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Brouqueyran
Approche archéologique

Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 160, 2008, 45-69.

Cette notice est extraite d’un essai de recensement des sites archéologiques ou supposés tels de la Protohistoire à l’époque moderne, entrepris dans le cadre de l’ancien arrondissement de Bazas1. Tous les sites sont présentés de manière identique et comprennent des extraits de plans cadastraux, un répertoire des sources, une bibliographie, des informations concernant leur histoire et une description accompagnée d’illustrations. Mais ces fiches ne prétendent pas à l’exhaustivité : ce sont des dossiers ouverts qui attendent compléments et révisions. D’autre part, ce recensement est largement incomplet car il devrait comporter aussi les sites incluant l’habitat vernaculaire, les champs anciens et leur parcellaire. Nous avons parfois joint des informations qui concernent le décor ou le mobilier de certains édifices.

Ce recensement est précédé d’une présentation de l’origine de la commune et de sa topographie. À notre connaissance, on n’a pas identifié sur le territoire de la commune de Brouqueyran de site daté de la Protohistoire ni de l’Antiquité.

Cartes et plans de référence

Carte 1.25000e, 1638-ouest Langon ; 1638-est La Réole.
Carte de Cassini, 1.86400e, n° 106. Première carte générale du royaume levée de 1754 à 1789.
Carte de Belleyme, 1.43200e, n° 34. Carte de la Guyenne levée de 1762 à 1783 (fig. 1).

Atlas départemental de la Gironde dressé par le service de la voirie départementale d’après la minute de la carte d’État-Major, Féret et Fils, 1888, n° 9 (fig. 2).
Plan cadastral ancien, 1848.
Plan cadastral moderne, 1932.

Fig. 1. La paroisse de Brouqueyran.
Extrait de la Carte de Belleyme, n° 34.
Fig. 2. La commune de Brouqueyran.
Extrait de l’Atlas départemental, feuille n° 19.

Présentation

Situation et origine

Le nom

La commune de Brouqueyran a une superficie de 566 ha pour 172 habitants (266 en 1866). Elle confronte au nord à celle d’Auros (ruisseau de Loupes) ; à l’est, à celles de Berthès et de Lados dont elle est séparée par le Beuve ; au sud, à celles de Bazas et de Cazats (ruisseaux de La Carpouleyre ou de la Grézère puis de la Garouille) ; à l’ouest, par celles de Cazats et de Coimères. Dans la partie orientale de la commune les limites sont constituées par des ruisseaux. À l’ouest le territoire de Brouqueyran est séparé de celui de Coimères par le CD 123 qui relie Castets-en-Dorthe sur la Garonne à Bazas, dont le tracé reprend celui d’un chemin médiéval.

Ces limites sont identiques à celles de la paroisse de Brouqueyran telles qu’elles apparaissent sur la carte de Belleyme (fig. 2).

Sous l’Ancien Régime Brouqueyran dépendait de la prévôté et du sénéchal de Bazas depuis le XIIIe siècle, du présidial de Bazas depuis le XVIe siècle et de la subdélégation de Bazas au XVIIIe siècle.

Aujourd’hui la commune appartient au canton d’Auros.

Milieu naturel

Le territoire de la commune correspond, en gros, à celui d’une serre (alt. 100 m) découpée dans les couches tertiaires du miocène inférieur et de l’oligocène supérieur (stampien) par le Beuve à l’est, deux de ses affluents de rive gauche, les ruisseaux de la Grezère et de la Garouille au sud, celui de Loupes au nord. La vallée du Beuve se trouve seulement à 35 m d’altitude. Les calcaires et marnes du miocène donnent, au sud, un rebord abrupt au-dessus du vallon de La Carpouleyre. Vers le nord, le modelé est plus adouci : on passe insensiblement des colluvions de versant aux molasses du stampien qui affleurent tout au long de la vallée du Beuve et de ses affluents. Le sommet du plateau est recouvert vers l’ouest par les sables et graviers de la très haute terrasse (Carte géol. 1.50000e, XVI-38, Langon).

Occupation des sols

Au XVIIIe siècle, Brouqueyran ne possédait pratiquement plus de bois sinon sur les versants du vallon du ruisseau de Loupes et au nord de la paroisse. Les champs occupaient la majeure partie du finage avec des plantiers de vigne sur le plateau, en particulier à l’ouest du Château du Mirail jusqu’à Machelarique et au sud de Maynet (au nord de la paroisse). Si l’on compare ces données avec celles de la seconde moitié du XIXe siècle, il y aurait eu entre-temps un recul important du vignoble.

Selon E. Guillon (1866) qui estime à “100 hectares environ” la superficie du vignoble, “Brouqueyran fournissait jadis des vins blancs qui avaient de la douceur, mais à l’époque des ravages de l’oïdium (au début des années 50), les vignes blanches furent arrachées ; elles ont été remplacées depuis par des rouges qui donnent un vin assez commun”.

En 1874, avant les attaques du phylloxéra, on note 100 hectares de terres labourables (17,6 %), 80 hectares de vignes en joualles (14,1 %) et 13 hectares en plantier (2,2 %), 141 hectares de prés et pâtures (29,9 %) pour 196 hectares de bois (34,6 %). Les vins rouges sont dits les meilleurs du canton2.

Habitat

Au XVIIIe siècle, l’habitat est dispersé. On note quelques hameaux sur le plateau : Machelarique, Saint-Marc, Couloumet celui de l’église et, surtout, des fermes isolées.

Au XIXe siècle, la situation est à peu près la même avec deux hameaux, Coulomb et Machelarique portés sur le cadastre ancien et sur la carte de 1888, signalés en 1866 comme des groupes d’habitation par E. Guillon qui y ajoute Bourriot. Sur le cadastre ancien, au lieu-dit le Bourg, au nord de l’église, on note la présence d’un hameau d’une demi-douzaine de maisons, à l’angle du chemin qui est devenu le CD 125 et de celui qui conduit à l’église (fig. 3-4). Ce bourg, nous dit E. Guillon, “situé sur un beau plateau n’est qu’un village”.

Voici les lieux-dits du nord au sud d’après la carte de Belleyme (en italique), l’Atlas départemental (°) et la carte IGN (*).

