Dans l’objectif de valoriser le fonds Arts du Cirque1, j’ai fait le choix de m’intéresser à ce genre mineur et minoré qu’est la littérature enfantine et à des albums à destination de la jeunesse édités à la fin du XIXe siècle. Parcourant une base de données qui recense non loin de deux mille ouvrages imprimés, un fascicule richement illustré a retenu mon attention. Boum-Boum du Cirque d’été2 met en vedette le personnage clownesque de Geronimo Medrano (1849-1912). Artiste de la piste, entrepreneur de spectacles, et célébrité montmartroise, Medrano donna son nom au cirque éponyme rendu célèbre par ses clowns, de Grock aux Fratellini, jusqu’à la fermeture définitive de l’établissement en 1962. Selon Tristan Rémy,
Tout devait, pour Medrano, les attitudes comme les couleurs, concourir à la joie. Son établissement devint une véritable pépinière de comiques aux talents multiples et originaux. Il aida, découvrit et encouragea tous les clowns connus, ne refusant jamais à un inconnu de débuter à l’essai chez lui. Passer chez Medrano était pour eux comme un brevet professionnel, une consécration définitive3.
De l’Espagne à la France, en passant par Montmartre…
D’origine espagnole, l’histoire de Geronimo Medrano débute à Madrid, où découvrant les exploits de Jules Léotard, créateur d’un numéro de trapèze volant au cirque Price, il devient l’élève de Balaguer. Quelques années plus tard, sillonnant l’Europe avec son partenaire, il monte un numéro aérien avec lequel il se produit en France, chez Théodore Rancy. De là, l’artiste se rend au Caire à l’occasion des fêtes d’inauguration du canal de Suez4, et, après une tournée en Angleterre, s’installe finalement à Paris. Il se fait embaucher comme trapéziste en 1872 au Cirque des Champs-Élysées5 par Franconi, mais lui préfère un emploi de clown chez Fernando qui dirigeait alors à Vaugirard un modeste chapiteau. Au printemps 1873, le cirque Fernando6 s’établit définitivement boulevard Rochechouart pour la fête de Montmartre. En très peu de temps, Geronimo Medrano, que le public surnomma Boum-Boum car il interpellait l’orchestre d’un tonitruant « Boom ! Boom ! » immédiatement redoublé par les grondements de la grosse caisse, devient la coqueluche du gai Paris. On imagine mal le succès de cet acrobate qui se produisit à l’hippodrome devant cinq mille spectateurs. Revenant sur l’ensemble de sa carrière, l’artiste se souvient :
Jusqu’à dix ans je vécus chez mon père, confiseur de son état. Le brave homme voulait faire de moi un vétérinaire, mais moi je me moquais bien de la vocation paternelle, je savais que je serais acrobate. L’amour du trapèze, des barres me vient, et un beau matin, le cirque quittant la ville pour reprendre ses tournées, je désertai la maison paternelle à la suite de la troupe. Voilà ! Après sept ans d’apprentissage, comme je gagnais encore que ma nourriture, je revins à Madrid où, nouvel enfant prodigue, je consentis à entrer au collège San-Francisco, institution semblable à l’école vétérinaire d’Alfort. Ici, je passai deux ans dans ce collège, mais l’amour du métier reprit le dessus, je partis en Italie à la suite du cirque Guillaume […] J’ai quarante-cinq ans maintenant, et en trente-cinq années de travail assidu, j’ai gagné 320 000 francs. Il n’y a pas beaucoup de vétérinaires qui puissent en dire autant. Ma mère me dit souvent : Geronimo, tu as bien fait ; il vaut mieux faire des cabrioles sur un cheval que d’en soigner cinq cent[s]7.
On verra que cette vocation contrariée de vétérinaire a finalement permis à Geronimo Medrano de bifurquer vers la médecine, et la publicité8, car selon Marie-Ève Thérenty, « sa biographie a en effet été réécrite par hybridation avec de vieux canards, des légendes urbaines et des fictions qui ont continué à se diffuser longtemps après la mort du clown9 ».
