Cet article, inédit sous cette forme, fusionne, avec quelques modifications,
l’introduction et la conclusion de M. Reddé, P. Barral, F. Favory,
J.-P. Guillaumet, M. Joly, J.-Y. Marc, P. Nouvel, L. Nuninger, C. Petit (dir.),
Aspects de la romanisation dans l’Est de la Gaule, Bibracte 21, 2011.
“Romanisation”, le mot n’est plus guère à la mode. Il a suscité, depuis quelques années, bien des commentaires négatifs, voire des rejets exacerbés, et ce n’est pas mon propos de rouvrir un débat, souvent très théorique, après tant d’historiens plus compétents que moi1. Désormais, on l’évite, pour employer des expressions plus neutres et sans doute plus justes : on “devient” donc Romain2, au lieu d’être “romanisé”. Soit.
Fallait-il donc, si peu de temps après le colloque de Lausanne consacré à “La romanisation et la question de l’héritage celtique”3, oser encore une fois un terme si critiqué, au risque de rouvrir un inutile débat ? Qu’on se rassure : mon propos n’est ni théorique ni polémique, et j’entends le mot “romanisation” non comme un concept historique mais comme un simple moment du temps, celui de la transformation à la fois lente, hétérogène et inégale des sociétés protohistoriques au contact des nouvelles réalités induites par la conquête italienne.
La société gauloise était elle-même en pleine mutation lorsque César y fit irruption, elle n’était pas ce monde figé, immobile que certains historiens de Rome nous décrivent encore trop souvent de manière lapidaire et schématique4. Il n’est pas sûr, au demeurant, que les transformations qui l’avaient affectée depuis un bon siècle n’étaient pas au moins aussi importantes et fondamentales que celles qu’elle allait subir sous l’administration impériale : une agriculture en pleine expansion, se traduisant par une large ouverture du paysage, des savoir-faire techniques réputés, un réseau d’agglomérations nouvelles alliant habitats groupés de plaine et centres politiques fortifiés, d’importants changements sociaux. Cette dynamique interne constitue sans aucun doute un important facteur de rapprochement avec les modes de vie italiens. On sait, au demeurant, combien les negotiatores étaient nombreux en Gaule, au moment de la conquête, signe indubitable de l’insertion du pays dans les réseaux commerciaux à longue distance du monde méditerranéen. Faut-il encore rappeler que les peuples du Centre-Est avaient développé une monnaie d’argent, frappée à l’effigie de Roma (au droit), qui facilitait leurs échanges ? Les alliances de la République avec les Héduens et les Séquanes, souvent anciennes, sont en outre clairement affichées par César dès son arrivée dans le pays (BG, 1.3.8). Elles témoignent d’une pénétration politique et de la création d’une zone d’influence bien antérieures à la conquête, selon la pratique ordinaire du Sénat. De ce point de vue, la situation peut être comparée à celle qu’on rencontrera plus tard en Bretagne, “pénétrée” depuis la première incursion de César, mais “conquise” seulement un siècle plus tard, sous Claude, avec l’appui actif des aristocrates du sud-est de l’île5. En Espagne, en Orient, en Afrique, le processus politique n’a jamais été bien différent. La guerre des Gaules, quoique sublimée par la prose élégante de César, n’est donc rien d’autre qu’un moment bref de l’histoire, qui n’a guère laissé de traces matérielles abondantes et que les archéologues ne “verraient” pas dans le sol s’il n’y avait les vestiges militaires romains d’Alésia, de Gergovie, d’Uxellodunum.
D’un autre côté, peut-on sérieusement dire à quel moment la Gaule doit être considérée comme “romaine”, et quels critères retenir pour évaluer ce passage ? Le temps n’est plus où l’on voyait la nouvelle province se couvrir en quelques années de routes, de villes nouvelles, de beaux monuments de pierre, où l’on pensait que les pratiques agricoles du monde méditerranéen s’imposaient en quelques années, où les grands domaines esclavagistes jouaient un rôle central dans l’économie et la société nouvelle. Ce temps n’est pourtant pas si loin de nous et la plupart des manuels actuellement utilisés par nos étudiants portent encore la trace de cette vision que nous qualifierions volontiers aujourd’hui de caricaturale. Je me contenterai de renvoyer, sur tous ces points, aux bonnes mises au point du colloque organisé au Louvre par l’Inrap6. Mais il devient de plus en plus évident que les rythmes de l’évolution sont extrêmement contrastés, selon les domaines que l’on aborde. Observer l’apparition – soudaine et précoce – du décor architectural romain n’est pas contradictoire avec la constatation que les premières villas en pierre n’apparaissent guère avant le milieu du Ier siècle après J.-C., au plus tôt, que les pratiques funéraires évoluent plus lentement encore, souvent sans rupture nette avec celles de l’âge du Fer.
Il est vrai que les conditions intellectuelles d’une telle approche sont parfois difficiles car les perspectives des protohistoriens et des historiens classiques sont différentes : pour les premiers, la fin de l’âge du Fer constitue le terme d’une évolution longue, que l’on observe essentiellement à travers la culture matérielle. Or celle-ci se poursuit sans rupture longtemps après la guerre des Gaules, de sorte que l’horizon de La Tène D2b s’étend jusque vers la fin des années 30 avant notre ère, avec une transition progressive vers ce que J. Metzler a appelé le “gallo-romain précoce”, et qui n’est caractérisé, en fait, que par l’apparition, souvent lente et sporadique, de mobiliers d’importation méditerranéenne7. Les historiens classiques partent en revanche de prémisses différentes. Même quand ils contestent le terme de “romanisation”, pour des raisons qui remontent essentiellement à la décolonisation récente des empires modernes, ils se fondent presque toujours, de manière consciente ou non, sur l’existence implicite d’un “modèle” latin, dont on peut tout simplement se demander s’il a jamais existé vraiment, et ils se posent la question des écarts entre celui-ci et la réalité provinciale qu’ils observent. C’est oublier que l’Italie républicaine, à la veille de la conquête de la Gaule, restait elle-même un véritable patchwork culturel, dont la “romanisation” était fort inégale, parfois inachevée, un conservatoire de traditions fort anciennes à peine recouvertes par les marques distinctives de l’Urbanitas8.
Ainsi, analysant, dans un ouvrage qui a fait date, les mutations de la Gaule impériale, G. Woolf commence par une définition, au demeurant brillante, des notions qui définissent la culture romaine et fonde son premier et principal examen sur une cartographie des inscriptions latines9. Son approche est donc clairement “classique” et son point de vue se situe incontestablement du côté de la Méditerranée. Quelle que soit la pertinence intrinsèque de ce propos et des critères retenus, que l’on a parfois critiqués10, notre démarche est résolument différente. Il nous paraît plus intéressant de suivre de l’intérieur l’évolution des sociétés protohistoriques depuis une époque très antérieure à la conquête et de dépasser largement celle-ci, afin d’analyser cette trajectoire selon des prismes différents, le plus souvent empruntés à la culture matérielle : démarche d’archéologues qui observent les évolutions lentes des sociétés qu’ils étudient. Bien sûr il n’est pas question d’oublier ici les sources classiques et de les opposer artificiellement aux archives du sol, mais de montrer tout ce que les recherches archéologiques récentes apportent d’informations nouvelles sur cette période charnière. Dépasser les coupures académiques traditionnelles en réunissant protohistoriens et historiens nous a donc paru indispensable pour mieux comprendre le continuum du temps. Les limites, les lacunes de nos connaissances, les pistes de recherche pour l’avenir n’en apparaissent que plus clairement. Il est vrai que, selon le prisme qu’on utilise, le regard que l’on porte sur les sociétés provinciales peut être très différent : l’épigraphie, l’histoire de l’art, l’archéologie, avec ses différentes techniques actuelles, largement empruntées aux sciences de la nature, offrent des perspectives clairement différentes et portent à des jugements qui peuvent être parfois opposés et contradictoires. Il faut donc bien se résoudre, malgré qu’on en ait, au “caractère desséchant des recherches visant à distinguer sans fin traits romains et traits indigènes au sein des réalités provinciales, par le biais des realia, des objets et de la culture matérielle” que déplorait naguère P. Le Roux11, sauf à se résoudre à des approches nécessairement réductrices, fondées sur les seules sources écrites.
Une autre question, plus complexe, est celle de la zone d’étude envisagée. Je suis convaincu, pour ma part, que toutes les approches “globalisantes” sur la “romanisation” sont vouées par essence à l’échec, même quand elles se limitent au cadre restreint d’une province, si elles ne se fondent sur l’analyse des diversités locales, en partant du substrat protohistorique12. Or les historiens qui se sont engagés dans cette voie sont rares, ne serait-ce que parce qu’une telle démarche contraint aujourd’hui à brasser une montagne de sources archéologiques tellement hétérogènes et techniques que plus personne n’arrive à les dominer ni à en faire la synthèse. Certains s’y sont risqués, non sans profit historique13. Ceux qui ont, par surcroît, réussi à décrire les diversités régionales, l’infinie variété de la créolisation14 des sociétés protohistoriques sont les “happy few”15.
Si je devais ne retenir que quelques aspects symboliques de la “romanisation” dans l’Est de la Gaule, j’en choisirais deux :
- sous le règne de Tibère, voire un peu plus tard, on construisait à Alésia, là même où César avait vaincu la coalition gauloise, trois quarts de siècle plus tôt, un nouveau murus gallicus16.
- au même moment, ou à peu près, on déchargeait à Oedenburg, sur les bords du Rhin, des sacs de poivre17. Ces denrées venues d’Inde avaient accompli un long périple qui les avaient menées en haute mer sur l’Océan Indien jusqu’au Bab el-Mandeb, avant de remonter la mer Rouge pour traverser le désert oriental d’Égypte, rembarquer à Coptos, sur le Nil, descendre le fleuve jusqu’à Alexandrie ; de là on les avait chargées pour le port de Rome, où d’autres bateaux les avaient transportées jusqu’en Arles, avant qu’elles ne remontent le Rhône, puis la Saône. Elles n’étaient alors plus très loin de la frontière du Rhin. Cette partie de la Gaule entrait ainsi dans une économie qu’on ne disait pas encore “mondialisée”. Et pourtant !
Ce murus gallicus-romanus et ces grains de poivre sont, à mes yeux, les deux faces opposées mais complémentaires d’un même processus que nous appelons “romanisation”.
Le temps court
Les historiens de Rome sont toujours sensibles aux ruptures introduites par la conquête, car ils reconnaissent en celle-ci un commencement. Leurs questions passent par le filtre des sources écrites (épigraphie et textes) qui fournissent des indications essentielles, uniques, irremplaçables sur les nouvelles institutions, le droit des peuples conquis, les mutations et les promotions sociales, les changements de l’onomastique, l’évolution de la langue. Les archéologues classiques les rejoignent en étudiant prioritairement les éléments les plus visibles de ces ruptures : les formes architecturales et l’expression artistique, les matériaux de construction, l’introduction de techniques céramiques inédites, de nouveaux produits alimentaires et artisanaux… De fait, si l’on veut dresser une liste des modifications intervenues dans les quelques décennies qui ont suivi la conquête césarienne, on arrive à un catalogue impressionnant et incontestablement significatif à bien des égards.
