* Extrait de : J. Dubouloz et S. Pittia, éd., La Sicile de Cicéron : lectures des Verrines. Actes du colloque de Paris, 19-20 mai 2006, Collection de l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité 1030, Besançon, 2007, 111-125.
Le préteur de la province de Sicile recevait, du Sénat, des crédits pour son approvisionnement et celui de sa maison. Avec cet argent, il achetait du blé et de l’orge aux Siciliens. C’était ce qu’on appelait le frumentum in cellam, le grain pour le grenier du gouverneur ; et Cicéron en traite longuement dans le De frumento1. Cette institution paraît avoir existé dans toutes les provinces, ou en tout cas dans plusieurs d’entre elles, et elle existait depuis longtemps2. Sous la préture de Verrès (entre 73 et 71 a.C.), le Sénat, pour cet approvisionnement, avait estimé le blé à quatre sesterces le modius, et l’orge à deux sesterces3. Ce prix officiellement fixé existait aussi pour les deux autres versements de blé que Rome achetait aux Siciliens (en plus de la dîme, qui, elle, n’était pas achetée, mais prélevée à titre d’impôt) : le blé acheté (frumentum emptum) et le blé “commandé” ou réquisitionné (frumentum imperatum). Mais le prix n’était pas le même dans les trois cas. Le blé acheté, qui constituait une seconde dîme, était payé trois sesterces le modius ; le blé réquisitionné était payé trois sesterces et demi, et le blé pour le grenier du gouverneur quatre sesterces.
Pour la désignation de ces divers prix fixés, on trouve des expressions telles que lege aestimare, pretium constituere, frumentum aestimare, aestimatum ex lege, aestimatio legis4. Au cours de l’année, ces prix officiellement fixés étaient constants, mais on ignore s’ils variaient d’une année sur l’autre.
Il faut en tout cas les distinguer du prix courant (souvent appelé “prix du marché” dans les traductions), c’est-à-dire du prix pratiqué sur les lieux de marché, à un certain moment, dans le cadre d’un commerce privé. Au sujet de ce prix courant, Cicéron emploie le plus souvent des compléments de prix accompagnés du verbe être (esse) ou du verbe vendre (uendere). Il écrit par exemple : “au prix qui était alors celui du blé en Sicile” (quanti erat in Sicilia triticum)5 ; ou bien “[…] que, dans le même temps, personne en Sicile n’a vendu de froment à un prix plus élevé” ([…] eodem tempore neminem in Sicilia pluris frumentum uendidisse)6. Ce prix courant est parfois désigné par les mots pretium7 ou annona8.
Le mot annone, de nos jours, en Histoire, est en général utilisé pour désigner l’administration d’État chargée de l’approvisionnement de la ville de Rome dans l’Antiquité. On l’emploie aussi pour désigner des politiques de l’approvisionnement plus ou moins identiques à celles de l’Empire romain. C’est ainsi qu’on parle de la “politique annonaire” du Royaume de France sous l’Ancien Régime. En latin, cependant, dans la plupart des cas, annona prenait d’autres sens. Il pouvait en avoir quatre : les récoltes, et notamment les récoltes de céréales ; toutes les formes d’approvisionnement ; l’approvisionnement en blé et en céréales ; le prix courant (ou “prix du marché”), tel que je l’ai défini plus haut. C. Virlouvet commente une phrase de Tacite dans laquelle ex modo annonae signifie “au cours du marché”, “au prix courant”9 Annona y a donc le même sens que dans l’expression ex annonae ratione, présente dans le De frumento10.
Si le prix courant (qui variait en fonction de l’année et de la saison) était inférieur au prix fixé par le Sénat pour le frumentum in cellam, le gouverneur pouvait réagir de trois façons différentes. Ou il versait aux cultivateurs l’intégralité du prix fixé par le Sénat, si bien que les Siciliens retiraient un bénéfice de l’opération. Une telle attitude n’était pas fréquente, et Cicéron la considérait comme démagogique ; c’étaient les gouverneurs avides de popularité qui l’adoptaient11. Ou bien le gouverneur renvoyait la différence entre prix fixé et prix courant au Trésor public de Rome. Solution très rare, mais qui était la meilleure, pense Cicéron, et qu’avait retenue Lucius Calpurnius Piso Frugi, au IIe siècle a.C. Ou bien il gardait cette différence pour lui ; l’État romain le tolérait, ce n’était en rien déshonorant, et c’est ce que faisaient la plupart des gouverneurs11.