« Miousic ! »
Si l’on en croit Tristan Rémy, l’accent anglais vint aux clowns, leur nom générique francisé était orthographié « Claude » ou « Claune », car l’art du comique fut importé par Andrew Ducrow, engagé par les Franconi au Cirque Olympique10. Philippe Goudard, confirme l’étymologie du mot clown :
[L]e terme clown apparaît en Angleterre au cours de la seconde moitié du XVIe siècle et désigne un personnage, un emploi et une spécialité d’acteur. L’analyse lexicale montre qu’il est tantôt le clown des champs, le rustaud. Lié au terme clot, ou clod, qui renvoie à une motte de terre, il évoque le gars de la campagne, le péquenaud, le paysan, le rustaud, le lourdaud, celui qui n’a pas de manières, ce qui donne une idée des connotations négatives associées à la figure de ce clown rustique. Il est par extension associé à la bêtise. Mais il est aussi le clown des villes : la tête d’affiche. Et le terme clown renvoie très vite également à l’acteur comique qui tient une place à part dans le théâtre élisabéthain, à la fois membre de la troupe et électron libre à qui le dramaturge réserve un espace de jeu spécifique et pour qui il écrit des rôles comiques de clown, de fou (fool) ou de bouffon (jester)11.
Héritier de Kemp, bouffon shakespearien, ou de Grimaldi, cet enfant de la balle qui devint l’acteur vedette des pantomimes anglaises, et dont le fameux gimmick « Here we are again ! » retentissait sur la scène du Sadler’s Well londonien le pitre se doit non seulement d’adopter un accent artificiel pour présenter à un imprésario ses lettres de noblesse, mais aussi de ponctuer ses entrées en piste par quelque interjection bien sentie.
Bref, chaque clown évoluant au milieu d’une figuration nombreuse, se singularisait par un cri, une phrase, un leit-motiv ; et cette coutume se maintiendra même après que les cirques auront cessé de présenter des évolutions équestres. Medrano, à la fin du siècle fut surnommé Boum Boum : ne lançait-il pas cette interjection au chef d’orchestre avant de finir un de ses tours12 ?
Si pour Tristan Rémy, Boum-Boum adopte à ses débuts l’attitude narquoise des Anglais13, il est d’abord un acrobate très habile, et se révèle doué pour le dressage. Serait-ce en raison de ses anciennes passions vétérinaires ? Geronimo Medrano a pour partenaires des caniches, des singes, des chevaux et, pour favorite, la truie Porte-Veine14. Ce choix de la trivialité, alors qu’à l’époque les ménageries se remplissent plutôt d’animaux exotiques15, concorde avec l’attitude irrévérente de l’artiste et témoigne d’un goût prononcé pour la fumisterie. Plus intelligente que son drôle de complice, l’animal s’avère en effet être le parfait faire-valoir du saltimbanque, et sa placidité offre un juste contrepoint aux bouffonneries du clown qui ne manque pas de monter à califourchon sur son cochon, pour la joie du jeune public venu l’applaudir en matinée. Fréquemment représenté avec sa truie16 pour les besoins de la réclame, Medrano a tout intérêt à voir cette image emblématique démultipliée sur de nombreux supports : affiches, programmes, photographies, mais aussi albums illustrés ou découpis, ces frêles témoins d’un âge d’or de la piste, et qui viennent perpétuer, quand bien même le rideau est retombé, le souvenir d’instants de franche hilarité.
Rire de l’autre
Boum ! boum ! boum ! –Zim ! boum ! boum !!
Ran, tan plan !… boum ! zim ! boum.
Entrez ! entrez ! petits et grands !…
Le clown Boum-Boum est l’ami des enfants !…
On commence dans 5 minutes !…
Boum-Boum fera ses plus belles culbutes.
Pour bien divertir les enfants,
On fera travailler l’âne et les chiens savants ;
Ensuite, écuyer, écuyère ;
Sauts périlleux en avant et sauts grotesques en arrière,
Par d’autres clowns étonnants !
