Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, n° 17, 1969, 27-33.
Monuments et œuvres d’art
à caractère religieux
Commune de Grignols (suite)
Église Notre-Dame de Sadirac
Dominant un des plus beaux paysages de la région, ancien chef-lieu d’un archiprêtré qui, au XVIIIe siècle, s’étendait sur la rive droite de la Garonne jusqu’aux portes de La Réole, l’église de Sadirac est aujourd’hui bien déchue. Lorsqu’on étudie l’édifice, on éprouve d’ailleurs quelque peine à penser qu’une chapelle aussi modeste ait pu être le siège d’une importante circonscription ecclésiastique, car l’église de Sadirac est si banale que, si ce n’était de son clocher, on la prendrait aisément pour une simple grange (fig. 1). Son plan est d’une très grande simplicité. Après avoir franchi le portail surmonté d’un arc en anse de panier, percé dans le clocher-pignon qui se dresse à l’ouest, on découvre un vaste rectangle de 18,30 m de long et de 4,87 m de large ; la coupure qui existe entre la nef et le chœur est en effet tout à fait récente. Le sol de la nef est dallé de carreaux en terre du pays, de 0,20 m de côté, disposés en oblique. Après une marche en pierre correspondant à l’entrée du chœur, le dallage est constitué de carreaux alternés rouge et bistre, de 32 cm de côté, disposés obliquement par rapport à l’axe de la nef. Le plafond de l’ensemble ainsi que l’arc qui délimite le chœur, sont en matériau moderne et dus à une récente restauration.
Six fenêtres éclairent l’édifice, trois dans la nef et trois dans le chœur. Dans la nef, deux, identiques, sont percées dans le mur méridional ; larges de 0,80 m, couronnées d’un arc plein cintre, elles s’ouvrent à l’intérieur par un arc très surbaissé qui atteint presque le niveau du plafond (fig. 1). La troisième fenêtre, beaucoup plus basse et très ébrasée, a été ouverte dans le mur nord et éclaire les fonts baptismaux (largeur : 0,86 m ; hauteur : 1,07 m).
Quant aux trois ouvertures du chœur, situées l’une dans l’axe et les deux autres dans les murs latéraux, elles sont au-dedans larges de 0,80 m, à linteau droit, et ébrasées sur les trois autres faces ; au-dehors, elles sont seulement larges de 0,15 m ; leur linteau et le départ des pieds-droits ont été taillés dans une seule pierre et toutes les arêtes sont chanfreinées.
Les murs sont, au-dedans comme au-dehors, entièrement revêtus d’un enduit (fig. 1). Il est, dans ces conditions, assez difficile de déceler les étapes éventuelles de la construction de l’édifice. On distingue cependant à l’extérieur, sur le mur méridional, à peu près à la limite du chœur actuel, l’existence d’un renforcement en pierres bien appareillées, ce qui laisse penser que le chœur et la nef ont été édifiés à des époques différentes.
Une porte ouverte dans le mur nord du chœur donne accès à une sacristie moderne. Quant au clocher, c’est un clocher-mur classique, construit en bel appareil, à double retrait et percé de deux baies en arc brisé ; celle de droite abrite encore une cloche. La face ouest est légèrement renforcée jusqu’à hauteur d’une ligne de corbeaux en pierre supportant la poutre qui soutient la toiture du porche. Les parties du clocher en plan incliné sont soulignées par un larmier. Il existait autrefois, au moins sur la face est, un auvent au niveau des baies ; on en aperçoit en effet les traces de l’arrachement du toit (fig. 1).

