Un système d’analyse adapté au corpus
Les ressources théoriques
Si l’on veut appréhender les relations préférentielles entres les objets de parures et la signification que leur port revêtait pour les peuples qui en avaient l’usage, l’archéologie protohistorique ne peut faire appel qu’aux indices laissés par les défunts dans leur tombe. C’est cette approche qui est privilégiée notamment par P.-Y. Milcent pour l’étude des tombes du Centre de la France, par B. Dedet pour celles des Grands Causses du Gévaudan au Premier âge du Fer et par E. Millet pour celles de la région du Rhin moyen et supérieur du Ve au IIIe a.C.1. Leurs résultats tendent à identifier des types de “costumes funéraires” qui se trouvent le plus souvent catégorisés selon le sexe des défunts : en schématisant, les tombes richement pourvues en parures annulaires accompagneraient plutôt des individus féminins tandis que la rareté de ce type de parure et la présence d’armes dans les sépultures correspondraient exclusivement aux hommes. Le nombre et/ou le type de parures déposés en contexte funéraire serait donc corrélé au sexe ou au statut des défunts. Il s’agirait par ailleurs de personnes issues de l’élite sociale, investis de charges politiques et militaires. Cependant, cette grille de lecture se trouve confrontée à diverses critiques théoriques pour lesquelles on ne peut apporter que peu de preuves matérielles.
1. Les limites interprétatives
Si l’analyse des dépôts funéraires semble s’approcher au plus près des individus qui composent les sociétés protohistoriques2, elle porte en elle une multitude de problèmes et d’interrogations qui restent pour l’heure difficilement solubles. Un des principaux écueils vient du fait qu’on a souvent tendance à considérer le monde des morts comme l’exact reflet de celui des vivants. Or, depuis près d’une décennie, des travaux ont mis en lumière les limites méthodologiques de ce raisonnement et les erreurs interprétatives qui en découlent.
Concernant le lien qui est fait entre les types objets déposés avec le défunt et le sexe de ce dernier, les arguments les plus critiques ont été formulés en par P. Boissinot3. Invoquant l’exemple ethnographique des populations du Darlac au Vietnam, il tente de montrer que la grille de lecture communément utilisée dans la protohistoire européenne est trop simpliste car elle ne tient pas compte de “[…] l’extraordinaire complexité des pratiques autour de la mort, lesquelles peuvent laisser des traces à l’intérieur et autour de la tombe, parfois dans des lieux que l’on ne soupçonne même pas et en dehors de tout vestige de cadavre”4. Il rappelle que les objets qui accompagnent le défunt dans la tombe sont le fait d’une multitude de pratiques comme le dépôt d’un costume cérémoniel exceptionnel, la volonté de calmer les mauvais esprits et qu’ils peuvent dépendre des circonstances de la mort. Ces codifications des rites funéraires constituent donc des clés de compréhension qui échapperaient à l’archéologie. Dès lors, les objets de la tombe ne traduisent pas, ou pas systématiquement, une sorte de “biographie” du défunt et de ce qu’il a été de son vivant. In fine, l’auteur émet des réserves sur l’approche sexuée des tombes promue par B. Dedet et critique le fait que ce dernier en vient à qualifier la plupart des parures comme nécessairement “féminines”5.
La thèse récente réalisée par C. Bélard répond en partie aux remarques faites par P. Boissinot6. À partir d’ensembles funéraires datés entre VIe et le IIIe a.C. de Champagne, elle propose une méthode d’analyse en archéologie funéraire fondée sur la notion de “genre”7. Dans la continuité d’une thématique de recherche débutée au milieu des années 19908, son approche tend à démontrer qu’une simple distinction sexuelle entre hommes/femmes et l’attribution de “marqueurs sexuels” à certaines catégories d’objets n’est plus recevable. Il résulte de ses travaux que la reconnaissance d’un homme ou d’une femme dans les tombes varie selon la classe sociale à laquelle appartenait le défunt mais aussi selon son âge au décès. Si quelques catégories d’objets peuvent effectivement être corrélées avec le sexe anatomique du mort, d’autres ont plutôt trait à sa valorisation hiérarchique au sein de la société. Les travaux de C. Bélard réintroduisent donc “l’extraordinaire complexité des pratiques autour de la mort” évoquée par P. Boissinot tout en proposant une grille d’analyse sur la place des objets de parures dans la syntaxe du “costume funéraire”.
C’est également à partir de doutes sur la valeur que l’on peut accorder aux objets déposés dans les tombes que L. Baray interroge les méthodes d’analyses visant à identifier le statut social des défunts9. Critiquant une archéologie “[…] dans la mouvance d’une histoire positiviste”, il dénonce la démarche qui consiste à expliquer la présence de chaque objet dans une sépulture en référence à une activité spécifique directement associée au mort10. D’après lui, la tombe est une mise en scène idéologique offrant l’opportunité aux individus de se montrer à leur avantage. Elle ne constitue donc pas un reflet fidèle de ce qu’était une personne avant son décès. L’absence de manifestation ostentatoire du pouvoir dans les dépôts funéraires d’une période et d’une région ne traduisent donc pas nécessairement une faible hiérarchisation au sein de la société. Il est tout à fait possible que certains peuples, même pendant une courte période, aient pu pratiquer une politique de redistribution des biens du mort. Ainsi, le statut de défunt peut échapper à l’analyse archéologique du fait de l’absence de “richesse archéologique” dans les sépultures. Dès lors, L. Baray remet en question les diverses méthodes utilisées par les protohistoriens pour caractériser la hiérarchisation sociale au sein des populations de l’Âge du Fer et son évolution au cours du temps.
2. Du port réel des parures
Ces doutes et les questions rapportés par les auteurs que l’on vient de citer demeurent, pour la période et le contexte, difficilement contestables. L’un des points récurrents qui émerge en filigrane de toutes ces interrogations est de savoir si les objets dits “personnels” déposés avec le défunt lui ont réellement appartenus et, dans ce cas, s’ils peuvent dans une certaine mesure définir le statut social, l’âge, le genre, ou l’activité de l’individu. Pour ce qui est du mobilier de parure, si l’on ne peut bien évidemment pas distinguer son usage par un tiers plutôt que par le défunt lui-même, on dispose toutefois de quelques indices qui laissent penser que des objets ont été réellement portés. Cela tend à dissiper les doutes sur la présence dans les dépôts funéraires d’objets d’accompagnement spécialement fabriqués ou utilisés à l’occasion de la cérémonie mortuaire.
Le premier indice concerne les marques d’usure relevées sur les parures annulaires de grande taille, comme les torques ou les bracelets. Ce phénomène a été fréquemment observé sur de nombreuses pièces. Il se traduit par une section de la tige nettement émoussée au niveau des “zones d’appuis” de l’objet, c’est-à-dire sur la face interne pour un bracelet ou à cheval sur les faces inférieures et internes d’un torque. Il est particulièrement prégnant sur des parures dont la section d’origine était plutôt anguleuse, comme les torques à tige cannelurée (To.14) ou les bracelets à ouverture simple et section quadrangulaire (Br.1.B et Br.5.B). On fera remarquer cependant qu’il est peu évident d’estimer le temps d’usage nécessaire pour obtenir cet effet d’usure compte tenu des facteurs devant être retenus : type, qualité des matériaux et emploi fréquent ou ponctuel de l’objet.
Pour les torques disposant de ce type de traces, on est en droit de s’interroger sur la manière dont les modèles fermés été enfilés autour du cou. Selon C. Breton, la parure doit être pourvue d’un diamètre externe supérieur à 19 cm afin d’être amovible chez un adulte de taille moyenne11. Or, l’unique individu inventorié, déposé dans la sépulture 1052 de la nécropole du Causse (n° 305), possède un diamètre externe de 12 cm12. Cette valeur, bien inférieure aux prérequis nécessaires pour que le torque puisse être porté/retiré régulièrement, suggère soit qu’il était porté par un sujet immature, soit que le porteur l’avait reçu étant jeune et qu’il l’a porté constamment par la suite, sans possibilité de l’enlever. Les données anthropologiques étant inconnues pour cette tombe, on ne peut trancher en faveur de l’une ou l’autre proposition. Le cas des torques ouverts ou à système d’ouverture/fermeture est plus complexe. Si ceux à tige fine et aux terminaisons bien écartées ne s’opposent pas à un port et un retrait régulier, il n’en va pas de même pour ceux à tige massive et dont les terminaisons se trouvent rapprochées. En effet, la rigidité de la tige et la tension que celle-ci subit lors de l’écartement des extrémités laisseraient, à terme, une trace de torsion, voire même affaibliraient cette dernière vers les extrémités, jusqu’à casser. Parmi les nombreux torques à tige à cannelures et à tampons (To.14) découverts dans les environs de Mont-de-Marsan, l’objet n° 118, en bon état de conservation13, dispose d’un diamètre interne de 11 cm et d’un écartement entre les tampons d’environ 5 cm. Cette faible distance entre les terminaisons et l’absence de traces de torsion induites par un écartement répété de la tige suggèrent donc qu’il était porté soit pas un individu gracile, probablement très jeune, soit par un adulte depuis son jeune âge14. Néanmoins, il faut admettre qu’en l’absence d’informations anthropologiques fiables sur les porteurs de ces torques, les propositions évoquées n’ont que valeur d’hypothèse15.
Le second indice d’usage des parures concerne les divers objets dont la fonction première a été détournée. On peut penser qu’ils ont été réemployés comme élément d’ornementation après avoir été brisés. Deux parures réutilisées en pendeloque ont été inventoriées (Pen.7). Pour rappel, la première est composée de deux têtes d’épingles et de leur départ de tige tordu de façon à former deux anneaux rattachés l’un à l’autre, tandis que la seconde est une fibule dont le ressort cassé a été repris de façon à jouer le rôle d’anneau de suspension16. On peut rapprocher de ce phénomène de réemploi de parures de celui de réajustement constaté sur certaines pièces et que l’on observe surtout dans les sépultures d’enfant. En effet, dans plusieurs sépultures d’immatures, on retrouve régulièrement des bracelets qui étaient vraisemblablement destinés à des individus de taille adulte mais dont le diamètre interne a été réduit afin de convenir à un sujet de plus petite taille. Ce réajustement est visible par le chevauchement des extrémités, comme pour le bracelet de la sépulture 37 de la nécropole du Truc du Bourdiou à Mios (n° 168)17.
Enfin, le troisième et dernier indice de l’usage des parures est probablement le plus évident de tous. Il s’agit de réparations appliquées sur quelques pièces du corpus : des agrafes de ceinture, des torques et une fibule (fig. 86). Il est possible d’identifier différents types de reprises qui varient vraisemblablement selon la façon dont les objets ont été brisés. Le premier consiste à ajouter une plaque de métal maintenue par des rivets afin de réunir les deux parties brisées de l’objet. Cette pratique a été observée sur trois agrafes de ceintures, aussi bien en France qu’en Espagne. Dans chaque cas, la cassure (et sa réparation) apparaît sur les points sensibles à la tension, c’est-à-dire soit sur la plaque, au niveau où l’échancrure est la plus prononcée, soit pour rattacher à la plaque le bras dessiné par les évidements, soit enfin vers le départ du crochet. Si la plaque de métal ajoutée est en fer pour l’agrafe de ceinture en alliage cuivreux de la nécropole du Frau à Cazals (site n° 326), on ne connait pas le matériau de celles ajoutées sur les autres pièces provenant des contextes espagnols. On rencontre également une technique de réparation très proche appliquée sur la tige d’un torque de dépôt des Arz à Uchentein (site n° 97). Cette dernière ayant été cassée entre la fin de la torsade de section ronde et le début de l’extrémité recourbée de section quadrangulaire, cette zone a été aplatie, probablement par martelage, afin que les bouts puissent être superposés. Le tout semble ensuite avoir été serré par une sorte de bague en alliage cuivreux qui devait être maintenue par un rivet, comme le suggère l’empreinte en forme d’encoche visible sur l’extrémité de la partie torsadée. Un autre type de réparation, dont il semblerait qu’il n’implique qu’un simple rivet en fer scellant les deux extrémités de la brisure, est observable sur l’arc d’une fibule à double ressort (Fi.5) de la nécropole La Umbría à Daroca (n° 78). Enfin, dans l’étude des torques des nécropoles du Castrais, les auteurs rapportent que l’une des extrémités de l’exemplaire déposé dans la sépulture 339 a été raccourcie puis tordue pour former un recourbement plutôt qu’un crochet comme cela devait être le cas à l’origine18.
Pris ensemble, ces indices d’usure, de réemploi et de réparation laissent penser que, loin de constituer des artefacts fabriqués pour un usage ponctuel (à vocation rituelle), ces parures étaient utilisées pendant une plage de temps relativement longue qui reste, pour l’heure, difficile à mesurer. Dans tous les cas, ils témoignent de la volonté de prolonger la durée de vie de ces objets. Dès lors, on peut légitimement penser que ces parures avaient pour leur propriétaire une valeur qui dépasse leur seul aspect uniquement fonctionnel. Dans le cas contraire, elles auraient été remplacées par des pièces identiques mais en meilleur état. En outre, leur valeur économique, surtout si l’on se réfère au poids de métal engagé dans les grandes pièces ou au riche travail de décoration dont elles ont fait l’objet, pouvait constituer un facteur limitant pour leur remplacement. Une réparation devait être moins onéreuse que sa substitution par une pièce neuve identique. Cela n’exclue évidemment en rien le fait que ces objets pouvaient aussi revêtir pour leur propriétaire une charge symbolique et démonstrative, comme une preuve de hauts faits, une indication généalogique ou un statut social spécifique. S’il demeure impossible de savoir quelles valeurs se cachent derrière l’usage prolongé de ces parures, il n’en demeure pas moins que les indices révélés ici dénotent une importance accordée non pas uniquement à ce que représente ce mobilier, par sa morphologie et sa décoration, mais surtout à l’objet individuel même, sans quoi il aurait été aisément remplaçable.
Peut-on pour autant considérer que toutes les parures du corpus, ou du moins, celles mises au jour en contexte funéraire, ont été utilisées régulièrement par leur propriétaire ? Tout d’abord, les traces avérées d’usure, de détournement et de réparation portent sur un contingent relativement faible. Il serait délicat de faire de ces quelques artefacts la règle pour tous les autres dont on ne saurait être catégorique quant à leur usage fonctionnel réel. Ensuite, on a eu l’occasion de rencontrer au cours de l’étude typologique des objets dont on peut sérieusement douter de leur port réel, ou du moins régulier en dehors d’événements particuliers. On se référera notamment aux épingles de plus de 20 cm de long ou aux parures pectorales à fil spiralé (Pec.2) dont la grande taille devait entraver fortement les mouvements de son propriétaire, ce qui paraît contraire à un usage quotidien. De plus, bien que l’on n’ait pas enregistré cette donnée, il faut penser au poids des éléments les plus volumineux, comme l’anneau de jambe à glissière de Montfumat à Saint-Ybard (n° 135), d’autant qu’ils accompagnent un costume souvent déjà bien fourni en parures19. Cette information est un argumentaire supplémentaire invitant à relativiser le port quotidien de certaines parures.
Enfin, si les bracelets réajustés pour convenir à la taille d’un individu immature indiquent que ces derniers devaient être réellement fonctionnels, ils témoignent dans le même temps, par les traces d’usure qu’ils comportent, d’un phénomène de transmission de l’objet à son destinataire final par son ou ses anciens propriétaires qui ont plus durablement usé la parure. Dès lors, plusieurs hypothèses peuvent être proposées. La première est que par leur aspect amovible, les parures peuvent être transmises et connaître plusieurs propriétaires avant leur abandon. La seconde laisse penser que ce n’est qu’à partir d’un certain âge que les individus devaient disposer de leur propre panoplie exclusive.
Toutes ces considérations d’ordre théorique ou factuel questionnent profondément la notion “d’objets personnels” que l’on attribue communément aux mobiliers déposés dans les tombes. Elles conditionnent le type d’analyse que l’on peut s’autoriser à pratiquer sur les assemblages de parures en contexte funéraire et, surtout, les interprétations et les conclusions que l’on peut en retirer. Bien évidemment, il demeure impossible de déterminer si tel ou tel objet à réellement appartenu au défunt qu’il accompagne ou si sa présence résulte d’un ensemble de gestes et de codes symboliques complexes. Malgré tout, on considérera pour la suite de cette étude que, compte tenu des limites interprétatives exposées en amont, les assemblages de parures devront être compris comme polysémiques, c’est-à-dire reflétant une intention volontaire et la signature culturelle d’un individu et/ou d’un groupe à instant T. Cette définition volontairement large et englobante, suffira déjà à dégager de grandes tendances typologiques des costumes funéraires, tant d’un point de vu morphologiques que géographiques et chronologiques dans la zone d’étude.
Base documentaire
Pour mener à bien l’étude des assemblages de parure, on s’appuiera sur les contextes funéraires dont le contenu peut être considéré comme complet20. Afin de ne pas parasiter la compréhension de ces assemblages individuels, on a écarté toutes les sépultures double ou multiples chaque fois que celle-ci ont été identifiées21. Une fois ces prérequis établis, on obtient un corpus de 614 tombes.
Une première observation concerne le semis de points sur la carte de distribution des sites concernés et le nombre de sépultures que chacun renferme (fig. 87 A). Comme on pouvait s’y attendre, la majorité de l’information disponible se trouve concentrée dans quelques nécropoles, qui ont livré le plus grand nombre de parures à savoir celles de Gourjade (n° 298), du Martinet (n° 299), du Causse (n° 305), du Camp de l’Église Nord et Sud (n° 207), d’Herrería (n° 19) et d’El Castejón (n° 34). À elles seules, les trois nécropoles du Castrais comptent 327 sépultures fiables à parures, soit plus de la moitié du corpus retenu. Ce constat tend à expliquer le grand nombre d’ensembles datés des Horizons 1 et 2, alors que le reste du corpus s’exprime nettement moins pour l’Horizon 2 et un peu mieux pour l’Horizon 3 (fig. 87 B)22.
La seconde observation concerne les rites funéraires rencontrés. Sans surprise, avec 17 tombes, l’inhumation représente une très faible part des contextes fiables rassemblés, tous les autres étant des incinérations (fig. 87 C). Ce constat complique les informations anthropologiques qu’il est possible d’obtenir puisque la diagnose sexuelle s’appuie initialement sur l’étude de l’os coxal et permet une détermination fiable à plus 95 %23. Cet élément étant rarement présent dans le cas d’une incinération, l’étude ostéologique se porte alors sur l’aspect “massif” ou “gracile” des restes qui, respectivement, pourraient correspondre à sujet masculin ou féminin. Toutefois, cette méthode offre moins de certitude dans la mesure où elle ne dit rien sur les variations morphologiques individuelles : un squelette gracile peut tout aussi bien appartenir à une femme qu’à un adolescent. Le plus souvent, les anthropologues ne donnent donc qu’une indication lorsque l’observation de l’os coxal est impossible24. C’est pour cette raison que la détermination sexuelle n’est que très rarement connue en contexte funéraire d’incinération. Dans le contingent, seulement 16 sujets féminins (12 incinérations et 4 inhumations) et 6 sujets masculins (2 incinérations et 4 inhumations) ont pu être identifiés (fig. 87 D). Pour ce qui est de l’estimation de l’âge au décès, les spécialistes ont recourt à l’évaluation du stade d’éruption dentaire et au stade d’évolution de maturation du squelette post-crânien pour les individus immatures. Au-delà de la deuxième décennie, l’âge au décès n’est plus mesurable compte tenu de la disparition des marqueurs d’immaturité. L’analyse se reporte alors sur la reconnaissance des indices de vieillissement, comme les pathologies dégénératives25. L’estimation de l’âge au décès est une mesure plus aisément réalisable, même en contexte d’incinération. Pour cette raison, cette donnée est mieux rapportée que ne peut l’être la diagnose sexuelle dans le corpus puisque l’on dispose de cette information pour plus de la moitié des défunts (fig. 87 E). Les classes d’âges que l’on a créées suivent celles recommandées par H. Duday et employées pour l’étude ostéologique des sépultures du Midi de la France et du Castrais26. Toutefois, on s’est permis une légère modification car, pour une question de représentativité et de manière à intégrer les autres études parfois moins précises, on a rassemblé en une seule classe les catégories biologiques Infans I (7 mois à 6 ans) et Infans II (7 à 14 ans). Ainsi, on observe pour le corpus l’absence de sujets périnataux, une faible représentation des individus immatures (Infans I-II et adolescents) et une très nette domination des individus adultes avec 318 sépultures rencontrées27. Cette dichotomie dans la représentation des sujets immatures et matures ne s’explique pas uniquement par le filtre d’étude concentré sur le mobilier de parure – les défunts immatures pouvant par exemple être moins nombreux que les adultes à porter des parures. Il s’agit surtout d’un phénomène touchant plus globalement le recrutement funéraire au sein des nécropoles régionales28.
De ce bref état des lieux des données dont on dispose, il ressort qu’une grande partie des clés de compréhension du costume funéraire pourrait rester insaisissable : corrélations entre âge/sexe et type de parure, port symétrique ou asymétrique des compositions d’apparat et détermination des zones d’appuis du mobilier sur le défunt. De fait, des études précises sur la place des parures dans le costume funéraire sont irréalisables pour la zone géographique retenue29. Malgré ce constat, il est tout de même possible de dégager de grandes tendances porteuses de sens.
Méthode d’analyse
Parmi les différentes étapes de tri et de sélection des informations réalisées, la première étape a été de rassembler dans un tableau de comptage tous les objets dits “personnels” pour chacune des 614 sépultures. Ce terme d’objet “personnel” recouvre toutes les catégories fonctionnelles de mobilier qui sont susceptibles d’avoir réellement pu appartenir au défunt et comprend :
- les parures
- les armes offensives et défensives
- l’outillage (couteau, fusaïole, aiguille, scalptorium et rasoir)
- des objets divers (éléments de chaînette, figurine, bille, silex, pierre à aiguiser)
N’ont pas été retenus lors de ce décompte le nombre de vases d’accompagnement et les restes fauniques du fait, évident, qu’ils ne participent pas au “costume funéraire” du défunt.
Lors de l’étape suivante, le nombre de catégories fonctionnelles conservées et les effectifs que chacune d’entre elles représentaient sur la totalité du corpus de tombes conduit à réduire leur nombre en associant plusieurs de ces catégories et en en excluant d’autres. En effet, malgré la première étape de tri, beaucoup de catégories comptaient trop peu d’effectifs ce qui aurait pour conséquence de parasiter la synthèse des assemblages de parures par la présence de données résiduelles ou “exceptionnelles” sur la totalité du contingent. Le but est de dégager des caractères forts afin de maximiser les chances d’identifications de structures cohérentes des costumes funéraires. On peut résumer dans un tableau les retraits ou les associations de catégories qui ont été faits et les arguments sous-jacents à cet exercice (fig. 88). Toutefois quelques précisions sur certains de ces ajustements doivent être apportées.
Les pièces d’armements ont été rassemblées dans seulement deux catégories qui différencient d’un côté les armes de poing, comme les épées et les poignards, ou leurs traces indirectes, telles que les éléments de fourreaux, et de l’autre les armes d’hast, tels que les éléments de lance ou les pointes de flèches. En raison de leur caractère ambivalent, à mi-chemin entre un usage en tant qu’arme ou comme outil, les couteaux ont été isolés et n’ont pas été associés à de l’armement. Les parures annulaires de petit format comme les anneaux ou les perles ont été rassemblées en une seule et même catégorie dans la mesure où l’on a pu démontrer que leur usage et leur morphologie pouvaient être similaires ou, du moins, difficilement discernables. En revanche, il semblait important de créer une distinction entre les sépultures ne contenant qu’un seul de ces types de parures et celles pourvues de lots dans la mesure où les grandes quantités de perles ou d’anneaux découverts en grappe pouvaient signaler le vestige d’une autre catégorie d’objet non conservée, par exemple un collier. Enfin, on a rassemblé sous le vocable “bracelets en armilles” les quelques brassards constitués de plusieurs éléments attachés les uns aux autres. On y a aussi ajouté les fragments de bracelets lorsque ces derniers étaient découverts en nombreux lots. En effet, puisqu’il est impossible de déterminer le nombre de bracelets réellement compris parmi ces fragments mais que ces derniers témoignent toutefois de la présence de plusieurs bracelets dans une même tombe, il semblait préférable d’y voir la possibilité d’un port “en armilles”30. En admettant une certaine marge d’erreur, cette solution méthodologique permet ainsi de récupérer l’information et de conserver l’effectif de sépulture plutôt que d’en évincer un trop grand nombre.
À partir de cette base documentaire, plusieurs méthodes d’analyse ont été utilisées pour traiter l’information. Parmi toutes les analyses effectuées et après de nombreuses tentatives et échecs, l’analyse factorielle de correspondance (AFC) est la méthode qui offre les meilleurs résultats et qui s’est avérée la mieux à même de répondre à la problématique31. C’est donc sur elle que s’appuiera la réflexion que l’on va dès maintenant présenter.
