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Une économie de l’absence des hommes. Femmes, pluriactivité et marché dans les Alpes occidentales au XVIIIe siècle

Contrairement à ce que l’historiographie a longtemps répété, les hautes vallées des Alpes occidentales sont loin de constituer, à l’époque moderne, des isolats peuplés d’habitants arriérés, vivant à l’écart des mouvements du monde dans des montagnes qui formeraient une sorte de conservatoire des traditions. Elles se trouvent au contraire placées au cœur d’une économie de la circulation que plusieurs historiens et anthropologues ont, depuis une trentaine d’années, bien mise en lumière, battant en brèche l’image misérabiliste de sociétés alpines pauvres et renfermées sur elles-mêmes, dont l’organisation sociale aurait été strictement déterminée par l’écosystème montagnard1. Ces études ont également interrogé l’impact de la migration des hommes sur les rôles et le statut des femmes dans les communautés d’altitude, à un moment où la recherche historique démontrait, plus largement, l’importance de la contribution des femmes aux économies de l’Europe préindustrielle et industrielle. Elles ont souligné la grande diversité des situations, de la plus discriminante à la plus égalitaire, dans lesquelles les femmes se trouvent placées en cas d’absence des hommes, en même temps que la variété des rôles qui leur échoient alors2.

Dans le prolongement de ces recherches, l’objectif de cet article est, dans un premier temps, de dresser un tour d’horizon de la situation des femmes dans les Alpes occidentales, en interrogeant plus particulièrement, à travers le fonctionnement de l’économie familiale, leur rapport au pouvoir – au niveau du couple et de la famille comme à celui des communautés villageoises – et leur insertion dans le marché. Sera ensuite menée une analyse plus précise du rôle joué, au XVIIIe siècle, par les femmes des hautes vallées du Dauphiné dans la contrebande du sel – denrée essentielle dans ces régions d’élevage et de transhumance – et de la place tenue par la fraude dans la pluriactivité familiale. Le sujet mêle la question des activités féminines au sein des économies montagnardes à celle, plus vaste, des rapports que ces communautés alpines entretiennent à la fois avec leur environnement et avec l’État. L’étude sera centrée sur le Briançonnais, fiscalement privilégié par le régime complexe de la gabelle. Il s’agira, à travers les archives judiciaires et les sources éclairant la vie des familles et des communautés, d’appréhender, même partiellement, les logiques d’activités qui échappent souvent à l’archive et de mieux comprendre de quelle autonomie, de quels espaces de décision jouissent les habitantes de ces « terres de femmes ». Les données rassemblées ici sont, comme pour tout ce qui touche à l’économie illicite, relativement éparses. Elles permettent cependant de suivre quelques bribes d’existences au sein de configurations plus vastes et, sans perdre de vue la diversité des possibles expériences féminines, de mettre en lumière quelques figures de femmes saisies en action, dans leur rapport au marché, à la mobilité et dans leur jeu permanent avec les frontières de toute nature3.

Statuts et rôles des femmes
des hautes vallées

Plusieurs études se sont, au cours des trois dernières décennies, intéressées au statut et à la capacité d’agir au quotidien des « femmes des montagnes », essentiellement dans le contexte alpin. Elles invitent à la plus grande prudence quant aux conclusions à tirer du rôle concret joué par ces dernières dans l’économie des hautes vallées. Dans ces régions marquées par d’importants flux migratoires et par l’absence saisonnière ou temporaire des hommes, le travail féminin, dans l’agriculture et l’élevage en particulier, constitue un lieu commun de la littérature scientifique et des récits de voyageurs4. Cette activité, qui contribue à forger chez ces auteurs une image presque animale des femmes montagnardes, est donc loin d’être négligeable. Elle n’a cependant qu’une importance relative dans l’économie des hautes vallées, car les biens produits par les femmes sont exclus du marché construit par la migration5, ce qui la rend extrêmement difficile à saisir – et ce d’autant plus que les sources normatives masquent la pluriactivité exercée dans le cadre familial.

Dès 1736, l’ingénieur du roi Nézot est frappé par la pratique qui consiste en Briançonnais à faire labourer les terres par les femmes : « Une chose qui est difficile à croire, et qui est cependant, c’est que les femmes des environs de cette ville (Briançon) servent à labourer les terres avec les bestiaux, c’est-à-dire qu’une femme tire la charrue avec une vache ou un animal, et qu’ils sont attelés ensemble. Il est vrai que les terres sont douces et que c’est la misère qui les réduit à ce point. Les hommes se prêtent réciproquement leurs femmes pour labourer, n’ayant pas le moyen d’avoir plus d’une vache chacun6 ». Lorsqu’il visite la région de Locarno au début des années 1770, le jeune pasteur zürichois Hans Rudolf Schinz est frappé par les villages vides d’hommes adultes pendant la belle saison et par le dur labeur agricole accompli par les femmes7. Un quart de siècle plus tard, en 1795, la poétesse danoise Friderike Brun décrit les femmes des hautes vallées de Suisse italienne comme des « bêtes de somme à deux jambes8 ». Un constat similaire est dressé par Horace-Bénédict de Saussure, lorsqu’il visite à la fin du XVIIIe siècle la région du Mont Rose : « Comme les productions du sol ingrat & borné de ces villages élevés, ne suffisent point à la subsistance de leurs habitants, les hommes en sortent à peu près tous pour chercher à gagner leur vie ; ils commencent par être colporteurs, & finissent souvent par des établissements avantageux. […] Les femmes restent donc à-peu-près seules chargées de tous les travaux de la campagne9 ». Cette assimilation des montagnardes à des bêtes de somme exploitées par les hommes et vieillies avant l’âge constitue donc bien un topos de la littérature alpine scientifique et de voyage10.

