Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, n° 33, 1976, 3-20,
avec la collaboration d’Yves Morel.
Historique
Les fouilles de l’abside de l’église de Préchac ont été exécutées du mois de juillet 1970 au mois de février 1971 par MM. Yves Morel et François Dittlo, alors étudiants de lycée. Le compte rendu que nous présentons ici a été établi à partir des notes, du journal de fouille et des relevés qui nous ont été communiqués par M. Y. Morel.
Au cours de l’hiver 1969-1970, le desservant de l’église de Préchac1 décida de procéder à une rénovation de l’abside afin qu’elle pût répondre aux exigences de la liturgie nouvelle. Les travaux commencés par l’entreprise Cardouat de Préchac portèrent sur l’enlèvement de la table de communion, la démolition de l’autel du XIXe siècle et la mise à l’arrase du sol de la nef, de celui du chœur et de l’abside, alors surélevé de près de quarante centimètres (niveaux I/II)2.
Ces travaux étaient achevés lorsqu’au printemps 1970 l’abbé Vernier arriva à Préchac. Le nouveau desservant autorisa alors une personne dont nous ignorons l’identité à procéder à un sondage (n° 1) à hauteur de la sixième colonne de l’arcature aveugle qui décore le chœur et l’abside. On ignore quels en furent les résultats, mais sans doute restèrent-ils négatifs (Cf. plan I).
Quelques semaines plus tard, au début du mois de juillet, l’abbé Vernier désirant en savoir davantage sur l’histoire de son église, autorisa deux étudiants MM. Y. Morel et F. Dittlo, à entreprendre de nouvelles recherches. Il lui semblait, en effet – et les découvertes ultérieures le prouvèrent – que le niveau atteint dans l’abside à l’arrase du sol de la nef n’était pas celui d’origine. Avant d’envisager la pose d’un nouveau dallage il importait donc de s’assurer de l’agencement primitif du chevet.
Les travaux commencèrent aussitôt, avec un matériel d’ailleurs rudimentaire. Un nouveau sondage (n° 2) fut entrepris entre les piliers soutenant l’arc triomphal ; il amena la découverte du niveau IV et en particulier celle de la marche primitive située à l’entrée du chœur. Puis, les fouilleurs élargirent le premier sondage déjà commencé au fond de l’abside. Après démolition d’une fondation en moellons (III a 2, II), ils atteignirent les niveaux IV et V. Dans celui-ci, correspondant à une épaisse couche de terre noirâtre, ils mirent au jour de nombreux tessons – qui s’avérèrent être gallo-romains – ainsi que le rebord supérieur du sarcophage correspondant à la sépulture I qu’ils dégagèrent.
C’est à ce moment-là que par l’intermédiaire du Dr A. Frahier nous fûmes informés de ces fouilles dont le journal Sud-Ouest publia alors des photographies. Dès notre première visite il nous apparut qu’il n’était plus possible de fermer le chantier : les travaux étaient trop avancés et renoncer à la fouille c’était se priver de renseignements précieux sur l’histoire de l’édifice puisque, dans un délai relativement bref, un nouveau dallage devait être posé.
Après accord avec M. J. Coupry, directeur de la Circonscription des Antiquités historiques d’Aquitaine, que nous avions mis au courant de la situation, les travaux reprirent donc, mais cette fois sur des bases nouvelles. Sur nos conseils, les fouilleurs procédèrent d’abord à l’enlèvement, après tamisage systématique, de tous les déblais accumulés dans l’abside et qui ne permettaient pas de se rendre exactement compte de la situation. Une fois ce travail achevé, il fut procédé à la mise au net du sondage n° 2 entre les piliers de l’arc triomphal et à son élargissement autour du pilier nord. Il fut, dès lors, possible de reconnaître le nombre, la nature et l’épaisseur des couches archéologiques et d’entreprendre une fouille stratigraphique de l’abside. Par la même occasion les fouilleurs se rendirent compte qu’à l’opposé de celui de l’abside, le sous-sol de la nef avait été bouleversé par des inhumations à l’époque moderne.
Tous ces travaux furent menés à bien par MM. Y. Morel et F. Dittlo dans la seconde quinzaine de juillet et au cours du mois d’août, grâce à quelques renforts de main-d’œuvre bénévole et surtout grâce à l’acquisition de matériel. Il n’est pas inutile de préciser que l’argent nécessaire à ces achats provenait de dons faits par les touristes visitant l’église, auxquels les jeunes fouilleurs servaient de guide.