Analyse des assemblages de parures dans les tombes
Présentation générale des résultats de l’AFC
L’AFC a permis d’ordonner 612 contextes funéraires fiables32. L’observation du comportement des variables sur le premier plan factoriel (F1-F2) reflète une distribution cohérente (fig. 89 A). On perçoit en effet que l’axe F1 distingue les épingles des anneaux ou perles en lots tandis que l’axe F2 différencie surtout les parures annulaires des parures vestimentaires, des outils et des armes.
L’une des premières constatations importantes est que la distribution de points le long des axes ne forme pas de double parabole (des sépultures et des variables), aussi appelée “effet Guttman”, ce qui indique que l’information traitée ne témoigne pas d’un caractère chronologique33. Une lecture dans le détail de la dispersion des sépultures montre que les données ne sont pas non plus organisées d’après un caractère géographique ou culturel.
Le second élément résultant de la lecture rapide de la projection est de loin plus intéressant. En effet, le nuage de points ne dessine pas de concentrations de sépultures en groupes nets qui traduiraient une typologie d’assemblages des catégories fonctionnelles limitée et standardisée. Comme l’avait déjà laissé supposer l’échec des diverses méthodes de classification réalisées en amont, la dispersion des sépultures témoigne d’une forte individualisation des costumes funéraires. À l’exception de quelques assemblages récurrents sur lesquels on reviendra, on peut dire qu’il n’existe pas de costumes funéraires types pour une période ou une région de données. Les assemblages ne sont pas nettement regroupées par la présence ou l’absence de quelques variables. Bien au contraire, les tombes du corpus connaissent une grande variabilité de types d’assemblages malgré le peu de variables retenues. Ce phénomène de singularité des assemblages, et notamment de parures, a déjà été observé pour les inhumations des nécropoles de Champagne au Ha D2/3. Pour C. Bélard, cela témoignerait du fait que :
“Les objets de parure sont donc des éléments aussi actifs socialement que les autres types d’objets déposés dans les sépultures. Ils sont utilisés dans l’édification d’un véritable système codifié qui permet de créer et de discerner plusieurs catégories sociales de défunts”34.
Puisqu’il n’existe pas de costumes funéraires types que l’on accolerait aisément à un statut social ou à des données anthropologiques, il faut donc plutôt raisonner de manière à identifier des tendances générales pouvant faire émerger des profils d’assemblages.
Distinction des profils d’assemblages
Bien que la projection de l’AFC n’offre pas l’opportunité d’identifier des groupes nettement marqués, il est toutefois possible d’y reconnaître plusieurs profils généraux (lettres) dont les variantes peuvent dans certains cas être identifiées (chiffres) (fig. 89 B). Avant de présenter ces profils d’assemblage, on fera remarquer que cette analyse ne tend pas à proposer une grille de lecture permettant d’identifier un type de costume funéraire précis selon que ce dernier contient, par exemple, n bracelets et n fibules. On parlera plutôt de “profils d’assemblage”. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un profil d’assemblage se définit principalement par la présence de parures annulaires que pour autant il ne comprend pas des catégories fonctionnelles rencontrées dans d’autres profils, ou encore que la présence de parures annulaires soit exclusive à ce profil35.
1. Profil d’assemblage A
(Annexes 3 : Liste 14.1)
Le premier profil identifié rassemble le plus grand nombre de sépultures du corpus avec 204 individus. Il s’agit de contextes funéraires dominés ou comprenant exclusivement des parures annulaires : des anneaux ou des perles à l’unité ou en lots, des bagues ou des boucles d’oreilles, des bracelets, des bracelets en armilles et des torques. La parure vestimentaire n’est pas en reste puisque les boutons se trouvent plus souvent associés aux catégories précédemment citées. C’est par la présence de fibules et d’agrafes de ceinture que l’on peut proposer une subdivision de ce groupe de tombes avec d’un côté le sous-groupe A1, qui comprend les tombes très nettement marquées par la parure annulaire, et de l’autre le sous-groupe A2, qui renvoie à des sépultures toujours bien pourvues en parures annulaires mais accompagnées de l’un ou de ces deux accessoires vestimentaires, comme c’est le cas par exemple dans la sépulture 2 du tumulus 1 de la nécropole du Pech de Cramazou à Calès (n° 197)36. Par ailleurs, pour les tombes pouvant être rattachées à ce groupe A, on relèvera que les anneaux ou perles unitaires, les bracelets en armilles, les chaînettes, les fusaïoles et les outils de toilettes ont une plus forte tendance à être déposés dans des tombes comprenant une fibule et/ou une agrafe de ceinture (profil A2) plutôt que dans celles pourvues exclusivement en parures annulaires (profil A1).
Malgré la singularité des assemblages qui a pu être observée, autant par les catégories fonctionnelles qu’ils renferment que par leur type, on peut relever des récurrences pour des sépultures du sous-groupes A1 (fig. 90 A). Elles concernent en premier lieu les contextes funéraires comprenant une seule catégorie d’objet, comme un torque, mais surtout un lot d’anneaux ou de perles ou encore un ou deux bracelets, qui constituent les assemblages les plus fréquents. Pour autant, des dépôts plus complexes, comptant deux ou trois objets, sont aussi observés. Ils peuvent comprendre un bracelet d’armilles et un lot d’anneaux ou de perles, comme dans la tombe 137 de la nécropole d’Herrería (n° 19)37, ou un lot d’anneaux ou de perles associé à un bracelet, comme en témoigne la sépulture 111 de cette même nécropole38.
Dans tous les cas, les sépultures comprises dans ce groupe A sont celles dont le contenu en parure est de loin le plus fourni comparativement à celles des autres groupes, avec une moyenne de 3 parures par tombe (la valeur médiane est également de 3). La sépulture 1 du tumulus de Pau (n° 271) constitue le meilleur exemple d’un riche costume funéraire puisque le défunt incinéré est accompagné d’au moins 10 catégories de parures, comprenant entre autres, une fibule, deux bracelets, deux torques, deux pendeloques et plusieurs lots d’anneaux, de perles et de boutons, auxquelles on doit ajouter les multiples fragments de parures annulaires formant par oxydation une “masse métallique” difficilement identifiable39. Par cet important nombre d’objets par tombe et en raison des différentes catégories fonctionnelles réunies dans ce profil d’assemblage A, les tombes s’y rattachant livrent des parures dont les matériaux de confection sont les plus variés (fig. 90 B). Naturellement, l’alliage cuivreux reste très nettement majoritaire puisqu’il concerne 73 % du mobilier, tandis que le fer se trouve plutôt en retrait avec seulement 14 % des objets fabriqués dans ce métal. En revanche, on rencontre également la plupart des autres matériaux tels que l’ambre, le lignite, le verre, l’os ou la terre cuite. Ce fait s’explique par la présence de catégories fonctionnelles souvent caractérisée par la variété des matériaux mis en œuvre, comme les anneaux ou perles, les pendeloques, les bagues ou boucles d’oreilles et dans une moindre mesure, les bracelets.
2. Profil d’assemblage B
(Annexes 3 : Liste 14.2)
Avec seulement 58 occurrences, ce second groupe comprend un petit nombre de tombes. La principale différence entre les assemblages du groupe B et ceux du groupe précédent, est la présence moindre de parures annulaires, bien souvent déposées en un seul exemplaire, au profit de parures vestimentaires : les fibules et les agrafes de ceinture. Il est donc possible de reconnaître deux sous-groupes selon la présence ou l’absence de parure annulaire. Ainsi, le profil B1 rassemble des assemblages qui sont caractérisés par la présence d’une fibule et/ou une agrafe de ceinture, de lots d’anneaux ou de perles, de bracelets et plus rarement de bracelets en armilles ou de torques. L’association d’une fibule avec, soit un lot d’anneaux ou de perles, soit avec un bracelet, est d’ailleurs fréquente (fig. 90 A). Enfin, il faut signaler que ce n’est que dans les tombes associées au profil B1 que l’on trouve des costumes funéraires faisant intervenir plusieurs parures annulaires et plusieurs fibules. Outre les doubles fibules déposées dans la tombe 68 d’Herrería (n° 19), on mentionnera les trois fibules de la sépulture 80 et, surtout, les six exemplaires de la riche sépulture 31 de cette même nécropole40. Le sous-profil B2, englobe quelques contextes funéraires principalement composés d’une fibule et/ou d’une agrafe de ceinture, pouvant plus rarement être accompagnés d’un couteau ou d’un outil de toilette, comme l’incinération 2 de la nécropole de Grand Jean à Aiguillon (n° 247)41.
Les sépultures correspondant au profil d’assemblage B sont donc bien moins pourvues en mobilier de parure comparativement à celle du profil A. En moyenne, les costumes funéraires de ces tombes ne comprennent que 2,1 parures (pour une valeur médiane de 1). Les assemblages richement dotés en mobilier personnel, comme c’est le cas pour la tombe 31 d’Herrería (n° 19), demeurent donc exceptionnels. Le spectre de matériaux employés pour la confection des parures est aussi plus restreint que celui des sépultures associées au profil A (fig. 90 B). Si l’alliage cuivreux reste dominant avec 64 % du contingent, le mobilier offre une plus grande place aux productions en fer (22 %), ou à celles alliant ces deux métaux (12 %). Ainsi, les assemblages de profil B sont quasi exclusivement pourvus en parures métalliques. On ne compte que quelques rares lots de perles pouvant être confectionnés en terre cuite ou en verre dans la nécropole d’Herrería (n° 19), dans les sépultures 3, 31 et 13642.
3. Profil d’assemblage C
(Annexes 3 : Liste 14.3)
Ce groupe renferme seulement 31 sépultures dont la particularité est qu’elles contiennent toutes un équipement militaire de poing ou d’hast. On peut proposer une division de ces tombes à panoplie guerrière selon les catégories de parures qu’elles livrent : le groupe C1 rassemble les contextes funéraires pourvus d’une ou plusieurs parures annulaires (auxquelles peuvent s’ajouter d’autres éléments, comme des fibules ou des agrafes de ceintures), tandis que cette catégorie de mobilier est absente des tombes du groupe C2, au profit des seules parures vestimentaires (fibules, agrafes de ceintures, boutons). Contrairement aux profils d’assemblages précédents, on n’observe pas de costumes funéraires identiques pour ces quelques sépultures. Pour autant, un examen plus approfondi des tombes concernées semble faire émerger plusieurs faits intéressants. En premier lieu, la présence de bracelets simples pourrait être préférentiellement liée avec celle d’armes d’hast (éléments de lance) et/ou de couteaux dans les tombes. Le tumulus A2 de la nécropole de la pierre levée à Chenon (n° 102) ou les sépultures 21 et 66 d’Herrería (n° 19) illustrent particulièrement bien le propos43. Toutefois, on restera prudent quant à la validité de cette hypothèse dans la mesure où on ne comptabilise que six contextes funéraires comprenant à la fois du mobilier militaire et des bracelets. De plus, la tombe 63 d’Herrería constitue une exception puisque, outre des parures annulaires (des fragments de bracelets et un lot de perles), un couteau et des éléments de lance (talon et pointe), elle a livré un fragment de lame en fer attestant vraisemblablement la présence d’une épée44. Inversement, les panoplies militaires à armes de poing sont plutôt associées à des fibules, parfois déposées par paire, comme dans la sépulture 36 de la nécropole d’Ibos (n° 283)45, ou à d’autres éléments de parures vestimentaires (agrafes de ceinture ou boutons), tels les objets personnels de la tombe 1068 de la nécropole du Causse (n° 305)46.
Les costumes funéraires rencontrés dans les contextes rattachés à ce profil d’assemblage C sont relativement pauvres en mobilier de parure puisqu’on ne compte en moyenne que 1,7 parures par tombe (la valeur médiane est de 1). En revanche, malgré leur faible nombre, les parures déposées dans ces tombes connaissent une certaine diversité dans les matériaux de fabrication mis en œuvre (fig. 90 B). Les alliages cuivreux et le fer, seuls ou associés, sont dominants mais on compte aussi plusieurs lots de perles en verre et surtout en terre cuite et aussi, de manière moins prévisible, trois pendeloques en molaire de sanglier dans l’inhumation de la nécropole de la Route-Vieille à Noailles (n° 128)47, tandis qu’un fragment indéterminé de la sépulture 1 du tumulus H de nécropole de Pujaut à Mios (n° 167) atteste l’usage de l’or48.
4. Profil d’assemblage D
(Annexes 3 : Liste 14.4)
On dénombre 122 tombes rattachables à ce profil D. Cet important effectif s’explique par le fait que ce profil regroupe une bonne partie des contextes funéraires mis au jour dans les nécropoles du Castrais. Les costumes funéraires de ces assemblages se distinguent par la présence de l’une ou des deux catégories fonctionnelles suivantes : couteau et outil de toilette (rasoir et/ou scalptorium). À partir de là, il est possible d’identifier au moins trois sous-profils en fonction des types de parures qui y sont adjointes.
Le premier d’entre eux (D1) rassemble les contextes funéraires dont le mobilier de parure est principalement représenté par une fibule. On peut d’ailleurs observer que les itérations d’assemblage rencontrés mettent en scène une unique fibule avec une variation du nombre de couteaux ou d’outils de toilette (fig. 90 A). Le plus étonnant est que les sépultures renfermant jusqu’à quatre éléments de ces catégories fonctionnelles (une fibule, deux couteaux et un outil de toilette) sont les plus fréquentes, comme la sépulture 1286 de la nécropole de la Place du Vigan d’Albi (n° 292)49. Les autres catégories de parures, bien moins représentées, sont toutefois documentées. On observe en effet l’ajout d’une épingle et/ou plus rarement d’une agrafe de ceinture, d’un bouton ou enfin d’un anneau ou d’une perle, soit à l’unité, soit dans un cas, en lot, comme dans la sépulture 33 d’Herrería (n° 19)50.
Le second sous-profil (D2) rassemble les sépultures dépourvues de fibules ou d’agrafes de ceinture au profit du dépôt de parures annulaires, comme les anneaux ou perles à l’unité, plus rarement en lot, d’une paire de boucles d’oreilles pour un cas seulement51, mais le plus souvent, de bracelets. À ces éléments peuvent venir s’ajouter régulièrement une épingle et plus rarement un bouton, comme dans les tombes 526 et 576 du Causse à Labruguière (n° 305)52. Dans tous les cas, les assemblages de ce sous-profil D2 semblent marqués par leur singularité tant dans l’articulation que dans le nombre des diverses catégories fonctionnelles qui les composent, puisqu’aucune tombe n’est identique à une autre.
Enfin, le dernier sous-profil (D3) englobe les assemblages pour lesquels la parure est exclusivement représentée par des épingles53. Comme pour les assemblages du sous-profil D1, les ensembles funéraires D3 les plus fréquents sont construits à partir d’une parure vestimentaire – les épingles remplaçant les fibules dans ce cas – à laquelle s’ajoute(nt) un couteau et/ou un outil de toilette (fig. 90 A). Plus rarement, il arrive qu’une sépulture compte jusqu’à trois épingles, comme les tombes 210 de Gourjade (n° 298) et 33 du Martinet (n° 299)54.
Comme le suggère la présentation de ces assemblages, les tombes de profil D comptent relativement peu de parures, avec une moyenne de 1,5 parure par ensemble (pour une valeur médiane de 1). La distribution des matériaux utilisés pour la fabrication de ce mobilier est assez remarquable (fig. 90 B). Si le métal concerne 98 % de ces artefacts55, la part du fer est quasi équivalente à celle des alliages cuivreux. De plus, le fer touche aussi bien les parures vestimentaires (épingles et fibules) que les parures annulaires (bracelets et anneaux). Aucune logique ne semble régir l’association de ces matériaux ; on constate plutôt une certaine diversité, visant peut-être à dessiner un “rythme” stylistique du costume d’apparat. Dans tous les cas, si la récurrence d’assemblages similaires paraît forte pour les tombes de profil D, la diversité des métaux pourrait constituer une clé de compréhension du costume funéraire que l’on peine encore à expliquer.
5. Profil d’assemblage E
(Annexes 3 : Liste 14.5)
Le profil d’assemblage E rassemble 67 contextes funéraires constitués uniquement d’une ou de deux épingles. De fait, il se rapproche des profils précédent (D) et suivant (F), si ce n’est qu’ils ne comportent aucun des objets personnels liés à ces groupes : couteaux, outils de toilette, fusaïoles, anneaux ou perles à l’unité. Les épingles peuvent être en alliage cuivreux (72 %) ou plus rarement en fer (27 %)56.
6. Profil d’assemblage F
(Annexes 3 : Liste 14.6)
L’effectif de tombes associé au profil d’assemblage F est de 99. Bien que fortement représenté par des ensembles funéraires issus des nécropoles du Castrais, ce profil compte tout de même quelques tombes d’autres sites : Flaujac-Poujols Nord et Sud (n° 207), Arihouat (n° 148), Herrería (n° 19) et El Castejón (n° 34). Ces sépultures du groupe F se distinguent par la présence d’éléments liés au filage de la laine (fusaïoles et aiguilles) et/ou d’anneaux ou de perles à l’unité. Il est possible de reconnaître deux sous-groupes.
Le premier (F1) se singularise par le dépôt systématique de parures annulaires. Le plus souvent, il s’agit d’une tombe contenant seulement un anneau ou une perle, comme en témoignent les 23 occurrences rencontrées (fig. 90 A). Mais il peut aussi s’agir dans bien des cas d’un assemblage pourvu d’une ou deux épingles associées régulièrement à des anneaux ou perles à l’unité, à des bracelets et plus rarement à des bagues ou des boucles d’oreilles, à des boutons, à des torques ou à un “cône launacien”, comme dans la sépulture 314 de Gourjade (n° 298)57. On relèvera aussi la présence dans ce sous-profil F1 d’une fibule provenant du tumulus MF 21B de la zone nord de Flaujac-Poujols (n° 207), et qui était accompagnée d’une bague, d’un anneau et d’une aiguille58. Enfin, il arrive que ces sépultures puissent renfermer occasionnellement des fusaïoles, toujours liées à des parures annulaires.
Le second (F2) comprend des assemblages composés très largement d’une ou de plusieurs épingles, associées à une parure annulaire et/ou à un élément de filage de la laine (fusaïole et aiguille). Ce dernier cas est d’ailleurs le type d’assemblage le plus fréquent avec 22 occurrences observées (fig. 90 A). Les deux seuls assemblages ne renfermant pas d’épingle, se composent des deux catégories fonctionnelles définissant le profil F : une fusaïole et un anneau, comme dans les sépultures 169 et 301 du Causse (n° 305)59.
Concernant le nombre de parures déposées dans les sépultures de profil F, la moyenne est de 1,9 objets (pour une valeur médiane de 1). Si ce chiffre reste en dessous de celui associé au profil B et surtout au profil A, il est toutefois bien supérieur à celui des assemblages du profil D. Cette distinction entre ces profils se traduit également dans la distribution des matériaux engagés pour la conception des parures (fig. 90 B). Là où les parures des costumes funéraires de profil D étaient centrées sur le seul usage du métal avec une quasi-parité entre les alliages cuivreux et le fer, celles du profil F montrent un visage bien différent. Les alliages cuivreux restent très largement dominants et représentent près de 80 % du mobilier d’apparat quand le fer n’est identifié que pour 15 % du contingent. En outre, ces assemblages laissent une place non négligeable aux matières non métalliques, comme l’ambre, l’os et le verre pour les divers anneaux ou perles. Enfin, l’usage du plomb est attesté pour une pendeloque associée à une épingle en alliage cuivreux dans la tombe 543 du Causse (n° 305)60.
7. Profil d’assemblage G (indéfini)
(Annexes 3 : Liste 14.7)
Ce profil d’assemblage G rassemble 31 sépultures desquelles ne se détachent aucun lien précis du point de vue des assemblages de parures. Ce groupe comprend des contextes funéraires situés au centre de la projection factorielle.
Ainsi, ces ensembles peuvent comprendre deux catégories fonctionnelles (des variables) qui s’opposent sur la projection, à la manière des fibules et des épingles, comme dans le tumulus V de la nécropole de Moissac à Glandon (n° 331)61, ou les fibules et les fusaïoles, telle la sépulture 1065 découverte sur la Place du Vigan à Albi (n° 292)62. On trouve aussi dans ce groupe mal défini des tombes pourvues de la plupart des catégories fonctionnelles sélectionnées. C’est le cas pour le costume funéraire du défunt incinéré dans le tumulus 21 du Camp de l’Église Nord à Flaujac-Poujols (n° 207). Paré d’une agrafe de ceinture, d’une fibule et d’un bracelet, ce dernier est également accompagné d’un équipement militaire fourni comprenant une épée et ses accessoires de suspension (anneau et chaîne), un bouclier, ainsi qu’un couteau et des outils de toilette (scalptorium et rasoir)63.
D’un point de vue strictement méthodologique, il aurait été possible de faire fi de la distribution des sépultures sur la projection de l’AFC et de rattacher chacun de ces ensembles à un des profils déjà identifiés par un traitement analytique au cas par cas. Cependant, cette démarche suppose de hiérarchiser la valeur que l’on attribue à chacune des variables. Si l’exemple précité de Flaujac-Poujols peut aisément être associé aux autres assemblages à panoplies militaires du profil C, cela signifie que l’on accorde plus d’importance à ce critère plutôt qu’à la présence d’un couteau et d’outils de toilette, éléments caractéristiques des assemblages de profil D. Et qu’en est-il des autres, plus nombreux, pourvus simplement d’une fibule et d’une épingle, ou d’une perle et d’une fibule ? Il semble donc préférable d’accepter les limites de la méthode et de considérer qu’une trentaine d’ensembles parmi les 612 traités échappent à une classification lisible par l’AFC.
Les assemblages de parures au regard des données anthropologiques
À présent que les tombes ont été classées en divers groupes selon leur profil d’assemblage de mobilier, il convient de comparer ces résultats aux informations anthropologiques afin de discerner une possible structuration des données en termes de sexe et d’âge au décès.
1. Les parures comme marqueurs sexuels ?
Malgré les multiples questions d’ordres méthodologiques et interprétatives qu’elle soulève, l’attribution de telle ou telle catégories d’objets d’après le sexe des défunts est une analyse souvent privilégiée par les acteurs de l’archéologie protohistorique récente.
Les travaux réalisés par B. Dedet constituent une référence pour l’étude dans la mesure où ils portent sur un contexte géographique et chrono-culturel proche du notre (sépulture à inhumation et à incinération de la fin de l’âge du Bronze et du Premier âge du Fer issues de la garrigue languedocienne et des grandes Causses du Gévaudan)64.
Étudiant les ensembles funéraires de la garrigue languedocienne65, B. Dedet élabore tout d’abord une sériation des assemblages accompagnant 33 défunts inhumés qu’il croise ensuite avec la diagnose sexuelle de ses derniers, soit à partir de l’os coxal, soit par la robustesse ou gracilité des ossements66. Lors de cette première étape d’analyse, il identifie deux groupes dont les catégories d’objets qu’ils renferment s’excluent totalement. Le premier groupe, nommé A, rassemble 15 sépultures surtout pourvues de bracelets et, dans une moindre mesure, de plusieurs anneaux, de fusaïoles, de pendeloques, de bracelets d’armilles, de torques et de spirales. Le second, nommé B, compte 18 sépultures qui comprennent principalement des rasoirs, mais aussi des épées, des anneaux à l’unité, des couteaux, des épingles, des scalptoriums, des objets lithiques divers et de la vaisselle métallique. La franche dichotomie observée entre ces deux groupes trouve un écho dans la caractérisation sexuelle des défunts. Ainsi, les individus féminins se rencontrent dans le groupe A, tandis que les individus masculins se placent dans le groupe B. Toutefois, comme le reconnait l’auteur, la corrélation n’est que partielle puisqu’un sujet masculin se trouve rangé dans le groupe A et que deux défunts graciles, donc supposément féminins, sont classés dans le groupe B67. Il propose d’y voir des erreurs de dénombrement (la tombe pourrait renfermer deux individus) et de diagnose sexuelle et conclut que :
“L’attribution des deux groupes A et B de sépultures respectivement à des femmes et à des hommes ne trouve donc pas dans les données anthropologiques actuellement disponibles une confirmation absolue. Cependant, compte tenu des problèmes concernant le dénombrement des sujets par tombe, ces données ne contredisent pas une telle attribution”68.
Fort de ces résultats, l’auteur propose de reproduire le même exercice pour les 42 incinérations pour lesquelles aucune donnée anthropologique n’est connue. Il observe là encore deux groupes A et B qui se définissent selon quasiment les mêmes critères que précédemment mais il identifie également un troisième un groupe, nommé C, qui comprend à la fois des objets spécifiques de A (fusaïole et bracelet) et de B (épée, couteau et vaisselle métallique), ainsi que des catégories d’objets qui n’apparaissent dans aucun des deux groupes (agrafe, fibule et torque). Ce nouveau groupe C est perçu comme contenant du mobilier dit “mixte”, dont on pourrait supposer qu’il provient de sépultures doubles.
