La crise politique qui a éclaté en Bélarus au lendemain de l’élection présidentielle du 9 août 2020 a surpris par la force et la durée de la mobilisation contestataire. Elle a fait vaciller le régime politique autoritaire du Président Alexandre Loukachenko qui semblait bien consolidé depuis plus d’un quart de siècle. Fragilisé par une contestation populaire sans précédent dans l’histoire du Bélarus indépendant, A. Loukachenko a néanmoins réussi à se maintenir au pouvoir et à s’adapter au contexte géopolitique régional qui n’a cessé d’évoluer au cours des années suivantes. Comment peut-on expliquer cette longévité politique d’A. Loukachenko ? Quelles sont les implications de son maintien au pouvoir à l’intérieur du pays et les défis qu’il impose aux divers acteurs régionaux et internationaux ? Pour répondre à ces questions, la première partie propose d’analyser les particularités de l’échéance électorale de 2020 par rapport aux élections précédentes, ainsi que les stratégies déployées par A. Loukachenko pour se maintenir au pouvoir face à la contestation populaire. Dans la deuxième partie, seront étudiés les moyens mis en place par A. Loukachenko pour gérer les conséquences de la crise politique de 2020 : l’utilisation de la réforme constitutionnelle comme moyen pour redonner une légitimité au régime en place dont le pouvoir s’érode ; les stratégies pour pallier la dégradation des relations avec l’Union européenne et les tentatives de limiter la dépendance croissante envers la Russie. L’analyse proposée s’appuie sur les différentes sources : les discours et les interviews du président Loukachenko, les documents officiels, les articles de la presse et des sites d’information bélarusses (officielles et d’opposition) et étrangers, les articles d’experts et les travaux universitaires.
Le régime autoritaire bélarusse à l’épreuve de la crise politique
La fraude électorale massive qui a permis à A. Loukachenko de s’attribuer un score officiel de 80 % lors de l’élection présidentielle du 9 août 2020 a suscité une forte mobilisation contestataire. Son ampleur et sa vivacité ont beaucoup surpris les observateurs, étant donné que la majorité de la population semblait politiquement apathique et résignée face aux mascarades électorales à répétition d’A. Loukachenko qui se présentait aux élections présidentielles pour la sixième fois1. Pour comprendre pourquoi le scénario rôdé de ses réélections précédentes n’a pas fonctionné cette fois-ci, il conviendrait tout d’abord d’analyser les enjeux des élections présidentielles dans le régime autoritaire bélarusse.
Les enjeux des élections présidentielles dans le régime autoritaire bélarusse
Le régime autoritaire d’A. Loukachenko s’est construit depuis 1994 sur un renforcement considérable de l’institution présidentielle au détriment d’autres institutions politiques, ainsi que sur une forte personnalisation du pouvoir2. Toute manifestation de l’opposition politique était sévèrement réprimée et toute tentative d’autonomisation au sein de l’élite dirigeante perçue comme menaçante était régulièrement évincée. Le parlement bélarusse, élu au scrutin majoritaire, était composé principalement de députés sans affiliation partisane et les partis politiques sont restés largement marginalisés. Loukachenko a fait du populisme un véritable mode de légitimation de ses pratiques autoritaires et il a systématiquement déprécié toutes les formes de médiations institutionnelles et politiques3. Si aucune alternance ni opposition ouverte n’était envisageable au sein de ce régime, A. Loukachenko n’a pas renoncé pour autant à la tenue régulière d’élections, dont la fonction principale consistait à contribuer symboliquement à la légitimation de son pouvoir.
S’il s’adonnait volontiers à cet exercice de confirmation de son maintien au pouvoir par les urnes, c’est parce qu’il avait réussi à s’assurer de la maîtrise du processus électoral afin de limiter les risques inhérents à la tenue des élections. En effet, la Commission électorale centrale4 jouait un rôle clef au sein de ce dispositif de contrôle en assurant la prévisibilité des résultats électoraux5. Ce dispositif a été rôdé à partir de sa réélection pour le deuxième mandat en 2001 et utilisé lors de toutes les élections postérieures. Elles ont servi à confirmer A. Loukachenko à son poste de président dès le premier tour avec un score écrasant variant entre 76 et 84 % selon les années et confortant ainsi son image de chef d’État irremplaçable et soutenu par le peuple. Si l’on autorisait parfois les candidats de l’opposition à se présenter c’est uniquement à titre de figuration, car ils n’avaient aucune chance réelle de gagner. Leur participation servait davantage à les discréditer en montrant la faiblesse du soutien dont ils bénéficiaient auprès de la population bélarusse. Il convient de noter également que les taux officiels de participation étaient extrêmement élevés (entre 83 et 90 %) ce qui permettait au régime de donner l’impression que c’était le peuple bélarusse tout entier qui plébiscitait régulièrement Loukachenko6.
Les quatre principaux éléments de ce dispositif de contrôle du processus électoral étaient : la sélection des candidats autorisés à participer aux élections ; la réduction de l’impact de leur campagne électorale ; la pression sur les électeurs et la falsification des résultats. Tous les rivaux potentiellement dangereux étaient en effet écartés avant leur enregistrement sous divers prétextes, comme par exemple les irrégularités dans la composition de leur groupe d’initiative ou les irrégularités commises lors du recueil des signatures. Le deuxième élément du dispositif concernait la tenue de la campagne électorale. Si, en effet, on écartait au préalable les candidats ayant une certaine notoriété, il convenait également de s’assurer que les candidats autorisés à concourir ne puissent pas profiter de la campagne électorale pour gagner de la popularité auprès des électeurs. Le timing très serré du calendrier électoral ne leur laissait guère de temps. Souvent, la date de la tenue de l’élection présidentielle était annoncée assez tardivement, et ils disposaient d’à peine trois semaines pour faire campagne. Les rencontres avec les électeurs et les meetings étaient difficiles à organiser et l’accès aux médias officiels était strictement réglementé. Les candidats disposaient de quelques heures sur les chaînes nationales pour présenter leur programme tandis que les mêmes chaînes couvraient abondamment les activités du Président en place qui profitait dans l’exercice de ses fonctions de ses nombreux déplacements pour rencontrer les électeurs. Le troisième élément du dispositif était la pression sur les électeurs, exercée par le biais de leur hiérarchie dans les administrations, les organisations et les entreprises d’État, pour influencer leur vote soit en leur promettant des avantages (primes, promotions, etc.) soit en faisant planer des menaces (de licenciement, de réaffectation, etc.). En dernier recours, ce sont les falsifications des résultats qui pouvaient être effectuées, soit lors du vote anticipé, soit le jour du vote dans les bureaux grâce au contrôle sur la composition des commissions électorales locales et à la restriction d’accès aux observateurs. Et si d’aventure, les mauvais perdants cherchaient à contester les résultats en mobilisant les citoyens mécontents pour manifester, les forces de l’ordre se tenaient prêtes à intervenir rapidement.