L’un des éléments les plus déterminants des mutations de la géographie urbaine de la Gaule a sans nul doute été la réorganisation du réseau routier, communément attribuée à Agrippa si l’on en croit Strabon (4.6.11). Mais ce texte précieux, probablement surévalué et presque toujours surinterprété, pose autant de problèmes qu’il en résout. Le premier, et non le moindre, est celui de la chronologie. Agrippa, on le sait, a par deux fois exercé le pouvoir en Gaule, au nom d’Octavien/Auguste, mais aucune source historique ne permet de décider à quel moment le programme routier a été effectivement lancé. Selon qu’on choisit la date de son premier gouvernement (39-38), ou de son second (20-19), sur des critères de vraisemblance purement subjectifs, on écrit l’histoire d’une manière totalement différente qui implique un processus de transformation très précoce ou, au contraire, relativement tardif. L’archéologie n’a pas encore vraiment tranché ces questions de manière définitive, mais elle commence à livrer quelques indications. La plus importante vient assurément de la datation dendrochronologique des ponts de bois qui assurent la traversée des rivières, et on doit citer au premier rang celui de Trèves, bien daté de 18-1718. A. Dumont a proposé d’autres dates précoces pour différents ouvrages qui permettaient le franchissement de la Loire, mais il ne s’agit pas là nécessairement du “réseau d’Agrippa” proprement dit19. Le second problème, et qui n’est pas le plus simple, consiste au demeurant à identifier les routes décrites par Strabon et celles qu’on connaît grâce à l’archéologie20, mais aussi à l’aide des milliaires et des itinéraires plus tardifs, comme G. Walser a tenté de le faire dans le CILXVII21. C’est ainsi qu’on a pu proposer différents tracés alternatifs, notamment pour la “voie de l’Océan”22. M.-N. Pascal suggère de dater vers 22-21 avant J.-C. un tronçon de la voie antique Châlon-Autun, mais on aimerait avoir évidemment d’autres informations issues d’autres secteurs23. La troisième question, en effet, est celle de la réutilisation des réseaux de l’âge du Fer par les arpenteurs romains, mais il n’est pas non plus toujours aisé de déterminer les tracés les plus anciens. Il est certes bien tentant de restituer des itinéraires entre les agglomérations protohistoriques attestées (par exemple Besançon/Mandeure ou Metz/Toul) mais ce n’est pas là prouver la matérialité des chaussées elles-mêmes ni leur tracé. Là aussi la recherche sur les points de franchissement des rivières constitue un aspect très novateur du dossier des itinéraires Gaulois, car elle montre quelquefois l’antériorité protohistorique de ces passages obligés. Rappelons enfin que le texte de Strabon, écrit (ou du moins achevé) vers le début du règne de Tibère, peut parfaitement regrouper l’action des deux gouvernements d’Agrippa et oublier en même temps, dans son raccourci très schématique, nombre d’autres voies bâties à cette période. Il n’est pas nécessaire d’insister sur ces questions, au total bien connues, mais il n’était pas inutile de rappeler brièvement combien elles restent embrouillées.
On est paradoxalement sur un terrain plus ferme avec l’histoire du décor architectural. On peut constater la présence, même fragmentaire, de monuments figurés dont le style très précoce témoigne de la présence d’ateliers habitués aux pratiques et aux programmes décoratifs du Midi, dès la période médio-augustéenne, même si un certain retard dans la transmission des modèles ne doit pas être trop vite écarté, ce qu’on fait aisément. Une enquête dans les collections lapidaires des Séquanes, des Lingons, des Héduens est, de ce point de vue, riche et instructive ; elle rejoint en outre d’autres recherches du même ordre menées à l’étranger, par exemple à Cologne24. Elle ne doit pas pour autant occulter le fait qu’elle ne concerne que des bâtiments publics et traduit partiellement la réalité d’un temps qui laisse subsister, à côté des nouvelles formes architecturales, les techniques anciennes. On le voit bien avec l’exemple caractéristique du murus gallicus d’Alésia, qui n’est d’ailleurs sans doute pas un cas unique. Rappelons, à ce propos, que le dernier état de la porte du Rebout, à Bibracte, est considéré comme contemporain de la porte d’Arroux, à Autun25. Mais la réflexion vaut aussi dans d’autres domaines. Ainsi l’étude de l’architecture domestique, dans le centre des villes anciennes comme Reims ou Besançon, révèle-t-elle des mutations beaucoup plus lentes que celle des centres publics, mais cela est vrai aussi pour des villes neuves comme Troyes ou Amiens, dont le bâti urbain reste modeste, au moins jusqu’à l’époque de Tibère, et marqué par l’usage d’architectures de tradition indigène. Même quand les plans auront adopté des standards d’origine méditerranéenne, la technique des pans de bois persistera jusqu’à la fin de l’époque julio-claudienne, parfois même bien au-delà, la pierre ne faisant souvent son apparition qu’à l’époque flavienne, voire au IIe siècle. Encore est-ce presque toujours pour constituer des soubassements, non des élévations. À l’inverse, l’architecture domestique, sur l’oppidum des Héduens, connaît une révolution sans précédent avec l’adoption très précoce de véritables plans de domus caractéristiques des villes italiennes26. Toutefois, les fouilles récentes de la maison PC 1 de Bibracte montrent bien la succession des étapes constructives et établissent une chronologie sensiblement plus basse que celle qui prévalait autrefois. Là où J. Déchelette voyait la plus grande maison de Gaule, contemporaine de la conquête césarienne, et un signe de l’acculturation très précoce des Héduens27, l’archéologie actuelle prouve que la construction de la maison à l’opus spicatum (phase 4) n’est guère antérieure à 30 avant J.-C. et que la PC 1 proprement dite doit être attribuée aux trente premières années de notre ère, ce qui constitue un changement très significatif des rythmes exacts du processus de romanisation de Bibracte par rapport aux notions qui étaient les nôtres il y a encore 25 ans28.
Cette réflexion en entraîne une autre sur la mise en place des carroyages urbains : pendant très longtemps ceux-ci ont été attribués à des dates très hautes, remontant parfois aux débuts du principat augustéen. Là aussi l’archéologie actuelle a tendance à corriger cette chronologie ancienne, rarement fondée sur un examen précis du matériel (n°36).
L’exemple le plus caractéristique est sans nul doute celui de Trèves, récemment réévalué par J. Morscheiser-Niebergall. Reprenant avec une grande acribie tout le matériel augustéen découvert dans les fouilles anciennes et récentes, malheureusement très limitées en extension, l’étude prouve que, malgré la date de la construction du pont (18-17 avant J.-C.), les premiers niveaux d’occupation ne sont pas antérieurs à l’horizon de Haltern, plus généralement la première décennie de notre ère29. À Amiens, où J.-L. Massy et D. Bayard voyaient autrefois une mise en place du carroyage urbain vers 19-16 avant J.-C. avec un démarrage précoce de l’occupation du sol30, les récentes fouilles préventives envisagent plutôt un phénomène lent, en plusieurs étapes : la construction de la “voie d’Agrippa” aurait bien eu lieu vers 15-12, et aurait été suivie de premières traces d’habitat très modeste, sans doute avec un premier carroyage limité, d’ailleurs non cohérent avec la grande voie, mais l’espace urbain n’aurait pas été densément occupé avant le début du règne de Tibère31. À Reims, la trame viaire semble établie juste avant le changement d’ère et elle est suivie assez vite de l’édification d’une des premières domus urbaines, la maison de Muranus32. À Autun, on a longtemps daté la fondation urbaine dans la dernière décennie avant notre ère, au plus tard, en raison de la similitude stylistique entre les chapiteaux de la porte d’Arroux et certains chapiteaux de Narbonnaise33. Mais ceux de la porte Saint-André sont considérés désormais comme sensiblement postérieurs, probablement tibériens, et il n’est plus sûr du tout que la construction de l’enceinte et la trame viaire soient contemporaines et homogènes34. Les fouilles préventives les plus récentes semblent toutefois avoir fait remonter chronologiquement les tout premiers niveaux d’occupation vers le tournant de l’ère, peut-être avec un premier carroyage différent du plan urbain du Haut-Empire35.
Ces quelques exemples empruntés tant à la Gaule du Nord qu’à celle de l’Est (mais on pourrait en citer bien d’autres) montrent à tout le moins un processus d’urbanisation légèrement plus tardif qu’on ne le pensait, avec une fondation des villes nouvelles vers le tournant de l’ère, et parfois un décollage effectif vers la fin du règne d’Auguste seulement36.
Ces problèmes de datation ne sont pas sans conséquence sur notre perception historique des institutions politiques et religieuses des cités gauloises au début de l’Empire. Ils en sont même un élément fondamental. La construction d’un centre politique (forum et basilique) mais aussi d’un sanctuaire du culte impérial, la mise en place des cultes publics, avec l’édification des temples consacrés aux dieux de la cité sont les éléments constitutifs d’un nouveau paysage civique et d’un changement de statut des communautés pérégrines37. Or c’est cette chronologie précise qui nous fait le plus souvent défaut, occultant notre compréhension du rythme même de la romanisation. Les historiens considèrent tantôt que l’organisation administrative de la Gaule a été décidée dès 27, en s’appuyant sur un passage de Dion Cassius (53.22.5), tantôt que c’est le dernier séjour d’Auguste dans la province, entre 16 et 13, qui a donné le branle à l’organisation administrative de la Comata38. Quels que soient les arguments des uns et des autres, les faits archéologiques, tels que nous les considérons aujourd’hui, montrent un évident retard de fait par rapport aux décisions impériales supposées39.
À bien des égards la comparaison avec la situation de la Cisalpine est sur ce point assez éclairante, d’autant que cette province, qui avait reçu le ius Latii par une lex Pompeia de 89, fut intégrée en 49 dans l’Italie romaine par la lex Roscia, et connut alors seulement un processus général de municipalisation. R. Villicich a bien montré, dans un livre récent, que la phase de création des centres publics monumentaux de cette région n’était guère antérieure au règne d’Auguste40. Pour la phase antérieure, entre 89 et 49, c’est-à-dire une période pendant laquelle les nouveaux centres civiques latins disposaient théoriquement des édifices publics nécessaires à l’Urbanitas, l’archéologie les perçoit mal ou ne les perçoit pas. La question qui se pose – et à laquelle on ne sait pas actuellement répondre – est la suivante : ces installations sont-elles oblitérées par les constructions ultérieures, ce qui fait que les fouilleurs ne les voient pas, ou ont-elles subi un réel retard de mise en place, la vie publique se contentant, en attendant, de cadres provisoires41 ?