Comme l’ont confirmé les travaux des historiens, travailler la terre, s’occuper des bêtes, se substituer même aux animaux pour effectuer des travaux pénibles de portage ou pour les labours constituent le lot quotidien des femmes des Alpes occidentales à l’époque moderne. L’attribution de ces tâches agricoles aux femmes ne tient pas uniquement à l’absence saisonnière des hommes, mais également au fait qu’elles occupent une place somme toute relative dans l’économie montagnarde. Dans des sociétés où les stratégies familiales reposent avant tout sur la migration, le travail de la terre est une tâche relativement marginale, réservée aux femmes et aux vieillards qui constituent, selon les termes de Raul Merzario, une force de travail elle aussi marginale. Cette nette division du travail, qui fait écho à la séparation spatiale des deux sexes pendant une bonne partie de l’année, renvoie en même temps à une construction différenciée des identités masculine et féminine. Du côté des hommes, qui bénéficient d’une instruction leur permettant d’émigrer vers les villes et de s’y embaucher, la maîtrise d’une compétence technique et la fierté de l’entrepreneur qui quitte son village pour s’ouvrir au monde dessinent la figure d’un individu créateur dont l’activité s’apparente à une œuvre (homo faber, selon la notion d’Hannah Arendt que reprend ici Dionigi Albera). Celle des femmes, privées de toute instruction et cantonnées aux tâches agricoles pénibles et répétitives, n’est à l’inverse qu’un travail (animal laborans)11.

Pour autant, les sources produites par les familles et les communautés montrent que, dans les régions des Alpes marquées par la migration, l’absence des hommes n’a pas que des effets négatifs sur le statut et les rôles des femmes12. Leur situation se révèle ainsi plus ambiguë et plus complexe qu’à première vue13. Dans les vallées du Tessin, où les maris appellent leurs épouses « patronnes », se tiennent des assemblées communautaires uniquement composées de femmes tandis qu’à Mornico, en Valsassina, c’est une femme qui, en 1722, remplace le consul qui a émigré14. À Concenedo, dans la même vallée, son homologue déclare ne rien connaître aux rendements et au prix des grains car « nous autres laissons faire les femmes, étant hors du pays pratiquement toute l’année15 ». Toujours dans le Tessin, les femmes se rendent chez le notaire en l’absence de leur mari et de leur père pour signer des contrats d’achat ou de vente ; dans le Briançonnais et l’Embrunais, elles représentent, du début de l’automne à la fin du printemps, la clientèle majoritaire des justices seigneuriales16. Mais les correspondances montrent que les hommes continuent à contrôler de loin l’exploitation familiale et à prendre les décisions importantes concernant en particulier l’achat ou la vente de terres : l’émigration contribue donc aussi, d’une certaine façon, à renforcer la position dominante du père et de l’époux au sein de la famille17.

Ce tableau est encore complexifié par la diversité des régimes et des pratiques successorales, et par le statut marital des femmes elles-mêmes18. Une certaine historiographie a cherché à mettre l’accent, à partir de la règle du droit d’aînesse intégral, sur l’égalité des sexes dans les Pyrénées19. Or cette égalité demeure partout, et plus particulièrement dans les Alpes, une illusion20, même si la conjoncture permet d’observer des variations d’une vallée ou d’une région à l’autre, voire au sein même des familles21. Dans le Briançonnais, une forte orientation agnatique marque ainsi la transmission et la gestion des patrimoines : les filles, dotées, sont exclues de l’héritage tandis que les descendants masculins sont nommés héritiers universels. Cet « horizon agnatique » tend cependant à s’atténuer, au fil du XVIIIe siècle, d’abord dans le Haut-Embrunais voisin puis dans les communautés inférieures du Queyras : sans doute plus étroitement associée qu’auparavant, du vivant de son mari, à la gestion du patrimoine familial, la femme survivante se voit accorder un rôle plus important dans les testaments, ce qui fait de la veuve le chef de l’unité domestique22. À la même époque, les femmes du village d’Abriès en Queyras jouissent d’une bien meilleure condition que dans les régions méditerranéennes : leur dot, qui constitue une assurance pour leurs vieux jours, ne peut être aliénée par leur époux ; l’analyse des testaments montre de surcroît qu’elles ne sont exclues ni de la succession des terres, ni de la gestion des propriétés, ni même de la participation aux assemblées villageoises23. Leur situation contraste aussi fortement avec celle des femmes d’autres vallées, ce qui invite à la plus grande prudence quant à toute tentation de généraliser cette relative autonomie féminine : dans les Alpes autrichiennes par exemple, seuls les hommes peuvent hériter de la propriété24.