Quelques années plus tard, B. Dedet conduit un examen identique sur les contextes funéraires des grandes Causses du Gévaudan69. Il aboutit à des résultats tout à fait similaires, identifiant trois groupes A, B, C, qui se définissent par des catégories d’objets très proches de celles observées en Languedoc. Cependant, là encore, des “imperfections” dans de la distribution attendue du mobilier selon les groupes apparaissent : les fibules et les colliers d’une à trois perles peuvent définir soit le groupe A, soit le groupe B dans les matrices sérielles selon qu’il s’agit d’inhumations ou d’incinérations70. De plus, le groupe C, comprenant trois sépultures, reste toujours pour l’auteur difficile à définir, ce qui le conduit à considérer l’une d’entre elle comme une anomalie puisqu’elle contient deux objets appartenant aux groupes A et B71.
Portant sur quelques ensembles funéraires de France centrale datés du Ha D1-2, l’étude proposée par P.-Y. Milcent use d’une méthodologie d’approche légèrement différente mais offrant des résultats très semblables à ceux de B. Dedet72. Sur la base de 33 inhumations, dont toutes ne sont pas caractérisées sexuellement par l’anthropologie, il classe les assemblages de parures qui accompagnent chacun des défunts selon le nombre de catégories fonctionnelles rencontrées73. Il résulte de ce classement que deux groupes de costumes funéraires se dégagent, qui renverraient à : “une dichotomie sexuelle et non à une différenciation sociale”74. Le premier comprend des individus portant une unique parure, dans ce cas un bracelet, porté de façon asymétrique au seul poignet gauche. Les éléments typologiques indiquent qu’il s’agit surtout de bracelets ouverts de forme elliptique et aux extrémités épaissies ou terminées par des tampons (Br.6 ou Br.19). Ce registre d’un apparat funéraire plutôt discret distingue selon P.-Y. Milcent des sépultures masculines. Le second groupe renferme des tombes pourvues d’une à quatre parures et comprend les catégories suivantes : bracelets multiples, chaînettes, anneaux de jambe, bracelets simples, torques, boucles d’oreilles, colliers et fibules. L’association de ces divers objets d’apparat suit le plus souvent un port symétrique. La diagnose sexuelle réalisée sur 2 des 23 contextes funéraires que compte ce groupe et la distribution des catégories représentées semblent, d’après l’auteur, constituer des éléments suffisamment solides pour reconnaître dans les porteurs de ces assemblages des individus exclusivement féminins75.
À la lecture de ces résultats, une tendance nette se dégage quant à l’interprétation sexuelle des profils d’assemblages identifiés. Il semble ainsi que l’axe horizontal de la projection de l’AFC sépare les ensembles plutôt féminins de ceux plutôt masculins. Les profils fortement dominés par la parures annulaires et/ou par la présence de plusieurs éléments de parures (profils A et F) peuvent être attribués à des individus féminins, tandis que ceux comprenant des outils de toilettes, des couteaux, de l’armement et un petit nombre d’éléments de parures (profils C et D) sont rattachables à des individus masculins ; les profils B, G et E, situés à proximité de cet axe restant mal définis (fig. 89). En outre, les observations faites par B. Dedet pour le sud-est de la France peuvent tout à fait être corrélées aux profils selon le schéma suivant76 :
- Groupe A (féminin) = profils A, E et F
- Groupe B (masculin) = profils C et D
- Groupe C (mixte) = profils B (et peut être G ?)
À ces parallèles dans la composition des assemblages on pourrait ajouter le fait que les matériaux de fabrication des objets déposés avec le défunt pourraient avoir un lien avec le sexe de ce dernier. En effet, il a déjà été proposé l’hypothèse selon laquelle les alliages cuivreux seraient plutôt choisis pour les individus féminins tandis que le fer accompagnerait préférentiellement les hommes77. Les dernières études portant sur les tombes de Méditerranée occidentale au Premier âge du Fer accréditent cette tendance78. Dans le corpus, l’importance du fer pour les sépultures a priori masculines se lit bien pour les assemblages de profil C par rapport à ceux de profil A, et particulièrement bien pour ceux de profil D par rapport à ceux de profil F (fig. 90 B).
Ainsi, dans cette étude comparée du corpus avec ceux de régions proches, les résultats paraissent répondre positivement aux modèles établis jusqu’alors. Pourtant, les rares diagnoses sexuelles des tombes dont on dispose, au nombre de 22, nuancent quelque peu ce schéma (fig. 91 A).
Deux tombes de la Meseta, vraisemblablement féminines, renferment en effet des catégories d’objets de type militaire correspondant au profil C2 (fig. 91 A et B) : deux épées pour la tombe 27 d’Herrería (n° 19) et deux lances pour la sépulture 14 de Sigüenza (n° 25). Or, il est généralement admis que la présence d’une panoplie militaire est un marqueur exclusivement masculin79. Nonobstant, le dépôt d’armes dans les tombes de femmes, bien qu’exceptionnel, est documenté pour la Protohistoire, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’objets appartenant à des femmes guerrières ou d’éléments à valeur symbolique ou culturelle80. Ces ensembles de Meseta sont-ils réellement des dépôts funéraires de femmes guerrières ou à valeur symbolique exceptionnelle ? Il est difficile en l’état de répondre à cette question mais dès lors que le contexte géographique et chronologique proche ne livre pas d’exemples similaires, on peut remettre en question la diagnose sexuelle de ces deux tombes. Pour la tombe de Sigüenza (n° 25), la méthode d’identification de cette incinération n’est pas décrite. Tout au plus apprend-on qu’il s’agirait d’un individu adulte âgé entre 20 et 30 ans81. Pour celle d’Herrería (n° 19), la reconnaissance se fonde sur la gracilité des os82. Cependant, l’étude anthropologique ajoute que l’individu incinéré serait un adulte très jeune ou un adolescent83. Cet élément permet de douter de la fiabilité de la diagnose sexuelle pour ce défunt puisque la gracilité pourrait tout aussi bien indiquer la présence d’un jeune homme. Dans tous les cas, les résultats ostéologiques, la panoplie militaire et le contexte archéologique régional invitent plutôt à voir dans cette tombe le costume d’un adolescent masculin plutôt que celui d’une jeune femme. En dehors de ces deux cas particuliers sur lesquels on ne saurait trancher, le reste du contingent de sépultures féminines répond plutôt positivement au schéma attendu puisque ces dernières se répartissent dans les profils pourvus d’épingles, de parures annulaires et de fibules, et présentant le nombre moyen de parures par tombe le plus élevé (profils A, B et F).
Les rares tombes identifiées comme masculines sont dominées par des profils à panoplie militaire (profil C1) (fig. 91 B). On rencontre également une sépulture pourvue d’une unique fibule de profil B2. Si l’on ajoute à ces observations le fait que ces contextes funéraires masculins sont moins riches en mobilier de parure, alors on peut estimer que ces assemblages sont tout à fait cohérents avec les modèles constatés dans les régions limitrophes à la zone étudiée. Toutefois, les deux sépultures masculines à inhumation de la nécropole de Baudran à Nespouls (n° 126) échappent à cette structure puisqu’elles se trouvent dans des profils d’assemblages a priori à “caractère féminin” (profils A1 et F1). Elles renferment toutes deux exclusivement des parures annulaires : un anneau et un bracelet pour la tombe 1 et un anneau unique pour la tombe 284.
Concernant la distribution des catégories de parures selon le sexe du porteur, les minces indices dont on dispose orientent plutôt vers un usage indépendant du sexe avéré ou supposé. Le décompte des types d’objets pour les seules tombes disposant d’une diagnose sexuelle indique déjà que plusieurs catégories sont partagées par les deux sexes, telles que les bracelets, les torques, les anneaux uniques, les lots de perles, les pendeloques, les fibules et les agrafes de ceinture (fig. 91 C). Si les autres catégories fonctionnelles semblent à première vue exclusivement réservées aux femmes, on minorera très fortement cette assertion dans la mesure où certaines d’entre elles sont bien représentées dans des sépultures non caractérisées sexuellement mais appartenant à des profils d’assemblages variés, comme les épingles et lots d’anneaux que l’on rencontre dans un large spectre de profils de tombes (A, B1, D, E, F et G). Des questions se posent également pour les bagues et les lots de boutons qui, s’ils accompagnent souvent des assemblages fortement pourvus en parures annulaires (profils A, D2 et F1), sont aussi connus dans des contextes mal définis (profil G). Pour l’heure, seuls les bracelets en armilles, les parures pectorales et peut-être les boucles d’oreilles paraissent être uniquement associées à des contextes funéraires exclusivement féminins ou à “caractère féminin” puisqu’on les retrouve uniquement dans les profils d’assemblages A, B1, F1 et D2.
Ces diverses observations mettent en exergue plusieurs points importants sur l’association entre parure et sexe des porteurs.
Tout d’abord, malgré un contingent faible, les observations suivent dans les grandes lignes les résultats obtenus pour des régions proches durant le Premier âge du Fer : les sépultures féminines tendent à renfermer un nombre plus élevé de parures, surtout celles de type annulaire, tandis que celles des tombes masculines, moins nombreuses, appartiennent surtout au registre vestimentaire ou annulaire dit “léger”. Ensuite, quelques assemblages ne se conforment pas à cette tendance générale. Cela renvoie au fait que la méthode par AFC que l’on a employée et son interprétation montrent ici leurs limites : le découpage des groupes observés ne dissocie pas strictement les individus féminins des individus masculins. Enfin, le dernier et troisième point est le plus important. Le fait que des sépultures échappent à la règle exprimée lors du premier point signale que l’examen de la seule structuration des assemblages de parures en contexte funéraire ne permet pas d’appréhender le sexe du défunt. Si elle peut résumer une partie de l’information sur la base de caractères forts, comme la présence de bracelets portés en armilles ou l’association de parures à une panoplie militaire, il faut admettre que d’autres facteurs influent sur le type et/ou le nombre de parure déposé l’intérieur des sépultures.
2. Parures et âge du porteur
La détermination de l’âge au décès des défunts par l’analyse ostéologique est bien plus répandue que la diagnose sexuelle pour la zone géographique. Plus de la moitié des sépultures retenues ont été caractérisées anthropologiquement, ce qui offre la possibilité de proposer une lecture chronologique de la distribution des profils d’assemblages d’après ce critère (fig. 92 A).
Les sépultures à parures renfermant des individus adultes ou de taille adulte sont de loin les plus nombreuses, et ce quel que soit l’Horizon considéré, puisqu’elles représentent toujours entre 85 et 87 % du contingent total. Les profils d’assemblages rencontrés dans ces tombes d’adultes couvrent toujours l’intégralité du spectre observable pour chacun des Horizons. Cela signifie donc que des défunts adultes peuvent être accompagnés d’un costume funéraire similaire à celui d’individus plus jeunes, mais aussi que certains assemblages de parures restent spécifiques aux seuls individus matures. C’est principalement au cours des Horizons 2 et 3 que la frontière entre défunts matures et immatures est visible. Elle se lit bien pour les profils à “caractère masculin” pourvus de panoplies militaires (profils C1 et C2) ou à parures exclusivement vestimentaires (profil B2).
Concernant les tombes renfermant des adolescents, une analyse précise des profils d’assemblages de parures demeure pour l’heure inenvisageable dans la mesure où ce type de dépôt funéraire, rarement attesté, représente entre 3 et 6 % du contingent selon l’Horizon retenu. Pour autant, les études réalisées sur les quelques sépultures du quart sud-est de la France offrent des parallèles intéressants85. Dans cette région, les sépultures d’adolescents sont indiscernables de celles des adultes, que ce soit par le rite funéraire ou par le mobilier qui accompagne les défunts. Cette impression semble se confirmer ici puisque des sépultures d’adolescents livrent des assemblages identiques à ceux identifiés pour les individus matures : un dépôt funéraire à parure vestimentaire (profil B2) daté de l’Horizon 2 dans la tombe 701 du Causse (n° 305), des sépultures contenant une panoplie militaire de l’Horizon 3 (profils C1 et C2), comme le sujet 19 déposé dans la grotte sépulcrale des Palabres à Boussac (n° 190), accompagné d’un torque, d’un couteau, d’une pointe de lance et d’éléments d’harnachement, ou dans les sépultures 24, 27 et 66 d’Herrería86.
L’effectif de tombes de jeunes enfants (Infans I) ou de grands enfants (Infans II) est un peu plus important que celui des adolescents puisqu’il représente entre 8 et 10 % du total selon l’Horizon chronologique. Toutefois, sur les 42 dépôts funéraires inventoriés, seuls trois concernent une nécropole espagnole : les tombes 70, 120 et 153 d’Herrería (n° 19). Le reste du contingent provient principalement des sites du Castrais (34 tombes) et dans une moindre mesure, des nécropoles du Truc du Bourdiou à Mios (n° 168) (1 tombe), d’Arihouat à Garin (n° 148) (2 tombes), de Baudran à Nespouls (n° 126) (1 tombe) et du Camp de l’Église Sud à Flaujac-Poujols (n° 207) (1 tombe). En dépit de cette distribution spatiale déséquilibrée, plusieurs commentaires peuvent être apportés.
En premier lieu, durant l’intégralité du Premier âge du Fer, on observe que ces sépultures de jeunes défunts ont une forte tendance à renfermer des parures répondant aux profils d’assemblages de types A, B1, F, et E. Ces dépôts funéraires se trouvent souvent accompagnés d’une ou plusieurs épingles et d’éléments de parures annulaires légères, comme des anneaux ou des perles ou, plus rarement, des parures annulaires volumineuses mais présentes en faible nombre telles qu’un bracelet ou un torque. On mentionnera cependant trois tombes appartenant aux profils D et pourvues de couteaux et/ou de scalptoriums en plus des catégories de parures mentionnées87. En second lieu, bien que l’on ait rassemblé dans une seule catégorie les jeunes enfants et les grands enfants pour des raisons pratiques, des différences dans la composition des assemblages de parures sont discernables entre ces deux classes d’âges. À chaque fois qu’ils ont été identifiés, les défunts âgés de moins de 7 ans (Infans I) se signalent préférentiellement par un costume discret comptant une ou deux parures, comme c’est le cas pour les sépultures 21, 152, 301, 329, 339 et 383 de Gourjade (n° 298), 4 et 52 du Martinet (n° 299) et 132, 242, 301, 509, 599 et 723 du Causse (n° 305)88. En revanche, les grands enfants (Infans II) se trouvent plus souvent mieux pourvus en mobilier d’apparat et il n’est pas rare qu’ils soient accompagnés de plusieurs épingles, de plusieurs bracelets ou même de plusieurs torques, comme dans les sépultures 153 d’Herrería (n° 19), K.4 d’Arihouat (n° 148), 303 de Gourjade (n° 298), 70, 325 et 372 du Causse (n° 305)89.
La dichotomie entre enfants (Infans I et II) et adultes se lit aussi dans les catégories de parures associées à ces classes d’âges. C’est ce que laisse entrevoir un tableau de contingence en présence/absence de la distribution des parures selon l’âge du défunt (fig. 92 B). Si l’on met de côté les sépultures d’adolescents, dont on a dit qu’elles étaient trop peu nombreuses pour être interprétables, on constate que le costume funéraire des individus immatures est constitué d’un nombre restreint de catégories de parures. Les éléments d’apparat des jeunes défunts concentrent principalement des parures annulaires et des attaches vestimentaires (épingles et fibules). Pour ces objets, on ne distingue pas (ou pas encore compte tenu du faible effectif de tombes inventoriées) de types particuliers. Les fibules, les épingles, les bracelets ou les torques sont typologiquement identiques à ceux déposés avec des défunts adultes. On illustrera cette observation par le bracelet à tampons (Br.6.A) de la sépulture d’enfant 21 de Gourjade (n° 298) qui est du même type que celui de la tombe d’adulte 52 de cette même nécropole90. Cependant, d’autres remarques peuvent être faites sur la morphologie des parures, surtout annulaires, des jeunes défunts.
Si l’on avait bien relevé que le diamètre interne des bracelets pouvait être réduit pour s’adapter aux mensurations de son jeune porteur, suggérant que ce dernier n’en était pas le propriétaire d’origine, cette pratique paraît ne concerner que les enfants de moins de 7 ans (Infans I). Les tombes 152 de Gourjade (n° 298) et 4 du Martinet (n° 299) renferment toutes deux un individu âgé d’environ 5 ans et témoignent d’un port de bracelet au diamètre adapté91. Ce rétrécissement des bracelets semble cesser pour les pièces accompagnant les grands enfants (Infans II), comme l’illustrent les exemplaires portés en armilles de la sépulture K2 d’Arihouat à Garin (n° 148), dont le diamètre interne atteint un peu moins de 7 cm92. Ces mensurations ne sont pas différentes de celles mesurées pour les bracelets d’adultes. On restera tout de même prudent dans la mesure où le nombre de dépôts funéraires à bracelets abritant de grands enfants identifiés par l’anthropologie reste très faible pour la zone considérée. On peut toutefois être plus affirmatif pour les torques. Parmi les quatre sépultures d’immatures pourvues de torques, seule la tombe 1053 du Causse (n° 305) concerne un jeune enfant, sans que l’on connaisse plus précisément son âge93. Les trois autres sont des incinérations de grands enfants de plus 7 ans94. Dans tous les cas, les torques appartiennent à un type largement répandu pour la période et la région dont ils sont issus, ce qui traduit le fait qu’ils ne sont pas spécifiques à l’âge des défunts. En outre, leur diamètre interne, dont la valeur est comprise entre 11,4 et 13 cm, s’inscrit tout à fait dans la moyenne mesurée pour les torques portés par des adultes (fig. 32 A). Ces observations constituent un faisceau d’indices indiquant que les bracelets et les torques devaient être reçus dès le jeune âge, entre 7 et 15 ans (peut-être un peu avant dans de rares cas), et qu’ils pouvaient être conservés jusqu’à l’âge adulte.
Dans le cas des agrafes de ceinture, des parures pectorales et des boucles d’oreilles, la lecture du tableau de contingence suggère que ces catégories fonctionnelles constituent un groupe de parures strictement réservé aux individus adultes ou considérés comme tels (adolescents). On restera plus mesuré sur la valeur à accorder aux boutons, pendeloques ou bagues puisque ces catégories apparaissent également dans des sépultures d’enfants mais en proportion différente, soit par lots soit à l’unité selon les cas. Concernant les anneaux de jambes, la difficulté pour identifier convenablement cette catégorie de parure en contexte d’incinération oblige à ne pas les associer trop rapidement aux seuls dépôts funéraires d’adultes. Enfin, la présence exclusive de boucles d’oreilles dans les tombes de défunts matures, que ce soit à l’unité ou par paire, est intéressante. En effet, leur port nécessitant une intervention chirurgicale sur le lobe de l’oreille afin d’y insérer le crochet, on peut envisager que cette opération constitue un rite signalant le passage d’une classe d’âge à une autre, et donc une modification du statut de son porteur.
À la lumière de ces multiples observations, quel bilan peut-on tirer de la place des parures vis-à-vis de l’âge de leur porteur ?
Le premier point qui ressort de cette analyse est que l’âge au décès des individus revêt une importance dans l’accès à certains types de costumes funéraires et constitue une strate supplémentaire venant se superposer à la seule distinction sexuelle95. Cependant, la reconnaissance de l’âge du porteur ne peut se soustraire à une détermination par l’étude ostéologique. Si quelques catégories peuvent effectivement être corrélées aux individus matures, ou perçus comme tels, une partie de ces défunts dits “adultes” peuvent revêtir un costume funéraire tout à fait identique à ceux de défunts plus jeunes. Dès lors, d’autres clés de compréhension nous échappent encore compte tenu du fait que la constitution des profils d’assemblages de parures ne répond pas toujours ou exclusivement aux seules données anthropologiques (âge et au sexe des défunts).
Ceci étant énoncé, le second point est que la classe d’âge à laquelle appartient le défunt est un critère dont on perçoit l’influence sur la présence ou l’absence ainsi que sur le nombre de pièces d’apparat qui composent les costumes funéraires. Ces modifications dans les assemblages de parure traduisent vraisemblablement des passages entre différents statuts sociaux réellement perçus par les individus au sein des sociétés protohistoriques du Premier âge du Fer. Pour le corpus, on proposera plusieurs groupes :
le premier concerne les jeunes enfants âgés de 1 à 6 ans accompagnés de peu d’objets de parures. Leur tombe présente un profil d’assemblage discret qui, si l’on suit le classement, seraient à “caractère féminin” (profils A, B1, F, et E), mais pour lequel on pourrait tout aussi bien proposer un caractère “neutre”, non genré à cet âge. On peut également émettre l’hypothèse que les parures qui accompagnent ces jeunes défunts puissent leur avoir été transmises.
le second correspond à des grands enfants ou pré-adolescents âgés entre 7 et 15 ans environ. Leur sépulture dispose d’un mobilier souvent plus abondant et duquel pourrait émerger un début de différenciation sexuelle. De plus, on peut penser que c’est au cours de cette tranche d’âge que les individus commencent à recevoir leur propre mobilier d’apparat, similaire à celui rencontré chez les individus matures. On signalera tout de même que certaines catégories leur restent toujours inaccessibles.
le troisième et dernier groupe comprend les tombes d’adultes, auquel on pourrait ajouter celles des adolescents. Il concerne donc les individus âgés de plus de 15 ans environ. On retrouve dans ce groupe la totalité des profils d’assemblages possibles ainsi que l’ensemble des catégories de parures, notamment celles qui étaient absentes jusqu’alors : les agrafes de ceinture, les parures pectorales et les boucles d’oreilles.
Cette distinction entre plusieurs classes d’âges perçue par le seul mobilier de parure reste encore ténue. Chronologiquement, elle est surtout lisible dès le début du VIIe s. a.C., à partir de l’Horizon 2, et semble se perpétuer au moins jusqu’au Ve s. a.C. Spatialement, elle est surtout observable pour les sépultures des nécropoles castraises et celle d’Arihouat (n° 148). La documentation pour les sites funéraires des bordures occidentales du Massif Central, de la côte Atlantique ou du nord-ouest de la Péninsule ibérique demeure encore trop faible. On restera donc prudent avant d’appliquer ce schéma à la totalité de la zone d’étude. Cependant, on relèvera que pour autant qu’on puisse en juger, les exemples analysés issus de ces régions ne paraissent pas le contredire. Dans tous les cas, ces distinctions statutaires de classes d’âges révélés par le mobilier de parure déposé en contexte funéraire peuvent tout à fait être mises en parallèle avec celles constatées plus largement dans le sud et surtout le sud-est de la France par B. Dedet96. Si l’on manque de données pour les sépultures de périnataux et de nourrissons, on retrouve bien les groupes identifiés par cet auteur pour l’ensemble du rite funéraire (architecture de la tombe, mobilier d’accompagnement, topographie, etc.) et qui symboliseraient :
“[…] le reflet bien réel des stades successifs de la vie des enfants ici-bas et celui, que l’on ne peut que soupçonner, des différents états prêtés à ces jeunes morts dans l’au-delà”97.
Les parures : miroir d’une hiérarchisation sociale ?
Appréhender le statut social des vivants (hors critères biologiques) par l’étude du mobilier archéologique retrouvé dans leur tombe est, on l’a dit, un exercice périlleux qui souffre d’un certain nombre d’a priori. Cela est d’autant plus vrai que cette analyse ne se fonde que sur une partie seulement de la population protohistorique et non sur l’ensemble du corps social qui la compose. En effet, les nécropoles régionales n’avaient pas vocation à rassembler l’entièreté des individus qui vivaient à proximité et leur accès devait être soumis à plusieurs conditions98. On a déjà pu mettre en exergue que l’âge du défunt constitue vraisemblablement un facteur, parmi d’autres, du recrutement funéraire des nécropoles. Dès lors, il a dû exister pour les autres défunts de nombreuses pratiques funéraires alternatives dont l’archéologie ne peut rendre compte. Ainsi, les vestiges sépulcraux découverts par la fouille illustrent déjà une sélection des défunts au statut social particulier. Sans même prendre en compte la “richesse archéologique” de la tombe99, les moyens humains nécessaires à sa réalisation et son entretien, surtout lorsque l’on pense aux grands tertres régionaux, témoignent en soi de la singularité du défunt vis-à-vis du reste de la population.
Ceci étant dit, on peut s’interroger sur la place accordée au mobilier de parure au sein de cette population sélective telle qu’elle peut être perçue dans les nécropoles régionales. Est-ce que la présence de cette catégorie de mobilier peut être corrélée à des gestes funéraires particuliers ? Cela dénoterait-il un traitement privilégié accordé aux porteurs de parures ? Dans quelle mesure les profils d’assemblages des tombes à parure traduisent des strates sociales lisibles ? Afin d’aborder cette problématique, on s’attachera à mettre en parallèle les parures dans les tombes et les données portant sur le mobilier d’accompagnement et les structures funéraires.
1. Les tombes à parure et vases céramiques d’accompagnement
Le premier point souvent mis en avant pour caractériser le statut social des défunts est le nombre d’objets accompagnant l’individu dans la tombe100. La cérémonie funéraire donnait lieu à des manifestations ostentatoires de la part des vivants par le don de biens et la tenue de banquets. Les rites organisés autour du défunt étaient l’opportunité pour les vivants de rendre hommage au mort. De ce fait, l’on s’accorde pour dire que la “richesse” observée dans la tombe témoigne de la reconnaissance par la communauté de la qualité du défunt. À ce titre, le nombre de récipients céramiques déposés est considéré comme un indicateur, parmi d’autres, du faste ou de la modestie d’une sépulture101.
