Le nom de Gabriel de Mortillet résonne comme écho aux premiers pas institutionnels du Musée d’Archéologie nationale. Les engagements de cet ingénieur de formation, souvent vifs tant dans les sciences qu’en politique, sont indissociables de l’esprit qu’il y a insufflé lors de son passage, entre 1868 et 1885. Si son radicalisme et les pamphlets socialistes qu’il rédige l’entraînent dans un exil suisse dès 1849, c’est aussi par ce biais contraint qu’il tombe en Préhistoire. Ses travaux genevois sur la classification préfigurent une approche des industries humaines qu’ancrent les congrès et revues qu’il initie, sa proposition remarquée à l’Exposition universelle de 1867 et, logiquement, son œuvre saint-germanoise.
Auteur prolifique, co-organisateur de sociabilités internationales indispensables à la construction d’une discipline qui ne peut se limiter à la territorialité de frontières contemporaines, Mortillet a collecté, échangé, débattu, classé, exposé, publié et rendu accessibles aux curieux passionnés comme aux promeneurs moins avertis un voyage vers les “préhistoriques”. Accueillant difficilement la compromission dans ses positions théoriques, encourageant les uns, s’opposant farouchement à d’autres dont celui qui fut son directeur au sein du “Musée des Antiquités nationales”, il incarne une des personnalités majeures et hautes en couleurs de la reconnaissance des sociétés humaines du passé. Une personnalité à laquelle son institution muséale d’exercice et de mise en pratique demeure redevable, ce dont témoigne encore la composition des collections et des archives.
Aussi cet Hommage à Gabriel de Mortillet qui résulte du colloque international “Préhistoire et anthropologie entre science, philosophie, politique et internationalisme : À propos de Gabriel de Mortillet”, organisé les 25 et 26 novembre 2021, nous permet-il de toucher les contours de l’homme, de ses propositions et de ce mélange intime des sciences et des idées que restituent les recherches et débats contemporains. Les contributions rassemblées éclairent, au-delà de l’historiographie, l’effervescence du contexte social, politique et scientifique de la seconde moitié du XIXe siècle. Entre tâtonnements des identifications culturelles et chronologiques, innovations méthodiques et approche systémique, cette somme nous invite à un itinéraire réflexif sur les récits de l’humanité.