La condition des femmes dans les hautes vallées des Alpes demeure, on le voit, une question complexe qui résiste à toute tentative de généralisation. Si l’absence saisonnière des hommes peut constituer pour elles un facteur d’autonomie accrue, elles restent le plus souvent prises dans des processus de reproduction et dans des stratégies familiales qui jouent sur la combinaison d’activités légales et illégales25. Ce cumul des activités est une réalité dans les sociétés littorales comme dans les communautés de montagne, sans qu’il faille le lire comme une réponse mécanique à des contraintes d’ordre strictement économique ou démographique26. De même que la migration articule des décisions individuelles et des dynamiques familiales de reproduction ou d’expansion – autrement dit des stratégies – à un contexte économique plus vaste qui la rend possible, l’entrée dans l’illicite – que nous allons aborder à présent – n’est pas une simple fatalité imposée par la misère, mais peut être interprétée comme le choix que font certains individus ou familles de saisir, à un moment donné, une opportunité permise par la conjoncture27.

Une économie du privilège :
le faux-saunage en Haut-Dauphiné

Dans les hautes vallées du Dauphiné qui, au début du XVIIIe siècle, font frontière avec le duché de Piémont-Savoie, l’élevage représente une activité importante, qu’il s’agisse du bétail local (ovins et bovins) ou de la grande transhumance des troupeaux provençaux. Le sel constitue une denrée essentielle aux hommes comme aux bêtes et donc un énorme marché. Les soubresauts de la grande histoire ont créé dans la région, aux lendemains de la guerre de Succession d’Espagne et du traité d’Utrecht, des conditions particulièrement propices à la fraude : le Briançonnais, meurtri par la guerre, privé en 1713 de ses vallées d’outre-monts, a obtenu en compensation un tarif privilégié pour le sel par rapport aux vallées voisines et au reste du Dauphiné, qui fait partie des pays de petite gabelle. Dans ce territoire au relief escarpé, la contrebande entre vallées, voire entre villages privilégiés et non privilégiés, demeure endémique au moins jusqu’à la Révolution, en dépit du contrôle exercé par les brigades d’employés de la Ferme générale.

Derrière son apparente banalité, le sel constitue un point d’entrée idéal dans l’économie des hautes vallées dauphinoises, dans la vie des villages et des familles, et dans les rapports de pouvoir qui s’exercent au sein des communautés. L’approche socio-économique de la contrebande permet en particulier de dégager les ressorts de la fraude pour les populations locales et, ce faisant, d’éclairer le fonctionnement de l’économie familiale et l’insertion, même timide, des femmes dans le marché. Les archives du grenier à sel de Briançon – qui est à la fois un magasin d’approvisionnement et un tribunal jugeant en première instance des cas de faux-saunage – conservent les dossiers, plus ou moins complets, de 71 affaires de faux-saunage pour la période 1725-176028. Un premier examen du profil des contrevenants montre qu’en Briançonnais comme dans le reste du royaume à la même époque, tout le monde trafique – hommes, femmes et même enfants, paysans, soldats et ecclésiastiques. Près de 30 % de ces procédures – 21 cas – impliquent directement une ou plusieurs femmes. Contrairement à ce qui a pu être constaté dans d’autres régions de montagne, comme les Pyrénées catalanes, la contrebande de sel est ici peu violente et relativement tolérée par les autorités soucieuses de s’assurer de la loyauté des populations frontalières29. Le faux-saunage peut être lu avant tout comme une activité opportuniste, liée au privilège qui instaure un différentiel de prix entre vallées voisines et pratiquée par l’ensemble de la société villageoise en Haut-Dauphiné. Mais il mérite aussi d’être analysé, dans le cas des femmes seules arrêtées en possession de quantités importantes de faux-sel, comme un élément parmi d’autres de stratégies de survie déployées par les femmes des hautes vallées pour pallier l’absence temporaire ou définitive des hommes. La nature même des sources utilisées, si elle ne permet pas de quantifier le phénomène, autorise néanmoins à en interpréter les logiques plurielles et à esquisser des pistes d’interprétation. Les affaires portent sur des quantités de sel très variables (de 2 à 634 livres pour les extrêmes), ce qui laisse entrevoir, derrière une même infraction, des ressorts économiques et sociaux différents30.

La fraude pratiquée à petite échelle – moins de 10 livres de sel par saisie – nous éclaire sur le fonctionnement d’une micro-économie locale. Les saisies ont lieu de jour, au moment où les contrevenants, surtout des femmes, reviennent de la ville où elles sont venues porter quelques menues marchandises ou denrées comme du seigle ou de l’huile de noix. Elles en profitent pour rapporter discrètement chez elles quelques livres de sel privilégié. Catherine Pelegrin, 23 ans, fille d’un laboureur de Freissinières, est ainsi arrêtée avec 6 livres de sel acheté à Briançon où elle était venue « vandre cinq quartiers bled meteil pour employer au besoin de la famille31 ». Il s’agit là d’une forme de contrebande occasionnelle, artisanale, une petite délinquance diffuse et peu organisée, née de la disparité des prix entre vallées voisines, et qui semble faire partie intégrante des relations économiques de proximité, fondées sur des échanges modestes et réguliers avec la ville la plus proche et sur les services rendus entre voisins. Chacun – ou chacune – apparaît ici comme un contrebandier en puissance. Au total, ce type de saisie portant sur des quantités modestes de sel est minoritaire dans l’ensemble des procès : 22 % des cas impliquant des hommes, 29 % de ceux concernant des femmes. Cela signifie peut-être que, comme ailleurs, les gardes ferment parfois les yeux sur ces petites infractions. Mais cela montre également qu’il existe d’autres ressorts à la fraude que la simple consommation individuelle.

