Contexte et datation
Le panneau représentant l’Assomption de la Vierge, conservé au Musée d’Aquitaine de Bordeaux, tranche par rapport aux panneaux anglais examinés jusqu’à présent1.
Il affiche en effet beaucoup de traits atypiques, à commencer par la manière dont le thème iconographique a été traité (fig. 41). Marie n’est pas entourée de la grande mandorle qui l’enveloppe habituellement sur les panneaux anglais, tel que c’est le cas, au sein du corpus néo-aquitain, des représentations de l’Assomption de la cathédrale Saint-André et du retable de Saint-Michel de Bordeaux. Cette absence de la mandorle entraîne un deuxième trait lui aussi fortement atypique. Au lieu de soulever la mandorle, comme ils le font habituellement, les anges qui assistent à la scène sont alignés le long des bords latéraux du panneau. Émergeant de nuées fortement stylisées, ils joignent leurs mains en prière sans intervenir directement dans la scène. La Vierge est transportée aux cieux par un neuvième ange, dont on ne voit que le sommet du crâne, les ailes et les bras, et qui a saisi ses pieds chaussés. En bas à gauche, saint Thomas reçoit entre ses mains jointes la ceinture que Marie a détachée de sa robe afin de lui prouver la réalité de l’événement miraculeux. Contrairement à la tradition iconographique, l’apôtre n’est pas représenté nu-pieds, mais il porte des chaussures pointues.
En l’absence de panneaux anglais présentant une iconographie similaire – la standardisation des compositions étant pourtant l’un des traits marquants des albâtres –, on pourrait presque se demander si l’Assomption bordelaise appartient vraiment à la production artistique d’outre-Manche. Certains traits, tels que le traitement sommaire des yeux formant des protubérances globuleuses, ou encore le motif de l’ange soulevant la Vierge, sont toutefois si spécifiques aux albâtres des Midlands qu’il n’est guère possible d’en douter2.
Le panneau est non seulement atypique du point de vue iconographique, mais aussi, comme nous allons le voir, en ce qui concerne sa polychromie. Dès à présent, par voie de conséquence, il convient de noter que ce caractère atypique entrave la possibilité de restituer les parties manquantes en s’appuyant sur des comparaisons et oblige à observer et à analyser d’autant plus finement les restes de polychromie conservés. Lorsque les manques sont très importants, l’interprétation et la restitution des couleurs s’en trouvent nécessairement fragilisées. Les observations qui suivront auront donc un caractère plus laborieux et les résultats obtenus ne pourront pas prétendre à une fiabilité aussi grande que dans le cas des autres panneaux d’origine anglaise.
Les restes de polychromie conservés
L’Assomption présente dans la partie basse du panneau des fonds montrant encore quelques traces de peinture verte et de fleurettes blanches et rouges (fig. 16), quoique fortement altérées. Dans la mesure où cette zone n’a pas reçu d’autres couleurs ou motifs, on peut raisonnablement supposer qu’elle fut peinte en vert monochrome et animée de l’habituel semis de fleurettes. Plusieurs de ces fleurettes sont conservées sous le coude de l’ange inférieur droit, ce qui permet de restituer la densité du semis, c’est-à-dire l’espacement entre deux fleurettes voisines. En l’absence de traces colorées explicites, de toute rupture de plan ou d’incision, les limites inférieures et supérieures de ce “pré fleuri” sont toutefois difficiles à déterminer. Ainsi, il n’est pas certain que la zone verte se prolongeait en retour d’équerre sur la saillie du socle, à gauche et à droite de l’ange soulevant la Vierge.
Les fonds de la partie supérieure du panneau étaient, quant à eux, dorés. Seul le registre supérieur montre les lacunes circulaires caractéristiques que provoque le décollage accidentel des pastilles de gypse (fig. 43). Les fonds et les pastilles ont été recouverts d’une couche de minium, puis d’une épaisse couche d’aspect marron qui contient une forte proportion d’ocre rouge ; elle sert de sous-couche à la dorure. Dans ce même registre supérieur apparaît une très petite zone rouge vif (cinabre ; fig. 43). Il s’agit sans doute d’un reste du nimbe de la Vierge, comme l’indique l’inclinaison et la distance de ce trait par rapport à la tête de celle-ci, ainsi que le fait que ce vestige soit bordé, vers l’extérieur, par la dorure (du côté gauche, vers la tête, les éventuelles traces de peinture ont disparu). Comme c’est le cas de la plupart des nimbes de la Vierge figurant sur les panneaux anglais, celui de l’Assomption bordelaise était donc de couleur rouge et de grande dimension (fig. 26).
