UN@ est une plateforme d'édition de livres numériques pour les presses universitaires de Nouvelle-Aquitaine

Monuments disparus du bazadais
La vallée du Brion

Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 172, 2011, 25-46.

LA VALLÉE DU BRION (suite et fin)

Langon

Sites et monuments conservés :

Église Saints Gervais-et-Protais : cimetière supprimé.
Église Notre-Dame-du-Bourg : il en reste des ruines.

Il convient de se reporter à :

Gauthier (M.-M.), “Les chapiteaux de Notre-Dame-du-Bourg de Langon”, Les Cahiers du Bazadais, 20-21, mai 1971.
Marquette (J. B.), “La ville de Langon au début du xviiie siècle”, Les Cahiers du Bazadais, 25, septembre 1973.
Gardelles (J.), “Notre-Dame-du-Bourg à Langon”, Les Cahiers du Bazadais, 40, 1er trim. 1978.
Mormone (J.-M.), “Les fouilles de Notre-Dame-du-Bourg à Langon”, Les Cahiers du Bazadais, 48, 1er trim. 1980.

Monuments disparus :

Il ne reste plus rien des monuments suivants :

1. Croix ; 2. Couvent des Carmes ; 3. Chapelle Saint-Michel et couvent des Capucins ; 4. Chapelle Saint-Jérôme : nous l’évoquerons lors de l’étude sur le château de Langon (édifices publics disparus : les châteaux) ; 5. Hôpital Saint-Jacques (restes).

Avant d’évoquer les monuments religieux disparus de la commune, il convient de présenter les plans et documents le plus fréquemment cités.

Plans : en plus des plans cadastraux de 1851 et 1978,

Carte d’arpentage de la paroisse de Langon et de celle de Toulenne (1716) par Hippolyte et Nicolas II Matis conservée aux Archives départementales des Yvelines sous la cote A 255 en 4 feuilles.

Plan de la ville de Langon levé en 1772 par le sieur Delaguette. Archives communales de Bordeaux.

Vues : “Langon 1612”. Dessin exécuté par le voyageur hollandais Joachim Duviert ou de Weert. Bnf Estampes Vx23. Reproduction dans Archives historiques de la Gironde, t. 39, 1904, pl. XXXVII-2 et dans Les Cahiers du Bazadais, 24, mai 1973, p. 2, fig. 1.

Extrait de l’Atlas des routes de France de Trudaine
(Arch. nat. F/14/*8458).

Notes de Me Lafargue. Me Lafargue, né en 1759, notaire à Langon au début du xixsiècle a rédigé dix tomes de Notes qu’il avait réparties en grands ensembles.

           Chroniques : Les tomes I et II allant de l’Antiquité à 1648 sont perdus. Le t. III : Ire partie : la Fronde, 1649-1654 (chap. XVI) ; IIe partie : 1654-1789 (chap. XVII).
           Des monuments, établissements, antiquités : t. IV en 17 chapitres ; t. V en 11 chapitres.
           Mélanges : t. VI, 9 chapitres ; t. VII, 4 chapitres.
           Archives modernes depuis 1789 : t. VIII.
           Continuation des Chroniques 1869-1876 : t. IX.
           Le tome X est consacré à Saint-Macaire, Bordeaux, Bazas et aux privilèges de Langon de 1494.

Ces Notes sont conservées à la mairie de Langon. Il en existe un microfilm aux Archives départementales.

Croix

a. Au croisement du chemin de Bordeaux (cours Sadi-Carnot) et de celui de Bazas, à hauteur du 53, cours Sadi-Carnot, se trouvait au XVIIIe s. une croix en pierre.
Source : Plan de H et N. Matis, 1716.

b. Place Maubec (aujourd’hui Place du Général de Gaulle) : à 10 m environ des n° 21-22 (façade ouest) et à 16 m env. de la façade sud.

Source : Arch. dép. Gironde IS2 : plan d’alignement de la RN10 (vers 1880).

c. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, le grand chemin de Langon à Bazas se confondait avec celui de Langon à Auros (CD10 actuel) jusqu’au lieu-dit La Croix. À cet endroit, le chemin de Bazas bifurquait en direction du sud-ouest. Cette croix est mentionnée sur le plan des Matis. Me Lafargue la dénomme Croix de Gaillat (t. IV, p. 77). Gaillac se trouve au nord de l’ancien grand chemin, mais bien avant la croix.

Couvent des Carmes

Repérage

Situation

1997 : rue du Marché ; place des Carmes, n° 8 ; cours du Rocher, n° 2, 4.
1851 : rue des Carmes.

Cadastre : 1978 : AC, n° 146-150, 364-366, 441-443 et 141-144 ; 1851 : A 2, n° 194-196 ; 1714 : n° 279 et 141-144.

Plan cadastral ancien. Les carmes occupaient les parcelles n° 194-196.
Plan cadastral 1978. Les carmes occupaient l’espace compris entre le cours du Rocher, le cours des Carmes, l’avenue de l’Hippodrome et la rue Élie Samson.

Repérage sur le terrain

a. Nature des parcelles : immeubles, cours, place, rues.
b. Conditions d’accès : de l’église prendre la rue Saint-Gervais puis, dans son prolongement, le cours des Carmes jusqu’à la place des Carmes. L’ancien couvent occupait la partie nord de la place et l’emplacement du centre culturel.

Situation administrative

Propriété communale.

Description géographique du site

a. Altitude : 20 m.
b. Relief : terrasse inondable.
c. Hydrographie : de 120 à 70 m de l’ancien rivage de la Garonne.
d. Géologie : sables argileux et graviers colluvionnés sur calcaire à astéries (carte géol. 1.50000e, XVI-38, Langon).

Identité des vestiges

a. Période : Moyen Âge, époque moderne.
b. Nature : couvent ; État : détruit. Il n’en reste que des fondations.

Description

Répertoire des sources et bibliographie
Sources manuscrites

Arch. dép. Gironde : 3 E 1731, f°14 ; 161 T 2 (rapport n° 26 : 1840) ; E suppl. 1956 (CC 2), 1964, 1968.
Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, E 19, 27, 31.

Sources imprimées

Chronicon…, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 55 (1529).