Au nord du ruisseau de Loupes se trouve la section des Arnaudes : Candale°, Auron, Hauron° ; Meniet, Megnet° ; La Renaude, Grandes Arnaudes°, Les Arnaudes* ; Petites Arnaudes° ; Maynet ; Garet Pinton° ; Bechic, Béchit° ; Perré, Péré° ; Le Basque°* ; Laubarède°.

Au sud, la section du Bourg : Entre le ruisseau de Loupes au nord et le CD 125 (de Coimères à Brouqueyran) : Machelarique° ; Couloumet, Coulomb° ; Nanot°* ; le Blanc° ; Saint-Marc, Ferrand° ; Coloubat ; Pilier, Pillé°* ; Jacon Jacou° ; Berbion ; Le Peyre°* ; Bourriot° ; la Plantade, Plantade° ; France°* ; Arnauton°* ; la Gavache, Basque de la Gouache°, le Petit Basque* ; Moulin du Haou, Min*.

Du CD 125 au ruisseau de la Grézère puis de la Garouille : Carpet ; Grande Verdure, Grand Verdure° ; Petit Verdure°, le Petit Verdure* ; Le Comte° ; Mirail, Château du Mirail°* ; La Grange, Lagrange° ; Bertranet° ; Magister° ; Le Maine, Vendôme° ; Le Mion, Mions°* ; Coudet.

Dossier complémentaire : inventaire

Monuments religieux

Croix

En bordure du CD 125 en venant de Bazas vers Brouqueyran, au sommet du coteau, à l’entrée de l’allée conduisant au château : croix en pierre sur colonne et socle en pierre (XIXe siècle).

Édifices civils

Maisons

E. Guillon signale au lieu-dit Les Grandes Arnaudes, au nord de la commune (auj. Les Arnaudes) une ancienne maison noble qui dépendait des seigneurs du Mirail, du moins à l’époque des Laroque et des Marbotin qui se qualifiaient de seigneurs des Arnaudes. En ruine au début du XIXe siècle, le corps de logis qui possédait une tourelle aurait été rasé vers 1859 et remplacé par une métairie.

Parmi les “maisons isolées”, ce même auteur indique que “la plus importante” à ses yeux est “celle du Basque, qui s’élève sur les coteaux du Loupes, et qui appaitient à M. Didier”.

Bibliographie

Guillon (E.), Les châteaux…, t. I, p. 336-337 ; 332-333.

Puits, fontaines, lavoirs

Lavoir

Au lieu dit le Basque de la Gouache se trouve un ancien lavoir alimenté par une source qui y apporte l’eau par un canal. Le lavoir, de plan rectangulaire, était clos par des murs dont il reste la partie inférieure, supportant un toit à deux eaux dont l’arête était, semble-t-il, à ciel ouvert. Dans un angle on aperçoit les restes d’une cheminée (fig. 3-4).

Fig. 3. Brouqueyran : le lavoir du Basque de la Gouache (cliché M. J. Filleau).
Fig. 4. Brouqueyran : la fontaine alimentant le lavoir (cliché M. J. Filleau).

Une porte ouverte dans le mur postérieur donne accès à une pièce dont la destination n’est pas connue pour l’instant. Le fond du lavoir ainsi que l’allée qui en fait le tour seraient dallés en carreaux de Gironde. Bien qu’en partie ruiné ce site présente un réel intérêt.

Sources

Informations données par Mme de Lambert qui a fait procéder au débroussaillage du site.

Chemins

La Carte de Belleyme n’en comporte aucun, mais le réseau actuel n’a fait que reprendre celui qui apparaît sur le plan cadastral ancien. Le chemin le plus intéressant est celui qui va de Bazas à Castets (CD 123 actuel) qui séparait les paroisses de Brouqueyran et de Coimères. Son origine médiévale est certaine. Le CD 125 de Coimères à Brouqueyran et au CD 12 (Bazas à Auros) a repris le tracé du chemin ancien de Coimères à Brouqueyran.

Sites industriels

Moulins

Sur le Beuve, rive gauche :

– Moulin du Haou

Carte 1.25000e, La Réole, 1638-est : Min (moulin) ; Carte de Belleyme, n° 34 : (Min) ; Atlas départemental, n° 19 : Min du Haou.
Cadastre ancien, 1848 : Min du Haou, B 3, n° 665, 666, 668 ; Cadastre moderne, 1978 : Moulin du Haou, B 3, n° 408-411.

Le moulin se trouve à cheval sur le bras gauche du Beuve.

En 1874, meunier : Lasserre (Féret (E.), Statistique…, p. 30).

Sites identifiés

Site n° 1 – Cimetière et église

Repérage

Situation

a. Carte 1.25000e, 1638-est, La Réole (rév. 1982). Lieu-dit : Brouqueyran
b. Cartes anciennes : Carte de Cassini, n° 105 : Brouqueyran (église) ; Carte de Belleyme, n° 34 : Brouqueyran (église) ; Carte d’État-Major, n° 192 : Brouqueyran (église) ; Atlas départemental, feuille n° 19 : Brouqueyran (église).

Cadastre : 1978 : Bourg, B2, n° 259, 260 ; 1848, Bourg, B2, n° 349, 350 (fig. 5).

Nature des parcelles : Cimetière et église.

Situation administrative : Propriété communale.

Fig. 5. Brouqueyran : le cimetière et l’église. Extraits des plans cadastraux de 1848 et 1932.

Description géographique du site

a. Altitude : 104 m.
b. Relief : plateau.
c. Hydrographie : à 1,400 km de la rive gauche du Beuve.
d. Géologie : sables et graviers de la très haute terrasse (Carte géol. 1.50000e, XVI-38, Langon.)

Identité des vestiges

a. Période : Moyen Âge, époque moderne.
b. Nature-état : cimetière et église. Le cimetière n’a pas connu de bouleversement.

Description

Répertoire des sources et bibliographie
Sources manuscrites

Arch. dép. Gironde, E suppl. 1832-1834 (Brouqueyran GG 1-GG 3) : reg. bapt., mar., sép. : 1692-1792 ; E suppl. 1840 (Coimères GG I), id., 1677-1723.
Arch. dép. Gironde : 2 O 908 église ; Brutails (A.), Carnets, 3 Fi 131 (22), fol. 21 v°, 22 r°.
Arch. communales de Bordeaux : Drouyn (L.), Notes archéologiques, t. 49, p. 100.

