Présentation du cadre typologique
Pour mieux appréhender la complexité de notre objet d’étude, nous avons d’abord procédé à un cadrage typologique afin de saisir la diversité des motivations sous-jacentes qui animent les agresseurs en ligne. À partir de notre revue de la littérature scientifique, de nos analyses de contenus, des questionnaires et des entretiens semi-directifs, se sont distingués cinq schémas récurrents qui guident régulièrement les comportements cyberviolents :
- motivation du pouvoir : cette catégorie est caractéristique de l’exercice de la contrainte. Les cyberagresseurs cherchent généralement à instaurer une relation asymétrique, à imposer un rapport de force à leurs victimes. Leurs pratiques de cyberharcèlement deviennent alors l’opportunité d’asseoir un contrôle et de renforcer leur propre position de force en ligne. Leurs objectifs peuvent aussi bien être l’intimidation, que l’humiliation, la manipulation, la domination, etc. ;
- motivation de l’argent : cette catégorie est principalement motivée par le gain financier. Les cyberagresseurs peuvent se livrer à des pratiques de cyberharcèlement à des fins de fraude, d’escroquerie, d’extorsion ou encore de chantage pour obtenir un avantage pécuniaire aux dépens de leurs victimes ;
- motivation du sexe : cette catégorie concerne les pratiques de cyberharcèlement motivées par des objectifs clairement liés à la sexualité ou à l’exploitation sexuelle de leurs victimes. La vengeance, le ressentiment, la rivalité, la jalousie, etc., font partie des mobiles fréquemment invoqués par les cyberagresseurs ;
- motivation de l’idéologie : cette catégorie s’attache aux pratiques de cyberharcèlement fondées sur des croyances ou des doctrines qui génèrent peur, division et hostilité, en promouvant notamment des idées extrémistes, en propageant des messages haineux, en s’attaquant aux individus en raison de leurs opinions, de leur religion, de leur orientation politique, etc. ;
- motivation de circonstance : certains cas peuvent être simplement le résultat d’un délit d’opportunité, où l’agresseur profite d’une circonstance favorable qui se présente sans avoir planifié ou prémédité ses actes de malveillance en ligne. L’ennui, la provocation ou le désir de se conformer à un groupe entre autres peuvent conduire de manière irréfléchie à des actions nuisibles et préjudiciables pour les victimes, reflétant ainsi la nature imprévisible et impulsive des pratiques de cyberharcèlement.
Il est important de souligner que ce cadrage typologique portant sur les pratiques de cyberharcèlement que nous avons recensées est avant tout une approche de classification, destinée à mieux comprendre les différentes motivations sous-jacentes qui guident les comportements des agresseurs en ligne. S’il met en exergue cinq motivations principales, il est crucial de reconnaître que certains cas peuvent être complexes et multifactoriels, relevant potentiellement de plusieurs catégories simultanément. En effet, les agresseurs en ligne peuvent être motivés par des facteurs interconnectés, où les motivations du pouvoir, de l’argent, du sexe, de l’idéologie et des circonstances se chevauchent voire se combinent. Par exemple, des pratiques de chantage en ligne peuvent conjuguer des dimensions liées à la motivation financière et sexuelle dans le même temps. Aussi, est-il essentiel de garder à l’esprit que cette typologie n’est pas figée, mais qu’elle doit plutôt être utilisée comme un outil méthodologique en constante évolution, destiné à éclairer des situations singulières et sensibles qui requièrent toujours de la nuance.