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Le corps et le mythe comme vêtements de l’âme dans le Gorgias de Platon

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À la fin du Gorgias, Platon a proposé l’un des mythes eschatologiques qu’il s’est plu à imaginer1, en faisant un usage très libre de divers matériaux traditionnels. Socrate raconte la réforme que Zeus, succédant à son père Cronos, aurait mise en œuvre afin que les âmes des morts soient jugées convenablement et parviennent à la destination dans laquelle elles méritent de séjourner. La nouveauté consiste dans le fait que les hommes devront être jugés après leur mort, et qu’ainsi leurs âmes se présenteront seules, sans les corps auxquels elles étaient associées. Socrate décrit cela au moyen d’une image : les âmes paraîtront alors “nues” comme si le corps n’avait été pour elles qu’un vêtement. Nous voudrions, dans la présente étude, explorer les paradoxes que l’introduction de cette métaphore importe dans le récit de Socrate ; nous voudrions en outre suggérer que ces paradoxes affectent aussi le rapport du mythe final du Gorgias au propos du dialogue qui l’a précédé – comme si le mythe devenait lui aussi le vêtement de l’argument et se trouvait pris dans les subtiles complications qu’introduit cette métaphore.

Nous suivrons ainsi deux séquences dans le développement de l’histoire racontée par Socrate. Dans un premier temps (523a-d), Socrate accumule et transforme différents éléments de la matière poétique pour créer la scène intrigante d’un jugement dernier qui, sous le règne de Cronos, dysfonctionne tout à fait, parce qu’il est rendu par des juges encore vivants jugeant des hommes encore vivants. L’exposition de la cause des erreurs judiciaires suppose la construction d’une métaphore complexe pour décrire comme “vêtement” non seulement le corps, mais une réalité sociale plus vaste à travers laquelle les individus tissent leur identité et trichent aussi sur ce qu’ils sont. Ainsi l’image désigne par elle-même la solution au problème : faire tomber le vêtement, se mettre à nu, c’est renoncer à tous les artifices qui dissimulent une âme injuste et permettre qu’elle soit punie. L’histoire illustre ainsi les thèses défendues par Socrate durant la discussion, notamment celle selon laquelle il vaut mieux subir l’injustice que la commettre. Le mythe est pour ainsi dire un vêtement illustratif : il suffirait de “démythologiser” cette histoire pour retrouver le message “conséquentialiste” du dialogue selon laquelle l’injustice véhicule son propre châtiment2.

Dans un deuxième temps (523d-525a), le récit met en scène cette purification. Cependant, au moment même où Socrate en vient à offrir à ses auditeurs la vision purifiée d’une âme libérée du corps, c’est l’image d’un corps nu, libéré de ses vêtements, qui s’impose naturellement pour la décrire. Ainsi le corps, d’abord relégué au rang de vêtement masquant la vérité de l’âme, devient le miroir dans lequel nous pouvons observer celle-ci telle qu’en elle-même. Le vêtement, d’obstacle, est devenu une nouvelle surface d’expression de ce qu’il cachait d’abord. Ce faisant le mythe, s’émancipant en laissant libre cours au pouvoir de ses images, se fait soudainement l’expression directe du cœur philosophique du Gorgias, à savoir de la définition de la vertu comme ordre de l’âme (503e-504e) qui donne son fondement à l’ensemble du dialogue.

Avant la réforme de la justice : le double obstacle vestimentaire (523a1-d5)

À la fin du Gorgias, Platon met en scène Socrate racontant une histoire à Calliclès, pour illustrer l’idée que ce n’est pas la mort que l’on doit craindre, mais le fait de s’y présenter avec une âme injuste.

ΣΩ. Ἄκουε δή, φασί, μάλα καλοῦ λόγου, ὃν σὺ μὲν ἡγήσῃ μῦθον, ὡς ἐγὼ οἶμαι, ἐγὼ δὲ λόγον· ὡς ἀληθῆ γὰρ ὄντα σοι λέξω ἃ μέλλω λέγειν. ὥσπερ γὰρ Ὅμηρος λέγει, διενείμαντο τὴν ἀρχὴν ὁ Ζεὺς καὶ ὁ Ποσειδῶν καὶ ὁ Πλούτων, ἐπειδὴ παρὰ τοῦ πατρὸς παρέλαβον.3.

Socrate. “Écoute donc, comme on dit, une belle histoire. Toi, tu estimeras, j’en suis convaincu, que c’est une fable, mais selon moi c’est une histoire, et c’est dans la pensée que ce sont des vérités que je te dirai ce que je vais te dire. Au témoignage d’Homère, tu le sais, quand Zeus, Poséidon et Pluton eurent de leur père reçu en héritage le pouvoir, ils se le partagèrent4.”

La déclaration selon laquelle le λόγος qui va suivre ne doit pas être pris pour un μῦθος ne veut pas dire qu’il ne s’agira pas d’un récit5 ; la traduction de λόγος par “histoire”, proposée par Léon Robin, écarte efficacement ce doute. Il s’agit plutôt d’opposer le discours invérifiable du mythe, que Socrate assimilera plus loin aux histoires que raconte “une vieille femme”6, au discours susceptible d’être vérifié7. La revendication paradoxale de la vérité du mythe s’explique dès lors par une nouvelle perspective sur ce que l’on entend par vrai – non pas l’adéquation à un référent réel, mais l’illustration d’une vérité supérieure, par exemple un principe que la discussion philosophique précédente aura établi8. L’histoire est vraie parce qu’elle est philosophiquement juste : elle met en scène, comme nous le verrons, les prémisses pour lesquelles Socrate s’est battu lors de l’entretien, notamment celle selon laquelle il vaut mieux subir l’injustice que la commettre. Ainsi, les attitudes respectives de Socrate et de Calliclès à l’égard de l’histoire qui va suivre – la considérer comme vraie ou comme une fable – reflètent le parti qu’ils ont chacun pris de croire ou de ne pas croire que l’injustice que nous commettons est le pire des maux que nous puissions nous faire subir, et que la vertu nous est toujours bénéfique.

Cette justesse philosophique, qui sauve le mythe, autorise l’infidélité à la lettre de la tradition et la liberté de la recréer. Aussi faut-il admettre une certaine ironie dans la manière dont Socrate invoque Homère au service de la vérité, car celui-ci n’est utilisé que pour mieux être corrigé. Ainsi le partage du chant XV de l’Iliade (187-193), auquel il est fait allusion, est-il subtilement réécrit. La première modification, légère, est celle du nom d’Hadès9 remplacé par celui de Pluton, fréquent dans le théâtre du Ve siècle a.C.10.

Surtout, Platon livre une vision irénique d’un épisode violent : n’évoquant que le fait que les frères ont reçu de leur père le monde en héritage, Platon omet de mentionner la théomachie qui a précédé ce partage et qui a amené Zeus à laisser son père “enseveli au-dessous de la terre et de la mer immense”11 à l’issue de sa victoire12. Comme l’a bien noté E. R. Dodds, Platon fait bien préciser à Socrate, dans la République, que l’histoire des traitements subis par Cronos de la part de son fils Zeus, même si elle était vraie, devrait être tue ou réservée à un auditoire initié13 : une telle histoire suggère en effet que l’injustice de s’en prendre à son propre père pourrait rester impunie et même être récompensée. Socrate insiste encore sur la continuité entre le règne de Cronos et celui de Zeus en affirmant que la loi de Cronos règne toujours après ce partage, et qu’elle règne encore aujourd’hui.