Un deuxième cas de figure met en effet en jeu des quantités de sel beaucoup plus importantes, qui atteignent parfois plusieurs centaines de livres. La finalité de ce faux-saunage est ici bien éloignée de la simple consommation individuelle. Les individus appréhendés ne sont souvent que l’un des maillons d’une chaîne d’intermédiaires et de revendeurs assurés, grâce aux différentiels de prix entre vallées, de faire de plus ou moins grands profits : dans les villages situés à la lisière des zones privilégiées, le faux-saunage apparaît ainsi comme une composante originale de la pluriactivité propre à ces sociétés de montagne et qui mêle agriculture, élevage, artisanat et migration. Les cas de femmes appréhendées en possession de grandes quantités de faux sel (71 % des infractions féminines pour lesquelles le sel a été pesé) invitent à aller au-delà des analyses traditionnelles de la contrebande qui voient dans l’implication des femmes – et des enfants – une réponse mécanique à la difficulté des temps et une composante parmi d’autres, au même titre que le vol, le vagabondage ou la mendicité, de l’économie d’expédients (economy of makeshifts) mise en œuvre par les pauvres32. Certaines de ces femmes sont manifestement utilisées comme simples convoyeuses ou « mules33 » par des employeurs peu scrupuleux. Mais à côté de ces petites mains, doublement victimes lorsqu’elles se font prendre, d’autres arrestations de femmes laissent entrevoir une contrebande effectuée dans le cadre d’une pluriactivité familiale : Catherine Léotaud, arrêtée en 1754 avec un mulet chargé de 118 livres de sel entre L’Argentière et La Roche, reconnaît ainsi que son mari « ou autres de sa maison » l’avaient acheté à Briançon et « quelle le portoit pour le revendre aux bergers autrement apellés pastres de Provence qui etoient actuellement dans les montagnes de Fresseniere en Embrunois34 ».

L’analyse des rythmes annuels de la fraude à l’échelle du XVIIIe siècle, tels qu’ils ressortent des archives du grenier à sel de Briançon, doit demeurer extrêmement prudente compte tenu du nombre relativement faible de procès conservés. Elle permet cependant d’esquisser, au-delà des facteurs d’ordre climatique ou géopolitique souvent mis en avant par les historiens de la contrebande, une troisième voie d’explication des oscillations de la fraude qui tiendrait précisément à l’existence ou non, à une période donnée, de sources de revenus alternatives à l’agriculture, à l’élevage ou à la migration. Les vingt années qui suivent le traité d’Utrecht et l’octroi du privilège sur le prix du sel en 1715 sont ainsi marquées par d’importants travaux de fortification à Briançon et dans les alentours. Ils occupent plusieurs milliers de paysans de la région – qui s’embauchent à la belle saison comme maçons ou manœuvres, laissant aux femmes et aux enfants le soin des travaux des champs – mais également toute une série d’artisans chargés de ravitailler cette main-d’œuvre. C’est au moment où ces travaux s’arrêtent, dans la seconde moitié des années 1730, que l’industrie textile, la tannerie et la petite métallurgie locales connaissent une crise ou un repli momentané et que les affaires de faux-saunage deviennent plus nombreuses35. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’essor de l’industrie textile locale se confirme à nouveau avec la création de plusieurs manufactures de coton, mousseline et bonneterie à Briançon, Névache et La Salle et l’embauche à domicile de dizaines de cardeurs et de plusieurs centaines de fileuses des environs, payées 6 à 8 sous par jour en 1789 ; dans le même temps, on voit se raréfier les affaires de faux-saunage. Dans des sociétés marquées par la pluriactivité, l’hypothèse d’une diversification des activités à l’échelle des familles, qui feraient le choix plus ou moins libre de combiner activités licites et illicites, selon leurs capacités, les liens de dépendance dans lesquels elles sont insérées et les aléas de la conjoncture, n’est peut-être pas à exclure totalement.

Une économie de l’absence des hommes ?