Étant donné que les nimbes des albâtres anglais ne sont pas monochromes, mais systématiquement pourvus d’ornements, tels que de lobes ou des rayons peints en blanc, ces éléments ont été ajoutés à la restitution – sans que des traces matérielles en soient conservées3.
Les registres médians du panneau étaient eux aussi dorés. L’absence d’arrachements circulaires conduit à penser qu’ils ne comportaient pas de pastilles dorées. Ils présentent en revanche de curieuses aires triangulaires creusées dans le fond. Ces surfaces ne sont pas dorées, mais peintes en rouge (deuxième registre d’anges, en comptant depuis le bas) et vert (premier et troisième registres) respectivement (fig. 44 et 47). Il s’agit peut-être de “flammes” ou de rayons lumineux censés souligner le caractère miraculeux de l’événement représenté4.
Les bandes de nuées stylisées qui subdivisent le fond doré en plusieurs registres conservent quelques restes d’or ainsi que des quantités importantes de l’épaisse sous-couche de mixtion composée d’ocre rouge et d’huile qui sert d’assise et de couche adhésive à la dorure. Ces nuées dorées sont ornées de petites touches rouges que le peintre a disposées – uniquement ? – dans les creux sphériques et les lignes incisées qui les animent.
Les personnages figurant sur le panneau montrent, eux aussi, une coloration peu usuelle. Ainsi, les huit anges dont les bustes émergent des nuées stylisées dorées ont-ils des visages dotés de restes évidents d’une carnation rose et de pommettes rouges. Les traits du visage peints (yeux, sourcils, narines, lèvres) ne sont pas conservés, mais ils ont dû exister initialement. C’est ce que suggèrent la présence de rouge sur les lèvres de la Vierge et de saint Thomas, ainsi que la forme simplement ébauchée des yeux, qui réclame un complément en peinture. Les cheveux des anges sont dorés, la feuille d’or étant posée sur l’épaisse sous-couche habituelle. Les aubes que revêtent les anges sont peintes en vert (résinate de cuivre) sur sous-couche à l’ocre jaune (ou au blanc de plomb mélangé avec de l’huile ayant jauni ?) pour ce qui est des registres 2 et 4, et laissées en blanc pour ceux des registres 1 et 3.
Comme celle des vêtements, la coloration des ailes des anges alterne d’un registre à l’autre. Les ailes des paires des 1er et 3e registres montrent une polychromie rouge vif (cinabre) rehaussée de larmes blanches à points noirs. La mise en couleur des ailes n’est toutefois pas entièrement conforme aux partis pris habituels des peintres anglais. Les larmes blanches à point noir, disposées en registres, alternent en effet avec des larmes noires plus petites et elles aussi disposées en registres (fig. 45)5. Les ailes des anges des registres 2 et 4 sont quant à elles peintes à l’ocre rouge6. Cette couche d’ocre rouge semble avoir été recouverte d’une couche d’huile (?), qui a pris aujourd’hui un aspect marron.
Saint Thomas arbore un visage conservant de petites traces de carnation rose, de même qu’une bouche peinte en rouge. Ses cheveux, recouverts de la sous-couche d’ocre rouge, révèlent d’infimes traces de dorure. Sa tunique est peinte en rouge cinabre sur l’avers. En bas de la tunique, une incision parallèle à la bordure indique que cette pièce de vêtement était initialement ornée d’un liséré doré7. Le revers du manteau a été peint, lui aussi, en rouge vif (cinabre). Ses chaussures montrent d’infimes traces de couleur noire8.
Élément principal du panneau et beaucoup plus grand que les autres personnages, la Vierge est dotée d’une carnation rose dont les restes s’aperçoivent tant sur le visage que sur les mains ; les pommettes sont rehaussées d’un ton rouge assez vif (fig. 46). La dorure de sa chevelure s’est bien conservée près du cou et sur son épaule gauche. La couronne contient, elle aussi, des restes de dorure ainsi que d’importantes zones peintes à l’ocre rouge qui lui servaient de sous-couche9. La robe de la Vierge adopte une coloration rouge cinabre, encore bien visible près des pieds ; elle est ornée d’un large liséré doré. Des incisions conservées sur le manteau, parallèles aux ourlets, montrent que les lisérés ornaient aussi bien l’avers que le revers du manteau.