ἦν οὖν νόμος ὅδε περὶ ἀνθρώπων ἐπὶ Κρόνου, καὶ ἀεὶ καὶ νῦν ἔτι ἔστιν ἐν θεοῖς, τῶν ἀνθρώπων τὸν μὲν δικαίως τὸν βίον διελθόντα καὶ ὁσίως, ἐπειδὰν τελευτήσῃ, εἰς μακάρων νήσους ἀπιόντα οἰκεῖν ἐν πάσῃ εὐδαιμονίᾳ ἐκτὸς κακῶν, τὸν δὲ ἀδίκως καὶ ἀθέως εἰς τὸ τῆς τίσεώς τε καὶ δίκης δεσμωτήριον, ὃ δὴ Τάρταρον καλοῦσιν, ἰέναι.14

“Or, au temps de Cronos, il y avait une loi concernant les hommes, qui était celle-ci, toujours en vigueur chez les Dieux, même à présent encore : que celui des hommes qui a passé toute sa vie dans la justice et la piété s’en aille, quand il a fini ses jours, habiter les îles des Bienheureux dans un état complet de béatitude et d’exemption de tous maux, tandis que celui qui l’a passée dans l’injustice et l’impiété s’en va à cette prison où se paient les peines encourues, et que l’on appelle le Tartare15.”

La loi ainsi énoncée témoigne de la manière dont Platon remodèle aussi la géographie associée au partage entre les Cronides, dans l’Iliade. Au lieu des cinq lieux évoqués dans la scène homérique (trois parts tirées par chacun des dieux, le ciel par Zeus, la mer par Poséidon, les ténèbres par Hadès ; deux lots attribués en commun, la Terre et l’Olympe16), nous trouvons deux régions très spécifiques, qui, dans la tradition, sont destinées à des récompenses et à des punitions extraordinaires. Le Tartare est cette extrémité du monde du dessous, dans laquelle Zeus enferme les Titans vaincus derrière le mur créé par Poséidon : évoqué dans l’Iliade comme un lieu symétrique de l’Olympe, il fait l’objet d’une description plus approfondie chez Hésiode17. C’est dans la tragédie du Ve siècle que la destination du Tartare a été étendue aux humains18 : la tragédie semble à nouveau un filtre important dans la manière dont Platon s’approprie la matière épique. L’île des Bienheureux est en revanche destinée aux hommes exceptionnels ; elle est absente des poèmes homériques, dans lesquels la “plaine Élyséenne” (Ἠλύσιον πεδίον) y remplit la fonction de lieu de destination pour les héros19 ; elle apparaît en revanche chez Hésiode20. L’île des Bienheureux, comme les “champs Élyséens”, est associée par la tradition à une localisation dans les confins du monde, en bordure de l’Océan, ainsi qu’à une vie douce et sans souci21. Socrate construit ainsi une géographie caractéristique des visions d’un “au-delà à deux faces” que l’on trouve dans les plus anciennes traditions helléniques : un au-delà horizontal situé dans un confins de la surface terrestre et un au-delà de profondeur22. Il omet pour l’instant de décrire les moyens qui permettent d’accéder à ces espaces ou de les faire communiquer. On pourrait penser à ce stade qu’il accorde encore la présence implicite d’un Hadès qui s’étendrait entre les deux comme un lieu de séjour ordinaire, s’effaçant pour l’instant derrière la polarisation entre les lieux offerts aux destins exceptionnellement fortunés ou infortunés. Nous verrons en réalité que cette destination intermédiaire va disparaître au profit d’un tri binaire selon deux directions, vers le bien et vers le mal, une caractéristique que l’on retrouve dans d’autres mythes platoniciens23.

La transition entre le temps de Cronos et celui de Zeus est, dans le récit de Socrate, aussi douce que le climat de l’île des Bienheureux, puisqu’elle consiste simplement en une réforme des conditions d’application de la loi du père. Celle-ci est bonne, elle doit même être défendue contre les modalités de sa mise en œuvre qui, dans l’état actuel, en dénature le principe.

τούτων δὲ δικασταὶ ἐπὶ Κρόνου καὶ ἔτι νεωστὶ τοῦ Διὸς τὴν ἀρχὴν ἔχοντος ζῶντες ἦσαν ζώντων, ἐκείνῃ τῇ ἡμέρᾳ δικάζοντες ᾗ μέλλοιεν τελευτᾶν· κακῶς οὖν αἱ δίκαι ἐκρίνοντο. ὅ τε οὖν Πλούτων καὶ οἱ ἐπιμεληταὶ οἱ ἐκ μακάρων νήσων ἰόντες ἔλεγον πρὸς τὸν Δία ὅτι φοιτῷέν σφιν ἄνθρωποι ἑκατέρωσε ἀνάξιοι.24

“Mais, au temps de Cronos et encore du temps que Zeus était depuis peu en possession du pouvoir, c’étaient des vivants qui étaient juges de vivants, rendant leur sentence le jour même où devaient trépasser ces derniers. Mais leurs jugements étaient de mauvais jugements. Aussi Pluton, tout comme les administrateurs des îles des Bienheureux venaient-ils rapporter à Zeus que chez eux, d’un côté aussi bien que de l’autre, ils voyaient aller et venir des hommes qui ne l’avaient pas mérité25.”

Ce sont les administrateurs des deux endroits opposés qui sonnent l’alerte : il arrive aux îles des Bienheureux comme dans le lieu sur lequel veille Hadès des gens qui ne méritent pas leur destination. Le choix du verbe φοιτάω ne doit pas nécessairement nous amener à penser que les gens vont et viennent d’une destination à l’autre : ils arrivent et ils errent à droite et à gauche, dans cette destination où ils n’ont rien à faire. Le problème n’est donc pas la loi de Cronos dans son principe, qui stipule que les justes et les injustes se voient assigner les destinations opposées que l’on a dites, mais le tri des uns des autres. Pourquoi les juges se trompent-ils, envoyant des injustes parmi les bienheureux et des justes aux Enfers ? Le premier acte de Zeus est donc de formuler le diagnostic et de proposer une réforme :

Ἀλλ’ ἐγώ,” ἔφη, παύσω τοῦτο γιγνόμενον. νῦν μὲν γὰρ κακῶς αἱ δίκαι δικάζονται. Ἀμπεχόμενοι γάρ,” ἔφη, οἱ κρινόμενοι κρίνονται· ζῶντες γὰρ κρίνονται. πολλοὶ οὖν,” ἦ δ’ ὅς, ψυχὰς πονηρὰς ἔχοντες ἠμφιεσμένοι εἰσὶ σώματά τε καλὰ καὶ γένη καὶ πλούτους, καί, ἐπειδὰν ἡ κρίσις ᾖ, ἔρχονται αὐτοῖς πολλοὶ μάρτυρες, μαρτυρήσοντες ὡς δικαίως βεβιώκασιν.26

“Eh bien ! Dit-il, je vais mettre un terme à cet état de choses. À présent en effet, les sentences des juges sont de mauvaises sentences : c’est que, ajouta-t-il, les gens que l’on juge sont jugés tout habillés, puisqu’ils sont jugés vivants. Or, dit-il, il y en a beaucoup qui, ayant une âme perverse, se la sont revêtue d’un beau corps, d’une illustre origine, de richesses, et, le jour venu du jugement, il leur arrive quantité de témoins qui témoignent que leur vie a été juste27.”