Bibliographie
  1. Lafargue (Me), Notes t. IV, p. 123-126 ; t. V, p. 225 ; t. VI, p. 207.
  2. Drouyn (L.), La Guienne militaire, t. II, p. 74, 82.
  3. Féret (E.), Essai sur l’arrondissement de Bazas… 1893, p. 41-42.
  4. Salviani (abbé S.), Histoire du couvent des Ursulines de Langon, Langon, 1897, p. VI.
  5. Denifle (Père Henri), La désolation des églises, t. I, p. 489.
  6. Rebsomen (A.), La Garonne et ses affluents de rive gauche…, 1913, p. 174.
  7. Lacave (Abbé M.), Histoire de Langon, p. 193.
  8. Biron (Dom R.), Précis de l’histoire religieuse des anciens diocèses de Bordeaux et de Bazas, 1925, p. 118, 128-130.
  9. Id., Guide archéologique illustré du touriste en Gironde, Bordeaux, Féret et fils, 1928, p. 95.
  10. Marquette (J. B.), “La ville de Langon…”, Les Cahiers du Bazadais, n° 28, 1er trim. 1975.
  11. Roudié (P.), L’activité artistique à Bordeaux, en Bordelais et en Bazadais de 1453 à 1550, 1975, p. 14, 27, 111.
Plans et documents figurés
  1. Duviert ou De weert (J.), Vue de Langon, 1612.
  2. Matis (H. et N.), Carte d’arpentage de la paroisse de Langon, 1714. Reproduite, en noir, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 28, p. 6.
  3. Delaguette (A.), Plan de la ville de Langon levé en 1772 (a et b)
  4. Rebsomen (A.), La Garonne…, fig. 150 : portail des Carmes. Photographie reproduite dans Les Cahiers du Bazadais, n° 28, p. 9.
Le centre culturel des Carmes (anciennes écoles) sur l’emplacement du couvent (photo Pierre Barbe).
Histoire

Le couvent des Carmes fut certainement fondé au XIIIsiècle. Nous connaissons plusieurs donations faites à ce couvent par des membres de la famille d’Albret à la fin de ce siècle et au siècle suivant : 1290, Amanieu VII : 10 sous ; Rose de Bourg, son épouse, en 1326 : 2 livres ; enfin, Bernard Aiz V, leur fils, en 1341, 20 sous.

Au cours de la guerre de Cent Ans, l’édifice souffrit de sa situation hors les murs ; en 1440 – les opérations militaires n’étaient pas encore terminées – les carmes demandent du secours afin de pouvoir achever la reconstruction de leur maison (Bibl. n° 5).

Le couvent aurait été brûlé en 1566, à l’occasion de la prise de Langon par les troupes réformées de Montgomery (Bibl. n° 2). Il eut encore à souffrir lors des événements de la Fronde, une première fois lorsque M. de Lusignan reprit la ville sur les troupes de Marine (les papiers apportés par les habitants aux Carmes furent brûlés) ; une seconde fois lorsque le marquis de Galapian enleva le château au capitaine Lasserre, le couvent fut pillé.

D’après Me Lafargue, l’église aurait été restaurée en 1717 (rapport de 1840), mais il y eut probablement plusieurs campagnes de travaux tout au long du XVIIIe siècle. E. Féret avance de son côté les dates 1717-1760.

En 1840, une partie du sanctuaire subsistait encore (rapport de 1840) et, selon E. Féret, la nef de l’église qui portait les traces d’un incendie existait toujours en 1888 et le portail du couvent n’aurait été détruit qu’après 1890.

Description

Le couvent des Carmes occupait l’espace délimité par la Garonne au nord, les fossés bordant le mur de ville à l’ouest et au sud – cours du Rocher et cours des Carmes –, enfin l’avenue de l’Hippodrome à l’est. Dans l’arpentement de 1676 (CC 10), le cloître, le jardin, l’église et les vignes des Carmes figurent pour 5 journaux, 16 lattes, 4 escats dont 4 jx, 10 lattes déclarés nobles en 1674 (le journal valait 38 a environ, la latte 1,9 a et l’escat 0,10 a).

Plan des Matis (Arch. dép. Yvelines, A 255). Ce plan est orienté vers le sud (cl. Arch. Dép. Yvelines).
Le couvent en 1714

En 1714, une vaste enceinte murée qui s’interrompait seulement en bordure du fleuve ainsi qu’à hauteur de l’église, dessinait un quadrilatère de 100 m environ du nord au sud et cent trente de l’est à l’ouest. Le chemin donnant accès au port passait entre la clôture et le mur de ville, sur l’emplacement des fossés désaffectés.

 Les bâtiments occupaient dans l’angle sud-ouest, le plus proche de la ville, le cinquième environ de la surface de l’enclos. La partie septentrionale, en bordure de la Garonne, était divisée en deux secteurs séparés par une tonnelle se dirigeant vers les bords du fleuve, mais seule la portion située dans le prolongement du couvent était aménagée en plates-bandes.

En fait, toute la moitié orientale de l’enclos recoupée en son milieu par une allée bordée d’arbres semble bien avoir été laissée à l’abandon. Les bâtiments conventuels étaient normalement disposés autour du cloître. Ceux du nord et de l’est ne présentaient aucune particularité notable ; celui de l’ouest, en revanche, se prolongeait par une aile en retour. Celle-ci, avec un pavillon lui faisant face, délimitait une petite cour donnant sur le chemin du Port. C’est certainement à cet endroit que devait se trouver l’entrée principale.

La chapelle en partie adossée au mur principal du cloître et aux bâtiments qui lui faisaient suite, était composée d’une nef prolongée par une abside semi-circulaire. On y accédait depuis le chemin du port, après avoir traversé deux cours ; mais il fallait chaque fois descendre de larges escaliers. Ce détail permet de mieux comprendre l’enfoncement de l’église par rapport au sol avoisinant, détail souligné par maître Lafargue, qui, en 1840, qualifie l’église “d’édifice très souterrain” (Rapport).

Vue de Langon par Jean de Weert.
Que savons-nous de la chapelle ?

Lorsqu’on compare le plan des Matis avec le dessin de J. de Weert, on note des différences considérables : au début du XVIIe siècle, il n’existait pas encore d’enclos, mais seulement un vaste bosquet ; quant aux bâtiments conventuels, ils étaient disposés en désordre. En revanche, la chapelle dessinée par Jean de Weert correspond bien à l’édifice dont le plan a été levé par les Matis et que Me Lafargue avait encore visité au début du XIXe siècle.