Si le faux-saunage peut ainsi s’inscrire dans le contexte d’une pluriactivité familiale, il est aussi, dans quelques affaires, le fait de femmes seules et néanmoins souvent chefs de famille – soit de jure quand elles sont veuves ou célibataires, soit de facto quand le mari travaille au loin. Partout l’absence des hommes redéfinit les rôles au sein du foyer en obligeant les femmes à prendre en charge les affaires familiales. Dans les communautés de l’Oisans comme dans les ports de l’Atlantique ou de la Méditerranée, des veuves reprennent parfois l’entreprise de leur mari36. À Clavans, une certaine Demoiselle Marie Arthaud se voit ainsi confier en 1699 par son mari mourant la charge de trésorier de la communauté et de receveur des tailles. À la même époque, les veuves de marchands uissans demandent à être enterrées « comme un chef de famille », ce qui est une manière de revendiquer une forme d’égalité avec leur époux défunt37. Au-delà du veuvage, l’absentéisme masculin, qui touche également les sociétés littorales ou les milieux négociants, a parfois été interprété comme une occasion d’affranchissement, voire d’empowerment des femmes, surtout quand il se traduit, dans les milieux du commerce en particulier, par la signature devant notaire d’une procuration en faveur de l’épouse38. Mais ce pouvoir de substitution que confère la procuration demeure malgré tout une forme de « promotion provisoire39 » et limitée : en Oisans, la femme ne devient procuratrice qu’en l’absence de tout parent masculin susceptible de suppléer à l’absence du mari40. La capacité des épouses ou des veuves à prendre des initiatives et les modalités, qui nous intéressent ici, de leur entrée dans l’économie illicite à travers le faux-saunage, dépendent aussi de leur marge de manœuvre économique et financière, des appuis dont elles disposent ou des liens de dépendance dans lesquels elles se trouvent enserrées.

Pour ces femmes devenues, par la force des choses, chefs de famille, et qui sont aussi plus vulnérables face à la pauvreté, le simple transport de sel de contrebande procure une source complémentaire de revenus tandis que son achat et sa revente, qui demandent un investissement de départ, supposent déjà la mise en œuvre de capacités entrepreneuriales, même modestes. Jeanne Giraud, arrêtée en pleine nuit avec un mulet chargé de 155 livres de sel, raconte que son époux « est allé depuis environ cinq années travailler et gagner sa vie hors du pais dou il n’est pas de retour41 ». La longue absence de son mari laisse à penser que l’on se trouve peut-être ici face à un cas d’émigration de la pauvreté, prélude à une absence définitive qui a désorganisé la famille en la menaçant de déclassement et contraint Jeanne Giraud à s’embaucher comme « mule » auprès de trafiquants plus aguerris – ce qui pourrait aussi expliquer l’indulgence du tribunal à son égard, puisqu’elle est libérée le lendemain de son arrestation42. Le juge des gabelles est à l’inverse beaucoup plus soupçonneux à l’encontre de Marguerite Gonnet, une journalière qui vit avec deux enfants naturels à Villar d’Arène et prétend avoir acheté au Monêtier, à un Savoyard « quelle ne connoit pas », un sac de 33 livres de sel qu’elle est fortement suspectée d’avoir eu le « dessein de revandre dans son pais43 ». La somme payée pour ce sel – 6 livres – bien que non négligeable, ne représente pas pour autant un investissement démesuré, d’autant plus qu’elle en a peut-être emprunté une partie. Elle affirme « qu’elle vit le plus souvent sans sel […] si grande est sa misere et sa pauvreté » et prétend n’avoir eu pour objectif que « de le consommer dans son menage tant qu’il dureroit, après en avoir prelevé quelques livres qu’elle en a emprunté cy devant de ses voysins ». Mais la quantité saisie est jugée « peu convenable a sa situation triste, et au peu de bien qu’elle a » et elle est condamnée à 100 livres d’amende.

Pareil esprit d’entreprise se devine également dans le cas de ces trois femmes du hameau des Hières, au-dessus de La Grave, qui ont manifestement rassemblé une partie de leurs économies pour acheter chacune 20 livres de sel au Casset44. L’une d’elles est veuve à 32 ans, la plus âgée célibataire et la plus jeune est mariée. Elles sont soupçonnées de s’être associées entre elles « ou avec quelqu’autres pour faire ce commerce, attandu le proffit considerable qu’il y a d’achepter du sel dans le Briançonnois pour le porter dans la vallée d’Oysans et autres lieu ou il est plus cher ». Le profit réel espéré ne peut en réalité dépasser 30 sols chacune, un gain apparemment dérisoire face au risque qu’elles encourent d’être emprisonnées et condamnées à une lourde amende. Mais il représente en même temps, pour une course de quelques heures seulement, l’équivalent de plusieurs journées de travail à filer la laine ou le chanvre45. Elles se disent incapables de verser l’amende et les frais de justice, « a cause de leur pauvreté », mais n’en déposent pas moins une requête – dont on sait qu’elle a un coût – demandant leur élargissement, en proposant la caution d’un certain sieur Albertin de La Grave46. Pour ces femmes seules, l’emprunt ou la mise en commun de leurs ressources afin de se créer un capital de départ, même modeste, permettant d’acheter du sel pour le revendre, est une manière de s’insérer dans le marché. Dans ces « terres de femmes », les solidarités féminines peuvent être très fortes – ce qui n’exclut bien entendu jamais les conflits –, comme elles le sont à la même époque chez les épouses de « partis en voyage sur mer » qui s’associent par exemple entre elles pour louer des terrains à cultiver47.