Deux pièces du mobilier sont à retenir : un bénitier et des fonts baptismaux en pierre. Le bénitier, qui provient de l’église d’Auzac, haut de 0,76 m, est constitué d’une cuve ovale (0,56 m x 0,43 m), reposant sur un socle assez élégant de 0,47 m de haut (fig. 2). Les fonts baptismaux comprennent une cuve, octogonale au-dehors (0,32 m de côté), circulaire au-dedans et percée d’un trou central, et un petit pied octogonal lui aussi (0,17 m de côté). Il est intéressant de noter, comme à Saint-Loubert, la présence, contre le mur occidental, d’une tribune qui permettait sans doute autrefois d’accéder, grâce à une échelle, aux baies du clocher ; elle est actuellement fermée. Le reste du mobilier, sauf un confessionnal qui date probablement du XVIIIe siècle et une petite caisse à offrandes scellée dans le mur méridional, ne présente aucun intérêt. La porte occidentale mérite, par contre, qu’on s’y attarde : les vantaux sont soutenus chacun par trois bandes dont les clous sont retournés vers l’intérieur. L’un est en outre muni d’un crochet et l’autre possède une belle serrure et un loquet anciens. L’ensemble, selon toute vraisemblance, date du XVIIIe siècle.
Il est bien difficile d’établir la chronologie de la construction de cet édifice : rien, ni dans l’appareil, ni dans les ouvertures, n’est, en effet, caractéristique. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est qu’il y a eu au moins trois étapes dans la construction : la nef, le chœur, le clocher, et que l’ensemble ne doit pas être antérieur au XVIe siècle.
A. Rebsomen, La Garonne et ses affluents, 1913, p. 110, fig. 96, vue prise du sud-est représentant le chœur et le mur méridional. Le clocher possède un auvent sur sa face orientale.
Église Saint-Martin-de-Loubens ou de Campot
C’est la plus modeste de toutes les chapelles de l’actuelle Commune de Grignols et, avec l’église d’Auzac, celle qui présente aujourd’hui le plus triste spectacle. Les amoureux de vieilles pierres peuvent encore la découvrir – mais pour combien de temps ? – dans son encadrement de cyprès et son décor champêtre (fig. 3). Si l’édifice actuel n’est pas très ancien, la paroisse remonte certainement aux origines du christianisme en Bazadais : on peut du moins le penser si l’on songe à sa dédicace et à son toponyme à suffixe en -ens.
La chapelle est constituée d’une nef (10,90 m de long sur 4,80 m de large) prolongée par une petite abside semi-circulaire. L’entrée actuelle se trouve sur le mur septentrional de la nef. En effet, la face occidentale, sur laquelle on rencontre presque toujours le portail principal, est entièrement fermée par un mur massif soutenu par deux contreforts perpendiculaires, en large saillie, bâtis en bel appareil et naguère surmonté par un petit clocheton couronné d’un pignon dont la baie abritait une cloche. Il est probable que c’est à l’époque de la réfection de ce mur occidental que fut ouverte la petite porte du mur septentrional.
À l’intérieur on constate, d’autre part, que, de chaque côté, à 4,15 m environ de l’entrée du chœur, la nef se rétrécit de 0,15 m. Ce rétrécissement correspond à un changement complet dans la structure de l’édifice. Au-dehors, en effet, jusqu’à cette limite, les murs de la nef sont bâtis en moellons de petit modèle noyés dans un mortier rougeâtre. À partir de cet endroit, par contre, le reste de la nef et l’abside sont construits en un très bel appareil constitué de pierres de 0,31 m de haut, parfaitement jointées. Trois contreforts, larges de 1 m, profonds de 0,17 m à 0,35 m, soutiennent extérieurement cette partie de l’édifice. Deux sont placés précisément à la coupure avec la partie de la nef bâtie en petit appareil, le troisième est situé dans l’axe de l’édifice.
Le sol de la nef est dallé en petits carreaux de terre de 0,20 m de côté. La séparation entre la nef et le chœur est marquée par une importante dénivellation soulignée par trois marches en pierre, celle du bas affectant la forme d’un demi-cercle, les deux autres rectilignes barrant toute la nef. Une murette de pierre, large de 0,32 m, dont le sommet est à 1,10 m au-dessus du niveau du sol de la nef, clôture le chœur, sauf un passage central de 0,80 m de large. Le sol du chœur et de l’abside est lui aussi revêtu de carreaux du pays. L’ensemble de l’édifice est lambrissé.