À partir du mois de septembre et au cours des mois suivants, mais seulement le dimanche et les jours de vacances, les fouilleurs procédèrent au déblaiement des niveaux successifs : moellon et remblai jaune du niveau IV, terre noire du niveau V. Ce travail fut exécuté avec le plus grand soin : tamisage complet de la couche V – qui représentait environ 15 m3 – lavage des tessons, brossage des ossements, répartition du mobilier dans plus de soixante caisses correspondant à des coordonnées précises. Nous nous sommes rendus à plusieurs reprises sur le chantier, l’abbé Vernier nous informant immédiatement de toute découverte présentant un intérêt particulier. M. Duru, architecte des bâtiments de France, fit exécuter de son côté un excellent relevé de l’état de la fouille avant que ne soit entreprise la fouille stratigraphique (Cf. plan I). Au mois de janvier 1971, le chevet de l’église de Préchac était déblayé jusqu’au sable. Seules restaient en place les tombes 1, 2, 3 que nous devions examiner avec plus de précision, en même temps que les fondations de l’abside.
Or, un samedi du mois de février, les fouilleurs retrouvèrent le chœur de l’abside entièrement comblé au niveau de l’épaulement des fondations correspondant à peu près à la partie supérieure du niveau V. Personne ne les en avait informés : nous non plus, d’ailleurs. Il convient de dire que l’élargissement du sondage entre les piliers de l’arc triomphal menaçait d’effondrement l’autel provisoire établi à l’extrémité de la nef. Depuis l’automne 1970, d’autre part, l’abbé Vernier s’inquiétait de la durée de la fouille ; il se faisait en cela le porte-parole d’une partie de ses paroissiens qui souhaitaient voir entreprendre la restauration du chevet.
Commencées en fraude les fouilles de Préchac se sont donc achevées de la même façon ; mais, il ne faut surtout pas regretter qu’elles aient eu lieu. Lorsque MM. Y. Morel et F. Dittlo commencèrent leurs sondages ils se trouvaient en présence d’un chantier déjà largement ouvert et condamné en outre, par sa nature même, à être rapidement fermé – les événements de février 1971 l’ont bien prouvé. Si, au début, les jeunes fouilleurs ont commis quelques erreurs inévitables, mais sans conséquence majeure sur les résultats de la fouille et qui leur ont surtout coûté un surcroît de travail, par la suite, grâce aux conseils que M. Duru et moi-même leur avons donnés et l’expérience aidant, ils ont finalement tiré le meilleur parti d’une situation qui se présentait assez mal à l’origine. En tout cas, c’est grâce au cahier de fouille et aux relevés établis par M. Yves Morel que nous avons pu mettre au point le compte rendu qui suit ; sa rédaction n’a guère soulevé que des problèmes de détail.
Les résultats de la fouille, qu’il s’agisse des conclusions apportées par l’examen stratigraphique ou par l’étude des tessons et des monnaies se sont tous révélés d’un très grand intérêt, ne serait-ce que par les données que l’on peut en tirer dans le domaine de l’histoire du peuplement. Il convient donc de féliciter les fouilleurs : c’est à leur dévouement – la fouille n’a rien coûté à la collectivité locale ou départementale – à leur enthousiasme et à la qualité de leur travail que nous les devons.
Qu’il nous soit permis, cependant, de regretter le peu d’intérêt porté, au dire des fouilleurs, par les Préchacais au déroulement du chantier : il est vrai qu’il y a eu à leur égard un manque d’information de la part des fouilleurs, mais ceux-ci ne disposaient de leur côté d’aucun moyen de publicité. Quant à celui qui, au cours de la fouille, en devint le responsable de fait, il fut parfois confronté à des situations qui n’ont pas facilité sa tâche : comblement sauvage de l’abside qui ne lui a pas permis d’étudier comme il l’aurait souhaité le premier état du chevet et les sépultures qu’il contenait ; impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de poursuivre des fouilles hors de l’abside durant l’été 1972, l’ouverture du chantier, qui ne devait pourtant occuper que 30 m2 en bordure de l’abside, risquant de gêner le déroulement de la fête locale ; enfin, enfouissement – dans un excès de zèle – par le successeur de l’abbé Vernier des ossements qui n’ont pu dans ces conditions être examinés par un spécialiste.
Quand on se souvient des conditions dans lesquelles les fouilles furent entreprises ce ne sont là que bavures. De toute façon le site de Préchac n’a livré qu’une infime partie de ses richesses archéologiques et il serait souhaitable que des fouilles, méthodiques cette fois-ci, soient continuées hors de l’église. Elles devraient permettre de préciser l’importance et la nature sans doute complexe du cimetière qui l’entoure et de découvrir la ou les villae qui se trouvent à proximité.
