quasi-totalité des disciplines scientifiques ( Document 3)13. Dans l’« Information juridique appliquée », les étudiants doivent participer à des séances « breffage » et de « debreffage », avant et après chaque rendez-vous avec l’usager ( Document 4)14. Ces méthodes ont été théorisées en sciences de l’éducation pour former les étudiants à l’analyse réflexive15. Ainsi, le « breffage » correspond au temps de préparation de l’étudiant et vise à activer des connaissances antérieures, à faire émerger des hypothèses pertinentes avant une simulation. Le « debreffage » permet d’analyser les émotions vécues par les étudiants et d’examiner de façon critique le déroulé de la simulation. Pour le Service d’information juridique, ces méthodes ont été adaptées afin d’être appliquées à des situations authentiques et non à des simulations. Ce sont bien des outils qui participent à l’accès à la transdisciplinarité au sein des enseignements dès lors que les éléments recherchés et recueillis ne sont pas strictement juridiques mais relèvent d’autres disciplines.
D’autres outils ont été conçus spécialement par l’équipe pour les besoins de l’enseignement clinique. C’est dans le cadre d’« Approfondissement des cas cliniques » que cette imagination a été mise en œuvre. Afin de guider les étudiants dans l’analyse transdisciplinaire d’un cas issu du Service d’information juridique, un outil intitulé « étude préparatoire » a été créé ( 1)16. Celui-ci prend la forme d’un schéma proposant plusieurs chemins de recherche et de réflexion que les étudiants doivent suivre, pour identifier les intérêts disciplinaires et extra-disciplinaires du cas clinique. Par ailleurs le travail produit par les étudiants dans le cadre de cet enseignement se présente sous la forme d’une mallette pédagogique créée avec la plateforme Genially. Cette mallette est toujours réalisée en suivant la même structure, réunissant des aspects juridiques et une dimension extra-disciplinaire ( 2)17. Reste que d’autres outils peuvent encore être découverts et mis en œuvre afin de parfaire le caractère transdisciplinaire des enseignements dispensés à la Clinique du droit (cf. « Et demain… », p. 331).
S’agissant des personnes impliquées dans l’enseignement à la Clinique du droit, c’est bien entendu, d’abord une équipe pédagogique constituée d’enseignants-chercheurs juristes enclins à l’ouverture vers d’autres disciplines qui était nécessaire. Cette équipe devait s’allier des personnes ayant d’autres compétences. C’est ainsi que dès la création de la Clinique du droit, il est apparu indispensable d’intégrer à l’équipe une personne susceptible d’avoir un regard extra-juridique sur les situations authentiques et présentant un profil très généraliste pour assurer la responsabilité des enseignements cliniques. La formation à l’IEP de Bordeaux et l’expérience professionnelle dans l’humanitaire de la responsable recrutée présentaient l’avantage d’apporter à l’équipe pédagogique ce que les enseignants-chercheurs juristes ne pouvaient assumer. Lorsque la question de la conceptualisation des enseignements cliniques s’est posée, c’est une spécialiste de sciences de l’éducation que l’équipe s’est adjointe, ce qui a renforcé le caractère pluridisciplinaire de l’équipe et a permis de développer la transdisciplinarité des enseignements. Des collègues de la direction de la documentation ont récemment intégré l’équipe pédagogique et cette collaboration est précieuse pour faire travailler les étudiants à la recherche documentaire transdisciplinaire. Enfin, de façon ponctuelle, l’équipe fait appel à des experts d’autres disciplines comme des sociologues, des psychologues, des médecins, des biologistes, des philosophes et bien d’autres encore.
