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L’art des ombres au Théâtre du Chat Noir : du scénario fumiste au récit épique

Les ombres chinoises sont décidément le divertissement à la mode. Après de longues années de demi-oubli, on les a ressuscitées tout à coup, et d’une façon très artiste […] qui l’eût dit au temps où nos pères se contentaient de nous mener à Séraphin, où l’on assistait aux émouvantes péripéties du “Pont cassé’’1.

Quand le théâtre d’ombres du Chat Noir ouvre ses portes au cours de l’été 1886, le public parisien a encore en mémoire les spectacles d’« ombres chinoises » de Séraphin, en activité dans la capitale pendant plusieurs décennies (1784-1870)2. Le même chroniqueur, Paul Ginisty, se remémore : « Et j’ai pensé encore une fois aux pauvres petites ombres chinoises de l’ancienne salle du passage Jouffroy, qui fut, elle aussi, une victime de la guerre […] quel mioche, aujourd’hui, se contenterait du spectacle ingénu qui y était offert3 ». Avant de devenir un spectateur régulier du Chat Noir, le critique du Journal des Débats, Jules Lemaître, partage la même vision réductrice : « l’ombre chinoise, cette humble image noire, d’expression courte, [on la croyait] capable uniquement d’effets comiques et destinée surtout à amuser les petits enfants4 ». Popularisés par des entrepreneurs itinérants ou de petits établissements plus ou moins pérennes, par des jeux domestiques ou des cercles amateurs, le théâtre d’ombres est resté une pratique marginale dont les spectacles seront effectivement de plus en plus adressés aux enfants. Pourtant au cabaret du Chat Noir, pendant une décennie, l’art des ombres prend une envergure sans précédent en Europe. Le contexte parisien des cabarets artistiques est alors favorable à ce type de spectacles « mineurs », pour des raisons à la fois idéologiques, esthétiques et commerciales.

Dès l’ouverture du Chat Noir en 1881, par le charismatique Rodolphe Salis, un groupe de jeunes artistes, entraîné par Émile Goudeau, marque de son empreinte le cabaret et sa revue. Venu du Quartier Latin, ce cercle mouvant et hétéroclite, initialement réuni sous le nom des « Hydropathes », est créé par Émile Goudeau pour s’opposer à l’hégémonie parnassienne et au conformisme morose de la République balbutiante, et pour permettre aux « jeunes » de se faire une place dans le champ des Lettres et des Arts. En insistant sur la dimension générationnelle, Jean-Didier Wagneur les décrit ainsi :

Les Hydropathes sont de plain-pied avec le présent ; que l’on pense à leur fascination pour les technologies nouvelles […]. Ils touchent à toutes les formes de représentation, la littérature, les arts graphiques, le théâtre, le mime, les marionnettes, les projections lumineuses et bien évidemment la photographie où se distingueront Mélandri et Émile Cohl, qui inventera plus tard le dessin animé. […] Apôtres du principe de plaisir, adeptes du “fun anglais’’ qui les a dotés d’une ironie contre la réalité sociale, ils n’en ont pour autant pas éliminé le principe de réalité […]. Dans ce combat, ils affirment leur volonté de rupture vis-à-vis de la tradition de l’art pour l’art sans pour autant faire front sur des positions bien définies5.

Contre l’approche élitiste de ses aînés parnassiens, Émile Goudeau crée un cercle ouvert à tous qui s’intéresse moins aux hommes de lettres établis qu’au suffrage universel du public : « Les Hydropathes ne sont pas une coterie […]. Le talent, d’où qu’il vienne, quelque forme qu’il revête, est accueilli à portes ouvertes. Le public réuni là juge silencieusement6 ». Il s’agit en outre de chasser l’ennui et d’ébranler l’« ordre moral » qui, au lendemain de la Commune, oppresse le Quartier Latin et écrase Montmartre sous le Sacré Cœur. Le rire est l’arme redoutable de ces artistes qui revendiquent un esprit « fumiste » dont l’objet n’est autre que « la traque de l’absurde, la dénonciation de la comédie et de la bêtise humaine7 ». Mimes, monologues détraqués et boniments imprévisibles, pantins et silhouettes seront souvent exploités dans cette veine « fumiste » qui connaît au Chat Noir son plein épanouissement. Le théâtre d’ombres serait ainsi né d’une fumisterie improvisée dans le guignol bricolé de Henry Somm8, avant de devenir un théâtre de peintres, de dessinateurs et de coloristes talentueux. Ces derniers en font le prolongement de leurs activités graphiques et picturales, alors que l’art de l’illustration et la presse illustrée connaissent un véritable essor et que le japonisme culmine en France9.

À l’image du cabaret qui délaisse en 1885 son étroit local et l’agitation du boulevard10 pour s’installer dans un hôtel particulier de trois étages, le théâtre d’ombres prend très vite d’autres dimensions. À partir de 1886, un étage entier lui est réservé11. Le déménagement amorce la transformation du Chat Noir de « vulgaire cabot en cabaret luxueux12 ». La clientèle se renouvelle et s’embourgeoise sensiblement : initialement pensé comme un lieu de rencontre, de création et d’autopromotion des jeunes artistes, le Chat Noir devient un lieu mondain, de plus en plus envisagé pour sa clientèle urbaine qui, en quête de divertissement et particulièrement friande des spectacles optiques, aime se mêler provisoirement à cette bohème qui se donne en spectacle13. Fils de commerçants influents et réputé pour son sens des affaires, Rodolphe Salis ne manque pas l’opportunité que lui offre la création d’un théâtre d’ombres pour faire du second Chat Noir un lieu prisé du Tout-Paris, où l’art et le profit s’alimentent réciproquement. Il fait confiance au jeune Henri Rivière, déjà précocement intégré au secrétariat de rédaction du journal, pour prendre en main le théâtre, lui concède des investissements conséquents14 et orchestre une promotion efficace grâce au journal et aux affiches. Son théâtre d’ombres parvient ainsi à se faire une place de choix parmi les autres salles de spectacle de la capitale15. Si dans le premier Chat Noir, il suffisait de payer sa bière pour assister aux « soirées du vendredi », les entrées pour assister aux spectacles d’ombres sont payantes et augmentent16. Les artistes sont rémunérés et la presse est conviée aux premières17. Les coulisses sont agrandies, tout comme l’écran ; les techniques d’éclairage, de modulation des fonds et de composition des décors, sous l’égide du peintre-décorateur Henri Rivière, sont constamment perfectionnées18.

