Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 2, 1962, 1-7.
L’historien local se trouve souvent à court de documents écrits lorsqu’il se tourne vers les périodes les plus reculées de l’histoire de son petit pays, Antiquité ou Moyen Âge. Il doit alors faire appel aux documents figurés et à leur science que l’on nomme archéologie. Si certains documents archéologiques, châteaux ou églises sont connus, ce qui ne les empêche pas d’être d’ailleurs détruits, d’autres, comme les fondations de murs ou de routes, les fragments de poterie, sont ignorés du profane. Ces objets parfois extrêmement précieux pour l’historien, sont ainsi perdus par ignorance ou bien insuffisamment décrits par des amateurs locaux. Il arrive aussi que certains objets d’une plus ou moins grande valeur tels les pièces de monnaie soient cachés par leurs inventeurs. D’autres qui découvrent les substructions d’un édifice se hâtent de les enfouir à nouveau pour éviter des complications administratives. Devant une telle incompréhension, consciente ou non, qu’on ne s’étonne pas si l’histoire locale trébuche ou n’avance guère.
Nous avons pensé que nous la servirions en établissant un inventaire aussi précis que possible des documents et monuments archéologiques du Bazadais dans le cadre de l’ancien arrondissement de Bazas. Peut-être susciterons-nous chez nos lecteurs des remarques, des rectifications, des compléments, nous le souhaitons vivement. Nous commencerons par présenter les documents de la préhistoire, de la protohistoire (800 à 56 av. J.-C.), de la période gallo-romaine (56 av. J.-C. au Ve siècle apr. J.-C.) et du Haut Moyen Âge (Ve au Xe siècle). Nous avons regroupé dans un chapitre spécial les documents se rapportant aux routes, car leur présentation par cantons et communes aurait été artificielle.
Canton de Grignols
Grignols
Période Gallo-romaine
Site de Campin
E. Féret dans son Essai,déclare qu’“un camp romain se trouvait dans la section”. Il s’agit probablement de la section de Campin mais l’existence de ce camp que Féret a sans doute déduite du toponyme Campin est plus que douteuse. Il n’apporte du moins aucune preuve. Il en est de même de l’abbé Dubos qui nous dit que “l’église de Campin serait bâtie sur une ancienne butte romaine”. Mais la butte existe bien et, comme nous le verrons, on a trouvé à côté de l’église des monnaies romaines ; l’existence d’un habitat gallo-romain y est donc très probable.
Féret (E.). ‒ Essai sur l’arrondissement de Bazas,1893, p. 33.
Abbé Dubos. ‒ “Quelques Voies romaines sur la rive gauche de la Garonne en Agenais, Bazadais et Bordelais”, in Revue de l’Agenais,sept.-oct. 1917, p. 23, note 5.
Monnaies romaines de Campin
Elles sont signalées pour la première fois par C. Braquehaye dans un article de 1886 consacré à l’église de Monclaris. “En face de Monclaris sur la hauteur on voit Campin où furent trouvées récemment de nombreuses monnaies romaines”. E. Féret, quelques années plus tard, indique “des médailles romaines des premiers siècles de notre ère, trouvées en 1881 à Campin auprès de cercueils en pierre qui indiquent qu’un cimetière a existé dans ce lieu au Moyen Âge”. E. Piganeau dans son tableau archéologique de 1897 ne dit rien, mais l’abbé Dubos rapporte en 1917 que “vers la fin du siècle dernier la charrue d’un laboureur découvrit un trésor composé de 500 à 600 pièces de bronze remontant aux premiers siècles de l’empire romain”. De ces diverses mentions il ressort qu’en 1881 sans doute, on découvrit un trésor de monnaies romaines des Ier, IIe ou IIIe siècles probablement, à proximité ou dans l’ancien cimetière de Campin. Nous n’avons pu retrouver d’autres traces de cette découverte, mais il est possible que le trésor ait été inventorié.
Braquehaye (Ch.). ‒ “L’Église de Monclaris”, in Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux,1886, t. XI, p. 103.
Féret (E.). ‒ Op. cit.,p. 33.
Piganeau (E.). ‒ “Essai de répertoire archéologique du département de la Gironde”, in Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux,1897, t. XXII, p. 71.
Abbé Dubos. ‒ Art. cité, p. 23, note 5.
Haut Moyen Âge
Sarcophages de Campin
Ils n’étaient guère connus jusqu’à ce jour que par deux mentions. La première de E. Piganeau datant de 1897 et signalant la “découverte en 1864 de sépultures anciennes” à Grignols, sans autre précision, l’autre déjà citée de E. Féret qui indique, en 1893, que les monnaies découvertes à Campin en 1881 l’ont été “auprès des cercueils qui indiquent qu’un cimetière a existé dans ce lieu au Moyen Âge”. Un heureux hasard nous a permis de retrouver aux Archives départementales une partie de la correspondance relative à cette affaire, ainsi que les délibérations de la Commission des monuments historiques qui s’y rapportent.