Et demain…
Création de la communauté MAPI Day
Le temps de la conceptualisation des enseignements de la Clinique du droit a conduit à engager une réflexion plus générale sur l’enseignement clinique. Nous savions qu’au sein de la communauté universitaire et, au-delà, au sein d’écoles professionnelles, certains de nos collègues pratiquaient l’enseignement clinique en le nommant ainsi ou différemment18. L’équipe de la Clinique du droit qui avait déjà largement réfléchi à ses propres enseignements souhaitait d’une part, connaître l’analyse que pouvaient faire des spécialistes des sciences de l’éducation de l’enseignement clinique tel que nous le pratiquions et, d’autre part, comparer les enseignements cliniques tels qu’ils étaient dispensés en droit, à l’université de Bordeaux, avec ceux des autres disciplines. L’accompagnement de la Mission d’Appui à la Pédagogie et à l’Innovation (MAPI) et la proximité avec des spécialistes des sciences de l’éducation qu’il a créé, ont permis d’interroger ces spécialistes19. De cette double volonté est née l’idée de mener une réflexion avec des membres de la communauté universitaire dans le cadre d’une collaboration avec la MAPI.
Cette réflexion s’est inscrite dans la durée dès lors que plusieurs work shops ont été organisés entre septembre 2020 et juin 2021 et qu’un « MAPI Day » intitulé « L’enseignement clinique. Dispositifs pédagogiques au service de l’apprentissage en situation réelle » s’est tenu le 24 novembre 2021 réunissant une soixantaine de personnes20. Les participants venaient d’horizons divers : archéologie, biologie, neurosciences, orthodontie, médecine, entrepreneuriat, économie, infirmier, ergothérapie, mécanique et ingénierie, créativité, ingénierie de formation, ingénierie pédagogique, droit (cf. Document 1).
Une réflexion en plusieurs étapes a été menée lors des différents work shops. Il s’est agi tout d’abord d’analyser la notion d’enseignement clinique qui n’avait pas forcément une signification claire et un sens pour tous. Pour certains membres du groupe de travail, il existait même une contradiction entre la notion d’enseignement et celle de clinique, dès lors que d’un point de vue substantiel et temporel, l’enseignement correspond à une transmission de savoir généraliste dans un temps relativement long alors que la Clinique est plus pratique et s’inscrit dans un temps plus restreint. Tout dépendait finalement du champ d’étude et de recherche dans lequel l’enseignement est mis en œuvre, des objectifs et des compétences visées par l’enseignant, de sa temporalité et de son contexte. La terminologie elle-même faisait l’objet de débats. L’expression « enseignement clinique » pouvait conduire à restreindre ce type de pédagogie aux seuls champs disciplinaires liés au soin ( Document 5)21.
Ces questions terminologiques dépassées, des similarités de pratiques sont apparues : un lien avec le concret, la pratique, un enseignement non vertical, la présence d’un tiers entre l’étudiant et l’enseignant (relation tripartite) notamment ( Document 6)22. S’agissant des objectifs de l’enseignement clinique (entendu de façon large et englobant toutes les pratiques similaires), il est apparu une dynamique de complémentarité de savoirs et d’opérationnalisation de ces savoirs, l’entrée dans l’enseignement clinique se faisant à la fois par les compétences et les connaissances nécessaires préalables. C’est l’enseignement en « situation réelle » ou en « situation authentique » avec ses éléments clés que sont la réflexivité et l’existence de dispositifs d’accompagnement par des enseignants, qui a finalement constitué le plus petit commun dénominateur de nos différentes pratiques d’enseignements.
Par la suite, une grille composée d’un certain nombre d’items a été construite à partir des premières réflexions, afin d’analyser les différents enseignements dispensés par les membres du groupe de travail23. L’objectif de cette grille était de permettre de mieux comprendre chacun de ces enseignements, d’identifier et de préciser les éléments de définition communs aux différents enseignements cliniques proposés.