Sources imprimées

1. Ch. Edmond Perrin et J. de Font-Reaulx, Pouillés des Provinces d’Auch, Narbonne et Toulouse. Recueil des historiens de la France. Première partie, Paris, Imprimerie nationale, 1972, p. 444, 453 ; 2. Chronicon Vazatense, dans Arch. hist. Gironde, t. XV, p. 33.

Bibliographie

1. Brutails (A.), Les Vieilles églises de la Gironde, Bordeaux, Féret, 1912, p. 195-196 ; 2. Biron (Dom R.), Précis de l’histoire religieuse des anciens diocèses de Bordeaux et de Bazas, Bordeaux, Librairie des Bons Livres, Imprimerie Bière, 1925, p. 127. 3. Id., Guide archéologique illustré du touriste en Gironde, Bordeaux, Féret, 1929, p. 54 ; 4. Gaborit (M.), Les constructions de petit appareil au début de l’art roman dans les édifices religieux de la France du Sud-Ouest, thèse de 3e cycle, 1978-1979, t. I, p. 176 ; 5. Document réalisé par l’Association pour la restauration de l’église Saint-Pierre ès liens de Brouqueyran, samedi 13 décembre 2003 : notice de Pierre Coudroy de Lille et 50 photographies.

Plans et iconographie

1. Brutails (A.), Carnets (22) (s.d., 1896), 22 r°, dessin de la façade nord ; 2. Gaborit (M.), Les constructions…, t. III, plan n° 44 ; 3. Carte postale : Brouqueyran (Gironde) L’Église ; 4. Cf. Bibliographie n° 5.

Histoire

L’église est dédiée à saint Pierre ès Liens. De nombreuses églises du Bazadais sont dédiées à saint Pierre (environ 15 %). Ce titre, comme d’ailleurs ceux de Martin (Cazats) ou Notre-Dame (Coimères) aussi répandus, a connu une vogue qui s’est étalée sur cinq siècles (de 500 à 1000 et même au-delà). Bien que le toponyme Bolcairan ait probablement une origine gallo-latine, on n’a découvert sur le territoire de la commune aucun vestige antique. La configuration du territoire de la paroisse de Brouqueyran et de celle de Coimères suggère qu’elles ont été démembrées d’un même ensemble originel dont le noyau serait Brouqueyran.

En 1261, l’évêque de Bazas Raimond retrait l’église de Brouqueyran de la mense épiscopale (Chronicon).

1369-1370 : capellanus de Bolcairano, archiprêtré de Cuilleron (Saint-Pierre de Cuilleron, auj. cne d’Aubiac) (S. 1).

XVe siècle : Sanctus Petrus de Bolcairan, arch. de Gajac et Cuilleron (S. 1).

XVIIIe siècle : Saint-Pierre de Brouqueyran, annexe de Coimères, Arch. de Cuilleron.

En 1840, la paroisse dépendait de Coimères (P. J. O’Reilly, op. cit., p. 372).

Fête : Selon E. Féret, elle a lieu le 25 juillet ou le dimanche suivant ; or ce dimanche n’est pas forcément celui qui suit le 1er août, jour de la fête de Saint Pierre ès liens. Il s’agit d’une erreur de la part de cet auteur en général bien informé. Il a confondu la fête du patron de l’église avec celle du patron de la paroisse ; en effet si, le 25 juillet, on honore saint Jacques le majeur, c’est aussi le jour de la fête de saint Christophe dont il existe un autel secondaire dans la nef.

Le 18 juillet 1854 l’église de Brouqueyran fut érigée en chapelle de secours rattachée à la paroisse de Coimères. En 1863, on procéda à un carrelage de l’église. Mais les principales restaurations eurent lieu en 1879 : Maçonnerie : construction d’une tourelle coiffée d’ardoise, destinée à abriter l’escalier qui devait remplacer celui qui jusque-là permettait d’accéder à l’abri du sonneur ; construction d’un pignon sur la façade ouest du porche, le fronton bâti en pierre venant des carrières de Bommes ; carrelage en grands carreaux de Gironde blancs et rouges pour une surface de 81,87 m2 superficie qui est celle de la nef. Charpente : Démolition et reconstruction d’une forme de charpente en tournant l’entrait de dessous dessus et changement de deux pannes de 5 m de long en bois du Nord ; démolition de la couverture de l’église et changement du lattis avec de la planche de pin dite bâtard refendu à un trait (163,21 m2 avec achat de 2500 tuiles creuses de Savignac et réutilisation éventuelle des tuiles anciennes ; construction à neuf de la charpente du porche en bois de sapin du Nord (38,40 m2) et couverture avec de la tuile plate mécanique façon Marseille ; couverture de la tourelle en ardoise ; faux-plancher constitué de solives en sapin du Nord, encastrées dans les murs, espacées de 40 cm de milieu en milieu et raccordées avec des liernes cintrées ; démolition des vieux lambris ; fabrication d’un escalier pour la tourelle. Plâtrerie : construction en remplacement du lambris, d’un plafond fait avec des lattes en bois de trois couches de plâtre mélangées d’un cinquième de mortier (87,50 m2). Envisagés dès 1876, les travaux réalisés par l’entreprise Sage de Cazats furent achevés en 1879 et coûtèrent 2553,13 F. En 1893, il fut procédé au remplacement des tuiles creuses de la toiture par des tuiles plates en raison de la pente trop forte de la toiture. En 1932, les ouvrages en bois du clocher furent séparés (Dupoy, charpentier à Auros). Une restauration importante de l’édifice a eu lieu entre 1997 et 2000 ; elle a porté sur les toitures, les sols, les enduits intérieurs, la voûte du chevet, l’éclairage, le décor mural, la restauration du mobilier et des peintures.