Le dessin de J. de Weert nous donne une assez bonne idée de son élévation : larges et hautes fenêtres ; contreforts en forte saillie à chaperon et larmier jusqu’au niveau du toit au comble élevé. Ces mêmes caractères ont été notés par Me Lafargue qui rapproche le décor des fenêtres de la chapelle des Carmes de celui des fenêtres de Saint-Gervais : “On découvre, dit-il, l’ogive et surtout les compartiments et les rosaces de croisée telles qu’on les voit à l’église Saint-Gervais, mais plus épaisses, moins détaillées dans leurs moulures” (Notes, t. IV, p. 124). Me Lafargue attribue ces fenêtres en arc brisé au plus tard au début du XVe siècle. Il estime qu’elles sont plus anciennes que celles de Saint-Gervais qu’il attribue “à la fin de la domination anglaise” (t. IV, p. 39), “antérieures, mais anglaises” (t. IV, p. 124). Il signale aussi “de grands arcs boutants en pierre dure de forme parallélogramme” qui “soutiennent le monument et paraissent se rattacher à la même époque du milieu du XVe siècle qui vit surhausser le clocher de Saint-Gervais” (t. IV, p. 124-125). Il semble, en fait, que contreforts et fenêtres aient été contemporains : ils remontaient probablement à la première moitié du XVIe siècle ou à la fin du siècle précédent.

C’est sans doute à la même époque que l’on songea à l’aménagement d’une voûte. Me Lafargue avait, en effet, noté à l’intérieur de la nef la présence “de pilastres en cannelures gothiques qui autrefois se liaient à des voûtes”, mais il remarquait aussi qu’au XVIIIsiècle, les carmes les “prolongèrent jusqu’à la toiture” (t. IV, p. 125). Ces pilastres s’achevant “en déchirement” laissent supposer que le voûtement ne fut jamais achevé à moins, comme le suggère Me Lafargue, que les voûtes n’aient été détruites par un incendie. Cependant, à travers les procès-verbaux, par ailleurs fort précis, concernant les destructions que subit la ville au cours de la Fronde, il n’est jamais fait mention de la chapelle des Carmes (t. IV, p. 126). Peut-être conviendrait-il alors de remonter aux guerres de Religion pour tenter d’expliquer l’effondrement des voûtes de la chapelle, mais ce n’est qu’une hypothèse.

C’est probablement au cours des travaux de restauration du début du XVIe siècle que fut aussi construite la sacristie dans laquelle fut inhumé en 1529 Arnaud de Foix, archevêque de Bordeaux ; sa tombe, “une pierre d’ardoise”, était encore visible en 1792 (t. V, p. 225). Il y a tout lieu de penser que le prélat contribua à la rénovation de la chapelle et peut-être à celle des bâtiments conventuels.

L’état le plus ancien de la chapelle

On ne procéda pas en tout cas à cette époque, à la reconstruction de la chapelle, mais simplement à la reprise du bâtiment ancien. C’est du moins ce qui ressort de la description faite par Me Lafargue “d’un portail en ogive très surbaissé dont le centre peut être assigné presqu’à niveau du sol” du xixe siècle et dont la base des pieds-droits se trouvait alors, d’après lui, enfouie à cinq mètres au-dessous (t. IV, p. 123-124). Me Lafargue signale aussi que le mur jusqu’à quatorze ou quinze pieds au-dessus du sol – soit 4,75 m – est fait de “pierres cubiques”. Dans ces conditions, la chapelle primitive devait avoir, selon lui, trente pieds de haut, soit dix mètres environ comble non compris, ce qui paraît un peu exagéré (t. IV, p. 123-124). De toute façon, si la restauration des années 1450-1550 s’explique par les dégâts que ne manqua pas de subir le couvent lors des guerres des deux siècles précédents, l’exhaussement de l’ensemble, que révèle la coupure dans l’appareil, et l’enfouissement des pieds-droits de l’ancien portail doivent être probablement mis en relation avec les atterrissements du fleuve. On ne sait au juste si l’enfouissement était simplement extérieur – hypothèse cependant la plus vraisemblable – ou si, au xvie siècle, on procéda aussi au comblement de l’intérieur de la chapelle. En tout cas, d’après le plan des Matis, il fallait descendre plusieurs marches depuis les fossés de la ville pour accéder au seuil de la chapelle. Il est indiscutable qu’il y a eu dans ce secteur un fort alluvionnement de la Garonne : Me Lafargue en donne de nombreuses preuves (t. V, p. 179).

D’après Me Lafargue, des restaurations “aux côtés” de la chapelle auraient eu lieu “après la Fronde” comme l’atteste “l’emploi du moellon” (t. IV, p. 125), mais nous ne savons ce qu’il convient d’en penser. On notera aussi que pour l’abbé Salviani, l’église aurait été entièrement détruite par les Frondeurs, ce qui n’est confirmé ni par les procès-verbaux de 1654, ni par ce que nous savons de l’état des bâtiments au xviiie siècle.

Les restaurations du XVIIIe siècle 

Entre 1717 et 1760, les carmes procédèrent à de nouveaux travaux, aussi bien à la chapelle qu’au couvent. Dans la première, “ils refondirent la façade et placèrent dans l’ancien portique une porte d’entrecolonnement d’ordre dorique surmontée d’un attique sans proportion ; dans l’intérieur ils prolongèrent jusqu’à la toiture des pilastres en cannelures gothiques. La restauration du couvent marcha de front avec celle de la chapelle et le tout ne fut accompli qu’en 1760” (t. IV, p. 125-126). Le seul vestige du couvent, encore visible il y a quelques années, datait des restaurations du milieu du xviiie siècle. Il s’agissait d’un portail donnant place des Carmes et ouvrant sur la cour de l’ancienne école ; il permettait d’accéder directement au cloître depuis la cour située sur la façade ouest de la chapelle. Ce portail correspondait très probablement à la porte “placée dans l’ancien portique” évoquée par Me Lafargue. D’après F. G. Pariset, il s’agirait d’une manifestation du premier néo-classicisme dans la région, ainsi qu’en témoignent les rosettes aux coins des tableaux, les bossages séparés par des interstices larges et profonds ainsi que le couronnement. L’idée d’encadrer les claveaux par des manières de chapiteaux ne correspondant pas à des pilastres, paraît néanmoins étrange.

ncien portail des Carmes, dernier vestige du couvent détruit il y a quelques années
(A. Rebsomen, 1913, p. 174).
Essai de chronologie

Si un certain nombre de points demeurent encore obscurs, on peut cependant se faire une idée des principales étapes de l’histoire de la chapelle des Carmes :

  • construction au XIIIsiècle d’un premier édifice, encore attesté vers 1800 par un mur en appareil “cubique” et un portail en arc brisé – c’était aussi l’avis de l’abbé S. Salviani ;
  • exhaussement de la nef, construction d’une abside polygonale et d’une sacristie dans la première moitié du xvie siècle ;
  • aménagements de détail de caractère surtout décoratif au XVIIIe siècle, notés par E. Féret.