Si au contraire le prix courant, pratiqué sur les marchés, était supérieur à celui qu’avait fixé le Sénat, la chose se compliquait. Car les cultivateurs étaient alors mécontents de devoir vendre au gouverneur du blé ou de l’orge dont ils auraient tiré un meilleur parti sur les marchés, dans des transactions privées. En ce cas, les cultivateurs ou bien leurs cités demandèrent à être autorisés à verser de l’argent à la place du blé. Sur les procédures qu’on employait dans une telle situation, Cicéron n’est pas clair ; mais il est possible de les reconstituer de la manière suivante. Que payait le cultivateur ? Il payait la différence entre le prix alloué par le Sénat et un autre prix, plus proche du prix courant, que fixait le gouverneur. Cicéron fournit l’exemple de Caïus Licinius Sacerdos, un des prédécesseurs de Verrès. À son arrivée en Sicile, le prix courant du blé était de cinq deniers, alors que le Sénat avait alloué quatre sesterces (soit un denier) par modius. Sacerdos fit une estimation à trois deniers et les paysans payèrent la différence entre le denier qu’avait alloué le Sénat et l’estimation : ils versèrent donc deux deniers par modius. En ce cas, ils ne donnèrent pas le blé, ils ne touchèrent pas l’argent du Sénat et versèrent deux deniers par modius. Mais, si la vente avait eu lieu normalement, sans cette estimation, ils auraient perdu quatre deniers par modius par rapport au prix courant12.
Un tel règlement du grain pour le grenier du gouverneur (frumentum in cellam), par des versements en argent, était également accepté dans d’autres cas : par exemple quand les cultivateurs avaient déjà vendu leur blé, quand ils préféraient le conserver, ou encore quand ils ne voulaient pas le transporter trop loin13. Si l’on en croit Cicéron, quand le gouverneur était honnête, les cultivateurs ne devaient payer que la différence entre le prix courant et le prix estimé, ou bien même une somme inférieure à cette différence. Mais Verrès, lui, a fait payer trois deniers par modius, ce que le prix courant alors constatable ne justifiait nullement.
Pour que le gouverneur reçoive, au profit du Trésor public ou à son propre profit, une somme aussi importante que possible, il fallait que le prix courant du blé, en cas de versement d’argent, fût aussi très élevé. Quand c’était le cas, le gouverneur, si sa cupidité était relativement modérée, pouvait assez facilement fixer une estimation qui ne ruinât pas les cultivateurs et qui lui permît de faire des profits14. Par ailleurs, certains gouverneurs exigeaient que le blé in cellam fût livré à un endroit très éloigné de son lieu de production, et ils tenaient compte, dans l’estimation, du coût du transport. Ou bien ils choisissaient comme lieu de livraison un endroit où ils savaient que le prix courant du blé était plus élevé qu’ailleurs15. Cette pratique, moralement répréhensible, était toutefois légale, puisque le gouverneur avait le droit de recevoir son blé aux endroits où il allait le consommer.
Mais Cicéron soutient qu’en Sicile, même une telle pratique n’expliquait pas que Verrès ait fait payer trois deniers par modius aux agriculteurs. En effet, en Sicile, les distances étaient faibles ; Cicéron dit que, de n’importe quel endroit, on pouvait se rendre à la mer en une seule journée ; même depuis Henna, la cité qui en était le plus éloignée, il suffisait d’une journée pour transporter du blé jusqu’à la côte. Le prix du blé ne variait pas, ou variait peu, d’une cité à l’autre. Estimer le blé à un prix très élevé ne se justifiait donc pas. À l’inverse, il soutient que, dans la province d’Asie et dans les deux provinces de la péninsule ibérique, il n’y avait pas un seul prix du blé. Examinons d’abord le cas de la Sicile, puis celui de l’Asie Mineure.
Pour la Sicile, Cicéron exagère-t-il, en fonction des besoins de sa cause ? Sur certains points, très probablement. Est-il vrai, par exemple, que, de toutes les cités de la Sicile, il était possible, en une journée, d’atteindre la côte ? Non (surtout si l’on transportait des céréales par voie de terre). Mais, sans m’attarder sur cette question topographique, je vais surtout examiner celle du prix.
Ce passage est révélateur quant à l’histoire des prix et à la conscience qu’en avaient les Romains16. Il montre que Cicéron avait l’idée d’un espace où le prix du blé était unifié. Doit-on dire que, selon lui, la Sicile entière constituait un unique “marché” du blé ? Le mot “marché”, en français, a de nombreux sens. Celui qu’indiquent P. T. Hoffman, G. Postel-Vinay et J.-L. Rosenthal, et qui est très large, me paraît particulièrement intéressant : “tout mécanisme d’échange collectif organisé, qu’il soit hiérarchisé ou décentralisé ; qu’il soit formel ou informel ; qu’il alloue les ressources sur la base du prix, de l’information ou d’une quelconque combinaison de l’une et de l’autre ; quel que soit aussi son degré d’imperfection…17”. Néanmoins, j’entendrai ici par “marché” une zone à l’intérieur de laquelle les prix d’une denrée s’égalisent à un moment déterminé malgré les distances à parcourir entre les divers lieux (par le jeu de l’offre et de la demande, mais aussi, éventuellement, pour d’autres raisons). Il n’y a pas de mot latin pour désigner ce phénomène de “marché”, mais certains passages du De frumento montrent que Cicéron en avait l’idée18. Bien sûr, l’ampleur et les caractéristiques de tels “marchés” variaient selon les produits ; ici, c’est de blé qu’il est question. Si Cicéron en avait l’idée, un certain nombre de ses contemporains en avaient également conscience, car les plaidoiries sont davantage un reflet des croyances et des notions communément admises qu’une création personnelle de l’auteur.