Outre l’ampleur du dispositif et le degré de raffinement visuel des spectacles, la variété des pièces programmées montre comment le théâtre d’ombres, que l’on croyait alors limité à un type de registre, de sujet et de public, peut s’adapter à des esthétiques variées, révélant ce faisant de riches potentialités expressives. La grande liberté de ton et de création dont bénéficient les artistes du Chat Noir19 y contribue également : la grande œuvre, dans une veine épique ou lyrique, peut succéder aux scénarios express minimalistes, et les sujets « nobles » (selon la hiérarchie académique) peuvent côtoyer des sujets triviaux et anecdotiques. Tandis que certains artistes préfèrent jouer en « mineur », poussant à l’extrême la logique de la petite forme, rapide, dérisoire, minimale, d’autres à l’inverse voient grand et ont, pour un art mineur, des ambitions majeures : épopées, histoires universelles et œuvres totales voient ainsi le jour en format réduit. En privilégiant l’analyse textuelle et esthétique, nous explorerons les poétiques contrastées de ces pièces, qui mettent en branle pendant une décennie les visions réductrices et cloisonnées de cette forme marginale de spectacle. Notre étude s’appuie sur les programmes (dont les références exactes sont rassemblées en fin d’article) et les versions publiées des textes, sur les comptes rendus de presse et les souvenirs des artistes. La datation des pièces reprend la chronologie établie par Hélène Védrine20.

Écrire de petites formes

Le répertoire du Chat Noir comprend une quinzaine de drames, pantomimes et comédies en un acte. Ces petites pièces sont toutes bonimentées : les artistes proposent des scénarios et des dessins à partir desquels Henri Rivière fabrique les silhouettes21 et Rodolphe Salis improvise son commentaire22. Imprimés dans les programmes, certains textes, en prose ou en vers, s’apparentent à des réécritures littéraires de boniments23. C’est principalement à ces textes que notre analyse se réfère. Quelques pièces reprennent aux contes et aux nouvelles leur schéma narratif, mais ce sont surtout les histoires « sans paroles24 » – ces récits en images, sans bulle ni légende, publiés presque chaque semaine dans l’hebdomadaire du cabaret –, qui fournissent les modèles les plus opérants pour construire une narration visuelle.

Le modèle des histoires « sans paroles »

Parmi les contributeurs au théâtre d’ombres du cabaret, beaucoup sont des dessinateurs de presse. La proximité formelle entre la case sur la page et l’écran du théâtre d’ombres, entre le dessin et les silhouettes, semble être une évidence pour ces dessinateurs. Fernand Fau et Adolphe Willette adaptent directement en ombres certains de leurs récits en images publiés antérieurement dans la revue du Chat Noir : le titre, l’intrigue, les situations, les personnages sont repris à l’identique25. Quand les récits ne sont pas reproduits tels quels, ce sont des thèmes, des personnages-types et des situations récurrentes qui sont conservés, traités indifféremment dans les dessins et les pièces, et recombinés sans fin. Il s’agit de la vie militaire (pour Caran d’Ache), de Pierrot et de la vie de bohème (pour Adolphe Willette), de la vie animale (pour Alexandre-Théophile Steinlein et Gustave Verbeck), de chinoiseries (pour Henry Somm), de l’actualité ou de la vie bourgeoise traitée en vaudeville (pour Fernand Fau et Georges Delaw)26. Par exemple, les pièces Plaisir d’amour27(1896) de Georges Delaw et Les Oies de Javotte ou le Vestiaire mal gardé28 (1891) de Henri Pille offrent de nouvelles variations sur des thèmes déjà abondamment dessinés dans la revue du cabaret : amours déçues, déshabillages et quiproquos. Dans un certain nombre de cas néanmoins, on remarque que la variation proposée ou la situation conservée s’avère particulièrement appropriée à sa transposition en image animée. Le glissement presque insensible d’un medium à l’autre, des dessins imprimés aux silhouettes projetées, est favorisé par une évolution prégnante des productions visuelles au XIXe siècle qui tendent au mouvement et à l’animation. Les histoires « sans paroles » ne sont qu’une succession d’agitations et d’accélérations (coups, chutes, fuites, tourbillons29…), leur mise en mouvement par l’ombre semble parachever leur vocation cinétique. Le dessin de presse fournit alors aux artistes qui s’essaient au théâtre d’ombres, des modèles de composition des images et d’articulation des silhouettes, des idées de scénarios brefs et efficaces, qui exploitent notamment les ressources rythmiques, expressives et comiques du mouvement.

Des schémas plus rythmiques que narratifs

Les dessinateurs de presse construisent souvent leur scénario sur un principe rudimentaire à la fois narratif et visuellement dynamique, substituant au schéma narratif un schéma davantage rythmique. Ce procédé, déjà fréquent dans les histoires « sans paroles », est accentué et peaufiné dans les petites pièces pour ombres souvent réductibles à une répétition mécanique ou à un jeu d’opposition entre deux états dynamiques (mobile/immobile, lent/rapide). Par exemple, L’Âge d’or30 (1887) d’Adolphe Willette montre à l’écran un duo contrasté : d’un côté Pierrot, le soupirant désespéré, s’agite et gesticule, démultiplie les tentatives (on le voit écrire, peindre, jouer du violon) pour essayer de séduire sa belle ; de l’autre côté, Colombine, reste absolument immobile (« Comme une dame de bois / Elle reste là tout droit »). À la fin de la pièce, quand Pierrot lui tend une pièce d’or du fond de son cercueil, la silhouette de Colombine, pour la première fois, s’anime et récupère l’argent31.