Ceux qui sont jugés paraissent devant leurs juges le jour de leur mort : ils sont donc encore vivants. C’est donc naturellement qu’ils paraissent “tout habillés (ἀμπεχόμενοι)” : le verbe ἀμπέχω (j’entoure, j’enveloppe, je vêts), évoque l’habillement comme ce au moyen de quoi l’on enveloppe son corps. Socrate ménage ses effets en faisant bientôt de cet habit quelque chose de bien plus ample qu’un vêtement. Il s’avère en effet que de nombreux hommes “ayant des âmes mauvaises (ψυχὰς πονηρὰς ἔχοντες)”, se présentent néanmoins “vêtus (ἠμφιεσμένοι)” des choses les plus diverses : de la beauté de leurs corps, de leurs lignées et de leurs richesses (σώματά τε καλὰ καὶ γένη καὶ πλούτους)”. Il y a là assurément une métaphore, puisque ce dont ils sont vêtus est ici tout sauf le vêtement : il s’agit, en deçà du vêtement, du corps lui-même, dans sa beauté – on peut imaginer que le vêtement véritable est ici encore sous-entendu, comme élément contribuant à la beauté du corps – , et, au-delà, d’une sorte de vêtement social : le prestige d’une famille, la richesse d’un individu. Ainsi la seule chose qui soit capable de vêtir au sens propre, le vêtement, est laissée implicite pour favoriser cette extension qui fait du corps, de la parenté et de la richesse le “vêtement” d’autre chose. Cette autre chose est tout simplement une autre partie d’eux-mêmes, une chose qu’ils sont censés aussi “avoir”, à savoir une âme : le sujet de la phrase n’est pas identifié à l’âme28. C’est cette âme qu’ils couvrent donc – Léon Robin traduit justement qu’ils “se la sont revêtue” – d’un voile somatico-social, étrange hybride mélangeant prestance physique, prestige social, luxe des richesses29. La métaphore ne réagit ainsi pas seulement sur l’âme dont elle fait quelque chose que l’on peut habiller, mais aussi sur le corps qu’elle rend plus abstrait en le fondant dans un tout somatico-social derrière lequel l’âme se cache. Ce nouveau vêtement se prolonge enfin dans l’entregent, dans les relations que les prévenus ont sollicitées pour venir témoigner en leur faveur : c’est tout cet ensemble des prestiges, de la beauté à la réputation, qui fait obstacle à la perception de l’âme.

Or la métaphore, complexe, suppose encore l’assignation d’un point de vue, d’un regard auquel les prévenus entreprennent de soustraire leur âme. Zeus, poursuivant son discours, ne l’évoque du reste qu’en ouvrant une dimension spéculaire : celui qui regarde se trouve, en miroir, décrit sur le modèle de celui qui est regardé.

οἱ οὖν δικασταὶ ὑπό τε τούτων ἐκπλήττονται, καὶ ἅμα καὶ αὐτοὶ ἀμπεχόμενοι δικάζουσι, πρὸ τῆς ψυχῆς τῆς αὑτῶν ὀφθαλμοὺς καὶ ὦτα καὶ ὅλον τὸ σῶμα προκεκαλυμμένοι. ταῦτα δὴ αὐτοῖς πάντα ἐπίπροσθεν γίγνεται, καὶ τὰ αὑτῶν ἀμφιέσματα καὶ τὰ τῶν κρινομένων.30

Aussi les juges se laissent-ils éblouir par tout cela, attendu que, en même temps, c’est tout habillé, eux également, qu’ils prononcent leur sentence, ayant placé, en avant de l’âme qui est la leur, un écran qui est fait d’yeux, d’oreilles et du corps dans son ensemble. Tout cela vient donc prendre place par-devant eux, aussi bien ce dont ils sont eux-mêmes revêtus que ce dont sont revêtus ceux qui sont jugés31.”

Avec l’usage du verbe ἐκπλήσσω, Zeus décrit les juges comme étant éblouis, sonnés, pris par un vertige comme s’ils venaient de subir un choc ; ils le sont sous l’effet de toutes ces choses que les prévenus ont déployées (ὑπό τε τούτων). L’effet visuel du “vêtement” somatico-social n’est donc pas seulement de voiler, de dissimuler, ou plutôt il ne dissimule si bien que parce qu’il éblouit le spectateur. Or cet effet n’a lieu que parce que les juges eux-mêmes sont disposés d’une manière similaire : ils sont eux-même “ἀμπεχόμενοι”, vêtus, et que par conséquent, ils ont, eux aussi, “en avant de l’âme qui est la leur” quelque chose qui fait obstacle ; la traduction de Léon Robin pour πρὸ τῆς ψυχῆς τῆς αὑτῶν rend justice au fait que l’âme est là encore désignée non comme un sujet, mais comme une chose que l’on a. La troisième personne du pluriel désignant les juges (auxquels renvoie le pronom αὑτῶν) indique le sujet auquel appartient l’âme désignée au génitif. Ce point est déterminant pour préparer une des conséquences que l’on observera bientôt, à savoir qu’en voyant simplement l’âme de quelqu’un on ne sait pas nécessairement à qui est cette âme, pas plus que l’on reconnaîtrait une jambe ou un bras isolé de la personne. Pour l’instant, il faut noter un autre détail. Le vêtement des juges semble plus organique que celui des prévenus : ce que les juges ont au-devant de leur âme, ce n’est pas un hybride somatico-social, ce sont en effet des yeux, des oreilles et l’ensemble de leur corps (ὅλον τὸ σῶμα) dont ils sont eux-mêmes recouverts, voilés (προκεκαλυμμένοι). La généralisation à l’ensemble du corps se fait ici à partir des organes de perception ; le vêtement, le voile ne couvre pas ici ce que l’on devrait voir, mais inclut ce qui perçoit ce que l’on voit, à savoir les organes de perception sensible. Cela semble déjà supposer que ce qui est recouvert serait capable d’une vision qui ne serait pas celle des organes sensoriels et que c’est à cette autre vision que l’organe de sens, désigné comme un vêtement voilant, fait obstacle.

À ce point, nous sommes parvenus à une structure spéculaire qui peut être décrite comme un chiasme : de la même manière que les âmes des prévenus étaient recouvertes de leurs corps, de leur richesse et de leur entregent, les juges ont un corps et les organes de celui-ci au-devant de leur âme. Le fait d’avoir choisi de détailler le corps des juges en nommant les organes perceptifs indique aussi la situation d’examen dans laquelle les juges et les prévenus se font face : les juges regardent par leurs corps et donc ne voient que des corps. Il y a donc une double interposition vestimentaire entre les âmes des uns et les âmes des autres.