(J. B. Marquette et Y. Morel)
Les résultats de la fouille
Le site
Le chevet de l’église de Préchac est constitué par un chœur de 5,60 m de large et 1,30 m de profondeur auquel succède sans solution de continuité une abside semi-circulaire de 2,80 m de profondeur. Il est séparé de la nef principale par un arc triomphal de 4,30 m d’ouverture soutenu par des piliers de 1,04 m de large sous l’arc (cf. fig. 1). Ainsi que la fouille a permis de le découvrir ces piliers ont sur leurs trois faces leur base prise dans un socle taluté. Le chœur sous une voûte en plein cintre et l’abside voûtée en cul-de-four sont éclairés par trois baies en plein cintre et décorés dans la partie inférieure par une succession de dix arcatures aveugles supportées par des chapiteaux reposant sur des colonnes cylindriques. Ces colonnes au nombre de onze s’appuient sur un replat dégagé dans le mur de l’abside et du chœur ; mais, si au départ du pilier nord de l’arc triomphal ce replat s’élève à 0,40 m environ au-dessus du niveau du sol actuel de la nef, en revanche, au contact du pilier sud il se trouve à 0,66 m. Il dessine donc un mouvement ascendant du nord vers le sud qui posa quelques problèmes à ceux qui furent chargés d’établir le premier sol du chevet.

C’est la raison pour laquelle nous donnerons pour chaque niveau : sa cote par rapport au niveau actuel de la nef à hauteur des piliers nord et sud de l’arc triomphal, puis par rapport au replat à hauteur de la colonne 1 (côté nord) et de la colonne 11 (côté sud), enfin son épaisseur.
Les niveaux
Niveau I
Nef : 0,34/0,39 m – Col.1 : -0,04 m – Col.11 : -0,27 m – Ep. 0,40/0,45 m
Ce niveau était constitué par un carrelage du XIXe posé sur un lit de mortier reposant à son tour sur un remblai. Ce sol s’avançait jusqu’au-dessous de l’arc triomphal et se raccordait à celui de la nef par deux marches. Il semble avoir été très légèrement incliné vers le nord (fig. 2 et fig. 3).


Niveau II
Nef : -0,11/0 m – Col.1 : -0,49 – Col.11 : -0,66 m – Ep. 0,09/0,1 m
Nous ne disposons sur ce niveau détruit, semble-t-il, lui aussi avant l’arrivée des fouilleurs, d’aucun renseignement. D’après les traces encore visibles sur les murs du chevet et par référence au niveau III il apparaît avoir été constitué d’une couche de ciment (II a) de 0,02 m d’épaisseur et d’un remblai de nature sableuse (II b) de 0,07 m. Il ne semble pas que l’on ait retiré un carrelage lors de la démolition ; en tout cas nous n’en avons retrouvé aucune trace. Il est cependant vraisemblable que le lit de ciment était destiné à en supporter un. Dans ces conditions l’enlèvement du carrelage aurait eu lieu au XIXe siècle, avant la mise en place du remblai I b. D’après les relevés que nous avons effectués sur le mur du chevet ce niveau présentait une inclinaison du sud vers le nord, comme celle du replat d’appui, mais nettement moins sensible (0,11 m). Nous ignorons à quel niveau se situait le sol de la nef correspondant au niveau II du chevet. Dans le remblai on a découvert des fragments de carreaux (type I et II du niveau III a3), de verre, de tuiles et une pièce de monnaie de 1637-1659 (cf. infra).
Niveau III
Nef : -0,20/0,16 m – Col.1 : -0,58 m – Col.11 : -0,82 m – Ep. max. 0,20/0,24 m
Ce niveau se subdivisait lui-même en trois niveaux secondaires :
III a : Il s’agissait du niveau superficiel constitué lui-même de trois types d’affleurements : a1, a2, a3.
- a1 : c’était la partie supérieure d’un socle d’autel de 2,40 m de profondeur (est-ouest) pour 2,60 m de large, situé au centre du chevet. Comme il appartenait par son assiette au niveau IV, nous en reparlerons lorsque nous examinerons ce niveau.
- a2 : cet affleurement était celui de deux fondations situées d’une part, de chaque côté du socle d’autel entre ce socle et les murs latéraux du chœur (I), de l’autre, en arrière du socle (II). Ces fondations établies en moellons avaient respectivement 0,50 m et 0,70 m de large. Celle de l’est était particulièrement solide.