Afin d’étudier la relation qui pourrait exister entre le mobilier de parure et le nombre de récipients céramiques déposés dans les ensembles funéraires, on a retenu les sépultures dont le nombre de récipients est connu. On a donc écarté toutes les tombes contenant des tessons de céramique dont on ne pouvait déterminer à combien de vases ils appartenaient initialement102.
Si l’on s’intéresse en premier lieu au rapport entre le nombre de récipients céramiques et le nombre de parures déposées dans une même tombe (fig. 93 A), les données, quel que soit l’horizon chronologique considéré, laissent entrevoir une absence de lien entre ces deux critères. Les observations resserrées à l’échelle d’une seule nécropole, souvent plus restreinte chronologiquement, valident ces résultats généraux.
Dans les nécropoles du Castrais, dont la datation des tombes se concentre principalement sur les horizons 1B et 2, les sépultures pourvues de cinq objets de parures peuvent aussi bien être accompagnées d’un seul vase, comme dans la tombe 372 du Causse (n° 305), que de 17 dans la tombe 648 de cette même nécropole103. Les comptages relevés sur d’autres sites funéraires, tels qu’à Aiguillon (n° 247), Arguedas (n° 34) et Herrería (n° 19), amènent au même constat. Dans ces dernières nécropoles, les dépôts funéraires les mieux dotés en mobilier de parure appartiennent aux groupes de tombes les moins fournies en récipients céramiques d’offrandes. Dans la nécropole du Camp de l’Église Nord et Sud de Flaujac-Poujols (n° 207), les deux tombes des tumulus 8 et 32, considérées comme les plus riches en mobilier de parure (avec respectivement 9 et 6 parures), sont également bien pourvues en vases céramiques (52 dans la premier et 21 dans le second), alors que d’autres tombes contiennent autant de récipients d’offrandes mais bien moins d’objets de parures. En d’autres termes, à Flaujac-Poujols comme ailleurs, la quantité de parures déposées avec le défunt n’est pas corrélée au nombre de vases d’accompagnement.
Si l’on analyse le nombre de récipients céramiques par rapport aux types de costumes, les données collectées ne permettent pas davantage de dégager des tendances. En croisant le nombre de vases d’offrandes déposés dans la tombe d’après le type de profil d’assemblage associé, on n’observe pas de structuration nette des données (fig. 93 B). Lors d’une première lecture des résultats, il semblerait qu’au cours de l’Horizon 1, aux sépultures renfermant un seul récipient céramique correspondraient préférentiellement les profils d’assemblages A et E, tandis que celles comprenant de 2 à 5 vases sont plutôt liées à des profils F. Pour l’Horizon 2, le profil B pourrait être lié aux tombes de moins de 10 vases alors que le profil D semble surtout représenté dans les tombes de 2 à 19 récipients et minoritaire dans celles pourvues d’un unique récipient. Enfin, pour l’Horizon 3, deux profils “modestes” semblent se détacher (profils B et C). L’un est associé uniquement aux sépultures contenant moins de 20 vases (profil B), tandis que le second à celles de moins de 10 vases (profil C). Néanmoins, ces distinctions ne sont pas franches et la distribution des profils couvre une grande partie des groupes de récipients céramiques, amenant à douter d’une réelle structuration des données d’après ce facteur. Le profil A (tombes dominées par les parures annulaires), par exemple, se retrouve dans tous les groupes de récipients céramiques, sans de changements significatifs. Ces sépultures se distribuent sur l’intégralité du spectre, à la fois pour les ensembles funéraires les plus faibles en dépôt d’offrandes céramiques, comme pour ceux qui en son richement dotés. L’absence de structuration entre ces deux critères est d’autant plus flagrante lorsque l’on regarde en détail le contenu des dépôts funéraires. L’exemple des tombes 191 de Gourjade (n° 298) et 426 du Causse (n° 305), qui appartiennent à un contexte culturel identique et sont datées dans le courant du VIIe s. a.C. (Horizon 2), est le plus éloquent104. Toutes deux renferment l’incinération d’un adulte de sexe indéterminé. Bien que le mobilier de parure soit représenté dans chacune des tombes par la présence d’un unique bracelet, la première sépulture compte comme mobilier d’accompagnement 21 vases tandis que la seconde n’en dénombre qu’un seul. Dans ce contexte, il n’est pas utile de multiplier les exemples outre mesure et il conviendra, dès lors, de reconnaitre qu’il n’existe aucune corrélation franche et mesurable entre le nombre de vases d’offrandes déposés dans les tombes et les profils d’assemblages de ces dernières. Le nombre d’offrandes est donc soumis à d’autres facteurs qui restent encore à définir.
2. Structures funéraires et tombes à parure
Les tombes à parure du corpus sont associées à des structures qui connaissent de nombreuses variations selon le contexte chrono-culturel105. Afin de discerner un possible rapport entre ces structures funéraires et le nombre et/ou le type de parures qu’elles renferment, on s’intéressera exclusivement aux tombes recouvertes par un tertre et/ou pourvues d’un cerclage de pierres. En effet, ces monuments sont les structures funéraires dont la variabilité morphologique est la plus aisément observable et dont on suppose qu’elle devait être fortement soumise à des facteurs externes, au premier rang desquels se place probablement le statut social du mort.
L’un des éléments les plus évidents lorsque l’on s’intéresse aux tertres ou aux cerclages de pierres funéraires est leur taille. Par la taille, on entend ici le diamètre matérialisé par la présence d’un empierrement ou d’une structure périlithique. On ne tiendra pas compte de la hauteur car si cette valeur est pertinente pour estimer le volume d’un tertre, elle demeure souvent inconnue en raison des multiples facteurs naturels ou anthropiques qui ont pu en compromettre la conservation (passages de troupeaux, érosion, travaux agricoles, etc.). Cependant, une approche analytique fondée sur le seul diamètre des tumulus ou des structures d’entourages suffira déjà à dégager une vision globale dans le cadre de cette étude. Méthodologiquement, on prendra également soin de ne faire figurer que les ensembles funéraires a priori individuels, c’est-à-dire qui ne renferment qu’un seul défunt, dans la mesure où l’on cherche à mettre en valeur le rapport entre le monument et un type de sépulture. On a donc évincé du corpus les tertres multiples dits communautaires, qui couvrent plusieurs sépultures donc, comme ceux que l’on rencontre fréquemment en Aquitaine méridionale (Ibos et Pau) ou dans la vallée de la Leyre (Mios et Biganos). Enfin, il convient de préciser que les récents travaux menés sur les tumulus de la zone d’étude ont mis en exergue le fait que le volume des tertres n’était pas lié au facteur chronologique, et ce pour toutes les nécropoles106.
Dans un premier temps, si l’on s’attache à mesurer la variabilité de la taille (le diamètre) des tertres ou des structures d’entourages en fonction du nombre de parures associées à la sépulture qu’ils renferment, on observe qu’il ne semble pas exister de corrélation entre ces deux critères dans l’ensemble de la zone géographique tout au long du Premier âge du Fer (fig. 94 A). Les sépultures les moins pourvues en mobilier de parure (1 pièce) peuvent aussi bien être associées aux tertres de faible diamètre comme aux plus grands, par exemple 0,4 m pour la tombe 29 de la nécropole d’Arguedas (n° 34) et 20 m pour le monument de Milharenqué 1 à Avezac-Prat-Lahitte (n° 275). Pour autant, ces deux exemples pourraient ne pas être pertinents dans la mesure où ils sont issus d’ambiances chrono-culturelles divergentes. Pour assurer la validité de ces résultats, On s’attardera plus en détail sur les trois nécropoles régionales qui fournissent le plus grand nombre de sépultures à parures sous tumulus et/ou pourvues de structures périlithiques, à savoir : Le Camp de l’Église Nord à Flaujac-Poujols (n° 207), Garin à Arihouat (n° 148) et El Castejón à Arguedas (n° 34)107.
La nécropole du Camp de l’Église Nord à Flaujac-Poujols (n° 207) est occupée entre le deuxième quart du VIe s. et la fin du Ves. a.C., soit au cours de l’Horizon 3. Le diamètre des monuments funéraires n’y apparaît pas déterminé par le nombre de parures qu’ils renferment. Alors que la moyenne du diamètre des tertres, avec ou sans parures, s’établit à 7 m, on observe que la sépulture du tumulus 8, la plus riche en parures avec 9 pièces, ne mesure que 5,4 m tandis que le tumulus 19 avec un seul élément de parure présente un diamètre de 10,2 m108. La particularité de cette nécropole est que 11 des 24 monuments funéraires possèdent à leur base des structures rayonnantes en forme de “roue de char” dessinées par des empierrements. De ces structures internes singulières, seules 6 ont livré des tombes à parure : les tumulus 8, 9, 16, 19, 25 et 29. Par ailleurs, ces ensembles funéraires ne se distinguent pas par une quantité inhabituelle de mobilier d’apparat puisqu’en dehors des tumulus 8 et 25 qui comprennent respectivement 9 et 6 objets de parures, les autres sépultures restent plutôt discrètes sur ce plan. Les tertres 9 et 16 ont la double particularité (en plus disposer d’une structure rayonnante), d’avoir livré chacun un squelette d’équidé entier, accompagnant le défunt. À ce traitement funéraire exceptionnel vient s’ajouter un effectif important de vases d’accompagnement (41 pour l’un et 42 pour le second), le tout recouvert d’un tertre dont la taille, bien au-dessus de la moyenne du site, s’établit à 10,2 m pour le tumulus 9 et 11,4 m pour le tumulus 16109. Pour autant, le mobilier de parure de ces deux tumulus est relativement modeste. Le tumulus 16, que l’on date de la seconde moitié du VIe s. a.C. ne comprend qu’une agrafe de ceinture en alliage cuivreux et une fibule en fer, tandis que le tumulus 9, plus récent et daté du milieu du Ve s. a.C., renferme une fibule en fer et deux fragments d’alliage cuivreux non identifiables110.
La fréquentation de la nécropole d’Arihouat à Garin (n° 148) se situe entre le dernier quart du VIIIe s. et le premier quart du VIe s. a.C., correspondant à l’Horizon 2. Les 170 monuments funéraires rencontrés sont matérialisés par des urnes cinéraires déposées dans des fosses et dont l’espace symbolique est délimité par des couronnes de pierres à la taille et à l’architecture plus ou moins complexes111. Comme ailleurs, on observe que le diamètre de ces structures circulaires n’a pas de lien avec le nombre de parures qu’elles renferment. Les sépultures 44 et 96, contenant toutes deux une pièce d’apparat (un torque en alliage cuivreux), possèdent une structure périlithique de 2,5 m pour la première et de 8,5m pour la seconde. En outre, comme 22 autres monuments funéraires du site, la tombe 96 se distingue de la tombe 44 par l’aménagement d’une double couronne de pierres. Ainsi, la singularité architecturale n’est pas corrélée au type de dépôt funéraire observé à Arihouat. La sépulture 28 illustre également bien ce constat puisqu’il s’agit de l’unique ensemble funéraire dont l’enceinte circulaire de pierres est remplacée par un encadrement rectangulaire de 0,6 m de côtés112. Le contenu de la tombe située au centre du monument est identique à celui de la sépulture B, pourvue d’une architecture funéraire plus classique (double couronne de pierres d’un diamètre externe de 2,7 m)113.
La nécropole d’El Castejón à Arguedas (n° 34) semble être utilisée entre la toute fin du VIIe s. et la fin du Ve a.C. d’après l’étude typochronologique, ce qui correspond principalement à l’Horizon 3. Les 87 tombes qui la composent se présentent sous la forme d’urnes cinéraires couvertes par un petit tumulus et ceintes par une structure circulaire de blocs d’adobe114. Là encore, le diamètre de ces monuments n’est pas déterminé par le nombre de parures déposées dans la tombe. On évoquera ainsi les tombes 28 et 30 (du niveau C) qui comportent toutes deux un lot de perles en alliage cuivreux mais dont le diamètre de la structure s’établit à 0,40 m pour le premier dépôt et à 1,28 m pour le second (le diamètre moyen des tertres de la nécropole n’est que d’environ 1 m). Un petit nombre de monuments funéraires se distinguent architecturalement des autres soit par la présence d’une double enceinte de blocs d’adobe (sépulture 60 du niveau C), soit par l’aménagement de deux blocs à l’intérieur du loculus funéraire (sépultures 34, 35, 64 et 71 du niveau C), voire en combinant ces deux caractéristiques (sépulture 19 du niveau C). Là encore, ces singularités funéraires ne laissent entrevoir aucun lien avec la présence de parures dans la mesure où la composition en mobilier d’apparat de ces ensembles ne se distingue pas de celle des autres assemblages sépulcraux. Le nombre de parures accompagnant le défunt de la sépulture 19 du niveau C est identique à celui des tombes 15, 16, 38 ou 74 qui répondent à une morphologie plus conventionnelle pour le site. Enfin, les quelques tombes chronologiquement antérieures du niveau D, installées directement sous celles du niveau C, ne contredisent pas ces observations. Si les sépultures 1 et 2 (du niveau D) sont similaires avec une couronne simple de dimensions très proches (1,5 m pour la première et 1,3 m pour la seconde) et avec la présence de deux blocs d’adobe dans le loculus funéraire, seule la sépulture 1 renferme les reste d’un objet d’apparat (un lot de perle en alliage cuivreux).
Ces quelques exemples tirés de contextes funéraires bien espacés géographiquement et issus de groupes culturels différents valident les conclusions établies plus généralement sur l’ensemble de la zone. Un grand nombre de parures dans une tombe ne correspond pas nécessairement à une structure funéraire exceptionnelle. Ces deux critères ne sont pas corrélés.
En revanche, ce pourrait être le cas avec les profils d’assemblages identifiés pour chacun des ensembles sépulcraux.
En effet, en combinant ces deux paramètres, on constate de très nettes variations entre le contenu des tombes à parure et la taille des tertres ou des enceintes de pierres (fig. 94 B). Les sépultures dominées par les parures annulaires, avec ou sans ustensiles de filages (profils A et F1), ou celles comprenant principalement des parures vestimentaires (profil B) se trouvent déposées bien plus fréquemment dans les monuments discrets. De l’autre côté, les tombes à parure pourvues de pièces d’armement (profil C) ou à parures vestimentaires, couteau(x) et/ou outils de toilette (profil D1) ont une plus forte tendance à investir les tertres de grande taille. L’imposant gabarit des tertres qui recouvrent les sépultures à profil d’assemblage C, de nature guerrière, ne constitue pas un résultat particulièrement étonnant dans la mesure où on observe un phénomène similaire pour les tumulus à arme du Languedoc oriental et de la Provence115. En revanche, les diamètres des monuments funéraires renfermant des tombes de profil D1 interrogent. Puisque pour les tombes de profil C, c’est la présence de mobilier de type guerrier et non les parures qui semble corrélée aux dimensions du monument, on peut se demander si, derrière la taille importante des tertres couronnant les sépultures de profil D1, ce n’est pas en réalité le caractère “viril” de la tombe qui est mis en avant. Cela expliquerait pourquoi ce trait concerne aussi les tombes de type D1, dont on a déjà évoqué le “caractère masculin”. Le fait que les tertres abritant une tombe masculine auraient une tendance à la monumentalité a par ailleurs également été évoqué pour ceux de Languedoc oriental et de Provence116.
On rappellera toutefois que cette hypothèse se heurte encore à quelques problèmes. Le premier est que, comme on peut le voir pour le corpus, les ensembles sur lesquels cette idée repose sont très peu nombreux, seulement 3 tertres pour les sépultures de profil C et 3 pour ceux de profil D1, tandis que les exemples renfermant des profils A, B ou F1 sont bien plus fréquent, ce qui pourrait jouer sur la moyenne statistique obtenue. Ensuite, si l’on considère la variation des diamètres des tumulus à l’échelle d’une seule nécropole, comme celle du Camp de l’Église Nord à Flaujac-Poujols (n° 207), des exceptions peuvent aisément remettre en cause ce modèle. Bien que globalement, les monuments funéraires renfermant les assemblages de profils A, B et F1 comptent parmi les exemplaires de faible taille et que dans le même temps, les tumulus abritant des assemblages de profil D1 (tumulus 9 et 16) soient largement au-dessus de la moyenne (10,2 m pour l’un et 11,4 m pour l’autre), on relèvera que le plus grand tumulus de la nécropole (tumulus 25) recouvre une tombe de profil A2 dominée par les parures annulaires117. En outre, le tumulus 21, qui comprend la riche sépulture d’un défunt pourvue de sa panoplie militaire complète (épée, anneaux de suspension, éléments de chaîne, bouclier) en plus d’un couteau, d’outils de toilette, d’une agrafe de ceinture, d’une fibule et d’un bracelet, ne mesure que 9,5 m de diamètre, à peine au-dessus de la moyenne située à 7 m.
Ainsi, les variations importantes constatées entre les profils d’assemblages et les dimensions des monuments funéraires concernés paraissent ne pas être liées aux types de parures, du moins pas de manière directe, mais reflètent probablement des pratiques rituelles divergentes en fonction du genre du défunt. Cependant, cette réponse demeure incomplète dans la mesure où des exceptions à ce modèle existent. Les questions qui restent en suspens impliquent que des travaux s’attachant plus spécifiquement à cette problématique doivent être entrepris118.
3. Les tombes à parure surabondante : de riches tombes de femmes ?
La majorité des ensembles funéraires répertoriés dans le corpus comprennent un effectif relativement modeste d’objets d’apparat dépassant rarement les 5 individus. Il est possible cependant d’identifier un petit lot de tombes qui se distinguent par un nombre plus important de mobilier de parure, ce qui leur confère un aspect exceptionnel. On parlera alors de tombes à parure surabondante. Ce groupe comprend 28 sépultures pourvues d’au moins 6 parures accompagnant des défunts adultes (ou dont l’âge n’est pas caractérisé par l’anthropologie mais dont on peut supposer qu’il s’agit d’adultes). On peut ajouter à ce contingent 3 tombes d’enfants (Infans I et II) qui se singularisent aussi par le nombre de parures des autres défunts de la même classe d’âge. L’examen de ces tombes hors normes permet de dégager plusieurs constats (fig. 95 A).
Le premier fait remarquable est que ce type de dépôt funéraire touche la quasi-totalité de la zone géographique considérée : les marges occidentales du Massif central (Calès, Saint-Jean-de-Laur, Saint-Angel, Flaujac-Poujols), les Causses tarnaises (Réalville, Castres, Labruguière, Puylaurens), le Comminges (Garin), le plateau landais et le piémont des Pyrénées occidentales (Pouydesseaux, Pau), la moyenne vallée de l’Èbre (Arguedas), la Meseta (Herrería, Griegos) ou encore la Bas-Aragon (Andorra). En outre, cette distribution spatiale déjà large ne tient pas compte des ensembles funéraires que l’on a jugé moins fiables (indice de fiabilité de 2), notamment la vallée de la Leyre avec, parmi d’autres, la “riche” sépulture située entre les tombes 2 et 3 du tumulus de Pujaut à Mios (n° 167)119. Ainsi, ce phénomène de tombes à parure surabondante concerne tant les nécropoles françaises qu’espagnoles.
La distribution chronologique paraît en revanche moins bien proportionnée. La tombe 70 du Causse, datée du Bronze final régional (Horizon 1A), constitue l’unique exemplaire enregistré pour les périodes les plus anciennes. Le reste des dépôts appartient à l’Horizon 2, mais surtout à la dernière étape du Premier âge du Fer, durant l’Horizon 3. Le phénomène qui consiste à se distinguer des autres défunts par la déposition d’un riche costume d’apparat tend donc à s’accroître au cours du Premier âge du Fer de part et d’autre des Pyrénées.
Le second point tient à la place de ces tombes à l’intérieur de leur nécropole d’origine. Les tertres funéraires communautaires à multiples sépultures sont de bons marqueurs du rang singulier accordé à ces ensembles exceptionnels (fig. 95 B).
Le monument K de la nécropole d’Arihouat à Garin (n° 148) possède une organisation particulièrement intéressante (fig. 95 B). Contrairement aux autres tombes individuelles de la nécropole constituées d’une fosse et d’un urne funéraire délimitées par une structure périlithique, ce monument communautaire comprend un caisson central en plaques de schiste et une couronne de bloc de gneiss volumineux d’un diamètre de 7,5 m. Le tout devait être dissimulé par une superstructure aérienne composée de gros blocs de pierre120. La fouille a révélé que la sépulture K1, riche en mobilier de parure (trois torques, au moins deux séries de bracelets en armilles, des lots de perles et d’anneaux et un lot de boutons) était destinée à occuper le caisson central121. Probablement au même moment, la sépulture K2 est venue s’adosser à la première. Si la tombe K1 renferme les restes d’un adulte, celle de l’ensemble K2 comprend les ossements d’un grand enfant dont le matériel d’accompagnement est très proche de celui de K1 : il comprend également trois torques, vraisemblablement une unique série de bracelet d’armille et une perle122. Par la suite sont venues s’agréger, dans l’ordre chronologique, la sépulture d’enfant K4 également dominée par les parures annulaires (deux torques, un bracelet et un anneau)123, puis la sépulture K3 et la fosse K5 dépourvues de mobilier d’apparat124. Ainsi, on observe dans le monument funéraire K d’Arihouat un rituel funéraire original autour d’une tombe à parure surabondante fondatrice. Cet ensemble fondateur semble avoir attiré d’autres sépultures dont le profil d’assemblage est identique (profil A1), du moins pendant un certain temps.
Ce phénomène d’attraction par une tombe à parure surabondante s’observe également dans le tumulus de la Cami Salié à Pau (n° 271) (fig. 95 B). Ce tertre de 17 m de diamètre a été fréquenté pendant environ un siècle, entre 525 et 425 a.C. (Horizons 3B/3C) d’après les éléments typochronologiques disponibles. Enfouie sous un massif d’argile, la sépulture 1 est considérée par les inventeurs comme l’ensemble funéraire fondateur du monument125. Cette sépulture 1 se démarque très nettement par le faste de son mobilier d’apparat qui comprend une fibule, deux bracelets, deux torques, deux pendeloques, plusieurs lots d’anneaux, un lot de boutons et bien plus encore si l’on ajoute les multiples fragments de parures annulaires collés par l’oxydation dans une masse métallique, auxquels viennent s’ajouter deux fusaïoles et un couteau en fer126. Viennent ensuite s’agglomérer 18 autres sépultures, souvent pauvres en objets de parures, dont notamment des ensembles funéraires à armes, comme la sépulture 9 et ses éléments de lance en fer (pointe et talon)127.
Enfin, on pourrait évoquer le cas du monument M.5 de la nécropole du Turon à Azereix (n° 278) dont la tombe 2, vraisemblablement fondatrice car située contre le podium central, se distingue des autres dépôts cinéraires qui l’entourent dans le même monument non pas par le nombre de parures qu’elle renferme (seulement un torque et une épingle) mais plutôt par le fait que le torque qu’elle a livré l’un des tout premiers exemplaires en fer pour la zone d’étude (fig. 95 B)128. Cela dénote son caractère singulier, d’autant que l’usage du fer pour la confection de parures ne deviendra prédominant en Aquitaine méridionale qu’au cours du VIIe s. a.C. Ce constat renforce l’aspect “précurseur” de cette tombe datée entre 700 et 650 a.C. (Horizon 2A).
Il semblerait que l’on puisse observer une logique similaire pour certaines des autres tombes à parure surabondante issues de contextes funéraires divergeant du modèle du tumulus communautaire.
On en signalera un exemple dans la nécropole du Frau à Cazals (n° 326). Si, jusqu’à présent, ce complexe funéraire mal documenté a été écarté de l’analyse, on remarquera malgré tout que le tumulus 49 comprend une sépulture (sépulture B) richement pourvue en parure annulaires (correspondant au profil A2) et mobilier d’accompagnement ou d’offrande (un couteau, une pince à épiler, une fusaïole et son aiguille ainsi que près de 28 vases)129. Cet ensemble, daté entre 550 et 475 a.C. (Horizon 3A/3B) et enseveli au centre du monument, a été rejoint par trois autres structures funéraires qui sont venues s’agencer à l’intérieur du tertre (sépultures C et D) ou s’accoler à sa bordure (sépulture A) et qui sont toutes moins pourvues en mobilier archéologique (fig. 95 B)130. Il est possible qu’un rituel funéraire identique ait eu lieu pour le tumulus 47, daté entre 625 et 575 a.C. (Horizon 2B), bien que l’antériorité de la “riche” sépulture B sur les ensembles C et D reste à discuter (la sépulture A est en revanche bien postérieure au dépôt funéraire B)131.