En revanche, nous sommes beaucoup plus mal renseigné sur les bâtiments conventuels. Il semblerait cependant, si l’on compare le dessin de J. de Weert au relevé des Matis, que ce soit seulement après 1612 que furent exécutés les travaux qui donnèrent au couvent l’ordonnance régulière, révélée par le plan de 1716 et confirmée par celui de Delaguette, de 1772.

Inhumations

Catherine Lanelongue (1679) (E suppl. 1964) ; J. B. Delafon, conseiller au parlement (1733) (E suppl. 1968) ; le 25 juin 1529, Jean de Foix, archevêque de Bordeaux (1500-1529) – que E. Féret a confondu avec Arnaud, évêque de Bazas (p. 41).

Me Lafargue signale en outre, qu’en 1824, en “fouissant les cloîtres des Carmes” on trouva des “couches de cadavres entassés sans aucune trace de cercueil ni vestige de clous”. Il pourrait s’agir, selon lui, de morts de la peste de 1631 dont il parle dans le second tome – perdu – de ses Notes (t. VI, p. 207).

Les Capucins (chapelle, couvent, cimetière)

Repérage

Situation

a. Cartes anciennes : Carte de Cassini, n° 105 : les Capucins (couvent) ; Carte de Belleyme, n° 34 : les capucins (couvent) ; Atlas départemental, n° 19 : les Capucins.
b. Adresse : 1997 : cours du Général-Leclerc ; 1851 : Lieu-dit : Capucin.

Cadastre : 1967 : AO n° 76-82, 308-369 ; 1851 : A5, n° 76, 77, 79, 81, 82, 308, 309, 781, 1211-1215 ; 1716 : n° 510.

Plan cadastral 1967.

Repérage sur le terrain

Nature des parcelles : cimetière.

Situation administrative

Propriété communale.

Description géographique du site

a. Altitude : 20 m.
b. Relief : terrasse.
c. Hydrographie : à 600 m de la Garonne.
d. Géologie : sables argileux, graviers et galets de la moyenne terrasse avec colluvions en surface (Carte géol. 1.50000e, XVI-38, Langon).

Identité des vestiges

a. Période : Moyen Âge, époque moderne.
b. Nature : édifices religieux, cimetière, couvent ; État : bâtiments rasés. Il doit rester des fondations du couvent et des édifices antérieurs.

Description

Répertoire des sources et bibliographie
Sources

Arch. dép. Gironde : 158 T 2 A (1849) (Rapport de Jacquemet sur le carrelage de la chapelle) ; 158 T 3, n° 373, 382 ; 161 T 2, rapport n° 26 (10 août 1840) ; E suppl. 1956 (CC 10).

Bibliographie
  1. Memorabilia præcipua Provinciæ Aquitaniæ sive Tolosæ Fratrum Minoris Ordinis Sancti Francisci Capucinorum piæ posteritati dicatæ… (Arch. comm. de Bordeaux, ms 582, f° 37 v° sq.).
  2. Lafargue (Me), Carnets.., t. IV, p. 76, 85, 105-121.
  3. Comptes rendus de la commission des monuments historiques, t. III, p. 4 ; t. XI, 1849-50 (1851), p. 18 (Rapport de Jacquemet sur le carrelage de la chapelle) ; t. XIII, 1851-1852, (1852), p. 18, 25.
  4. Féret (E.), Essai…, p. 42.
  5. Salviani (abbé S.), Le couvent des Ursulines.., p. VI.
  6. Lacave (abbé M.), Histoire de Langon, p. 188-191.
  7. Rebsomen (A.), La Garonne…, p. 174.
  8. Biron (dom R.), Précis…, p. 118, 128, 130.
  9. Biron (dom R.), Guide…, p. 95.
  10. Marquette (J. B.), “La ville de Langon”, Les Cahiers du Bazadais, 28, 1er trim. 1975, p. 16-22.
  11. Hanusse (C.), Les carreaux de pavage vernissés et historiés du Moyen Âge en Gironde, TER, université de Bordeaux III, 1977-1978.
Plans et documents figurés

Matis (H. et N.), 1re carte d’arpentage de la paroisse de Langon, 1716 (Arch. dép. Yvelines, A 384), reproduite dans Les Cahiers du Bazadais, 28, p. 11.
Lacour (P.), Monument funéraire de l’enclos des Capucins. Dessin. Bibl. de Bordeaux, Fonds Delpit, L 8.
Lafargue (Me), Même monument. Dessin et Lavis. Arch. comm. de Langon, Notes, t. IV, p. 114. Ces deux dessins ont été reproduits dans Les Cahiers du Bazadais,
8, p. 19, fig. 3,
Lafargue (Me), Ancienne et nouvelle ville de Langon. Plan sommaire de Langon, en couleurs (Arch. comm. de Langon, Notes, t. IV, p. 21). Reproduit dans Les Cahiers du Bazadais, 28, p. 13.

M. Jacquemet avait joint une feuille de dessin au rapport sur les “mosaïques” de Langon qu’il adressa à la commission des monuments historiques, le 30 novembre 1849 (156 T 2 A). Ce dessin est signalé dans la publication du compte rendu (C.R.C.M.H., t. XI, p. 18). Il a disparu.

Le couvent des Capucins d’après le plan des Matis (Arch. Dép. Yvelines, A 384). Le nord est à gauche (cl. Arch. Dép. Yvelines).
Histoire

Nous sommes bien renseigné sur les circonstances dans lesquelles fut fondé le couvent des Capucins de Langon, grâce à un manuscrit conservé à la Bibliothèque de Bordeaux (Ms 582).

Les Pères capucins avaient, au début du XVIIe siècle, prêché à Langon et certains habitants avaient fait part de leur désir de voir s’établir dans leur ville un couvent de cet ordre. Leurs vœux n’avaient cependant pas été exaucés, car les capucins craignaient que cela ne portât tort à leur couvent de Cadillac, dont les Pères venaient quêter à Langon ; ils estimaient aussi que les Langonnais ne pourraient supporter les frais de l’entretien d’un couvent. Des habitants de Langon ayant alors menacé d’inviter des minimes ou des récollets, les capucins décidèrent de faire appel au duc d’Épernon, seigneur de Langon. Sollicité à plusieurs reprises, le duc fit attendre sa réponse. Mais, au Carême de 1617, le R. P. Archange, gardien de Bordeaux, lui ayant demandé de parler du projet aux Langonnais, le duc fit venir à Cadillac “deux ou trois des principaux” habitants de la ville. Ceux-ci firent alors des difficultés “à raison de la place qu’il (leur) faudrait bailler” et aussi à cause des frais qu’allait entraîner la construction du couvent. Le duc répliqua alors “qu’il estoit maître et seigneur non seulement de la ville mais aussi de la place qu’on jugeoit propre pour ledit bâtiment qui estoit un grand cimetière, joignant lequel il y a une église dédiée à saint Michel de laquelle il ne se trouvoit aucun titre ny patronnage” et que, dans ces conditions, elle était à sa disposition aussi bien que le reste du terroir de Langon. Il affecta donc aux capucins l’église, le cimetière ainsi que l’ensemble de l’enclos, pour y construire un couvent.