Parmi les courtes pièces, certaines sont essentiellement rythmées et structurées par une répétition, à l’instar des monologues fumistes caractérisés par un emballement mécanique de la parole32. Ce sont par exemple les allers-retours successifs d’une femme poursuivie par un homme dans Cœur inflammable (1893) de Henry Somm (« Elle paraît, / Il la suit, / Elle l’évite. / Elle reparaît, / Il la resuit, / Elle le reévite. / Elle rereparaît, […]33 ») ou les micro-gestes nerveux des joueurs dans Une partie de Whist34 (1887) de Sahib. La répétition verbale et visuelle compose ainsi des scènes d’ombres mécaniques, rythmées par les bégaiements du boniment.

Montage et ellipses

Les auteurs peuvent aussi se montrer particulièrement attentifs à l’enchaînement des scènes, par un art du montage qui ménage ellipses et effets de surprise. À la fin du Fils de l’eunuque35 (1887), Henry Somm fait défiler un cortège triomphant – qui célèbre la victoire du nouveau sultan et l’asservissement de l’ancien – puis le noir envahit l’écran et la scène finale représente un gynécée moderne, contemporain des spectateurs. Henri Pille dans Le Casque d’or36 (1889) dynamise aussi son dénouement par une ellipse :

“Qu’il est beau !’’ faisaient les dames. Le cœur du capitaine accéléra sa cavalcade furibonde ; dressé sur la pointe des pieds, le superbe officier se gonfla d’orgueil, se gonfla, se gonfla tellement, qu’au bout d’une minute, lorsqu’il voulut crier : Halte ! Il éclata ! [trois étoiles sur le programme indiquent une coupure avant le paragraphe suivant] L’enterrement fut magnifique. Toute la commune y assista […]37.

L’éclatement, qui fait disparaître le personnage et qui engendre la scène suivante, est un procédé très proche de ceux qui seront employés dans les dessins animés.

Minimalisme

Outre l’accélération permise par le montage, l’ombre, plane et monochrome, contribue au minimalisme des petites pièces. Celui-ci y est effectivement exhibé, revendiqué comme une véritable ligne esthétique. Déjà sensible dans les scénarios noués autour d’une péripétie (chute, fuite, déshabillage), le minimalisme culmine dans la pièce la plus célèbre de Henry Somm, L’Éléphant38 (1885), pour laquelle les notions d’« intrigue » et de « péripétie » s’avèrent inadéquates. Dans cette pochade, extrêmement brève, le spectateur voit défiler à l’écran une longue corde au bout de laquelle est attaché un éléphant. L’animal défèque et une rose éclot. Le contraste entre le titre « L’Éléphant » accompagné du sous-titre « drame oriental », prometteurs d’un « gros » spectacle avec décor exotique, et la simplicité du résultat, s’apparente à une mauvaise blague, source de déception pour le spectateur39. Dans une version écrite (particulièrement étoffée) du boniment, Henry Somm oppose explicitement cette extrême réduction des moyens visuels et narratifs à l’utilisation abusive de machineries et aux grands effets de certaines mises en scène :

Le décor ne représente…rien. […] et ne doit-on pas savoir gré au poète d’avoir ainsi sacrifié […] toutes les splendeurs de la mise en scène auxquelles ont recours nos dramaturges modernes : somptueux décors, changements à vue, électrisantes évocations d’âges et de pays mystérieux, subterfuges brillants, trop souvent destinés à recouvrir d’un faux éclat d’opulence la pauvreté de l’action40 ?

Vacuité

L’évidement du drame manifeste souvent un défaut de sens, une insignifiance des existences qu’aucune croyance ne justifierait, qu’aucune morale ni aucune science ne guiderait. Les intrigues tournent en rond, se répètent et la parole s’emballe. La défaillance des chaînes causales ou des explications transcendantes aboutit au retour du même ou à la mort, symptômes d’un vide latent qui hante nombre de productions fumistes. Cette déroute est particulièrement sensible dans les pièces où la brièveté est combinée à une progression circulaire. L’Arche de Noé41 (1890) de Georges Moynet s’ouvre ainsi sur une humanité dont « les mœurs publiques et privées devenaient purement déplorables » et, malgré le Déluge, la pièce se termine comme elle commence, ou presque : « Vingt ans après le Déluge, les mœurs publiques et privées étaient encore plus déplorables42 ». Dans Une page d’amour (1893) de Alexandre-Théophile Steinlein, la répétition précède le dénouement tragique :

Rien de Zola.
Sur les toits :
Des chats, des chats, et encore des chats.
Miaou ! miaou ! miaou !…
Des chats au cœur tendre,
Des chattes au cœur faible,
Troublent le sommeil d’un brave garçon.
Miaou ! miaou ! miaou !…
En vain, par la fenêtre ouverte, leur jette-t-il à toute volée les objets les plus usuels de son mobilier pour les faire déguerpir.
Ils reviennent en foule les chats,
Les chats au cœur tendre,
Les chattes au cœur faible,
Miaou ! miaou ! miaou !…
Plus rien… le brave garçon finit par prendre le chemin de son mobilier, il se jette lui-même.
On peut trouver cela excessif43.

La circularité ou le piétinement de l’intrigue révèlent l’inefficacité des péripéties intermédiaires : le jet de meubles pour tuer les chats ou le Déluge divin (grosse péripétie pourtant) n’empêchent pas l’éternel retour du même.