- entre le socle central et les murs du chevet le sol était recouvert sur sa plus grande partie d’un carrelage constitué par des carreaux de trois types différents :
II : 0,14 x 0,14 x 0,03 m
III : 0,19 x 0,19 x 0,03 m
Les carreaux au type III étaient disposés parallèlement et de part et d’autre des fondations I, sauf pour quelques-uns, du côté sud-est, disposés en diagonale (fig. 1).
Au nord-ouest, il ne restait plus que le mortier destiné à supporter le carrelage dont on distinguait encore l’empreinte. À ce niveau on a pu relever contre le mur une couche de mortier de 0,19 m de haut, comme si on avait disposé une rangée de carreaux en plinthe.
Les carreaux au type II ne se trouvaient qu’à l’angle sud-ouest du chœur, en avant de la fondation I, mêlés aux carreaux au type III et I.
Quant aux carreaux au type I, à l’exception de quelques-uns disposés à l’angle sud-ouest du chœur, en bordure du mur extérieur, ils recouvraient la partie de l’abside située en arrière de la fondation I ; à la différence des précédents, ils étaient disposés en diagonale.
Vers l’ouest, le carrelage s’interrompait brusquement à peu près dans le prolongement de la face antérieure du socle. Vers l’est, les carrelages au type I, disposés en diagonale, devaient se poursuivre jusqu’à la fondation II et peut-être au-delà jusqu’au sommet de l’abside ; mais nous ignorons de quelle manière se faisait le raccordement avec cette fondation et en particulier s’il y avait à cet endroit des carreaux aux types II et III.
III b : Ce niveau de 0,05 m d’épaisseur était constitué de sable mêlé de quelques débris. Ce remblai était manifestement destiné à supporter le mortier sur lequel étaient posés les carreaux du niveau III a. Il n’existait bien sûr qu’aux endroits où ce mortier était encore en place. Notons aussi la présence, au contact du niveau IV, à hauteur des colonnes 7/8 à 0,05 m du mur d’abside, la présence d’une plaque d’argile (D : 0,25 m-ép. : 0,025 m) et à 0,20 m du mur d’abside celle d’un trou (D : 0,015 m ; prof. : 0,05 m) l’un et l’autre sans destination apparente. Le mobilier de ce niveau est rapporté au niveau IV a.
Niveau IV
Nef : -0,44/0,34 m – Col.1 : -0,82 m – Col.11 : -1,00 m – Ep. : 0,55/0,90 m
Ce niveau est certainement le plus complexe de tous. On a trouvé, en effet, autour du socle d’autel :
IV a : Une couche de terre de 0,02 m d’épaisseur de couleur noirâtre contenant des fragments de bois calcinés. Il n’y avait aucun mobilier sauf en bordure des murs, dans des fentes, ou bien dans des dépressions du sol du niveau IV b.
Mobilier
Il n’a pas été distingué de celui du niveau III b. Il comprenait :
- objets en métal : deux clous ; morceaux de fer de plus de 0,10 m de long ; un objet en cuivre ; un objet de forte densité ;
- poterie : tessons, fragments de tuiles et de briques ;
- fragments de verre.
IV b : Ce niveau était constitué par une couche de moellons liés au mortier et recouverts d’un enduit. Au fond de l’abside l’épaisseur était de 0,17 m, puis elle passait à 0,23 m à hauteur du chœur pour atteindre 0,60 m sous l’arc triomphal.
Légèrement en deçà des piliers supportant l’arc triomphal, ainsi qu’autour du pilier nord, la couche d’enduit s’interrompait. On notait au même endroit un décrochement de 0,25 m environ de la surface du niveau IV b. Au-delà, vers l’ouest, le sol de moellons continuait sur toute la largeur et l’épaisseur de l’arc triomphal jusqu’à une marche dont l’arête se situait à 0,12 m de l’entrée de l’arc, côté nef. Cette marche était constituée de gros moellons de 0,40 m de profondeur, assez bien appareillés, dessinant une arête vive et peu usée. À l’aplomb de l’arc triomphal et en avant, côté abside, la couche de moellons IV b atteignait 0,60 m d’épaisseur.
On doit noter aussi dans l’angle formé par le pilier nord et le mur du chœur la présence d’un petit socle bâti de gros moellons dont la partie supérieure dépassait le niveau IV et qui reposait sur un lit d’argile situé à la partie supérieure du niveau IV c.