Se défaire des vêtements : les âmes nues jugent des âmes nues

Après le diagnostic, la prescription32 : Zeus prend une double décision concernant le prévenu, qui ne doit plus pouvoir se préparer en connaissant le jour de sa mort et doit être dépouillé de l’ensemble de ce qui le couvrait. Il faut donc qu’il soit mort avant d’être jugé, afin que son âme soit déliée de son corps (conformément à la définition de la mort que Socrate explicitera un peu plus loin33) ; on exigera la même chose pour le juge.

πρῶτον μὲν οὖν,” ἔφη, παυστέον ἐστὶν προειδότας αὐτοὺς τὸν θάνατον· νῦν γὰρ προΐσασι. τοῦτο μὲν οὖν καὶ δὴ εἴρηται τῷ Προμηθεῖ ὅπως ἂν παύσῃ αὐτῶν. ἔπειτα γυμνοὺς κριτέον ἁπάντων τούτων· τεθνεῶτας γὰρ δεῖ κρίνεσθαι. καὶ τὸν κριτὴν δεῖ γυμνὸν εἶναι, τεθνεῶτα, αὐτῇ τῇ ψυχῇ αὐτὴν τὴν ψυχὴν θεωροῦντα ἐξαίφνης ἀποθανόντος ἑκάστου, ἔρημον πάντων τῶν συγγενῶν καὶ καταλιπόντα ἐπὶ τῆς γῆς πάντα ἐκεῖνον τὸν κόσμον, ἵνα δικαία ἡ κρίσις ᾖ.34

“Maintenant, dit-il, ce qu’il faut en premier faire cesser, c’est que les hommes sachent à l’avance qu’ils vont mourir, car actuellement à l’avance ils le savent. Or, voici justement ce qui a été prescrit à Prométhée : que, chez eux, cesse cette connaissance. En second lieu, il faut qu’on les juge complètement mis à nu de tout cela ; c’est une fois mort, en effet, qu’ils devront être jugés, et le juge devra, lui aussi, avoir été mis à nu et être un mort, qui, avec sa seule âme, est spectateur d’une âme pareillement seule, celle de chacun, à l’instant où il vient de mourir : un mort qui est isolé de toute sa parenté et qui a laissé sur la terre tout ce dont il se parait ; condition indispensable de la justice de sa décision35.”

Les mesures annoncées consistent donc à la fois à instituer une nouvelle opacité (ne plus connaître la date de sa mort) et une nouvelle transparence : ils doivent être jugés nus. Bien sûr, avec la dimension métaphorique, on ne parle pas ici de paraître nu comme à la palestre, en n’ayant enlevé qu’une seule couche, pour ainsi dire, c’est-à-dire ses vêtements. Le corps est devenu lui aussi, au cours de la description précédente, un élément de ce qu’il faut effeuiller pour devenir nu – notons comme la langue grecque permet de préciser en complément du terme qui désigne la nudité tout ce dont on se dépouille pour être nu : ils seront, littéralement “nus de toutes ces choses (γυμνοὺς ἁπάντων τούτων)”, ce que Léon Robin a su rendre en français avec le tour “mis à nu de tout cela”. Comme le dit Jean-Louis Chrétien en commentant ce texte : “il suffit que l’âme puisse être nue pour qu’elle devienne seule à pouvoir l’être”36, car un corps, même nu, sera toujours un habit. Nous mesurons ainsi la portée de la construction du vêtement somatico-social dans la page précédente : le corps n’est plus qu’un vêtement parmi les autres, comme la parenté ou la richesse – il fait partie de ce “tout” dont on pouvait encore se “parer” avant de mourir. La seule nudité est celle que la mort provoque, en débarrassant l’âme de son manteau corporel et social. L’âme nue, parce qu’elle est seule, apparaît elle-même telle qu’en elle-même. Conformément au jeu de miroir précédemment mis en place, il faut que le juge soit lui aussi nu pour juger le justiciable nu, c’est-à-dire mort : ainsi présentera-t-il une âme nue face à une âme nue. C’est ainsi seulement que l’âme du juge, débarrassée des organes des sens, peut accéder à cette vision, celle qui voit les choses invisibles. Le thème de la double perception, celle qui se produit par le corps et permet de percevoir des corps, celle qu’accomplit l’esprit et permet d’accéder à l’invisible, est ici présupposé ; c’est dans le Phédon qu’il trouve son plein développement37. Cette condition impose un ultime réaménagement du mythe :

ἐγὼ μὲν οὖν ταῦτα ἐγνωκὼς πρότερος ἢ ὑμεῖς ἐποιησάμην δικαστὰς ὑεῖς ἐμαυτοῦ, δύο μὲν ἐκ τῆς Ἀσίας, Μίνω τε καὶ Ῥαδάμανθυν, ἕνα δὲ ἐκ τῆς Εὐρώπης, Αἰακόν· οὗτοι οὖν ἐπειδὰν τελευτήσωσι, δικάσουσιν ἐν τῷ λειμῶνι, ἐν τῇ τριόδῳ ἐξ ἧς φέρετον τὼ ὁδώ, ἡ μὲν εἰς μακάρων νήσους, ἡ δ’ εἰς Τάρταρον. καὶ τοὺς μὲν ἐκ τῆς Ἀσίας Ῥαδάμανθυς κρινεῖ, τοὺς δὲ ἐκ τῆς Εὐρώπης Αἰακός· Μίνῳ δὲ πρεσβεῖα δώσω ἐπιδιακρίνειν, ἐὰν ἀπορῆτόν τι τὼ ἑτέρω, ἵνα ὡς δικαιοτάτη ἡ κρίσις ᾖ περὶ τῆς πορείας τοῖς ἀνθρώποις.38

“Or, moi qui, avant vous, m’étais rendu compte de cela, j’ai nommé juges mes propres fils : deux, originaires de l’Asie, Minos et Rhadamanthe, un seul, originaire de l’Europe, Éaque. Donc, quand ils seront trépassés, ils prononceront leurs sentences dans la Prairie, au carrefour d’où partent les deux routes, l’une vers les îles des Bienheureux, l’autre vers le Tartare. Les morts qui viennent de l’Asie seront jugés par Rhadamanthe ; ceux qui viennent de l’Europe, par Éaque ; à Minos d’autre part je donnerai la prérogative d’être surarbitre, pour le cas où les deux autres seraient, en quelque point, embarrassés, afin que la décision soit aussi juste que possible quant au voyage à assigner aux hommes39.”

La prairie est un motif récurrent de la représentation hellénique de l’au-delà ; il révèle, comme on l’a montré, une fonction particulière, celle de lieu de transition par où des espaces opposés communiquent, typiquement les deux faces, horizontales et profondes, de l’au-delà40. Platon instituera dans le mythe d’Er une plaine dans les mêmes fonctions de lieu de rassemblement, de tri et de départ41. Socrate déplace Rhadamante de l’île des Bienheureux42 vers cette plaine, où il rejoint ses frères, pour rendre leurs jugements dans ce lieu intermédiaire d’où partiront les âmes vers leurs destinations respectives. Il n’existe plus de lieu intermédiaire, toutes les âmes sont soumises au tri et sont ainsi réparties en deux groupes opposés.

