Durant les deux derniers siècles du Moyen Âge, entre environ 1330 et 1530, les sculpteurs anglais exploitèrent à grande échelle les gisements d’albâtre des Midlands pour créer des monuments funéraires à gisants, des retables d’autel et de petites sculptures dévotionnelles. Ces œuvres furent produites tant pour le marché intérieur anglais que pour l’exportation vers d’autres pays européens. Lors de la Réforme anglicane à partir de 1532, la presque totalité des scènes religieuses des retables et des images de dévotion furent détruites en Angleterre.
En dépit de ces pertes massives, plus de 2 400 albâtres provenant des carrières du Derbyshire et du Staffordshire subsistent encore, répartis pour l’essentiel dans les différents pays européens, mais aussi dans les collections des musées américains et jusqu’en Australie1.
Immédiatement reconnaissables, les albâtres anglais présentent une homogénéité formelle et visuelle remarquable, presque comme s’il s’agissait de la production d’un même atelier.
La majorité des panneaux montre en effet des dimensions similaires (environ 40/50 x 25/30 cm), des compositions iconographiques et une mise en couleur fortement standardisées ainsi qu’une stylisation particulière des personnages se caractérisant notamment par leurs proportions filiformes2.
Du fait des liens historiques étroits avec l’Angleterre, le Sud-Ouest de la France, et en particulier la région autour de Bordeaux, conserve une grande quantité de ces albâtres. Plus d’une centaine ont pu être dénombrés dans la région3. Initialement, leur nombre fut certainement bien plus élevé encore, comme l’illustrent le retable de la Passion, du XIVe s., aujourd’hui au Victoria and Albert Museum de Londres4, le panneau du Pèsement des âmes désormais conservé au Louvre5 ou encore le retable Compans, récemment vendu par Sotheby’s6.
Notes •••
- Dans son livre de 2003, Francis Cheetham a pu recenser plus de 2 400 panneaux. Selon Zuleika Murat, il existerait même plus de 3 000 panneaux actuellement connus. Voir Murat 2019, 8, note 38.
- L’examen attentif des panneaux permet parfois de reconstituer en partie “l’œuvre” d’un sculpteur particulier, comme le “Master of the Lydiate Altarpiece” (De Beer 2018, 196 ss.). L’impression générale d’une homogénéité stylistique l’emporte toutefois nettement, comme le démontre ne serait-ce que la difficulté de dater les albâtres dits de Nottingham.
- Le recensement et l’étude des albâtres a été effectué par Le Noan-Vizioz 1957. Le corpus a été élargi au Sud-Ouest de la France dans le mémoire de maîtrise de Gorguet 1984.
- Inv. A.48 – 52-1946. Pour l’origine bordelaise (probable) du retable, voir en premier lieu Hildburgh 1925, 307.
- Inv. RF 1959 ; le premier propriétaire connu du panneau, François-Vatar Jouannet, était bibliothécaire de la ville de Bordeaux (Bresc-Bautier 2006, 59).
- Le retable a été vendu en 2016, [en ligne] : https://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/2016/treasures-l16303/lot.2.html [consulté le 7 novembre 2021]. Selon le texte de description ibid., “it is most probable that the original home of the Compans Retable was in a church in the area around Bordeaux, given that it was here that Mgr Alexandre Compans acquired it circa 1905”.