Historiographie

Cette église est ignorée de P. J. O’Reilly et E. Féret et E. Guillon estime “qu’elle n’offre rien d’intéressant” (op. cit., t. I, p. 332). Dom Biron date du XIVe siècle les “parties anciennes” de l’édifice et signale son clocher-arcade de “forme singulière”. M. Gaborit a donné dans sa thèse une brève mais fort intéressante description. La brochure publiée par l’Association pour la restauration de l’église (2003) apporte des précisions.

Description
Cimetière (fig. 5)

Les limites du cimetière ont peu varié depuis 1848. Il avait alors la forme d’un trapèze irrégulier de 54 m de base, à l’est, 54 m à l’ouest et de 52 m de haut de l’ouest à l’est. Depuis cette époque, on a procédé à un alignement de la clôture ouest sur la voirie rectifiée, au dégagement d’un terre-plein devant l’entrée de l’église, enfin à un léger élargissement au nord-ouest. Il est aujourd’hui clos de murs sauf au sud-ouest où l’on a établi une clôture en plaques de ciment (!). L’église en occupe à peu près le centre avec un léger décalage vers l’ouest laissant ainsi une surface largement dégagée au nord-est. Il existe une croix sur colonne et emmarchement en pierre.

Église (fig. 6)
Fig. 6. Brouqueyran : plan de l’église d’après le relevé de M. Gaborit.

C’est un édifice à nef unique prolongée par un chœur et une abside en hémicycle, précédée à l’ouest d’un porche et flanquée au sud d’une sacristie (fig. 6).

Le portail occidental ouvre sous un clocher-mur couronné d’un pignon et percé de trois baies. Il est flanqué au sud d’une tourelle abritant l’escalier permettant d’accéder à l’abri du sonneur et précédé d’un porche clos (fig. 7-8).

La nef (12,5 m x 6,55 m), dallée de carreaux de Gironde et couverte d’une fausse voûte surbaissée est éclairée de chaque côté par une paire de fenêtres en arc brisé (fig. 9). Elle est séparée du chevet plus étroit que la nef (4,20 m x 7 m) par un arc triomphal en plein cintre reposant sur des pilastres. Le chœur et l’abside sont couverts d’une fausse voûte en plâtre tenue par une armature en bois, récemment restaurée.

Fig. 7. Brouqueyran : l’église, façade nord-ouest, vers 1910. Carte postale, Vamandy (?) photographe éditeur Bordeaux.
Fig. 8. Brouqueyran : l’église, façade ouest (cliché M. J. Filleau).

À l’extérieur, contrastant avec le bon appareillage du clocher, les murs de la nef sont bâtis en petits moellons disposés en lits réguliers (fig. 10) mais dont le module s’accroît dans la partie supérieure – ceci est particulièrement visible au nord. Michèle Gaborit avait reconnu la “trace des fenêtres romanes primitives” que la disparition des crépis intérieurs lors des travaux de restauration récents aurait dû permettre d’identifier. Les deux murs sont d’autre part renforcés et raidis dans leur épaisseur par un chaînage vertical fait de moellons réguliers taillés, bien appareillés (fig. 9 et 13). Vers l’ouest, on distingue les reprises exécutées lors de la construction du clocher visibles aussi sur les photographies prises lors de la restauration de l’édifice (angles nord-est et nord-ouest de la nef). Le toit est à génoise (fig. 9, 11, 12 et 13).

Fig. 9. Brouqueyran: l’église, mur nord de la nef.
Fig. 10. Brouqueyran : l’église, mur nord de la nef : petit appareil.
Fig. 11. Brouqueyran : l’église, abside.
Fig. 12. Brouqueyran : l’église, abside, façade nord et détail.

Les murs de l’abside sont construits en petit appareil médiocre, recouvert d’un crépi moderne, déversés vers l’intérieur (fig. 11). À l’origine, l’abside était moins haute qu’elle n’est aujourd’hui comme le suggère un changement de l’appareil dans la partie supérieure. On distingue, au nord, une fenêtre à linteau droit, ébrasée au-dehors et obstruée ; au sud, une autre fenêtre, obstruée elle aussi, mais plus large, plus haute et en plein cintre. Trois contreforts en forte saillie en bel appareil avec empattement et chaperon ont été rajoutés. La base de l’abside est aussi ceinturée d’un soubassement en bel appareil, mais qui a beaucoup souffert. Au-dessus du contrefort d’axe, on a ouvert une fenêtre carrée. Le toit de l’abside est aussi à génoise.

Si la sacristie située au sud-est existait déjà au milieu du XIXe siècle, il y avait aussi à cette époque un autre bâtiment de près de 8 m de côté adossé au mur nord de la nef (fig. 5). Nous ignorons à quelle époque il a été détruit – peut-être lors de l’aménagement du porche actuel – et quel était son usage : peut-être s’agissait-il d’un presbytère. On ne distingue plus en tout cas le moindre arrachement de mur ou la moindre fondation : la partie correspondante du cimetière est seulement vide de tombes.

Fig. 13. Brouqueyran : l’église, mur sud de la nef avec chaînage.
Fig. 14. Brouqueyran : l’église, vue intérieure de la nef.
Chronologie

L’église de Brouqueyran appartient au groupe des petites églises romanes du Bazadais.

La partie la plus ancienne est constituée par les murs gouttereaux de la nef dont le petit appareil caractéristique des constructions du XIe siècle se retrouve dans la nef de Cazats, celle de Saint-Germain d’Auros ou le mur sud de la nef de Poussignac. Le chevet, plus étroit, est plus récent (XIIe siècle), mais là où on aurait pensé rencontrer une construction en bel appareil, on ne trouve qu’un mur en moellons irréguliers. Les contreforts et le soubassement qui entoure l’abside datent de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle.

Probablement à l’époque moderne, les murs de la nef et ceux du chevet furent exhaussés, les fenêtres de l’abside murées et une nouvelle fenêtre carrée fut aménagée dans l’axe de l’abside. Sur une photographie prise lors de la restauration de la voûte du chevet on s’aperçoit qu’au-dessus de la corniche du chevet, la paroi du mur nord est peinte sur une hauteur d’un mètre environ. Le niveau supérieur de cette peinture atteint dans l’axe de l’abside la base de la fenêtre carrée qui éclaire aujourd’hui le chevet. À notre avis le chevet était alors couvert par un plafond en lambris. Grâce à l’exhaussement des murs du chevet, on put aménager une fausse voûte en plein cintre et cul-de-four. L’éclairage latéral fut remplacé par l’aménagement dans cette voûte d’une baie d’axe ouvrant à l’extérieur sur la baie carrée. Cet aménagement est donc antérieur à celui du plafond de la nef, ce que prouve d’ailleurs le métré des travaux exécutés en 1879.