La préparation des élections de 2020 : la reproduction d’un scénario bien rôdé
Le Président Loukachenko ne s’attendait visiblement pas à rencontrer de difficultés majeures en 2020 et s’apprêtait à remporter facilement cette sixième élection grâce aux méthodes déjà testées précédemment. La date du 9 août a été choisie pendant la période estivale, où la majorité des Bélarusses auraient dû être en vacances, en particulier les représentants des classes moyennes, friandes de voyage à l’étranger7. Le timing de l’élection était extrêmement serré, les rivaux disposant d’une notoriété publique ont été écartés au profit de candidats largement méconnus. Dans les premiers mois de 2020, les trois concurrents jugés potentiellement dangereux (Viktor Babariko, Sergueï Tikhanovskiï, Valeriï Tsepkalo) ont été exclus, les deux premiers étant emprisonnés et le troisième contraint à fuir le pays. Les quatre candidats officiellement enregistrés (Andreï Dmitriev, Anna Kanopatskaïa, Sergueï Tcheretchen et Svetlana Tikhanovskaïa) n’ont eu droit qu’à deux heures d’antenne dans les médias nationaux chacun. Le nombre des lieux officiellement autorisés pour les rencontres des candidats avec les électeurs a été drastiquement réduit. Parallèlement, certains candidats ont fait part d’intimidations à l’encontre de leurs collaborateurs et de nombreuses arrestations arbitraires ont été signalées tout au long de la campagne8. Pendant ce temps, les activités du Président en exercice ont bénéficié d’une ample couverture médiatique à la tonalité extrêmement positive. Son allocution traditionnelle aux membres du parlement et à la nation, initialement prévue mi-avril, a été reprogrammée au 4 août, soit cinq jours avant le scrutin9.
La composition des commissions électorales fut soigneusement préparée et les possibilités de supervision du processus électoral ont été largement diminuées : la seule mission étrangère d’observation présente sur place était celle déléguée par l’Assemblée interparlementaire de la CEI (le contre-modèle des missions de l’OSCE10), et l’accès des observateurs indépendants aux bureaux de vote a été délibérément rendu très difficile. En outre, la procédure de vote anticipé, régulièrement dénoncée comme un outil majeur des falsifications, a été lancée cinq jours avant la date officielle du 9 août. Ainsi, tous les ingrédients habituels semblaient réunis pour obtenir les résultats souhaités par le Président. De surcroît, en souvenir de la forte mobilisation post-électorale de 2010, Loukachenko avait prévu non seulement l’usage des forces de l’ordre contre les manifestants qui oseraient dénoncer les falsifications mais également la coupure d’Internet pour empêcher la diffusion de l’information. Alors, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné en 2020 ?
La mobilisation multiforme de la société civile bélarusse
Néanmoins, à la suite de l’annonce des résultats, la situation a rapidement dégénérée. L’assaut violent, donné par les forces de l’ordre contre les manifestants dans l’espoir de briser rapidement le mouvement contestataire naissant n’a fait qu’aggraver la situation11. Des couches plus larges de la population se sont ralliées au mouvement, indignées par les traitements inhumains infligés aux manifestants, la violence et le côté arbitraire des exactions des forces de l’ordre qui se sont déchaînées dans les jours qui ont suivis l’élection. En effet, contrairement aux mobilisations post-électorales des échéances précédentes, ce ne sont pas les représentants de l’opposition politique nationaliste considérablement marginalisés qui se sont trouvés au cœur de cette vague de contestation du pouvoir, mais une multitude d’acteurs issus de la société civile. La campagne éclair qui a assuré la popularité à la candidate largement méconnue, Svetlana Tikhanovskaïa, était devenue possible grâce à la coopération des équipes d’autres candidats, écartés de l’élection, et grâce à l’usage des réseaux sociaux et des médias alternatifs. L’activité de contestation qui avait pris des formes très diverses n’était pas coordonnée à partir d’un centre mais représentait le fruit de nombreuses initiatives citoyennes. Par exemple la plateforme « Golos »12 a permis le décompte parallèle des voix lors de l’élection présidentielle pendant que « Zubr »13 a coordonné l’activité des observateurs indépendants. L’association « Les honnêtes personnes »14 a fourni l’information sur les moyens légaux d’exprimer ses revendications et d’exiger le respect de ses droits. L’association « Viasna »15 a mené le monitoring des infractions en matière de droits de l’homme et apporté un soutien juridique aux victimes. Plusieurs fondations comme By_help ou By_Sol soutenus par les entrepreneurs et les dons privés ont également fourni un soutien moral, juridique et financier aux victimes de répression ou proposé des programmes de reconversion aux représentants des forces de l’ordre pour les inciter à démissionner et ainsi affaiblir le régime. L’information sur l’organisation des manifestations et différentes actions de contestation circulait librement via les réseaux sociaux comme Telegram, Facebook, Viber, les chats, etc. Les médias indépendants comme Nexta, Belsat, Tut.by, Onliner.by ont joué un rôle important dans la couverture médiatique et la diffusion de l’information.
L’entourage de Loukachenko n’avait pas anticipé une telle contestation multiforme qui a surtout révélé au grand jour que la société bélarusse avait considérablement changé depuis son arrivée au pouvoir au milieu des années 1990. La stabilité socio-économique apportée par le régime autoritaire répondait certainement dans les années 1990 et 2000 aux aspirations de la majorité des Bélarusses traumatisés par la chute de l’URSS et rendait peu audibles les revendications de liberté politique portées par une opposition marginalisée et réprimée. Entre-temps, les nouvelles générations ont grandi dans un contexte géopolitique et socio-économique différent. Les pratiques archaïques du régime autoritaire d’A. Loukachenko ne pouvaient plus répondre à leurs aspirations de vivre dans un pays plus moderne, plus libre et plus démocratique, doté d’un véritable État de droit16 à l’instar de leurs voisins européens les plus proches comme les pays Baltes ou la Pologne. Bien que les jeunes citadins de la nouvelle classe moyenne aient été les premiers à se mobiliser, ils ont été progressivement rejoints par des personnes issues de groupes d’âge et de milieux socio-professionnels plus variés. Ainsi, las de subir le simulacre de procédure électorale imposé par le régime, indignés des falsifications et de la violence de la répression des premiers jours, unis par leurs revendications d’élections libres et équitables, de nombreux citoyens bélarusses se sont finalement lancés dans la contestation en août 2020.
Les manifestations spontanées des premiers jours se sont transformées rapidement en grandes manifestations du dimanche baptisés « La marche des héros » qui parvenaient à réunir entre 100 000 et 200 000 personnes. Leur nom a changé en réaction à la hausse de la répression à partir de la mi-octobre comme par exemple « La marche des partisans » du 18 octobre, ou « La marche contre le fascisme » du 22 novembre. Parallèlement à ces grandes manifestations « dominicales », d’autres manifestations se sont mises en place comme celles des femmes qui avaient lieu tous les samedis, ou celles des retraités qui se déroulaient les lundis. En dehors des grandes places et des rues principales du centre-ville de Minsk, les lieux emblématiques des grands rassemblements, toute une panoplie d’actions s’est développée dans les cours des immeubles et les différents quartiers plus périphériques avec des mini-marches locales, des conférences-débats, des actions de solidarité avec les prisonniers politiques17. Les différents groupes professionnels se sont mobilisés également en août, comme par exemple les médecins, les artistes, les enseignants, les ouvriers des grandes entreprises industrielles publiques ou même les ingénieurs IT. L’organisation des grèves s’est révélée néanmoins difficile à cause de l’absence de syndicats indépendants et face à la pression de l’administration et les menaces de licenciement dans le secteur public, dont le poids est très important dans l’économie bélarusse. Certaines autres catégories de la population, en particulier une partie des retraités et les ruraux, sont plutôt restés à l’écart de ce mouvement protestataire18.