Le discours de Zeus s’arrête ici, et nous allons passer à l’exégèse qu’en tire Socrate.

Ταῦτ’ ἔστιν, ὦ Καλλίκλεις, ἃ ἐγὼ ἀκηκοὼς πιστεύω ἀληθῆ εἶναι· καὶ ἐκ τούτων τῶν λόγων τοιόνδε τι λογίζομαι συμβαίνειν. ὁ θάνατος τυγχάνει ὤν, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, οὐδὲν ἄλλο ἢ δυοῖν πραγμάτοιν διάλυσις, τῆς ψυχῆς καὶ τοῦ σώματος, ἀπ’ ἀλλήλοιν.43

“Voilà, Calliclès, le récit que j’ai entendu faire et à la véracité duquel j’ai foi. De ces traditions, ce qui résulte est, d’après mes réflexions, à peu près ceci : c’est que la mort, à mon avis, n’est précisément rien d’autre que la rupture mutuelle du lien qui unit deux choses, le corps et l’âme44.”

Socrate explicite un point nécessaire pour comprendre le discours de Zeus. Il faut en effet expliquer que la mort n’est donc rien d’autre que “la séparation (διάλυσις) des deux choses (δυοῖν πραγμάτοιν)” qui partent chacune de leur côté. C’est bien en décidant de faire juger des morts par des morts que l’on a pu libérer les âmes du vêtement somatico-social qui faisait obstacle à la fois à la capacité des juges de voir par d’autres organes que ceux de leurs corps et à la possibilité pour les âmes des prévenus de paraître découvertes. Cependant, précise Socrate, malgré cette séparation, les deux choses conservent l’état (ἕξις) qui était le leur lorsque l’humain auquel elles appartenaient était vivant. Socrate illustre longuement ce point à propos du corps, en jouant sur deux sens du terme φύσις, d’abord celui d’apparence, d’aspect extérieur, bien attesté notamment chez Eschyle, Sophocle et dans la littérature du Ve siècle45, ensuite celui de “nature” au sens des traits que l’on tient de sa naissance et non des accidents de la vie46 ; nous nous permettons de corriger la traduction de Léon Robin relativement à la première occurrence :

ἐπειδὰν δὲ διαλυθῆτον ἄρα ἀπ’ ἀλλήλοιν, οὐ πολὺ ἧττον ἑκάτερον αὐτοῖν ἔχει τὴν ἕξιν τὴν αὑτοῦ ἥνπερ καὶ ὅτε ἔζη ὁ ἄνθρωπος, τό τε σῶμα τὴν φύσιν τὴν αὑτοῦ καὶ τὰ θεραπεύματα καὶ τὰ παθήματα ἔνδηλα πάντα. οἷον εἴ τινος μέγα ἦν τὸ σῶμα φύσει ἢ τροφῇ ἢ ἀμφότερα ζῶντος, τούτου καὶ ἐπειδὰν ἀποθάνῃ ὁ νεκρὸς μέγας, καὶ εἰ παχύς, παχὺς καὶ ἀποθανόντος, καὶ τἆλλα οὕτως· καὶ εἰ αὖ ἐπετήδευε κομᾶν, κομήτης τούτου καὶ ὁ νεκρός. μαστιγίας αὖ εἴ τις ἦν καὶ ἴχνη εἶχε τῶν πληγῶν οὐλὰς ἐν τῷ σώματι ἢ ὑπὸ μαστίγων ἢ ἄλλων τραυμάτων ζῶν, καὶ τεθνεῶτος τὸ σῶμα ἔστιν ἰδεῖν ταῦτα ἔχον· ἢ κατεαγότα εἴ του ἦν μέλη ἢ διεστραμμένα ζῶντος, καὶ τεθνεῶτος ταὐτὰ ταῦτα ἔνδηλα. ἑνὶ δὲ λόγῳ, οἷος εἶναι παρεσκεύαστο τὸ σῶμα ζῶν, ἔνδηλα ταῦτα καὶ τελευτήσαντος ἢ πάντα ἢ τὰ πολλὰ ἐπί τινα χρόνον.47

“Or, une fois que ces deux choses ont été ainsi déliées l’une de l’autre, chacune d’elles n’a guère moins sa manière d’être propre que celle, exactement, qu’elle avait pendant que vivait l’homme. Le corps, en premier lieu, manifeste l’aspect qui est le sien, ainsi que les marques des soins qu’il s’est donnés et des affections qu’il a subies : si par exemple, de son vivant, on avait le corps de grande taille, soit en vertu de la nature, soit en conséquence de la façon dont on l’a traité, ou en vertu de ces deux causes à la fois, de grande taille, après la mort, sera aussi le cadavre ; si l’on est épais, épais sera aussi le cadavre du mort et de même à d’autres égards ; et encore, si l’on s’est appliqué à avoir une longue chevelure, le cadavre pareillement aura de longs cheveux ; ou bien encore, celui qui, de son vivant, avait des marques, des cicatrices, provenant soit du fouet, soit d’autres blessures, vous pourrez voir, la vie finie, que son corps les porte ; avait-on, de son vivant, des membres brisés ou déviés, tout cela sur le mort ne sera pas moins manifeste ; en un mot, de ce qu’a été, pendant la vie, la condition qu’on aura ménagée à son corps, le mort en portera encore pendant un certain temps les témoignages manifestes, soit tous, soit la plupart d’entre eux48.”

L’apparence du corps, sa φύσις, résulte de deux types de facteurs : d’un côté, les qualités qu’il tient de sa naissance (ce qui constitue aussi un sens possible de φύσις), ainsi le fait d’être doté d’une grande taille ; de l’autre, les traits qui peuvent résulter de la manière dont il a vécu et des traitements qu’il a subis. Ainsi, être épais, c’est une disposition qui peut résulter de ces deux sources : une nature que l’on tient de sa naissance, de ses parents, mais aussi le résultat d’un certain régime et de certaines habitudes. La chevelure peut également illustrer ces deux sources : Socrate n’explicite pas le fait que l’on peut avoir été plus ou moins doté en la matière par la naissance ; il insiste en revanche sur le soin que l’on peut avoir mis à porter ses cheveux longs. On pense peut-être à la belle chevelure de Pâris, avançant au premier rang des troupes troyennes avant de se montrer faible et de se voir cruellement rappeler par son frère Hector que les dons reçus d’Aphrodite, la belle chevelure et la beauté, ne le protégeront pas, lorsqu’il roulera dans la poussière49. On peut imaginer que dans ce cas, son cadavre montrerait encore, conformément à la règle que Socrate est en train d’expliciter, la chevelure bien soignée qu’il avait de son vivant, aussi bien que la taille qui était la sienne, par exemple.