Ne serait-ce pas non plus à l’occasion de l’exhaussement des murs de l’église que furent mis en place les chaînages verticaux des murs gouttereaux de la nef dont la fonction est identique à celle des contreforts plats des édifices romans ? Aug. Brutails qui se fonde sur le fait que les bords des pierres de ces chaînages sont repris au ciseau les attribue au XIXe siècle. À notre avis ce chaînage est plus ancien. Il n’est pas facile non plus de dater le clocher. Michèle Gaborit le considère “de forme romane”. Elle pense qu’il “fut vraisemblablement remonté à l’époque où l’on construisit un porche bas à arcades en avant de l’église”, peut-être au XVIIe siècle. La sacristie, comme en témoigne le décor de la cheminée, date du XVIIIe siècle.

Les restaurations récentes ont aussi fait apparaître un élargissement des autels latéraux et de l’intrados de l’arc triomphal. Lors de la campagne de restauration de 1879, le porche fut transformé, et l’on édifia la tourelle adossée au clocher.

Un certain nombre de points restent cependant à vérifier ou à élucider. Il s’agit de problèmes de datation : dates de la démolition de l’appendice accolé au mur nord de la nef, visible sur le plan cadastral de 1848, du chaînage des murs gouttereaux de la nef, du percement des nouvelles fenêtres de la nef, du remaniement de la toiture et de la confection des génoises enfin des modifications apportées à l’arc triomphal et aux autels latéraux constatées lors des récents travaux. Sans compter la part d’hypothèses que nous avons avancée. D’aucuns pourront estimer ces points comme mineurs, mais n’oublions pas qu’ils concernent un édifice qui a probablement mille ans.

Archéologie du sol

Deux questions se posent : celle de l’extension éventuelle vers l’est de l’église du XIe siècle et de la présence ou de l’absence d’un ancien chevet sous le chevet actuel ; celle du plan et de la destination du bâtiment appuyé au mur nord de la nef.

Le décor
  • Décor mural

Lors de la dernière restauration ont été mis au jour des décors anciens :

– À l’autel de la Vierge (à gauche dans la nef), à droite du tabernacle : il s’agit d’un décor de croisillons de couleur ocre rouge sur un fond sépia ;
– À l’intrados de l’arc triomphal : un décor de rinceaux et, à la clef, d’un croisillon inscrit dans un losange ocre rouge (fig. 15) ;
– Au-dessus de la corniche du chevet, on distingue une partie peinte sur une hauteur d’un mètre environ, atteignant sous la fenêtre d’axe le niveau du haut de l’ébrasement.
– Le peintre qui a décoré les deux autels et l’intrados de l’arc s’est inspiré des motifs anciens.
– L’église conserve un tableau du XVIIe siècle représentant saint Christophe portant l’enfant Jésus.

Fig. 15. Brouqueyran : l’église. Arc triomphal. Décor ancien dégagé lors de la dernière restauration.
  • Vitraux

Les deux fenêtres de la nef proches du chevet ont reçu, en 1893 et 1897 des vitraux réalisés par Gustave Dagrand (initiales GD 1893 et GD 1897) : Côté nord, saint Jean avec, au-dessous, les armes des Drouilhet de Sigalas (le donateur se prénomme Jean-François) et la Vierge avec les armes des de Lonjon (la donatrice se prénomme Marie Stéphanie) ; côté sud, saint Pierre ès liens, patron de l’église avec les armes des Drouilhet de Sigalas et sainte Germaine de Pibrac avec les armes des de Fayolle (la donatrice est Germaine Édith de Fayolle) (Bibl. n° 5) Germaine Cousin (1579-1601) vécut à Pibrac près de Toulouse où une basilique a été édifiée en son honneur. Elle a été béatifiée par Pie IX le 7 mai 1854 et canonisée en 1867.

  • Mobilier

En 1860, il fut procédé à l’achat et à la pose d’un autel fourni par un fabricant d’autels de Bordeaux, M. Laroque (coût 300 F.) Il doit s’agir de l’un des autels secondaires. En 1863, c’est un marbrier de Bazas, M. Vardon qui fournit cette fois un autel en marbre, probablement celui que l’on peut voir encore aujourd’hui. Il en coûta 1200 F.

En 1928, la cloche fut refondue par un fondeur de Tarbes, M. Darricau (coût 3365 F).

Les restaurateurs ont eu la sagesse de conserver et de restaurer le mobilier du XIXe siècle qui a disparu dans bien des églises : chaire, confessionnal, table de communion, chemin de croix, statues sulpiciennes de la Vierge, de saint Christophe et du Sacré-Cœur. Deux nouvelles cloches ont été fondues.

Site n° 2 – Le Mirail

Repérage

Situation

a. Carte 1.25000e, 1638-est, La Réole (rév. 1982). Lieu-dit : Château du Mirail.
b. Cartes anciennes : Carte de Cassini, n° 195 : Mirail ; Carte de Belleyme, n° 34 : Mirail (château) ; Carte d’État-Major, n° 192 : Mirail Chau (château) ; Atlas départemental, n° 19 : Chau (château) du Mirail.

Cadastre : 1978 : Au Château, B 2, n° 299-301, 303-306 ; 1848 : Château du Mirail , B 2, n° 497-514.

Repérage sur le terrain

a. Nature des parcelles : parc et bâtiments.
b. Conditions d’accès : de l’église, rejoindre le CD 125, puis tourner à droite. À 550 m à droite une allée conduit au Château.

Situation administrative

Propriété privée.
Chapelle (façade, toiture et décor), cheminée formée d’un relief sculpté figurant le reniement de saint Pierre située dans la tour sud-ouest (cad W 27) classés Monument historique par arrêté du 8 février 1990.