À Flaujac-Poujols (n° 207), bien que l’on ne puisse pas mettre en évidence de tels phénomènes d’attraction, il est cependant intéressant de noter que le tumulus individuel 8, renfermant une sépulture richement dotée en mobilier de parure mais aussi en objets d’accompagnement et/ou d’offrande (52 vases d’accompagnement, une fusaïole et son aiguille, un couteau et un scalptorium), est l’un des tout premiers tertres à être érigé au Camp de l’Église Nord, entre 575 et 550 a.C. (Horizon 3A), comme en témoigne la fibule de type Golfe du Lion (Fi.13.A.8) qu’il a livrée132. Ce type de riche dépôt est inconnu auparavant, entre le VIIIe et VIIe s. a.C. (Horizon 1A et 2), au Camp de l’Église Sud.
On évoquera aussi le cas de la tombe 70 de la nécropole du Causse (n° 305). Cet ensemble à une double particularité. La première est, on l’a dit, qu’elle contient les restes d’un enfant d’environ 8 ans accompagné par un nombre de parures inhabituel pour cette classe d’âge133. La seconde, peut-être plus importante, est que ce défunt a été inhumé en pleine terre dans un contexte funéraire très nettement dominé par l’incinération. Datée entre 900 et 775 a.C. (Horizon 1A), cette inhumation appartient à un petit groupe de sépultures à inhumation situées dans le secteur central de la nécropole dont certaines, comme les tombes 339, 518 ou 552 sont contemporaines et, on outre, ont livré des lots de parures abondants et du mobilier d’apparat identiques : torques à tige torsadée et terminaisons recourbées en alliage cuivreux (To.18.A) ou bracelets filiformes fermés à tige spiralée (Br.4.C)134. Dès lors, on serait tenté de faire remarquer, à la suite de S. Adroit, que cette inhumation d’enfant à parure surabondante et celles environnantes plus ou moins bien dotées en mobilier d’apparat : “pourraient être celles d’ancêtres fondateurs, dont les sépultures marquent le début du fonctionnement d’une espace sépulcral”135. Il serait alors séduisant de voir dans cette inhumation d’enfant celle d’un des membres de la famille fondatrice dont le “riche” costume funéraire marque le statut social privilégié au sein de la communauté du Causse.
Pour autant, si les exemples précités semblent indiquer que ces tombes à parure surabondante ont tendance à attirer auprès d’elles d’autres sépultures, laissant supposer un statut social singulier pour les défunts qu’elles renferment, plusieurs contre-exemples minimisent la régularité de ce modèle.
Ainsi, dans les deux nécropoles espagnoles d’El Castejón à Arguedas (n° 34) et d’Herrería (n° 19), on ne distingue pas de regroupement autour des tombes à parure surabondante – mise à part, peut-être, la tombe 3 d’El Castejón, située au sud de l’espace funéraire et à proximité des ensembles 1 et 2 également bien pourvus en objets de parures, mais dont les éléments typochronologiques ne permettent pas de déterminer si elle est antérieure ou postérieure à la sépulture 1 (il n’y a pas de doute pour la sépulture 2 qui est bien la plus récente des trois). Pour les autres dépôts funéraires, comme les tombes 24 et 68 d’El Castejón136, ou les sépultures 31, 34, 47, 58, 80 et 136 d’Herrería137, on peine à identifier une logique expliquant leur emplacement topographique en fonction des tombes environnantes.
Dès lors, dans les nécropoles du nord-ouest espagnol, les tombes à parure surabondante ne semblent pas fédérer d’autres dépôts funéraires, même si seules deux nécropoles, pour l’heure, offrent des données de fouilles suffisamment précises pour proposer une telle étude. En outre, ce processus attractif autour de ces tombes singulières ne se manifeste pas toujours non plus dans les zones culturelles où il est pourtant connu. Dans les Pyrénées françaises, signalons également les autres complexes tumulaires régionaux qui se dérobent à une analyse précise du fait d’une documentation lacunaire (Avezac-Prat-Lahitte, Barzun, Ger ou Serres-Castet), invitant à une certaine prudence quant à l’application de ce modèle interprétatif. Malgré ces points d’achoppement, la place accordée à la plupart des tombes richement pourvues en mobilier d’apparat au sein des nécropoles, et le rayonnement symbolique dont elles jouissent, paraît bien réel et constitue un fait nouveau pour l’aire chrono-culturelle considérée.
Enfin, le troisième et dernier point concerne les catégories d’objets préférentielles livrées par ces tombes à parure surabondante. La grande majorité de ces sépultures est principalement dominée par les parures annulaires (profils A1 et A2). Même lorsque les assemblages appartiennent plutôt aux profils pourvus de couteaux et d’outils de toilette (D1) ou de parures vestimentaires (B1), ces objets se trouvent toujours accompagnés par un petit nombre de parures annulaires, comme c’est le cas pour la tombe 31 d’Herrería (n° 19) de profil B1 qui compte six fibules, une épingle, une pendeloque et un couteau mais aussi un lot de perles, un bracelet et plusieurs fragments appartenant vraisemblablement à un bracelet en armilles138. Ainsi, la présence de parure annulaire est un critère déterminant de ces tombes au costume funéraire riche en objets d’apparat. Ce constat invite à voir dans ces ensembles exceptionnels à parure une distinction offerte à des femmes de haut rang. On ne reviendra pas sur l’écueil rencontré quant à l’identification du sexe des défunts à partir de son seul mobilier d’accompagnement, dans un contexte funéraire dominé par l’incinération et pour lequel la diagnose sexuelle est rare. Toutefois, on remarquera que parmi les 31 tombes à parure surabondante identifiées, les trois sépultures bien caractérisées par l’étude ostéologique renferment à chaque fois un individu féminin tandis qu’aucun défunt masculin n’a été reconnu. Des parallèles issus de régions proches, bien étudiés, en contexte funéraire d’inhumation et analysés par l’anthropologie, peuvent contribuer à nourrir ce débat. On pense notamment à la nécropole du Pâtural à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), dont la femme inhumée dans la tombe 70301 était parée d’un torque, d’anneaux et de plusieurs bracelets139, ou au tumulus 1 de Vayssas à Sévérac-le-Château (Aveyron), dont le sujet n° 1 est une femme inhumée avec un torque, une épingle, deux bracelets et une fusaïole140. On ne multipliera pas les exemples outre mesure puisque les travaux de P.-Y. Milcent pour le centre de la France et ceux de B. Dedet pour les Causses du Gévaudan ou les garrigues languedociennes offrent plusieurs éléments comparables141. On retiendra simplement qu’à chaque fois que l’étude ostéologique permet l’identification sexuée des dépôts, ces types de costumes funéraires d’apparat sont systématiquement associés à une femme.
Ainsi, ces tombes à parure surabondante constituent un privilège accordé à des individus probablement féminins dont la richesse du dépôt signale le rang prédominant qu’elles occupent au sein de la société. Il s’agit là du fait le plus marquant pour la zone étudiée, qui fait écho aux recherches réalisées ces dernières années et qui tendent à attribuer à certaines femmes de l’Âge du Fer une place prépondérante dans la hiérarchie sociale. Pour autant qu’on puisse en juger sur la base de quelques exemples, les populations du quart sud-ouest de la France et du nord-ouest de l’Espagne semblent répondre positivement à un schéma d’organisation hiérarchique dans lequel des femmes accèdent à des tombes fastueuses dont on peut supposer qu’elles devaient entrer en résonance avec les prérogatives qui étaient les leurs de leur vivant. Ce postulat, qui devra être confirmé par une documentation plus abondante dans le futur, laisse entrevoir le fait que ces communautés se conforment à un modèle bien documenté dans le domaine nord-alpin, où se signalent très fortement de riches sépultures féminines à partir du milieu du VIIe s. a.C.142. Ce phénomène, qui dans ce complexe culturel présente : “une lisibilité archéologique aussi forte que soudaine”143, pourrait même rendre compte de véritables “dynasties”, comme pour le tumulus 2 du Grand Communal à la Rivière Drugeon (Doubs) et ses trois tombes à parure féminines abondantes ou comme cela a été envisagé pour les multiples tertres disséminés dans les environs de Vix144. L’hypothèse de telles “dynasties” se fonde sur les données funéraires qui voient l’ensevelissement d’une défunte, fondatrice d’un monument funéraire, à laquelle viennent s’agglomérer d’autres tombes. Le tumulus communautaire de Courtesoult (Haute-Saône) en constitue un exemple emblématique puisqu’il a livré une inhumée richement parée déposée au centre du tertre, rejointe par plusieurs autres ensembles sépulcraux d’hommes et de femmes de tous âges suivant un plan concentrique145. Cette organisation funéraire rappelle fortement ce que l’on a pu mettre en exergue pour les monuments funéraires communautaires et leur tombe à parure surabondante fondatrice dans le quart sud-ouest de la France, bien qu’à plus faible échelle.
Enfin, cette singularité funéraire qui accorde une place prépondérante à des femmes de pouvoir dans le domaine nord-alpin a poussé certains auteurs à envisager que ces dernières aient été considérées :
“comme des ancêtres fondateurs de lignage, ce qui a pu engendrer une évolution sensible des systèmes de parenté élitaires et, dans certains cas, l’adoption de filiation matrilinéaires”146.
Si les éléments pour étayer cette hypothèse restent encore ténus, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre ces possibles “ancêtres fondateurs de lignage matrilinéaires” et les quelques exemples rencontrés dans le quart-sud-ouest de la France. On pense surtout aux deux enfants des sépultures K2 et K4 d’Arihouat (n° 148) qui viennent s’accoler à la tombe d’adulte K1, tout en partageant avec cette dernière les mêmes catégories de parures (dans ce cas, il s’agit de la présence répétée de torques). Ici, la place fondatrice d’un individu probablement féminin de haut rang et l’attraction de tombes de jeunes défunts fait très clairement référence à cet “ancêtre” par le costume funéraire signalant le lien (familial ou symbolique) qui unit ces individus entre eux.
À l’issue de ces observations, on peut estimer que les populations du quart sud-ouest de la France et, dans une moindre mesure, celles du nord-ouest de l’Espagne, ont adopté une logique funéraire, traduisant probablement une stratification sociale des vivants, tout à fait comparable et synchrone avec celle observée pour les sociétés du complexe culturel nord-alpin.
4. Le cas des panoplies militaires du VIe et Ve s. a.C.
À partir du milieu du VIe s., mais surtout au cours de la seconde moitié de ce siècle et au début du suivant, les nécropoles du quart sud-ouest de la France et du nord-ouest de l’Espagne voient la réintroduction des tombes à arme147. Parmi ces ensembles funéraires, un certain nombre comprenaient au moins un élément de parure (profil C). L’examen de ces tombes à arme permet d’appréhender des phénomènes qui dépassent le cadre territorial et de nourrir une réflexion sur l’intégration des “guerriers” régionaux dans un vaste réseau d’interactions élitaires à grande échelle148.
La réapparition de tombes pourvues de mobilier militaire dans la région participe d’un processus qui s’exprime de la moitié sud de la France au le nord de l’Espagne149. En Méditerranée nord-occidentale, alors que ce type de dépôt était plutôt discret pour les périodes anciennes du Premier âge du Fer, ils représentent entre 32 et 60 % des tombes au cours du VIe s. a.C. En Languedoc occidental, les tombes à arme constituent 25 % des sépultures connues150. Leur effectif est donc important et croît de manière significative durant les trois derniers quarts du VIe s. a.C. Cet essor s’accompagne d’une standardisation de la panoplie. L’introduction et la diffusion des épées, principalement les modèles à antennes, témoignent de cette homogénéisation des assemblages funéraires “guerriers”. Comme ont pu le mettre en lumière les travaux de C. Farnié Lobensteiner, l’émergence des tombes à épées dans le quart sud-ouest de la France a profité d’un vaste réseau d’échanges fait de contacts pérennes et bilatéraux avec les populations du Midi de la France, via l’axe Aude-Garonne. Cette expansion des tombes à épées du sud-est de la France vers le sud-ouest se lit aussi dans la chronologie des ensembles funéraires. Alors que les premiers indices d’une augmentation du nombre des sépultures à arme apparaissent à Saint-Julien (Pézenas, Hérault) entre la toute fin du VIIe et le début du VIe s. a.C.151, il faut attendre le milieu ou la seconde moitié du VIe s. a.C. pour observer un tel phénomène dans le quart sud-ouest de la France152. Cette diffusion des épées est corroborée par celle des soliferreums, présents à la fois dans la vallée de l’Aude, au sud de la Garonne ainsi qu’au centre et au sud-est de l’Espagne, mais dont les origines se trouveraient vraisemblablement en Languedoc occidental153. Dès lors, à la fin du VIe s. a.C., la déposition en contexte funéraire de panoplies militaires constituées d’armes identiques (ou de morphologies proches) devient récurrente dans le quart sud-ouest de la France et en Méditerranée nord-occidentale. Toutefois, la standardisation de ces profils d’assemblages à vocation militaire ne concerne pas seulement le mobilier d’armement : elle touche aussi le mobilier de parure vestimentaire. Si l’on retient les tombes à arme de l’Horizon 3 A-B (575-475 a.C.) pourvues d’au moins un élément de parure, on constate que pour la majorité d’entre elles, le mobilier d’apparat est représenté par au moins une fibule et/ou une agrafe de ceinture (fig. 96)154. Ces deux catégories d’objets jouent donc un rôle actif dans la représentation funéraire des porteurs d’arme. Ce fait est d’autant plus intéressant qu’il s’observe dans une grande partie du territoire étudié (surtout le quart sud-ouest de la France, plus rarement en péninsule Ibérique). La répartition de ces panoplies militaires standardisées outrepasse donc les limites spatiales des faciès reconnues pour cette période (fig. 83 à 85). Dans une certaine mesure, la déposition de fibules et/ou d’agrafes de ceinture dans les assemblages “guerriers” semble également être la norme dans plusieurs sépultures languedociennes, notamment dans les tombes 1, 4, 8, 10, 13 et 14 de Grand Bassin II à Mailhac (Aude) ou les tombes 15, 43 et 43 de Las Peyros à Couffoulens (Aude)155. Ainsi, il apparaît que les défunts accompagnés d’armement dans le quart sud-ouest de la France obéissent à un code dont l’empreinte territoriale est vaste et dépasse les faciès typologiques locaux dont ils sont issus.
Ce phénomène de standardisation des assemblages funéraires à arme du quart sud-ouest de la France et de l’aire “ibéro-languedocienne” au cours du VIe s. a.C. suggère nécessairement que des interactions soutenues et pérennes étaient nouées entre les porteurs d’arme de ces aires géographiques. Outre les catégories de mobilier que renferment ces tombes, ce phénomène d’homogénéisation semble également corroboré par la typologie des accessoires vestimentaires d’apparat de ces panoplies.
Parmi les parures vestimentaires associées préférentiellement à de l’armement, les agrafes de ceinture de type “ibéro-languedocienne” sont celles que l’on rencontre le plus fréquemment dans les tombes à arme régionales. Correspondant aux modèles Ag.4 et Ag.5 de la typologie, ces pièces à échancrures ayant tendance à se fermer ou à évidements, peuvent être pourvues d’un à six crochets. On a pu déterminer que les modèles à un seul crochet apparaissent au début du VIe s. a.C., que ceux disposant de trois crochets ne sont en circulation que dans le dernier quart de ce siècle et le début du suivant, tandis qu’un nombre supérieur de crochets est un marqueur du deuxième quart du Ve s. a.C. Bien que l’on constate que chaque variante n’occupe pas une espace géographique équivalent et que chaque région adapte ces pièces à ses propres canons esthétiques/symboliques, toutes partagent des caractéristiques morphologiques assurant leur rattachement à la famille désignée comme “ibéro-languedocienne”. Ainsi, la distribution spatiale des modèles à échancrures ou évidements et à un, deux ou trois crochets, couvre un territoire comprenant l’aire “ibéro-languedocienne”, le faciès “pyrénéen” et la Celtibérie156. Il est intéressant de relever que cet espace territorial est proche de celui couvert par la diffusion des épées à antennes et est identique à la répartition des soliferreums au Premier âge du Fer157. Par conséquent, il n’est pas interdit de penser que leur apparition sur un vaste territoire a profité des mêmes moyens et circuits de diffusion que ces pièces d’équipement militaire.
La fin du VIIe s. et le début du VIe s. a.C. voient apparaître les premiers modèles régionaux de fibules à ressort bilatéral. Dans l’aire “ibéro-languedocienne” cette innovation consacre l’invention des fibules Golfe du Lion (Fi.13). En Aquitaine méridionale, cette solution technologique est introduite tout d’abord sur des fibules à pied droit de la vallée de la Garonne et en Aquitaine méridionale (Fi.10), avant d’être perfectionnée et d’intégrer les premiers modèles de fibules navarro-aquitaines (Fi.14.A.3) pyrénéennes. Si les fibules Golfe du Lion et navarro-aquitaines restent bien dissociées morphologiquement à leurs débuts, on a pu constater que leurs divergences iconographiques s’estompent progressivement à partir du milieu du VIe s. a.C. L’introduction d’éléments décoratifs tend à les rapprocher stylistiquement. Bien que les fibules qui accompagnent les panoplies militaires adoptent un registre morphologique local (fibules navarro-aquitaines en Aquitaine méridionale et moyenne vallée de l’Èbre, fibules à pied coudé en Quercy et Tarn-et-Garonne, fibules Golfe du Lion en Languedoc), elles assimilent des codes décoratifs plus largement répandus : long ressort sur axe ou faux-ressort agrémenté de perles ou de disques et arc plat décoré (fig. 97). Cette dualité entre fond local distinct et harmonisation morphologique extrarégionale rappelle la convergence typologique perçue pour les épées ou les agrafes de ceintures.
Cette convergence stylistique des fibules qui apparaît de manière concomitante à partir du milieu du VIe s. a.C. soulève plusieurs interrogations. On pourrait objecter que le port de ce type de fibules n’est pas exclusif des seules tombes à arme et qu’elles constituent un marqueur typologique plus général de la fin du VIe et du début du Ve s. a.C. En effet, on peut citer plusieurs dépôts funéraires dépourvus d’arme et comptant des fibules similaires, notamment la sépulture 1 du tumulus de Pau (n° 271), qui est une sépulture à parures annulaires dominantes mais qui comprend une fibule navarro-aquitaine à axe débordant serti de perles (Fi.14.A.4) ; ou encore, pour l’aire ibéro-languedocienne, la sépulture 17 de Grand Bassin II (Mailhac, Aude) qui renferme deux fibules Golfe du Lion à long ressort agrémenté de perles et à arc plat décoré (Fi.13.A.6), une agrafe de ceinture “ibéro-languedocienne” (Ag.4.A) et plusieurs fragments d’armilles de bracelets158. Pour autant, on proposera l’hypothèse que cette convergence stylistique des fibules s’est d’abord faite par l’intermédiaire de contacts entre les porteurs d’armes et qu’elle a été assimilée localement par la suite.
Un premier argument est que cette hypothèse s’accorde plutôt bien avec le processus de standardisation des panoplies militaires du sud de la France et de la Catalogne évoqué plus haut159. Le second argument est que les fibules navarro-aquitaines découvertes en des points les plus éloignés de leur foyer de diffusion privilégié se trouvent exclusivement dans des tombes à arme (à lances et à soliferreums), dont par ailleurs, presque toutes renferment également une agrafe de ceinture “ibéro-languedocienne” : dans la sépulture 1103 du Causse (n° 305), la tombe 43 de Las Peyros (Couffoulens, Aude), la tombe de Saint-Antoine (Castelnau-de-Guers, Hérault) et le dépôt funéraire 273 de Saint-Julien (Pézenas, Hérault)160. Ce fait s’explique soit par la mobilité effective de porteurs d’arme venus d’une région soumise au faciès pyrénéen qui seraient décédés en Languedoc, soit par des contacts de nature commerciale (échanges) ou diplomatique (dons) privilégiés entre individus. Enfin, une troisième raison tient au fait que si les tombes à panoplies militaires tendent à adopter des codes standardisés sur un territoire dépassant les limites des faciès considérés, les tombes à parure annulaires dominantes (profil A) semblent quant à elles plutôt porteuses de traditions régionales. Le mobilier d’apparat de ces dépôts funéraires témoigne d’une diffusion plus réduite. D’ailleurs, c’est bien souvent par l’étude de la répartition des parures annulaires, ou des objets leur étant fréquemment associés, que l’identification de faciès typologique a pu être effectuée : bracelets à nodosités et en lignite en Centre/Centre-Ouest, bracelets à terminaison spiralée en Quercy, torques à crochets en région tarnaise, bracelets en “armilles soudées” et torques à tampons en Aquitaine méridionale et moyenne vallée de l’Èbre et enfin perles de collier en terre cuite ou parures pectorales pour la Meseta. Enfin, le fait que les costumes funéraires à parures annulaires dominantes s’inscrivent plutôt dans une dynamique régionale expliquerait pourquoi, à partir du VIe s. a.C., le port du torque se développe dans la limite du faciès pyrénéen alors qu’il est progressivement abandonné dans l’aire ibéro-languedocienne. Ainsi, aux antipodes de la standardisation des panoplies militaires, les porteurs de parures annulaires “pyrénéens” et “ibéro-languedociens” semblent, par leur costume funéraire, emprunter des modes de représentations rituelles distinctes. Les références à un ensemble culturel plus vaste ne sont pas visibles que par l’ajout d’une ou deux pièces d’apparat vestimentaire tout au plus.
À partir du deuxième quart du Ve s. a.C. la région connaît un renouvellement des parures avec l’apparition d’objets de types dits “laténiens”. Dans le domaine du mobilier d’apparat, ces nouveautés s’expriment principalement à travers les fibules à ressort “laténien” (Fi.18), puis, dans une moindre mesure par les agrafes de ceinture ajourées (Ag.6) au nord de la zone d’étude. Il s’agit donc prioritairement de parures vestimentaires. Là encore, on peut penser que l’introduction de ces pièces s’est faite principalement par l’intermédiaire des tombes à arme pour plusieurs raisons.
Le premier est que c’est dans ce type de dépôts funéraire que l’on observe une continuité typologique entre les parures déjà en circulation et celles nouvellement intégrées (fig. 98). C’est le cas dans la sépulture 1 de Fourques-sur-Garonne (n° 255) qui a livré une fibule navarro-aquitaine et une fibule à ressort “laténien” ou dans le dépôt funéraire du tumulus 22 du Camp de l’Église nord (n° 207) qui voit l’association d’une agrafe “ibéro-languedocienne” et de deux fibules à ressort “laténien”161. Toutefois, c’est l’assemblage du tumulus 21 du Camp de l’Église nord (n° 207) qui exprime le mieux le caractère précurseur des tombes à arme. Cette sépulture comprend un équipement militaire complet : épée dans son fourreau, couteau et son fourreau, anneaux de suspension, bouclier, scalptorium et rasoir. Les analyses typologiques des éléments qui composent cette panoplie : “suggèrent la présence dans le tumulus 21 de l’une des plus anciennes panoplies de tradition laténienne connue à ce jour en Europe”162. Outre un fragment de bracelet, le mobilier de parure de la tombe est notamment représenté une agrafe de ceinture ajourée (Ag.6), type caractéristique de la koinè celtique du Ve s. a.C., et par une fibule navarro-aquitaine. On a donc dans cette sépulture quercynoise tous les éléments typologiques des porteurs d’armes laténiens, annonçant les prémisses du Second âge du Fer, associés à un modèle de fibule exogène souvent présent dans les panoplies militaires antérieures. Ainsi, le défunt et son équipement militaire du tumulus 21 témoignent-ils à la fois de l’intégration précoce de morphologies nouvelles et de la conservation de codes connus auparavant qui s’expriment ici par la parure vestimentaire. De plus, ce tumulus domine nettement les édifices environnants, traduisant de surcroît un statut social probablement élevé163. Ce haut rang devait s’accompagner d’une assise économique et/ou politique importante, impliquant le défunt dans un réseau d’interactions extrarégionales.
Deuxièmement, lors de l’étude de la répartition des fibules à ressort “laténien”, on a pu constater que leur apparition dans le quart sud-ouest de la France ne se fait pas par l’introduction simultanée de fibules identiques dans toute la zone, comme cela aurait été le cas d’une diffusion de pièces importées par contacts commerciaux. L’innovation du ressort “laténien” vient agrémenter des fibules dont la morphologie générale repose sur un fond artisanal local. Dans la région tarnaise, leur forme et l’usage de l’alliage cuivreux sont partagés avec les fibules de type Golfe du Lion. En Quercy, leur arc coudé et l’emploi du fer sont des caractéristiques que l’on rencontre auparavant sur les fibules à pied coudé (Fi.15) locales, tandis qu’en Aquitaine centrale et méridionale, ce nouveau ressort est simplement ajouté à des modèles navarro-aquitains164. Ainsi, ce renouvellement typologique des fibules se comporte comme les mutations stylistiques des fibules de types Golfe du Lion, à pied coudé ou navarro-aquitaines, ou encore des agrafes de ceinture “ibéro-languedociennes” du siècle précédent, c’est-à-dire par assimilation de codes nouveaux tout en conservant des spécificités locales. On peut dès lors penser que la diffusion de ce renouvellement profite également de la dynamique de standardisation des assemblages funéraires “guerriers”.