Maître Lafargue a fait état de l’opposition d’un jurat de Langon nommé Jarry qui prétendait que l’enclos de Saint-Michel était propriété de la ville et qui, pour échapper aux foudres du duc d’Epernon, dut s’enfuir à Saint-Macaire (t. IV, p. 116-117).

Les Langonnais s’inclinèrent et le conseil de ville décida de recevoir les capucins et de faire arborer la croix le lendemain de Quasimodo (3 avril 1617). Ce jour-là, le duc, son fils ainsi que l’archevêque de Toulouse et l’évêque de Bazas, Mgr Jean Jaubert de Barrault, se transportèrent à Langon où les attendaient le R. P. Archange ainsi que les Pères de Bordeaux, Cadillac et Bazas. L’évêque de Bazas bénit la croix dans l’église paroissiale, puis la porta en procession au cimetière en compagnie du duc, de l’archevêque et de nombreux gentilshommes.

À l’occasion de cette installation, le duc fit un don de trois cents écus, l’archevêque en offrit cent, Castelnau “contable” de la ville en promit autant ainsi que M. d’Arche, docteur régent en l’université de Bordeaux et juge de Langon. Après avoir dîné, le duc, prenant congé des Langonnais, leur fit savoir qu’il connaîtrait s’ils l’aimaient véritablement à l’aide qu’ils apporteraient à l’édification du couvent. Les Langonnais promirent alors leur assistance. Le duc persuada, le R.P. Archange de ne pas différer la construction du couvent et de la commencer avant son prochain départ à la cour. Le R. P. Provincial, auquel le P. Archange avait écrit, l’invita à faire établir le “modelle” du couvent par le R. P. Bernardin Flaman et le Père Gabriel de Villefranche. Il en fut ainsi fait et la construction fut aussitôt entreprise. La pierre et le sable furent pris sur place et le bois amené par la rivière. Assez rapidement, semble-t-il, Langon eut donc une communauté de capucins. Frère Anastase, dans son rapport de 1790, confirme la date de la fondation et fait état des libéralités du duc d’Epernon, de M. d’Arche et de M. de Castelnau.

En 1668, Louis XIV donna l’ordre aux religieux de se retirer “incessamment” du couvent. D’après les attendus de cet arrêt, le couvent n’aurait été fondé qu’en 1660, ce qui est erroné. En tout cas, les résultats de l’enquête faite à cette occasion furent favorables aux capucins qui furent maintenus dans les lieux (t. IV, p. 113). Cette procédure n’est peut-être que la suite de la réclamation faite en 1617 par le jurat Jarry (Voir aussi abbé Lacave, op. cit., p. 188-189).

Selon M. Jacquemet (rapport de 1849), c’est seulement après 1808 que le couvent et l’église furent démolis. L’abbé Salviani donne la date de 1818 (p. VI). Dans son rapport de 1840, Me Lafargue déclare seulement que “tout est détruit”. En 1893, il ne subsistait plus, selon E. Féret, “que le mur d’enceinte et un puits à côté duquel se trouve un sarcophage monolithe”.

Mais, en 1913, A. Rebsomen signale encore les fondations du couvent dans le cimetière et précise que “l’herbe pousse à cet endroit et (que) l’on n’y enterre point les gens” et d’ajouter “il faudrait un travail trop considérable pour démolir cette solide maçonnerie”.

Description

Dans l’arpentement de 1676 (CC 10), il est fait mention d’un “couvent, esglise, jardin et bois au cartié de Saint-Michel contenant 2 jx, 9 lattes”.

Cette description du couvent des Capucins s’appuie sur le plan des Matis et les informations qui nous sont fournies par Frère Anastase ou Me Lafargue. Celles-ci manquent souvent de précision car Me Lafargue est plus soucieux d’interpréter que de décrire et, lorsqu’il le fait, les termes qu’il utilise sont ambigus (gothique antique pour roman, mosaïques pour carreaux).

L’enclos

Tel qu’il apparaît sur le plan des Matis, le couvent était, en 1716, délimité par une murette dessinant un quadrilatère de cent cinquante mètres environ du nord au sud, et de cent mètres de l’est à l’ouest. D’après Maître Lafargue, cette clôture était ancienne et antérieure en tout cas à 1617 (t. IV, p. 117). L’aire ainsi circonscrite correspond sensiblement à celle du cimetière actuel. Les chemins qui entouraient l’enclos sont en effet devenus de nos jours, au nord, le cours Gambetta – ancien chemin du Port de Bazas – à l’est, l’avenue du 8 mai 1945 – ancien chemin de Villandraut –, à l’ouest, la rue Abel Gourgues – ancien chemin de Sauternes, au sud, le cours du Général Leclerc.

On pénétrait dans le domaine du côté nord par une vaste allée bordée d’arbres – des ormeaux à la fin du XVIIIsiècle (Notes, t. IV, p. 105) – séparant deux parcelles de terre à l’est et quatre planches découpées par des allées à l’ouest. Cette allée conduisait aux bâtiments du couvent qui occupaient à peu près le centre de l’enclos dans sa partie orientale, vis-à-vis d’un bosquet du côté de l’ouest. Quant à la partie méridionale de la propriété, elle comprenait en 1716, à l’est, un jardin aux planches disposées en damier et à l’ouest un bois parcouru d’allées rayonnantes. Ici aussi, la disposition des lieux n’avait connu en un siècle aucune modification, puisque Me Lafargue précise qu’au midi, il y avait “un bois de haute futaie percé par des allées diagonales et droites ; à côté était un potager et des charmilles” (t. IV, p. 105). L’ensemble de ces indications est d’ailleurs confirmé par Frère Anastase, gardien du couvent, dans le rapport qu’il établit le 20 février 1790, et remit à la municipalité en exécution du décret du 13 octobre 1789 : “Le local où est situé le dit couvent est… tout entouré de murailles et … consiste (à l’est) en deux petits jardins séparés l’un de l’autre par le bâtiment de l’église et du dit couvent, (à l’ouest) en un bosquet et une petite vigne, séparés l’un de l’autre par un petit mur” (t. IV, p. 115).