Objectifs et stratégies pédagogiques
Objectif principal de l’enseignement (ex : insertion professionnelle, autonomie de l’étudiant, etc.) |
Domaines de compétences visés (ex : compétences disciplinaires, compétences pluridisciplinaires, compétences opérationnelles, compétences transverses, etc.) |
Méthodes mises en œuvre (ex : méthodes actives, méthodes expérientielles etc.) |
Modalités pédagogiques mises en œuvre (en groupe, individuel, distanciel, présentiel, simulation, projet tutoré, stage, apprentissage par problème, apprentissage par projet etc.) |
Contexte de l’enseignement clinique
Quelle est la nature de la situation d’apprentissage ? (ex : authentique, semi-authentique, simulée, etc.) |
Temporalité de la situation d’apprentissage à l’échelle de l’enseignement (ex : au début, milieu fin, tout au long de l’enseignement, etc.) |
Temporalité de la situation d’apprentissage à l’échelle du cursus (ex : au début, au milieu, à la fin, tout au long) |
Rôle de(s) acteur(s) impliqué(s)
Acteur(s) impliqué(s) lors de la situation d’apprentissage ? (ex : l’enseignant, un autre enseignant, un professionnel extérieur, autres étudiants, etc.) |
Période d’intervention de(s) acteur(s) impliqué(s) ? (ex : avant, pendant, après la situation d’apprentissage) |
Objectif(s) de l’intervention de(s) acteur(s) ? (ex : former, accompagner, évaluer, superviser, etc.) |
Évaluation de l’apprenant
Comment est évalué l’étudiant ? (ex : formative, sommative, diagnostique, continue, autoévaluation, etc.) |
Sur quoi porte l’évaluation ? (ex : savoir, savoir-faire, savoir être) |
Quelle analyse de l’apprenant sur la situation d’apprentissage vécue ? (ex : aucune, analyse réflexive, récit d’expérience factuel, autre, etc.) |
Utilité de l’enseignement clinique
Quels sont l’utilité et les bénéfices sociaux de l’enseignement clinique à travers la situation d’apprentissage ? |
Ce sont les résultats des réponses à chacune des entrées de la grille qui ont servi de base pour construire le MAPI Day et préciser ses objectifs24. Un objectif de conceptualisation de l’enseignement clinique à un niveau pluridisciplinaire était clairement partagé par les membres du groupe de travail, à partir des enseignements en « situation réelle ». Pour la Clinique du droit, il s’agissait de déterminer si les méthodes utilisées étaient spécifiques aux disciplines médicales et juridiques ou s’il était possible d’élargir à d’autres disciplines. Un bilan et une réflexion plus analytique relatifs aux spécificités et aux similitudes de chacun des enseignements disciplinaires devaient être réalisés afin d’envisager d’une part d’enrichir chacun des enseignements cliniques des réussites des autres et de mettre en garde contre les difficultés rencontrées, et d’autre part de créer des enseignements cliniques transdisciplinaires ( Média 1)25.
Pour le MAPI Day, les membres du groupe de travail avaient élaboré des posters à partir de 4 thèmes qu’ils avaient définis comme essentiels de l’enseignement clinique :
- réflexivité, esprit critique, éthique ;
- autonomie et créativité ;
- collectif et collaboratif ;
- interdisciplinarité et compétences transverses.
Pour réaliser les posters ( Document 7)26, pour chacune des 4 thématiques, les membres du groupe de travail avaient répondu aux questions suivantes :
- Pourquoi mettre en œuvre ces aspects dans l’enseignement clinique ?
- Quels outils pour mettre en œuvre ces aspects ?
- Quelles expériences de mise en œuvre concrète ?
- Quels témoignages ?
Ces posters réalisés en amont ont servi à l’accueil des participants au MAPI Day par les membres du groupe de travail sous la forme d’une sorte de speed dating. Le premier temps des travaux était consacré à la thématique générale : « l’enseignement clinique : quels enjeux pour les étudiants » ( Média 2)27.
Dans un second temps, la thématique « l’enseignement clinique : quels enjeux pour l’enseignement et la société » a servi de fil rouge des travaux. Trois ateliers ont ainsi été organisés.
