« Autorité en construction »
Le philologue, tout autorisé qu’il soit par son savoir, doit à chaque nouvel ouvrage (re)construire son autorité, puisque la qualité de son travail n’est pas une donnée garantie a priori. Il s’appuie donc sur des socles qui sont à même de constituer des bases solides. Ce peut être sa position dans la société savante, son statut privilégié (Turnèbe lecteur puis imprimeur royal) ou son érudition, déployée dans des travaux antérieurs. Fort de ces matériaux, le processus de construction lui-même peut s’engager, et utilise diverses techniques : chantier discret où des protestations d’humilité (Modius) semblent ralentir le processus ; ou bien « mise en scène » de soi (Turnèbe) ou « muséographie » du livre plus ostentatoires (Rhellicanus). Les articles réunis dans cette seconde section montrent que cette construction est savamment pensée : la mise en avant ou en retrait de Turnèbe selon le contexte d’édition, les stratégies d’affirmation ou de retrait de Modius, l’alliance de pédagogie et d’érudition de Rhellicanus imposent le philologue comme un maître ayant une vue d’ensemble de son ouvrage. Le lecteur et le critique viennent parachever la construction de cette autorité en l’appréciant et en la validant, poursuivant ainsi un processus qui s’inscrit dans une durée variable ; tandis que certains considéreront leur édition comme le témoignage achevé de leur autorité, d’autres n’auront de cesse de continuer à la construire.