Au centre de l’abside se trouvait le socle d’autel qui apparaissait déjà au niveau III a. Ce socle était constitué de deux parties distinctes :
- un massif rectangulaire (1,80 x 2,60 m ; haut de 0,50 m) bordé de moellons assez bien jointés dont le parement externe était bien équarri et dont la partie intérieure était constituée par un blocage de moellons et de fragments de sarcophage. Les moellons étaient du même type que ceux du sol environnant ; il n’y avait pas, d’autre part, de solution de continuité entre ce niveau et le blocage central du socle ; on notait, enfin, l’absence d’enduit sous le socle. C’est la raison pour laquelle nous avons apporté ce socle au niveau IV.
- sur sa face ouest, le massif rectangulaire d’origine avait été doublé d’une rangée supplémentaire de moellons de même hauteur, mais plus grossièrement appareillés. Par ailleurs, ils reposaient sur la couche de cendre IV a et l’enduit du niveau IV b. Il s’agissait donc d’un aménagement facile à dater, de façon relative en tout cas.
IV c : Ce niveau était uniquement composé d’une couche de terre de couleur jaunâtre contenant un mobilier aussi varié qu’abondant. Elle n’était séparée de la partie supérieure du niveau V par aucun sol aménagé, mais la surface de contact présentait des inégalités, si bien que l’épaisseur du niveau IV c variait de 0,15 à 0,50 m. Depuis l’est, la couche allait en s’épaississant vers le centre de l’abside, puis s’amincissait légèrement en avant de l’arc triomphal jusqu’à 0,15 m. À cet endroit, à un relèvement du niveau V correspondait, on l’a vu, une plus grande épaisseur du niveau IV b.
Mobilier
Il comprenait :
- des moellons dont certains présentaient des tailles à la pointe ;
- des fragments de tombes à ciste et de sarcophage, dont la tête d’une cuve, recouverts d’une couche noirâtre ;
- des fragments de carreaux et de conduite de chaleur à décor au peigne ;
- un morceau de mosaïque à cubes bleus, blancs et rouges trop modeste pour qu’on puisse en restituer le décor ;
- un fragment de marbre ;
- deux tessons à vernis vert pâle à l’intérieur ;
- des fragments de meulière à silex ;
- des objets en métal : deux anneaux en fer (D : 0,35 m) : une bague en fer ; un morceau de cuivre ;
- des ossements.
Niveau V
Nef : -1,15 m – Col. 1 : -1,54 m – Col.11 : -1,81 m – Ep. 0,70/1 m
Ce niveau correspondait à une couche de terre de couleur noirâtre humide, assez meuble, quoique très compacte au début de la fouille et qui a durci en séchant. Elle était assez homogène, contenant parfois des graviers et quelques moellons. Son épaisseur moyenne était de 0,70 m.
Si la séparation avec le remblai IV c était très nette, en revanche la surface de contact était loin d’être horizontale. D’autre part, dans la partie sud du chevet, l’affleurement de la couche de terre noire était remplacé par celui d’une voûte qui recouvrait la tombe 2 (cf. infra). À cet endroit, les moellons formant cette voûte rejoignaient les fondations de l’abside au niveau de la partie inférieure de la première rangée de pierres parementées. On a d’autre part retrouvé, à proximité du pilier nord de l’arc triomphal, un trou cylindrique (D : 0,15 m ; prof : 0,25 m) creusé dans la couche noire, mais rempli de remblai jaune. Il pourrait bien s’agir d’un orifice creusé pour y engager un poteau d’échafaudage.
À sa partie inférieure, la couche noire se mêlait progressivement au sable blanc. Mais à l’aplomb de l’arc triomphal, elle avait été creusée et le déblai constituait du côté de l’abside une sorte de talus. À la partie creusée correspondait un renforcement des moellons du niveau IV b. Cette disposition est sans aucun doute à mettre en relation avec l’aménagement de marches à cet endroit.
Sépultures
Ce niveau a livré un sarcophage, deux tombes à ciste et cinq sépultures en pleine terre (fig. 4).

Sarcophage 1
Situation : contre le mur de l’abside, à hauteur des colonnes 4/6.
Orientation : nord-nord-ouest.
Description : cuve monolithe en calcaire. L : 1,88 m ; l : 0,75 m ; h : 0,56 m à la tête, 0,48 m au pied ; épaisseur des parois : 0,08 m ; épaisseur du fond, 0,08 m.
Décor de stries en diagonale sur toutes les faces. Du côté de la tête, le fond du sarcophage était percé d’un orifice circulaire.