C’est pourquoi la découverte d’une “basilique” à Bibracte, qui plus est datée des années 40-30 avant notre ère, pose tellement de problèmes aux historiens : elle suppose en effet l’octroi aux Héduens du droit latin, à peu près au moment où nombre de cités pérégrines de la future Narbonnaise en étaient elles-mêmes dotées42, c’est-à-dire très tôt, s’agissant d’une province nouvellement conquise comme la Comata et encore largement inorganisée d’un point de vue juridico-administratif. L’hypothèse n’est pas absurde en elle-même, et elle a été reprise sur d’autres bases, avec de bons arguments, par A. Hostein43. On se gardera toutefois, faute de preuves archéologiques encore bien établies d’y accorder un crédit total, d’autant que, recouverte par une domus privée à partir de 20-15, elle ne saurait avoir été remplacée dès cette date à Autun même par un monument semblable, au moins dans l’état actuel de la recherche archéologique. Le débat, sur ce point, n’est donc pas clos44.
L’usage du vocabulaire architectural utilisé doit donc rester prudent : parler de forum pour une agglomération comme celle d’Alésia, alors que les Mandubiens n’apparaissent pas dans la liste plinienne des peuples de Lyonnaise, prête évidemment à confusion si le mot n’est pas correctement explicité, et même si l’existence d’une place publique est indéniable45. La datation précise des différentes phases de cet ensemble public mériterait une fouille soigneuse, assortie d’une étude stratigraphique du matériel, si c’est encore possible après tous les “sondages” suivis de restaurations incontrôlées qu’on y a effectués46. Il en va de même à Vertault, incontestable vicus doté d’un centre monumental et d’une possible basilique47, ce qui, comme à Alésia, ne pose aucun problème institutionnel… si l’on se place après la constitution antoninienne. La grande inscription de Vertault en l’honneur de la domus diuina (CILXIII, 5661) suggère d’ailleurs d’aller vers une datation basse des installations mentionnées. Mais il va de soi qu’une confrontation avec des données archéologiques nouvelles, soigneusement étalonnées, serait indispensable et probablement très fructueuse pour notre compréhension de l’équipement public d’un vicus.
Pourtant, si l’archéologie la plus récente nous incite à ne pas faire remonter trop tôt dans l’époque augustéenne l’émergence effective des villes nouvelles, l’épigraphie nous interdit en même temps de la faire descendre trop tard. Les deux grandes inscriptions de Reims (CIL XIII, 3254 ; AE 1982, 715) et de Trèves (CIL XIII, 3671 ; BRGK 1959, 123, 1) en l’honneur des Caesares morts, postérieures à 4 de notre ère, la dédicace honorifique à Caius découverte à Sens, datable de 2-3 (CIL XIII, 2942) ou l’autel de Bavay, célébrant l’adventus de Tibère, en 4 après J.-C. (CIL XIII, 3570) impliquent des communautés civiques organisées et l’existence d’un centre public pour célébrer le culte impérial. Dans le cas de Sens, c’est d’ailleurs la ciuitas Senonum elle-même qui intervient, non un notable. Comme l’a justement rappelé W. van Andringa, des autels à Rome et Auguste ont probablement existé dans toutes les nouvelles capitales, quand bien même celles-ci, et notamment leurs fora, pouvaient être encore en cours de construction48.
C’est bien ce modèle que l’on voit mis en œuvre à Waldgirmes, à 80 kilomètres l’est du Rhin, en pleine Germanie libre, et au même moment49. L’intérêt de ce site majeur, à chronologie très courte (entre 3 avant J.-C. au plus tard et les campagnes de Germanicus, en 14-16) est de montrer la mise en place d’une “ville neuve”, avec son forum, orné de la statue équestre de l’Empereur, son réseau viaire, ses domus à la romaine, ses greniers, ses ateliers. Une petite ville, au demeurant (7,7 ha), encore lotie de manière partielle (l’espace au nord du forum est vide) mais fortifiée, dont les habitants étaient sans doute peu nombreux encore. Son rôle était de fournir un centre politique et sans doute un marché aux Germains dont les traces matérielles sont évidentes à l’intérieur de l’agglomération. Une création militaire, évidemment destinée à une population civile, et cette observation permet, par comparaison, de mieux comprendre comment ces fondations nouvelles ont pu s’établir dans la Gaule intérieure.
Le temps long
On peut toutefois écrire l’histoire autrement, en changeant de perspective, et en replaçant l’évolution de la Gaule de l’Est dans une chronologie longue, au sein de laquelle les 50 ou 60 années qui ont suivi la conquête césarienne ne sont plus qu’un moment du temps. Plusieurs des études amorcées dans cet ouvrage permettent de s’en convaincre aisément.
Commençons par l’évolution des campagnes, où vit, après la conquête comme pendant l’âge du Fer, l’essentiel de la population de cette époque. Bien que la zone qui nous concerne ici ne soit pas, loin s’en faut, la mieux étudiée des régions françaises, si on la compare au Midi, depuis longtemps mieux documenté, ou au nord du Bassin parisien où les données nouvelles se sont multipliées depuis un quart de siècle50, la plupart des indices recueillis tendent, comme ailleurs, à montrer que la Gaule de l’Est s’inscrit dans la trame d’une évolution rurale longue, commencée à la fin de la Tène moyenne au moins51. Les rares diagrammes palynologiques disponibles révèlent globalement un paysage ouvert au plus tard depuis la Tène moyenne, en même temps qu’une mosaïque de terroirs localement très diversifiés, d’où les zones d’élevage ne sont pas absentes, même à l’époque romaine52. On manque malheureusement d’observations multiples et géographiquement bien réparties pour étudier plus en détail ces phénomènes. Les études de carpologie montrent aussi, comme ailleurs en Gaule, une céréaliculture déjà très diversifiée à l’âge du Fer, même si le nombre de taxons augmente après la conquête53. L’horticulture est bien développée à la Tène finale, ainsi que la culture des prairies, un phénomène qui atteste les progrès apportés à la gestion du cheptel avant la conquête. La mutation la plus évidente de l’époque romaine réside dans l’importation, sans doute suivie dans la plupart des cas d’une acclimatation de fruits, d’épices et de légumes d’origine méditerranéenne. On mesure pourtant encore mal, faute de contextes nombreux et bien datés, le rythme de cette acclimatation, d’une part, la destination finale des produits importés, d’autre part. Sur un site comme celui d’Oedenburg, l’un des mieux documentés de cette région pour l’époque romaine, les grains de poivre que je citais en ouvrant cette conclusion étaient-ils destinés à la population indigène locale ou aux grands officiers du camp militaire ? Vu leur coût, probablement exorbitant, c’est la seconde hypothèse qu’il convient évidemment de retenir, et on doit se poser la même question pour les nombreux fruits et légumes méditerranéens retrouvés à cet endroit, ce qui change sensiblement la perspective et tend à relativiser l’impact effectif de telles importations sur les pratiques alimentaires de la société provinciale, au moins dans les premières décennies qui ont suivi la conquête. Il faudrait en effet trouver ces plantes méditerranéennes en contexte rural pour apprécier leur intégration dans le cortège des espèces cultivées localement, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. S’agit-il, en somme, de “friandises” qu’on trouvait essentiellement sur les marchés urbains et dans les camps, ou d’une consommation ordinaire largement répandue même au sein des campagnes ?
Les formes de l’exploitation du sol, bien que mal documentées encore, ne laissent pas percevoir une situation très différente de celle du reste de la Gaule du Nord. On constate tout d’abord que les centuriations romaines sûrement attestées sont rares, ce qui semble prouver qu’il n’y a pas eu ici d’appropriation brutale et généralisée du sol provincial après la conquête. Les seuls cas possibles se rencontrent évidemment chez les Rauraques, unique colonie de notre zone, mais où les traces matérielles de cadastre font largement défaut, ou dans les parages de Mirebeau, sans doute en raison des circonstances historiques qui ont mené les Lingons à la révolte et la VIIIe légion à s’installer dans la région54. On commence en revanche à pouvoir déceler des parcellaires protohistoriques diversifiés, souvent difficiles à distinguer de leurs successeurs55. Les quelques (trop rares) études d’ensemble disponibles sur l’évolution de l’habitat rural56 révèlent une accélération des créations d’établissements agricoles pendant La Tène C2, assurément la période la plus dynamique, alors que la période de la Tène D1b, au début du premier siècle avant notre ère semble au contraire marquer au mieux une stabilisation57. La période de La Tène D2a, juste avant la conquête, semble en revanche caractérisée par une forte augmentation, alors que le bilan des créations et des abandons redevient presque nul à la Tène D2b, juste après la guerre des Gaules, ce qui ne constitue évidemment pas une surprise. Mais nous manquons de courbes à chronologie longue allant au moins jusqu’au milieu du Iersiècle après J.-C. pour apprécier la réalité de la reprise supposée à partir d’Auguste. En tout état de cause, au-delà des fluctuations locales et temporaires qu’un corpus numériquement limité peut parfois suggérer à tort, l’évolution de cet habitat rural s’inscrit, au début de l’époque romaine, dans un cadre établi depuis longtemps et globalement stable58. Comme D. Bayard et J.-L. Collard avaient pu le montrer pour la Picardie59, on observe dans le Grand-est d’incontestables exemples de continuité dans l’occupation de mêmes sites ruraux entre la période de la Tène finale et l’époque gallo-romaine. Les recherches actuelles, même partielles, conduisent toutefois à ne pas traiter en termes généraux et globalisants les phénomènes de déprise ou de stabilité des exploitations sans considérer avec attention la pédologie des sols, d’une part, les terroirs, d’autre part, avec leurs réseaux d’agglomérations.
C’est à cette aune, sans doute, qu’il faut apprécier l’apparition et le développement de la villa gallo-romaine, dont la cartographie montre les zones de prédominance mais aussi celles où les grands domaines semblent absents60. On constate, ici comme ailleurs, notamment en plaine de France, une assez grande diversité dans le maillage territorial des exploitations agricoles, les petites fermes cohabitant avec les grands domaines61. De ce point de vue aussi la comparaison avec l’Italie tardo-républicaine et augustéenne paraît intéressante. N. Terrenato y a souligné la diversité des situations régionales et le caractère non ubiquiste des villas. On reconnaît aujourd’hui plus volontiers qu’autrefois l’existence de nombreux petits établissements intermédiaires que la recherche antérieure, focalisée sur les grands domaines esclavagistes, avait longtemps négligés62.