Face à ce minimalisme visuel et narratif qui tend à l’anéantissement, le boniment, à l’inverse, enfle et abonde. Dans ses « Souvenirs », Maurice Donnay décrit ainsi la faconde de Rodolphe Salis :

Il entrait témérairement dans une phrase ; nous pensions : “Il n’en sortira jamais !” Il en sortait toujours, ou plutôt, il la traversait comme ces cavaliers de l’Empire premier qui traversaient un bataillon ennemi, avaient deux ou trois chevaux tués sous eux et ressortaient nonobstant à cheval44 !

Dans les textes de programme, les récits miment le rythme et les intonations de la parole vive. Certains comportent des digressions incongrues qui laissent imaginer les excès du boniment lors des représentations. Par exemple, le bonimenteur-narrateur du Fils de l’eunuque (1887), pour ménager le suspense d’une intrigue pourtant très prévisible, commente sans cesse l’action. Cela génère un surcroît textuel, sous forme d’incises ou de notes de bas de page, qui dissimule mal la vacuité du fond…

Écrire de grandes formes

Comme avant lui les boîtes optiques, les lanternes magiques, les panoramas et les dioramas, le Théâtre du Chat Noir a séduit son public en représentant des sujets spectaculaires. Les guerres, les missions coloniales, les revues militaires, les voyages exotiques ou fantastiques, les tempêtes, les processions et les miracles, qui passionnent les foules et alimentent une abondante imagerie, occupent une large place dans les spectacles du cabaret. Les artistes du Chat Noir s’inspirent aussi des peintures célébrées au Salon, dont les sujets les plus prestigieux sont empruntés à l’Histoire, aux mythes ou à la religion45. Pourtant, Henri Rivière critique l’ennuyeuse grandiloquence des toiles académiques : « C’était alors dans les salons officiels le règne de Meissonnier, Bougereau, Gérôme, Detaille, Cabanel et autres peintres à la mode ; heureusement nous avions, pour ne pas toujours nous livrer au débinage de ces rois de la cimaise, d’autres choses pour nous enthousiasmer46 ». Adaptés en ombres, les sujets nobles quelque peu pétrifiés par ces représentations codifiées, semblent revivifiés, comme en témoigne le commentaire exalté du critique Jules Lemaître :

[au] petit Théâtre du Chat Noir, rond comme la lune […], et qui n’a pas deux coudées de diamètre […] Caran d’Ache a su faire mouvoir des armées de cent mille hommes, – nous communiquant le frisson dont on est saisi devant les très grandes choses […] c’est là qu’Henri Rivière a déroulé la légende des siècles et l’histoire des religions, a promené saint Antoine par toutes les tentations de la chair et de l’esprit47.

Foules et grands espaces

Ce paradoxe – celui de la petite forme exprimant des pensées vastes et englobantes, du dispositif réduit et contraint suggérant des mondes immenses – peut d’abord s’expliquer par les possibilités qu’offre le théâtre d’ombres pour représenter les multitudes et les espaces infinis.

Le schématisme des silhouettes, dépourvues de visage mais aussi de contour singulier quand elles sont fondues en groupe, favorise l’effet de foule. Certains artistes utilisent l’ombre pour évoquer la ville démocratique et ses passants en habits noirs, ces « paletots », « jaquettes », « pantalons », « chapeaux-melons », « exquis échantillons du goût démocratique » déplorés dans Le Carnaval de Venise48 (1891) de Maurice Vaucaire49 et que met à l’écran Henri Rivière dans La Rue50 (1886-89) où, d’après un journaliste, « il n’y a pas moins de trois mille personnages51 ». Les ombres étonnent le public quand elles représentent des individus qui fusionnent en un collectif, un peuple, une armée. Le succès de L’Épopée52 (1886) de Caran d’Ache repose essentiellement sur cet effet :

Par l’exactitude de la perspective observée dans ses longues files de soldats, [Caran d’Ache] nous donne l’illusion du nombre, et du nombre immense, indéfini. Par le mouvement automatique qui les met en branle tous à la fois, il nous donne l’illusion d’une âme, d’une pensée unique animant des corps innombrables, et, par la suite, l’idée d’une force démesurée53

Quand le procédé choisi est celui du défilé ou du cortège, qui fait se succéder à l’écran les silhouettes ou les groupes de silhouettes, la masse se scinde en individus ou en sous-groupes distincts. Dans La Marche à l’étoile54 (1890) de Georges Fragerolle, le public voit successivement « Les Bergers », « Les Soldats », « Les Lépreux », « Les Esclaves », « Les Femmes », « Les Rois Mages » et « Les Pêcheurs55 ». L’approche est totalisante : c’est l’ensemble de l’humanité qui passe sous les yeux du public. Dans L’Épopée, le procédé du défilé est utilisé pour montrer les différents grades et régiments : ce n’est plus l’armée ou le peuple indivisible qui apparaît, mais un collectif hiérarchisé dont le défilé ordonné des « cuirassiers », « carabiniers », « hussards », « dragons », « lanciers », « grenadiers à cheval », « artillerie » et « maréchaux » aboutit, au sommet, à la figure impériale.

Dans le dispositif conçu par Henri Rivière, les silhouettes du premier plan restent collées à l’écran. Des verres teints d’une seule couleur et d’autres verres peints permettent de nuancer les fonds et de produire « de précieux dégradés : amours, soleils couchants, levers de lune, brumes légères et mouvement de la mer. » Plus éloignés de l’écran, « les découpes en zinc » des derniers plans permettent d’obtenir « des silhouettes très enveloppées : brouillard, chaînes de montagnes s’estompant à l’horizon56 ». Ainsi composé, l’espace de lumière semble s’étendre à l’infini. De nombreuses pièces se présentent comme des traversées de désert : le désert d’Égypte dans La Tentation de Saint-Antoine (1887) ou dans Le Sphynx (1896) de Georges Fragerolle, le désert de Judée dans La Marche à l’étoile (1890) ou le Sahara dans La Conquête de l’Algérie (1889) de Louis Bombled. D’autres pièces se déroulent dans des paysages où l’horizon paraît lointain : la mer, la montagne, la plaine, ou même le ciel, dans Le Rêve de Joël57 (1896-1897) de Georges Fragerolle, où le héros se métamorphose en nuage et en dieu solaire58.