Faire des porteurs d’arme les initiateurs de changements rapides menant à l’assimilation de nouveaux canons stylistiques explique donc un certain nombre de faits que l’on a pu mesurer tout au long de l’étude des parures régionales. Pour autant, il s’agit encore d’une hypothèse qui devra être confrontée à une investigation de plus grande ampleur. L’examen des panoplies “guerrières” permet tout de même de questionner la place des parures dans ces assemblages et d’affirmer que les parures vestimentaires associées à ces ensembles funéraires participent pleinement au processus de standardisation des équipements militaires, au même titre que les pièces d’armement, et, donc, à la définition du statut social de leur porteur.
5. Parure : un attribut de distinction sociale parmi d’autres ?
Au cours des précédentes analyses des tombes à parure, on a cherché à discerner une structuration articulant la présence de mobilier d’apparat avec d’autres critères habituellement associés à l’identification d’une hiérarchisation sociale.
Les observations faites sur la variabilité du nombre de vases d’offrande déposés dans les tombes ou de l’architecture des monuments funéraires en relation avec le nombre et le type de parures rencontrées dans les sépultures concernées ne sont pas franches. À l’exception peut-être d’un possible lien entre le profil d’assemblage du mobilier accompagnant les défunts et le diamètre des structures funéraires, qui découle probablement du sexe des d’individus plutôt que de leur seul costume funéraire, on ne relève pas de corrélation. Dès lors, on serait tenté de conclure que cette catégorie d’objet ne traduit pas un rang économique et/ou politique particulier des vivants, transposé ici dans le monde des morts et de considérer les parures comme une “variable d’ajustement” qui tendrait plutôt à distinguer les défunts d’après leur caractéristiques biologiques (sexe et âge). Les corrélations mesurées entre l’âge au décès des défunts et le nombre et/ou le type de parures vont dans ce sens et invitent à identifier une stratification sociale des individus, comme autant de “rites de passages” générationnels. Toutefois, si le lien entre parure et rang social (qu’il soit biologique, économique ou politique) de leur porteur est peu explicite, c’est parce qu’un grand nombre de dépôts funéraires sont relativement discrets en mobilier d’apparat. La présence de quelques pièces dans le costume funéraire n’est pas significativement discriminante et devait concerner un grand nombre individus ayant accès à une sépulture pérenne, c’est à dire des individus déjà singularisés au sein des populations du Premier âge du Fer.
Toutefois, la charge symbolique affectée au mobilier de parure des défunts ne peut être considérée comme négligeable. À l’intérieur de certaines nécropoles, apparaissent à partir du VIIe s. a.C. (Horizon 2) des individus, probablement féminins, qui se signalent par les riches atours qu’ils emportent avec eux dans la mort et qui les distinguent nettement des autres défunts. Cette appropriation d’un mobilier d’apparat fastueux est le marqueur d’une distinction sociale qui devait traduire le rang élevé occupé dans la société par son porteur de son vivant. Dans ce cadre, les éléments de parures semblent bien jouer un rôle primordial, au même titre que peuvent l’être le reste du mobilier d’accompagnement, comme les outils (couteaux, outils de toilette, outils de filage) et l’armement, ou encore les offrandes telle que la vaisselle céramique et métallique. En effet, parmi toutes les tombes à parure de fiabilité maximale, celles qui se détachent du reste du contingent par la présence d’un nombre exceptionnel, soit de parures, soit de mobilier personnel (autre que la parure), soit de vases céramiques d’offrande ou soit de vases métalliques, ne partagent jamais, ou très rarement l’ensemble de ces critères discriminants (fig. 99). Ainsi, les tombes à parure surabondante ne sont jamais celles qui comportent un mobilier personnel (hors parures) fastueux, ni qui renferment un nombre important de vases d’offrande. Une tombe dominée par l’un de ces critères d’abondance singuliers semble de facto se condamner l’accès aux autres critères discriminants165. Cette catégorisation des sépultures exceptionnelles semble traduire une stratification des défunts qu’elles renferment. Les tombes à parure surabondante devaient marquer un rang social ou une activité du défunt différent(e) du rang ou de l’activité des défunts richement pourvus en mobilier personnel (hors parure) ou de vases d’offrande uniquement. En conséquence, les parures semblent bien être un attribut qui participe à la distinction sociale des individus, du moins en contexte funéraire, au même titre que le reste du mobilier déposé dans la sépulture.
Enfin, on a pu mettre en exergue que les tombes à parure surabondante étaient associées à des individus, probablement féminins, dont le pouvoir symbolique ou réel s’illustre par l’attraction que suscitent ces ensembles funéraires au sein des nécropoles. Ce type de dépôt à parure surabondante que l’on observe jusqu’au Ve s. a.C., offre l’opportunité de distinguer une hiérarchie sociale autrement que par la seule présence ou l’absence de sépulture à arme, comme cela est trop souvent la règle dans la bibliographie régionale166.
Néanmoins, on rappellera qu’il demeure risqué d’attribuer uniquement aux femmes les ensembles funéraires riches en parures et aux hommes ceux considérés comme discrets pour cette catégorie d’objet, et ce d’autant plus dans un contexte documentaire pauvre en diagnose sexuelle par l’anthropologie. On ajoutera que la grande majorité des assemblages de mobilier dans les sépultures constitués d’artefact jugés moins discriminant sexuellement, comme les couteaux ou les outils de toilette, échappent toujours à une interprétation genrée des dépôts. Enfin, même en considérant que certains profils de tombes définissent bien un caractère féminin (profils A et F) ou masculin (profils C, D2 et D3), on est obligé de constater que celles à caractère “masculin” conservent malgré tout certains privilèges funéraires ostentatoires tels que la réalisation d’un tertre plus volumineux ou la déposition d’équidés, comme c’est le cas par exemple dans la nécropole du Camp de l’Église Nord à Flaujac-Poujols (n° 207).
Finalement, il paraît plus sage de considérer que si la présence de femmes de pouvoir dans les sociétés protohistoriques est indéniable et bien lisible par l’archéologie, traduisant sans nul doute un pouvoir dont les contours restent à définir, les hommes devaient conserver un certain nombre de prérogatives particulières. En d’autres termes, on peut légitimement penser que le pouvoir était partagé entre les hommes et les femmes selon des règles sociales biens définies. Cette complexité dans les rapports sociaux des élites régionales devient archéologiquement perceptible lorsque réapparaissent les tombes à arme (donc à caractère masculin) au cours du VIe et du Ve s. a.C. Dans une zone s’étendant du quart sud-ouest de la France à la Méditerranée nord-occidentale, ces ensembles funéraires de type guerrier tendent vers une forme de standardisation. Si cette homogénéisation était déjà documentée pour l’équipement militaire, on peut à présent affirmer que la parure vestimentaire suit le même processus. Les fibules et les agrafes de ceinture de ces panoplies adoptent progressivement des solutions ornementales similaires et de façon synchrone. Ainsi, par leur mobilier funéraire, les porteurs d’arme se rattachent à un groupe symbolique et/ou idéologique dont les limites spatiales s’expriment au-delà de celles des faciès typologiques reconnus. La pérennité de ce phénomène, au moins jusqu’à la fin du Ve s. a.C., suggère que ces individus devaient tisser des relations entre eux. On peut penser que l’entretien de relations diplomatiques et politiques sur un vaste territoire devait être l’un des fondements sur lequel repose le pouvoir de ces élites “guerrières”.
Les porteurs de parures dans leur contexte chrono-culturel : éléments de synthèse
Après avoir étudié les porteurs de parures et leur costume funéraire à l’échelle de l’individu et tenté d’identifier des marqueurs d’identités sociales à travers leur mobilier d’apparat, il convient de prolonger cette analyse sur des aspects plus englobants à valeur chronologique et culturelle. Il s’agira donc ici de brosser un tableau général de l’évolution spatiale et temporelle des assemblages des parures. On poursuivra donc la synthèse qui avait été esquissée lors de la caractérisation des faciès en y incorporant les nouveaux éléments abordés au cours de cette ultime étape de l’analyse.
Pour mener à bien cet exercice, on renverra à plusieurs reprises vers la lecture de quelques figures de synthèse qui rendent compte de la distribution chronologique des profils d’assemblages et du nombre moyen de parures par tombes (fig. 100). Cet examen réalisé pour le seul mobilier de parure sera confronté aux données plus largement observées pour l’aire géographique retenue afin de déterminer de quelle manière les modulations autour du mobilier d’apparat s’insèrent dans le contexte social des populations du Premier âge du Fer situées de part et d’autre des Pyrénées.
La lente recomposition de la transition Bronze-Fer (VIIIe– début du VIIe s. a.C.)
L’Horizon 1B, couvrant le VIIIe s. et s’étendant jusqu’au début du VIIe s. a.C. selon les régions, est difficile à appréhender d’après le seul mobilier de parure compte tenu du petit nombre de vestiges rencontrés. En contexte funéraire, hors nécropoles du Castrais, on ne signale que quelques artefacts dans la nécropole du Camp de l’Église Sud à Flaujac-Poujols (n° 207), tandis que le mobilier découvert en contexte d’habitat est référencé exclusivement en Espagne à Castillo de Henayo (n° 1), à La Hoya (n° 2), à Alto de la Cruz (n° 38) et à Barranco de la Peña (n° 89) pour la haute et moyenne vallée de l’Ebre et à Cabezo de Monleón (n° 76) pour la région du Bas-Aragon et vallée du Cinca. Enfin, on enregistre encore quelques témoins provenant de contextes mal définis en Nouvelle Aquitaine, comme à Saint-Fort-sur-Gironde (n° 120), à la Cornetie (n° 138), à Rouffignac-de-Sigoules (n° 143) et à Agen (n° 246). Ainsi les principaux éléments sur lesquels reposent une synthèse de la période se fondent quasi-exclusivement sur les données de la nécropole du Causse (n° 305). Cependant, la longue fréquentation de ce site débutant dès le Bronze final (Horizon 1A) au IXe s. a.C. permet de mieux cerner les évolutions qui sont à l’œuvre durant cet Horizon 1B.
Lors d’une première étape d’analyse, on a pu déterminer que les indices typologiques datés entre 800/775 et 725/675 a.C. présentent une forte continuité avec ceux qui leur sont directement antérieurs. Des objets dont la morphologie se rencontre au cours du IXe s. a.C. circulent encore au siècle suivant. Malgré cela, on a aussi pu noter l’intégration de types nouveaux et de catégories inconnues jusqu’alors, comme l’apparition timide des premières fibules. Ces éléments ont mené à la définition de l’Horizon 1B comme une période de transition au cours de laquelle le costume d’apparat reste encore fortement ancré dans les traditions du Bronze final (Horizon 1A) tout en annonçant les modifications à venir. Ce constat se trouve corroboré par les profils d’assemblages qui sont essentiellement composés d’épingles, d’anneaux ou de perles, plus rarement de boutons/appliques ou de bracelets (donc surtout de profils E et F et dans une moindre mesure A) (fig. 100 A). Pour autant qu’on puisse en juger, ce type de costume funéraire se rencontre aussi bien dans les sites de la région tarnaise que dans ceux des marges occidentales du Massif Central (Lot, Quercy et Limousin). Ce qui étonne en revanche, c’est la différence entre le nombre de parures déposées dans les sépultures de l’Horizon 1A et dans celles de l’Horizon 1B (fig. 100 B). Cette disparité, que l’on enregistre au cours du VIIIe s. a.C., traduit probablement des changements sociétaux plus profonds que ne le laisse supposer une simple variabilité stylistique des costumes funéraires167. Afin de mieux définir les contours de ces changements, on peut solliciter l’ensemble des indices archéologiques connus pour la région entre le IXe et VIIIe s. a.C.
On invoque souvent la péjoration climatique qui frappe l’Europe centrale et septentrionale au cours de l’âge du Bronze, entraînant des conditions plus fraîches et humides et touchant probablement les Pyrénées jusqu’à 850 a.C., comme l’un des critères majeurs aboutissant à des bouleversements systémiques de l’organisation des sociétés de l’âge du Bronze d’Europe168. Si l’on ne jugera pas ici de la valeur à accorder à cette hypothèse, il est un fait que le Bronze final est le théâtre de modifications importantes témoignant d’une “crise” affectant aussi bien les modalités d’occupation du territoire que les manifestations rituelles ou de production de richesse. Dans le quart sud-ouest de la France, les nombreux sites de hauteur, souvent fortifiés et répartis le long d’axes fluviaux, sont abandonnés au début du VIIIe s. a.C. au profit d’installations de courtes périodes dans les plaines alluviales, dont la fonction est essentiellement tournée vers l’agriculture et l’élevage169. Dans le domaine funéraire, on décèle une tendance à la sobriété marquée par le passage progressif de l’inhumation ostentatoire à l’incinération individuelle plus discrète170. Le nord-ouest de l’Espagne n’est pas épargné par ces changements durant le IXe et le VIIIe s. a.C. Sans entrer dans les débats qui agitent la communauté de protohistoriens espagnols sur leur chronologie précise, on retiendra seulement qu’au cours de ce laps de temps, l’espace culturel relativement stable défini autour de la culture de Cogotas I se désagrège en plusieurs petits groupes (Pico Buitre, Soto, Ecce Homo IIA, etc.)171. Cet éclatement culturel, dont les contours restent difficiles à définir en raison d’un affaiblissement généralisé du nombre de vestiges, s’accompagne d’une recomposition territoriale dans laquelle les habitats passent d’une logique principalement défensive à une logique ouverte plutôt tournée vers l’agriculture. C’est dans ce contexte que sont investis les habitats de plaine ou installés sur des promontoires de faible altitude, comme ceux de la Hoya (n° 2), d’Alto de la Cruz (n° 38) et Cabezo de la Cruz (n° 85), alors que le site de hauteur de Cabezo de Monleón (n° 76) est abandonné autour de 700 a.C. Seul l’habitat de hauteur de La Loma de los Brunos à Caspe (n° 77), situé à l’extrémité est de la zone d’étude, à proximité de la Catalogne, semble être occupé sans discontinuité du Bronze final au milieu du VIe s. a.C. Les communautés établies sur ces nouveaux sites se tournent alors vers une économie vivrière (agriculture et élevage) plutôt que de prestige (production et commerce de biens en métal), comme c’était le cas auparavant172. De plus, comme en France, les nécropoles régionales espagnoles sont marquées par la disparition des inhumations qui sont peu à peu remplacées par l’incinération, comme on peut l’observer sur le site de Castellets II à Mequinenza (Saragosse)173. À cette recomposition territoriale, économique et funéraire s’ajoutent une plus faible circulation des épées et un nombre croissant des dépôts d’objets en alliage cuivreux en plein terre. L’augmentation de cette pratique de déposition, qu’elle soit considérée comme une manifestation économique (thésaurisation) ou rituelle (offrande aux divinités), traduirait l’instabilité à laquelle seraient confrontées les populations. Dans tous les cas, cette pratique de dépôts disparaît à partir du VIIIe s. a.C. et s’accompagne de manière plus globale d’une forte diminution de la masse métallique en circulation174. Ces éléments sont perçus comme une perte de contrôle de la classe dirigeante dans les sociétés très hiérarchisées et un affaiblissement des réseaux commerciaux à longues distances175. En d’autres termes, entre le IXe et le VIIIe s. a.C., les communautés du quart sud-ouest de la France comme du nord-ouest de l’Espagne sont l’objet d’une recomposition économique et sociale. Moins hiérarchisées, elles fondent leur économie sur la richesse naturelle environnante (élevage et agriculture) tout en sollicitant moins les grands axes commerciaux le long des fleuves utilisés jusqu’alors176.
C’est dans ce contexte perturbé que prend place la fondation de la nécropole du Causse (n° 305) avec les premiers porteurs de parures du cadre chrono-culturel. Elle est inaugurée à la fin du Bronze final (Horizon 1A), probablement autour de quelques individus inhumés dans la zone centrale du complexe funéraire. Outre leur mode d’ensevelissement, ces défunts se démarquent par la possession de riches atours traduisant un rang que l’on suppose élevé dans la société. À une période où la manifestation de richesse et la circulation de biens de prestige perdurent encore, comme en témoignent les nombreux dépôts de bronze connus dont celui de Vénat (Saint-Yreix-sur-Charente, Charente) demeure le plus emblématique177, ces inhumés sont peut-être les derniers témoins d’une société en passe de changer. Les incinérés qui les rejoindront par la suite durant l’Horizon 1B sont accompagnés d’un costume funéraire bien plus modeste, relativement pauvre en mobilier de parure (fig. 100 B). Cette discrétion dans la déposition du mobilier d’apparat indique que les individus ayant accès à une sépulture pérenne sont moins enclins à se faire incinérer avec leur richesse, ce qui suggère alors l’existence d’une politique de redistribution des biens, ou alors qu’il n’est plus possible pour l’élite de disposer d’autant de biens de prestige, ce qui laisse entendre que le pouvoir économique et/ou politique était moins concentré autour de quelques individus mais partagé par un plus grand nombre de personnes. Parmi ces deux hypothèses, on penchera plutôt pour la seconde puisqu’elle explique mieux les mutations décrites plus haut, dans lesquelles se dessine une forme de compétition entre les individus pour accéder aux hautes strates d’une hiérarchie sociale plus ouverte et recomposée. Plutôt qu’une organisation sociale très hiérarchisée et pyramidale, les phénomènes constatés pour le VIIIe s. a.C. invitent à proposer le modèle d’une société dont les couches supérieures concernent une part importante de la population et où les différences sociales ne sont pas très prononcées178. Le cas du Causse n’est pas isolé puisqu’on constate un phénomène analogue (aucun dépôt funéraire ne se distingue des autres par sa “richesse”) dans les nécropoles du Camp d’Alba à Réalville (n° 329) et du Camp de l’Église Sud à Flaujac-Poujols (n° 207), deux sites qui sont fréquentés à partir du VIIIe s. a.C.179.
Cette hypothèse s’accommode bien de l’individualisation perceptible à travers l’adoption d’un nouveau rite funéraire comme l’incinération individuelle, dont certains auteurs ont pu dire qu’elle signalait : “l’émergence de l’individu”180. Dès lors, la diversification qui se lit dans la typologie des pièces de parures qui composent les costumes funéraires du VIIIe s. a.C. peut être perçue comme un prolongement de cette logique d’individualisation. Bien que se plaçant dans une forme de continuité avec les codes précédents du mobilier d’apparat funéraire, les défunts de l’Horizon 1B, plus nombreux à accéder à une sépulture pérenne, se démarquent les uns des autres par l’introduction de nouvelles ornementations, stimulant alors la diversité typologique181. De plus, si la relative pauvreté de leur costume funéraire, marquée par un usage plus contenu du métal que celui de leurs prédécesseurs, semble confirmer le fait que les biens de prestige sont dorénavant moins représentés, cela ne rend pas nécessairement compte d’un affaiblissement des réseaux d’échanges à moyenne et longue distance. L’usage de l’ambre et du verre pour la confection de perles ornant de longues épingles ou des colliers témoigne de l’entretien continu de réseaux économiques, ou d’une partie d’entre eux, faisant probablement intervenir plusieurs intermédiaires182. Enfin, les relations au Bronze final entre les sites de l’Atlantique et ceux de Méditerranée archéologiquement lisibles par l’importation de petits objets métalliques, que l’on retrouve d’un point à l’autre de l’axe Aude-Garonne, telles que des pointes de lance de type de Vénat à Cazouls-lès-Béziers (Hérault) ou des objets dits “pré-launaciens” en Centre-Ouest, n’ont, semble-t-il, pas cessé183. C’est ainsi que l’on peut interpréter la présence des deux fibules à arc renflé du tumulus de Saint-Fort-Sur-Gironde (Charente-Maritime, n° 120) et dont la provenance paraît moins douteuse que celles déposées au Musée d’Agen (n° 246)184.
Ce phénomène d’individualisation des défunts durant le VIIIe s. a.C. par leur costume funéraire n’est, pour l’heure, documenté que pour quelques sites localisés entre les régions tarnaise et quercynoise. Une grande partie du cadre géographique d’étude (Nouvelle Aquitaine, Pyrénées, Meseta) reste encore muette durant cet Horizon 1B en raison de l’absence d’objets d’apparat. Pour autant, il importe de remarquer que les éléments relevés sur un vaste territoire (changements dans les pratiques funéraires, éclatement de l’élite sociale, recomposition économique) ne contredisent pas cette interprétation. C’est notamment le cas pour ceux découverts en vallée de Garonne et sur ses marges, tandis qu’il reste encore délicat de se prononcer pour le nord de la péninsule Ibérique185.
Ainsi, les changements de tous ordres qui s’opèrent sur le territoire rendent compte de mutations profondes de l’organisation de sociétés au cours du VIIIe s. a.C. (Horizon 1B). Bien qu’encore tributaires de codes établis au cours de la fin de l’âge du Bronze (comme le traduit le phasage), les parures en circulation au cours de cette période ne constituent pas le marqueur d’une décomposition sociale faisant suite à une crise née lors des siècles précédents, comme cela a pu être proposé186. Bien au contraire, elles témoigneraient déjà d’une recomposition des populations protohistoriques dont les nouvelles assises économiques, politiques et culturelles se mettent progressivement en place. Le VIIIe s. a.C. est donc véritablement une période de transition annonçant les évolutions à venir du siècle suivant.
L’effervescence du VIIe et du début du VIe s. a.C.
La période couvrant la fin du VIIIe ou le début du VIIe jusqu’aux premières décennies du VIe s. a.C. (Horizon 2) se démarque de la précédente par un nombre accru de vestiges. Cette augmentation significative des données disponibles permet de documenter une grande partie de la zone d’étude. Elle permet d’identifier plusieurs faciès typologiques ainsi qu’un découpage chronologique de la période en deux sous-horizons (Horizons 2A et 2B). Cet Horizon est aussi marqué par des changements dans les profils d’assemblages rencontrés en contexte funéraires en même temps que par une augmentation substantielle du nombre de parures déposées par sépulture, et ce pour tout la zone d’étude considérée (fig. 100).
Au cours des trois premiers quarts du VIIe s. a.C. (Horizon 2A), les tombes du Lot, de la région tarnaise, de Gironde, du Lot-et-Garonne et, dans une moindre mesure, de Meseta, conservent encore la trace de modes ancrées dans des traditions de l’Horizon précédent. En effet, on observe un effectif encore important de sépultures de profils E et F, c’est-à-dire bien pourvues en épingle. Il est intéressant toutefois de noter que ces attaches vestimentaires accompagnent aussi dorénavant des couteaux et/ou des outils de toilette (profil D3), plus rarement des bracelets (profil D2), ce qui est un fait nouveau. Les tombes dominées par les parures annulaires restent présentes (profil A). Progressivement, les petits éléments annulaires rencontrés entre la fin du VIIIe et le début du VIIe s. a.C. vont laisser leur place à des pièces plus volumineuses, telles les torques, ou à la multiplication des bracelets dès le milieu du VIIe et surtout durant la fin de ce siècle et le début du suivant (Horizon 2B). Cette mutation du port des parures annulaires s’accompagne de l’apparition de nouvelles catégories, comme les fibules et les agrafes de ceinture, qui constituent des profils d’assemblages inconnus jusqu’alors (profils B et D1). Ce phénomène s’observe dans presque l’intégralité de la zone géographique, d’abord timide lors de la première moitié du VIIe s. a.C., puis de manière récurrente à partir de la seconde moitié de ce même siècle et le premier quart du suivant.
À l’incorporation de nouvelles parures et à l’usage accru des pièces annulaires ostentatoires (torques et bracelets, parfois portés en séries), s’ajoute un renouvellement du registre morphologique et stylistique du mobilier d’apparat qui traduit une intense phase d’expérimentation. Des formes d’expressions originales qui n’ont plus de liens avec les codes artisanaux précédents sont tentés, sans que les directions prises ne débouchent nécessairement sur de véritables canons qui persisteront par la suite. C’est notamment le cas des torques à tige composite à chaînette et boutons (To.24) connus dans la région tarnaise et le Quercy, mais aussi des fibules de type Golfe du Lion à arc spiralé et pied coudé ajouré (Fi.13.A.7). Ces objets, caractéristiques du milieu du VIIe s. et du début du VIe s. a.C., n’ont laissé que peu de traces dans les morphotypes qui leur ont succédé dans leurs aires de circulations respectives. Ces derniers ont en revanche retenu l’usage de tampons pour les torques et l’emploi du pied coudé terminé par un bouton pour les fibules. Enfin, on peut penser que l’intégration rapide du fer dans la confection du mobilier de parure durant le VIIe s. a.C. participe de phase d’expérimentation. Par ses caractéristiques uniques (non fusible, travaillé par martelage, couleurs, etc.), ce nouveau matériau a dû stimuler l’innovation artisanale. On constate en tout cas que dès son apparition, il sert à fabriquer des parures à la morphologie inconnue jusqu’alors. On évoquera ainsi les premières fibules serpentiformes, d’abord confectionnées en fer, ou encore les bracelets et les torques à tampons qui apparaissent en fer durant l’Horizon 2A avant de connaître des déclinaisons en alliage cuivreux plus tardives, durant l’horizon 2B. Par la suite, l’usage du fer décroît progressivement pour certaines catégories de parures, principalement annulaires, pour n’être réintroduit qu’à la toute fin du Premier âge du Fer ou au début du Second, comme c’est le cas pour les torques.