La Sicile entière constituait-elle un seul “marché” du blé, c’est-à-dire une région où, du moins à l’époque romaine, il n’y avait, à un même moment, qu’un seul prix du blé ? Cicéron estime que le blé, à l’époque de la propréture de Verrès, se vendait couramment à deux sesterces le modius, c’est-à-dire à douze sesterces par médimne – ou en tout cas pas plus cher que deux sesterces et demi le modius. Il mentionne une lettre de Verrès, envoyée à Hortensius, dans laquelle le préteur parlait d’un prix courant de deux sesterces. Mais, dans un autre passage, il indique un prix courant de deux ou trois sesterces le modius. Il admet donc lui-même qu’une même année, selon les endroits, le prix a pu varier entre deux et trois sesterces le modius19. Une telle variation représente 50 % du prix le plus bas (deux sesterces) et un tiers du plus haut (trois sesterces). Ce n’est pas une variation négligeable, et Cicéron, en laissant croire qu’elle est négligeable, se livre à une espèce de tour de passe-passe.
Cependant, cette différence est modeste si on la compare aux variations saisonnières ou à celles qui se produisaient souvent d’une année sur l’autre20. D’une saison à l’autre ou d’une année à l’autre, le blé connaissait de très fortes sautes de prix. Cicéron raconte par exemple que le gouverneur Sextus Peducaeus, dont il avait été le questeur et qui était resté deux ans en Sicile, avait connu une année de prix bas, et une année d’extrême cherté21. En ce cas, Cicéron ne fournit pas de chiffres de prix. Mais il indique que, lorsque le gouverneur Caius Licinius Sacerdos, préteur en 74, était arrivé en Sicile, avant la récolte de 74, il avait estimé le blé à trois deniers (douze sesterces), alors que le prix courant était de cinq deniers (c’est-à-dire dix fois plus que deux sesterces, et six ou sept fois plus que trois sesterces). Plus tard, au cours de la même année, Marcus Antonius Creticus (qui ne gouvernait pas la Sicile mais était revêtu de l’imperium, ayant reçu un commandement pour lutter contre les pirates) continua à l’estimer à trois deniers, mais après la récolte, à un moment où le blé était à bon marché. Il prétendait imiter Caius Licinius Sacerdos, alors que son estimation ne se situait pas dans la même conjoncture22.
En comparaison de certains de ces chiffres, les prix courants de deux sesterces, de deux sesterces et demi ou même de trois sesterces le modius, sont très bas. Il s’agit certainement de prix en vigueur après la récolte, et non pas dans les mois qui la précèdent. Quand les Anciens parlent du prix de l’année, sans préciser de quel prix il s’agit, il faut comprendre qu’ils font allusion au prix le plus bas de l’année, pratiqué dans les mois qui suivent la récolte.
Quel que soit le prix, est-il vraisemblable qu’il ait été le même dans toute la Sicile, ou que les variations d’un lieu à l’autre n’aient pas dépassé la marge existant entre deux et trois sesterces ? Pour le vérifier, consultons la bibliographie relative à la production et au commerce du blé de Sicile, entre le XVIe et le XVIIIe siècle.
À plus d’un égard, l’île, aux Temps Modernes, était très différente de ce qu’elle était au temps des Romains23. C’était aussi une grande productrice de blé, mais ce blé faisait l’objet d’exportations commerciales, en direction de la péninsule italienne, et même au dehors. Même si leur niveau dépendait de l’abondance des récoltes et même si elles connurent une grave crise à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, ces exportations se poursuivirent pendant trois siècles. Elles étaient le fait d’armateurs et de négociants non siciliens, et surtout de Génois, dont certains prenaient même à ferme des terres de grands propriétaires24. Les mete (singulier, meta) constituent une deuxième particularité de la Sicile moderne. Il s’agit de prix résultant d’un accord ou édictés par les municipalités. Certaines de ces mete (dites “da massaro a mercante”) fixaient le prix du blé que les négociants exportateurs achetaient aux producteurs, ainsi que les quantités exportées. Elles étaient fixées vers le 15 juillet par des commissions ad hoc et validées par le gouvernement central. Elles s’accompagnaient de prêts que les négociants avaient accordés aux producteurs au début de l’année agricole et qui étaient soldés après la moisson. Le reste des mete, au contraire, réglait les prix de la consommation locale. C’étaient des prix-plafonds fixés par les municipalités, qui permettaient de réglementer quotidiennement les ventes sur le marché, ainsi que le prix et le poids du pain ; elles pouvaient évoluer au cours de l’année.