Histoires universelles en format réduit

Quand des foules ou de grands espaces paraissent à l’écran, les récits qui se racontent ne relèvent plus du fait-divers ou du mini-vaudeville. Le petit fait et l’anecdote, tirés de la presse ou de la vie ordinaire, souvent limités à leur contexte immédiat (une ville, un coin de campagne), laissent place à la grande Histoire, celle d’un peuple (dans l’épopée) ou de l’Humanité (dans l’histoire universelle), qui se déploie à travers les continents.

Caran d’Ache dans L’Épopée et Louis Bombled dans La Conquête de l’Algérie59 (1889) adaptent au théâtre d’ombres la geste militaire de l’armée française : la traversée de l’Europe par Napoléon et ses hommes, et la percée du Sahara sous la conduite du duc d’Aumale60. L’Histoire est condensée et prend la forme d’une succession de batailles et de scènes emblématiques : L’Épopée ne représente que les victoires napoléoniennes (Austerlitz, Wagram, Borodino) et La Conquête de l’Algérie se limite à quelques épisodes emblématiques, déjà immortalisés par les peintres61 : la prise de la Smala d’Abd-el-Kader ou le coup d’éventail du souverain d’Alger au consul de France62.

Dans la pièce de Georges Fragerolle, Le Sphinx63 (1896), le projet dépasse la visée patriotique des épopées militaires et le cadre national pour embrasser l’histoire de l’humanité, depuis l’Antiquité jusqu’à l’Apocalypse. Sous les yeux du Sphinx, immobile en arrière-plan, se succèdent : « Les Assyriens », « L’Exode », « Les Hébreux », « Les Perses », « Les Grecs, Alexandre », « Cléopâtre », « Les Romains », « La Vierge », « Les Arabes », « Les Croisés », « Les Esclaves chrétiens », « Napoléon », et enfin, « les hommes d’aujourd’hui d’allure moins fière64 ». Cette traversée des temps, qui enjambe allègrement les époques, en omettant parfois plusieurs siècles, apparente la pièce aux histoires universelles. On y retrouve la structure téléologique et le souffle propres à ces grands récits de l’humanité, qui se présentent comme l’accomplissement des desseins d’un Esprit, transcendant ou immanent, religieux, profane ou philosophique. Malgré le cadre restreint de son écran, le théâtre d’ombres exalte cette vision de l’Histoire, suggérant par les tuilages, la fluidité des transitions et du glissement des ombres, le dessein que le mouvement historique réalise, celui des peuples dans les épopées militaires, celui du Dieu chrétien dans Le Sphinx.

Une « œuvre totale » en petit

S’interrogeant sur la résurgence d’une forme de « mysticisme » dans les cabarets parisiens, le critique Jules Claretie fait, à propos des pièces d’ombres chantées du Chat Noir (par opposition à celles bonimentées), un rapprochement surprenant : « Le mouvement néo-mystique de ces dernières années n’est-il point sorti du Chat Noir, devenu, avec Le Sphinx ou La Marche à l’étoile, une sorte de Bayreuth des ombres chinoises65 ? » Presque oxymorique, cette formule où la démesure et le gigantisme wagnériens sont associés au théâtre d’ombres, met pourtant en lumière un trait commun aux opéras et aux spectacles du Chat Noir : tous sont le fruit d’un travail conjoint de poètes, de musiciens et de plasticiens et tendent à accomplir « l’union de toutes les branches de l’art66 » invoquée par Richard Wagner dans L’Art et la Révolution. Au second étage du cabaret, l’« œuvre totale » est néanmoins redimensionnée. Si le public reste plongé dans le noir, la scène monumentale du Festspielhaus, les chanteurs-comédiens et l’orchestre symphonique laissent place à un écran d’un mètre sur un mètre et demi, à un chanteur (quelquefois plusieurs) et à un pianiste situé sous l’écran. L’union puissante du drame et de la musique fécondée par le texte, au cœur de l’idée de Gesamtkunstwerk, est aussi rééquilibrée au profit de l’image et d’effets synesthésiques immédiats. Les modulations tonales correspondent aux modulations chromatiques, comme le décrit le critique Francisque Sarcey : « Et puis tout à coup la musique passant par une modulation sombre change de caractère : tandis que derrière le transparent on aperçoit dans le lointain, à travers une nuit orageuse, une croix sur laquelle expire un homme67 ». Les partitions de ces pièces chantées, publiées a posteriori avec texte et illustrations, rendent manifeste la porosité des moyens d’expression où la mélodie et les tableaux redoublent le poème. Au cinquième tableau « La Mer » de Clairs de lune68 (1896) de Georges Fragerolle, le cri des matelots menacés par la tempête se perd dans la tornade d’accords plaqués sur un tempo soutenu alors qu’à l’écran apparaissent les bateaux emportés par les flots ; ce tempo serré, battu à la mesure en 3/8, s’élargit ensuite et passe en 9/8. Les rythmes sont moins denses et le chant réémerge : « Mais enfin tu parais, Ô lune69 » tandis qu’à l’écran la lune resplendit et sur la mer apaisée, les bateaux regagnent lentement le port70. Le rapport entre ce qui est vu et entendu est immédiat et transparent.

Au Théâtre du Chat Noir, l’union des arts s’accomplit donc ainsi, d’une manière intimiste et sobre, plus adaptée aux ombres et plus conforme à la sensibilité musicale de Georges Fragerolle. Élève de Joseph Arnoldi, qui fut aussi le professeur de Gabriel Fauré71, il apparaît en effet moins sensible à l’écriture symphonique wagnérienne qu’à la forme humble et mélodieuse du lied. Ses compositions favorisent la ligne mélodique et la compréhension du texte poétique grâce à une forme de lied à la française, où la rencontre des Muses se ferait plus discrète. Ce choix du « lied à la française » fait aussi écho au combat mené depuis le milieu du siècle par des musiciens et des enseignants engagés pour penser une musique nationale qui échapperait à l’écrasant modèle wagnérien.