Le premier était consacré « aux relations et postures des parties prenantes » ( Document 8)28.
Le deuxième atelier portait sur « la responsabilité et l’utilité sociales de l’enseignement clinique » à la fois d’un point de vue de l’étudiant « mis en relation avec le réel » qui appréhende mieux la réalité sociale et d’un point de vue de l’enseignant-chercheur qui change de positionnement par rapport aux « objets de recherche ».
Le troisième atelier était destiné à ouvrir une réflexion plus pragmatique sur la mise en œuvre de l’enseignement clinique avec les freins qu’elle peut rencontrer, les leviers et les solutions qui peuvent être proposés.
Après la mise en commun des échanges réalisés lors des ateliers ( Média 3)29, les propos conclusifs ont permis de réaliser une synthèse de nature plus théorique relative aux notions de « Clinique », « d’enseignement et de pédagogie »30, « d’enseignement clinique ».
Le croisement des enseignements cliniques et des concepts des sciences de l’éducation avait conduit à un premier constat : « souvent mises en place de manière volontaire, les pratiques pédagogiques dites innovantes sont parfois pensées de manière intuitive sans réellement être rattachées à des concepts théorisés notamment en sciences de l’éducation »31.
Une synthèse pouvait ensuite être opérée : « cette forme d’enseignement appartient au courant socioconstructiviste, elle s’appuie sur les méthodes de pédagogies actives que sont l’apprentissage en situation réelle et l’apprentissage par projet. Elle propose aux étudiants un travail collaboratif dans l’objectif d’une réalisation concrète. Elle prône et met en œuvre des dispositifs favorisant le développement de l’autonomie chez les étudiants mais considère celle-ci comme un apprentissage évolutif et continu. Elle permet aux enseignants d’adopter une posture spécifique avec les étudiants qu’ils encadrent et qu’ils accompagnent. La posture traditionnelle de l’enseignant “sachant” qui maîtrise et transmet le savoir dans sa conception stricte semble impossible. De fait, l’enseignement clinique travaille sur du “réel” qui n’est ni prévisible, ni maîtrisable. Il conduit le monde universitaire à rencontrer le monde réel comprenant sa propre complexité, loin de se cloisonner à une seule discipline, une seule problématique, une seule réponse. D’ailleurs l’enseignant collabore lui aussi avec des tiers, qui ne se contentent pas d’être des intervenants mais sont de réelles parties prenantes de l’équipe pédagogique et de ses méthodes. Il accentue le rapport humain en apportant une autre figure, d’autres expertises, un autre regard. Cette forme d’enseignement créé du lien de manière extrêmement variée entre les étudiants et la société. Cette connexion permet un double bénéfice pédagogique évidemment car elle fait grandir nos étudiants vers leur statut de futurs professionnels qu’ils seront demain, par les situations elles-mêmes qu’ils rencontrent mais aussi par la réflexion qui en découle pendant leur pratique et a posteriori. Le bénéfice de l’enseignement clinique est également de nature sociale car la société semble toujours être bénéficiaire du travail motivé et appliqué des étudiants. Véritable levier de motivation pour les étudiants, l’enseignement clinique n’est pas toujours facile à expérimenter que ce soit pour les étudiants ou pour les enseignants. Enseignement souvent chronophage pour les deux parties, sa complexité et la non maîtrise du résultat peut parfois en dérouter plus d’un. Néanmoins, et votre présence ici aujourd’hui continue à le prouver l’enseignement clinique intéresse, questionne et se diffuse »32.
C’est avec cette idée de diffusion et de partage que s’est clôturé le MAPI Day ( Média 4)33. Une communauté d’enseignants, d’ingénieurs pédagogique et de formation « cliniciens » s’était fortifiée lors de cette journée et des travaux qui l’avaient précédé. Les acteurs de futurs projets d’enseignements cliniques étaient réunis, les conditions de la création d’un enseignement clinique trans ou pluridisciplinaire étaient remplies, le partage des méthodes pouvait commencer.