Boum ! zim ! boum !!
Zim ! boum ! boum !!
Attention ! … Le spectacle commence
Par le clown Boum-Boum, qui, dans la piste, avec aisance
Fait aux enfants sa révérence17 !
Rythmé par les roulements de tambour et les accents des cymbales, produit dérivé du spectacle dont il est le prolongement, l’album Boum-Boum du cirque d’été, illustré de gravures en noir ou en couleurs, en reproduit la dramaturgie, numéro après numéro.
D’abord entre en piste l’écuyère, puis viennent les chiens savants. Les antipodistes japonais sont salués pour leur souplesse, mais si leurs poses sont admirées pour leur grâce, entre crochets, l’auteur précise à son lectorat que leurs visages sont laids, et insiste sur la ressemblance de faciès entre le singe Jocko et les acrobates nippons. Il ne faut pas oublier de rappeler en toutes occasions la suprématie de la race blanche. On ne peut que s’interroger aujourd’hui sur la persistance de cette stigmatisation comme sur ces relents nauséabonds de la physiognomonie18 en vogue durant l’ère coloniale.
Quant à l’âne Martin, il est prévu qu’il reçoive, en place de sa ration de croutons, une volée de coups de bâton s’il venait à se montrer colérique et indocile. Comme le chien qui fait le beau devant son maître, en l’occurrence le clown Boum-Boum, il est rappelé que l’éducation s’apparentant au dressage. L’enfant, créature de rang inférieur, doit prêter obéissance aux adultes et contenter ses parents, s’il veut obtenir une récompense. Après ces remarques édifiantes, semblables à celles inculquées dans La civilité puérile et honnête19, l’album se referme sur la fin du spectacle, et la promesse faite qu’on reviendra jeudi prochain au cirque. Il faudrait de plus amples investigations pour s’assurer que le prix d’une représentation en matinée permet aux petits parisiens de s’y divertir chaque semaine, mais on peut fort bien s’imaginer, que le spectacle terminé, il se prolonge par la lecture.
Au chevet du malade
Nul ne peut aujourd’hui affirmer que Boum-Boum allait jusqu’à visiter ses petits admirateurs autrement qu’en songe. Pourtant, jusque dans la biographie que lui consacre son propre fils20, la légende raconte qu’un jour, Geronimo Medrano accepta de quitter le boulevard Rochechouart pour monter jusqu’aux Abesses afin de se rendre auprès d’un garçon torturé par la fièvre qui le réclamait, et qu’il parvint à le guérir par ses grimaces du mal qui le rongeait. S’agit-il d’une anecdote montée en épingle, ou plus simplement d’un de ces coups médiatiques dont l’homme d’affaires Medrano a le secret ? Quoi qu’il en soit, ce récit a contribué à déformer l’histoire du clown jusqu’à nos jours, et il n’est pas rare de lire sur les rares notices qui sont consacrées à Geronimo Medrano par des amateurs éclairés, que Boum-Boum fut médecin avant d’être trapéziste. Au-delà d’improbables études vétérinaires demeurées inachevées et du soin journalier apporté par le dresseur à ses partenaires non-humains, peut-être faut-il attribuer la raison de cette méprise à l’écrivain Jules Claretie, critique dramatique et chroniqueur mondain qui avait déjà immortalisé le cirque Fernando dans son roman Le Train 17 (1877). Car il est l’un des principaux architectes de la renommée de Medrano et, entre autres nouvelles, l’auteur de Boum-Boum. Un conte mélodramatique paru dans la presse21, puis publié successivement en 1888 et en 1898, met en scène un enfant d’une famille d’ouvriers à l’agonie, que les spectacles d’ombres de son père n’amusent plus.
Jacques Legrand avait acheté à François des images, des soldats dorés, des ombres chinoises ; il les découpait, les mettait sur le lit de l’enfant, les faisaient danser devant les yeux égarés du petit, et avec des envies de pleurer, il essayait de le faire rire22.