Description géographique du site

a. Altitude : 105 m.
b. Relief : rebord de plateau.
c. Hydrographie : à 1,150 km de la rive gauche du Beuve.
d. Géologie : graviers et galets de la très haute terrasse (Carte géol., 1.50000e, XVI-38, Langon).

Identité des vestiges

a. Période : Moyen Âge, époque moderne.
b. Nature/État : château, profondément restauré.

Description

Répertoire des sources et bibliographie
Sources manuscrites

P.R.O., C 61/60, 26 juill. 1348.
Arch. dép. Gironde, 158 T 3, n° 621.

Sources imprimées 

Recueil d’actes relatifs à l’administration des rois d’Angleterre en Guyenne au XIIIe siècle, édit. Ch. Bémont, Paris, 1914, n°322, 355.

Bibliographie

Ribadieu (H.), Les châteaux de la Gironde, Paris, Dentu, 1856, p. 232-236.
O’Reilly (P. J.), Essai sur l’histoire de la ville et de l’arrondissement de Bazas, Bazas, Labarrière, 1840, p. 372-373.
Drouyn (L.), La Guienne militaire, 1865, t. II, p. 71, 74, 152, 295, 321.
Guillon (E.), Les châteaux historiques et vinicoles de la Gironde, Bordeaux, 1866-69, t. I, p. 333-336.
Société archéologique de Bordeaux…, t. XII, 1885, p. LVI.
Féret (E.), Essai sur l’arrondissement de Bazas, 1893, p. 27, 86 (famille de Marbotin-Conteneuil).
Piganeau (E.), Essai…, Soc. Arch. de Bordeaux, t. XXII, p. 70.
Rebsomen (A.), La Garonne et ses affluents de la rive gauche de la Garonne de La Réole à Bordeaux, Bordeaux, Féret, 1913, p. 138.
Biron (Dom R.), Guide…, p. 54.
Gardelles (J.), Du manoir au château fort en Gascogne anglaise au début de la guerre de Cent Ans (1337-1360) dans 100e Congrès nat. des sociétés savantes, Lille, 1986, p. 119-129.
Dictionnaire des châteaux, p. 96.
Loirette (F.), Autour d’une mazarinade sur la prise de Langon en 1652, Les Cahiers du Bazadais, n° 23, décembre 1972, p. 7.
Elzière (J. B.), Histoire des Budos, Renaissance du château de Portes, 1978, p. 104.
Le Guide des châteaux de France, 33 Gironde, présentation par Jacques Gardelles, 1985, p. 44 (Paul Roudié).
Figeac (M.), Une famille de la Noblesse d’épée du Bazadais à la fin de l’Ancien régime : les Laroque-La tour, châtelains de Coimères, Les Cahiers du Bazadais, n° 68, 1er trim. 1985, p. 29-30.
Marquette (J. B.), Bazas au temps de Pèir de Ladils, Les Cahiers du Bazadais, n° 138-139, 3e-4e trim. 2002, p. 92-99.

Plans et documents figurés

Anonyme : dessin de la façade sud-est (XIXe siècle). Bibliothèque de Bordeaux, Fonds Delpit.
Rebsomen (H.), La Garonne…, fig. 134 : porte de la chapelle (photo marquis de Fayolle).
Dictionnaire des châteaux…, p. 97 : façade sur le parc (reproduite dans Guide des châteaux, p. 44).
Carte postale : Coll. Cazaubon, Auros. Bromotypie Gautreau Langon. 1070. BROUQUEYRAN, – près Auros (Gironde) – Entrée du Château du Mirail.

Histoire (fig. 16)
Fig. 16. Brouqueyran : le château du Mirail. Extraits des plans cadastraux de 1848 et 1878.

La plus ancienne mention que nous ayons retrouvée du lieu de Brouqueyran – après celle de l’église en 1261 –, se trouve dans les reconnaissances faites au roi-duc Édouard Ier en 1274 : le 20 mars, Pierre de Gajac et ses nombreux parsonniers de la paroisse de Trazits reconnaissent tenir la stagia de Budemer ou de Buger située paroisse de Trazits pour laquelle ils doivent chaque année 3 sous morlans payables au prévôt du roi en Bazadais, le jour de la fête des saints Pierre et Paul, soit à Bazas, soit à Bolqueram ou Bolqueiram. Compte tenu du contexte géographique il ne peut s’agit que de Brouqueyran. Ce qui reste mystérieux car nous n’en avons pas retrouvé d’autre exemple, c’est la possibilité qu’ont les tenanciers de s’acquitter de leurs redevances à Brouqueyran. Il est certain en tout cas que dès cette époque cette paroisse dépendait de la prévôté de Bazas et probablement le prévôt s’y rendait-il régulièrement (S. impr.).

En 1348, Jean de La Tour seigneur de Brouqueyran reçut du roi d’Angleterre l’autorisation de reconstruire une maison-forte “domum fortem seu fortalicium” à Brouqueyran, “lieu détruit par les Français et les rebelles de Bazas” (Bibl. n° 10). Cette destruction est liée à la reprise de la guerre en Gascogne à partir de 1337, en d’autres termes avec le début de la guerre de Cent Ans. Alors que le Bazadais était à cette date sous contrôle du roi de France, le ralliement du sire d’Albret Bernard Aiz V à Édouard III aboutit à l’encerclement des villes de Bazas, Langon et La Réole par le parti anglo-gascon. Bazas possédait depuis 1339 une puissante garnison française et un capitaine énergique Thibaut de Barbazan qui ne capitulera que le 3 janvier 1347. À partir de 1345 le comte de Derby lance dans la vallée de la Garonne et ses abords une offensive qui le conduit jusqu’à Aiguillon. La Réole tombe le 8 novembre 1345 mais le château résiste quelques mois. C’est sans aucun doute à l’occasion d’une sortie de la garnison bazadaise en 1346 ou 1347 que la maison forte de Brouqueyran fut détruite : ou bien le propriétaire avait rallié les Anglo-gascons ou bien sa maison-forte fut détruite parce que jugée susceptible de constituer une base à l’occasion d’un éventuel siège de Bazas, ce qui se produisit d’ailleurs (Bibl. n° 15). Il existait donc avant 1348 une première maison-forte sur laquelle nous ne savons rien. On peut considérer, en revanche, que les parties les plus anciennes du château actuel remontent à la reconstruction de la seconde moitié du XIVe siècle. Au XVIe siècle, le domaine du Mirail appartenait à la Famille de Laroque : Raymond de Laroque, décédé en 1594, était baron de Budos et seigneur de Sainte-Croix-du-Mont, Tastes et Latour ainsi que des domaines de Coimères et du Mirail. L’un de ses fils, Jean, hérita de la seigneurie de Budos. Étienne qui épousa Jacquette de Lavie le 6 mai 1598 reçut la seigneurie de Sainte-Croix-du-Mont, les domaines de Coimères, du Mirail et la maison noble de Latour à Saint-André du Bois (Bibl. n° 13). Du mariage de leur fils Marc Antoine (+ 11 novembre 1642) avec Sibille de Suduiraut (3 mai 1640) est issue Marie qui apporta par mariage le Mirail dans une famille de parlementaires les Marbotin (Bibl. n° 2, 14) vers 1695 selon Rebsomen.