C’est, selon toute vraisemblance, la parcelle située à l’angle nord-est, à gauche de l’entrée qui, avant l’arrivée des capucins, servait déjà de cimetière. D’après Me Lafargue, ce cimetière était “au levant et borné par le petit chemin qui tend à la Garenne et aux Gahets – avenue du 8 mai 1945. On trouve encore, dit-il, dans le mur nord -– donc parallèlement au cours Gambetta – et à l’intérieur, une niche dans laquelle est un crucifix sculpté en pierre” (t. IV, p. 85). Or, d’après un testament daté de 1630, le testateur désirait être enseveli “près le grand portail du dit cimetière qui joint le chemin qui va à Fargues” – rue Abel Gourgues – c’est-à-dire à l’angle opposé, à proximité d’un portail qui n’est pas indiqué sur le plan des Matis (t. IV, p. 75). Enfin, aussi bien d’après le plan que d’après la description de Maître Lafargue, on a l’impression, pour aussi paradoxal que cela puisse paraître, que le cimetière avait été supprimé au XVIIIe siècle.

Les bâtiments

La restitution des bâtiments conventuels pose, à la différence de celle de l’enclos, un certain nombre de problèmes. D’après le plan des Matis, le couvent était constitué d’un groupe de bâtiments encadrant une cour centrale formant cloître, selon une ordonnance tout à fait classique. Cependant, on est frappé par la différence de largeur entre les divers corps de bâtiments et par la présence de constructions annexes dont la destination n’apparaît pas clairement au premier abord : seules l’église – qui occupait l’aile nord à gauche de l’entrée – et les galeries du cloître sont parfaitement reconnaissables. L’état dressé en 1790 et surtout la description que nous a laissée Maître Lafargue apportent heureusement quelques compléments qui, sans avoir toute la précision que l’on souhaiterait, permettent néanmoins de reconstituer la disposition des lieux.

D’après l’état, le couvent comprenait au rez-de-chaussée, en plus de l’église “proprement tenue mais simplement décorée” et de la sacristie, “un réfectoire, une dépense, un office, arrière-dépense, cuisine, chauffoir, cave, chai à bois, un cloître…, trois chambres qui ne sont ni meublées ni occupées à rien”. Quant au “haut du couvent”, il consistait en “vingt-deux cellules dont quatorze sont destinées pour le logement des religieux, des malades ou infirmes et des religieux étrangers ou voyageurs”. Cet ensemble correspond au grand bâtiment avec un retour en équerre qui clôt le cloître au sud.

Il y avait aussi “une petite chapelle domestique où les infirmes et malades disent la messe et une chambre où se tiennent les livres au nombre de 688 volumes” (t. IV, p. 115-116). Selon Me Lafargue, on pouvait voir en face de la grande allée, “sous une galerie ouverte, une chapelle dédiée à saint Michel… L’église était séparée de cette chapelle par un couloir qui conduisait, du levant à un cloître carré en galerie ouverte et du midi à un bois de haute futaie… Une partie du couvent sur laquelle était établie la cloche paraissait avoir été un donjon carré assez élevé et formé d’épaisses murailles […] L’église était […] dans la direction de l’ouest à l’est…” (t. IV, p. 105-106).

Il n’est guère facile de retrouver sur le plan des Matis la chapelle Saint-Michel ni le couloir : la seule chose certaine, c’est qu’ils correspondent aux bâtiments occidentaux situés à gauche de la grande allée. C’est d’ailleurs à cet endroit que devait se trouver l’entrée principale du couvent. Si l’église occupait l’ensemble de l’aile nord, elle devait être relativement vaste. Toujours d’après Me Lafargue, elle était “d’un gothique antique tel que nous l’avons retrouvé dans l’église Notre-Dame”, donc, selon toute vraisemblance, d’apparence romane (t. IV, p. 106).

Il en était de même du donjon carré servant de clocher “d’une telle construction qu’il pouvait braver le canon, tellement élevé qu’il dominait la ville, assez étendu pour que dans les temps modernes on ait pu pratiquer quatre chambres et un corridor de plain-pied” (t. IV, p. 121). Ce “donjon” correspond certainement sur le plan au petit bâtiment carré faisant saillie à l’extérieur de l’aile orientale et figuré par un toit à quatre pentes ; les chambres dont parle Me Lafargue sont probablement celles dont il est question dans le rapport de 1790. On ignore quelle était la destination de l’aile orientale proprement dite ; apparemment, elle ne possédait pas d’étage et sa toiture était, au nord, coiffée d’un petit clocheton. Me Lafargue déclare que “la sacristie et le chœur modernes de l’église étaient placés dans les cuisines (d’un ancien manoir des Templiers qu’il situe à cet endroit), les cellules des religieux dans la salle des chevaliers ; les cloches dans la salle d’armes et des festins ; au comble était la sentinelle” (t. IV, p. 121). Il est impossible de tirer le moindre renseignement utile de ce commentaire.

L’aile du midi avec son curieux plan en équerre, abritait probablement la plupart des dépendances dont il est fait état dans le rapport de Frère Anastase : dépense, office et cuisine. Si l’on en juge par sa largeur, c’était aussi à l’étage de ce bâtiment que se trouvaient les cellules, la bibliothèque ainsi que la chapelle pour les malades.

Monument funéraire

L’impression que l’on retire de l’examen du plan et des descriptions est celle d’un manque évident d’ordre dans la disposition des bâtiments. Or, à peu près au centre de l’enclos, non loin de l’angle sud-ouest du couvent, on distingue sur le plan des Matis un édifice de proportions très modestes, complètement isolé, dont il serait impossible de préciser les caractères, si nous ne disposions d’une description de Me Lafargue, heureusement complétée par un dessin de Lacour (t. IV, p. 114). Il ne fait aucun doute, en effet, que le monument indiqué par les Matis est bien le même que celui décrit dans les Archives de Langon : “Dans le bois, nous dit Me Lafargue, a subsisté jusqu’au moment de la dernière dévastation un monument funèbre digne d’être conservé et dont les pierres éparses n’ont été d’aucun profit aux démolisseurs… Sur un carré parfait, élevé d’environ un pied au-dessus du sol et symétriquement pavé en grandes pierres, s’élevait une tombe en pierre d’un seul bloc sur laquelle étaient des inscriptions en ovale et en arabesques ; le couvercle de la tombe aussi d’un seul bloc en angle droit et en triangle, à côtés inégaux ou en forme de toit, était orné comme le sépulcre. Ce sépulcre était soutenu par de petites colonnes en grand nombre ou très rapprochées, en forme de balustres sans renflement.