Un enseignement clinique en Licence : le projet LIER au sein de l’université de Bordeaux et au-delà
Forte de son expérience en termes d’enseignements cliniques à l’attention des étudiants de niveau master, en droit, l’équipe de la Clinique du droit a souhaité créer un enseignement clinique à l’attention des étudiants de Licence. Ce qui devait être au départ un enseignement pluridisciplinaire réservé aux étudiants de Licence droit est devenu au cours des réflexions menées avec des membres du groupe de travail réuni pour construire le MAPI Day, un enseignement à visée transdisciplinaire. Est ainsi né le projet LIER : Licence d’Investigation et de Restitution.
Le projet LIER a pour ambition de créer un enseignement transdisciplinaire en Licence (tous cursus confondus et plus largement en 1er cycle universitaire) fondé sur une approche par problème, en situation authentique et se basant sur les problèmes sociaux des étudiants. Il s’agira d’une UE d’ouverture (UE hors les murs) qui se déclinera en trois niveaux (débutant, intermédiaire, expert) indépendants des années de Licence (aboutissant à trois UE d’ouverture). Des équipes pluridisciplinaires d’étudiants recueillent sur le campus les problèmes rencontrés par d’autres étudiants (1) ; elles répondent à ces questionnements en travaillant de façon collaborative et mobilisant leurs compétences disciplinaires et transversales, avec l’appui d’enseignants et de la direction de la documentation (2). Le résultat de ce travail « restitué » profite à l’ensemble de la microsociété que constitue le campus (science avec et pour la société). (3). Le Bureau de la Vie étudiante intégré dans le projet est acteur et destinataire des résultats de ce travail. L’enseignement conceptualisé permet d’initier à la recherche et de prendre conscience des problèmes sociétaux en utilisant les pédagogies actives. Il permet de créer ses propres objets d’apprentissage. Il permet de susciter l’intérêt disciplinaire et pluridisciplinaire des étudiants de 1er cycle. Il permet de répondre aux difficultés des étudiants sur le campus en les orientant vers les services susceptibles de les aider ( 3)34.
Le projet qui fait depuis juin 2022 l’objet d’un soutien de l’université au travers du programme de Soutien à la Transformation et l’Expérimentation Pédagogiques (STEP)35, a vocation à se dérouler en trois phases, la première phase de conceptualisation qui s’est terminée en juin 2022, la deuxième phase d’expérimentation de la formation de septembre 2022 à décembre 2023 et la dernière phase de mise en œuvre de la formation intégrée dans les cursus de Licence de janvier 2024 à juin 2025.
L’équipe pédagogique a pris comme point de départ une pluralité de constats et de besoins :
- constat de disciplines très segmentées (difficultés à « faire » du transdisciplinaire dès la licence et des enseignements en situation réelle d’apprentissage) ;
- manque de motivation des étudiants de licence dû notamment au défaut d’identification de l’intérêt de leur discipline déconnectée de la réalité sociale durant l’acquisition initiale des bases théoriques ;
- dépasser le décrochage et l’échec en licence ;
- connaissance d’autres disciplines au travers de leurs incidences sociales pour favoriser la réorientation et pour une insertion plus rapide dans le monde socioprofessionnel (logique du LMD et de l’employabilité des étudiants titulaires d’une Licence) ;
- importance pour un professionnel, quelle que soit sa discipline d’origine, de travailler en mobilisant (réflexe nécessaire) des compétences pluridisciplinaires et transversales (cf. « Parcours compétences », p. 291) ;
- nécessité d’accompagner les étudiants à identifier par eux-mêmes les compétences transversales développées durant leurs enseignements pour en témoigner par la suite.