Amaigri, épuisé et délirant, François réclame à ses parents son amuseur favori. Après avoir proposé une poupée à l’effigie du clown que l’enfant lui refuse, désespéré, le père se rend au cirque Medrano, s’enquière de l’adresse où vit l’artiste qu’il trouve confortablement installé dans ses appartements.
Ce n’était plus Boum-Boum ! C’était M. Medrano, et, dans le logis artistique, des livres, des gravures, une élégance d’art faisaient comme un décor choisi à un charmant homme qui reçut Jacques dans son cabinet, pareil à celui d’un médecin23.
Medrano suit le père, pour se rendre au chevet de l’enfant. Mais celui-ci ne reconnaît pas son idole dans ce bourgeois éclairé, cintré dans un costume de ville. Il ne l’identifiera que plus tard, retrouvant ses couleurs dès lors que le clown, que son père a été quérir au cirque, reparaît une seconde fois, revêtu de son habit pailleté, paré de sa perruque de chanvre, et le visage enfariné. L’épilogue de cette histoire emplie de bons sentiments, cherche à nous faire croire, que le vrai médecin n’est pas celui qu’on pense.
Quand le docteur revint, ce jour-là, il trouva assis au chevet du petit François un
clown à la face blême, qui faisait rire encore et toujours rire le petit garçon, et
qui lui disait, en remuant un morceau de sucre au fond d’une tasse de tisane.
– Tu sais, si tu ne bois pas petit François, Boum-Boum ne reviendra plus.
Et l’enfant buvait.
–N’est-ce pas que c’est bon ?
– Très bon ! …merci, Boum-Boum !
– Docteur, dit le clown au médecin, ne soyez pas jaloux. Il me semble que mes grimaces
lui font autant de bien que vos ordonnances24 !
Si on peut faire du rire la meilleure des posologies, il faut cependant douter de la véracité d’une fable enjolivée par un auteur à succès (avec lequel Medrano a des acquaintances avérées), et qui s’achève par une dernière pirouette, quand, en guise de remerciement, Boum-Boum demande aux parents, Jacques et Madeleine Legrand, la permission de faire figurer sur sa carte de visite le titre de « Docteur acrobate, médecin ordinaire du petit François ». Mais il n’en faut pas plus pour asseoir la notoriété de Medrano, ainsi sacré pédiatre.
Du cirque au music-hall
Détaché de son premier support, le conte de Claretie continue son chemin de l’imprimé au livre vers le music-hall. Sous la plume des paroliers Alexandre Trébitsch (1840-1937) et Eugène Leclerc (18..-1899), et sur une composition de Renaud Goublier, une version plus dramatique de l’histoire est mise en musique pour les besoins de Mlle Amiati25, chanteuse à la Scala.

Cette fois, dans Le Clown et l’enfant, Boum-Boum apparaît sous les traits d’un ange, tandis que l’enfant se meurt. Si la première strophe de la chanson évoque l’espoir d’une guérison prochaine du jeune François qui voudrait retourner au cirque voir « les demoiselles crever les cercles de papier, puis au milieu des étincelles, sauter sans jamais se griller », comme à la première page de l’album illustré par Armand Bourgade, cette fois, la salvation du clown arrive trop tard, et l’enfant passe de vie à trépas.
On vit au chevet de l’enfant
Le clown venir comme un bon ange
Ému sous son visage blanc ;
L’enfant, par la mort déjà blême,
Attachant sur lui ses grands yeux
Murmura : Cher Boum-Boum, je t’aime !
« En te voyant, je me sens mieux !
Monsieur, saute un peu, fais-moi rire !
Te voilà donc, toi qui fais « poum ! »
Puis pâlissant, il dit « Boum-Boum ! »
Et s’endormit (bis) dans un dernier sourire.