Conclusion

La relative indulgence dont la justice fait preuve à l’égard de ces femmes permet d’interroger, pour conclure, la dimension à la fois sociale, morale et politique de la lutte contre la fraude. L’appel à la compassion et la justification par la pauvreté constituent des éléments essentiels dans les stratégies rhétoriques des accusés (hommes et femmes) et, plus largement, dans la définition du faux-saunage lui-même comme une activité répréhensible. Bien que l’expression ait été galvaudée à force d’emploi, l’argument du droit à l’existence fréquemment avancé par les prévenus, leur capacité à manipuler et à reformuler la norme, la subjectivité politique qu’ils manifestent devant la cour relèvent bien d’une économie morale48. Certains de ces discours sur la pauvreté sont néanmoins remplis de contradictions et les requêtes déposées par les prévenus – qui témoignent plus généralement de leur capacité à utiliser les recours offerts par la procédure judiciaire – montrent qu’ils ne se situent pas tous au plus bas de la hiérarchie sociale et que le choix de l’illicite est loin d’être toujours dicté par la misère.

Plus largement, cette économie du privilège et de l’absence – ou plutôt de la mobilité – des hommes que constitue le faux-saunage contribue à mettre définitivement à mal l’image de sociétés montagnardes inertes, vivant isolées, en marge de la civilisation et des échanges. Si l’exploitation des archives judiciaires trouve ici ses limites en termes de quantification précise d’un phénomène extrêmement diffus, d’autant plus difficile à appréhender qu’il cherche par nature à ne pas laisser de traces, elle permet néanmoins de dégager des logiques. Loin d’être exclusivement le fait des plus pauvres et de se réduire à une sorte d’illégalité de la misère, le faux-saunage apparaît au contraire comme une composante parmi d’autres de stratégies pluriactives et comme une manière originale, pour les habitants des hautes vallées, de s’insérer dans le marché en jouant sur les fragmentations de l’espace fiscal. Dans le cas des femmes, statutairement exclues de bon nombre de métiers licites, l’économie souterraine offre la possibilité d’un revenu, particulièrement précieux lorsque l’époux est au loin ou les activités artisanales locales en repli. Procès-verbaux et interrogatoires mettent ici en lumière les conditions qui conduisent ces femmes à entrer dans l’illicite, et l’éventail des rôles qu’elles y tiennent – de la simple mule exploitée par d’autres à celle qui sait déjà développer des capacités entrepreneuriales. Si elles agissent sur les marges, au sens littéral – par le jeu sur les frontières fiscales ou étatiques – comme au sens métaphorique – par le recours conjoint au licite et à l’illicite, la négociation des normes de genre qui leur assignent des rôles économiques et sociaux spécifiques, l’exploitation des interstices et des contradictions du droit – leur rôle dans l’économie n’en est pas pour autant marginal. La capacité d’agir des femmes des hautes vallées doit ici être comprise non comme une manifestation de parfaite autonomie ou d’indépendance triomphante mais comme une possibilité d’action encastrée dans un ensemble de contraintes et de relations de pouvoir. À cette capacité d’action individuelle répond plus largement celle des communautés montagnardes et de leurs élites, qui jouent de leur position stratégique sur la « ceinture de fer » du royaume pour obtenir, en dépit d’une contrebande endémique, la reconduction régulière du privilège sur le prix du sel.


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  • Viazzo P. P., « Les Alpes, terres de femmes ? », L’Alpe, n° 12, 2001, p. 6-9.
  • Viazzo P. P., « Scambi fecondi: Raul Merzario consumatore e produttore di antropologia », dans Levati S. et Lorenzetti L., Dalla sila alle Alpi. L’itinerario storiografico di Raul Merzario, Milan, Franco Angeli, 2008, p. 45-60.
  • Vivier N., Le Briançonnais rural aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, L’Harmattan, 1992.