Du minimalisme au grand spectacle, du vide à la profusion, du faits divers à l’Histoire, de l’anecdote à l’évènement emblématique, de la déception à l’émerveillement, de la circularité absurde au souffle téléologie, le répertoire du Chat Noir est le fruit d’une collaboration artistique qui a librement navigué dans le champ hiérarchisé des formes et des genres, révélant ce faisant les possibilités, négligées jusque-là en Europe, du théâtre d’ombres. La presse contribue à cette reconnaissance artistique : en faisant un véritable effort descriptif et analytique, certains critiques parviennent à identifier ce qui fait à leurs yeux la qualité singulière des spectacles. Grâce à la presse et sous l’impulsion de ces artistes avides de nouvelles formes d’expression, le modeste jeu des ombres est ainsi devenu « majeur » : ceux qui le pratiquent, manifestement de plus en plus conscients de ses spécificités, les explorent et les exploitent, inventant ce faisant un style d’ombres « chanoiresque » qui fait aussitôt des émules dans le réseau européen des cabarets artistiques.

LISTE DES PIÈCES ET DES PROGRAMMES CITÉS

Pièces publiées

Donnay Maurice, « Ailleurs. Revue symbolique en 20 tableaux » dans Autour du Chat Noir, Paris, Grasset, 1926, p. 135-192.

Fau Fernand et Ferny Jacques, Le Secret du manifestant, Paris, Fromont, 1894.

Fragerolle Georges et Bombled Louis, Le Rêve de Joël, Paris, Flammarion/Enoch Frères & Costallat, s.d.

Fragerolle Georges, Rivière Henri et Tinchant Albert, La Tentation de Saint-Antoine, Paris, Plon Nourrit & Cie, 1888.

Fragerolle Georges et Rivière Henri, Clairs de lune, Paris, Flammarion/Enoch&Co, 1897.

Fragerolle Georges et Rivière Henri, La Marche à l’étoile, Paris, Flammarion/Enoch&Co., 1899.

Fragerolle Georges et Vignola Amédée, Le Sphinx, Paris, Flammarion/Enoch&Co, [s.d.].

Vaucaire Maurice et Morin Louis, Le Carnaval de Venise, Paris, [imprimé pour l’auteur], 1891.

Programmes dans lesquels se trouvent les listes de « tableaux » et les textes de pièces commentés

Les numéros de page ne sont mentionnés qu’à titre indicatif, les programmes étant dépourvus de pagination.

Théâtre du Chat Noir, [Paris, impr. Blot, s.d.] :

« Le Fils de l’eunuque. Drame en 1 acte et 6 tableaux par Henry Somm », p. 5-6.

« L’Age d’or. Pantomime en 1 acte par Willette », p. 7.

« Une Partie de Whist. Pièce en 1 acte et en prose par Sahib », p. 8.

Théâtre du Chat Noir, [Paris, impr. Blot], 1889 :

« La Conquête de l’Algérie. Pièce militaire en 2 actes et 40 tableaux par Louis Bombled », p. 2-3.

« Le Casque d’or. Comédie en 1 acte par Henri Pille », p. 6.

« La Rue. Pièce à grand spectacle en 3 actes et 30 tableaux par Henri Rivière », p. 6-7.

Théâtre du Chat Noir, [Paris, impr. Kugelmann, s.d.] :

« Plaisir d’amour. Idylle contemporaine en 2 tableaux par Georges Delaw », p. 5-6.

Théâtre du Chat Noir, [Paris, impr. Blot, s.d.] :

« Les Oies de Javotte ou le vestiaire mal gardé. Paysannerie en 1 acte par Henri Pille », p. 4.

« Roland. Oratorio en 3 tableaux. Poème de Georges d’Esparbès », p. 5-8.

Théâtre du Chat Noir, [Paris, impr. Blot, s.d.] :

« L’Arche de Noé. Pantomime en 1 acte et 6 tableaux de Georges Moynet », p. 7.

Théâtre des ombres parisiennes, Paris, Vanier, 1893 :

« Henry Somm. L’Eléphant », p. 8-10.

« Henry Somm. Cœur inflammable », p. 18.

« Steinlein. Une Page d’Amour », p. 20.