La pauvre mademoiselle Amiati, diseuse à la voix grave, « interprète de ces hymnes de deuil et d’espoir26 », n’aura pas le loisir d’exploiter longtemps ce nouveau titre, et ce fut même son chant du cygne, car l’artiste meurt en couches en 1889, alors même qu’elle donne naissance à un quatrième enfant dans le dénuement le plus total, suite à son veuvage. Dans sa rubrique nécrologique, parue dans Diane, le journaliste Antoine Louis note que, dans un élan de générosité, des bienfaiteurs se mobilisent pour assister les orphelins : « Mr Dorfeuil, le sympathique directeur de la Gaîté-Montparnasse se charge de l’aîné, Mr Benoît, éditeur de musique, du second, et Mr Limat, régisseur de l’Eden du troisième27 », sans nous préciser ce qu’il advint du nouveau-né.
Le répertoire de la chanteuse réaliste est alors repris par Bérard28, spécialiste de cette veine mélodramatique, mais c’est surtout au travers de l’enregistrement sur microsillons29 de Berthe Sylva (1885-1946) que l’histoire tragique du clown et l’enfant est parvenue jusqu’à nous. Dans ce couplet morbide, les effets thérapeutiques du rire, producteur d’endomorphine, ont complètement disparu, et les paroliers appuient la comparaison entre la pâleur irréelle du maquillage clownesque et la complexion de l’enfant déjà saisi par un froid mortel. Il ne reste dans cette ultime variante du récit de Claretie que la trace d’un sourire qui se fige en rictus sur son visage tandis que le clown semble avoir été convoqué pour lui fermer les yeux, en cela semblable à l’ange interprété par Bruno Ganz dans les Ailes du désir30.
« Que sont les clowns ? Ils sont l’humanité »31
S’il n’y a pas d’autre trace que fictionnelle de la guérison miraculeuse du jeune François, fils de Jacques et de Thérèse par Boum-Boum (Medrano), il s’avère que dès les années 1900, le clown se double d’un philanthrope. Le supplément illustré du Petit journal du 13 septembre 1908 relate ainsi la visite impromptue de clowns jongleurs dans un hôpital londonien.
En France, Chocolat, suivi ensuite des frères Fratellini, procure du réconfort aux malades, par l’intermédiaire des Œuvres laïques. L’historien Gérard Noiriel, dont les recherches ont permis de réhabiliter l’image de l’artiste32, a consulté un dossier d’archives concernant les « Fêtes et divertissements de l’hôpital Trousseau ». Il mentionne ces intermèdes farcesques et musicaux interprétés par des artistes de la piste, et reproduit une lettre du directeur de l’hôpital Hérold, qui atteste de la présence des clowns pour la fête nationale du 14 juillet 1909 :
Ah les clowns ! Quel succès ils obtinrent. On ne saurait compter les éclats de rire argentins, les joyeux battements de mains qui leur font fête et quand il faut rentrer, les bambins, déjà loin, emmenés par les infirmières, cherchent encore du regard les clowns. De l’avis de tous, cette fête fut des plus salutaires à nos enfants. Heureux de partager avec ceux qui l’entourent les distractions, et la joie, le petit malade devient plus ouvert, plus coopérant à l’égard du système hospitalier33.
Un demi-siècle plus tard, sans pour autant se substituer aux médecins ni inscrire le titre de docteur sur leur carte de visite, les clowns vont endosser à leur tour la blouse des soignants et les assister dans leur mission. Perpétuant la légende du Docteur Boum-Boum, aux États-Unis, Michael Christensen, jongleur et comique issu du Big Apple Circus, connu sous le nom de scène Mr Stubs, fonde en 1986 le Clown Care Unit. Il y sera actif une trentaine d’années, éduquant une génération de clowns hospitaliers, et participant au rayonnement international des Clinics Clowns en Belgique, aux Pays-Bas et en Autriche. Cette aventure a décidé du destin de Caroline Simmonds (Docteure Girafe), à qui l’on doit en France la création du Rire Médecin34, qui apporte depuis les années 1990 du soutien aux familles d’enfants malades et possède aujourd’hui son propre centre de formation pour ces artistes intervenant en milieu thérapeutique. Pleinement intégrés dans les services, il arrive que les clowns Chouquette, Kougloff, Frida ou Roblochon aient à affronter l’injustice d’une fin de vie prématurée. Mais surmontant leur peine, ces docteurs en amusement déploient des trésors d’ingéniosité pour que, même au seuil d’une chambre stérile, naisse un sourire comme autrefois sur le visage amaigri du petit François.