L’ensemble du dispositif était censé constituer une garantie pour les producteurs aussi bien que pour les consommateurs siciliens ; il permettait notamment de moraliser l’exercice du crédit rural. Mais ces mete, qui ont été très étudiées, n’étaient pas des prix artificiels. On considère en général qu’elles étaient en rapport étroit avec le mouvement des récoltes et avec les prix courants en vigueur sur les marchés, surtout dans les ports d’exportation. Comme l’écrit M. Aymard, c’étaient les vrais prix à la production25. Or, on constate qu’à une certaine date, les variations de ces mete d’une ville à une autre, n’atteignent pas l’ampleur de la différence entre deux et trois sesterces. Les tableaux des mete de Palerme, Trapani et Petralia, qu’a établis O. Cancila, montrent en général des différences entre les trois villes, mais assez faibles. Par ailleurs, le coût du transport d’un port à un autre, et surtout d’un lieu de production de l’intérieur de l’île vers la côte, n’est pas du tout indifférent. Les tables fournies par I. Fazio pour le XVIIIe siècle le montrent26.
Cicéron exagère donc fortement lorsqu’il insiste sur la brièveté et le faible coût des transports. À l’inverse, lorsqu’il écrit que le prix du blé, à une date donnée, n’était pas extrêmement différent d’une cité à l’autre de l’île, la comparaison avec les Temps Modernes paraît indiquer qu’il n’a pas tort. Il a d’autant moins tort qu’il ne prétend pas que ces prix aient été exactement les mêmes, puisque, pour les prix bas des années favorables, et après la moisson, il indique une variation possible entre deux et trois sesterces.
Comme contre-exemples, Cicéron utilise la province d’Asie et celles de la péninsule ibérique, provinces dans lesquelles, écrit-il, “il n’y a pas, d’habitude, un seul prix du blé”27, parce que les distances y étaient plus importantes et parce que beaucoup d’endroits y étaient très éloignés de la mer – ce qui n’était pas le cas en Sicile.
Pour la province d’Asie, Cicéron prend l’exemple d’Éphèse, la capitale, et de Philomélium, en Phrygie, à l’extrémité est de la province. Non seulement les prix n’étaient pas les mêmes dans les deux cités, mais le cultivateur de Philomélium qui devait vendre son blé n’avait jamais intérêt à aller à Éphèse, quelles que fussent les différences de prix, parce que le coût du transport entre les deux cités était trop élevé28. De ce passage, il ressort qu’en Asie le prix du blé variait fortement d’une cité à l’autre.
Cette observation est d’autant plus intéressante qu’elle est confirmée par des documents d’époque impériale relatifs à l’Asie Mineure. Dion de Pruse, par exemple, quand il est accusé d’accaparement par ses concitoyens parce qu’il y a une disette locale et que le prix du blé a beaucoup augmenté, répond pour se défendre : Ἡ γὰρ τιμὴ τοῦ σιτοῦ τῆς μὲν συνηθείας παρ’ἡμῖν πλείων γέγονεν, οὐ μὴν ὣστε ἀπειπεῖν. Ἀλλ’εἰσὶ πόλεις ἐν αἷς ἀει τοσούτου ἐστὶν ὃταν ἄριστα ἔχῃ. Πάλιν αὖ θορυβεῖτε ὥσπερ ἐμοῦ λέγοντος ὅτι καὶ μηδέποτε ἥττονος29.
En marge des textes de Cicéron et du discours de Dion de Pruse, une inscription latine trouvée en 1924 à Yalivadj (Yalvaç), en Turquie, sur le site d’Antioche de Pisidie, est également très intéressante30. En effet, l’une de ses trois colonnes porte le texte d’un édit pris par un gouverneur de province à l’époque d’une disette et portant notamment sur le prix du blé. Jusqu’ici, tous ses aspects n’ont pas été suffisamment étudiés. Comme nous allons le voir, il confirme que le marché des céréales était très fragmenté en Asie Mineure.