Notes

  1. Paul Ginisty, « Chronique », Le XIXe siècle, 9 juin 1887.
  2. Encouragé par le succès qu’il reçoit à Versailles pendant plus de dix ans, Séraphin déménage son théâtre en 1784 dans les galeries du Palais-Royal. Patronné par des noms prestigieux, il attire un large public. La pièce du « Pont cassé », la plus célèbre de son répertoire, est reprise à Londres, Munich, Barcelone, Genève… Ses héritiers reprennent le théâtre et s’installent galerie Vivienne mais, le programme se diversifiant, les ombres y deviennent anecdotiques. Dès le début du XIXe siècle, les imagiers, profitant du succès populaire des « ombres chinoises », impriment des silhouettes à découper et des livrets intitulés « Le Séraphin de l’enfance », « Le Petit Séraphin des enfants », etc.
  3. Paul Ginisty, art. cité.
  4. Jules Lemaître, « La Semaine dramatique », Journal des débats politiques et littéraires, 13 janvier 1890.
  5. Émile Goudeau, Dix ans de bohème [1888], introduction, notes et documents de Michel Golfier et Jean-Didier Wagneur, Paris, Champ Vallon, 2000, p. 68.
  6. Émile Goudeau, « La Coterie », L’Hydropathe, 10 décembre 1879.
  7. Jean-Didier Wagneur, « Introduction », Émile Goudeau, Dix ans de bohème, op. cit., p. 62.
  8. « Ce fut à la suite d’une plaisanterie qui égaya une des séances que le Théâtre du Chat Noir vit le jour. Le bon aquafortiste Henry Somm avait eu l’idée de construire un petit guignol […] et une après-midi où Jule Jouy chantait sa chanson Les Sergots, il fut très désagréablement surpris de voir se lever le rideau et défiler des ombres chinoises qui commentaient sa chanson », Henri Rivière, Les Détours du chemin, souvenirs, notes & croquis, 1864-1951, Saint-Rémi-de-Provence, Equinoxe, 2004, p. 46-47.
  9. Henri Rivière, lecteur de la prestigieuse revue Le Japon illustré et collectionneur d’objets d’art japonais jusqu’à la fin de sa vie, réalise lui-même de nombreuses estampes « à la japonaise » et ses ombres au Théâtre du Chat Noir seront souvent qualifiées de « japonaises » dans l’hebdomadaire du cabaret (par exemple dans celui du 26 juin 1886 : « Tout Paris vient au Chat Noir pour admirer cette ravissante inauguration des ombres japonaises »).
  10. Voir Mariel Oberthür, « Bagarre avec les souteneurs du quartier », La Cabaret du Chat Noir à Montmartre (1881-1897), Genève, Slatkine, 2007, p. 45-47.
  11. Voir Mariel Oberthür, Le Cabaret du Chat Noir à Montmartre (1881-1897), op. cit., p. 65-72, et Henri Rivière, Les Détours du chemin, souvenirs, notes et croquis, op. cit., p. 42.
  12. Vincent Auriol, « Rodolphe Salis et les deux “Chat Noir” », Mercure de France, 1er septembre 1926, p. 321. Cité par Mariel Oberthür, op. cit., p. 69.
  13. Voir Jerrold Seigel, Paris bohème 1830-1930, Paris, Gallimard, [1986] 1991, p. 212-213.
  14. « La mise au point de chaque pièce à grand spectacle coûte fort cher à Salis entre 12000 et 15000 frs selon la machinerie », Mariel Oberthür, Le Cabaret du Chat Noir à Montmartre (1881-1897), op. cit., p. 120.
  15. Dans son feuilleton dramatique pour Le Temps, le critique Francisque Sarcey commence par aborder les spectacles du Chat Noir de manière anecdotique (« Nouvelles diverses » en fin d’article : « Je ne parle guère ordinairement dans ce feuilleton des fantaisies du Chat Noir, tenant que c’est plutôt là matière à chronique », Le Temps, 13 janvier 1890). Invité aux premières, il leur accorde ensuite un traitement de plus en plus régulier et étoffé (« Au Chat Noir, Le Sphinx, de M. Fragerolle » en tête de chronique dans Le Temps, 24 février 1896). Il constate en effet que « le tout-Paris des théâtres et des ateliers se retrouve » (Le Temps, 12 janvier 1891).
  16. Mariel Oberthür, Le Cabaret du Chat Noir à Montmartre (1881-1897), op. cit., p. 120.
  17. Ibid., p. 102, p. 120.
  18. Voir Henri Rivière, Les Détours du chemin, souvenirs, notes et croquis, 1864-1951, op. cit., p. 48-51. Un descriptif détaillé du dispositif, datant de 1891, est reproduit p. 59. dans cette édition posthume de ses mémoires.
  19. Maurice Donnay dans ses souvenirs écrit : « combien il fut éclectique ce Chat Noir, tour à tour et à la fois blagueur, ironique, tendre, naturaliste, réaliste, idéaliste, cynique, lyrique, fumiste, religieux, mystique, chrétien, païen, anarchiste, chauvin, républicain, réactionnaire », Autour du Chat Noir, Paris, Grasset, 1926, p. 46. La grande incertitude idéologique de l’époque, à laquelle Salis s’adapte en faisant de son cabaret un espace neutre, explique selon André Velter cette étonnante diversité. Voir Les Poètes du Chat Noir, présentation et choix d’André Velter, Paris, Gallimard, 1996, p. 37-38.
  20. Hélène Védrine, « Le Chat Noir sous l’œil noir de Constantinople », dans Sophie Basch, Pierre Chuvin (dir.), Pitres et Pantins, transformations du masque comique de l’Antiquité aux théâtres d’ombres, Paris, PUPS, 2007, p. 287-311.
  21. Dans son article, Hélène Védrine reproduit et commente le manuscrit de Louis Morin annoté par Henri Rivière de Pierrot pornographe (« Le Chat Noir sous l’œil noir de Constantinople », art. cité, p. 287-311).
  22. « Rodolphe Salis était donc le collaborateur dont on n’aurait pas pu se passer, pour mettre en valeur tous ces petits hors-d’œuvres artistiques que lui apportaient les humoristes de cette nouvelle Bohème », Paul Jeanne, Les Théâtres d’ombres à Montmartre de 1887 à 1923, Paris, Les Presses modernes, 1937, p. 28.
  23. En l’absence de certitude concernant le (ou les) auteur(s) de ces textes, nous les attribuons à l’auteur du scénario initial, indiqué dans les programmes sous le titre de la pièce.