Le manteau est blanc (albâtre) sur l’avers et peint à l’ocre jaune sur le revers. La ceinture de la Vierge est dotée d’une boucle à la dorure bien visible. Le cordon, quant à lui, ne présente plus que des traces relativement importantes de l’épaisse sous-couche à l’ocre rouge ; il était donc très certainement doré. De petites traces de rouge intense apparaissent sur les chaussures de la Vierge.
Contrairement à ses huit congénères figurant sur les bords latéraux du panneau, l’ange qui soulève la Vierge dans les cieux semble avoir été très largement doré. Des traces manifestes de cette dorure subsistent sur le haut de la tête, c’est-à-dire sur sa chevelure, ainsi que sur les deux ailes. Il est plus difficile de se prononcer sur la coloration initiale de la robe et des mains : alors que le bras droit est entièrement perdu, le bras gauche est dépourvu de traces de couleur.
Le socle du panneau montre un agencement plus complexe que la plupart des autres panneaux anglais. Il se compose en effet de trois registres superposés, dont deux au moins étaient initialement ornés. Le registre supérieur montre un décor qui rappelle les bandes de nuées rythmant les fonds d’or de l’Assomption. Contrairement à ces nuées, toutefois, ce registre du socle n’est pas doré, mais semble avoir été peint en vert sur sous-couche d’ocre jaune (?). Comme c’est le cas dans les parties supérieures, les incisions et empreintes rondes du socle étaient apparemment soulignées de peinture rouge vif, comme le suggèrent les quelques traces de cette couleur conservées dans ces zones (fig. 47).
Le registre médian du socle est orné de dents de scie. Les dents de la rangée supérieure sont dorées. La dorure a probablement aussi recouvert la rangée inférieure, à moins que les fragments d’or dans cette zone soient imputables à un manque de précision du peintre. La rangée inférieure conserve aussi des traces de couleur verte, chaque dent étant en outre ornée d’une fleurette composée de cinq points blancs et d’un point central rouge. Le décor s’est, semble-t-il, prolongé vers la gauche jusqu’entre les pieds de Thomas, cette zone étant en effet pourvue de fleurettes lacunaires. À en juger d’après les quelques restes de l’épaisse sous-couche marron conservée, le registre inférieur du socle était doré.
Un schéma décoratif ancien ?
La polychromie de l’Assomption du Musée d’Aquitaine montre donc à la fois de fortes affinités avec les pratiques habituellement mises en œuvre par les peintres anglais, mais aussi un nombre non négligeable de traits spécifiques sans équivalent ou presque au sein de la vaste production des albâtres. Parmi les principes picturaux usuels que le peintre du panneau bordelais appliquait lui aussi, on peut évoquer la haute saturation des couleurs ainsi que la limitation de leur gamme, celle-ci étant encore plus prononcée que sur d’autres panneaux. Outre le blanc de l’albâtre et l’or des dorures, le peintre a eu avant tout recours au rouge cinabre, au résinate de cuivre vert et à l’ocre jaune ; des surfaces réduites d’ocre rouge ainsi que de petites touches de blanc et de noir s’y ajoutent. À l’instar de ce qui se pratiquait sur les autres panneaux anglais, chaque surface était généralement couverte d’une seule couleur de fond (à laquelle pouvaient se superposer des motifs d’une autre couleur). Les surfaces qui se jouxtent présentent des valeurs chromatiques très différentes ; typiquement, une couleur “foncée” jouxte ou se superpose à une couleur “claire”. Comme à l’accoutumé, les principaux traits du visage ont été rehaussés de peinture. Les fonds de la partie haute sont dorés, ceux de la partie basse peints en vert et semés de fleurettes.
Parmi les traits inhabituels, signalons d’abord les carnations roses des personnages, et non blanches, alors qu’il s’agit de caractères positifs. Le fait de peindre les avers des vêtements est tout aussi inusité. Si la Vierge et Thomas portent des robes rouges, quatre des huit anges sont habillés d’aubes vertes. Les vêtements des anges ne sont pas dotés de lisérés d’or, pas même le long de l’encolure. Les lisérés des tuniques de la Vierge et de Thomas, quant à eux, sont inhabituellement larges. La robe rouge de Thomas est recouverte par un manteau à la doublure pareillement rouge ; cette superposition directe de deux épaisseurs d’une même couleur génère un risque d’amalgame visuel entre les deux tissus que les peintres d’autres panneaux évitaient soigneusement. Le revers du manteau de la Vierge est peint à l’ocre jaune, un pigment qui ne semble pas avoir été sélectionné ailleurs pour colorer des vêtements. Par ailleurs, le peintre de l’Assomption s’est apparemment trompé en appliquant cette couleur, car il a peint contrairement à l’habitude un pan d’étoffe faisant partie de l’avers du manteau, alors qu’il laisse blancs deux autres pans appartenant à la doublure ; cette probable erreur, visible près de la jambe droite de la Vierge, a été reproduite sur la restitution du panneau (fig. 47). Parfois, le peintre a disposé des couleurs, en particulier du rouge et du vert, sur un fond doré à la feuille ; ce procédé, s’il existe certes aussi sur les panneaux conservés à Libourne, n’a que rarement été mis en œuvre sur d’autres panneaux anglais. Enfin, la dorure du panneau bordelais a été appliquée sur une sous-couche contenant de l’ocre rouge particulièrement épaisse, que nous n’avons pas rencontrée ailleurs.