Il convient à ce propos de faire une mise au point concernant les armoiries de la famille de Got qui décorent les culots-cartouches qui portent les deux anges du retable de la chapelle du château dont la décoration date des années 1670. Ces armes “d’or à trois faces de gueules” sont accompagnées d’une croix archiépiscopale, d’un chapeau de cardinal (Clément V ne le fut jamais) et d’une tiare pontificale (fig. 17). Ces armes illustrent, selon nous, une tradition qui avait cours chez les Laroque, rapportée encore au milieu du XIXe siècle par l’abbé P. J. O’Reilly qui déclare “en 1317, Raymond de La Rocque, de Budos était allié à la maison de Got”. Expression ambiguë, s’il en est : les Laroque auraient-ils été parents des Got parce qu’ils étaient originaires de Budos ou alliés aux Budos, ou bien encore cette parenté aurait-elle une tout autre origine ? On sait que la famille de Budos fut alliée à celle de Got. Jeanne, sœur de Clément V, épousa en effet Guillaume Raymond de Budos et leur fils Raymond-Guilhem (env. 1270-1323) fut un des proches du souverain pontife (Bibl. n° 13.) D’autre part, Le 7 juillet 1571, Jacques de Budos (1537-1596), descendant au huitième degré de Raymond Guilhem, vendit à Raymond II de La Rocque, seigneur de Jauberte et de Sainte-Croix du Mont sa baronnie, terre et seigneurie de Budos avec haute et moyenne justice pour le prix de 30 000 livres (Bibl. n° 13) Raimond de Laroque, décédé le 21 avril 1594, fut enseveli dans l’église de Budos (Bibl. n° 3, p. 321). Ce n’est donc pas par alliance mais par achat que les Laroque devinrent seigneurs de Budos. Or il y a existé des Laroque-Budos dont nous ignorons s’ils ont appartenu à la même famille que celle des seigneurs du Mirail : l’un d’entre eux fut seigneur de Langon entre 1540 et 1545 (Bibl. n° 3, p. 71) après avoir aidé en 1530 les Langonnais à payer la rançon de François Ier (Bibl. n° 3, p. 74) Raimond de Laroque résidait à Langon en 1567 (Bibl. n° 3, p. 295). Même si les Laroque-Budos et les Laroque devenus seigneurs de Budos en 1571 ne sont qu’une même famille, le fait qu’ils aient été originaires de Budos n’implique pas une parenté avec les seigneurs de Budos et encore moins avec les Got. Dans ces conditions la présence des armes de Got dans la chapelle du Mirail n’est qu’un exemple parmi bien d’autres de la volonté de nombre de représentants de la petite noblesse de rattacher leur famille à d’autres familles illustres.

Fig. 17. Brouqueyran : le château du Mirail, façade est. Anonyme non daté. Dessin à la mine de plomb. Bibliothèque de Bordeaux. Fonds Delpit (cliché P. Bardou).

Au début du XIXe siècle, la famille de Marbotin vendit le château et le domaine du Mirail au baron Giresse de Labeyrie, ancien secrétaire du duc d’Angoulême, propriétaire du domaine de Labeyrie à Cudos dont il avait pris le nom. On lui doit des “restaurations” contestables (crénelage du bâtiment central, tours appendices). Le domaine passa ensuite à M. Martère, enfin à la famille Drouilhet de Sigalas (avant 1866) (Bibl. n° 4).

Le château aurait connu des moments difficiles, en 1651 de la part des soldats du régiment de Galapian, puis en 1793.

Si l’on en croit l’abbé O’Reilly, il fut “démoli par les soldats de Galapian”. Selon E. Guillon, “en 1651, les Langonnais, battus par le marquis de Galapian, se sauvèrent à Coimères et au château du Mirail. Galapian les y poursuivit avec ses troupes, brisa les portes du château et y pénétra, le fer et la flamme à la main ; une partie des réfugiés y périrent par le glaive le reste se sauva à travers champs”. Quant à E. Féret, il prétend que “le château fut alors pillé et incendié par les Frondeurs bordelais”. Il semblerait donc qu’en 1651 le château souffrit énormément. Aucun de ces auteurs n’indiquant ses sources, s’agirait-il d’une information orale et que doit-on en penser ? En septembre 1651, Langon ayant refusé d’adhérer à l’Union contre Mazarin, à l’inverse de Bordeaux et de la plupart des villes de Guyenne, eut à subir une occupation militaire de plus en plus lourde : d’abord celle des gardes de Condé, gouverneur de Guyenne puis celle de nombreux corps de troupes. La ville eut à loger parfois de sept à huit régiments en même temps. L’un deux, celui de Galapian, a laissé une sinistre réputation. Ses soldats “demeurèrent trois mois vivant à discrétion, frappant et assommant les habitants dès qu’ils paraissaient dans les rues, et pillant tout ce qu’ils trouvaient”. De nombreux Langonnais durent “abandonner leurs maisons, se rendre fugitifs et chercher ailleurs et leur vie et leur sûreté, pour se garantir d’un si grand nombre de cruels ennemis” (Bibl. n° 12). Ces Langonnais se réfugièrent-ils au château du Mirail, les soldats de Galapian les y poursuivirent-ils ? Nous n’avons pu retrouver de témoignages sur cet épisode. Compte tenu des restaurations entreprises au cours des années suivantes il est fort possible que le château ait alors subi quelques dommages.