Contenu : Le sarcophage était d’abord rempli d’une couche de terre jaune de 0,25 m d’épaisseur contenant des ossements et des tessons. Au-dessous, se trouvait une couche de terre noire renfermant, elle aussi, des tessons, des ossements, des dents d’animaux, des huîtres et des clous.
À l’aplomb de la paroi de la cuve et au-dessus du côté opposé à l’abside, on a découvert trois pierres plates striées sur la face tournée vers le sol. Sous l’une d’elles se trouvaient des ossements et un crâne.
Tombe à ciste 2
Situation : sur le côté sud du chœur et de l’abside, à hauteur des colonnes 8/10.
Orientation : est. – profondeur du squelette : 2,30 m3.
Description : cette tombe se composait de deux parties :
- la première était une tombe à ciste d’un type assez particulier puisque les parois et une extrémité étaient constituées non pas de pierres plates mais de moellons aux arêtes assez bien équarries (l : 0,30/0,48 m ; h : 0,30 m). En raison de la présence d’un enrobage ultérieur de la tombe dans une maçonnerie et de l’inachèvement de la fouille, la profondeur de ces moellons n’a pu être déterminée. Un bloc de pierre aménagé pour recevoir la tête était placé à l’autre extrémité de la cuve ainsi dessinée. Il n’y avait pas de fond. Quant au couvercle, il semble avoir été constitué de dalles dont on a retrouvé des fragments dans la cuve. L’ensemble mesurait, à l’intérieur, 2,07 m pour 0,52 m de large.
- La seconde partie était constituée par une sorte d’enrobage en maçonnerie. Tout autour des parois de la cuve on avait, en effet, élevé des murettes en moellons liés avec un mortier gris. D’autre part, à hauteur de la partie supérieure des parois de la tombe une semelle en moellons entourait la cuve primitive. Cette semelle était recouverte de terre noire du côté sud. Elle servait à son tour d’appui à une voûte de 0,20 m d’épaisseur, en moellons liés au mortier jaune, qui se raccordait au mur sud de l’abside. L’ensemble avait 2,75 m de long pour 1,45 m de large. Il est à noter qu’il ne semblait pas y avoir de solution de continuité entre cette voûte et les fondations de l’abside.
Contenu : on a trouvé successivement un remblai jaune avec fragments de couvercle puis de la terre noire et un squelette. Ce squelette (L : 0,85 m), assez bien conservé, n’avait pas la tête dans le logement prévu à cet effet ; elle se trouvait en avant et à un niveau inférieur comme l’ensemble des ossements.
Tombe à ciste 3
Situation : partie nord de l’abside à hauteur de la colonne 2.
Orientation : nord.
Description : cette tombe était longue de 1,75 m pour une largeur de 0,65 m. Elle était constituée :
- pour les parois, de pierres plates à parement extérieur décoré de stries verticales, disposées de champ et liées au mortier ;
- pour le fond, de pierres identiques, mais striées en diagonale. La liaison entre les parois et le fond se faisait par un chanfrein. Il ne restait qu’une des parois latérales de la cuve, sur une partie de la hauteur seulement (de 0,10 à 0,20 m), la tête et le fond. On n’a relevé aucune trace de couvercle.
Contenu : cette tombe semble avoir contenu les éléments de deux squelettes incomplets car, en plus des ossements en très mauvais état mêlés à de la terre noire, on a retrouvé deux crânes, l’un à la tête de la tombe, l’autre à hauteur du bassin (prof. : 1,75 m).
Note : Dans le mur de fondation de l’abside à hauteur de la colonne 6 on apercevait une pierre plate disposée de champ qui pourrait bien être l’extrémité d’une cuve de sarcophage.
Sépultures en pleine terre
Sépulture 4
Le squelette était situé à proximité du mur de l’abside entre la tête du sarcophage 1 et la tombe 2. Les pieds touchaient le mur de l’abside, les épaules en étaient éloignées de 0,45/0,50 m. La profondeur était de 2,12 m (col. 7), l’orientation est-nord-est. Il ne restait qu’une partie de ce squelette : les pieds avaient presque entièrement disparu ainsi que la tête et les épaules. Les phalanges se trouvaient à hauteur du bassin.
Sépulture 5
Le squelette était situé à peu près au centre de l’abside presque parallèlement à la tombe 1, à hauteur de la colonne 3, à une profondeur de 2,10 m (col. 3). Orienté vers le nord, il était long de 1,60 m et avait les os très friables, surtout ceux du bassin et des jambes. Il ne subsistait que la partie supérieure de la colonne vertébrale et les os de la partie supérieure du buste étaient bouleversés ; la mâchoire inférieure n’était pas à sa place et un bras n’était pas replié.