Les premières réactions de Loukachenko face à la contestation
A. Loukachenko a paru avoir largement sous-estimé l’effondrement de sa popularité et comptait essentiellement sur l’efficacité de l’ancienne recette : une rapide et violente répression des manifestants au soir et au lendemain de l’élection pour faire taire les mécontents. Une coupure totale d’Internet en l’absence de journalistes étrangers devait permettre de mener cette répression en toute discrétion pendant que les chaînes de télévision nationales diffusaient des messages de félicitations au président « facilement réélu » et saluaient les abondantes récoltes des paisibles campagnes bélarusses.
L’ampleur de la contestation et la large diffusion sur les réseaux sociaux d’images choquantes des violences policières ont mis ce plan à mal. La première apparition publique du président, la semaine suivante, a été un véritable fiasco : il s’est fait huer devant les caméras par les ouvriers d’une grande usine de Minsk. Pris au dépourvu, il a réagi avec un discours incohérent qui mêlait promesses de départ suivant un référendum constitutionnel et affirmations qu’il ne céderait jamais le pouvoir. Ni la propagande officielle vantant la victoire de Loukachenko, ni les tentatives d’organiser des manifestations de soutien en sa faveur, qui ont été lancé en parallèle de la répression de la contestation, n’ont pas permis de calmer la situation dans les semaines qui ont suivi.
Déstabilisé par l’ampleur de la contestation et le manque du soutien des catégories qu’il estimait loyales et redevables, A. Loukachenko s’est montré très amer face à ce qu’il a interprété comme de l’ingratitude19. Cependant, son amertume passagère a rapidement cédé la place à une attitude martiale accompagnée d’une stratégie discursive consistant à dire tout et son contraire : il admettait être resté trop longtemps au pouvoir mais expliquait qu’il ne pouvait pas le quitter, car il était le seul garant de la stabilité d’un pays qui sombrerait inévitablement dans le chaos après son départ. Dans le même temps, il a persisté à nier la falsification des résultats de l’élection et à refuser les négociations avec les opposants, tout en réanimant la théorie du complot. La menace de troupes de l’OTAN sur la frontière occidentale du pays a été brandi en tant que synonyme de l’environnement géopolitique instable dans lequel Loukachenko serait le seul capable d’assurer la sécurité et le bien-être de son peuple. Les manifestants pouvaient ainsi être présentés comme étant à la solde des puissances occidentales désireuses de déstabiliser le pays et de faciliter son dépeçage par des voisins malintentionnés (en particulier la Pologne, qui aurait des vues sur la région de Grodno). L’épouvantail du Maïdan ukrainien, présenté comme synonyme d’une dégradation de la situation socio-économique et d’une profonde instabilité politique, a également été agité. Ces sujets ont été abondamment développés dans les différents discours de Loukachenko destinés aux Bélarusses, lors des longues conférences de presse organisées pour les médias russes le 8 septembre et, le 18 novembre 2020, à l’égard des pays de la CEI où il s’est efforcé de montrer une image rassurante d’un Président qui maîtrise parfaitement la situation20. Cependant, cette stratégie de désinformation ne pouvait agir que sur son électorat traditionnel réduit à un tiers de la population21.
Enfin, tenue secrète jusqu’au dernier moment, son investiture a eu lieu à huis clos au palais présidentiel dans la matinée du 23 septembre. Cette mise en scène, largement diffusée dans les médias officiels par la suite, avait pour ambition de donner une impression de normalité et d’éviter qu’une action improvisée de l’opposition ne puisse assombrir le « triomphe » d’A. Loukachenko. Ce jeu de « cache-cache » était assez révélateur à la fois de la fragilité d’A. Loukachenko qui appréhendait la réaction de la population, mais également de sa détermination à conserver le pouvoir à tout prix.
La spirale de la répression violente comme principale riposte du régime
Le maintien de Loukachenko au pouvoir s’est reposé essentiellement sur la loyauté des forces de l’ordre et de l’appareil administratif bélarusse, ainsi que le soutien diplomatique et économique de la Russie sur lequel on reviendra dans la deuxième partie. En dépit de quelques défections au sein des forces de l’ordre, du corps diplomatique, des médias officiels, des universités et de l’Académie des sciences22, la majorité est restée bien soudée derrière Loukachenko. La peur de perdre leurs postes et leurs privilèges, ou d’être poursuivis en cas d’arrivée au pouvoir des opposants étaient probablement parmi les principales motivations derrière cette loyauté. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que ce soit la stratégie répressive qui ait été privilégiée par la suite. Les autorités ont rapidement poussé à l’exil ou mis en prison les leaders de l’opposition et ont réprimé violemment toute manifestation de contestation dans l’espace public. Si au début, les répressions étaient ponctuelles et dirigées contre les nouveaux leaders de l’opposition et les activistes de la mobilisation, elles sont progressivement devenues plus systématiques et ont touché des catégories plus larges de la population. Selon l’ONG « Viasna », 144 personnes ont été détenues fin novembre 2020 en tant que prisonniers politiques et plus de 900 enquêtes ont été ouvertes par le Parquet bélarusse contre des opposants politiques. Plus de 30 000 manifestants ont été arrêtés en trois mois et plus de 4 000 plaintes ont été déposées pour usage de la torture lors de la détention23. Parallèlement à la répression ouverte, une stratégie de pression et d’intimidation a été lancée à grande échelle pour mettre au pas les citoyens bélarusses récalcitrants. La verticale du pouvoir était utilisée pour descendre les directives du centre via les administrations régionales et locales jusqu’aux dirigeants des organisations et des entreprises publiques chargés à veiller à ce que leurs subordonnés ne montrent aucune velléité de contestation sous menace de licenciement.
Les répressions qui se sont poursuivies tout au long de 2021 ont réduit considérablement le potentiel protestataire au sein de la société bélarusse visant à éradiquer la base de la contestation. La répression ciblée s’est accompagnée de l’interdiction des ONG, des médias et des sites d’informations indépendants, ainsi que par la fermeture de plusieurs entreprises privées, harcelées à coups de diverses inspections24. Le potentiel contestataire de la société bélarusse à l’intérieur du pays a été également affaibli par l’émigration qui s’est poursuivie depuis la fin de 2020 et qui est estimée à environ trois ou quatre cent mille personnes25. Contrairement à ceux qui partaient auparavant de manière individuelle et pour des raisons économiques vers les pays de l’Europe occidentale, en Amérique du Nord ou en Russie, la nouvelle vague depuis 2020 s’est dirigée vers la Pologne, les pays Baltes (en particulier la Lituanie), et la Géorgie.
Les conséquences de la crise pour le régime
d’Alexandre Loukachenko
Bien qu’Alexandre Loukachenko soit parvenu à se maintenir au pouvoir, la crise politique a eu un impact important sur sa perte de légitimité à l’intérieur du pays. Elle a également lancé un véritable défi aux dirigeants occidentaux et remis en question le rapprochement timide entamé entre l’UE et le régime d’A. Loukachenko, devenu fréquentable aux yeux de la diplomatie européenne depuis sa médiation dans la crise ukrainienne en 2014. Totalement discrédité aux yeux des pays démocratiques occidentaux, il est devenu de nouveau une persona non grata suscitant une vague de condamnations et de sanctions. De l’autre côté, cette crise a donné une occasion inespérée à V. Poutine de renforcer l’influence russe à laquelle Loukachenko cherchait à échapper en prenant de plus en plus de distances avec la Russie entre 2014 et 2019.