H. Ribadieu a rapporté, d’autre part, une tradition sur la manière dont les Révolutionnaires s’en seraient pris au château du Mirail. “Légende apocryphe” selon E. Guillon, bon exemple en tout cas de ces travestissements de l’histoire que l’on trouve dans les ouvrages du XIXe siècle. Selon H. Ribadieu “lorsque les bandes populaires, soulevées par la tempête révolutionnaire, se ruèrent contre les châteaux l’une d’elles attaqua le château du Mirail, le dévasta et se porta vers la chapelle”. Arrivant devant l’entrée, l’un des “profanateurs” leva son marteau sur l’une des deux statues ornant la clôture ; la statue “s’ébranla sur son socle et, abandonnant son piédestal, vint tomber sur la jambe du sacrilège !” La troupe épouvantée s’enfuit “et la chapelle échappa ainsi aux dévastateurs”. E. Guillon parle des statues des quatre Évangélistes ; en fait, il n’y a que deux statues : la Justice et la Force. Nous ignorons si le château fut l’objet de pillages, mais il est certain, en revanche, qu’il fut menacé de destruction, comme en témoigne l’arrêt pris à Bazas le 15 octobre 1793 par Isabeau et Tallien, représentants du peuple délégués dans le département de la Gironde. Ils arrêtent que les châteaux dont la désignation suit “seront incessamment démolis en se conformant à toutes les dispositions de la loi qui ordonne cette démolition, savoir qu’on abattra seulement les tours, donjons et ponts-levis et généralement tout ce qui peut servir de fortification et de lieu de défense aux brigands et aux conspirateurs, en conservant les logis habités et tout ce qui sert à l’exploitation des biens de campagne et surtout en respectant les propriétés”. La démolition des fortifications devait appartenir aux citoyens qui s’emploieront à ce travail. En fait, il s’agissait de démolir les fortifications et de combler les fossés : le château de Brouqueyran figure avant-dernier de cette liste entre le château de Cours (la commanderie de Malte) et Barbuscan (dans la commune de Grignols). Si nous avons rapporté les termes précis de cet arrêt, c’est parce que, selon Édouard Guillon, “les tours du château furent rasées au niveau de l’édifice conformément à la loi”. Certes, c’est ce que suggère un dessin anonyme du milieu du XIXe siècle, antérieur aux transformations que connut par la suite l’édifice (fig. 17). Mais nous ne sommes pas certain que les tours étaient en 1789 coiffées d’une toiture en éteignoir comme l’étaient celles de Roquetaillade dans les années 1840. En tout cas, il convient d’écarter les propos d’Édouard Féret qui prétend qu’au lendemain de la Révolution le château ne présentait plus que des ruines.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le terme de “château” le Mirail ne fut jamais le siège d’une juridiction mais seulement une maison-forte transformée en résidence au centre d’un domaine.

Description (fig. 18)
Fig. 18. Brouqueyran : le château du Mirail, façade est, vers 1910. Carte postale, éditions Gautreau, Langon.

Il n’existe pas d’étude sur le château du Mirail, aussi nous nous en tiendrons à quelques observations. Le château se présente aujourd’hui comme une ensemble de bâtiments comprenant un corps de logis central (50 m x 14 m) et des ailes en retour délimitant une cour (20 x 40 m) ouverte vers le sud-est. Des bâtiments annexes ont été établis aux extrémités des ailes ainsi que du côté nord où ils définissent une cour secondaire.

Ces constructions remontent à plusieurs époques. La partie centrale, de plan barlong (25 m x 19 m env.), cantonnée de tours rondes, avec trois niveaux d’ouvertures, considérablement restaurée constitue la partie la plus ancienne. Selon P. Roudié, il ne subsisterait de l’édifice du milieu du XIVe siècle “qu’un mur très épais”, mais s’agit-il de tous les murs du bâtiment central ou seulement de l’un d’entre eux ? Les tours d’angle et le troisième niveau ont été ajoutés au bâtiment originel, les ouvertures sont modernes. L’aile nord correspond à une galerie couverte de voûtes d’arêtes conduisant à la chapelle “un des plus beaux ensembles baroques de la région” (P. Roudié) qui a été édifiée dans les années 1660-1672 par Pierre de Marbotin (article joint) (fig. 19). Le corps de bâtiment central fut restauré à la même époque comme en témoigne un escalier en vis, une cheminée de pierre dont le manteau est orné d’un reniement de saint Pierre en relief, une belle cheminée de bois de la même époque. Les autres bâtiments sont plus récents : ceux qui sont situés à l’est à l’extrémité des ailes auxquels s’appuie la grille de la cour existaient en 1848 ; par contre, les annexes du nord sont postérieures à 1850. Les crénelages qui couronnent les tours et le bâtiment central, la tour de l’angle sud-ouest de la cour datent du milieu du XIXe siècle.

Fig. 19. Brouqueyran : château du Mirail, galerie du nord conduisant à la chapelle, façade est (cliché M. J. Filleau).

Notes

  1. Deux recensements ont été publiés dans les Cahiers du Bazadais. Ils concernent la commune de Captieux, n° 145, 146, 2e et 3e trim. 2004 et celle de Cauvignac, n° 157, 2e trim. 2007.
  2. Féret (E.), Statistique généraledu département de la Gironde, Bordeaux, Féret et fils, 1874-79, t. II, p. 30.
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EAN html : 9782356136572
ISBN html : 978-2-35613-657-2
ISBN pdf : 978-2-35613-658-9
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
24 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, Jean Bernard, “Brouqueyran. Approche archéologique”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 2, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 1421-1444 [URL] https://una-editions.fr/brouqueyran-approche-archeologique
Illustration de couverture • D’après Villandraut : ruine de la tour située à l’angle sud-est de l’ancienne collégiale (dessin, 1re moitié du XIXe siècle. Arch. dép. Gironde 162 T 4).
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