Plusieurs inscriptions31 montrent que, sous les Flaviens, sept provinces de l’Asie mineure, la Cappadoce, la Galatie, le Pont, la Pisidie, la Paphlagonie, l’Arménie Mineure et la Lycaonie, étaient placées sous le commandement d’un seul et même gouverneur. Au début des années 90 p.C., il s’agissait du légat propréteur Lucius Antistius Rusticus, qui est mort en Asie Mineure en 93 ou au tout début de 94 p.C. L’inscription d’Antioche de Pisidie contient le texte d’un édit qu’il a pris en 92 ou en 93 p.C. On ignore le jour et le mois où l’édit a été pris (il s’agit très probablement de mai, ou plutôt de juin). Les duovirs et les décurions de la colonie romaine d’Antioche ont prévenu par lettre Lucius Antistius Rusticus qu’à cause de la rigueur et de la longueur de l’hiver (propter hiemis asperitatem ; hibernae asperitatis perseuerantia) le prix du blé avait fortement augmenté32. Pour que le peuple (plebs) puisse en acheter, le légat ordonne que les citoyens et les incolae de la colonie, dans les trente jours qui vont suivre, déclarent tout le blé qu’ils ont en leur possession. Les quantités dont ils auront besoin pour les semences et pour une année d’approvisionnement de toute leur maisonnée (cibaria annua familiae suae) seront mises à part, et ils les conserveront33. Le reste doit être mis à la disposition des acheteurs de la colonie (emptores). Pour le moment de la vente, sont indiquées les calendes d’août (le 1er août)34. Le blé non déclaré et dont l’existence sera connue des autorités sera confisqué, et un huitième de ce blé sera donné aux éventuels informateurs35. L’édit ajoute que, comme avant l’hiver le prix courant du blé, dans la cité, était de huit ou neuf as pour un modius, un prix maximum est fixé, d’un denier par modius, c’est-à-dire seize as (ce qui prouve qu’au moment de l’édit le prix courant avait tendance à être supérieur à cette somme). Comme dans Cicéron, le prix courant est exprimé par le verbe esse accompagné d’un complément de prix. Le prix maximum, lui, fait l’objet d’une interdiction du gouverneur : “j’interdis que le prix du blé dépasse un denier le modius36”.
Il est assez souvent question de l’édit dans les ouvrages de synthèse sur l’Asie Mineure ou sur l’économie antique37. On le trouve aussi, en latin ou en traduction, dans des recueils de textes38. En outre, dans les années qui ont suivi sa découverte, il a fait l’objet de plusieurs petits articles ou fragments d’articles, mais le plus souvent consacrés à la carrière de Lucius Antistius Rusticus ou à certains détails de lecture39.
D. M. Robinson en a présenté le texte, la traduction anglaise et une brève analyse40. L’interprétation d’ensemble qu’en a donnée W. M. Ramsay est, si je ne me trompe, la seule existante41. Elle a souvent été suivie, mais à tort, à mon avis.
L’objectif du légat était évidemment de faire obstacle à l’accaparement et à la flambée des prix. D’ailleurs, à la fin du texte, il est déclaré qu’il est très injuste de tirer profit (praeda) de la faim de ses concitoyens42 Le problème est d’expliquer la chronologie des événements et le mécanisme des mesures prises.
Selon W. M. Ramsay, le blé d’hiver ayant souffert de la rigueur de la saison froide, les producteurs d’Antioche ont semé du blé de printemps, et, au moment où le légat prend son édit, on attend la moisson de ce blé de printemps. Au 1er août, elle aura eu lieu, le problème sera résolu et la vente redeviendra libre. La déclaration imposée à ceux qui détiennent du blé et la limitation du prix de vente ne valent que pour la période de soudure, d’ici au 1er août. Selon cette interprétation, il faut donc traduire in k(alendas) Aug(ustas ) primas par “jusqu’aux prochaines calendes d’août”, “jusqu’au 1er août de cette année”41.
De toute façon, il paraît certain que les moissons étaient terminées avant le 1er août. Mais cette hypothèse du blé de printemps ne s’appuie sur aucune indication du texte, et elle ne va pas de soi. En effet, comme me le fait remarquer F. Sigaut, pour semer du blé de printemps, en cas d’urgence, il faut avoir de bonnes provisions de grains adaptés, et, si l’usage habituel n’est pas de cultiver du blé de printemps dans la région, il n’est pas fréquent que de telles semences soient disponibles. D’autre part, semer du blé d’hiver au printemps risque de ne donner aucun résultat, surtout dans une région où l’hiver dure longtemps et où le printemps est au contraire très bref43. Comme il l’écrit lui-même, Ramsay a adapté à l’Antiquité romaine un épisode qu’il a connu dans la région en 1924 ; il n’est pas sûr que ce rapprochement soit valable, même si le climat et le relief ont une importance considérable quant à ces productions agricoles.