Parallèlement à cette phase d’expérimentation artisanale, les nécropoles du quart sud-ouest de la France voient l’émergence de tombes à parure surabondante. On a démontré que ces sépultures disposent d’un fort caractère polarisant au sein des tumulus communautaires et que ce sont certainement celle de femmes jouissant d’une place importante dans la société. Ce phénomène fait écho à ce que l’on peut observer au même moment dans le domaine culturel nord-alpin et est contemporain de la disparition progressive des tombes de guerrier à épée du Ha C dans le centre de la France et le Quercy187. Il est en revanche encore délicat à caractériser pour les sites de péninsule Ibérique puisque les données funéraires bien documentées demeurent toujours partielles pour cette zone. Toutefois, les défunts richement parés de la nécropole d’El Cabo à Andorra (n° 62), dont la fréquentation débute dans la seconde moitié du VIIe s. a.C., constituent un premier indice d’une dynamique analogue.
Tous ces éléments reconnus pour le seul mobilier de parure rendent compte d’une activité artisanale soutenue qui contraste très nettement de ce que l’on pouvait observer pour l’Horizon précédent. Cette effervescence trouve de nombreux parallèles dans le reste de la documentation archéologique enregistrée pour cette même période.
Dans le quart sud-ouest de la France, le début du VIIe s. a.C. est marqué par le développement d’importants habitats, tels que ceux de l’Isle-Saint-Georges (n° 164) ou de Monflanquin (Lot-et-Garonne). Cette dynamique s’accélère à partir de la seconde moitié de ce même siècle puisque c’est vraisemblablement au cours de cette période que sont investis les sites de Montamat à Tonneins (n° 259), de Chastel à Aiguillon (n° 248), du Grand Hôtel à Bordeaux (n° 159), de Saint-Etienne-de-Lisse à Niord (n° 170) ou du Cluzel à Toulouse (n° 153). Le rôle majeur que jouent ces habitats se manifeste de deux façons : par l’abondance de mobilier et de vestiges liés à l’artisanat et au commerce qu’ils livrent et, surtout, par leur forte capacité polarisante puisqu’autour d’eux s’organisent des foyers de peuplement, dans un rayon de quelques kilomètres (habitats moins dense, nécropoles)188. On notera également que la plupart d’entre eux se développent tout au long du Premier âge du Fer et sont occupés jusqu’au IVe s. a.C, ce qui conforte leur fonction de centre territorial189. Les nécropoles fréquentées au siècle précédent continuent d’être en usage, comme celles du Causse (n° 305), de Gourjade (n° 298) du Camp d’Alba (n° 329), du Camp de l’Église Sud (n° 207) ou de Lagravière (n° 254). Cependant, hormis les deux sites du Castrais, les autres seront abandonnés à la fin de l’Horizon 2B, vers 575 a.C. Toutefois, le domaine funéraire connaît au cours du VIIe s. a.C. de profondes modifications. En effet, cette période voit la création de complexes funéraires majeurs pour la zone d’étude : Arihouat (n° 148), Mios (Pujaut et Truc du Bourdiou, n° 167 et 168), Le Martinet (n° 299), Magrin (n° 311) ou encore Orsière (n° 319). La déposition en pleine terre d’objets métalliques, dont témoignent les dépôts ariégeois du Peyéré (n° 95) et des Arz (n° 97), réapparaît à l’extrémité orientale du cadre d’étude190. Ces riches cachettes d’objets se placent en marge du phénomène des dépôts de type “launacien” qui apparaissent au même moment en Languedoc et dont on suspecte qu’ils se trouvaient au cœur d’un système de circulation à longue distance de métal brut à usage prioritairement économique191. On peut alors se demander si les découvertes ariégeoises (et peut-être tarnaises) ne remplissaient pas une fonction identique.
Dans le quart nord-ouest de la péninsule Ibérique, la trame qui se dessine présente quelques points de similitude avec ce qui a pu être observé en France, bien que l’on enregistre un léger décalage chronologique. En effet, les habitats de plaines ou de hauteur fondés au siècle précédent en haute et moyenne vallée de l’Èbre, qui continuent d’être occupés, conservent des traits “archaïques” comprenant des unités domestiques de plan circulaire, comme au Castillo de Henayo (n° 1)192. Cependant, les prémisses d’un changement s’amorcent dans la première moitié du VIIe s. a.C. L’occupation de l’habitat de hauteur de la Peñas de Oro (n° 5) se développe réellement à ce moment, tandis qu’Alto de la Cruz (n° 38) voit une modification de son plan interne avec la réorientation des habitations individuelles de plan rectangulaire. Ce n’est véritablement qu’à partir du milieu du VIIe s. a.C. qu’on distingue une structuration du territoire en relation avec le phénomène des Castros qui touche la moitié nord de l’Espagne. En Meseta et sur ses marges, ces habitats fortifiés à rue centrale et habitations rayonnantes s’installent sur des points haut ou des promontoires de moyenne altitude. C’est ainsi que sont érigés, parmi d’autres, les sites de La Coronilla (n° 14), d’El Castillejo (n° 53), peut être aussi celui de San Cristobal (n° 73) et que s’agrandit celui de Cabezo de la Cruz (n° 85) entre 660 et 590 a.C.193. L’émergence de ces habitats majeurs aux quatre coins de la région entraîne la création de complexes funéraires, parfois en lien direct avec les castros mentionnés. Hormis quelques nécropoles chronologiquement circonscrites à la fin du VIIe et au tout début du VIe s. a.C., telles que celles d’El Cabo (n° 62) ou d’Uncastillo (n° 88), il s’agit de complexes funéraires importants dont la fréquentation s’amplifiera par la suite : à Herrería III (n° 19) ou dans le niveau D d’Arguedas (n° 34).
Mis bout à bout, ces éléments aussi bien dans le quart sud-ouest de la France que le nord-ouest de l’Espagne, invitent à voir dans le VIIe s. et le premier quart du VIe s. a.C. une période d’effervescence économique et probablement politique. S’il demeure difficile d’en déceler les causes, sans doute plurielles, on constate qu’elle est contemporaine de l’usage croissant du fer dans le domaine du mobilier d’apparat. On peut donc penser que l’extraction, la production et la commercialisation de ce minerai ont dû constituer l’un des moteurs économiques de ce bouillonnement194. Il n’est pas anodin que des pièces volumineuses et originales en fer se trouvent déposées dans des tombes d’individus dont la richesse témoigne d’une forme de pouvoir. Arborer des objets d’apparats confectionnés dans un matériau qui devait être encore relativement rare, ce qui par ailleurs conduit à le retirer des circuits de recyclage, suggère que ceux qui en avaient l’utilisation devaient en détenir le contrôle économique. À ce titre, on notera la convergence entre l’emploi précoce et important du fer tel qu’il est visible dans les sites des Pyrénées occidentales au cours du VIIe s. a.C. et l’expansion territoriale que connaîtront les productions culturelles de cette région au cours du VIe et du Ves. a.C.
Quoiqu’il en soit, les expérimentations engagées au cours de l’Horizon 2, qu’elles soient artisanales ou qu’elles concernent les modalités d’occupation du territoire et de sa structuration, déboucheront sur des solutions durables, toujours en vigueur au cours de la fin du Premier âge du Fer.
La consolidation de la fin du Premier âge du Fer (deuxième quart du VIe et Ve s. a.C.)
De toutes les périodes du Premier âge du Fer, celle située entre le deuxième quart du VIe et le dernier quart du Ve s. a.C. (Horizon 3) est de très loin la plus riche en parures. Les nombreux vestiges répandus sur la totalité de la zone d’étude permettent de proposer trois divisions chronologiques internes sur la base de changements typologiques : Horizon 3A (575/550-525 a.C.), Horizon 3B (525-475/750 a.C.) et Horizon 3C (475/450-425/400 a.C.). La reconnaissance d’un faciès pyrénéen est la caractéristique majeure de cet Horizon 3 en raison de son emprise territoriale entre l’Aquitaine méridionale et la moyenne vallée de l’Ebre, et de son expansion progressive tout au long de la période vers le Centre/Centre-Ouest de la France au nord et vers la Meseta au sud. Les autres faciès déjà observés lors de l’Horizon précédent demeurent relativement stables et voient leurs contours précisés.
L’analyse des assemblages de parures dans les tombes laisse entrevoir que la zone d’étude est soumise à une consolidation des dynamiques engagées au siècle antérieur.
En effet, les profils de tombe à fibules et/ou agrafes de ceinture (profil B) qui émergeaient lors de la fin du VIIe et du début du VIe s. a.C. (Horizon 2B) occupent à présent une place bien plus importante (fig. 100 A). Cet Horizon 3 voit aussi une très nette domination des sépultures à parures annulaires (profil A) tandis qu’apparaissent celles renfermant un équipement militaire et au moins une parure (profil C). A contrario, les ensembles funéraires constitués d’une ou plusieurs épingles, associées à des couteaux, des outils de toilette ou des outils de filages ont totalement disparu (profils D1/3, E et F1). Les catégories d’outillages continuent d’être déposées dans les tombes mais sont accompagnées cette fois de fibules, d’agrafes de ceinture ou de parures annulaires (profil D1)195. Contrairement à ce que l’on constatait lors du siècle précédent, la distribution des profils d’assemblages des tombes est à présent la même pour tous les sites funéraires de la zone d’étude. Les costumes funéraires ont donc tendance à s’uniformiser. Le mobilier d’apparat en contexte sépulcral s’articule principalement autour de quelques catégories de parures : les fibules, les agrafes de ceinture, les bracelets, les torques, auxquels il faut ajouter les colliers de perles et les parures pectorales pour les nécropoles de la moyenne vallée de l’Èbre et de la Meseta.
Ce phénomène de standardisation du costume se lit également dans la production artisanale. Les types de parures rencontrés au cours des trois derniers quarts du VIe et du début du Ve s. a.C. sont relativement stables et s’appuient sur les expérimentations réalisées lors des décennies précédentes. Aucune nouvelle catégorie de parure ne fait son apparition : toutes étaient déjà en circulation au tournant du VIIe-VIe s. a.C. Les éléments morphologiques majeurs constitutifs des parures de l’Horizon 3 existaient antérieurement. On évoquera notamment : le pied coudé terminé par un bouton et le ressort bilatéral des fibules, les échancrures (prémisse des évidements) des agrafes de ceinture, les nodosités des tiges de bracelets, les terminaisons à tampons des torques ou encore les fils spiralés des parures pectorales. Ainsi, tous les éléments typologiques observés durant le VIe s. a.C. trouvent leur origine dans des modèles introduits antérieurement. Les quelques modifications typologiques et solutions techniques nouvelles sont opérées à la marge196.
C’est donc à partir de ces bases morphologiques que va s’exprimer la variété du mobilier d’apparat de cette période. Les parures de l’Horizon 3 rendent compte d’une grande richesse stylistique et il s’agit là de leur véritable critère distinctif. Elle se manifeste notamment par un allongement du ressort et de l’axe ou par l’élargissement de l’arc des fibules qui devient essentiel pour y apposer un programme décoratif toujours plus chargé. On fera un constat identique pour les décors encadrant les agrafes de ceinture ou pour la variété ornementale des tiges de torques (cannelures, entailles transversales, rubanée, etc.). Cette richesse décorative avait amené à utiliser le terme de “flamboyant” pour décrire la profusion stylistique dont font preuve ces parures.
La nette augmentation du nombre de parures déposées en contexte funéraire participe aussi d’une dynamique de continuité/consolidation engagée précédemment (fig. 100 B). Elle se lit particulièrement bien dans la pérennité et l’augmentation du nombre de tombes à parure surabondante, phénomène que l’on rencontre à présent aussi bien en France que dans les nécropoles de péninsule Ibérique. Cependant, le contexte dans lequel apparaissent ces riches ensembles funéraires n’est pas le même selon que l’on se place au nord ou au sud des Pyrénées.
Dans le quart sud-ouest de la France, on distingue des mutations dans le recrutement funéraire des nécropoles régionales. Le siècle précédent était marqué par la création de grandes nécropoles pourvues d’un effectif de tombes important. Au VIe et Ve s. a.C., les complexes funéraires qui sont toujours fréquentés (Mios, Barbaste, Le Causse, etc.) ou ceux nouvellement activés (Calès, Pau, Ger, Glandon, Flaujac-Poujols, Ibos, etc.), présentent un nombre de tombes moindre que précédemment. Le cas du Causse est caractéristique de cette tendance puisque le site comprend que quelques tombes datées du VIe et du début du Ve s. a.C., c’est-à-dire un effectif bien inférieur à celui de l’Horizon 2197. Ce phénomène de restriction de l’accès à une sépulture pérenne associée à la valorisation des défunts par la déposition d’un assemblage abondant est dorénavant bien documenté dans toute la moitié sud de la France, aussi bien dans la vallée de la Garonne qu’en Languedoc198. Ces mutations lisibles dans la documentation funéraire laissent entrevoir une hiérarchisation sociale plus prégnante qu’auparavant. Celle-ci doit être mise en parallèle avec la structuration croissante du territoire telle qu’elle se manifeste par la multiplication d’habitats majeurs (ou l’essor de ceux déjà en place) par lesquels transitent toujours plus de biens d’origine méditerranéenne. Cependant, au cours de l’Horizon 3, la richesse économique des sociétés protohistoriques régionales repose plus sûrement sur les ressources locales que sur le trafic de biens de prestige somptueux (comme c’est le cas dans le domaine nord-alpin au même moment). Cela n’empêche nullement la conservation de marqueurs élitaires, signe d’une organisation sociale hiérarchisée199.
Dans le nord-ouest de la péninsule Ibérique, la plupart des nécropoles régionales se mettent en place dans la première moitié et au milieu du VIe s. a.C. Les complexes funéraires déjà fréquentés à la fin de l’Horizon 2 connaissent leur essor à partir de l’Horizon 3, comme c’est le cas à Herrería III (n° 19) ou dans le niveau C d’Arguedas (n° 34), tandis que nombreuses autres nécropoles entrent en activité, que ce soit dans la moyenne vallée de l’Èbre ou en Meseta : Aragoncillo (n° 10), Atienza (n° 12), Navafría (n° 16), Híjes (n° 20), El Castillo (n° 37), La Atalya (n° 39), Carratiermes (n° 51), Ucero (n° 56), Griegos (n° 68), La Umbría (n° 78) et Urriés (n° 90). La plupart de ces sites occupent une vaste surface et comptent un effectif important de tombes, pouvant dépasser la centaine (Herrería III, El Castillo, La Atalaya, etc.). Certaines de ces nécropoles adoptent une organisation rigoureuse, avec des alignements de tombes signalées en surface par la présence d’une stèle et ménageant des “rues” de circulation, comme à Aguilar de Anguita (n° 8), à Navafría (n° 16) ou à Alpanseque (n° 46). La majorité des ensembles sépulcraux qui les composent restent relativement “pauvres” en vestiges200. Cette situation contraste fortement avec la petite dizaine de dépôts funéraires rencontrés dans les nécropoles du siècle précédent. Contrairement à ce que l’on observe dans la moitié sud de la France, un plus grand nombre d’individus semblent avoir eu accès à une sépulture pérenne. Cela témoignerait-il du fait que les populations de cette région ont une organisation hiérarchique moins forte, ou du moins plus ouverte à la compétition sociale ? On est en droit de le penser, d’autant que les données archéologiques provenant des habitats environnants (castros) vont en ce sens. Les castros qui sont apparus dans la seconde moitié du VIIe s. a.C. continuent de se développer selon un rythme soutenu dans le courant du VIe s. a.C. Parmi les nombreux sites qui s’établissent à cette période (Castro del Zarranzano, Cabezo de Chinchon, Bursau, etc.) ou qui se développent (Ceremeño), celui de Cabezo de la Cruz (n° 85) traduit le mieux l’essor de ces habitats. La dernière phase d’occupation du site au Premier âge du Fer (phase IV), datant du VIe s. a.C., voit une augmentation de sa densité de peuplement : l’une des deux rues centrales disparaît au profit de nouvelles constructions, tandis que des habitations s’établissent durablement au-delà du rempart. En dépit de cet accroissement, les unités domestiques conservent un plan régulier et standardisé et aucune d’entre elles ne se distingue des autres par la taille ou par l’organisation interne201. On peut donc penser qu’au cours du VIe s. a.C., la hiérarchisation sociale est encore faiblement marquée ou, du moins, bien moins lisible qu’elle ne peut l’être dans le sud de la France202.
Ainsi, le mobilier de parure, comme l’occupation du territoire, témoignent-ils d’une forme de continuité et d’une consolidation des dynamiques sociales engagées précédemment. Toutefois, des phénomènes nouveaux apparaissent au cours de cet Horizon 3 et s’affirment à mesure que l’on progresse dans le Ve s. a.C.
Parallèlement à l’accroissement des tombes à parure surabondante, la période comprise entre le milieu du VIe et le début du Ves. a.C. est marquée par la réapparition des sépultures à équipement militaire dans le quart sud-ouest de la France. Cette tendance, très nette, se place dans le prolongement d’une dynamique entamée en Méditerranée nord-occidentale quelques décennies plutôt. La déposition funéraire de plus en plus fréquente de panoplies militaires s’accompagne d’une standardisation des assemblages dans laquelle s’inscrivent également les parures vestimentaires (fibules et agrafes de ceinture). Chez ces individus qui affichent un “statut guerrier” singulier, il y a une volonté manifeste de se référer à des symboles ou à une idéologie qui dépasse leur ancrage géographique. La reproduction de ces codes funéraires sur un vaste espace géographique durant près d’un siècle suggère que des contacts pérennes étaient tissés entre ces porteurs d’arme. Cette standardisation de la panoplie militaire dessine les contours d’un pouvoir détenu par ces “guerriers”, probablement fondé sur des liens politiques à grande échelle et sur la maîtrise du territoire dans la mesure où ce phénomène témoigne que leurs porteurs tissaient des contacts à longue distance. On trouve confirmation dans la présence de tombes à arme isolées situées en proche périphérie d’habitats majeurs de la moyenne vallée de la Garonne (et peut-être sur ses marges), dont on suspecte qu’elles jouaient le rôle de bornes territoriales203. Le processus d’homogénéisation des assemblages militaires se traduit également par la typologie du mobilier d’apparat qui adopte une iconographie similaire, de manière concomitante, du quart sud-ouest de la France à la Méditerranée nord-occidentale. Plus précisément, les parures annulaires expriment plutôt des codes culturels locaux tandis que les parures vestimentaires relèvent davantage de codes culturels partagés dans un espace géographique élargi. Au détour de l’examen des costumes funéraire régionaux, on a pu émettre l’hypothèse que les prérogatives assignées aux porteurs d’armes ont pu être déterminantes dans l’assimilation in situ de ces codes extrarégionaux.
Les élites “guerrières” du quart sud-ouest de la France paraissent jouer un rôle prédominant, dès le deuxième quart du Ve s. a.C., dans l’introduction des premiers témoins caractéristiques de la culture laténienne dans le costume d’apparat régional. Appuyée sur un fond local en place ou associée à des types d’objets déjà connus auparavant, l’intégration aux panoplies de ces productions laténiennes signalent encore l’implication de ces individus dans le tissu politique et économique. En tout cas, le renouvellement morphologique des parures amorcé durant cette période ne constitue pas une rupture franche mais témoigne une forme de stabilité au moins jusqu’au début du IVe s. a.C. pour la région.
Dans le nord-ouest de l’Espagne, faute de contextes archéologiquement fiables et bien documentés, peu d’éléments nouveaux viennent éclaircir la trame déjà proposée. Le Ve s. a.C. est marqué par l’apparition des tombes à arme (avec notamment la présence d’épées à antennes et de soliferreums) suivant la dynamique initiée en Méditerranée nord-occidentale près d’un siècle plus tôt. Parallèlement, en Meseta ; les castros sont toujours présents (Ceremeno II) et peuvent se voir enrichir d’une fortification (El Turmielo II), tandis que ceux établis en moyenne vallée de l’Èbre sont abandonnés (Burrén y Burrena et Fabara), parfois suite à une phase d’incendie (Las Eretas et Cabezo de Monleón). Enfin, la période connaît une augmentation du nombre de production métallique en fer204. Si jusqu’à présent le milieu de ce siècle était perçu comme le marqueur du début du Second âge du Fer régional, l’examen du mobilier de parure tend fortement à atténuer cette impression205. Les types de mobilier d’apparat connus lors des décennies antérieures continuent de circuler au moins jusqu’à la fin du Ve s. a.C. et adoptent par ailleurs des innovations stylistiques locales : fibules à pied large ou “en ancre”, fibules rhomboïdes ou fibules à spirales. Ce n’est que de manière progressive qu’apparaissent des modèles nouveaux appelés surtout à se développer durablement au IVe s. a.C., comme les fibules à ressort “laténien” et discoïdes. Ainsi, les parures des trois derniers quarts du Ve s. a.C. traduisent-elles plutôt une étape de transition. C’est aussi durant la fin du Ve et surtout du IVe s. a.C. que l’occupation du territoire est moins disséminée et se concentre autour d’un faible nombre d’habitats de haut rang. Cette mutation territoriale favorise l’émergence d’une élite sociale vraisemblablement plus prégnante qu’auparavant. C’est en tout cas ce que suggère l’accroissement du nombre de tombes dites “aristocratiques”, et notamment militaires, qui intègrent à présent des pièces typiquement laténiennes (épées ou fibules)206.
Dans le quart sud-ouest de la France et le nord-ouest de l’Espagne, l’étape finale du Premier âge du Fer comprise entre le VIe et le Ve s. a.C. profite pleinement d’innovations amorcées antérieurement. C’est en s’appuyant sur ces bases graduellement consolidées que se met en place un riche programme ornemental du costume d’apparat. Ces parures au style “flamboyant” accompagnent des défunts bien plus singularisés au sein des nécropoles qu’ils ne l’étaient auparavant. Par leur assemblage funéraire, ces individus, hommes comme femmes, témoignent de leur rattachement à un réseau de relations élitaires à grande échelle, renvoyant une image de ces populations moins cloisonnée et régionalisée que ne laissent supposer les travaux précédents.
Notes
- Milcent 2004, 176-178 ; Dedet 2001, 283-305 ; Millet 2008.
- Analyse à laquelle on ne saurait se soustraire.
- Boissinot 2008.
- Boissinot 2008, 141.
- Boissinot 2008, 147-148.
- Bélard 2014, 294-305.
- Le terme de “genre” renvoie ici au “sexe social”, qui est donc une construction et qui doit être dissocié du sexe biologique des individus.
- Pour les études du genre en sciences sociales et en archéologie, on peut se référer, entre autres, à : Moore 1994 ; Nelson, ed., 2007 ; Fougeyrollas-Schwebel et al., dir., 2003. Plus récemment, on mentionnera la thèse de C. Trémeaud : Trémeaud 2018.
- Baray 2009.
- Baray 2009, 193.
- Desenne et al. 2010, 272.
- Pl.199 n° 2364.
- Pl.101.
- Les traces d’usure constatées sur la tige de cette pièce indiquent qu’il a bien été utilisé par son porteur.
- Il serait intéressant de réaliser une telle étude sur un corpus ne privilégiant pas l’incinération et pour lequel la corpulence et l’âge au décès des porteurs sont bien identifiés.
- Pl.61 n° 4494 et pl.116 n° 4857.
- Pl.94 n° 65. Pour les autres bracelets réajustés découverts dans des dépôts funéraires d’immatures, voir : Laguardía La Hoya (n° 2) – (fouille 1950) sépulture d’enfant, niveau 2 (pl.1 n° 4715 à 4719) ; Castres, Gourjade (n° 298) – sépulture 152 (pl.160 n° 1144) ; Castres, Le Martinet (n° 299) – T.4 (pl.167 n° 1280) ; Labruguière, Le Causse (n° 305) – T.558 (pl.189 n° 1673).
- Giraud et al. 2003, 99.
- Pl.75 n° 974 ; une paire d’anneaux de jambe à glissière, proches de celui de Saint-Ybard, ont été mis au jour dans la sépulture 1 du tumulus 2 la nécropole de Mons à Saint également (Cantal). D’après P.-Y. Milcent, leur poids devait atteindre 1,8 kg : Milcent 2004, 177.
- C’est-à-dire des ensembles funéraires dont l’indice de fiabilité est de 3 d’après le classement.
- Il faut admettre que la reconnaissance d’une tombe ne contenant qu’un seul défunt plutôt que plusieurs est un exercice des plus délicats lorsque il prend place dans un contexte comprenant en grande majorité des incinérations. À chaque fois que c’était possible, On s’est appuyé sur les résultats des études anthropologiques faites à partir des esquilles d’os contenues dans l’urne funéraire. De telles analyses ont été faites sur les grandes nécropoles du corpus (Gourjade, Le Martinet, Le Causse, El Castejón et Herrería) qui renferment la majorité des sépultures retenues. Pour autant, On a fait le choix de conserver les contextes funéraires pour lesquels la présence d’un ou plusieurs défunts n’avait été ni déterminée ni mentionnée dans la bibliographie afin de constituer un corpus suffisamment dense et couvrant une plus grande aire géographique. Le faible nombre de ces sépultures ne devrait pas interférer sur les résultats finaux. Les données compilées par A. Droit sur un corpus de sites similaires au nôtre par la zone géographique qu’il recouvre laisse supposer que seulement 7 % des tombes renferment les restes de plus d’un individu. Toutefois, elle souligne que cette estimation doit être nuancée par la façon dont la collecte des ossements brûlés est réalisée sur l’aire de crémation, celle-ci pouvant être partielle et de fait, masquer la présence d’un second individu dans l’ossuaire : Adroit 2015, 248-249.