Socrate revient enfin à l’illustration de ce qu’il avait annoncé en premier : la trace des traitements subis par le corps. Or c’est ce point qui prend alors une place considérable, grâce à des exemples particulièrement frappants, celui des traitements que l’on fait typiquement subir aux esclaves, tout particulièrement le fouet50. Il ajoute un exemple d’accident, par exemple un membre cassé. Dans tous les cas, le cadavre portera bien évidemment toujours toutes les marques de ces mauvais traitements. Or ce luxe de détails, dans le premier temps de l’exposition d’une règle dont il a été annoncé qu’elle valait aussi bien pour le corps que pour l’âme, crée la promesse d’en obtenir autant dans le cas de celle-ci. Cette attente est d’autant plus forte que l’on est intrigué : l’histoire que Socrate vient de raconter laisse entendre que lorsque le corps s’en va, comme on retire le vêtement qui dissimule un corps, alors on voit enfin l’âme telle qu’en elle-même, par une autre vision que celle des organes perceptifs du corps, une vision de l’âme percevant une autre âme. Socrate s’apprête-t-il à nous faire voir l’invisible ?

ταὐτὸν δή μοι δοκεῖ τοῦτ’ ἄρα καὶ περὶ τὴν ψυχὴν εἶναι, ὦ Καλλίκλεις· ἔνδηλα πάντα ἐστὶν ἐν τῇ ψυχῇ, ἐπειδὰν γυμνωθῇ τοῦ σώματος, τά τε τῆς φύσεως καὶ τὰ παθήματα ἃ διὰ τὴν ἐπιτήδευσιν ἑκάστου πράγματος ἔσχεν ἐν τῇ ψυχῇ ὁ ἄνθρωπος.51

“Eh bien ! Selon moi, Calliclès, c’est ce qui, en fin de compte, est aussi le cas de l’âme : une fois que du corps elle a été mise à nu, tout y est manifeste, tout ce que l’homme a possédé dans son âme, ce qui est du fait de sa nature aussi bien que des affections qui résultent de la façon on il s’est employé à chaque sorte d’affaires52.”

L’âme se trouve donc mise à nu, et l’on verra, une fois qu’elle se dévêt de son corps, qu’elle aussi conserve les caractéristiques qui étaient les siennes du vivant de son humain. On remarque que les deux catégories de dispositions, celles que l’on tient de sa nature et celles que l’on tient des accidents de la vie, valent aussi bien pour le corps que pour l’âme. L’âme est ce “en quoi” l’homme a pu éprouver certaines affections, de la même façon qu’il en a éprouvé dans son corps. Il n’y a pas de raison de faire ici de l’âme davantage une intériorité que ne l’est le corps, pas plus que d’en faire le lieu de la subjectivité : les deux semblent être des lieux dans lesquels l’homme qui vivait de leur réunion a pu éprouver des affections. Si nous savons que l’âme doit elle aussi manifester la permanence de sa nature et de ses affections, nous n’avons pas encore “vu” ce qu’elle peut ainsi révéler. Socrate, pour ce faire, doit faire cesser l’exégèse et reprendre sa tâche de mythographe, en imaginant la scène. Nous retournons donc sur la plaine où les âmes sont jugées pour voir une âme se présenter par exemple devant Rhadamanthe.

Ἐπειδὰν οὖν ἀφίκωνται παρὰ τὸν δικαστήν, οἱ μὲν ἐκ τῆς Ἀσίας παρὰ τὸν Ῥαδάμανθυν, ὁ Ῥαδάμανθυς ἐκείνους ἐπιστήσας θεᾶται ἑκάστου τὴν ψυχήν, οὐκ εἰδὼς ὅτου ἐστίν, ἀλλὰ πολλάκις τοῦ μεγάλου βασιλέως ἐπιλαβόμενος ἢ ἄλλου ὁτουοῦν βασιλέως ἢ δυνάστου κατεῖδεν οὐδὲν ὑγιὲς ὂν τῆς ψυχῆς, ἀλλὰ διαμεμαστιγωμένην καὶ οὐλῶν μεστὴν ὑπὸ ἐπιορκιῶν καὶ ἀδικίας, ἃ ἑκάστη ἡ πρᾶξις αὐτοῦ ἐξωμόρξατο εἰς τὴν ψυχήν, καὶ πάντα σκολιὰ ὑπὸ ψεύδους καὶ ἀλαζονείας καὶ οὐδὲν εὐθὺ διὰ τὸ ἄνευ ἀληθείας τεθράφθαι·53

“Les voilà donc arrivés auprès de leur juge, ceux par exemple qui viennent de l’Asie auprès de Rhadamanthe. Rhadamanthe les place en arrêt devant lui ; il regarde l’âme de chacun, sans savoir de qui c’est l’âme ; mais, plus d’une fois, celle qu’il aura prise pour la juger sera celle du Grand Roi, ou de n’importe quel autre roi ou prince souverain : il n’y a rien vu de ce qui constitue la santé de l’âme ; au contraire, il l’a vue tout entière striée des coups de fouet, plein des cicatrices laissées par des parjures et de l’iniquité, marques imprimées sur l’âme de cet homme par chacune de ses actions ; il y a vu que tout y est dévié par l’action du mensonge et de l’imposture, que rien n’y est droit du fait qu’à sa culture a fait défaut la vérité54.”

Nous suivons sur la plaine un groupe d’âmes venues d’Asie – on peut penser à l’armée avec laquelle Er le Pamphylien est arrivé lui aussi dans une plaine55. Ces âmes viennent se placer devant Rhadamanthe et celui-ci alors, les regarde. Il les regarde comme une âme nue regarde d’autres âmes nues. Or le premier effet, inattendu, de cette situation se trouve être, paradoxalement, une nouvelle opacité : il regarde l’âme “de chacun” (ἑκάστου) sans pouvoir voir “de qui” (ὅτου) elle est l’âme – ces formules expriment un trouble, résultant du fait que l’âme est encore identifiée comme l’âme de quelqu’un alors que cet ancrage n’est plus accessible. L’âme reste une réalité reliée à l’homme dont elle provient, il est même essentiel qu’elle le soit puisque qu’elle garde les marques de la vie menée par celui-ci, mais l’identité précise de ce dernier semble pouvoir s’estomper derrière la mémoire de ses actes. Nous savons néanmoins que c’est cette nouvelle opacité qui garantit la levée du voile social : l’âme n’est plus auréolée de son existence sociale, on ne sait pas qu’elle est l’âme d’un puissant, d’un riche, d’un homme fameux. Socrate pourtant lève ce voile d’opacité pour nous : il nous révèle ce que Rhadamanthe, lui, ne peut plus voir, à savoir que là, dans la file des âmes qu’il juge, il y a le grand roi lui-même (celui des Perses), ou tel autre souverain encore. Or, lorsque ce manteau social tombe, l’âme nue du roi révèle les marques du fouet – elle en est lacérée (διαμεμαστιγωμένη). La vision est sidérante : nous voyons un roi, peut-être le plus grand des rois, soudainement nu, révélant les traitements qu’on réserve aux esclaves qui ont commis un larcin. Le terme choisi par Socrate nous renvoie en effet à la première partie du texte, celle dans laquelle il s’est complu à décrire les mauvais traitements subis par le corps. Nous comprenons que l’insistance sur la description des marques laissées par les coups de fouet préparait la vision de l’âme nue d’un roi. On serait tenté de dire que l’âme révèle ses cicatrices… sur son corps nu, une fois déshabillée. La surprise est ici que la vision de l’âme nue que nous attendions, cette vision par une autre vue que celle des sens qui permet de voir les corps, nous est finalement offerte par un retour au corps. Le corps dénudé sert, par l’artifice de la métaphore, à faire voir l’âme nue, dénudée du corps. Or le tableau décrit par Socrate apporte une précision saisissante quant au fait que chacune de ces marques sont celles “que chacun des actes de cet homme a imprimées dans l’âme (ἃ ἑκάστη ἡ πρᾶξις αὐτοῦ ἐξωμόρξατο εἰς τὴν ψυχήν)”. Cette vision évoque un moment de la discussion entre Socrate et Calliclès, lorsque Socrate semble avoir suggéré que commettre une injustice, ce serait s’infliger à soi-même le plus grave de tous les maux56. La chose est bien plus claire désormais : chacun des actes vicieux que l’on accomplit laisse une marque sur le “corps” de l’âme semblable à celle que laisse le fouet. L’homme injuste et tout puissant qui aura pu agir impunément est comme un homme qui se sera infligé à lui-même le supplice infamant du fouet : il aura fait de son âme un corps d’esclave pris la main dans le sac. Aucun moment de la discussion précédente n’a dit aussi clairement le poids de chacun de nos actes.