Mais la plus grande faiblesse de l’interprétation de Ramsay réside dans le fait qu’elle ne rend pas compte de la logique du texte. Selon l’édit, les détenteurs de blé pourront déduire de la quantité qu’ils doivent mettre en vente les semences et l’alimentation de leur maison pour un an. Comment supposer, s’il en est ainsi, que l’édit ne concerne que la période de soudure ? Si les moissons, grâce à l’ensemencement de blé de printemps, permettent de revenir à une situation normale et de lever la fixation d’un prix-plafond, pourquoi devrait-on déduire des quantités déclarées les semences de l’année suivante et l’alimentation d’une année entière ? D’autre part, dans cette période de soudure où le blé manque, même si certains propriétaires ont stocké des blés des années précédentes, est-il logique de restreindre aussi fortement la quantité qui va être mise en vente ? Que restera-t-il à vendre quand aura été mise de côté l’alimentation de toutes les maisons des détenteurs de blé pour une année entière ? Enfin, s’il s’agit de résoudre une situation d’extrême urgence au moment de la soudure, comment expliquer que le légat accorde un mois aux détenteurs de blé pour qu’ils le déclarent ? Que va-t-il se passer pendant ce mois où les détenteurs de blé ne sont pas contraints de vendre, puisque les déclarations ne sont pas encore faites ?
C’est pourquoi je propose une autre interprétation. On est en mai ou plutôt en juin, les moissons vont se faire ou sont même commencées, et chacun sait qu’elles vont être catastrophiques. Les prix ont déjà monté parce qu’on le sait. Le problème ne porte pas sur la soudure, mais sur l’ensemble de l’année qui va suivre les moissons. Il faut forcer ceux qui détiennent du blé ou qui vont en détenir après les moissons, à le mettre en vente (déduction faite de ce dont ils ont besoin au cours de l’année, pour les semences et pour leur consommation), et à le mettre en vente aussitôt après la fin des moissons, à un prix qui ne dépasse pas le plafond fixé. Au moment où sort l’édit, les moissons ne sont pas encore terminées, et c’est pourquoi un délai d’un mois est prévu pour les déclarations. Ces déclarations vont porter à la fois sur le blé des années précédentes qui est encore stocké et sur celui des moissons de l’année. Entre temps, est-ce qu’on peut acheter du blé ? Ce n’est pas sûr ; le texte ne le dit pas. En tout cas, s’il est possible d’en acheter, c’est évidemment en-dessous du prix-plafond fixé par l’édit du légat.
Dans le cadre de cette interprétation, il faut traduire uendendi tempus constituo in k(alendas) Aug(ustas) primas par “je fixe le moment de la vente au 1er août prochain” (et non pas jusqu’au 1er août). Une telle traduction est-elle possible ? Bien sûr. Dans les uadimonia, qui fixent ainsi une date précise, on trouve toujours in + accusatif44. Et quand, accusé par Clodius, Milon comparaît, le 2 février 56, devant l’assemblée du peuple, Cicéron indique la date de la deuxième comparution : Prodicta est dies in VII idus Febr.45. Certes, cette même construction se rencontre aussi quand il s’agit du temps qui va s’écouler jusqu’à une certaine date. Mais, en ce cas, il est plus fréquent de trouver des expressions moins ambiguës, telles que usque ad, ante, infra, usque in, toujours avec l’accusatif. Les prépositions in + accusatif et ad + accusatif (employées seules avec ce sens de “jusqu’à”), se rencontrent surtout quand le contexte indique clairement de quoi il s’agit. On lit par exemple dans Cicéron : a kalendis Februariis in idus Februarias ; et, dans les tablettes de Transylvanie : ex hac die in idus sequentes anno uno46.
La vente est destinée aux acheteurs (emptores) de la cité. D. M. Robinson traduit le mot emptor par grain merchants, mais c’est inexact. Une des caractéristiques de cet édit, c’est en effet qu’il n’y est fait aucune allusion aux commerçants en blé. Il y a ceux qui produisent du blé et en ont dans leurs silos ou leurs entrepôts ; et il y a le peuple (plebs), qui doit en acheter. Existait-il des commerçants en blé à Antioche ? Nous l’ignorons, mais l’emploi du mot “acheteur” (emptor) montre qu’au moins une partie des acheteurs de blé étaient des particuliers, et qu’ils allaient acheter aux producteurs. M. Sartre remarque à juste titre qu’une notable partie de la production était très probablement “entre les mains d’une minorité de grands propriétaires capables d’attendre la hausse des cours avant de mettre les grains sur le marché”47. Comme dans le discours de Dion, on perçoit l’opposition sociale entre les gros producteurs de céréales et les pauvres, dont au moins une partie ne produit pas de blé, ou n’en produit pas assez pour se nourrir. En outre, la cité d’Antioche apparaît, dans ce texte, comme un monde relativement clos, du moins en ce qui concerne l’approvisionnement en blé. Il n’est question ni de faire venir du blé d’ailleurs, ni d’empêcher le blé de sortir de la cité. Cet isolement s’explique au moins en partie par la situation géographique d’Antioche.