- Sauf exception, on se référera au cours de ce chapitre aux trois grands horizons identifiés lors du chapitre précédent plutôt qu’aux sous-horizons qui les composent afin de distinguer de façon plus claire les phénomènes observés.
- Bruzek 1991 ; Giraud et al. 2003, 183.
- La détermination sexuelle pour les tombes du Castrais s’appuie uniquement sur l’étude de l’os coxal, ce qui n’est pas le cas de l’étude des restes osseux d’Herrería qui se réfère aux critères de robustesse et de gracilité : Giraud et al. 2003, 183 ; Gómez Bellard, in : Cerdeño & Sagardoy 2007, 187-195.
- Duday et al. 2000.
- Duday, in : Nickels et al. 1989, 459-472 ; Giraud et al. 2003, 182-183.
- Il faut reconnaître que le nombre de sujets adultes dans le corpus peut être légèrement surévalué dans la mesure où l’on a rattaché les 56 tombes issues des nécropoles du Castrais estimées comme renfermant des individus de “taille adulte”. Pour les auteurs de l’étude anthropologique de ces nécropoles, ce terme renvoie à une différenciation entre un individu réellement mature et un possible adolescent de grande taille non mesurable avec certitude. Le rattachement dans les comptages s’explique par la volonté d’harmoniser les classes d’âges de ces sites avec celles identifiées pour d’autres sites et donc, d’éviter de créer une classe d’âge qui ne serait de toute façon représentée pour une seule et même région ; Giraud et al. 2003, 182-183.
- L’âge du défunt conditionne la façon dont ce dernier est considéré au sein de la société et, de fait, facilite ou contraint son accès à sa déposition funéraire pérenne. Dès lors, il a été démontré à plusieurs reprises que l’assurance d’une place dans la nécropole augmente avec l’âge, ce qui explique principalement la faible part des sépultures d’enfants dans le corpus. Pour compléter le sujet sur le recrutement funéraire régional au Premier âge du Fer en fonction de l’âge au décès, voir : Dedet 2001, 308-310 ; Dedet 2012 ; Adroit 2015, 431-433.
- On pense notamment aux travaux réalisés par E. Millet et C. Bélard sur des nécropoles à inhumations Millet 2008 ; Bélard 2014.
- On illustrera cette interprétation des multiples fragments en “bracelets d’armilles” par la quarantaine de fragments de bracelets déposés dans la tombe 54 de Herrería (n° 19) : pl.24 n° 3157. En outre, cette relecture des bracelets déposés en contexte funéraire d’incinération recouvre également les ensembles funéraires comprenant plusieurs bracelets simples qui avaient été numérotés individuellement dans la base de données. Si l’on prend le cas de la sépulture K1 de la nécropole d’Arihouat à Garin (n° 148), le premier inventaire fait état d’au moins 12 bracelets de tailles et de décors différents bien que tous soient du même type. Le nouveau décompte lors de cette étape a amené à considérer qu’il n’existait pour cette tombe que deux “bracelets en armilles”, identifiés d’après les diamètres des diverses pièces d’origines : pl.77 n° 578 et 586. Si, lors de cette relecture du nombre de bracelets déposés dans les dépôts funéraires, on a tenté de respecter au mieux des informations bibliographiques et typologiques disponibles, cette méthode se heurte à un problème : les contextes d’incinération ne permettent pas de déterminer avec exactitude la quantité de catégories fonctionnelles, ici des bracelets d’armilles, qui étaient réellement déposées avec le défunt. On ne sait pas, à titre d’exemple, si la présence de douze bracelets identiques correspond à une seule pièce ou à deux bracelets d’armilles de six bracelets chacun. En l’absence de différenciations morphologiques ou typologiques du mobilier, on a considéré pour les cas les plus litigieux, que les multiples fragments bracelets rencontrés comptaient pour un seul bracelet d’armilles.
- À propos des principes de l’AFC et de son application dans le domaine de l’archéologie, voir : Ciezar 1990 ; Djindjian 1991, 178-182 ; Cibois 1997 ; Marion 2004, 221-224 ; Cibois 2007 ; Marion 2009.
- Deux tombes ont dû être évincées de l’analyse car elles comprenaient des catégories fonctionnelles qui n’avait pas été retenues lors de l’étape de sélection des données. Il s’agit de la sépulture 36 de Fauillet, Lagravière (n° 254) et la tombe 38 de la nécropole du Camp d’Alba à Réalville (n° 329).
- Ciezar 1990, 108 ; Djindjian 1991, 179 ; Marion 2004, 223-224 ; Millet 2008, 194-196.
- Bélard 2014, 217.
- Une liste des sépultures rattachées à chacun des profils est disponible dans les annexes 3.
- Pl.107.
- Pl.29.
- Pl.27.
- Pl.135 ; en dehors des objets de parure, le mobilier personnel déposé dans cette tombe comprend aussi deux fusaïoles et un couteau.
- Pl.21, 25 et 26.
- Pl.124.
- Pl.20, 21 et 29.
- Pl.70 et 25.
- Pl.25 ; Cerdeño & Sagardoy 2007, 65 fig. 124 n° 4.
- Pl.148.
- Pl. 200 ; Buffat et al. 2012, 876-880.
- Milcent 2004, vol 2, 506-507.
- Pl.93 n° 40.
- Pl.155 ; Grimbert & Lagarrigue 2002, 85.
- Pl.22.
- Tombe 182 du Martinet à Castres (n° 299) : pl.172.
- Pl.187 et 190.
- On tempérera cette assertion en évoquant le fait que quelques sépultures du groupe D3 comprennent en plus une perle et/ou un anneau. Pour autant, ces pièces de parures sont rares et toujours présentes à l’unité ce qui pourrait signifier qu’elles ne sont pas une catégorie de parure à part entière du costume funéraire, mais qu’elles devaient être liées mécaniquement, comme système de fermeture, ou stylistiquement, comme élément décoratif, aux épingles qu’elles accompagnent. Ainsi, le tout ne constituerait qu’un seul et même objet.
- Pl.163 et 168.
- Les 2 % restants sont réservés à l’ambre que l’on rencontre sur des perles enfilées sur des épingles ou par lot dans la tombe 13 du Martinet (n° 299) et la tombe 521 du Causse (n° 305) : pl.167 et 186.
- Le pourcentage restant est attribuable à l’ambre qui compose les perles enfilées sur l’épingle de la sépulture 137 de Gourjade (n° 298) : pl.159.
- Pl.165.
- Pl.116.
- Non figurée et Pl.179.
- Pl.188.
- Pl.216.
- Pl.115 ; Grimbert & Lagarrigue 2002, 83.
- Pl.112.
- Dedet 1992 ; Dedet 2001
- Dedet 1992, 193-198.
- Comme on a pu le faire, B. Dedet retient dans sa sériation des assemblages uniquement les objets dits “personnels” des défunts, excluant de fait le mobilier céramique et les restes fauniques en raison du fait que : “la réalisation d’une matrice globale prenant en compte la totalité des éléments du matériel d’accompagnement […] s’est révélée inopérante. Les diverses formes et décors de vases en céramique non tournée et les différentes espèces de faune empêchant que des groupes ne se dégagent” : Dedet 1992, 193.
- Dedet 1992, 194 et 197.
- Dedet 1992, 197.
- Dedet 2001, 313-315.
- Aucune explication n’est apportée sur ce fait.
- Sépulture de Pomeyrol à Saint-Bauzil en Lozère : Dedet 2001, 313.
- Milcent 2004, 176-178.
- Ibid, 177, tabl.22.
- Ibid, 176.
- La diagnose sexuelle par l’analyse ostéologique n’est connue que pour les deux sépultures de la nécropole du Pâtural à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) : Milcent 2004, 176.
- Bien que l’on ne l’ait pas mentionné jusqu’ici, la mise en évidence des tombes masculines et féminines pour les nécropoles du Castrais suit un protocole d’analyse tout à fait identique à celui proposé par B. Dedet tout en offrant des résultats similaires, aboutissant à identifier trois groupes A, B et C, selon des critères extrêmement proches de ceux du Languedoc : Giraud et al. 2003, 234-237.
- Dhennequin 2008, 93.
- Beylier 2012, 221.
- Ibid, 210.
- Loin de la région d’étude, dans le nord de l’Europe, la culture germanique de Przeworsk, qui s’établit au centre et au sud de la Pologne à partir du IIIe s. a.C, connait des nécropoles dont plusieurs sépultures féminines sont accompagnées d’attributs guerriers : Bochnak 2010.
- J.-M. Reverte, in : Cerdeño & Perez de Ynestrosa Pozuelo 1983, 85-88.
- On ne reviendra pas sur la valeur imparfaite de cette mesure tant elle repose sur l’appréciation de chaque anthropologue lors de l’étude d’un groupe humain donné, sans possibilité de comparaison pour des populations extérieures à ce groupe.
- En l’absence d’observation sur l’os coxal, on peut s’étonner que l’étude ostéologique puisse assurer qu’il s’agisse à la fois d’un adolescent (ou jeune adulte) et d’une femme.
- Pl.74.
- Dedet 2001, 310 ; Dedet 2012, 164-165.
- Pl.105, 21 et 25.
- Il s’agit des tombes 49 et 383 de Gourjade (n° 298) et de la tombe 509 du Causse (n° 305) : pl.158, 166, et 185.
- Pl.157, 160, 164 à 168, 176 à 179, 185, 191 et 196.
- Pl.79, 164, 176, 180 et 182.
- Pl.157 et 158.
- Pl.160 et 167.
- Pl.78.
- En plus du torque, le mobilier d’apparat comprend une unique fibule en alliage cuivreux : pl.199.
- Sépultures K2 et K4 d’Arihouat (n° 148) (pl.78 et 79) ; sépulture 303 de Gourjade (n° 298) (pl.164).
- On mentionnera ici la tombe 2 de la nécropole de Baudran à Nespouls (n° 126) qui renferme un enfant masculin mais dont le profil d’assemblage tend à être associé à un “caractère féminin” (profil F1). Dans ce cas, on peut penser que c’est son âge qui prévaut plutôt que son genre sur le type de parure qui lui est associé.
- Dedet 2012.
- Dedet 2012, 165.
- Adroit 2015, 430-433.
- Le terme de “richesse archéologique” renvoie ici autant au nombre et/ou type d’objets déposés avec le défunt, qu’au rite funéraire observé et à l’architecture de la tombe.
- Baray 2009, 194 ; par “mobilier d’accompagnement”, on entend ici les objets dont on suspecte qu’ils n’appartenaient par directement au défunt, ou du moins, qu’ils ne faisaient pas partie de son costume quotidien. Il s’agit alors d’objet déposés supposément en offrande comme l’a bien défini A. Testart : Testart 2004, 304.
- Le nombre de vases par tombe est utilisé comme un des critères distinctifs de la hiérarchisation des tombes des nécropoles du Castrais : Giraud et al. 2003, 239-246.
- On rappellera que le mobilier céramique n’a été pris en compte que pour les ensembles de fiabilité maximale et que le décompte exclut toujours l’urne cinéraire dans la mesure où l’on a considéré que ce récipient ne pouvait être perçu comme un objet “ajouté” à la tombe.
- Giraud et al. 2003, pl.35 et 82-83.
- Pl.183 ; Giraud et al. 2003, pl.143-144.
- Adroit 2015, 219.
- Adroit 2015, 224, fig. 70. Cette donnée importante a pu être confirmée par les mesures qui indiquent que les diamètres des tumulus pour l’ensemble de la zone géographique fluctuent en moyenne d’à peine plus de 2 m (de 7,5 à 9,6 m) entre les Horizons 1 et 3, mais que des valeurs inférieures et supérieures à ces moyennes se rencontrent tout au long du Premier âge du Fer.
- La mention de la nécropole d’Arihouat à Garin dans la catégorie des nécropoles tumulaires peut prêter à discussion puisqu’il s’agit d’incinérations déposées dans des fosses. Malgré tout, ces structures funéraires étaient pourvues de cerclages de pierres délimitant un espace de taille variable. C’est la raison pour laquelle on intégrera cette nécropole à cette étude, d’autant qu’il n’est pas exclu que ces tombes soient couvertes de micro-tertres. En outre, A. Müller, l’inventeur du site, a eu l’occasion d’argumenter en faveur de la présence d’éléments de couverture en matière périssable, rapprochant de fait ces tombes en fosses de celles sous tumulus connues dans les environs proches : Müller 1987, 27.
- Beausoleil & Gros 2007, 129.
- Ibid, 141-142 ; Le monument funéraire 25, le plus imposant de la nécropole, possède un diamètre de 13,5 m.
- Pl.111.
- Müller 1985, 123-131
- Ibid, 46-47.
- Ibid, 29-30 ; pl.77 et 80.
- Castiella Rodríguez & Bienes Calvo 2002, 38-39, fig. 50 et 51.
- Pour cette région, les tumulus abritant une sépulture d’un guerrier ont en moyenne un diamètre plus élevé de 3m vis-à-vis de ceux sans arme : Beylier 2012, 212-213.
- Beylier 2012, 213.
- Pl.113.
- Une partie de travail avait déjà été réalisée par B. Dedet et S. Adroit qui arrivent tous deux à la conclusion que les dimensions des tertres sont liées au nombre de sépultures qui y sont enfouies. Cependant, ces résultats ne portent qu’un regard global et sur une région donnée (la garrigue languedocienne pour l’un et les sites de part et d’autre des Pyrénées pour l’autre). Ils ne disent rien sur les seuls tumulus à tombes individuelles et sur la variation de leur taille à l’intérieur des nécropoles auxquelles ils appartiennent : Dedet 1992, 135-137 ; Adroit 2015, 225.
- Pl.93.
- Müller 1985, 34.
- Pl.77-78.
- Pl.78.
- Pl.79.
- Müller 1985, 37-38 et 128.
- Dumontier & Blanc 1984a, 157.
- Pl.135 ; Dumontier & Blanc 1984a, 9-31.
- Pl.135 ; Dumontier & Blanc 1984a, 50, fig. 17 n° 4.
- Pl.145.
- Pl.213.
- L’organisation architecturale du tumulus 49 s’apparente à un monument de type mixte d’après la nomenclature proposée par B. Pajot pour le site du Frau : Pajot 2000, 149, fig. 3.
- Pl.213 ; Pajot 2000, 150 et 149, fig. 4.
- Pl.110 et 111.
- Pl.176.
- Pl.181, 186 et 188.
- Adroit 2015, 283.
- Castiella Rodríguez & Bienes Calvo 2002, 38, fig. 50.
- Cerdeño & Sagardoy 2007, 36, fig. 36.
- Pl.21.
- Milcent 2004, 177, tabl.22 et pl.106.
- Dedet 2001, 312.
- Dedet 1992, 192-197 ; Milcent 2004, 176-178 ; Dedet 2001, 312-315.
- Rolley, dir., 2003, 328-344 ; Milcent 2009b, 244-246 ; Büchsenschutz dir. 2015, 123-125.
- Rolley, dir. 2003, 329.
- Milcent 2013b, 144-145 ; Rolley, dir. 2003, 241-244.
- Piningre, dir. 1996 ; Milcent 2013a, 141.
- Milcent 2013a, 141.
- Lorrio 2005a, 314 ; Dumas 2016, 682.
- Pour A. Beylier, il faut se garder de qualifier trop rapidement les sépultures à arme comme des “tombes de guerriers” dans la mesure où la déposition funéraire d’un équipement militaire devait avant tout être un acte symbolique fondé sur l’expression du “statut de guerrier” : Beylier 2012, 249.
- Beylier 2012, 249.
- Farnié Lobensteiner 2012, 482.
- Tombes 7 et 11 : Beylier 2012, 342 ; Farnié Lobensteiner 2012, 482.
- On pense à la sépulture 533 du Causse (n° 305) que l’on placera vers le milieu ou la seconde moitié du VIe s. a.C. d’après la fibule de type Golfe du Lion qu’elle a livrée : pl.187.
- Beylier 2012, 57-61.
- Parmi toutes les tombes à arme et à parure inventoriées, seules 5 ne sont pas pourvues de l’une de ces catégories de parures vestimentaires : sépulture B du tumulus 16 du Frau à Cazal (n° 326), sépultures 1054 et 1077 du Causse (n° 305), sépulture 51et 63 d’Herrería III (n° 19).
- Janin et al. 2002, 74, fig. 11, 77, fig. 18, 81, fig. 22, 82, fig. 24, 84, fig. 26 et 86, fig. 27 ; Beylier 2012, 320-324.
- Rivalan 2011, 282, fig. 155.
- Beylier 2012, 58, fig. 41.
- Janin et al. 2002, 92-93.
- En revanche, contrairement à la diffusion d’est en ouest des épées à antennes et des soliferreums, on ne peut mettre en évidence une zone d’origine pour ces innovations, car les données chronologiques des ensembles dont sont issues ces pièces empêchent de répondre convenablement à cette question. On peut envisager que ce phénomène d’harmonisation décorative résulte de plusieurs initiatives artisanales d’origines géographiques diverses ayant tendance à se répondre les unes aux autres.
- Seule la tombe du Causse ne comprend pas d’agrafe de ceinture ; Pl.203 ; Passelac et al. 1981, 5, fig. 4 ; Beylier 2012, 315, pl.28-C ; Dedet et al. 2003, 182, n° 273-3.
- Pl.112 et 128.
- Collet 2013, 45.
- Beausoleil 2012, 52.
- Concernant la variante “pyrénéenne” de fibules à ressort “laténien” (Fi.18.A.3), il est intéressant de relever que parmi les neufs exemplaires recensés, deux proviennent de tombes pourvues d’épées à antennes : dans la sépulture 1 du tumulus H de Pujaut (n° 167) et la tombe d’Ambrus (n° 249) : Pl.93 et 125. Le reste du contingent est issu de contextes funéraires contenant une unique fibule : en ne retenant que les contextes funéraires plutôt bien cernés, ces fibules sont connues dans la sépulture 2 du tumulus X et la sépulture 5 du tumulus Z de Ger (n° 264), dans la sépulture 3 d’Ibos (n° 283) et la sépulture 9 du tumulus L.14 d’Ossun (n° 287) : pl.132-133, 147.
- Seules les tombes des tumulus 8 et 32 du Camp de l’Église à Flaujac-Poujols (n° 207) cumulent ces trois traits distinctifs, soulignant de fait leur caractère remarquable tout autant que leur aspect géographiquement localisé.
- Dans leur étude de la structuration sociale des nécropoles du Castrais, les auteurs concluent à une faible hiérarchisation des populations déposées au Castrais en raison, principalement, de : “l’absence, actuelle, de tombe de personnage en arme” : Giraud et al. 2003, 258. L’étude des tombes à parure permet de nuancer quelques peu cette assertion puisque l’on a pu démontrer que plusieurs individus se distinguaient bien du reste des défunts, témoignant d’une stratification sociale au cours du VIIe et au début du VIe s. a.C. (Horizons 2 et 3A) plus subtile que ne le suggère la publication d’origine (fig. 99).
- Les moyennes calculées pour les tombes de l’Horizon 1 ne tiennent compte que des ensembles bien calés chronologiquement et associés à un seul des sous-horizons 1A ou 1B. Les tombes attribuées plus largement à l’Horizon 1 sans plus de précision n’ont pas été retenues. Ainsi on ne dénombre que 7 sépultures pour l’Horizon 1A contre 36 pour l’Horizon 1B. Cette différence importante pourrait avoir tendance à exagérer les résultats élevés constatés pour l’Horizon 1A. Malgré tout, ces relevés ne sont pas qu’un effet statistique puisque quasiment aucune sépulture de l’Horizon 1B n’atteint les valeurs observées pour les quelques ensembles funéraires de l’Horizon 1A. On peut donc considérer que les résultats obtenus traduisent bien des modifications structurelles dans la composition des assemblages de parures.
- Brun 2001, 31-33 ; Magny 2004 ; Galop et al. 2007, 116.
- Béhague & Lagarde 2009 ; Dumas 2016, 701.
- Adroit 2015, 174-180.
- Almagro-Gorbea 1994, 287.
- Romero Carnicero & Jimeno Martínez 1993, 187.
- Ruíz Zapatero 2014, 643-645 ; Adroit 2015, 174-180.
- Béhague & Lagarde 2009, 262.
- Romero Carnicero & Jimeno Martínez 1993, 187.
- Dumas 2016, 695-702.
- Coffyn et al.1981 ; Gabillot & Gomez de Soto 2003, 358 ; Milcent 2012b.
- Si l’on se réfère aux travaux de J.-D. Hill sur l’organisation des sociétés de l’Âge du Fer, la structuration sociale des populations régionales du VIIIe s. a.C. semble présenter une forme plus “trapézoïdale”, donc plus ouverte, que “triangulaire”, c’est-à-dire comptant un nombre restreint d’individus qui, par leur pouvoir économique et politique, se détachent très nettement d’une large base de personnes de rang social inférieur : Hill 2006.
- Janin et al. 1997, 143-145 ; Pons et al. 2001, 75.
- Carozza 1997, 359 ; Giraud et al. 2003, 248.
- Ce phénomène d’individualisation semble être un critère propre au costume funéraire du Premier âge du Fer comme l’avait révélé l’impossibilité méthodologique d’identifier des types d’assemblages funéraires précis et récurrents.
- On rappellera que l’ambre voit son origine dans les régions de la Mer Baltique tandis que le verre proviendrait quant à lui du Proche-Orient à cette période : Billaud & Gratuze 2002, 208-209 ; Pour l’Horizon 1B, on retrouve de tels matériaux dans les tombes 137 et 308 de Gourjade (n° 298) et 318, 513 et 877 du Causse (n° 305) : pl.159, 165, 180, 185 et 197.
- Gomez de Soto & Milcent 2000, 351-355 ; Milcent 2006a, 340 ; on ajoutera aux nombreux témoins de liens commerciaux entre la façade Atlantique et la Méditerranée la fibule à arc renflé de Roquefort à Lugasson (Gironde, n° 166), bien datée à présent du Bronze final : pl.92.
- Pl.73 ; pour ce qui est des précautions à prendre concernant les fibules à arc renflé mentionnées dans la bibliographie entre la fin du XIXe et le début du XXe s. a.C., voir : Milcent 2006b, 120-121.
- Dumas 2016, 699-702 ; Romero Carnicero & Jimeno Martínez 1993 ; Ruiz Zapatero 2000.
- Dumas 2016, 702.
- Milcent 2004, 144 ; Milcent 2013a ; Dumas 2016, 703.
- Dumas 2016, 661-667.
- Ibid, 678-680.
- S’ils souffrent d’une documentation incomplète, les découvertes tarnaises faites à Briatexte (n° 295) et à Vielmur-sur-Agout (n° 324) au XIXe s. pourraient constituer des dépôts de même nature que ceux d’Ariège, d’autant qu’ils leur sont contemporains.
- Verger 2013a.
- Llanos 2009.
- Picazo Milán & Rodanés Vicente 2010.
- Il faut admettre que, pour l’heure, la place majeure du fer semble surtout toucher les régions françaises de la zone d’étude. En péninsule Ibérique, bien qu’il existe des traces, parfois indirectes de son exploitation, son usage pour le mobilier de parure ne se généralisera qu’au cours du VI e et Ve s. a.C. Toutefois, l’étude des sites de Meseta occupés durant le VIIe s. a.C. indique qu’il sert déjà à la confection des pièces d’armements : Lorrio et al.1999.
- Voir par exemple la tombe du tumulus 16 du Camp de l’Église nord de Flaujac-Poujols (n° 207), datée de la seconde moitié du VIe s. a.C. et dont le mobilier personnel comprend une agrafe de ceinture, une fibule, un couteau, un scalptorium et une pince à épiler : pl.111.
- Voir par exemple la tombe du tumulus 16 du Camp de l’Église nord de Flaujac-Poujols (n° 207), datée de la seconde moitié du VIe s. a.C. et dont le mobilier personnel comprend une agrafe de ceinture, une fibule, un couteau, un scalptorium et une pince à épiler : pl.111.
- Giraud et al. 2003, 168 ; Buffat et al. 2012, 95-96.
- Dedet 2009, 215-216 ; Dumas 2016, 708.
- Dumas, 708-709.
- Lorrio 2005a, 314 ; Lorrio 1999b, 14.
- Picazo Millán & Rodanés Vicente 2009, 465-466.
- Lorrio 2005a, 313-314.
- Dumas 2016, 666.
- Lorrio 2005a, 314 ; Lorrio 1999b, 17-19 ; Torres-Martinez 2013, 262.
- En Meseta, le milieu de Ve s. a.C. marque le passage au Celtibère plein : fig. 16.
- Lorrio 2005a, 315.