Édifice funéraire de l’enclos des Capucins d’après le dessin de Lacour.

“Cette tombe était abritée par un bâtiment carré en pierre dont la hauteur avait une fois et demie la largeur : il était à quatre faces égales en tous points. Trois petites colonnes de hauteur d’à peu près les deux tiers de l’ordre toscan avaient pour base un filet et une cimaise renversée et pour socle le pavé de l’édifice. La corniche en était grossièrement et diversement sculptée. L’imposte était une suite d’avant-corps qui reposaient sur les trois corniches. L’archivolte était composée d’un filet sur l’arète intérieure, d’une grande plate-bande portant sur le vif de deux colonnes et terminée dans la partie extérieure par des moulures sans proportion. L’archivolte formait un arc en ogive sans clef ni tympan.

“L’intérieur était voûté en pierre ; au centre était un trou rond d’un pied environ de diamètre formé par un boudin. Ce trou était sans doute destiné à recevoir la fumée d’une lampe sépulcrale brûlant sur le tombeau ; on y voyait encore une couleur noire. La voûte était élevée, montante et croisée en diagonale – ou ogive – par des lignes de clef qui toutes quatre arrivaient presque à zéro au soupirail de la lampe. Ce mausolée était recouvert en charpente couverte en tuile et surmontée d’une croix en pierre à huit branches telle que la portaient les chevaliers du Temple” (t. IV, p. 106). Maître Lafargue a indiqué ce monument sur son plan de Langon. On se trouve donc en présence d’un petit édifice funéraire de plan carré, ouvert sur chacune de ses faces par un arc brisé dont les voussures retombaient sur des impostes, elles-mêmes soutenues de chaque côté par trois colonnettes. Il était recouvert d’une voûte sur croisée d’ogives avec oculus central, coiffée d’une charpente portant une couverture en tuile ; le sarcophage qu’il abritait possédait un couvercle en bâtière et ses parois étaient décorées de deux rangées superposées de huit (?) arcatures.

D’après Me Lafargue, “les contemporains ont appris de la bouche des anciens religieux que le bois de leur couvent contenait autrefois cinq à six autres monuments de la même espèce” (t. IV, p. 106). Me Lafargue signale ailleurs qu’il y avait sept de ces édifices, d’après ce que lui dit “un des plus anciens religieux du couvent” (t. IV, p. 76). S’ils avaient jamais existé, ils avaient en tout cas disparu avant 1714, car ils n’apparaissent pas sur le plan pourtant fort précis des Matis.

Le nombre et la variété des bâtiments de l’enclos des Capucins, leur disposition anarchique – clocher à l’écart de l’église, ailes de dimensions différentes ne se rejoignant pas à leurs extrémités sinon par les angles – ainsi que certains caractères incompatibles avec ceux que l’on rencontre dans des monuments du XVIIsiècle, conduisent à penser que, lorsque les capucins s’établirent en 1617 à Langon, l’emplacement sur lequel ils édifièrent leur couvent était déjà occupé. Telle était l’opinion de Me Lafargue, mais l’historien langonnais ignorait le document qui lui aurait permis d’étayer cette hypothèse : le récit de l’installation des capucins à Langon, rédigé par un des membres de leur congrégation à l’époque où se déroula l’événement.

Qu’y avait-il avant l’établissement du couvent ?

Les détails de l’installation des capucins rapportés à la rubrique précédente, éclairent le plan des Matis et les descriptions de Frère Anastase et de Me Lafargue : l’enclos, le cimetière, l’église et probablement d’autres édifices existaient déjà en 1617. Ainsi s’explique le caractère désordonné que présente le plan du couvent et que devait traduire aussi l’élévation différente des divers bâtiments. Les capucins se sont donc contentés d’adapter à leurs besoins et de compléter des constructions déjà existantes.

Deux questions restent cependant en suspens : à quelle époque remontaient ces constructions ? Dans quelles circonstances et pour quels motifs furent-elles édifiées ? Pour Me Lafargue, qui n’apporte aucune preuve, ces édifices appartenaient à une ancienne commanderie de Templiers et dataient donc au plus tard du XIIIe siècle. Me Lafargue voit une preuve de l’existence d’une ancienne commanderie, dans la présence au sommet du mausolée d’une croix de Malte à huit branches (t. IV, p. 109). Dans son rapport de 1840 (S. l) il revient sur cette présence des Templiers.

La date – XIIIe siècle – n’est pas à rejeter à priori, mais l’attribution aux Templiers appartient à la légende, car il n’y eut jamais de commanderie à Langon. Si l’on se réfère au qualificatif de “gothique antique” donné par Me Lafargue à l’église, il faudrait la faire remonter à l’époque romane (Notes, t. IV, p. 106, 110). Cependant, nous éprouvons une grande réticence à suivre dans cette voie le savant langonnais. D’après le plan des Matis, l’édifice nous paraît bien vaste pour une chapelle du XIIe siècle. Nous ignorons, d’autre part, sur quels critères stylistiques précis s’appuie Me Lafargue pour attribuer à l’époque romane cette construction. Il s’étonnait d’ailleurs de ce que le dallage de l’église fût au niveau du sol extérieur, car l’édifice datant d’après lui de l’époque romane, le niveau du sol intérieur devait se trouver en contrebas. Comme il tenait tout de même à son attribution, il estimait que le sol de l’église était “primitivement renfoncé et que, pour couvrir cette prétendue difformité, on aura voûté au rez du sol pour pratiquer en dessous les caveaux mortuaires qu’on y voyait” (t. IV, p. 109). Mais ce n’était qu’une hypothèse. Quant aux baies en plein cintre. Me Lafargue déclare : “Si on considère que l’architecture (du couvent) en était de gothique antique, c’est-à-dire en plein cintre…” (t. IV, p. 110), elles pourraient aussi bien dater du XVIIsiècle, comme d’ailleurs le reste du bâtiment, qui dans cette hypothèse aurait été entièrement reconstruit par les capucins.

Cependant, Me Lafargue rapporte que lorsqu’on nivela le sol de l’église à la suite de sa démolition, on trouva “plusieurs tombes dans diverses parties de l’église”. Parmi celles-ci devait se trouver celle de Bernard Automne (1574-1666), avocat au Parlement de Bordeaux, commentateur de la Coutume de Bordeaux (Abbé Salviani, op. cit., p. VI ; abbé Lacave, op. cit., p. 188).