En l’état actuel de nos connaissances, le caractère atypique de l’Assomption bordelaise s’explique probablement par la date sans doute précoce de l’œuvre. Jacques Gardelles a proposé pour ce panneau une datation vers 1340-1380, en se fondant toutefois sur des critères qui sont discutables10. En tout état de cause, le relief relativement faible qui caractérise le panneau bordelais n’est pas sans rappeler le traitement plastique d’autres albâtres anglais précoces. À l’instar du sculpteur de l’Assomption bordelaise, par exemple, l’auteur des panneaux de Kettlebaston ou celui du retable de la Passion de la fin du XIVe s. (V&A Museum de Londres) renoncent en effet à dégager du fond les membres des personnages ou les objets qu’ils manipulent. Leurs collègues travaillant au XVe s., au contraire, ont fréquemment recours à de tels dégagements complets. Quant au faciès de la polychromie, plusieurs indices semblent plaider, eux aussi, en faveur de cette datation haute. Ainsi, l’accord chromatique des quatre couleurs rouge, or, vert et blanc se retrouve fréquemment sur les panneaux d’albâtre généralement considérés comme les plus anciens – dont toutefois la polychromie est souvent mal préservée. Évoquons néanmoins les reliefs provenant de Kettlebaston, conservés au British Museum11, ainsi que plusieurs Annonciations et L’Annonciation avec la Trinité (vers 1400), tous conservés au Victoria and Albert Museum de Londres12 ; le retable de Munkaꝥverá, de peu postérieur, témoigne de la prédilection pour ces mêmes couleurs (fig. 48)13. D’ailleurs, les œuvres littéraires les plus précoces en langue vulgaire, tels que les Lais de Marie de France (fin du XIIe s.), font appel à cette même gamme restreinte de couleurs14. La prédilection pour les tons blanc, or, rouge et vert s’accompagne de l’absence des couleurs bleue, pourpre et grise, qui pourtant figurent assez communément sur les panneaux des XVe et XVIe s.
Les carnations roses, quant à elles, doivent peut-être être interprétées comme reflétant un idéal de beauté plus ancien, et qui évolua par la suite seulement vers une prédilection pour la peau parfaitement blanche15. Cette mutation peut effectivement être observée sur certains ivoires français des XIIIe et XIVe s. Le Couronnement de la Vierge du Louvre (3e quart du XIIIe s.), par exemple, met en scène le Christ, la Vierge et des anges à la carnation rose, alors que les personnages des ivoires généralement attribués à des ateliers parisiens du XIVe s. présentent une peau immaculée couleur ivoire16. Si cette évolution peut être transposée au domaine des albâtres anglais, il faudrait considérer le panneau bordelais comme un témoin rare du mode de représentation plus ancien.
Enfin, certains panneaux précoces, comme ceux provenant de Kettlebaston, présentent comme l’Assomption bordelaise des avers de vêtements peints17. Il en va ainsi du manteau de la Vierge, doré et moucheté de petits motifs noirs sur les trois panneaux18. Ces quelques considérations, qu’il conviendrait d’étayer par des études plus approfondies, conduisent à suggérer que la mise en couleur standardisée des albâtres n’était pas acquise dès les débuts de la production au XIVe s., mais qu’elle s’est progressivement imposée, peut-être à la fin de ce siècle.
Notes •••
- Inv. 11775. La provenance de ce panneau, entré par legs en 1887 dans les collections du musée, est inconnue. La plaque, actuellement dans les réserves du musée, est brisée en sept morceaux ; elle a été réassemblée et collé sur un support pierre probablement dans les années 1960.