À l’inverse, dans l’est de la Gaule, l’archéologie récente a pu mettre en évidence l’existence d’établissements agricoles aristocratiques de la fin de l’âge du Fer, même si, à la différence de l’ouest63, ces hiérarchies sociales se traduisent essentiellement par le biais de sépultures particulièrement luxueuses, en particulier celles de Clemency64. Analysant ces phénomènes dans la longue durée, F. Trément propose de distinguer trois phases successives dans le développement des campagnes de Gaule : une première, antérieure à la conquête du Midi, qui se caractérise par un processus de développement endogène ; la seconde, avant la période augustéenne, qui voit l’intensification des échanges avec le monde méditerranéen, accélérant les mutations déjà en cours ; une troisième, marquée par l’intégration dans l’Empire, mais dont les spécificités locales et le rythme de développement restent mal définis65. Cette analyse constitue évidemment une rupture par rapport à la vision traditionnelle encore développée dans l’Histoire de la France rurale66.
Dans le domaine funéraire, évoqué à l’instant, la plupart des études récentes n’ont guère montré, après la conquête, une modification immédiate et brutale des pratiques en vigueur. Il est vrai que les conclusions qu’on peut formuler sont essentiellement tirées de la périphérie de notre zone d’étude (le territoire trévire, notamment), faute de fouilles récentes sur de grandes nécropoles à chronologie longue. Le meilleur exemple est sans doute celui de Wederath/Belginum, dont l’occupation s’étend sans solution de continuité du milieu du IIIe siècle avant notre ère au IVe après J.-C. Des différentes et très nombreuses publications qui lui ont été consacrées, et qu’il est impossible de citer ici en totalité, il ressort assez clairement que l’époque romaine s’inscrit très nettement dans le droit fil de la période protohistorique, au moins jusqu’aux Flaviens67. C’est à ce moment, et à ce moment seulement, que les différentes pratiques funéraires de ce village gaulois, devenu vicus routier, montrent une évidente “romanité”. L’étude menée par J. Kaurin sur l’ensemble du matériel métallique des tombes trévires confirme ce phénomène68.
Encore faudrait-il s’entendre sur ce qu’on appelle “romanité”, un concept qui suppose l’existence de normes générales, valables pour tout l’Empire, mais que nous sommes bien incapables de définir, même lorsque nous nous limitons à l’Italie69. Les différentes recherches menées dans l’est de la Gaule révèlent en revanche une grande diversité locale des pratiques, tant avant qu’après la conquête, ce qui interdit probablement de s’exprimer en termes généraux70. Même des rites réputés typiquement “romains”, comme l’offrande monétaire, apparaissent avant la guerre des Gaules.
C’est peut-être dans les tombes aristocratiques qu’on voit les effets les plus précoces et les plus spectaculaires de ce que nous appelons communément la “romanisation”. Non seulement la Gaule orientale a révélé, comme ailleurs, de nombreux “membra disiecta” provenant de grands mausolées71, mais elle a livré ces dernières années plusieurs tombeaux monumentaux datés très précocement, ceux d’Avenches72, celui de Faverolles73 et celui de Bertrange74. La rupture est, dans ce cas, évidente, avec l’époque de l’indépendance, car elle est marquée, dès l’époque tibéro-claudienne, par une adoption des formes architecturales méditerranéennes. Mais, comme l’ont fait à juste titre remarquer J. Metzler et C. Gaeng, on ne sait pas toujours si le défunt est un aristocrate gaulois “romanisé”, faisant siennes les pratiques des nouveaux maîtres, ou au contraire un Italien installé dans la nouvelle province75. Si la première hypothèse est probable pour Avenches, elle est nettement moins certaine dans les deux autres cas, et il peut s’agir de “nouveaux” propriétaires fonciers dont l’origine reste indéterminée. Ces exemples exceptionnels ne doivent donc pas faire oublier que, dans la majorité des cas, les sépultures des humiliores s’inscrivent encore dans la suite des traditions protohistoriques locales, pendant au moins un siècle après la conquête césarienne.
Envisageons maintenant la question de l’habitat groupé, une notion probablement plus pertinente du point de vue de la géographie humaine que l’opposition traditionnelle entre ville et village (et en évitant le terme d’”agglomération secondaire” qui eut ses vertus heuristiques, mais est devenu un concept quelque peu obsolète). Nous avons bien conscience, quand on évoque la période antérieure à la conquête, d’être fort loin de la notion latine d’urbanitas, qui a longtemps orienté les études sur les villes gallo-romaines, et qui conduisait encore en 1980 les auteurs de l’Histoire de la France urbaine à se demander s’il existait une ville protohistorique, tout en répondant à cette question de manière nuancée et alors novatrice76. P. Barral a rappelé que c’est à partir de la transition LTC2/LTD1 (vers le milieu du IIe siècle avant notre ère) que l’on commence à percevoir, dans l’Est de la Gaule, la naissance de petites agglomérations agricoles et artisanales, avec une accélération dans les années 130-100. Mais, vers la fin de cette période, on observe un mouvement de bascule qui se traduit par l’abandon brutal de toute une série d’agglomérations ouvertes et l’émergence d’habitats groupés fortifiés, que les protohistoriens qualifient d’oppida77. Cette floraison ne se fait pas de manière homogène partout : Bibracte, Besançon (à l’origine une agglomération ouverte) apparaissent dans les années 130-110 ; Alésia, Langres, Boviolles semblent des créations plus tardives, un petit oppidum comme Bâle-Cathédrale commence à se développer probablement vers les années 80 avant J.-C. Ce mouvement se renforce vers le milieu du Ier siècle, autour de la guerre des Gaules, avec des agglomérations ouvertes comme Troyes ou Lousonna, et on l’observe dans toute la région, jusqu’au plateau suisse et au lac de Constance78 ; il continuera ultérieurement, parfois trois quarts de siècle après la conquête, avec de nouvelles créations comme celle d’Oedenburg79 ou Dijon, encore plus tard. Certaines agglomérations, comme Besançon, Reims, Langres, qui sont assurément des oppida protohistoriques, deviennent à leur tour des capitales de ciuitates gallo-romaines avec une postérité jusqu’à nos jours, tandis que d’autres continuent de jouer un rôle majeur pendant près d’un demi-siècle après la guerre des Gaules, avant d’être abandonnées au profit d’un site neuf (Bibracte). Mandeure, Bâle, Alésia, sans être des capitales, continuent de jouer un rôle régional et de se développer pendant la période romaine. D’autres enfin se déplacent quelque peu, tantôt avant la guerre des Gaules (Verdun/Cabillo), tantôt bien après (Boviolles/Naix). Dans l’ensemble, le Grand-est paraît comporter nettement moins de “villes neuves” que le Nord de la Gaule (Amiens, Bavay, Tongres, Trèves…). On ne constate donc pas de phénomène univoque et brutal, consécutif à la conquête, mais bien au contraire une série de trajectoires diverses, liées, probablement, à l’importance économique des pôles de peuplement et à la réorientation des axes routiers au sein d’un paysage “urbanisé” de longue date. Il doit toutefois être clair, on l’a rappelé, que les caractères “indigènes” de cette urbanisation subsistent très longtemps après la guerre des Gaules. L’adoption très précoce de standards méditerranéens dans l’architecture de Bibracte constitue, sur ce point, une notable exception, non la norme (n°37).
S’agissant des transformations des productions manufacturées, M. Feugère avait déjà bien montré, lors du colloque de Lausanne, que la plupart des techniques artisanales étaient déjà présentes dans la Comata bien avant la conquête, notamment en ce qui concerne la technologie du métal80. Les quelques enquêtes régionales menées confirment cette proposition globale et la meilleure preuve en est sans doute la grande similitude qu’on rencontre dans l’organisation et la production des ateliers de Bibracte et d’Autun81. C’est, affirmait avec raison M. Feugère, le contexte social de la production artisanale qui semble avoir le plus changé. Je pense qu’il faut y ajouter le contexte économique, avec une redistribution des circuits d’approvisionnement en matières premières dont les meules fournissent un bon exemple82. L’existence du marché militaire, important dans cette région, a sans aucun doute réorienté certaines productions. En témoigne l’étude que E. Rabeisen avait consacrée aux bronziers d’Alésia et aux fournitures destinées à la cavalerie militaire83. En d’autres domaines, la concurrence entre les nouveaux produits manufacturés et les anciens a sans doute contribué à affaiblir ces derniers. C’est le cas, notamment, de la vaisselle sigillée qui gagne des parts de marché au détriment de la céramique locale. Toutefois, comme le soulignent A. Delor Ahü et S. Mouton-Venault84, cette évolution ne s’est faite que progressivement ; encore est-elle inégale selon les types de sites et de contextes. Par ailleurs, elle a été compensée par l’émergence d’autres productions régionales, les gallo-belges notamment. Le phénomène n’est donc nullement univoque et linéaire. Est-il même un facteur clair de “romanisation” ? L’accroissement de la consommation de vin ne traduit au fond qu’une accélération et sans doute une plus large diffusion sociale d’un flux antérieur à la conquête, il révèle un goût pour un produit plus qu’une évolution des mentalités proprement dites. L’ambiguïté de l’artefact archéologique est donc grande en ce cas. Il reste que les mutations du vaisselier, mais aussi d’autres sources (littéraires, iconographiques, archéozoologiques, archéobotaniques) montrent bien l’évolution des pratiques alimentaires, même si ces dernières ne se traduisent probablement pas par une rupture brutale ni une diffusion sociale indifférenciée85. Sur ce point aussi nous manquons d’études fines qui pourraient permettre d’évaluer les différences entre les campagnes, les villes, les zones du limes.
C’est paradoxalement dans le domaine religieux, pourtant considéré en soi comme conservateur, qu’il est peut-être le moins facile de caractériser les phénomènes de continuité entre l’époque protohistorique et la période romaine86. Non pas, bien entendu, que j’aie l’intention de les nier car la persistance des cultes locaux antérieurs à la conquête est évidente, et pas seulement en Gaule : pour prendre un exemple extérieur à la Comata, on sait bien que le Saturne punique, en Afrique, est resté la grande divinité de la population après la chute de Carthage. En Gaule même, J. Scheid a mis en évidence le processus de réorganisation du panthéon des Trévires, dont le grand dieu poliade, Lenus Mars, est assurément issu d’une divinité locale honorée dans un contexte civique et religieux nouveau87. N. Roymans pour les Bataves88, T. Derks pour la Gaule du Nord-est89 ont analysé des phénomènes similaires. Ces mutations, réalisées localement, communauté par communauté, lors de la constitution des nouvelles cités, interdisent de considérer de manière simpliste les phénomènes de continuité religieuse entre la période protohistorique et l’époque impériale, comme si les dieux “gallo-romains” n’étaient que la copie conforme des dieux “gaulois”. Nous sommes d’autant plus embarrassés pour juger ces phénomènes que les sources dont nous disposons ne sont pas identiques pour l’une et l’autre période : d’un côté des sanctuaires et des offrandes, qu’on commence à mieux connaître archéologiquement ; d’un autre côté des sanctuaires, des offrandes, mais aussi des témoignages iconographiques et épigraphiques qui nous permettent, dans un certain nombre de cas, d’identifier les dieux honorés dans les temples, ce que nous ne pouvons presque jamais faire pour l’époque de l’indépendance. En outre, l’habillage onomastique romain masque trop la personnalité des divinités celtiques pour qu’on puisse qualifier aisément celles-ci ; en témoigne, par exemple, le volumineux dossier de Mars qui rassemble, sous un même théonyme latin, des dieux locaux très divers entre eux et fort différents du Mars romain90. Il faut donc essayer de sérier les problèmes.
