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Éditoriaux

Éditoriaux

par

Éditorial de Jérôme Barlatier1

Alliant l’université de Bordeaux-Montaigne à la Gendarmerie nationale, le projet de lutte contre le cyberharcèlement CyberNeTic a été l’occasion, à bien des égards, de vivre une aventure.

Celle de la compréhension d’abord, par la compilation des savoirs existants sur un thème et la création de savoirs nouveaux. Le cyberharcèlement est un phénomène d’actualité, préoccupant et singulier. En dépit de l’apparent anonymat du cyberespace, ce projet révèle que la délinquance recourant au vecteur numérique peut être aussi le fait de proches. Il existe donc aussi une cybercriminalité de proximité justifiant pour les forces de sécurité intérieure la mise en place de dispositifs de proximité numérique.

Celle d’un projet ensuite, car initier la recherche en criminologie en France est un défi, d’autant quand il faut rapprocher une institution, détentrice des données opérationnelles, et un laboratoire de recherche, possédant les moyens de la comprendre. Surmonter les réticences culturelles, protocoliser la relation, rechercher des financements et des partenariats ont été des enjeux forts, signes d’une petite révolution culturelle.

Celle d’une rencontre humaine enfin, car cette collaboration avec Marlène Dulaurans et Jean-Christophe Fedherbe a été l’occasion d’unir des personnalités différentes en créant un attelage original où le cyberharcèlement n’a pas seulement été étudié, mais aussi personnellement expérimenté, puis compensé au prix de cannelés. Les pains au chocolat se sont ainsi réconciliés avec les chocolatines…

Cette belle aventure débouche désormais sur la promesse d’une meilleure compréhension du phénomène de cyberharcèlement par la modélisation de 50 modes opératoires. Le public et les professionnels sont désormais en mesure de mieux détecter et de caractériser les comportements illicites, afin de distinguer le normal de l’anormal. 

La compréhension étant un préalable à l’action en renseignement criminel, chercheur et praticien sont désormais en mesure de vous proposer des solutions à ce phénomène de société qui est source de préjudice personnel important, notamment chez les plus jeunes. Nous espérons ainsi faire œuvre utile en vous proposant le présent ouvrage.

Éditorial de Jean-Christophe Fedherbe2

À bien des égards, CyberNeTic a été une formidable aventure pour moi, « gendarme de terrain », certes, technicien spécialement formé aux nouvelles technologies (NTECH), mais peu familier des travaux théoriques, des conférences académiques qu’elles soient nationales ou internationales, des débats d’idées scientifiques. Ces cinq années ont été d’une richesse incroyable. CyberNeTic aurait pu s’appeler de bien des manières, à grands coups « d’opérations cannelées » tant il aura fallu convaincre, éditer et parapher des conventions, des avenants et des chartes de confidentialité, mais également trouver des financements auprès de partenaires peu habitués à travailler avec la gendarmerie et une université. Une synergie incroyable qui a permis d’identifier, rassembler, analyser et comprendre le phénomène du cyberharcèlement sous toutes ses formes.

Au terme de cette expérience innovante, nous sommes parvenus à tisser des alliances de poids, toutes vouées à la cause de la recherche scientifique, mais aussi, et surtout, à la cause des seules victimes. Toutefois, si ce livre vous permet de mieux appréhender les diverses formes de violences en ligne, il ne pourra malheureusement pas vous illustrer l’ensemble des préjudices principalement psychosomatiques des personnes ébranlées par ce fléau. Nous avons souhaité cet ouvrage pour la recherche, mais surtout pour les victimes à qui je rends hommage ici ; à toutes celles qui ont contribué à étayer notre expérience puis notre analyse.

Je témoigne également mon respect à mes collègues NTECH ou ICC et enquêteurs qui œuvrent inlassablement au quotidien pour identifier, collecter d’infimes traces numériques, fugaces, volatiles, immatérielles avec la seule volonté d’interpréter des preuves qui vont persuader l’esprit d’une vérité au procès pénal et éviter ainsi l’écueil de cette situation de « parole contre parole » dont la victime ne se relève jamais. Ce livre témoigne de la convergence possible entre la criminalistique et la criminologie. Leur imbrication favorise une approche holistique de la justice pénale, où les preuves matérielles se combinent avec les connaissances comportementales pour une prise de décision judicieuse et éclairée. Cette synergie renforce la capacité à lutter contre la cybercriminalité sous toutes ses formes, tout en contribuant à une société plus sûre et équitable.

J’émets sincèrement le souhait que ce projet fasse des émules, car CyberNeTic confirme la théorie selon laquelle les analyses issues de raisonnements inductifs et déductifs constituent les meilleures approches face à une problématique qui plus est sociétale. Défini comme un projet scientifique dit de « recherche-action », il est la synthèse parfaite de l’approche terrain (inductive – renseignement du bas vers le haut) à celui des services opérationnels centraux qui cherchent à valider une hypothèse ou parfaire ses connaissances sur un point particulier (déductive – renseignement du haut vers le bas). L’analyse et la recherche doivent fonctionner en parfaite symbiose et être organisées un peu à la manière d’une amélioration continue du renseignement. Ces nombreuses itérations favorisent l’analyse et la critique des données collectées. L’analyse et la recherche se nourrissent réciproquement, mais se critiquent également mutuellement par rectifications ou ajustements.

C’est pour toutes ces raisons que cinq années ont été nécessaires pour vous permettre d’avoir entre les mains ce recueil étiologique des pratiques majoritairement délictuelles de violences en ligne.

Je ne peux finir ce texte sans exprimer ma plus profonde gratitude envers mes deux guides, mes deux mentors. Votre expertise, votre soutien constant et vos conseils éclairés ont été essentiels pour faire de moi cet humble « chercheur ». Merci infiniment d’avoir partagé vos connaissances et votre temps avec moi. Cette expérience a été incroyablement enrichissante grâce à votre présence à mes côtés.

Le rendez-vous est pris pour CyberNeTic II.

Notes

  1. Chef de la division du renseignement,
    Service central de renseignement criminel de la Gendarmerie nationale
  2. Enquêteur spécialisé en nouvelles technologies,
    Cellule d’identification criminelle et numérique de Bordeaux
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Chapitre de livre
Pessac
EAN html : 9791030008425
ISBN html : 979-10-300-0842-5
ISBN pdf : 979-10-300-0843-2
Volume : 1
ISSN : en cours
4 p.
licence CC by SA

Comment citer

Dulaurans, Marlène, « Éditoriaux », in : Dulaurans, Marlène, Violences en ligne : décrypter les mécanismes du cyberharcèlement, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection V@demecum 1, 2024, 9-12 [en ligne] https://una-editions.fr/violences-en-ligne-editoriaux/ [consulté le 15/07/2024].
10.46608/vademecum1.9791030008425.2
couverture de l'ouvrage Violences en ligne de la collection V@demecum
Illustration de couverture • Design Roman Vinçon et Nicolas Ruault
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