Sépulture 6
Le squelette était situé contre le mur de fondation de l’abside entre les colonnes 2 et 3, à une profondeur de 2,20 m (col. 3) et orienté nord-est ; il n’en restait que la partie supérieure
(L. : 0,65 m). Il était, en effet, coupé en biais par les fondations du mur de l’abside, du bassin (côté droit) à la moitié de l’humérus (côté gauche). Les côtes étaient très friables et la mâchoire supérieure absente.
Sépulture 7
Le squelette, placé lui aussi contre le mur de fondation de l’abside, à l’aplomb de la colonne 6, se trouvait à une profondeur de 2,60 m dans le sable blanc. Les ossements étaient dans le plus grand désordre mais très bien conservés en raison de la présence du sable. Notons que c’est à cet endroit que se trouve engagé dans les fondations de l’abside ce qui pourrait être l’extrémité d’un sarcophage. Il n’est donc pas impossible que les ossements en proviennent.
Sépulture 8
Ce dernier squelette était situé entre le mur de l’abside (colonne 10) et la tombe 2 à une profondeur de 2,20 m (col. 10) et orienté est-nord-est. Les ossements étaient en très mauvais état. Le squelette était antérieur à la construction de la tombe 2 (2e état).
Il y avait d’autres ossements épars dans tout le niveau V.
Mobilier
Il était constitué par :
- de la poterie comprenant :
- des fragments de tegulae et imbrices, celles-ci avec décor de stries ;
- des fragments de carrelage ;
- de la céramique de divers types, commune, à paroi fine, sigillée (cf. infra) ;
- des fragments de marbre : vert ou blanc ;
- des fragments de verre de diverses couleurs ;
- deux pièces de monnaie (cf. infra) ;
- des objets ou fragments de métal : cercle en fer, clous, objet en métal feuilleté, disque en cuivre ;
- des ossements d’animaux, ainsi que des coquilles d’escargot.
Il n’a pas été procédé à un repérage stratigraphique du mobilier : en présence d’un sol bouleversé cette opération aurait de toute façon été d’un médiocre profit. Les fouilleurs ont simplement noté que les poteries noires, grossières, (sans doute s’agit-il de celles du IVe siècle) se trouvaient à la partie supérieure du niveau V ; à peu près à mi-hauteur de la couche V furent découverts des tessons de sigillée et de poterie commune noire et grise ; enfin en contact avec le sable se trouvaient des poteries à paroi fine.
Ces quelques données ne sont pas contradictoires avec les conclusions tirées de l’examen des tessons.
Examen et dépôt du mobilier
L’examen de la céramique trouvée dans l’abside de Préchac a été confié à M. J.-L. Tobie et à M. et Mme J. Santrot, celui des monnaies à M. D. Nony.
On pourra lire les conclusions de leurs études dans les pages suivantes. Nous nous y réfèrerons au cours de l’essai d’interprétation qui suit. En revanche, les fragments de verre, de mosaïque, de marbre et de métal n’ont pas fait l’objet d’études particulières. Quant aux squelettes ils ont été enfouis dans le jardin du presbytère avant que nous n’ayons pu les faire examiner.
L’ensemble du mobilier recueilli sera déposé au musée de Villandraut.
(J. B. Marquette et Y. Morel)
Essai d’interprétation
À partir des renseignements fournis par le cahier de fouille et des conclusions tirées de l’étude des tessons et des monnaies, il est possible de proposer un schéma d’évolution de l’abside de Préchac :
- Niveau V : Dans cette couche de terre riche en humus, au contact du sable blanc, on a découvert des tessons qui ont été datés de la seconde moitié du Ier au IVe siècle ainsi que deux monnaies de la fin du IIIe et du début du IVe siècle. Ce mobilier bien daté était accompagné de tuiles, de fragments de marbre et de verre appartenant sans conteste à la même période. L’absence de fondations ou de sols aménagés prouve que si l’on se trouve à proximité d’un établissement, une villa sans doute, suggéré par le toponyme Préchac, son implantation est en tout cas extérieur à l’abside.
En l’absence de tout mobilier et faute d’un examen des ossements, il est impossible d’assigner une date aux sépultures libres aussi bien d’ailleurs qu’aux tombes. Il y a des fortes chances, cependant, pour que le sarcophage 1 et les tombes 2 et 3 soient postérieurs au VIe siècle et même pour la tombe 2 au IXe. Bien que les sépultures aient été violées, il serait en effet étonnant que, s’il y avait eu un mobilier d’origine, des éléments de celui-ci n’aient pas été retrouvés.