Le subterfuge de la réforme constitutionnelle comme moyen de légitimation
Si la répression menée par le régime bélarusse depuis la crise de 2020 a permis de réduire au silence la contestation à l’intérieur du pays, elle n’a pas résolu le problème de la perte de légitimité. Ainsi, en parallèle de la lutte contre les « ennemis intérieurs », les autorités bélarusses ont cherché des moyens de restaurer autant que possible la légitimité du régime, fortement érodée depuis la crise de 2020.
S’inspirant de la réforme constitutionnelle russe de juin 2020, l’idée d’organisation d’un référendum dans le but d’entériner les modifications de la Constitution bélarusse a été lancée en 2021. Cette stratégie présentait l’avantage de permettre à A. Loukachenko de sauver la face : il impulsait des changements sans céder directement aux demandes de l’opposition et gagnait du temps dans l’espoir de voir le mouvement de contestation s’essouffler à moyen terme. Il espérait ainsi reprendre la main grâce au contrôle sur le contenu des propositions de modifications constitutionnelles dont les contours demeuraient flous jusqu’à la publication officielle du projet de modifications, le 27 décembre 2021. Au terme d’un simulacre de consultation populaire d’un mois, le texte définitif a été approuvé par référendum le 27 février 2022 par 83 % des votants, événement largement éclipsé par le début de l’intervention militaire russe en Ukraine le 24 février.
Cette réforme, ambitieuse en apparence avec l’ajout d’un chapitre et de 11 nouveaux articles, en plus de la modification de 83 articles, avait pour principal objectif de poser de nouvelles bases institutionnelles assurant le maintien légal de Loukachenko au pouvoir. L’une des principales nouveautés consistait à inscrire dans la Constitution l’existence de l’Assemblée populaire de tout le Bélarus (Vsebelarusskoe Narodnoe Sobranie, VNS) censée devenir « l’organe représentatif suprême du pouvoir du peuple en charge des choix stratégiques de la société et de l’État bélarusse » et dotée d’importants pouvoirs. À l’origine, la VNS avait été convoquée à l’initiative de Loukachenko en 1996 en parallèle de l’organisation du référendum constitutionnel qui avait profondément modifié les institutions politiques bélarusses issues de la Constitution de 1994 en renforçant le pouvoir présidentiel. Les résultats de ce référendum ont été fortement contestés par l’opposition et n’ont pas été reconnus par la communauté internationale. Au moment de sa création, le rôle de la VNS, un organe extraconstitutionnel, était purement symbolique et ses membres avaient pour mission d’acclamer Loukachenko en manifestant leur approbation des choix présidentiels contrairement aux députés récalcitrants du parlement. Par la suite, cette Assemblée a été réunie encore à cinq reprises, la dernière fois les 11-12 février 2021, cette fois-ci pour contrer symboliquement la contestation de l’opposition en 2020 et démontrer le « soutien populaire » du président. Selon les modifications apportées en 2022, cet organe pléthorique devrait compter 1 200 membres choisis pour 5 ans et réunir l’ensemble de l’élite politique nationale et régionale, ainsi que des représentants de la société civile triés sur le volet. Les interrogations demeurent sur son rôle réel : si A. Loukachenko avait besoin de s’assurer un soutien au milieu des année 1990 dans un contexte de contestation de la part d’une partie de l’élite politique bélarusse, il n’avait pas réellement besoin d’une nouvelle institution en 2022 car l’élite politique actuelle a été formée par Loukachenko et lui reste loyale. La principale raison de la création de ce « millefeuille institutionnel » consisterait en une éventuelle possibilité pour Loukachenko de prendre sa direction et permettre l’élection d’un successeur au poste de président afin d’éviter les aléas d’une septième élection.
Ce scénario du transfert du pouvoir aurait été probablement imaginé sous l’inspiration russe dans l’espoir de pousser Loukachenko à prendre une forme de retraite politique et mettre en place un successeur plus docile et conciliant. Cependant, un tel scénario est devenu moins probable avec le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022. L’opposition reste cantonnée, en exil, et ne dispose pas de leviers pour une forte mobilisation contestataire dans le pays. Ainsi, Loukachenko pourrait se présenter encore pour deux mandats présidentiels successifs. L’introduction de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels exercés par la même personne, autre grande nouveauté constitutionnelle de 2022, semble également anecdotique si l’on prend en compte son caractère non rétroactif ce qui signifie la possibilité pour Loukachenko de se représenter sans tenir compte de ses précédents mandats. Elle rappelle la fameuse « remise des compteurs à zéro » utilisée par son homologue russe lui permettant de briguer respectivement son cinquième et sixième mandats en Russie. Il convient de noter que l’ensemble de ces modifications constitutionnelles a suscité peu de réactions et de critiques sur fond du début de la guerre en Ukraine et dans le contexte de la dégradation des relations du régime bélarusse avec les pays occidentaux.
L’impact de la crise politique de 2020 sur la dégradation des relations avec l’UE
Les premières années après l’indépendance ont été marquées par une timide ouverture du Bélarus à l’international et la coopération dans le cadre des organisations internationales à l’instar d’autres pays post-soviétiques. En revanche, la consolidation du régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko et la teneur anti-occidentale de sa politique ont rapidement conduit à l’isolement du pays dans la deuxième moitié des années 1990. Par exemple, les négociations sur l’accord de partenariat et de coopération (l’APC) avec l’Union européenne ont été suspendues en 1997 sans qu’il ne soit jamais signé, son statut d’invité au Conseil de l’Europe a également été suspendu la même année sans que le Bélarus n’en devienne jamais membre. À partir de 1996, les résultats des élections organisées dans le pays n’ont pas été reconnus par les pays occidentaux qui ont régulièrement dénoncé les dérives autoritaires du régime de Loukachenko. Les sanctions contre ce dernier se sont accompagnées par les mesures de soutien à l’opposition et au développement de la société civile bélarusse dans l’espoir de favoriser la démocratisation du pays. Néanmoins, cette politique s’est révélée peu efficace pour changer la nature du régime politique bélarusse et les dirigeants européens ont fini par s’accommoder d’A. Loukachenko en adoptant une attitude plus pragmatique à son égard.
La position de l’UE élargie a également évolué vers la fin des années 2010 avec la mise en place de la politique européenne de voisinage (PEV) dont le principal objectif consistait surtout à assurer la stabilité aux frontières extérieures de l’UE. C’est dans cette optique que l’UE a renoué ses liens avec le régime d’A. Loukachenko depuis 2014, après presque vingt ans de sanctions et de critiques. La cinquième réélection de Loukachenko en 2015 a été la première dont les résultats n’ont pas été sévèrement critiqués par l’UE26. Par ailleurs, le 15 février 2016, le Conseil a levé les mesures restrictives personnelles établies en 2004 et élargies par la suite à 170 personnes et 3 sociétés bélarusses, tout en maintenant l’embargo sur les armes en place depuis 2011. De son côté, en guise de bonne volonté, A. Loukachenko a relâché les prisonniers politiques et limité le niveau de répression contre l’opposition, deux députés de l’opposition sont même rentrés au parlement bélarusse en 2016. Plusieurs projets de coopération ont été lancés en 2018 et 2019 dans le domaine de la gestion des frontières et des migrations ; les accords sur l’assouplissement du régime de visas et la réadmission ont été conclus avec le Bélarus et sont entrés en vigueur le 1er juillet 2020 ; le dialogue sur les réformes de modernisation et sur les possibilités d’approfondir les relations avec l’UE a été entamé.