Notes
- Alix de Morant est avec Philippe Goudard directrice scientifique du Fonds « Arts du Cirque » de l’Atrium Université Montpellier Paul-Valéry.
- Armand Bourgade Boum-Boum du Cirque d’été, Paris, A. Capendu, circa 1890.
- Tristan Remy, Les Clowns, Paris, Grasset, [1945] 2002, p. 88.
- Le Cirque Rancy s’était taillé une réputation enviable. Il fut invité à donner une série de représentations au Caire à l’occasion de l’inauguration du canal de Suez. La première eut lieu le 16 octobre 1869 en présence du Khédive Ismaïl Pacha.
- Le Cirque des Champs-Élysées, remplaçant la tente qui l’a précédé, est inauguré pour la saison d’été 1843 après des travaux commencés en 1841 sous la direction de l’architecte Jacques-Ignace Hittorff, chargé de l’aménagement des Champs-Élysées. « Les bas-côtés de l’avenue de Neuilly deviennent d’élégants jardins, avec des pavillons de rafraîchissement, cafés-concerts, guignols, casinos, restaurants et panorama ». Christian Dupavillon, Architectures du cirque des origines à nos jours, Paris, Le Moniteur, 2001, p. 79-80.
- Le cirque Fernando, datant de 1873, fut appelé du nom de son fondateur. Provisoirement bâti en toile comme un cirque forain aux n° 70 et 72 de la rue des Martyrs, il s’installa sur un terrain inoccupé, puis devint un établissement en pierre, d’une contenance de deux mille deux cents places. Il fut ensuite renommé cirque Medrano, du nom du clown Boum-Boum qui le dirigea de 1897 jusqu’à sa mort en 1912 et après lui sa famille jusqu’ à la démolition en 1963.
- Georges Daniel, « Ce que gagne un clown », article à la une, dans Le Midi, journal républicain quotidien, Montpellier 18 juillet 1901.
- Marie-Ève Thérenty souligne que derrière l’artiste, apparaît « d’abord en filigrane puis de manière absolument évidente un Medrano réclamiste, tireur de ficelles médiatiques, expérimentateur de la nouvelle ère publicitaire et créateur très précoce de la marque Medrano », Marie-Ève Thérenty, « Medrano (Boum-Boum) : construction d’une figure médiatique », dans Philippe Goudard et Nathalie Vienne-Guerrin (dir.), Figures du clown, sur scène, en piste et à l’écran, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2020, p. 230.
- Ibid., p. 230.
- « Thomas Kemp, le premier clown proprement dit qui parut au cirque Olympique, naquit en 1819. Il apportait en France les traditions du clown anglais, et son apparition fut d’abord froidement accueillie. Mais il était gai, vif, alerte […]. La toupie qui tournait sur son menton et la plume de paon qu’il lançait en l’air et rattrapait en équilibre sur son nez donnent une idée de la préciosité de certains de ses exercices. Il était vêtu d’un maillot collant multicolore. Les joues carminées, la tête surmontée d’une perruque d’un rouge ardent prolongée par une queue raide, rappelant assez le Stenterello florentin, Kemp tenait des discours très bouffons et ne manquait ni de force, ni de vivacité dans ses acrobaties. » Tristan Remy, op. cit., p. 42.
- Philippe Goudard, « Profils du clown », Clowns, Anthologie BNF/CNAC. [https://cirque-cnac.bnf.fr/fr/clowns/profils-du-clown/en-bref].
- Tristan Remy, « Préface », Entrées clownesques, Paris, 1962, L’Arche, p. 11-12.
- Après avoir salué chez Medrano, le clown à l’anglaise, Tristan Rémy en fait le parangon de la pantomime à la française. Tristan Rémy, Les Clowns, op. cit., p. 88.
- Edouard de Perrodil, Monsieur Clown !, Paris, Camille Dalou, 1889.