- Pour des anges similaires soulevant la Vierge, voir par exemple les Assomptions Cl 19 333 et Cl 19 341 du Musée de Cluny de Paris, ainsi que celle faisant partie du retable de La Selle (Évreux, musée d’art, histoire et archéologie).
- Le dessin en blanc est inspiré du nimbe rouge de la Vierge figurant sur le panneau de l’Adoration des Mages à Lormont (Gironde) et de celui du petit retable individuel superposant l’Annonciation et un Trône de Grâce, conservé au V&A Museum de Londres. Ce dernier, en particulier, compte parmi les exemples bien conservés les plus précoces, et pourrait ainsi être proche du panneau archaïque du Musée d’Aquitaine.
- Compte tenu de la présence de ces restes de polychromie, mais aussi de l’élaboration soignée de ces champs triangulaires, il ne saurait s’agir de traces d’arrachement d’une mandorle, comme l’avait proposé Gardelles 1976, 201.
- Ce parti pris, à notre connaissance très rare, se retrouve sur l’un des panneaux du retable dédié à sainte Catherine conservé à Vejrum (Danemark), en l’occurrence celui représentant la mort de la sainte.
- Quelques lignes blanchâtres de forme irrégulière, difficiles à interpréter, figurent sur certaines de ces ailes.
- Les incisions parallèles aux bordures des vêtements, manifestement destinées à déterminer la largeur des lisérés dorés, s’observent assez fréquemment au sein de la production sculptée anglaise. Parmi le corpus néo-aquitain, les panneaux d’Avensan, de Génissac, de Saint-Michel de Bordeaux ou encore l’Assomption de la cathédrale bordelaise en sont pourvus.
- Il s’agit d’une couleur sombre qu’il ne nous a pas été possible d’identifier. À notre connaissance, toutefois, tous les personnages des albâtres anglais présentent des chaussures soit rouges (cinabre), soit noires (noir de carbone).
- Le haut de la tête, perceptible à travers l’ouverture circulaire de la couronne, est peint en orange minium ; cet orange a pu servir, comme l’ocre rouge, de préparation à la dorure. Par ailleurs, la sous-couche rouge-marron de la couronne recouvre également ses fleurons, qui prennent la forme de triplets de grosses perles. Sur d’autres panneaux anglais, en revanche, ces triplets semblent souvent revêtir la couleur blanche de l’albâtre. Il en va ainsi de la Nativité et de l’Adoration des mages du retable de Saint-Michel de Bordeaux, de l’Annonciation du retable de Saint-Nicolas-du-Bosc, d’une Annonciation de la Burrell Collection à Glasgow ou encore de l’Adoration des Mages du musée de la cathédrale d’Ávila.
- Gardelles 1976, 201.
- La polychromie médiévale de ces albâtres a récemment été analysée et restituée par Pereira-Pardo et al. 2018. Voir aussi De Beer 2018, 115-116.
- Annonciation avec la Trinité dans un écrin en bois, inv. A.193-1946.
- Musée national de Copenhague ; la présence de dais crénelés au-dessus des panneaux narratifs ont conduit les chercheurs à situer ce retable dans la période comprise entre 1380 et 1420.
- Voir Paupert-Bouchez 1988, § 2 : “En-dehors du vert qui n’apparaît que dans Guignemar et du “bis” d’un perron, d’un mur ou d’une tour, l’or, le blanc et le rouge, avec deux variétés différentes, la pourpre et le vermeil, sont les seules couleurs mentionnées par Marie de France. […] Ce choix de couleurs n’a rien d’unique […]. Il rencontre de multiples échos dans d’autres textes contemporains…”.
- Selon Pastré 1988, § 6, par exemple, “cette éclatante blancheur du teint […] est une caractéristique essentielle de la beauté et du plaisir visuel au moyen âge”. Cette évolution de l’idéal de beauté varie d’un pays à l’autre. Alors que les auteurs français privilégient la blancheur pure des carnations, la couleur rouge des joues se superposant au teint blanc caractérise régulièrement les portraits des belles dames chez les auteurs allemands (ibid.).
- Couronnement de la Vierge : Paris, Musée du Louvre, inv. OA 58-3921 et 3922.
- La Flagellation du Musée d’Aquitaine à Bordeaux présente, elle aussi, des avers de vêtements peints : alors que le bourreau en bas à droite est vêtu de chausses rouges et d’un pourpoint bleu-vert, son compagnon en haut à droite porte une houppelande rouge retenue par une ceinture dorée.
- Pereira-Pardo et al. 2018, 10-11, fig. 2 et fig. 6c.