Quant à P. Garnsey, il interprète le mot emptor comme désignant un employé ou un magistrat de la cité, le Grain Commissioner, le “commissaire au blé” de la cité48. C’était aussi l’avis de M. I. Rostovtzeff, qui, à cause du pluriel emptores, pensait à plusieurs magistrats de la cité49. Une telle interprétation ne me paraît pas possible. Existe-t-il d’autres cas où le mot emptor ait ce sens ? En outre, s’il s’agissait d’un achat de la cité et d’une revente par la cité, pourquoi le gouverneur fixerait-il un prix maximum ? En un tel cas, il faudrait imposer un prix fixe, unique, et non pas un prix-plafond. Le prix-plafond suppose l’existence d’échanges libres entre privés, et non pas des transactions complètement menées par la cité.
Quant aux prix, leur niveau est comparable à celui que nous trouvons dans les Verrines : le prix d’avant l’hiver était de huit ou neuf as par modius (deux sesterces ou un peu plus de deux sesterces), et le gouverneur fixe un maximum d’un denier. Mais il n’est pas question dans cet édit de prix régionaux, et, comme je viens de le dire, il n’est pas question de commerce de blé vers l’extérieur, ou en provenance de l’extérieur. Seule Antioche est concernée (même si, en 92 ou 93 p.C., il y avait une disette semblable dans d’autres cités d’Asie Mineure, ce que nous ignorons). Cicéron parle de la fragmentation du marché du blé dans la province d’Asie. Cette idée me paraît encore valable un siècle et demi plus tard, et pour l’ensemble de l’Asie Mineure. Elle valait aussi, selon Cicéron, pour les provinces de la péninsule ibérique, à son époque. À l’inverse de la Sicile de Cicéron, nous sommes en présence de régions où les prix et les situations en matière céréalière varient d’une cité à l’autre7.
En guise de conclusion, j’ajoute encore trois autres remarques sur le prix du blé. À la fin du discours, Cicéron souligne le caractère ingrat du métier d’agriculteur, et il s’intéresse alors, non seulement à la dureté du travail de la terre et aux fortes variations des quantités récoltées, mais encore aux prix de vente. Il ne donne qu’une explication aux variations de prix : l’abondance de la récolte. Si la récolte était bonne, elle était bonne aussi pour les autres, et les prix baissaient ; si elle était mauvaise, elle l’était pour tous, et les prix montaient50. Il ne suffit pas d’avoir une grosse récolte pour être prospère. Encore faut-il la vendre, et la vendre à un bon prix. En apparence, il est étrange que Cicéron parle ici de l’offre, et ne dise rien de la demande. Mais la demande des produits agricoles était très peu élastique, elle variait peu. La demande de blé était particulièrement inélastique. Il n’est donc pas injustifié d’expliquer l’enchérissement ou la baisse des prix par la seule évolution des récoltes51. En tout cas, cette importance exclusive accordée à l’offre de blé explique le rapport existant entre les divers sens du mot annona, et surtout entre le premier et le quatrième des sens que j’ai indiqués (la récolte de céréales ; le prix courant).
Autre remarque : la similitude des prix courants entre la Sicile de Verrès et Antioche de Pisidie sous les Flaviens montre que toute identité de prix ne révèle pas un phénomène de “marché” (au sens où j’ai pris le mot). Si les conditions de production et le rapport entre l’offre locale et la demande locale sont identiques, le prix peut aussi être identique, sans qu’il existe aucun contact entre les lieux concernés.
Enfin, même s’il n’y avait, grosso modo, qu’un seul prix courant dans toute la Sicile de Verrès, il ne faut pas oublier qu’on y rencontrait tout de même plusieurs prix du blé. L’État romain, en effet, y achetait du blé à des prix qui n’étaient pas le prix courant. Laissons de côté la première dîme, qui était un impôt. Mais, à l’époque de Verrès, Rome, en plus de cette première dîme, achetait environ 13 à 15 % de la récolte, et ces achats se faisaient à trois prix différents, tous les trois politiquement fixés par le Sénat52. C’est une particularité à remarquer, car elle est typique de l’époque romaine, et il faut en tenir compte quand on réfléchit au fonctionnement du “marché” du blé en Sicile.
Note additionnelle
Après avoir terminé cet article, je me suis aperçu que l’interprétation de l’édit d’Antioche de Pisidie que je propose ci-dessus a déjà été présentée par H. U. Wiemer (dans Wiemer 1997). Comme moi, H. U. Wiemer considère que le mot emptores ne désigne ni des marchands, ni des magistrats ou employés de la cité, mais les consommateurs susceptibles d’acheter du blé, et que la vente prévue par l’édit, et comportant un prix-plafond, n’a pas lieu jusqu’aux calendes d’août. Mais il pense qu’elle ne devait durer qu’une seule journée, celle des calendes d’août, et que la limitation du prix ne valait que pour cette journée. Il me semble au contraire que les calendes d’août marquent le début des ventes, qui se poursuivent par la suite. Entre ces deux conclusions, le texte, certes, ne permet pas de trancher ; c’est en fonction des vraisemblances et de la logique de la mesure qu’une vente d’une seule journée est, à mon avis, très improbable.