La présence de ces sépultures doit être mise en relation avec l’implantation, à proximité ou sur l’ancienne villa gallo-romaine, d’une église dont l’origine pourrait bien remonter au Ve siècle. C’est ce que permet de supposer le titre de Saint-Pierre-ès-Liens qui est celui de la paroisse de Préchac.
- Niveau IV : À la fin du XIe ou au début du XIIe siècle fut élevée l’abside actuelle sur l’emplacement du cimetière.
Lors de l’aménagement des fondations, les constructeurs n’hésitèrent pas à sectionner les squelettes qu’ils purent rencontrer (sép. 4, 6, 8) ou à les déplacer. Probablement est-ce à l’occasion d’un premier nivellement de l’intérieur de l’abside que les couvercles ou les parois des tombes furent brisés. C’est en tout cas ce que suggère la présence dans le sarcophage 1 et la tombe 2 d’un remplissage avec du remblai jaune provenant du niveau IV.
Ce niveau était constitué d’un remblai (IV c), puis d’un dallage en moellons, supportant dans la partie centrale de l’abside un socle d’autel (IV b). La différence de couleur et de nature entre ce remblai et la couche noire du niveau V, l’absence de sol aménagé au contact de ces deux niveaux autorisent à penser qu’on se trouve en présence d’un apport de terre extérieur. Sa couleur jaunâtre, la présence de moellons prouvent qu’il s’agit de matériaux provenant de la démolition d’un édifice, qui, si l’on tient compte de la découverte d’un fragment de mosaïque, de morceaux de marbre et d’éléments de conduite de chaleur, pourrait bien être la villa voisine. Que ce remblai ait servi à établir le premier sol de l’abside après sa construction est très possible sinon vraisemblable. Dans ce cas, on pourrait dater le socle d’autel et le sol environnant de la première moitié du XIIe siècle.
À une époque qu’il est impossible de préciser se produisit un incendie auquel correspond la couche de cendres IV a. À l’occasion de la remise en état, on procéda à l’allongement du socle de l’autel sur sa face ouest.
- Niveau III : Il est encore difficile d’établir à quelle époque fut aménagé le nouveau sol, constitué d’un carrelage reposant sur une couche de sable. Si, comme nous l’avons supposé, les carreaux de 11 cm de côté sont, compte tenu de leur disposition, les plus anciens, on pourrait faire remonter ce niveau au XIVe siècle : en effet, le module de 11 était celui des carreaux à décor de pâte blanche incrustée, fort répandus après 1300.
Les fondations situées de part et d’autre et en arrière du socle de l’autel qui resta utilisé sans interruption depuis son établissement servirent peut-être à supporter un retable. En tout cas, c’est à la suite de l’aménagement de ces fondations qu’il fallut procéder à des raccords de carrelage. On utilisa à cette occasion des carreaux de plus grand module 14 et 19. Ainsi que nous allons le voir, avec l’examen du niveau suivant, toutes ces transformations sont antérieures à 1650.
- Niveau II : Il était constitué comme le précédent d’un carrelage disparu sur remblai de sable. Or, dans cette couche a été retrouvé un denier tournois de la seigneurie d’Arches, au nom de Charles II, duc de Mantoue (1637-1659). Cette réfection date donc, au plus tôt, de la seconde moitié du XVIIe siècle.
- Niveau I : On ignore la date exacte de son aménagement, mais il remonte selon toute vraisemblance à la seconde moitié du XIXe siècle.
Les circonstances dans lesquelles s’est déroulée la fouille laissent certains points dans l’ombre, en particulier les conditions d’établissement du premier sol ou la manière dont fut réalisé aux différentes époques le raccordement entre le sol du chevet et celui de la nef. On peut regretter d’autre part que certaines parties du mobilier – squelettes et objets en métal – n’aient pas pu être étudiées. Les résultats, si l’on tient compte de la façon dont les choses furent engagées, sont néanmoins largement positifs.
Ils concernent tout d’abord la céramique de l’époque gallo-romaine. Désormais, le site de Préchac ne pourra plus être ignoré des spécialistes.
En second lieu, nous commençons à être éclairés sur l’histoire de l’église de Préchac. Enfin, nous savons de façon à peu près certaine que le site a été occupé sans interruption depuis le premier siècle de notre ère. C’est là une donnée de premier ordre pour l’histoire du peuplement.