C’est sur la question des sanctuaires protohistoriques que les récents progrès de l’archéologie ont été les plus spectaculaires. On n’en connaissait aucun il y a quarante ans. Le bilan dressé en 2003 par P. Arcelin et J.-L. Brunaux avait déjà montré l’accroissement considérable de nos informations91. On constate aujourd’hui que, même si nous sommes toujours moins bien renseignés sur le Grand-Est que sur le Nord de la France, les cartes et la base de données dressées par St. Izri et P. Nouvel permettent de disposer d’un instrument de travail renouvelé et d’une grande utilité92. En outre la fouille extensive et quasi exhaustive d’un grand sanctuaire à la fois protohistorique et romain comme celui de Mirebeau93 vient désormais fournir d’importants éléments de comparaison avec ce qu’avaient pu nous apprendre celles de Gournay ou de Ribemont94. Ce cas exceptionnel montre une continuité du culte de 300 avant J.-C. à la seconde moitié du IIe siècle de notre ère, avec une remarquable stabilité de l’occupation spatiale, malgré l’évolution architecturale et la mutation des pratiques rituelles. Il permet de mieux réfléchir à l’évolution d’autres sanctuaires régionaux qui s’inscrivent eux aussi dans la longue durée et survivent à la conquête césarienne (Mandeure, Besançon, Alésia, Le Titelberg, Nitry, Naix, Imphy…) même si leur chronologie est souvent moins longue que celle de Mirebeau.
Le second intérêt des enquêtes récentes est de montrer, en multipliant les exemples, que les transformations architecturales qui conduisent à l’apparition de ce que l’on continue d’appeler (à tort) le fanum gallo-romain, avec sa cella centrale et son déambulatoire périphérique, n’apparaissent probablement pas avant l’époque tibéro-claudienne, au plus tôt. Ceci vaut, semble-t-il, pour les sanctuaires d’origine protohistorique mais aussi pour de nouveaux complexes nés à l’époque romaine, comme celui d’Oedenburg95. On rejoint ici une observation déjà formulée par T. Derks96. Bien sûr celle-ci ne vaut probablement pas pour des villes neuves comme Avenches, très marquées, dès leur origine, par leur imprégnation des modes de pensée romains. Il serait évidemment intéressant de vérifier, à l’intérieur des nouvelles capitales de cité, quand exactement et selon quelles modalités l’architecture des sanctuaires protohistoriques s’est transformée, lorsque ces capitales sont d’anciens oppida (Besançon, Reims). On pourrait sans doute toucher là, de manière concrète, la réalité et la chronologie de l’intégration de ces ciuitates pérégrines dans le moule romain.
La question des rites d’offrandes constitue un terrain encore plus miné, et il est caractéristique que personne n’ait abordé ce problème lors du colloque de Lausanne sur “La romanisation et la question de l’héritage celtique”97. Elle l’a été lors de la table-ronde de Cambridge, mais prudemment limitée aux mutations de la fin de l’âge du Fer, plus aisées à appréhender98. Il est vrai qu’on a besoin, pour la traiter, de sites à chronologie longue, bien stratifiés et bien fouillés, ce qui est rarement le cas. Même limitée à la période antérieure à la conquête, la question est d’autant plus ardue qu’on tente de l’aborder en dressant une synthèse à partir de données partielles, empruntées à des sites provenant de contextes géographiques très divers, alors que seules des mises en série régionales seraient pertinentes, mais l’état lacunaire de la documentation ne permet pas encore d’y parvenir. Dans le Grand-Est, seul le sanctuaire de Mirebeau répond à tous les critères requis pour une analyse globale de l’évolution des rites d’offrande sur une longue période, mais l’analyse réalisée par G. Bataille sur les mobiliers métalliques permet d’élargir un certain nombre de conclusions99. J’en rappelle quelques points importants à mes yeux. G. Bataille souligne l’existence de deux périodes de mutation, la première vers le milieu du IIesiècle avant notre ère qui voit la diversification des types d’objets retrouvés dans les sanctuaires (vaisselle, ustensiles culinaires, outillage, artisanat), au détriment des armes et des parures de la période précédente. Ajoutons ici, avec S. Izri100, les premières offrandes monétaires et, avec P. Barral et M. Joly (pour Mirebeau), les premiers vases miniatures. Une seconde période de mutation se situe autour de la guerre des Gaules ou peu avant celle-ci, avec l’apparition des premières offrandes par destination (rouelles) et l’accroissement des dons monétaires, tandis qu’à Mirebeau les objets manufacturés se raréfient. Les sacrifices d’animaux deviennent alors massifs, traduisant sans doute de nouvelles pratiques sociales, avec l’introduction de véritables boucheries101 ; on constate en parallèle une forte augmentation des amphores vinaires.
Ces types de dépôts continuent après la conquête, sans changement notable. On les observe encore dans les sanctuaires d’Oedenburg, édifiés au début de notre ère, où même de véritables armes apparaissent (mais ce peut être le fruit de la présence des soldats romains qui tiennent garnison à cet endroit), alors que sur d’autres sites (Flaviers) ce sont des armes miniatures (donc des offrandes par destination) qui sont déposées. On doit même constater, à Oedenburg, la présence en nombre significatif d’équidés et de chiens dans l’enclos des temples, des animaux dont on considère d’ordinaire qu’ils ne sont plus consommés à cette époque102. P. Méniel a raison de rappeler dans ces pages que les transformations architecturales apportées aux sanctuaires, notamment la pratique des sols maçonnés, modifie la nature des dépôts, après le milieu du Ier siècle de notre ère.
Ces phénomènes sont complexes et les conclusions assez fragiles. On aurait tort, en outre, de vouloir pousser trop loin l’interprétation religieuse des différentes offrandes observées, à supposer d’ailleurs qu’il s’agisse toujours d’offrandes. Ce mouvement d’évolution montre toutefois que la culture matérielle, dans le domaine religieux comme dans les autres, traduit des mutations dont certaines sont bien antérieures à la conquête, d’autres sensiblement postérieures, et que la “romanisation”, là non plus, n’est pas un phénomène qui intervient brutalement et partout de manière simultanée. Les changements introduits par la réorganisation des cultes au moment de la structuration civique des nouvelles ciuitates sont indubitables, mais encore très difficiles à corréler avec l’évolution des pratiques que l’on perçoit obscurément à travers la culture matérielle, sans en saisir toujours le sens. Au demeurant, il importe de rappeler que seuls les cultes publics des communautés qui jouissent au moins du droit latin sont touchés par cette réorganisation de la religion poliade. Les autres ne sont pas a priori concernés, dans la mesure où ils ne troublent pas l’ordre public. Doit-on rappeler ici que la plus longue inscription lapidaire que nous connaissions en langue gauloise provient du sanctuaire d’Ucuétis à Alésia (CIL XIII, 2880) ? D’époque impériale indéterminée, elle est dédiée par un certain Martialis (nom latin), fils de Dannotalis (nom celtique) avec les forgerons du lieu, à l’occasion de la fonte de la statue divine : bel exemple de la complexité de ces phénomènes que nous avons du mal à interpréter de manière claire.
Les disparités régionales
La Gaule de l’Est ne constitue pas, c’est une évidence, une région homogène, ni d’un point de vue politique, ni d’un point de vue culturel, que l’on se place avant ou après la conquête. Elle a d’ailleurs, sous l’Empire, été divisée entre plusieurs provinces : tandis que les Séquanes et les Helvètes étaient rattachés à la Germanie supérieure, au moins après la création “officielle” de celle-ci, sous Domitien103, les Héduens et les Tricasses relevaient du gouverneur de Lyonnaise, les Rèmes, les Leuques, les Médiomatriques et les Trévires de celui de Belgique. Quant aux Lingons, ils ont été ballottés à plusieurs reprises, d’abord intégrés à la Belgique si l’on en croit Pline l’Ancien (Pline HN, 4.106), puis attribués à la Germanie supérieure104. Sans entrer plus avant dans un débat complexe et hors de propos sur la nature des sources d’époque romaine, contentons-nous de constater que cette division provinciale n’a guère eu d’importance pour la question qui nous occupe ici. On doit rappeler toutefois la disparition de plusieurs peuples connus avant la guerre des Gaules, et qui ont été intégrés à un ensemble plus vaste : les Mandubiens sont les plus souvent cités en raison de la notoriété que leur a conférée César, mais il y en eut d’autres, comme les Boiens ou les Ambarres. Cette réorganisation territoriale, généralement attribuée à Auguste par les historiens, mais sans que cette opinion commune repose sur une source antique explicite, interdit, on l’a souvent rappelé, d’identifier trop strictement ciuitates romaines et peuples protohistoriques, même si les filiations sont évidentes. De même faut-il éviter d’imaginer pour l’époque romaine des subdivisions territoriales (“pagi”) organisées de manière invariable selon un schéma administratif qui emprunte plus à la France de Napoléon qu’à la Gaule romaine, encore moins faire remonter sans précaution au second âge du Fer les rares informations d’époque impériale dont nous disposons. Je me contenterai de ce bref rappel, sans insister davantage sur des questions qui ont été bien étudiées ces dernières années105.
Il me paraît en revanche plus intéressant de nous attacher à d’autres diversités, liées à la géographie, mais aussi à l’histoire des différentes régions qui constituent cet ensemble disparate que nous nommons le Grand-Est. Alors qu’on vient d’étudier brillamment les Alpes à l’époque romaine106, on n’a guère porté d’intérêt, jusqu’à maintenant, aux régions marginales de l’Est de la Gaule, sauf sur des aspects précis. Même si elles sont tout sauf homogènes, les cartes incluses dans les différents volumes de la Carte archéologique de la Gaule montrent de réelles diversités microrégionales. Mais la synthèse de ces informations disparates n’est pas faite et l’archéologie spatiale de ces régions, pour lesquelles les bases de données existent pourtant dans les Services régionaux de l’archéologie, reste à écrire.