La crise politique d’août 2020 a réduit à néant ces modestes succès en matière de repositionnement géopolitique réalisé par Loukachenko depuis 2014 et définitivement mis fin à l’amélioration des relations avec l’UE. Cette dernière s’est vue contrainte de prendre des mesures pour bien marquer la ligne rouge et affirmer ses valeurs fondamentales : ne pas reconnaître les résultats d’élections falsifiées, condamner la violence contre les leaders de l’opposition et les manifestants pacifiques et envisager de nouvelles sanctions contre le régime politique bélarusse. Les premières mesures restrictives ont été imposées le 2 octobre 2020 et trois paquets de sanctions ont été mis en place avant fin 2020 en réaction à des actes de répression et d’intimidationcontre des manifestants, des membres de l’opposition et des journalistes.27
Quant à Loukachenko, au cours de l’année 2021, il a radicalement changé sa posture, passant du rôle de médiateur et de pilier de la sécurité régionale qu’il avait cherché à jouer depuis la crise ukrainienne en 201428 à celui du provocateur prêt à tout pour montrer sa capacité de nuisance aux dirigeants de l’UE. L’acte de piraterie aérienne avec l’atterrissage forcé du vol Ryanair à Minsk le 23 mai 2021 pour l’arrestation de l’un de ses opposants emblématiques, le journaliste Roman Protassevitch, n’a été que l’une de ces actions de provocation, bien qu’il ait été celui qui a reçu le plus grand retentissement international. La réaction de l’UE a été très rapide avec l’adoption d’un quatrième paquet de sanctions le 21 juin 2021 accompagné du blocage de l’espace aérien bélarusse. Un autre exemple très médiatisé de cette attitude de défi du Président bélarusse était la crise des migrants qui a éclaté au grand jour sur la frontière polonaise en novembre 2021 par lequel Loukachenko voulait monter quelles seraient les conséquences de son refus de jouer le rôle de « garde-frontière » pour l’UE qu’il avait endossé auparavant. Ainsi, le cinquième paquet de sanctions a été adopté le 2 décembre 2021 par l’UE, afin de dénoncer l’instrumentalisation des migrants en provenance des pays du Proche et Moyen Orient par le régime bélarusse à des fins politiques et des attaques hybrides menées à ses frontières.
Cette attitude provocatrice accompagnée par la surenchère verbale du Président bélarusse stigmatisant la menace insidieuse de l’Occident29, s’expliquait en partie par sa colère à cause de l’accueil et du soutien réservé par les pays occidentaux aux leaders de l’opposition bélarusse. Cette opposition hors frontières s’est en effet établie depuis fin 2020 entre Vilnius et Varsovie30. Svetlana Tikhanovskaïa, installée en Lituanie, s’est rapidement imposée comme le leader officiel et l’interlocuteur privilégié des acteurs institutionnels et des médias étrangers. D’autres personnalités se sont établies en Pologne comme le fondateur du gouvernement populaire anti-crise, Pavel Latouchko, ou l’un des fondateurs du mouvement Bypol, Alexandre Azarov. C’est également en Pologne que se sont développés les médias d’opposition (par exemple la chaine Belsat ou le site Zerkalo.io) et qu’ont émergé par la suite des initiatives de création d’unités paramilitaires, composés de volontaires bélarusse, les bataillons Pahonia et Kastus Kalinouski.
Ainsi, globalement, face aux sanctions de l’UE suivie par d’autres pays occidentaux et son voisin ukrainien, la stratégie d’A. Loukachenko a consisté à imposer le Bélarus comme une source de menace à la sécurité régionale. Il a habilement joué sur le fait que le degré de cette menace était difficile à évaluer dans le contexte géopolitique marqué par de profondes incertitudes et la montée de tensions entre l’UE et la Russie au cours de 2021. L’attitude provocatrice de Loukachenko ne peut toutefois pas être comprise sans la lier à l’importance cruciale que la Russie a joué dans son maintien au pouvoir en 2020 et sa protection face aux pressions de l’opposition en exil et aux sanctions des pays occidentaux.
L’accumulation des tensions dans les relations russo-bélarusses avant 2020
Il convient de préciser que les relations russo-bélarusses n’étaient pas au beau fixe à la veille de la réélection de Loukachenko. Le début de l’année 2020 a été marqué par une frustration mutuelle causée par les réticences du Président bélarusse à répondre favorablement à l’initiative russe d’approfondissement de l’intégration dans le cadre de l’État de l’Union Russie-Bélarus. Le processus de négociations sur cette question, considérée à Moscou comme une priorité, avait déjà été entamé en décembre 2018. En dépit de nombreuses rencontres interministérielles en 2019 et la rédaction d’une trentaine de feuilles de routes, ces négociations n’ont pas abouti. La rencontre d’A. Loukachenko avec V. Poutine le 7 décembre 2019 à Sotchi, dédiée aux 20 ans de la signature du traité sur l’État de l’Union, a mis en évidence le manque d’enthousiasme de la part du Président bélarusse de s’engager sur le chemin de l’intégration approfondie.
Cependant, c’était bien lui qui se trouvait à l’origine de ce projet ambitieux en signant le 2 avril 1997 avec son homologue russe de l’époque, Boris Eltsine, le projet de la création de « l’État de l’Union Russie-Bélarus », ratifié en 1998. Ce dernier prévoyait une intégration des politiques étrangères et militaires et, à terme, la coordination des budgets, la création d’une monnaie unique et d’une zone économique et douanière commune. Après son arrivée au pouvoir en 2000, le nouveau président russe Vladimir Poutine a rapidement manifesté un scepticisme à l’égard de ce projet de coopération engagé par son prédécesseur. Dans les années qui ont suivi, peu de mesures concrètes ont été mises en place en vue de sa réalisation. La coopération bilatérale de manière générale s’est révélée complexe, se réduisant sur le fond à un marchandage de la loyauté géopolitique bélarusse contre les avantages économiques russes.
La loyauté géopolitique bélarusse se manifestait essentiellement sous forme de soutien diplomatique de la Russie sur la scène internationale et de participation à ses diverses initiatives d’intégration sur l’espace post-soviétique (la CEI, l’OTSC, l’Union économique eurasiatique, etc.). En échange, le Président Loukachenko s’attendait à l’obtention de divers avantages économiques de la part du gouvernement russe, en particulier le maintien des tarifs privilégiés sur les ressources énergétiques et les facilités d’accès sur le marché russe de la production industrielle et agroalimentaire bélarusse. Or, les années 2000-2010 ont été marquées par les tractations incessantes autour de la hausse des prix des hydrocarbures imposée par la Russie ou des restrictions d’accès des produits agro-alimentaires bélarusses au marché russe, qualifié dans le jargon médiatique de « guerre du gaz » et de « guerre du lait ».