Notes

  1. Fontaine L., Histoire du colportage en Europe, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1993 et Id., Pouvoir, identités et migrations dans les hautes vallées des Alpes occidentales (XVIIe-XVIIIe siècles), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003 ; Radeff A., Du Café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime. Suisse occidentale, Franche-Comté et Savoie, Lausanne, Société d’Histoire de la Suisse Romande, 1996 ; Albera D., Au fil des générations. Terre, pouvoir et parenté dans l’Europe alpine (XIVe-XIXe siècles), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2011 ; Lorenzetti L. et Merzario R., Il fuoco acceso. Famiglie e migrazioni Alpine nell’Italia d’età moderna, Rome, Donzelli, 2005 ; Merzario R., « Donne sole nelle valli e nelle montagne », dans Groppi A., Il lavoro delle donne, Bari, Laterza, 1996, p. 229-246 ; Viazzo P. P., Upland Communities. Environment, Population and Social Structure in the Alps since the Sixteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
  2. Lorenzetti L. et Valsangiacomo N., Donne e lavoro. Prospettive per una storia delle montagne europee xviii-xx secc., Milan, Franco Angeli, 2010.
  3. Pour une étude plus détaillée du faux-saunage en Haut-Dauphiné au XVIIIe siècle, nous nous permettons de renvoyer à Montenach A., Femmes, pouvoirs et contrebande dans les Alpes au XVIIIe siècle, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2017.
  4. Viazzo P. P., « Les Alpes, terres de femmes ? », L’Alpe, n° 12, 2001, p. 8-9.
  5. Lorenzetti L. et Merzario R., op. cit.
  6. Bornecque R., « La vie dans le Briançonnais au XVIIIe siècle, d’après les mémoires des ingénieurs militaires », Cahiers d’histoire, 15, n° 1, 1970, p. 27. Selon Nadine Vivier, le sous-préfet Chaix rapporte encore la même pratique sous l’Empire : Vivier N., Le Briançonnais rural aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 62. Nous la trouvons également mentionnée par le préfet J.-C.-F. Ladoucette dans son Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, Paris, Gide et Cie Éditeurs, 1848, 3e éd. revue et augmentée, p. 547.
  7. Schinz H. R., Descrizione della Svizzera italiana nel Settecento, cité par Merzario R., « Donne sole », op. cit., p. 237.
  8. Citée par Merzario R., Il capitalismo nelle montagne. Strategie famigliari nelle prima fase di industrializzazione nel Comasco, Bologne, Il Mulino, 1989, p. 63.
  9. De Saussure H.-B., Voyage dans les Alpes, tome IV, À Neuchâtel, chez Louis Fauche-Borel, Imprimerie du Roi, 1796, chapitre VIII : « Fin du voyage autour du Mont-Rose », p. 386-387.
  10. Cavallera M., « Un “motore immobile”. Emigrazioni maschili di mestiere e ruolo della donna nella montagna lombarda dell’età moderna », dans Lorenzetti L. et Valsangiacomo N., op. cit., p. 28 ; Viazzo P. P., « Les Alpes », op. cit., p. 6.
  11. Albera D., Audenino P. et Corti P., « I percorsi dell’identità maschile nell’emigrazione. Dinamiche collettive e ciclo di vita individuale », Rivista di Storia Contemporanea, n° 20, 1991/1, p. 69-87 ; Arendt H., The Human Condition, Chicago, University of Chicago Press, 1958 ; Merzario R., Il capitalismo, p. 61 ; Lorenzetti L. et Merzario R., op. cit., p. 3-14 ; Merzario R., « Donne sole », op. cit., p. 230 et 235-236.
  12. Audenino P. et Corti P., « Un monde divisé », L’Alpe, n° 12, 2001, p. 12-16.
  13. Viazzo P. P., « Scambi fecondi: Raul Merzario consumatore e produttore di antropologia », dans Levati S. et Lorenzetti L., Dalla sila alle Alpi. L’itinerario storiografico di Raul Merzario, Milan, Franco Angeli, 2008, p. 59-60 ; Audenino P., « Introduzione. La dinamica dei ruoli », dans Lorenzetti L. et Valsangiacomo N., op. cit., p. 17-25.
  14. Merzario R., Adamocrazia, op. cit., p. 27-28.
  15. « Perché noi altri lasciamo fare le donne, a stiamo via quasi tutto l’anno dal paese », cité par Merzario R., Il capitalismo, p. 63.
  16. Belmont A., « L’artisan et la frontière : l’exemple des peigneurs de chanvre du Briançonnais aux 17e et 18e siècles », Histoire des Alpes Storia delle Alpi Geschichte der Alpen, n° 3, 1998, p. 205.
  17. Merzario R., « Donne sole », op. cit., p. 241.
  18. Fontaine L., « Devoluzione dei beni nelle valli alpine del Delfinato (xvii-xviii secolo) », Quaderni Storici, n° 88, 1995, p. 135-154.
  19. Gratacos I., Fées et gestes. Femmes pyrénéennes : un statut social exceptionnel en Europe, Toulouse, Privat, 1987.
  20. Voir à ce propos la critique formulée par Christian Desplat à l’encontre d’une lecture complaisante du soi-disant « féminisme » de la société pyrénéenne, qu’il qualifie de « mythologie sociale » : Desplat C., « La société pyrénéenne moderne entre autonomie et dissidence (Pays d’États des Pyrénées occidentales) », dans Bercé Y.-M., La Montagne à l’époque moderne, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 26-29.
  21. Fontaine L., « Devoluzione dei beni », op. cit.
  22. Albera D., op. cit., p. 395-445 ; Rosenberg H. G., Un Monde négocié. Trois siècles de transformations dans une communauté alpine du Queyras, Grenoble, Musée dauphinois/le Monde alpin et rhodanien, 2014 (éd. originale 1988).
  23. Rosenberg H. G., op. cit., p. 41-43.
  24. Viazzo P. P., « Les Alpes », op. cit., p. 9.