Il n’y a aucune ouverture dans la nef. Seule l’abside est éclairée par trois fenêtres extrêmement ébrasées au-dedans (largeur : 1,10 m). Après un rétrécissement, elles s’élargissent à nouveau vers l’extérieur. Elles sont couronnées au-dehors par un arc brisé, décoré à l’origine à l’intrados d’un arc tréflé, encore visible à la fenêtre méridionale (fig. 4). La fenêtre d’axe a été percée dans l’épaisseur du contrefort (fig. 5). Le mobilier de l’édifice, ou du moins ce qu’il en reste, comprend des fonts baptismaux en pierre grisâtre, hauts de 0,77 m, dont la cuve circulaire repose sur un pied identique et un petit bénitier en pierre ; haut de 0,76 m, qui ressemble à une colonne dont la partie supérieure, légèrement plus large, aurait été creusée intérieurement. On peut noter aussi la présence de deux placards aménagés dans l’épaisseur du mur : l’un, très simple, situé dans le mur nord de la nef ; l’autre dans la partie sud de l’abside, avec un encadrement en pierre faisant saillie. De même que le buffet datant du XVIIIe siècle qui se trouve actuellement dans le chœur, ils étaient, en l’absence d’une sacristie, destinés à ranger les ornements et objets du culte.
Il existait naguère un autel baroque dans l’abside. Il n’en reste plus que la charpente mais on aperçoit, en dessous, une table d’autel en pierre beaucoup plus ancienne. Il n’y avait pas, par contre, de confessionnal : il était remplacé par une petite séparation à clairevoie, placée au-dessus de la banquette de pierre séparant la nef du chœur.
La chute du clocher, qui s’est produite il y a peu de temps, a provoqué celle de la cloche. Celle-ci se trouve depuis dans la nef. On peut y lire l’inscription suivante : “J’APPARTIENS A LA SECTION DE CAMPOT. 1853. PARRAIN FRANCOIS POITEVIN, MARRAINE JEANNE BOUDEY” et dans le bas “MARTIN FONDEUR”.
Face à un édifice aussi modeste et possédant aussi peu d’éléments architecturaux originaux, il est difficile de retrouver les étapes de la construction ; comme à Sadirac, on peut en distinguer trois qui ont affecté séparément la plus grande partie de la nef – le reste de la nef, le chœur et l’abside – le clocher et le mur ouest, Cette partie est sans aucun doute la plus récente et peut-être date-t-elle seulement du XVIIIe siècle. Le chœur et l’abside peuvent être attribués au plus tôt au XIIIe siècle, mais il est bien difficile de dire si la nef lui est ou non antérieure.
A. Rebsomen, op. cit., p. 110, Fig. 95 (vue d’ensemble).
Les croix de Saint-Loubert
Si la commune de Grignols est riche en églises, elle l’est beaucoup moins en croix de cimetière ou de carrefour dignes de retenir l’attention. Nous en avons, pour notre part, retenu deux : l’une se trouve dans le cimetière de Saint-Loubert, l’autre au carrefour des deux routes qui permettent d’aller de ce hameau à la route de Grignols à Marmande.
La croix du cimetière (fig. 6)

croix du cimetière.
C’est une croix en fer forgé, ajourée, dont le décor intérieur est constitué de cœurs. Elle repose sur une colonne de 1,85 m de haut, supportée par un socle carré (hauteur : 0,85 m, largeur : 0,70 m), lui-même assit sur une base à trois marches. Les intempéries ont fait disparaître ces marches et la colonne est branlante. L’ensemble, qui n’en conserve pas moins une indiscutable élégance, doit certainement remonter au XVIIIe siècle.
La croix du carrefour (fig. 7)

croix du carrefour.
Comme la précédente, c’est une croix en fer placée sur une colonne en pierre, mais celle-ci n’a qu’un mètre de haut et repose directement sur une base à trois marches en assez piteux état. La partie supérieure de la colonne a reçu un décor bien maladroit, constitué de deux tores et de stries gravées. La croix, haute de 1,42 m, est décorée de volutes rapportées, d’un cœur situé au centre, d’un marteau et de tenailles posées sur les bras de la croix. À la base, on peut lire la date : 1873.
Cette croix est donc une œuvre récente, réalisée par un artisan local ; elle n’en présente pas moins, surtout par comparaison avec d’autres travaux du XIXe siècle, un indiscutable intérêt tant par la qualité du travail que par l’élégance de l’ensemble.
(À suivre)