En ce qui concerne la coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense, au niveau bilatéral et multilatéral, le Président bélarusse a longtemps saboté de facto l’approfondissement de l’intégration en essayant de préserver au maximum le contrôle sur l’usage de ses forces armées et en marchandant avec la Russie son aide financière pour la modernisation des équipements militaires bélarusses obsolètes31. Les dépenses militaires n’ont jamais été la priorité du régime politique bélarusse et variaient entre 1 et 2 % du PIB, à peine suffisants pour entretenir son armée, classée 52e sur 142 pays par le classement de Global Firepower 202232. Derrière la rhétorique sur le statut du « bouclier défensif », la contribution bélarusse réelle à l’architecture commune de sécurité avec la Russie s’est limitée à la location de deux installations militaires russes dans le pays33 et l’accès temporaire accordé aux forces russes sur son territoire à l’occasion des divers exercices militaires visant à intimider les pays voisins membres de l’OTAN34. De surcroit, l’adoption de la nouvelle doctrine militaire bélarusse en juillet 2016 a marqué la volonté du pays de se dissocier de la Russie. Conformément à la Constitution, cette doctrine affirmait l’importance du maintien de la paix. Bien que la coalition avec la Russie, l’OTSC et la CEI y fût qualifiée de « prioritaire », les relations avec l’UE n’en étaient pas moins présentées comme « mutuellement bénéfiques » et celles avec l’OTAN comme « un partenariat ». L’accent était mis sur les menaces potentielles pesant sur la souveraineté et l’intégrité du pays, faisant référence à des « tentatives d’ingérence »35.
Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, les dirigeants russes estimèrent que les avantages économiques accordés par le passé à leur partenaire bélarusse étaient bien trop généreux. Quant à Loukachenko, il trouvait que sa fidélité était de moins en moins bien récompensée, ce qui l’a poussé à diversifier les partenaires économiques et commerciaux pour diminuer la dépendance du Bélarus vis-à-vis de son voisin. Tout d’abord, c’est la coopération avec la Chine qui s’est développée depuis le début des années 2010 et qui s’est renforcée dans le cadre du projet de nouvelles routes de la soie. Puis la médiation dans la crise ukrainienne a conduit à l’amélioration provisoire des relations avec les pays occidentaux, comme cela a été souligné plus haut, ce qui a suscité l’espoir de renforcer la coopération économique et commerciale avec les pays de l’UE et d’obtenir l’accès à de nouvelles sources de financement. Cette diversification de partenariats s’est accompagnée par les velléités de la prise de distance avec la Russie. Une attitude très mal perçue en Russie, dont les milieux économiques et financiers se sont toujours montrés sceptiques à la poursuite de la coopération avec le Bélarus perçue comme une politique de subventions à perte dans l’économie bélarusse.
Si, en dépit de la frustration mutuelle, le projet d’approfondissement de la coopération dans le cadre de l’État d’Union Russie-Bélarus a été ressuscité par V. Poutine en 2018, c’était en premier lieu pour des raisons politiques dans le cadre de sa réélection pour son quatrième mandat mais également en raison du contexte géopolitique défavorable marqué par la diminution croissante de l’influence russe dans l’espace post-soviétique. Comme jadis Eltsine à la fin des années 1990, Poutine avait besoin de mettre en avant un projet de coopération régionale réussie illustrant l’attractivité de la Russie aux yeux des pays voisins. Or, derrière la rhétorique de l’égalité formelle des partenaires, l’approfondissement de l’intégration au sein de l’État de l’Union prévoyait l’existence d’institutions supranationales et l’abandon partielle de la souveraineté, ce qui du point de vue russe ne pouvait aller que dans un sens : l’abandon de souveraineté par le Bélarus. L’égalité était impossible dans les faits compte-tenu de la différence de poids économique et géopolitique des deux pays. Ainsi, l’insistance russe en 2019 sur la relance de ce projet qui patinait depuis deux décennies avait fait naître des spéculations sur les arrière-pensées politiques russes, notamment sur une éventuelle annexion « en douce » du Bélarus36.
Les tensions sont montées crescendo début 2020. A. Loukachenko a osé accueillir en grande pompe, le 1er février 2020, le Secrétaire d’État américain Mike Pompeo. Lors de cette visite, les États-Unis se sont dits prêts à couvrir à un prix compétitif 100 % des besoins bélarusses en pétrole et à aider le pays à assurer son indépendance et sa souveraineté. Cette menace à peine déguisée de suppléer la Russie en tant qu’unique fournisseur de pétrole représentait un affront symbolique inimaginable de la part d’A. Loukachenko à son partenaire russe. La gestion de la pandémie du coronavirus a été un autre indicateur du dysfonctionnement de la relation russo-bélarusse. La Russie a fermé de manière unilatérale ses frontières du 18 mars au 1er mai 2020, interdisant l’entrée sur son territoire aux citoyens étrangers, y compris aux Bélarusses. Cette décision a été prise sans aucune consultation avec les autorités bélarusses, illustrant le peu d’égard que la Russie avait pour le respect de ses engagements en matière de libre circulation dans le cadre de l’État de l’Union.
Dans ce climat de la dégradation des relations russo-bélarusses, la campagne électorale d’A. Loukachenko a débuté en avril 2020 par des accusations d’ingérence de Moscou qui aurait sponsorisé l’opposition. L’un des candidats le mieux placé dans la course présidentielle, l’ancien directeur de Belgazprombank Viktor Babariko, désigné comme un pion de la Russie, a été arrêté avec une partie de ses collègues pour fraude, ce qui a permis de l’écarter de l’élection. À défaut de pouvoir miser sur la promesse traditionnelle des avantages économiques de la part de la Russie, Loukachenko a recentré sa campagne présidentielle sur la question de la souveraineté bélarusse prétendument menacée par les changements géopolitiques, se positionnant en tant que garant de la stabilité, capable de protéger le pays de toute menace extérieure potentielle. Et, une fois n’est pas coutume, il s’est permis d’insinuer que ce ne sont pas les pays occidentaux mais la Russie qui était une puissance extérieure hostile cherchant à déstabiliser le régime politique bélarusse. Le point culminant de cette campagne anti-russe a été l’arrestation le 29 juillet 2020 près de Minsk d’une trentaine de ressortissants russes en transit, employés par la société de sécurité privée Wagner, et désignés dans les médias officiels bélarusses comme des combattants (boeviki) envoyés pour provoquer le désordre à la veille des élections.
Les raisons du soutien russe apporté à Loukachenko en 2020
et ses conséquences
L’attitude anti-russe ouvertement provocatrice d’A. Loukachenko a été mise à rude épreuve par la crise politique déclenchée le 9 août 2020. Déstabilisé par l’inefficacité de la répression des trois premiers jours et par la poursuite de la mobilisation massive des Bélarusses, A. Loukachenko s’est résigné au bout d’une semaine à faire volte-face et à appeler au secours Vladimir Poutine. Le soutien de celui-ci n’a été ni franc ni inconditionnel et son silence dans la semaine qui a suivi les élections a donné l’impression qu’il attendait de savoir qui allait l’emporter des manifestants ou de Loukachenko. Néanmoins, Poutine a fini par apporter son soutien diplomatique et faire quelques promesses, notamment celle d’envoyer des troupes russes dans le cadre des accords de l’OTSC si le Président bélarusse ne parvenait pas à gérer la situation lui-même.