L’objectif est de créer trois UE d’ouverture pluridisciplinaires à l’attention des grands effectifs en utilisant la pédagogie en situation réelle (les étudiants sont confrontés aux questions/difficultés des autres étudiants). Au travers de ces questions/difficultés qui permettent aux étudiants (issus de différentes composantes et donc de différentes disciplines) un apprentissage à la recherche documentaire (méthodologie élaborée avec la DIRDOC) et une mobilisation de leurs connaissances disciplinaires. Ils perçoivent ainsi à la fois l’intérêt de leur discipline lorsqu’elle est mise en pratique et sollicitée pour répondre à un problème (alors que les cours de 1er cycle demeurent généralement très théoriques) et l’intérêt de la complémentarité des disciplines face à toute question relevant de la réalité sociale. Les compétences transverses sont développées par un travail collaboratif, des enseignements fondés sur l’approche par problème. La création d’UE d’ouverture pluridisciplinaires s’inscrit dans la politique de l’université de Bordeaux.
Les objectifs pédagogiques et sociaux de l’unité d’ouverture LIER
Objectifs pédagogiques | Objectifs sociaux |
Reconnecter les savoirs théoriques à la réalité et aux besoins sociaux | Fournir à la communauté universitaire des réponses transdisciplinaires à un problème sociétal exprimé |
Développer les compétences transversales et prendre conscience de la nécessaire transdisciplinarité de la réflexion et des réponses scientifiques | Développer la motivation des étudiants en mobilisant leur responsabilité sociétale : restitution, à la microsociété que constitue le campus, des résultats de leurs travaux |
Devenir acteur de sa formation | Prendre conscience que la production d’un savoir peut se faire au profit des autres et non plus dans une seule perspective individuelle d’évaluation |
Travailler en mode projet de manière collaborative | Favoriser la prise de conscience des problèmes sociétaux et de la réalité sociale |
Créer une relation moins verticale non ascendante vis-à-vis du corps enseignant pour appréhender les relations professionnelles futures | Faire émerger les thèmes au cœur des préoccupations sociales des étudiants de l’université de Bordeaux |
Connaître et se repérer dans l’environnement universitaire | Mobiliser des équipes de recherche universitaires pluridisciplinaires en lien avec la société |
Le projet bénéficie de nombreuses méthodes d’enseignement conceptualisées et mises en œuvre en master par la Clinique du droit qui peuvent être adaptées et reprises au niveau Licence (formations hybrides à l’entretien, à l’écoute active, à la gestion des émotions, à la diffusion d’information, à l’utilisation d’outils numériques, etc.). Il bénéficie en outre de l’expérience en termes de transformation pédagogique de l’ensemble des co-porteurs du projet issus d’horizons divers (à l’université et au sein d’écoles professionnelles).
Les trois niveaux de l’unité d’ouverture LIER
L’UE d’ouverture créée a vocation à s’insérer dans un très grand nombre de maquettes de Licence au sein de l’établissement. Le partenariat avec l’IFSI Bagatelle a pour objet d’intégrer des étudiants infirmiers dans l’enseignement36. Le partenariat de la Clinique du droit avec l’École de la Magistrature, l’École des avocats et le Conseil régional des notaires de la Cour d’appel de Bordeaux dans le cadre des « Cordées de la réussite » permettrait aussi d’étendre les investigations et les résultats des recherches des étudiants auprès des publics de l’enseignement secondaire37.
L’enseignement a vocation par ailleurs à être essaimé au sein d’autres universités et notamment grâce au programme ENLIGHT38. Chaque membre de l’équipe pédagogique du projet LIER devient un expert susceptible de diffuser cet enseignement auprès de ses équipes pédagogiques et dans ses réseaux. C’est aussi le sens d’un enseignement clinique partagé au sein du projet de « Learning lab in society ».
Un enseignement clinique partagé : le projet « Learning lab in society »
L’objectif est désormais de participer à la création d’un living lab d’enseignement clinique (« learning lab in society ») permettant de promouvoir et d’accompagner la création de méthodes d’enseignement et de recherche multidisciplinaires à l’attention de la société « campus » de l’université de Bordeaux et plus largement des territoires de proximité et internationaux.