Un terme a déjà caractérisé ce corps vicié de l’âme injuste : il n’y a en elle “rien de droit” (οὐδὲν εὐθὺ). On peut encore voir là une métaphore : ce sont ses actions et ses manières qui n’ont rien de droit. Un nouveau terme donne un tour plus prononcé à la description d’une forme :

καὶ ὑπὸ ἐξουσίας καὶ τρυφῆς καὶ ὕβρεως καὶ ἀκρατίας τῶν πράξεων ἀσυμμετρίας τε καὶ αἰσχρότητος γέμουσαν τὴν ψυχὴν εἶδεν· ἰδὼν δὲ ἀτίμως ταύτην ἀπέπεμψεν εὐθὺ τῆς φρουρᾶς, οἷ μέλλει ἐλθοῦσα ἀνατλῆναι τὰ προσήκοντα πάθη.57

“Cette âme, il l’a vue, sous l’action de l’excès de puissance, de la mollesse, de la démesure, de l’incapacité de se dominer en toutes les actions, il l’a vue surchargée autant de désharmonie que de laideur ; et, l’ayant vue telle, cette âme-là, il l’a honteusement envoyée tout droit à la maison de détention, où elle doit aller subir les épreuves qui conviennent58.”

L’ἀσυμμετρία de l’âme, sa désharmonie : c’est la seule apparition du terme dans les dialogues de Platon, mais, dans le contexte du Gorgias, il renvoie nettement à la description de la vertu de l’âme comme κόσμος59. Celle-ci constitue la clef de voûte de l’argument développé par Socrate, parce qu’elle permet de définir l’ensemble des vertus comme expression d’un même ordre, de comprendre que l’injustice produit en l’âme le désordre et donc la détériore, ce pourquoi il vaut mieux subir l’injustice que la commettre60. Le mythe, en figurant l’âme comme un corps nu, offre une vision saisissante des effets des actes sur l’âme comme autant d’occasions de détruire son ordre, son harmonie, sa rectitude. Une analogie entre le meuble, la maison, le corps et l’âme a permis d’établir qu’en chacune de ces choses, l’ordre était le fondement de la qualité et le désordre celui de la ruine61. La visualisation de l’âme comme un corps fait naturellement revenir cette analogie, pour la prendre au mot.

La fin de l’histoire radicalise la corporisation de la représentation de l’âme, puisque Socrate annonce que les âmes arrivées dans un tel état sont envoyées vers leur légitime punition, soit qu’elles puissent encore s’améliorer en profitant du châtiment, soit qu’elles servent d’exemple aux autres ; “suspendus” dans la prison gardée par Hadès, les incurables subiront “en raison de leurs fautes, une éternité d’épreuves, les plus grandes, les plus douloureuses, les plus redoutables”62. Ce moment a soulevé des débats sur la question de savoir si une doctrine de la métempsychose était ou non impliquée ici, s’il s’agit que le châtiment des incurables soit utile à d’autres63. C’est cependant un autre détail qui retiendra notre attention. Il a été relevé par Anne Merker : Platon ne précise pas par quelles voies de telles douleurs pourraient être infligées “à une âme désincarnée”, “ni la nature précise de ces douleurs incorporelles”64. L’histoire parvient ici à une forme de court-circuit : ayant décrit les âmes injustes comme des corps nus ayant passé leur vie à subir le fouet, elle condamne maintenant celles-ci à subir de nouveau de tels supplices, mais pour en souffrir comme un corps en souffre. Et c’est cette souffrance physique, corporelle qui est censée leur faire du bien et les débarrasser de l’injustice, ce qui est en contradiction avec la doctrine du châtiment énoncée en 477c-d, puisque c’est la justice du châtiment qui était seule en mesure de rendre l’âme plus juste, et non la douleur infligée65. L’histoire suit donc sa propre logique, emportée par le déploiement de la métaphore qui lui a fait prendre l’âme pour un corps et se promet désormais de la soigner par la douleur corporelle. C’est pourtant dans ce moment d’infidélité du mythe à la philosophie qui lui confère sa vérité qu’il a été possible de faire voir que l’âme est, fondamentalement, une chose qui se prête à l’ordre et au désordre.

Nous pouvons, pour conclure, reconnaître la complexité de l’usage platonicien d’une métaphore apparemment aussi simple que celle qui fait du corps le vêtement de l’âme, ainsi que celle de l’usage platonicien des moments narratifs par lesquels il se réapproprie des éléments de la culture poétique et mythologique. Un premier temps, conformant le mythe aux doctrines philosophiques qu’il est censé illustrer, a permis de décrire le corps comme un vêtement de l’âme dont il faudrait pouvoir se passer pour accéder à celle-ci dans sa pureté, c’est-à-dire dans sa nudité. Un deuxième temps, exauçant ce vœu, déploie l’image d’une âme-corps, qui peut même en venir à s’éloigner des doctrines établies par le dialogue philosophique (ainsi sur la modalité curatrice des châtiments), mais offre aussi des possibilités fécondes de saisir et de prolonger le cœur de l’argumentation philosophique – en faisant voir l’âme comme une chose structurée et en permettant de se représenter les actes justes et injustes comme autant d’effets sur sa structure même. Aussi pourrait-on compléter les remarques importantes faites par Jacques Derrida à propos de l’écriture platonicienne, qui, selon lui, se soumet à une structure dans laquelle ce qui doit être saisi comme intelligible, purifié du sensible, ne peut en définitive être dit qu’à travers la métaphore du sensible qu’il devait exclure66. L’étude du mythe du Gorgias suggère que cette impossibilité n’est pas une surprise à laquelle Platon se plierait à son corps défendant : la métaphore est bien plutôt pour lui une ressource dont il maîtrise les ambivalences et dont il sait faire un moyen par lequel la philosophie poursuit son chemin.