L’une de ces régions de marge est la frontière rhénane, à la fois en raison de sa géographie mais aussi de son histoire particulière qui la distingue clairement des territoires de Gaule intérieure. Observons, pour commencer, que le bassin du Rhin supérieur (plaine d’Alsace et de Bade puis vallée du Rhin jusqu’au lac de Constance) a connu d’importantes variations de peuplement dès la fin de la Tène ancienne107. Alors que la région était jusque-là densément occupée, le nombre des tombes diminue drastiquement à partir du début du IIIe siècle avant notre ère et les sépultures deviennent rarissimes jusque vers 150 avant J.-C., ce qui implique une forme de dépeuplement. La région redevient démographiquement active pendant toute la Tène D1, mais elle paraît de nouveau très dépeuplée avant la guerre des Gaules : les vestiges archéologiques de cette période sont en effet rares dans toute la plaine108. La partie nord de la plaine d’Alsace, sans doute un territoire médiomatrique, semble alors quasi abandonnée109. Le grand habitat ouvert de Bâle-Gasfabrik est remplacé par le petit oppidum de la Cathédrale, celui du fossé des Pandours ne semble plus occupé avant la guerre des Gaules ; au milieu de la plaine les petits oppida de Breisach et du Limberg, en bordure du Rhin, polarisent une population manifestement peu nombreuse. La cause de cette relative désertification est peut-être la présence des bandes d’Arioviste, mais ce n’est là qu’une hypothèse parmi d’autres, car on trouverait à la même époque une situation encore pire en Allemagne du sud, un territoire celtique pourtant riche et peuplé à la fin du IIe siècle avant notre ère. Le début de la période romaine ne semble pas marquer de véritable changement, et M. Zehner a pu observer la quasi absence de contextes céramiques augustéens dans toute l’Alsace110. Je crois avoir montré ailleurs que la ligne du Rhin ne constituait pas alors un véritable limes et que l’armée romaine ne s’y est guère installée avant le début du règne de Tibère, contrairement à ce que veut une tradition historiographique solidement établie, même si la défense territoriale était assurée par de petits postes en partie tenus par des Gaulois à Bâle ou à Windisch111.
La première et seule grande métropole de la région est une colonie de Plancus (Augst) mais ses premières traces matérielles n’apparaissent pas, au mieux, avant la fin de la seconde décennie avant J.-C., soit une trentaine d’années après la fondation théorique. On s’interroge sur l’extension de son territoire, d’autant que celui-ci, appartenant originellement aux Rauraques, n’a pas livré de témoignage historique, épigraphique ou archéologique d’une ciuitas pérégrine qui n’est pas attestée de façon manifeste112. De telles situations existent ailleurs : ainsi à Mayence, “capitale” de la Germanie supérieure, n’y a-t-il pas de ville stricto sensu, ni de ciuitas, mais simplement un territoire, à l’origine trévire, et administré directement par l’armée. Quant à la partie nord de la plaine d’Alsace, l’espace laissé libre par les Médiomatriques fut peuplé, sans doute à la suite de la guerre des Gaules, par un peuple transrhénan, les Triboques, selon un processus global voulu par le pouvoir impérial et qui touche l’ensemble de la rive gauche du Rhin, de cette région jusqu’à la mer du Nord (Strabon 4.3.4). La “romanisation” effective de la plaine d’Alsace n’intervient donc manifestement qu’à partir de Tibère, et conformément à un schéma qui sera bien attesté plus tard sur le limes de Germanie supérieure/Rétie, mais qui est totalement différent de celui qu’on observe dans l’hinterland de la Gaule civile.
Les acteurs
Que le pouvoir romain ait réorganisé à son profit la nouvelle province conquise par César ne fait aucun doute. On attribue souvent cette action à l’armée, mais sans trop savoir où elle se trouvait, ni comment elle agissait. Ayant à plusieurs reprises réexaminé ces questions dans divers articles récents, je me contenterai ici d’un court résumé113.
La situation que décrivent César puis Hirtius pour les années 52-49 ne saurait avoir duré très longtemps : après Alésia, César répartit ses troupes de manière à tenir les régions stratégiques du point de vue des communications (Rèmes, Séquanes, Héduens, notamment l’axe de la Saône, avec des postes à Chalon et Mâcon) beaucoup plus qu’à surveiller les peuples qui avaient été l’âme du soulèvement. Ainsi ne trouve-t-on pas de légions chez les Arvernes (César, BG, 7.110) ! Pendant les deux hivers suivants, et alors que la situation politique demeure instable, le pays Héduen reste au cœur du dispositif militaire romain, les autres corps de troupes étant surtout envoyés chez les Belges, sans autre précision (BG, 8.49 et 54). Mais cette armée des Gaules a sans doute été fortement réduite dès le début de la guerre civile, une partie prenant le chemin de l’Italie, une autre celui de l’Espagne pour s’opposer aux forces de Pompée (César, BC, 1.8)114. Pour toute la période suivante, aucune source, ni historique ni archéologique ne permet de connaître la force de la garnison des Gaules, ni sa répartition géographique.
Dans un pays à peine conquis, il était sans aucun doute normal de cantonner l’armée au sein des oppida indigènes, à la fois pour surveiller la population et parce que c’était là qu’on disposait le plus commodément de la logistique nécessaire au ravitaillement d’une troupe d’occupation. C’est aussi de ces centres politiques anciens qu’on pouvait le plus aisément gouverner la nouvelle province. Mais on n’installe pas une légion au grand complet, a fortiori plusieurs, avec leurs auxiliaires, au sein d’un oppidum, fût-il vaste, sans générer d’importantes difficultés politiques et économiques si cette situation dure trop longtemps. On peut donc supposer qu’existaient en Gaule des garnisons dispersées : l’analyse qu’on peut proposer aujourd’hui de la présence militaire au sein d’oppida comme celui de Bâle ou de Windisch atteste la réalité de cette forme d’occupation diffuse et montre le rôle qu’elle a pu jouer dans l’intégration de la Gaule (n°18). De ce point de vue, la recherche lancée par M. Poux sur les militaria de cette époque précoce présente un grand intérêt heuristique pour le futur, même si on ne peut établir de lien direct et immédiat entre le témoignage de ce type de matériel et l’existence d’éventuels postes romains115. Elle semble trouver désormais sa confirmation sur le Titelberg, bien que la nature exacte du poste installé sur le grand oppidum Trévire reste encore à déterminer116. Elle est de toute façon très différente de celle qu’on observe sur le Petrisberg, à Trèves, où les fouilles récentes (encore inédites) d’H. Löhr ont mis en évidence, pour les années 30-29 un complexe militaire très semblable à celui d’Oberaden (12-8 avant J.-C.), avec une série d’installations caractéristiques d’une grande armée en campagne. Dans la région qui nous intéresse ici, seuls les cantonnements de Mirebeau-La Fenotte ou de Faux-Vésigneul semblent pouvoir correspondre à des camps militaires importants117, mais l’absence probable d’installations internes oblige sans doute à y voir des installations très temporaires118.
J. Metzler a rappelé à juste titre qu’il fallait tenir compte, dans notre raisonnement, des statuts politiques différents des peuples gaulois et fait observer que les cités pérégrines privilégiées, avec un statut de “fédérés” (Remi, Lingones, Aedui), se trouvaient principalement le long de l’axe nord-sud de la Gaule, essentiel pour les communications et le contrôle du pays119. Les deux autres peuples fédérés, Carnutes et Helvètes, devaient sans doute ce même privilège à une situation politique et géographique éminente (le grand sanctuaire druidique pour les uns, le contrôle des cols alpins vers l’Italie, pour les autres). Si cette situation, comme il est probable, remonte, au moins pour partie, à César lui-même, elle implique aussi que des mesures particulières aient été prises en matière d’obligations militaires, comme l’a justement fait remarquer R. Wolters120. En effet, on ne dispose pour l’instant d’aucun indice permettant de penser que des levées de troupes auxiliaires aient pu être effectuées chez ces peuples fédérés après la guerre des Gaules (et avant l’époque flavienne, pour ce qui est des Lingons), ce qui n’est pas du tout le cas des autres peuples gaulois, qu’ils soient libres ou stipendiaires. R. Wolters parle à ce propos de “démilitarisation” des fédérés, dégagés, en quelque sorte, des obligations militaires ordinaires en raison de leur statut politique. Il serait évidemment étonnant que cette situation fortement différenciée ne se soit pas traduite aussi dans les modes d’occupation du territoire par les légions romaines.
Jusqu’à quand cette situation a-t-elle duré ? Nous ne le savons guère, et le besoin de troupes pour les opérations d’Aquitaine et d’Espagne, dans les années 20 avant J.-C., a peut-être limité numériquement la garnison des Gaules. Mais il est de plus en plus clair que le transfert des unités légionnaires vers le Rhin a commencé assez tôt : Nimègue semble occupé dès le second séjour d’Agrippa121, Neuss vers le temps de la clades Lolliana (17/16), Dangstetten au plus tard en 15, sans doute avec des troupes venues d’ailleurs122. L’offensive de Drusus en direction de la Germanie, à partir de 12, a-t-elle marqué, comme on l’affirme le plus souvent, la fin d’une occupation militaire massive en Gaule intérieure, bien que les besoins soient restés importants ? On est malheureusement très mal renseigné sur cette question car on ignore largement quelles sont les troupes qui ont accompagné Drusus. Pensait-on pouvoir effectivement dégarnir totalement la province, à un moment où l’on effectuait le premier recensement des Gaules, assiette indispensable d’une nouvelle fiscalité ?
Que, pendant toute cette période, l’armée romaine ait joué un rôle à la fois militaire, policier et administratif est indubitable. On n’imagine pas l’opération du cens de 12 avant J.-C. menée sans son appui, d’autant que c’était alors une res noua difficile à supporter pour ce pays, comme le rappelle Claude dans la fameuse Table de Lyon : “Grâce à eux mon père Drusus soumettant la Germanie eut derrière lui, garantie par leur calme, la sécurité et la paix ; et cela, bien que du recensement, opération nouvelle et alors insolite pour les Gaulois, cette guerre l’eut obligé à se détourner. Une telle opération, combien elle est ardue pour nous, tout juste maintenant, quoique l’enquête n’ait d’autre objet que la constatation officielle de nos ressources, à l’épreuve nous l’apprenons trop bien”123. Pourtant cette opération fut sans doute moins pacifique que ne voudrait le faire entendre Claude, selon le témoignage de l’abréviateur de Tite-Live (Periochae, 138-139) qui évoque alors le tumultus qui ob censum erat. Ces deux passages invitent d’ailleurs, à mon avis, à ne pas attribuer à une date trop haute dans l’époque augustéenne l’organisation administrative effective de la Comata, difficile à imaginer sans un census préalable. Le “modèle Waldgirmes” que nous avons évoqué ci-dessus implique en outre, s’il a bien été appliqué en Gaule intérieure, que l’armée ait, dans ces mêmes années, participé largement à l’aménagement urbanistique de la nouvelle province.