Il s’agirait dans un premier temps de créer un parcours socialement inclusif multidisciplinaire d’enseignement clinique « Campus interne » en étroite collaboration avec des parties prenantes extérieures. Le projet LIER (Licence d’Investigation et de Restitution) constitue l’incubateur de ce projet et permettrait de mettre en lumière les potentialités du « Learning lab in society ».
Le « Learning lab in society » accueillerait des équipes pédagogiques multidisciplinaires et pourrait les accompagner à la mise en place de méthodes d’enseignement clinique destinées à une communauté d’étudiants de différents niveaux et disciplines. Il aurait également pour objet de déterminer des thèmes de recherche socialement responsables en vue d’impulser des recherches actions multidisciplinaires avec les différents laboratoires de recherche de l’université. Il aurait pour objectif de susciter des formations et des recherches socialement inclusives en intégrant la communauté universitaire dans la réalité sociale grâce à l’approche par problème ( 4)39.
Tout autant de projets qui continueront de faire vivre la Clinique du droit de Bordeaux, de développer de nouveaux enseignements, au profit de la communauté universitaire, étudiants et enseignants-chercheurs, et des acteurs du monde socio-économique, dont il sera possible de retracer les évolutions dans de prochains ouvrages. L’aventure clinique continue !
Notes
- Clerc Denis, « L’enseignement de l’économie en France », Nouvelles FondationS, vol. 2, n° 2, 2006, p. 76-82.
- Dans d’autres cursus juridiques, comme ceux de l’École nationale de la magistrature, la transdisciplinarité est depuis longtemps inhérente à la formation professionnelle des magistrats.
- Piaget Jean, « L’épistémologie des relations interdisciplinaires » dans L’interdisciplinarité. Problèmes d’enseignement et de recherche dans les universités, Paris, OCDE, 1972, p. 131-144.
- Nicolescu Basarab, « Le projet CIRET-UNESCO – Évolution transdisciplinaire de l’Université », Bulletin du CIRET, n° 9-10, février 1997 [https://ciret-transdisciplinarity.org/bulletin/b9et10.php].
- La transdisciplinarité deviendra une condition de la responsabilité sociétale de la Clinique du droit lorsque les réponses apportées par les étudiants ne seront plus seulement juridiques, comme cela est envisagé dans le cadre du projet.
- Exemple de l’Espace de réflexion éthique Nouvelle-Aquitaine (ERENA) très largement impliqué dans les enseignements de la Clinique du droit : https://www.espace-ethique-na.fr/.
- https://ressources.una-editions.fr/s/KNRWQPtfpctwmZc
- La constitution des sections du Conseil national des universités implique une évaluation par essence disciplinaire.
- Les membres de l’équipe pédagogique de la Clinique du droit ont participé à de nombreuses formations ou manifestations (MAPI camp sur l’alignement pédagogique réunissant une trentaine d’enseignants-chercheurs d’horizons totalement divers ; formations immersives aux TICE ; formation à l’approche programme ; formation à l’évaluation ; formation aux serious games ; formation à l’approche par compétences et à l’utilisation du Portefeuille d’expériences et de compétences, etc.).
- Dans le sillage du programme NewDeal, les formations de licence et de master devront prochainement être structurées en blocs de compétences et de connaissances de trois natures : des blocs « socles », des blocs « personnalisation » et des blocs « ouverture », ces derniers étant par nature consacrés à la pluridisciplinarité et aux compétences transverses.
- Peu importe finalement que le résultat du travail étudiant comporte une part plus ou moins importante de transdisciplinarité du moment que les étudiants y ont été confrontés durant leur phase d’analyse et de réflexion.