  25. Fontaine L. et Schlumbohm J., « Household Strategies for Survival: An Introduction », International Review of Social History, vol. 45, Suppl. 8, 2000, p. 1-17 ; Antoine A. et Cocaud M., « La pluriactivité dans les sociétés rurales. Approche historiographique », dans Le Bouëdec G. et al., Entre terre et mer. Sociétés littorales et pluriactivités (XVe-XXe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 13-33.
  26. Le Bouëdec G., « La pluriactivité dans les sociétés littorales, XVIIIe-XIXe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 109, 1, 2002, p. 61-90.
  27. Ploux F., « Déterminisme ou stratégies ? Deux approches de la pluriactivité dans les sociétés rurales », dans Le Bouëdec G. et al., op. cit., p. 35-40 ; Rosental P.-A., Les Sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999.
  28. Archives Départementales des Hautes-Alpes (ADHA), B 329 à 333, bailliage de Briançon, traites et gabelles, faux-saunage, 1725-1760.
  29. Ayats A., Les Guerres de Joseph de la Trinxeria (1637-1694). La guerre du sel et les autres, Canet, Trabucaire, 1997 ; Brunet M., Contrebandiers, mutins, fiers-à-bras. Les stratégies de la violence en pays catalan au XVIIIe siècle, Canet, Trabucaire, 2001 ; Caporossi O., « Douanes et contrebandes dans les Pyrénées occidentales du XVIe au XXe siècle », Cahiers du Portalet, n° 2, Pau, Marrimpouey, 2010.
  30. La livre varie en Dauphiné entre 405 et 530 grammes – elle pèse à Briançon entre 410 et 420 grammes.
  31. ADHA, B 331, 4 février 1737.
  32. Cochois P., Étude historique et critique de l’impôt sur le sel en France, Paris, V. Giard & E. Brière, 1902 ; Hufton O. H., The Poor of Eighteenth-Century France 1750-1789, Oxford, Clarendon Press, 1974, chapitre X ; Jütte R., Poverty and Deviance in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 153-156.
  33. Le terme désigne de nos jours un passeur de drogue.
  34. ADHA, B 333, 22 septembre 1754.
  35. ADHA, L 401 (1789) ; Vivier N., op. cit., p. 75-76.
  36. Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 123 ; Buti G., « Femmes d’affaires maritimes en France méditerranéenne au XVIIIe siècle », dans Guilhaumou J., Lambert K. et Montenach A., Genre, Révolution, transgression, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015, p. 267-76.
  37. Fontaine L., « Droit et stratégies : la reproduction des systèmes familiaux dans le Haut-Dauphiné (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 6, 1992, p. 1272-1273.
  38. Grenier B. et Ferland C., « “Quelque longue que soit l’absence” : procurations et pouvoir féminin à Québec au XVIIIe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 37, 2013, p. 197-225 [en ligne] https://journals.openedition.org/clio/11053 ; Charpentier E., Le Peuple du rivage. Le littoral nord de la Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 339 ; Van der Heijden M. et Van den Heuvel D., « Sailors’ Families and the Urban Institutional Framework in Early Modern Holland », The History of the Family, n° 12, 4, 2007, p. 304.
  39. Lespagnol A., « Femmes négociantes sous Louis XIV. Les conditions complexes d’une promotion provisoire », dans Croix A., Lagrée M. et Quéniart J., Populations et cultures. Études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1989, p. 463-70.
  40. Fontaine L., « Droit et stratégies », op. cit., p. 1271-1272.
  41. ADHA, B 330, 15 mai 1735.
  42. Fontaine L., « Les effets déséquilibrants du colportage sur les structures des familles et les pratiques économiques dans les vallées de l’Oisans (XVIIIe-XIXe siècles) », Mélanges de l’École Française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, n° 99, 1987/2, p. 963-987.
  43. ADHA, B 330, 29 mai 1736.
  44. ADHA, B 332, 14 juin 1740.
  45. Le salaire d’une fileuse est de 8 à 9 sous par jour, celui d’un journalier de 12 à 15 sous.
  46. ADHA, B 332, 15-16 juin 1740.
  47. Rosenberg H. G., op. cit., p. 26 ; Charpentier E., « Incertitude et stratégies de (sur)vie : le quotidien des femmes des “partis en voyage sur mer” des côtes nord de la Bretagne au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 117, 3, 2010, p. 49.
  48. Fassin D., « Les économies morales revisitées », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 6, 2009, p. 1237-1266 ; Thompson E. P., « The moral economy of the English crowd in the eighteenth century », Past & Present, n° 50, 1971, p. 76-136.
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EAN html : 9782858926374
ISBN html : 978-2-85892-637-4
ISBN pdf : 978-2-85892-638-1
ISSN : 2741-1818
Posté le 23/11/2022
12 p.
Code CLIL : 3377; 3111
licence CC by SA

Comment citer

Montenach, Anne, « Une économie de l’absence des hommes. Femmes, pluriactivité et marché dans les Alpes occidentales au XVIIIe siècle », in : Charpentier, Emmanuelle, Grenier, Benoît, dir., Le temps suspendu. Une histoire des femmes mariées par-delà les silences et l’absence, Pessac, MSHA, collection PrimaLun@ 12, 2022, 141-152 [en ligne] https://una-editions.fr/une-economie-de-labsence-des-hommes/ [consulté le 23/11/2022].
10.46608/primaluna12.9782858926374.10
Illustration de couverture • Détail de Het uitzeilen van een aantal Oost-Indiëvaarders, huile sur toile, Hendrick Cornelis Vroom, 1600, Rijksmuseum (wikipedia).
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