Sur l’édit, voir aussi Erdkamp 2005, 286-287, 289 et 293, qui n’accepte pas les conclusions de H. U. Wiemer et se montre plus favorable à celles de W. M. Ramsay.
Notes
- Verr., 3.188-226.
- Verr., 3.192 (où Cicéron mentionne à ce propos l’Asie et l’Espagne) ; 3.195 ; 3.209.
- Verr., 3.171 ; 3.174 ; 3.188 ; 3.190.
- Par exemple Verr., 3.189-190.
- Verr.,3.170 (trad. J. Andreau) et aussi 3.174.
- Verr., 3.173 et aussi 3.195.
- Verr., 3.192.
- Verr., 3.47.
- Tac., Ann., 15.72.1 ; Virlouvet 1995, 271 et note 81, 313.
- Verr., 3.195 (“les cours de l’année”). Pour une autre occurrence d’annona avec le sens de “prix courant”, voir Verr., 3.194 (neque de annona neque de aestimatione).
- Verr., 3.195.
- Verr., 3.214.
- Verr., 3.189.
- Verr., 3.216.
- Verr., 3.190.
- Verr., 3.189-195.
- Hoffman et al. 2001, 25-26.
- Notamment Verr., 3.192-194.
- Verr., 3.189 et 194.
- Verr., 3.215 : ex temporibus […] et annona.
- Verr., 3.216 ; Garnsey 1996, 200.
- Verr., 3.215 (summa in uilitate) ; Carcopino 1914, 175-177.
- Sur ces aspects de la Sicile moderne, voir Aymard 1975, 1976 et 1985 ; Cancila 1993 ; Fazio 1993. Je remercie très vivement M. Aymard des renseignements qu’il m’a fournis.
- Aymard 1975, 22-23 ; Cancila 1993, 235-284.
- Aymard 1975.
- Fazio 1993, 214.
- Verr., 3.192 : prouinciae in quibus unum pretium frumento esse non solet.
- Verr., 3.191.
- D.Chr. 46.10 : “Le prix du grain a en effet dépassé le prix courant local, mais pas cependant à un point désespérant. Il existe des cités où, dans les meilleures années, le grain est toujours à ce prix. Voilà que vous recommencez votre tapage, comme si je disais qu’il serait bien que, chez vous également, il soit toujours aussi cher et jamais moins” (trad. Cuvigny, éd. 1994, 132) ; voir Sartre 1991, 180-181.
- AE 1925, 126b.
- CIL, III, 312 ; III, 318 ; III, 6818 ; AE 1933, 268. Voir Brandis 1910 ; Magie 1950, 1435-1436, n. 22.
- AE 1925, 126b, col. II, l.4-9 et 35-37.
- Ibid., col II, l. 12-22.
- Ibid., col. II, l. 22-27.
- Ibid., col. II, l. 27-34.
- Ibid., col. II, l. 34-44 : excedere sing(ulos) / X modios pretium / frumenti ueto.
- Magie 1950 ; Rostovtzeff 1957, 599-600 ; Sartre 1991, 180-181.
- McCrum & Woodhead, éd. 1961, 139-140, n° 464.
- Robinson 1924a et 1924b ; Ramsay 1924, 179-184 ; Cagnat 1925 ; Harrer 1925 ; Robinson 1925, 255-258 ; Ramsay 1926, 114-118 ; Rebert 1926 ; Stout 1926.
- Robinson 1924a.
- Ramsay 1924.
- AE 1925, 126b, col. II, l. 40-42.
- Je remercie très vivement F. Sigaut (dont je suis le collègue à l’EHESS) pour les précieux renseignements qu’il m’a fournis. Il a notamment dirigé la publication de l’ouvrage Gast et al., éd. 1979-1985.
- Voir par exemple Camodeca 1999, 1, 49-74.
- Cic., QFr., 2.3.1 : “la prochaine comparution est fixée au 7 février”.
- Cic., QFr., 2.3.1 ; CIL, III, p. 948 (tabl. 9) = IDR 1.40.
- Selon Pinzone (2000, 283-286), Verrès, en Sicile, cherchait l’appui de ces grands propriétaires producteurs de blé.
- Garnsey 1996, 118.
- Rostovtzeff 1957, 599-600.
- Verr., 3.227.
- Pinzone 2000, 279.
- Si la seconde dîme était proportionnelle à la récolte, il n’en était de même ni pour le blé “commandé” ou réquisitionné, ni pour le frumentum in cellam. Leur montant était fixé indépendamment de la récolte. Si la récolte était moins bonne, le taux des prélèvements augmentait donc ; si au contraire elle était plus abondante, il baissait.