- https://ressources.una-editions.fr/s/kWYHLiGXjnxsN22
- https://ressources.una-editions.fr/s/CR2SoZeLrjt8dJt
- https://ressources.una-editions.fr/s/NG5d5ffELRGkinc
- Boudreault Henri, « Contextualiser les apprentissages : Étape 3 de l’approche par compétences », DIDAPRO – Didactique professionnelle, 2011, https://didapro.me/2011/12/05/contextualiser-les-apprentissages-etape-3-de-lapproche-par-competences/. Ces méthodes sont également employées dans le secteur du travail social dans un objectif d’analyse des pratiques.
- https://view.genially.com/60ec2ed7605ebf0dcf83eaf5
- https://view.genially.com/6560507b30e1ac001076e829
- Pour l’Institut des soins infirmiers (IFSI) Bagatelle, ce sont des stages en immersion qui correspondent à l’enseignement clinique.
- Voir dans « Introduction », les interviews d’Achille Braquelaire et de Christophe Roiné, p. 34 et p. 43.
- Les « MAPI Days » sont des journées d’études organisées par la MAPI sur des thèmes de transformation pédagogique et permettant une réflexion de la communauté de l’université de Bordeaux.
- https://ressources.una-editions.fr/s/fEKEnboBM7GTyEp
- https://ressources.una-editions.fr/s/Zpea2p8LME7e6EF
- Cette grille a été réalisée par les ingénieurs pédagogiques et de formation de la Clinique du droit et de la MAPI à partir des travaux de Viviane Vierset, Mariane Frenay et Denis Bédard : « Quels critères utiliser pour questionner la qualité pédagogique des stages cliniques ? », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 31(2), 2015 [en ligne] http://journals.openedition.org/ripes/976.
- Voir l’annonce sur le MAPI Day dans la newsletter de l’université de Bordeaux : https://personnels.u-bordeaux.fr/Actualites/Metiers/MAPI-Day-de-novembre.
- https://doi.org/10.34847/nkl.6ea6qe2t
- https://ressources.una-editions.fr/s/GXmWyxGKaWSqkdz
- https://doi.org/10.34847/nkl.09fd58oq
- https://ressources.una-editions.fr/s/SMq42BnsTq8wkaQ
- https://doi.org/10.34847/nkl.858f7up8
- Sans pouvoir restituer toute la richesse de ces propos conclusifs que l’on doit à Véronique Averous, Ludivine Limandas et Patrick Sureau, il est possible de souligner l’intéressante référence de Patrick Sureau au « nexialisme », terme que l’on doit à l’écrivain canadien A.E. van Vogt, auteur d’un roman de science-fiction La Faune de l’espace (titre original : The Voyage of the Space Beagle), pour annoncer la transdisciplinarité de l’enseignement en général et de l’enseignement clinique en particulier.
- Ludivine Limandas, ingénieur pédagogique et de formation à la Clinique du droit.
- Idem. Pour visionner une part des travaux du MAPI Day, voir la page Journées études, séminaires : MAPI Day (https://fad.u-bordeaux.fr/enrol/index.php?id=9787) et la newsletter pédagogique de mars 2022 (https://mailchi.mp/u-bordeaux/la-newsletter-pedagogique-mars2022).
- https://doi.org/10.34847/nkl.b1ac1z03
- https://view.genially.com/6492e0f5ddc9df00189dd4de
- Et d’un soutien du Groupe d’impulsion (DOMOFRANCE et CMSO) de la Fondation Bordeaux Université.
- Intégration dans les maquettes de formation des infirmiers – discussion en cours avec le nouvel IFSI du Groupe des polycliniques Bordeaux Nord/ GBNA qui est un partenaire de la Clinique du droit.
- Sur les « Cordées de la réussite », voir : https://eduscol.education.fr/809/les-cordees-de-la-reussite.
- Spécialement avec l’Universidad del País Vasco (UPV) avec laquelle la Clinique du droit a déjà collaboré sur des enseignements – Plateforme Océan – naissance d’Océan I3.
- https://view.genially.com/61ee7288139969001296d567