On peut toutefois supposer que cette présence a en effet fortement diminué en Gaule intérieure sinon dès 12, du moins dans les années qui ont suivi. Je ne saurais toutefois manquer de rappeler ici deux événements qui ont particulièrement touché la Gaule du nord-est, la révolte de 21 après J.-C. et celle de 69-70 : elles se traduisent, l’une et l’autre, dans la région qui nous concerne, au sens large, par une réoccupation militaire partielle, la première à Arlaines, près de Soissons124, la seconde à Mirebeau125. Ce n’est pas le lieu de reprendre ici l’analyse des raisons qui ont conduit à l’envoi durable de troupes dans ces régions, comme d’ailleurs à Aulnay-de-Saintonge126, mais de rappeler simplement que l’intégration de la Gaule dans l’Empire n’a pas toujours été le processus idyllique et linéaire qu’on nous a longtemps enseigné.
Dans le phénomène complexe qui a conduit la Gaule de l’indépendance à l’intégration dans l’Empire, ces soldats romains représentent “le temps court”, le demi-siècle qui a suivi la conquête. Il y eut pourtant d’autres acteurs non moins essentiels des mutations de la Comata, et ceci bien avant l’intrusion de César : ce sont les aristocrates, ou au moins une partie d’entre eux, dont on ne dira jamais assez combien ils furent, ici comme en bien d’autres provinces, les agents conscients d’une romanisation qui s’effectuait en leur faveur (n°19). On sait, bien sûr, quels contacts les grands protagonistes de la politique romaine entretenaient avec les nobles Gaulois. César, dans tout le Bellum Gallicum, ne parle que d’eux ; un homme comme Cicéron recevait chez lui et consultait le druide Divitiacos (Div., 1.41.90), ce qui n’empêchait pas l’avocat de dire tout le mal qu’il pensait de ces brutes celtiques pour soutenir la cause de Fonteius, “un-bon-romain-qui-n’avait-fait-que-son-devoir” en les exploitant honteusement. L’alliance, depuis le milieu du IIe siècle avant notre ère, entre le Sénat et les Héduens, n’était nullement une association entre égaux, elle traduisait l’entrée dans l’orbite impériale romaine, un siècle avant la conquête officielle, de clients importants à l’échelle de la Gaule, mais que cette opération allait rendre encore plus puissants et plus riches, tout en les soumettant désormais au pouvoir de la République. Dans cette affaire, les aristocrates locaux ont évidemment joué un rôle majeur et César se fait en permanence l’écho de ces luttes intestines entre les “bons” Héduens (pro-romains) et les mauvais. Le scénario est immuable : J. Creighton a bien montré qu’il s’est déroulé de la même manière en Bretagne, dès l’époque de César, même si la conquête officielle n’eut lieu que sous Claude, un siècle plus tard127. On sait l’importance des jeunes nobles indigènes confiés en otages à Rome, éduqués dans la Ville, avant de revenir succéder à leur père avec l’accord explicite du Sénat (puis de l’Empereur), qui en fait ainsi des dynastes octroyés à leur peuple par la puissance dominante. On parle alors d’un “rex datus” et des émissions monétaires célèbrent l’événement. L’impérialisme romain employait sans scrupule, et selon des recettes éprouvées, tous les moyens pour élargir son influence128.
Que certains aristocrates gaulois se soient prêtés à ce jeu qui les favorisait face à leurs rivaux, quoi d’étonnant ? Ce sont d’ailleurs probablement les mêmes qui ont été récompensés, généralement par l’octroi de la ciuitas romana dès les guerres contre Pompée (ils fournissaient des hommes, choisis parmi leurs clients). Ce n’est pas non plus un hasard si les Héduens, dans ce processus, ont évidemment été privilégiés129. C. Goudineau a pu montrer l’existence de dynasties puissantes avant et après la conquête, tel cet Époredirix dont les descendants jouaient encore un rôle important à la bataille de Crémone, en 69 après J.-C.130. Nous manquons malheureusement de témoignages épigraphiques nombreux pour affirmer que ces familles, puissantes avant la guerre des Gaules, sont bien celles qui ont profité de la conquête. On connaît toutefois la fameuse inscription de l’arc de Saintes (CIL XIII, 1036) érigé par des notables locaux dont L. Maurin a pu reconstituer le stemma familial131. On sait aussi la fortune des Camilli Helvètes. Depuis lors différents témoignages archéologiques sont venus confirmer ces cas remarquables de continuité des aristocraties locales : c’est le cas, en particulier, dans la riche nécropole de Goeblange-Nospelt, dont la dernière sépulture est datée autour de 20 avant J.-C. et dont la défunte sera encore honorée jusque dans la première moitié du IIe siècle de notre ère132. Que ces nobles gaulois aient fondé leur richesse et leur influence sur la propriété de grands domaines fonciers et d’une grande masse de dépendants est probablement vrai, après comme avant la conquête. Qu’ils aient exercé les magistratures essentielles dans la nouvelle province est non moins évident, comme le prouve l’exemple de l’Héduen C. Iulius Vercondaridubnus, premier sacerdos “nommé” (creatus) à l’autel du confluent (Tite-Live, Periochae, 138-139). Ils ont joué un rôle essentiel dans l’assimilation de la Gaule9. Même si leur influence a pu diminuer avec le temps, au profit de nouvelles formes de richesse liées aux trafics en tout genre que générait la conquête133, c’est eux qu’on retrouve encore en 70, à l’assemblée de Reims, quand il s’agit de décider si la Gaule doit suivre les rebelles et faire sécession, ou rentrer dans le giron de l’Empire. Cette solution ne va décidément pas de soi et ne soulève guère l’enthousiasme, si on suit le récit de Tacite (Hist., 4.68-69), mais il faut bien s’y résoudre si on ne veut pas tout perdre. C’est évidemment une nouvelle fois un Iulius (Auspex), “e primoribus Remorum vim Romanam pacisque bona dissertans”, qui montre à ses compatriotes où se trouve l’intérêt commun, avant que Petilius Cerialis, le général romain, dans un discours “musclé” qui est, à lui seul, la meilleure illustration qu’on puisse donner de l’impérialisme romain, ne fasse rentrer brutalement dans le rang les Lingons et les Trévires révoltés et déjà battus (Hist., 4.73).
Pour conclure
Analysant le processus de “romanisation” de l’Italie, N. Terrenato rappelait en 1998, sous un titre brillant et provocateur (The Romanization of Italy: global acculturation or cultural bricolage?), que cette évolution avait longtemps été conçue comme la disparition progressive des cultures locales, conduisant à une véritable unification de la péninsule. Or rien n’est plus inexact, et tous ceux qui connaissent ce pays savent combien l’Italie antique peut révéler de diversité et d’écarts par rapport à une “Romanité” idéale, qui est elle-même le fruit d’une fusion avec l’hellénisme134.
Il en va évidemment de même des provinces. Encore celles-ci ne doivent-elles pas être jugées “en bloc”, comme s’il s’agissait d’ensembles cohérents du point de vue linguistique, humain, politique, culturel, et déjà constitués à la veille de la conquête romaine sur le modèle des états modernes. Certes les Grecs et les Latins les ont longtemps perçus d’une manière globale, faute de bien les connaître, mais, dans les faits, ils constituaient autant d’entités différentes. L’intrusion romaine, inégale dans le temps, l’espace, les modalités, a évidemment provoqué des réactions différentes selon les sociétés concernées, avec des ajustements progressifs et parfois contrastés d’une région à une autre : un vrai “bricolage culturel” en vérité, un terme plus adapté que celui de “syncrétisme”, trop souvent utilisé et à mauvais escient. Mais cette analyse ne peut se faire qu’en examinant à la fois les réalités protohistoriques, non comme des ensembles figés mais avec leur dynamique propre, et l’évolution, souvent beaucoup plus lente qu’on ne le dit, de l’intégration dans les nouveaux cadres politiques, économiques, culturels et linguistiques romains. J’aimerais rappeler, pour conclure, qu’Irénée, évêque de Lyon, devait encore apprendre le Gaulois pour aller prêcher l’Évangile dans la seconde moitié du IIe siècle de notre ère (Contre les hérésies, 1, préf.).
On verra toutefois la mise au point de F. Favory, C. Fruchart, “L’aménagement du sol. Les systèmes parcellaires tardo-laténiens et gallo-romains”, in : M. Reddé (dir.), Gallia Rustica2. Les campagnes du nord-est de la Gaule, de la fin de l’âge du Fer à l’Antiquité tardive, Ausonius Mémoires 50, Bordeaux, 2018, p. 401-451, [en ligne] https://ressources.una-editions.fr/s/EtkRnDRHt4sTep4 [consulté le 02/09/22].
Voir F. Malrain, G. Blancquaert, T. Lorho (éd.), L’habitat rural du second âge du Fer. Rythmes de création et d’abandon au nord de la Loire, Recherches archéologiques 7, Paris, 2013.
F. Malrain, T. Lorho, “L’organisation économique des campagnes du nord de la Gaule à La Tène finale” in : M. Reddé (dir.), Gallia Rustica 2. Les campagnes du nord-est de la Gaule, de la fin de l’âge du Fer à l’Antiquité tardive, Ausonius Mémoires 50, Bordeaux, 2018, p. 455-484, [en ligne] https://ressources.una-editions.fr/s/EtkRnDRHt4sTep4 [consulté le 02/09/22].
Voir les différentes contributions régionales contenues dans M. Reddé (dir.), Gallia Rustica 1. Les campagnes du nord-est de la Gaule, de la fin de l’âge du Fer à l’Antiquité tardive, Ausonius Mémoires 49, Bordeaux, 2017, [en ligne] https://ressources.una-editions.fr/s/jkrj2SffcNDZzaL [consulté le 02/09/22].
S. Fichtl, “Les établissements ruraux de La Tène finale” ; A. Nüsslein, N. Bernigaud, “Les établissements ruraux du Haut-Empire”, M. Reddé (dir.), Gallia Rustica2. Les campagnes du nord-est de la Gaule, de la fin de l’âge du Fer à l’Antiquité tardive, Ausonius Mémoires 50, Bordeaux, 2018, p. 85-233, [en ligne] https://ressources.una-editions.fr/s/EtkRnDRHt4sTep4 [consulté le 02/09/22].
Sur ces différents problèmes on verra désormais M. Reddé, Gallia Comata. La Gaule du nord, de l’indépendance à l’Empire romain, Rennes, 2022.
Notes
- P. Le Roux, “La romanisation en question”, Annales 59-2, mars-avril 2004, p. 287-311.
- G. Woolf, Becoming Roman. The origins of provincial civilization in Gaul, Cambridge, 1998 ; P. Ouzoulias, L. Tranoy (dir.), Comment les Gaules devinrent romaines, Paris, 2010.
- D. Paunier, Celtes et Gaulois. L’archéologie face à l’histoire. La romanisation et la question de l’héritage celtique, Bibracte 12/5, 2006.