  24. Ces histoires en images muettes sont alors très peu connues en France et font la réputation du journal. L’expression « histoire sans paroles » revient à Willette et Steinlein. Le premier utilise la formule « histoires sans légendes », le second « dessins sans paroles ». Voir Éric Janicot, Le Chat Noir et la bande dessinée, Paris, You-Pheng, 2018, p. 59.
  25. Fernand Fau publie l’histoire en images « Le Flagrant délit » dans le numéro 328 (28 avril 1888) et sa pièce Flagrant délit figure dans le programme annuel du théâtre de 1895-1896. Adolphe Willette publie plusieurs histoires en images des mésaventures de Pierrot dans la revue et en recueil ; l’une d’elle L’Âge d’or sera jouée en 1887 (le musée d’art et d’industrie de Châtellerault en conserve plusieurs silhouettes).
  26. Nous reprenons ces catégories au catalogue déjà cité Le Chat Noir et la bande dessinée d’Éric Janicot.
  27. Sous-titré « idylle contemporaine en 2 tableaux ».
  28. Sous-titré « paysannerie en 1 acte ».
  29. Éric Janicot, Le Chat Noir et la bande dessinée, op. cit., p. 28.
  30. Sous-titré « pantomime en 1 acte ».
  31. D’après un texte versifié de programme.
  32. Le poème de Charles Cros « Le Hareng Saur » (1873) en est l’exemple prototypique : « Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu, / Contre le mur une échelle – haute, haute, haute, / Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec. »
  33. D’après un texte versifié de programme.
  34. Sous-titré « pièce en 1 acte et en prose ».
  35. Sous-titré « drame en 1 acte et 6 tableaux ».
  36. Sous-titré « comédie en 1 acte ».
  37. D’après un texte de programme.
  38. Sous-titré « drame symboliste oriental en 1 acte ».
  39. Pour cette pièce, nous nous appuyons sur la trame fournie par Paul Jeanne (Les Théâtres d’ombres à Montmartre de 1887 à 1923, op. cit., p. 20) et sur le boniment écrit qui figure dans un programme tardif (1893) réalisé pour une tournée à Chicago.
  40. D’après le texte du programme de de la tournée de 1893 à Chicago.
  41. Sous-titrée « pantomime en 1 acte et 6 tableaux ».
  42. D’après un texte du programme.
  43. Texte de programme reproduit dans son intégralité.
  44. Maurice Donnay, Autour du Chat Noir, op. cit., p. 28.
  45. Les artistes qui collaborent au théâtre ou à la revue appréhendent différemment les milieux et les productions académiques. Si certains restent en marge comme Henri Rivière ou Emile Goudeau, Caran d’Ache par exemple est fasciné par les peintures militaires de Delataille. Quant à Maurice Donnay, ingénieur de formation, il reste attaché aux formes versifiées (il intègre l’Académie française en 1907).
  46. Henri Rivière, Les Détours du chemin, souvenirs, notes & croquis, 1864-1951, op. cit., p. 39.
  47. Jules Lemaître, « La Semaine dramatique », Journal des débats politiques et littéraires, 13 janvier 1890.
  48. Sous-titré « deux tableaux en vers ».
  49. Maurice Vaucaire et Louis Morin, Le Carnaval de Venise, Paris, [imprimé pour l’auteur], 1891, p. 8.
  50. Sous-titrée « pantomime en 10 tableaux », puis plus tard « pièce à grand spectacle en 3 actes et 30 tableaux ».
  51. « Chronique », Le Temps, 23 décembre 1886.
  52. La pièce est sous-titrée « pantomime à grand spectacle en 30 tableaux » en 1886. Les versions ultérieures comprendront quarante puis cinquante tableaux.
  53. Jules Lemaître, « La Semaine dramatique », Journal des débats politiques et littéraires, 2 janvier 1887.
  54. Sous-titrée « mystère en 10 tableaux » en 1890, la pièce comptera douze tableaux dans sa dernière version.
  55. Georges Fragerolle et Henri Rivière, La Marche à l’étoile, Paris, Flammarion/Enoch&Co., 1899.
  56. Henri Rivière, Les Détours du chemin, souvenirs, notes & croquis, 1864-1951, op. cit., p. 59
  57. Sous-titré « légende ».
  58. Georges Fragerolle et Louis Bombled, Le Rêve de Joël, Paris, Flammarion/Enoch Frères & Costallat, s.d.
  59. Sous-titrée « pièce militaire en 2 actes et 40 tableaux ».
  60. La liste des « tableaux » qui composent ces pièces figure dans les programmes.
  61. On peut par exemple citer deux peintures de la collection du château de Versailles : Antoine Léon Morel-Fatio, Attaque d’Alger par mer, 1836-1837 ; Horace Vernet, Prise de la Smala d’Abdelkader par le duc d’Aumale, 1844.
  62. D’après la liste des « tableaux » du programme.
  63. Sous-titré « épopée lyrique en 16 tableaux ».
  64. Georges Fragerolle, Amédée Vignola, Le Sphinx, Paris, Flammarion/Enoch&Co, s.d., p. 36.
  65. « La Vie à Paris », Le Temps, 29 octobre 1896.
  66. Richard Wagner et Jacques Mesnil (trad.), L’Art et la Révolution, Bruxelles, Bibliothèque des Temps nouveaux, 1895, p. 56.
  67. « Chronique », Le XIXe siècle, 11 mars 1890.
  68. Sous-titré « féérie en 6 tableaux ».
  69. Georges Fragerolle et Henri Rivière, Clairs de lune, Paris, Flammarion/Enoch&Co, 1897, p. 29-34.
  70. D’après la description qu’en donne E.M. Laumann dans son ouvrage La Machinerie du théâtre, Paris, Firmin Didot & Cie, [1897], p. 146.
  71. Horace Valbel, Les Chansonniers et les cabarets artistiques, Paris, Dentu, 1885-1905, p. 109-111.
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EAN html : 9791030011333
ISBN html : 979-10-300-1133-3
ISBN pdf : 979-10-300-1134-0
Volume : 33
ISSN : 2741-1818
Posté le 04/06/2025
14 p.
Code CLIL : 3677
licence CC by SA

Comment citer

Courtade, Sophie, « L’art des ombres au Théâtre du Chat Noir : du scénario fumiste au récit épique », in : Charlier, Marie-Astrid, Thérond, Florence, dir., Écrire en petit, jouer en mineur. Scènes et formes marginales à la Belle Époque, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 33, 2025, 309-322 [en ligne] https://una-editions.fr/art-des-ombres-au-theatre-du-chat-noir/ [consulté le 04/06/2025].
Illustration de couverture • Dessin de Raphaël Kirchner, dans Félicien Champsaur, Le Bandeau, Paris, La Renaissance du Livre, 1916.
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