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Notes

  1. Sur l’idée que le mythe est pour Platon un espace de création littéraire, voir notamment Ferrari 2012, 67-86. Pour une présentation des mythes platoniciens relatifs au jugement dernier, voir Annas 1982 (Gorgias, Phédon, République). On pourrait y ajouter la vision de la justice cosmique du livre X des Lois.
  2. C’est l’interprétation de Julia Annas, voir Annas 1982, 125.
  3. Plat., Gorg., 523a1-5, éd. Burnet (nous citons toujours le texte édité par John Burnet, 1903).
  4. Traduction Robin 1950, I, 483.
  5. Voir sur ce point Ferrari 2012, 67.
  6. Plat., Gorg., 527a5.
  7. Voir Brisson 1994, 135-136.
  8. Cette interprétation est largement partagée, ainsi par Dodds 1959, 377 ou Brisson 1994, 136. Le premier trouve la vérité spécifique du mythe dans le fait qu’il exprime de manière “imaginative” “a truth of religion” ; le second signale que Platon trouve une vérité nouvelle au mythe dans l’accord avec un discours supérieur et qu’ainsi “l’épistémologie a cédé la place à la censure” – le mythe, certes corrigé, peut servir à des réécritures qui le rendent adéquat à l’expression d’une vérité philosophique.
  9. Voir Ἀΐδης, Hom., Il., 15.187.
  10. Voir les deux passages suggérés par le Bailly, Soph. fr. 259 et Aristoph., Pl., 727.
  11. Hom., Il., 14.203.
  12. Sur cette différence, que nous remercions Marie-Laurence Desclos de nous avoir fait remarquer, voir Macé 2014, 667 n. 203. Dodds y insistait déjà (voir note suivante).
  13. Plat., Rep., 2.378a-b, voir Dodds 1959, 377.
  14. Plat., Gorg., 523a5-b4.
  15. Robin 1950, I, 483.
  16. Voir Macé 2014, 666-668.
  17. Sur la question de la localisation du Tartare, en particulier chez Hésiode, voir Strauss Clay 2020.
  18. Voir Dodds 1959, 377 qui cite Eur., Or., 265.
  19. Hom., Od., 4.463. Protée informe Ménélas que sa destinée l’emmènera aux champs Élysées, aux limites de la Terre, au bord de l’Océan, où il sera reçu par Rhadamante.
  20. Hes., TJ, 171.
  21. La douceur est aussi une réalité météorologique. L’absence d’hiver et la présence du zéphyr, qui sont évoqués dans le passage de l’Odyssée précédemment cité, sont aussi caractéristiques, dans la tradition, du doux climat de l’île des Bienheureux, voir sur ce point Ballabriga 1986, 118-123.
  22. Motte 1973, 252.
  23. C’est particulièrement net pour le mythe d’Er, dans la République. Voir Macé.
  24. Plat., Gorg., 523b4-523c1.
  25. Robin 1950, I, 483-484.
  26. Platon, Gorg., 523 c1-e6.
  27. Robin 1950, I, 484.
  28. Il convient d’éviter de reconnaître trop vite l’âme comme le soi ou le moi : la personnalité est saisie comme une multiplicité d’éléments psychiques, corporels, sociaux, et l’âme est à son tour susceptible de révéler une multiplicité interne. L’identification à l’âme, reconnue comme un soi ou un moi, peut certes advenir, mais elle ne s’impose pas, pas plus que ne s’impose le fait de la comprendre comme une intériorité. Il faut à chaque fois prendre le temps de voir comment la multiplicité décrite s’organise. Sur ces questions, voir Ildéfonse 2022, par exemple p. 12.
  29. En ce sens Platon renouvelle aussi la métaphore telle qu’elle se trouve chez Empédocle (fr. 126, signalé par Dodds 1959, 377), puisque chez ce dernier l’âme revêt seulement une “tunique de chair” (σαρκῶν … χιτῶνι).
  30. Plat., Gorg., 523d1-5.
  31. Robin 1950, I, 484.
  32. Pour une explicitation de l’analogie médicale qui serait impliquée dans le mythe, voir Edmonds III 2012, 172-182.
  33. On retrouve cette définition dans le Phédon, 64c.
  34. Plat., Gorg., 523d5-e6.
  35. Robin 1950, I, 484.
  36. Chrétien 1990, 34.
  37. Plat., Phd., 65d.
  38. Plat., Gorg., 523e6-524a7.
  39. Robin 1950, I, 484-485.
  40. Motte 1973, 252.
  41. Voir la mention de la plaine en Plat., Rep., 10, 616b ; sur le fait qu’elle sert à opérer le tri des âmes, voir Macé, 2016, 66-68.
  42. Sur le fait que Rhadamanthe règne sur les champs Élyséens, voir Hom., Od., 4.561-569, et le commentaire de Motte 1973, 255.
  43. Plat., Gorg., 524a8-b4.
  44. Robin 1950, I, 485.
  45. Beardslee 1918, 8, 24-25.
  46. Sur ce sens notamment chez Sophocle, voir Beardslee 1918, 24.
  47. Plat., Gorg., 524b4-d3.
  48. Robin 1950, I, 485.
  49. Hom., Il., 3.55 : ἥ τε κόμη τό τε εἶδος.
  50. Le fouet est principalement réservé aux esclaves, avec quelques exceptions, voir la note rédigée par Anne Merker qui rassemble tous les cas de châtiment par le fouet dans les Lois, Merker 2004, note 24.
  51. Platon, Gorg., 524d3-7.
  52. Robin 1950, I, 485.
  53. Plat., Gorg., 524d7-525a3.
  54. Robin 1950, I, 486.
  55. Plat., Rep., 10.614b-e.
  56. Plat., Gorg., 510e-511a.
  57. Plat., Gorg., 525a3-7.
  58. Robin 1950, I, 486.
  59. Plat., Gorg., 504c2, d1, 506e4
  60. Pour cette interprétation, voir Macé 2006, 49-56 et 77-79.
  61. Plat., Gorg., 503d-504d, voir Macé 2006, 76.
  62. Plat., Gorg., 525c, trad. L. Robin 1950, I, 486.
  63. Voir Annas 1982, 124-125.
  64. Merker 2004, § 5 de la version en ligne.
  65. Voir Macé 2006, 52 et la discussion de l’interprétation de Merker 2004 dans la note 78 même page.
  66. Voir Derrida 1972, 186-187.
ISBN html : 978-2-35613-387-8
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EAN html : 9782356133878
ISBN html : 978-2-35613-387-8
ISBN pdf : 978-2-35613-389-2
Volume : 30
ISSN : 2741-1818
Posté le 03/06/2024
16 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Macé, Arnaud, “Le corps et le mythe comme vêtements de l’âme dans le Gorgias de Platon”, in : Delalande, Juliette, Enfrein, Barthélémy, Jabin, Misel, Mézière, Dimitri, Sanfilippo, Floriane, Rates, Pauline, éd., Himation. Métaphores du vêtement dans l’Antiquité classique et tardive, Pessac, Ausonius éditions, collection PrimaLun@ 30, 2024, 33-48 [en ligne] https://una-editions.fr/le-corps-et-le-mythe-comme-vetements-de-l-ame-dans-le-gorgias-de-platon/ [consulté le 03/06/2024].
doi.org/10.46608/primaluna30.9782356133878.2
Illustration de couverture • Achille assis, enveloppé dans un himation, représenté sur une kylix datant d'environ 500 ans avant J.-C.
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