- R. Mac Mullen, Romanization in the time of Augustus, Yale, 2000.
- S. James, “‘Romanization’ and the peoples of Britain”, in : S. Keay, N. Terrenato, Italy and the West. Comparative Issues in Romanization, Oxford, 2001, p. 187-209.
- Ouzoulias, Tranoy 2010 (note 2).
- J. Metzler, C. Gaeng (éd.), Goeblange-Nospelt, une nécropole aristocratique trévire, MNHA, Dossiers d’archéologie 13, Luxembourg, 2009, p. 455-463.
- Keay, Terrenato 2001(note 5).
- Woolf 1998 (note 2).
- M. Christol, “Romanisation et héritage celtique : l’intégration sociale. L’apport de l’épigraphie”, in : Paunier 2006 (note 3), p. 51-65 par exemple.
- Le Roux 2004 (note 1), p. 295.
- C. Haselgrove, “The Romanization of Belgic Gaul: some archaeological perspectives”, in : T. Blagg, M. Millett (éd.), The early Roman Empire in the West. Oxford, 1990, p. 45-71 ; N. Roymans, The Batavians in the early Roman Empire. Ethnic Identity and Imperial Power, Amsterdam, 2004.
- M. Millett, The Romanization of Britain. An Essay in archaeological Interpretation, Cambridge, 1990 ; A. Ferdière, Les Gaules (Provinces des Gaules et Germanies, Provinces Alpines). IIe siècle av. -Ve siècle ap. J.-C., Paris, 2005.
- Le mot est francisé par Le Roux 2004 (note 1) à partir de l’expression de J. Webster, “Creolizing the Roman Provinces”, AJA, 105, 2001, p. 209-225.
- D. Mattingly, An Imperial Possession. Britain in the Roman Empire, Londres, 2007.
- A. Colin, “Un murus celticus du Ier s. ap. J.-C. à Alésia, La Croix-Saint-Charles (Alise-Sainte-Reine, Côte-d’Or)” in : S. Fichtl (éd.), Murus Celticus, Bibracte 19, 2010, p. 123-133.
- S. Jacomet, P. Vandorpe, “Plantes anciennes et nouvelles. La région du Rhin supérieur et l’Allemagne du Sud-Ouest”, in : M. Reddé, P. Barral, F. Favory, J.-P. Guillaumet, M. Joly, J.-Y. Marc, P. Nouvel, L. Nuninger, C. Petit, Aspects de la romanisation dans l’Est de la Gaule, Bibracte 21, 2011.
- E. Hollstein, Mitteleuropäische Eichenchronologie, Trierer Grabungen und Forschungen, 11, Mayence, 1980.
- A. Dumont, “Comment Rome a franchi les rivières”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 49-60.
- M. Kaszpryk, P. Nouvel, “Les mutations du réseau routier de la période laténienne au début de la période impériale. Apport des données archéologiques récentes”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 21-42.
- G. Walser, CIL XVII-2, Milliaria Imperii Romani, Berlin, 1986.
- P. Leman, “La voie du Léman à l’Océan. La branche orientale. État de la question et propositions nouvelles”, Caesarodunum 10, 1975, p. 102-108.
- M.-N. Pascal, B. Saint-Jean Vitus, “Mise au jour d’un tronçon de la voie antique Châlon-sur-Saône-Autun”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 43.
- H. von Hesberg, “Bauteile der frühen Kaiserzeit in Köln, Das oppidum Ubiorum zur Zeit des Augustus”, in : Festschrift G. Precht. Xantener Berichte, 12, 2002, p. 13-36.
- O. Buchsenschutz, J.-P. Guillaumet, I. Ralston (dir.), Les remparts de Bibracte. Recherches récentes sur la porte du Rebout et le tracé des fortifications, Bibracte 3, 1999 ; A. Rebourg, “L’urbanisme d’Augustodunum (Autun, Saône-et-Loire)”, Gallia, 55, 1998, p. 141-236.
- Y. Labaune, F. Meylan, “Bibracte et Autun au début de l’époque romaine. Pour un regard croisé sur l’urbanisme et l’architecture”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 105-126.
- J. Déchelette, L’oppidum de Bibracte, guide du touriste et de l’archéologue au Mont Beuvray et au musée de l’hôtel Rolin, Paris-Autun, 1903, p. 49.
- D. Paunier, T. Luginbühl (dir.), Bibracte. Le site de la maison 1 du Parc aux Chevaux (PC 1). Des origines de l‘oppidum au règne de Tibère, Bibracte 8, 2004.
- J. Morscheiser-Niebergall, Die Anfänge Triers im Kontext augusteischer Urbanisierungspolitik nördlich der Alpen, Wiesbaden, 2009.
- D. Bayard, J.-L. Massy, Amiens romain. Samarobriva Ambianorum, RAP Numéro spécial, Amiens, 1983.
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- J.-P. Guillaumet, A. Rebourg, “L’enceinte d’Autun”, in : Les enceintes augustéennes dans l’Occident romain (France, Italie, Espagne, Afrique du Nord), Actes du colloque international de Nîmes. École antique de Nîmes Numéro spécial 1987, p. 41-49 ; A. Rebourg, “L’urbanisme d’Augustodunum (Autun, Saône-et-Loire)”, Gallia, 55, 1998, p. 141-236.
- Labaune, Meylan 2011 (note 26) ; V. Brunet-Gaston, ”Les programmes augustéens d’Autun (Augustodunum)”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 265-274.
- Information orale de Y. Labaune.
- Le cas complexe de la colonie des Rauriques, fondée par Plancus, mais dont les premiers témoignages archéologiques ne sont pas antérieurs, au plus tôt, à l’horizon d’Oberaden, montre bien le décalage chronologique qui peut exister entre la date officielle de la création urbaine et le début effectif de l’urbanisation. Cette difficulté a conduit nombre de chercheurs à chercher ailleurs (sc. à Bâle) la première colonie (cf. E. Deschler-Erb, Bâle. “La colline de la Cathédrale”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 161-172, avec la bibliographie antérieure).
- W. Van Andringa, “Sanctuaires et genèse urbaine en Gaule romaine”, in : D. Castella, M.-F. Meylan-Krause, Topographie sacrée et rituels. Le cas d’Aventicum, capitale des Helvètes, Actes du colloque international d’Avenches 2-4 novembre 2006, Antiqua 43, 2008, p. 121-135.
- M.-T. Raepsaet-Charlier, “Les Gaules et les Germanies”, in : C. Lepelley (dir.), Rome et l’intégration de l’Empire. 44 av. J.-C. – 260 apr. J.-C. 2. Approches régionales du Haut-Empire romain, Paris, 1998, p. 143-195. (sc. p. 153-154).
- Dans ce fameux passage de Dion Cassius, l’historien grec dit seulement qu’en 27 Auguste avait envisagé une expédition en Bretagne mais qu’il y renonça, la situation en Gaule n’étant pas encore stabilisée car le pays avait été conquis juste avant le début des guerres civiles.
- R. Villicich, I complessi Forensi nei centri minori della Cisalpina Romana, Bologne, 2007.
- Reste évidemment une troisième solution, qui n’est pas la plus improbable : on ne les a pas trouvés parce qu’on ne savait pas (voulait pas ?) les chercher, à une époque où l’”archéologie-des-trous-de-poteaux” n’était pas encore très bien considérée dans le monde classique…
- M. Christol, C. Goudineau, “Nîmes et les Volques Arécomiques au Ier s. av. J.-C.”, Gallia, 45-46, 1987-1988, p. 87-103 ; M. Christol, M. Heijmans, “Les colonies latines de Narbonnaise : un nouveau document d’Arles mentionnant la colonia Iulia Augusta Avennio”, Gallia, 49, 1992, p. 37-44.
- A. Hostein, “D’Eporedirix à Iulius Calenus, du chef éduen au chevalier romain (Ier s. av. J.-C.-Ier s. ap. J.-C.”, in : F. Chausson (dir), Occidents romains. Sénateurs, chevaliers, militaires, notables, dans les provinces d’Occident (Espagnes, Gaules, Germanies, Bretagne), Paris, 2009, p. 49-80.
- J.-Y. Marc, “Un excès de la romanisation ? L’identification dans les villes gauloises de monuments civiques romains”, in : Reddé et al. 2011 (note 17), p. 309-318.
- J. Bénard, “L’agglomération de l’oppidum d’Alésia à La Tène D2 : un exemple de proto-urbanisation en Gaule”, RAE, 48, 1997, p. 119-165.
- M. Reddé, “Entre Héduens et Lingons : Alésia gallo-romaine”, in : J.-P. Bost, J.-M. Roddaz, F. Tassaux (dir.), Itinéraire de Saintes à Dougga. Mélanges offerts à Louis Maurin, Ausonius Mémoires 9, Bordeaux, 2003, p. 61-70 (= n°38).
- J. Bénard, M. Méniel, C. Petit, Gaulois et Gallo-romains à Vertillum. 160 ans de découvertes archéologiques (communes de Vertault et Molesme, Côte-d’Or), En Crausaz, 2010.
- W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine. Piété et politique (Ier-IIIe siècle apr. J.-C. Paris, 2002, p. 45-57.
- S. von Schnurbein, “Waldgirmes : une ville romaine éphémère située en Germanie à l’Est du Rhin”, in : Ouzoulias, Tranoy 2010 (note 2), p. 85-107.
- V. Matterne, Agriculture et alimentation végétale durant l’âge du Fer et l’époque gallo-romaine en France septentrionale, APA 1, Montagnac, 2001 ; V. Zech-Matterne, L. Bouby, A. Bouchette, M. Cabanis, M. Derreumaux, F. Durand, P. Marinval, B. Pradat, M.-F. Diestch-Sellami, J. Wiethold, “L’agriculture du VIe au Ier s. av. J.-C. en France : état des recherches carpologiques sur les établissements ruraux”, in : I. Bertrand, A. Duval, J. Gomez de Soto, P. Maguer, Habitats et paysages ruraux en Gaule et regards sur d’autres régions du monde celtique, Actes du XXXIe colloque international de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer, 17-20 mai 2007 (Chauvigny, Vienne, F), Mémoires 35, 2009, p. 383-416 ; P. Méniel, G. Auxiette, D. Germinet, A. Baudry, M.-P. Horard-Herbin, “Une base de données sur les études de faunes des établissements ruraux en Gaule”, ibid., p. 417-446.
- F. Malrain, “L’économie agraire en Gaule septentrionale”, in : Ouzoulias, Tranoy 2010 (note 2), p. 59-72.
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- Rappelons que ce mot latin désigne simplement une agglomération, qui n’est pas nécessairement fortifiée ni située en hauteur, ni “indigène”. Nombre de villes romaines (même des colonies) sont ainsi qualifiées d’oppidum par Pline l’Ancien.
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- Peut-être même beaucoup plus tôt, dans la pratique.
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