- Voir Gaétan Rivière, « Genèse et développement du domptage de cirque (début XIXe – milieu XXe siècles) : histoire, mises en scène, médiatisation », Thèse de doctorat en histoire, université d’Avignon, 2022.
- La truie Porte-Veine sera immortalisée, entre autres par Toulouse-Lautrec, et Félicien Rops, de même que par Félicien Champsaur dans Lulu, roman clownesque, Paris, Eugène Fasquelle, 1901.
- Armand Bourgade Boum-Boum du Cirque d’été, Paris, A. Capendu, circa 1890.
- Johan Caspar Lavater, Essai sur la physiognomonie, destiné à faire connaître l’homme et à le faire aimer, trad. Antoine-Bernard Caillard et Marie-Elisabeth de La Fite, La Haye, 1781-1803.
- L’oncle Eugène, La civilité puérile et honnête, illustrations de Bernard de Monvel, Paris, E. Plon, Nourrit, 1887.
- Jérôme Medrano, Une vie de cirque, Paris, Arthaud, 1983.
- Marie-Ève Thérenty fait remonter l’origine du récit de Jules Claretie, « Boum-Boum » à une courte historiette légèrement scabreuse, « Medrano dit Boum Boum », parue dans Le Gaulois, en date du 22 mai 1883, qui rapporte la visite de Medrano auprès d’une jeune admiratrice dont il aurait repoussé les avances, avant de tomber à ses pieds, alors qu’elle est mourante. La chercheuse relève qu’Edmond Pelletier en tire déjà une nouvelle, « Le Clown » parue dans le recueil Deux contes, Bruxelles, Librairie nouvelle, en 1888. Marie-Ève Thérenty, ibid., p. 237-238. Il est en effet vraisemblable que, dès cette première version qu’enjolive à dessein Claretie, la nouvelle ait circulé par voie de presse, reprise par de nombreuses plumes, dont celle de Claretie. On en a trouvé trace dans Le Messin, organe des intérêts lorrains, Metz, supplément du dimanche 28 novembre 1886.
- Jules Claretie, Boum-Boum et autres contes tirés des meilleurs auteurs, New York, W.R. Jonkins, éditeur français, 1888, p. 6.
- Ibid., p. 11-12.
- Ibid., p. 16.
- Fille du peuple, en raison du registre patriotique qui la fit connaître après la défaite de Sedan en 1871, Marie Thérèse Victoria Adélaïde Abbiate dite Thérèse Amiati ou Amiati (1851-1889) est une chanteuse française d’origine italienne. Connue d’abord sous le pseudonyme de Fiando, elle fit ses débuts au théâtre Saint-Pierre, puis tête d’affiche du Béranger, elle fut pensionnaire à l’Eldorado et à la Scala, se produisant également aux Ambassadeurs.
- Fernand Morel, « Mlle Amiati », La Galerie artistique, La Chanson, journal de musique populaire, 5 décembre 1880.
- Antoine Louis, « La semaine », Diane, 3 novembre 1889.
- Adolphe Bérard (1870-1946). Chanteur originaire de Carpentras. Après des débuts à Marseille, il tient l’affiche à l’Eldorado et à la Gaîté Rochechouart dès 1890.
- Le clown et l’enfant [Enregistrement sonore]. 1961. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8829970n].
- Les Ailes du Désir, film de Wim Wenders, 128 mn, Argos Films, Road Movies Filmproduktion, West Deutscher Rundfunk, Wim Wenders Stiffung, 1987.
- Bernard de Fallois, « Préface », dans Tristan Rémy, Les Clowns, Paris, Grasset, 2002, p. XVII.
- Gérard Noiriel, Chocolat, La véritable histoire d’un homme sans nom, Montrouge, Bayard, 2016, p. 448.
- Ibid., p. 462.
- Voir Claire Bodelet, « Embarquer avec les clowns à l’hôpital. Sociologie d’un drôle de travail entre art et service », Thèse de doctorat en sociologie, EHESS, 2020.