En effet, cette crise politique bélarusse a mis les dirigeants russes face à un pénible dilemme. D’un côté, dans la continuité de leur politique affichée, ils ne pouvaient en aucun cas accepter qu’une révolution de couleur se produise en Bélarus et que Loukachenko démissionne sous la pression de la rue. D’ailleurs, la rhétorique officielle russe pour justifier leur soutien a consisté à affirmer que Loukachenko cherchait à mettre fin à la tentative d’une révolution de couleur de type Maïdan téléguidée par l’Occident. D’un autre côté, cette crise politique révélait au grand jour la baisse de popularité et la fragilité de Loukachenko suscitant la tentation de se débarrasser de ce partenaire encombrant qui s’est montré peu fiable par le passé, ou du moins à tirer les bénéfices de cette situation. Une opportunité qu’en bon tacticien, V. Poutine n’a pas hésité à saisir dans la perspective d’obtenir plus facilement des concessions de la part du Président bélarusse affaibli et d’arrimer plus fermement le Bélarus à « l’espace russe ».
Les négociations sur le renforcement de la coopération dans le cadre de l’État d’union Russie-Bélarus ont repris aussitôt. Cependant, il a fallu plus d’une année et de nombreuses visites officielles des hauts-dirigeants russes à Minsk et d’A. Loukachenko en Russie avant que les textes de 28 programmes ne soient signés à la fin de 2021. Au cours de la même année, la Russie a accordé un important soutien financier pour maintenir à flot l’économie bélarusse sous sanctions versant 1,5 milliards de dollars à l’automne de 2020. Elle a apporté en plus un soutien logistique permettant la réorientation progressive du flux d’exportations bélarusses via son territoire et ses ports.
L’intégration s’est également renforcée dans le domaine de la sécurité, sujet hautement stratégique pour la Russie. La partie bélarusse a accepté d’actualiser la doctrine militaire commune avec la Russie, dont la révision avait été interrompue en 2015. Elle a également reconduit, pour une durée de 25 ans, la location des deux installations militaires à la Russie, dont les baux, signé à l’origine en 1995, avaient expiré en 2020. Par ailleurs, la suppression du statut de neutralité du pays, inscrite dans la version originelle de la Constitution de 1994, qui figurait parmi de nombreuses modifications de la Constitution adoptées en 2022, a ouvert la voie non seulement à l’utilisation logistique de son territoire par la Russie, mais également à l’installation d’armes nucléaires russes sur son sol. Ainsi, l’autonomie géostratégique du Bélarus s’est réduite, renforçant l’obligation de l’allié bélarusse de fournir le soutien inconditionnel à la Russie, et cela sans pouvoir peser sur les choix stratégiques russes. Néanmoins, Loukachenko a réussi à préserver sa capacité à être le seul à prendre la décision sur l’utilisation de l’armée bélarusse, cette dernière étant limitée à la défense de son territoire et à la participation dans les missions du maintien de la paix à l’étranger dans le cadre de l’OTSC.
En 2022, la survie du régime bélarusse ne semblait plus menacée. L’une des conséquences majeures de la crise de 2020 était l’abandon des velléités d’émancipation géopolitique d’A. Loukachenko et du repositionnement stratégique réalisé dans les années précédentes. Il avait en effet beaucoup misé sur la position géographique du pays en développant l’infrastructure logistique afin de l’imposer comme un pôle de transit incontournable au niveau régional sur les axes Est-Ouest (Chine et Russie – UE) et Nord-Sud (Pays baltes – Ukraine). Cette attractivité du Bélarus a commencé à diminuer après la crise de 2020 et les tensions croissantes avec la Pologne et la Lituanie qui ont hébergé l’opposition bélarusse en exil et dont les dirigeants n’avaient jamais dissimulé le désir d’influencer le changement de régime politique à Minsk. Ce nouveau contexte a compromis non seulement les ambitions d’A. Loukachenko d’imposer le pays comme une plateforme logistique importante aux portes de l’UE, mais il a également réduit les débouchés pour les exportations bélarusses en dehors de la Russie. Une autre conséquence de la crise politique de 2020 a consisté en un accroissement de la dépendance du régime bélarusse vis-à-vis de la Russie en contrepartie du soutien apporté à A. Loukachenko pour faire face à la contestation et se maintenir au pouvoir. Cette dépendance économique et stratégique accrue vis-à-vis de son puissant voisin russe renforce considérablement le risque d’érosion complète de la souveraineté bélarusse. Finalement, dans le nouveau contexte d’instabilité régionale marquée par le début de la guerre en Ukraine en 2022, A. Loukachenko semble tirer profit de la situation pour ne plus être inquiété, ni par l’opposition bélarusse qui reste cantonnée de l’autre côté du nouveau « rideau de fer », ni par les critiques et les sanctions des pays occidentaux, ni par des pressions russes pour envisager une éventuelle succession. Néanmoins, cette consolidation temporaire de son pouvoir se fait au prix de l’isolement du pays et de la dépendance vis-à-vis de la Russie.
Notes
- Il a été élu pour la première fois en 1994, puis réélu en 2001, 2006, 2010, 2015.
- Pour l’analyse des ressorts du régime autoritaire bélarusse cf. par exemple, D. Marples, Belarus: a Denationalized Nation, Amsterdam: Harwood Academic, 1998; E. Korosteleva, C. Lawson, R. March (ed.), Contemporary Belarus: Between Democracy and Dictatorship, London: Curzon Press, 2002; J.-Ch. Lallemand, V. Symaniec, Biélorussie: mécanique d’une dictature, Paris: Les Petits Matins, 2007; A. Wilson: Belarus : The Last European Dictatorship, Yale University Press, 2012.
- A. Goujon, « Le “loukachisme” et le populisme autoritaire en Biélorussie », Politiques et sociétés, 2002, vol. 21, n° 2 : p. 29-50.
- La Commission électorale centrale était présidée depuis décembre 1996 et jusqu’à 2021 par une proche d’A. Loukachenko, Lidia Ermochina. Ses méthodes lui ont valu une certaine réputation internationale : depuis 2004 L. Ermochina figurait régulièrement dans les listes des personnes sanctionnées suite à la falsification des résultats des élections. En revanche, elle a été remerciée pour ses loyaux services peu après la crise politique de 2020.
- Les rapports des missions d’observation des élections du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (ODIHR) de l’OSCE en donnent de multiples exemples de différents types d’infractions attestant l’intervention permanente de l’exécutif bélarusse dans le processus électoral. Ils peuvent être consultés via : [en ligne] https://www.osce.org/odihr/elections/belarus [consulté le 01/02/2024].
- Pour une analyse détaillée des élections présidentielles bélarusses cf. O. Belova, « L’instrumentalisation des élections dans les régimes autoritaires : le cas du Bélarus », in F. Savonitto (dir.), « Dictatures » et consultations électorales en Europe et aux Amériques, Paris : L’Harmattan, 2021 : 79-100.
- Affichant ouvertement son scepticisme à l’égard de la gravité de la pandémie du Covid, A. Loukachenko a certainement sous-estimé l’impact que les restrictions imposées par d’autres pays ont eu sur la mobilité de la population, les Bélarusses ne pouvant pas voyager même dans les pays voisins les plus proches y compris la Russie.