“Toutes les décorations (du dallage) en étaient d’un style du Moyen Âge ; au lieu de mosaïques, on y employait des carreaux d’une pâte absolument semblable à celle du temps présent. Cependant, dans le moule étaient des dessins saillants qui produisaient une empreinte en creux ; ces creux étaient remplis d’une pâte “blanche-jaune” d’une dureté égale à celle du carreau” (t. IV, p. 118-119 et Abbé Lacave, op. cit., p. 190-191). On songe immédiatement à ces carrelages de pâte rouge dans lesquels on incrustait un décor de pâte blanche représentant des oiseaux, des griffons, des lions, des armoiries ou des dessins géométriques tels qu’on peut en voir au château de Villandraut ou à celui de Langoiran. Ce dallage remonterait au plus tôt au début du XIVe siècle, au plus tard sans doute au XVIe siècle. Dans ces conditions, l’église des Capucins était peut-être antérieure à 1350, ce qui n’exclut pas des restaurations ou des aménagements au XVIIe siècle. Me Lafargue, rapportant qu’en 1617, les capucins auraient reçu 2 500 livres du “siège” de Langon pour la construction de leur couvent, estime d’ailleurs, pour des raisons qu’il n’explicite malheureusement pas, que l’on n’édifia pas alors les murs principaux de l’église et que l’on se contenta d’adapter l’édifice au culte auquel il était longtemps demeuré étranger.

Les origines de la chapelle Saint-Michel

Si le problème de la construction de l’église des Capucins est ainsi quelque peu éclairci, il n’en est pas de même de celui des origines de la chapelle Saint-Michel, située par Me Lafargue à l’ouest de l’église dont elle était séparée par un couloir. Peut-être les capucins, ayant changé la dédicace de l’église, ont-ils édifié cette chapelle en l’honneur de l’ancien patron ? C’est du moins l’hypothèse que nous formulons, mais nous ne pensons pas, de toute façon, que cette chapelle ait été antérieure à 1617. Le mystère est encore plus complet en ce qui concerne le fameux “donjon”, apparemment plus ancien, mais dont on ignore absolument tout de la destination primitive. Quant à l’édifice funéraire, il est très difficile à dater, faute d’éléments de comparaison. Tout au plus peut-on avancer la date du début du XVe ou du XVIe siècle.

Carrelage de l’église

Me Lafargue qui fut témoin de la démolition de l’église a signalé, nous l’avons vu, l’existence d’un carrelage avec incrustations de pâte blanche. Or, il semblerait que le nivellement effectué à cette occasion n’ait été que partiel. En effet, une partie du carrelage resta en place, car, quelques années plus tard – en 1842 – M. Jacquemet envoya à la commission des monuments historiques divers “fragments de mosaïques” provenant de Langon. Nous avions cru qu’il s’agissait de mosaïques antiques, mais le rapport de M. Jacquemet établi en 1849 (158 T 2A ; C.R.C.M.H., t. XI, p. 18) prouve qu’il s’agissait bien de carreaux d’époque médiévale, provenant du couvent des Capucins – l’auteur dit seulement du couvent de Langon.

En tout cas, en 1849, le creusement de fossés au cimetière entraîna la découverte de divers débris dont “divers fragments de mosaïques”. M. Jacquemet précisa qu’elles étaient différentes de celles de Hure, mais se rapprochaient de celles qu’il avait déjà envoyées en 1842 (158 T 2 A, n° 3 ; CRCMH., t. III, p. 4). Il en proposait le dépôt au “Musée des antiques de Bordeaux”.

D’après M. Jacquemet, ces carreaux en terre cuite – il parle de briques, mais n’en donne pas les dimensions – étaient décorés de sillons de pâte blanche de 2 à 3 cm, au dessin varié et recouverts d’un vernis de couleur brune, parfois enlevé par le frottement.

Au rapport de M. Jacquemet, était joint le dessin – perdu – de dix “briques à mosaïques” relativement bien décrites :

  1. Fond rouge dessin présentant en blanc des “cercles avec des points au centre et un point extérieur entre quatre cercles”. Le vernis à disparu.
  2. La matière (blanche) a été enlevée d’une partie du sillon. Le fond semble indiquer qu’on le piquait pour mieux faire prendre la matière du dessin qui représentait une “combinaison de cercles plus compliquée”.
  3. Dessin : “combinaison de la ligne droite et du cercle qui représente les rayons d’une roue qui vont en grossissant du centre à la circonférence”. Couverte grise et jaune. Assez bonne conservation.
  4. Fragment incomplet. Vernis conservé. Dessin : “un rectangle terminé par des points dans l’intérieur duquel figure une quadrupède en mouvement à la queue longue et relevée (croupe seulement)”.
  5. Dessin : cercles concentriques.
  6. Dessin : “combinaison du cercle et de la ligne droite figurant une espèce de roue à dix rayons qui vont en s’amincissant du centre à la circonférence”.
  7. Fragment de feuilles de diverses formes.
  8. Dessin : “damier avec ornement en forme d’ovale”.
  9. Fragment.
  10. Couverte en bon état percée de bulles de cuisson. On reconnaît “un personnage qui paraît assis et qui porte un glaive dans sa main droite”. Ils furent détruits.
Conclusion

Le site du cimetière a donc connu antérieurement deux occupations successives : avant 1617, il existait une chapelle dédiée à saint Michel, entourée d’un cimetière et probablement d’un espace resté inoccupé. Il s’agit sans aucun doute d’un nouveau cimetière établi hors les murs de la ville, rendu nécessaire en raison de l’exiguïté de celui qui entourait l’église Saint-Gervais.

Lorsque le couvent fut installé, les capucins conservèrent par économie ces parties anciennes – une chapelle et d’autres bâtiments – à partir desquelles ils élevèrent d’autres bâtiments de façon à ordonner l’ensemble autour d’un cloître. Il ne reste plus rien des bâtiments qui figurent sur le plan des Matis détruits dans le premier tiers du XIXe siècle.

Rechercher
Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356136572
ISBN html : 978-2-35613-657-2
ISBN pdf : 978-2-35613-658-9
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
20 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, Jean Bernard, “Monuments disparus du bazadais. La vallée du Brion”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 2, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 1601-1620 [URL] https://una-editions.fr/monuments-disparus-du-bazadais-la-vallee-du-brion-suite-et-fin
doi.org/10.46608/basic4.9782356136572.49
Illustration de couverture • D’après Villandraut : ruine de la tour située à l’angle sud-est de l’ancienne collégiale (dessin, 1re moitié du XIXe siècle. Arch. dép. Gironde 162 T 4).
Retour en haut