Première campagne de fouilles
(1864)
M. Faugère, alors maire de Grignols, écrit le 15 mars 1864 au sous-préfet de Bazas une lettre l’informant des faits suivants : “En élargissant de chemin de Saint-Loubert au village de Campin on a découvert dans une pièce de terre en labour de mon beau-père, sur une certaine étendue de cette pièce à une profondeur d’un mètre cinquante centimètres, des cercueils en pierre remplis d’une grande quantité d’ossements humains. Les fouilles n’ont eu lieu que sur un des côtés de ladite pièce. Il est à présumer que si elles étaient continuées elles amèneraient la découverte d’autres objets remontant à des temps très reculés”. Cette lettre était transmise le 22 mars par le sous-préfet au président de la Commission des monuments historiques. Simultanément M. Burguet, alors juge de paix à Grignols et correspondant de la Commission adressait à M. Reclus un rapport que ce dernier envoya le 6 avril à la Commission. Ce rapport est malheureusement perdu.
Le 8 avril, la Commission prit connaissance de la lettre de M. Faugère et de celle de M. Burguet “dans laquelle il entre dans les détails sur la forme de ces sépultures consistant le plus généralement en cercueils de pierre dont quelques-uns renferment les restes de plusieurs squelettes. M. Burguet dit qu’il existe encore d’autres sépultures, mais que le propriétaire du terrain s’est opposé à leur ouverture après en avoir informé le sous-préfet et demandé leur envoi sur les lieux de gens capables de surveiller les recherches”. Sur ce, la Commission décida d’écrire à M. Burguet pour le charger de suivre les fouilles et lui donner des conseils, ce qui fut fait le 16 avril. Elle intervenait en même temps auprès du sous-préfet pour qu’il lui facilita la tâche. À sa séance du 13 juin la Commission était enfin informée que le préfet lors de sa dernière visite avait autorisé le sous-préfet à faire verser à M. Burguet 50 francs “applicables aux fouilles de l’ancien cimetière de Campin”.
M. Burguet aurait envoyé une seconde lettre à la Commission dont nous n’avons pas retrouvé trace.
Seconde campagne de fouilles
(1866)
Elle nous est connue par une nouvelle lettre de M. Burguet du 26 février 1866 informant la Commission “que l’on a trouvé sur la propriété de M. Duballen à la suite des terrains où l’on avait déjà découvert deux rangs de tombes et de nombreux ossements épars, deux nouvelles tombes” dont il donne la description suivante :
Sarcophage I. ‒ Conservation parfaite.
Cuve : parallélépipédique, longueur : 2,28 m, largeur : 0,90 m (mesures extérieures).
Couvercle : toit en bâtière, épaisseur des parois : 8 cm.
Contenu : un squelette de près de 2,15 m.
Sarcophage II. ‒ Conservation parfaite.
Cuve : forme trapézoïdale, longueur : 2,08 m, largeur à la tête : 0,78 m, aux pieds : 0,58 m (mesures extérieures).
Couvercle : “pas la même forme” que le précédent, épaisseur des parois : 8 cm.
Contenu : un squeltte de près de 2 mètres.
M. Burguet signale en outre que les sarcophages ne “portent aucune trace d’inscription”, mais nous ignorons ce qu’il faut entendre par là. À la différence des squelettes des premières fouilles qui n’avaient pas été conservés, ceux-ci furent placés dans une caisse qui devait être envoyée au docteur Subervielle, alors conservateur du Cabinet d’histoire naturelle de Bordeaux. Cette caisse fut déposée à la mairie de Grignols.
La Commission prit connaissance de ce rapport par l’intermédiaire de M. Virac lors de sa réunion du 18 mai 1866. Dans sa lettre du 11 juillet 1866, adressée à M. Burguet, elle lui laisse toute liberté pour faire examiner les ossements et lui réclame un rapport d’ensemble sur les fouilles.
Depuis cette époque nous n’avons pas retrouvé de trace ni des sarcophages, ni des squelettes. Il est donc impossible de leur attribuer une date. Le fait que nous les ayons mis sous la rubrique Haut Moyen Âge ne constitue donc pas une attribution définitive.
Troisième campagne de fouilles
(1881)
Il semblerait, selon E. Féret, que l’on ait découvert de nouveaux sarcophages en 1881, mais nous pensons qu’il y a eu confusion avec les découvertes précédentes.
Localisation :
Les découvertes de 1864 et de 1866, se situent l’une à la suite de l’autre sur le terrain. Elles furent faites lors de l’élargissement du chemin de Saint-Loubert à Campin, sur la propriété de M. Duballen, beau-père de M. Faugère, maire de Grignols. Nous pensons, à la suite de recherches effectuées aux Services du cadastre de la Gironde que les sarcophages furent découverts sur les terrains situés de part et d’autre du chemin allant de Saint-Loubert à Campin avant l’église de Campin (cadastre de Grignols, section de Campin, parcelles 71, 87, 88 et 89).
Archives départementales de la Gironde, liasse 154 T 2 A pour la correspondance et 159 T 2 pour les réunions de la Commission.
Féret (E.). ‒ Op. cit.,p. 33.
Piganeau (E.). ‒ Art. cité, p. 71.