- « Belarus: Bloggers and activists arrested in purge ahead of the presidential election must be released », Amnesty International, publié le 26 juin 2020, [en ligne] https://www.amnesty.org/en/latest/news/2020/06/belarus-bloggers-and-activists-arrested-in-purge-ahead-of-the-presidential-election-must-be-released/ [consulté le 01/02/2024].
- « Poslanie belorusskomu narodu i nacional’nomu sobraniu » [L’adresse au peuple biélorusse et l’Assemblée nationale], publié le 4 août 2020 [en ligne] https://president.gov.by/ru/events/poslanie-belorusskomu-narodu-i-nacionalnomu-sobraniyu-1596556577 [consulté le 01/02/2024].
- L’envoi d’une délégation de l’OSCE s’est révélé trop compliqué au regard des restrictions sur les déplacements imposés par les pays de l’UE dans le cadre de la pandémie du Covid-19.
- Plus de 6 000 personnes ont été arrêtées entre le 9 et 12 août 2020.
- https://belarus2020.org/home [consulté le 01/02/2024].
- https://zubr.in/elections/about [consulté le 01/02/2024].
- https://honest-people.by/ [consulté le 01/02/2024].
- http://spring96.org/ru [consulté le 01/02/2024]
- Sur l’usage des arguments juridiques lors de la contestation cf. la contribution d’H. Flavier dans cet ouvrage.
- Au sujet des mobilisations dans les quartiers, cf. la contribution de T. Shukan dans cet ouvrage.
- Sur la réaction des différentes catégories socio-professionnelles cf. la contribution de R. Hervouet dans cet ouvrage.
- Voir par exemple le discours de Loukachenko lors du meeting du 16 août 2020, dont la transcription est disponible via [en ligne] https://meduza.io/feature/2020/08/16/zagubite-pervogo-prezidenta-eto-budet-nachalo-vashego-kontsa-lukashenko-vystupil-na-mitinge-v-minske-i-rasskazal-chto-belorusy-emu-vsem-obyazany [consulté le 01/02/2024]
- Voir par exemple l’interview donné par A. Loukachenko aux représentants des principaux médias russes, (en russe), 8 septembre 2020, [en ligne] https://president.gov.by/ru/events/intervyu-predstavitelyam-vedushchih-rossiyskih-smi [consulté le 19/03/2024].
- Pour une analyse approfondie cf. O. Gille-Belova, « Enjeux et défis de la crise biélorusse », Politique internationale, n° 170, hiver 2020-2021 : p. 25-46.
- « Le système de Loukachenko perd en masse ses professionnels », (en russe), Naviny, 19 novembre 2020 : [en ligne] https://charter97.org/ru/news/2020/11/20/401258/ [consulté le 19/03/2024].
- Les données régulièrement mises à jour ont été disponibles sur le site de l’association via : http://spring96.org/ru/news/49513 [consulté le 01/02/2023].
- Ultérieurement dans le contexte de la guerre en Ukraine, plusieurs modifications ont été également apportées au Code pénal en décembre 2022, notamment dans les articles sur la diversion, la trahison d’État ou la diffamation à l’égard des forces armées. Ce nouveau dispositif a rendu pratiquement impossible l’expression non seulement de toute contestation à l’égard du régime politique mais également de toute critique à l’égard du soutien apporté par les autorités bélarusses à la Russie dans la guerre en Ukraine. Par ailleurs, plusieurs leaders de l’opposition en exil, dont Svetlana Tikhanovskaïa et Pavel Latouchko, ont été condamnés par contumace par un tribunal bélarusse en mars 2023 à plusieurs années de réclusion dans une colonie pénitentiaire.
- « Où et comment vivent les émigrés et qui voudrait revenir », (en russe), Zerkalo, 20 janvier 2023 : [en ligne] https://news.zerkalo.io/economics/30790.html?c [consulté le 01/02/2024].
- Dans les « Conclusions du Conseil sur la Biélorussie », il a été souligné que l’élection présidentielle « s’est tenu dans le calme » (point 4), [en ligne] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/02/15/fac-belarus-conclusions/ [consulté le 01/02/2024].
- La description détaillée des « Mesures restrictives de l’UE à l’encontre de Bélarus » sur [en ligne] https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-belarus/ [consulté le 01/02/2024].
- À l’époque A. Loukachenko a réussi de positionner Minsk comme le lieu de négociations entre les gouvernements ukrainien, russe et les représentants des républiques populaires autoproclamés de Donetsk et de Lougansk sous les auspices de la France et de l’Allemagne permettant la signature des accords de paix Minsk 1 en septembre 2014 et Minsk 2 en février 2015.
- Voir par exemple « L’adresse du président au peuple bélarusse et l’Assemblée nationale », (en russe), le 28 janvier 2022, [en ligne] https://president.gov.by/ru/events/aleksandr-lukashenko-28-yanvarya-obratitsya-s-ezhegodnym-poslaniem-k-belorusskomu-narodu-i-nacionalnomu-sobraniyu [consulté le 01/02/2024].
- Pour une étude de l’opposition bélarusse en exil cf. la contribution de E. Pierson-Lyzhina dans cet ouvrage.
- A. Marin, « Les relations militaires de la Russie avec le Bélarus : une alliance qui laisse Moscou sur sa faim », Revue Défense Nationale, 2017/7 no 802 : p. 161-167 ; A. Marin, « Trading Off Sovereignty? The Outcome of Belarus’s Integration with Russia in the Security and Defence Field », OSW Commentary, n° 107, 25 avril 2014.
- « 2022 Belarus Military Strenth » in https://www.globalfirepower.com/country-military-strength-detail.php?country_id=belarus. [consulté le 01/02/2024].
- Il s’agit d’une station radar à Gantsevitchi (70M6 Volga), qui permet la détection en cas d’attaque aérienne occidentale, et d’un centre de communications navales de la marine russe à Vileïka.
- L’armée biélorusse a participé aux manœuvres dans le cadre de l’OTSC : l’« Interaction » en 2010, 2012 et 2015, la « Fraternité indestructible » en 2013, puis la « Fraternité de combat » en 2017 et 2018. Elle a également pris part à côté des forces russes et serbes aux manœuvres de la « Fraternité slave » en 2015, 2016, 2018 et 2021. Les manœuvres militaires russo-biélorusses « Ouest » (Zapad) conduites en 2013, 2017 et 2021 ainsi que le « Bouclier de l’Union » en 2015 ont permis un déploiement massif des forces militaires russes sur le territoire biélorusse.
- Le texte (en russe) était disponible jusqu’à 2021 sur le site du ministère de la Défense : https://www.mil.by/ru/military_ policy/basic/doktrina/ [consulté le 01/12/2018]
- A. Liakhovich, « The potential “anschluss” by Russia: will Belarus resist? », Belarus Digest, 8 avril 2019, [en ligne] https://belarusdigest.com/story/the-potential-anshcluss-by-russia-will-belarus-resist/ [consulté le 01/02/2024] ; A. Chraïbman, « Bratskoe pogloŝenie. Možet li Rossiâ prisoedinit Belorussiû ? » [L’absorption fraternelle. La Russie peut-elle incorporer la Biélorussie ?], 15 janvier 2019, [en ligne] https://carnegie.ru/commentary/78113 [consulté le 01/02/2024].