Parmi les terres cuites dites gréco-égyptiennes, les représentations, de loin, les plus nombreuses sont celles qui figurent un dieu-enfant, dont les caractéristiques essentielles sont la mèche de l’enfance, le doigt à la bouche, et le plus souvent une nudité totale ou partielle. De façon générale, on reconnaît dans ces statuettes l’image d’Harpocrate. Mais il existait dans l’Égypte ancienne bien d’autres dieux enfants, et il est donc loin d’être évident que c’est toujours le fils d’Isis que reproduisent ces terres cuites. Hélas, ces dernières sont dépourvues d’inscriptions qui permettraient une identification assurée. C’est pourquoi S. S. se propose de comparer les dieux enfants des temples égyptiens d’époque gréco-romaine avec les travaux des coroplathes.
Après avoir rapidement rappelé les origines d’Harpocrate, elle examine un relief du mammisi d’Armant nous montrant Cléopâtre VII faisant offrande à sept dieux enfants, dont un seul est qualifié d’“Harpocrate qui réside à Mendès”. On notera que la divinité qui ouvre la série est Haraparê-pa-khered, soit le dieu-fils dans la triade de l’ancienne Hermonthis. En revanche, à Philae, Harpocrate est omniprésent, mais il occupe ici le rôle d’enfant d’Isis et d’Osiris et est qualifié de “seigneur de l’Abaton et de Philae”. À Edfou, Harpocrate est attesté sept fois, ce qui est très peu au regard des dieux enfants locaux Harsomtous et Ihy. Il est donc probable que les terres cuites de ce site figurent les enfants divins locaux plutôt qu’Harpocrate, simple hôte du temple. Il est vrai que les attributs les plus fréquents des figurines en terre cuite (le pot ou la cornucopia) prêtés à “Harpocrate” le désignent comme une divinité dispensatrice de nourriture et de fertilité, une prérogative que confirment les sources hiéroglyphiques. Cependant, il a été montré que d’autres dieux enfants se voyaient attribuer les mêmes vertus. Il semble donc que l’identification du dieu-enfant par les acheteurs de ces images ait été fonction de la théologie locale, ce que confirment les statuettes de bronze, lorsque celles-ci portent des inscriptions. Malheureusement, l’origine de la plupart des terres cuites est rarement connue. Il est donc heureux que l’on s’intéresse maintenant de près à ces témoignages autrefois trop souvent peu pris en considération.