Sarcophages de Flaujac
Au cours de la construction de caveaux dans l’actuel cimetière de Grignols, on a découvert vraisemblablement sur l’emplacement de l’ancienne église de Flaujac, des sarcophages en pierre. Ceci a dû avoir lieu il y a une dizaine d’années. N’étant pas alors présent, nous n’avons pu voir ces sarcophages qui ont été malheureusement détruits.
Cours-les-Bains
Protohistoire
Haches
E. Féret signale dans son Essai une hache en pierre polie trouvée dans cette commune et conservée dans la collection Delfortie acquise par la ville ; sans doute s’agit-il de celle de Bordeaux.
Féret (E.). ‒ Op. cit.,p. 34.
Marquette (J.-B.). ‒ “Le peuplement du Bazadais méridional de la préhistoire à la conquête romaine”, in Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde,t. IX, nouv. série, 1960, p. 112.
Marions
Période Gallo-Romaine (?)
Substructions
E. Féret rapporte que l’on a trouvé en 1840 des “substructions gallo-romaines dans les propriétés de M. Dubourg et de M. le Curé de Marions où ont existé aussi de petits tumuli renfermant des cercueils en pierre doublés de plomb”. E. Piganeau, dans son inventaire, mentionne des “substructions antiques”. Nous n’avons pu localiser les propriétés en question.
Féret (E.). ‒ Op. cit.,p. 36.
Piganeau (E.). ‒ Art. cité, p. 72.
Sendets
Protohistoire
Mégalithe de Bacquerisse
(CEM, Bazas, XVI, 39, nord, nord-ouest de la commune)
C’est en 1846 dans les Comptes rendus de la Commission des monuments historiques qu’il est pour la première fois fait mention de ce monument : “On a trouvé, nous dit-on, sur la propriété de Bacquerisse appartenant à M. Saintespès-Lescot, trois pierres dont une n’avait pas moins de 3 mètres 33 centimètres, 1 mètre cinquante centimètres et 0 mètre 23 centimètres et les deux autres 1 mètre, 1 mètre, et 0 mètre 23 centimètres. Ce sont sans doute, les restes d’un dolmen détruit et enfoui par le zèle de la population ou du clergé”. E. Féret de son côté signale en 1893 “trois pierres énormes qui semblent être les restes d’un dolmen”. En 1828, Dom Biron les aurait encore vues. Malgré nos recherches et une enquête auprès de personnes vivant dans ce hameau, nous n’avons pu retrouver trace de ces blocs de pierre. Il est vrai que nous ignorons tout de leur emplacement exact. S’il s’agit des vestiges d’un dolmen ils sont probablement uniques dans le cadre de notre étude.
Comptes rendus des travaux de la Commission des monuments historiques pendant l’année 1845-1846, p. 44.
Féret (E.). ‒ Op. cit., p. 37.
Biron (Dom R.). ‒ Guide archéologique illustré du touriste en Gironde,1928, p. 144.
Marquette (J.-B.). ‒ Art. cité, p. 110.
Haut Moyen Âge
Tumulus de Rippes
(CEM, Bazas, XVI, 39)
L’existence de ce tumulus est mentionnée pour la première fois en même temps que celle du mégalithe de Bacquerisse : “Des fouilles faites dans un tumulus au lieu de Rippes ont donné lieu à la découverte de quelques instruments de forme antique”. Le rapport ajoute que ce tumulus paraît assez élevé. E. Féret, E. Piganeau, A. Rebsomen, Dom R. Biron, l’ont signalé à leur tour à des époques différentes.
Le monticule de Rippes est encore parfaitement visible et localisable. Il se trouve sur le bord du chemin allant du bourg de Sendets au lieu de Gadine sur la route départementale 124. Aussitôt après la traversée du ruisseau de Berdon, il suffit de prendre sur sa droite un chemin de terre. La motte se trouve à quelques dizaines de mètres de l’embranchement à droite.
Le tumulus, appelé aussi dans le pays douc, se présente sous forme d’un monticule de terre tronconique entouré d’un fossé circulaire. Il mesure environ dix mètres de haut depuis le fond du fossé et sa circonférence approximative doit être de 60 mètres.
Il est difficile d’assigner une date précise à ce monument. Le résultat des fouilles de 1846 est beaucoup trop vague pour qu’on puisse en tirer une conclusion. S’agit-il d’un tumulus funéraire véritable, nous ne le pensons pas. Il est possible qu’il y ait eu dès l’époque protohistorique un refuge en ce lieu mais l’attribution la plus probable de ce monticule doit être faite aux Xe, XIe ou XIIe siècles. Il s’agit en effet certainement d’une motte féodale élémentaire. Seules des fouilles ou des documents se rapportant à cette forteresse, permettront de la dater de façon définitive.
Compte rendu. ‒ Op. cit., p. 44.
Féret (E.). ‒ Op. cit., p. 37.
Piganeau (E.). ‒ Art. cité, p. 72.
Rebsomen (A.). ‒ La Garonne et ses affluents…, p. 135.
Biron (Dom R.). ‒ Op. cit., p. 144.
Marquette (J.-B.). ‒ Art. cité, p. 11.