Introduction
Dans une étude magistrale rédigée il y a déjà plus d’un siècle, Charles Samaran a raconté dans le détail les turpitudes de la vie des derniers comtes d’Armagnac1. Jean V, qui s’était plusieurs fois rebellé contre les rois de France, fut célèbre pour sa liaison incestueuse avec sa sœur Isabelle et mourut dans de troubles circonstances lors de la prise de Lectoure en 1473. Son frère cadet Charles (1425-1497), dernier comte, eut un destin plus tragique encore, passant plus de vingt ans enfermé dans des prisons ou des résidences surveillées à la merci de geôliers plus ou moins bien intentionnés. Charles Samaran a bien montré les enjeux politiques de la lutte pour l’héritage des terres des Armagnacs, entre les rois, les sires d’Albret et les ducs d’Alençon, et la manière dont le comte Charles se trouva pris au milieu d’intrigues dont il fut le jouet, rendu dément par ses emprisonnements, à moins que ceux-ci n’aient fait qu’accentuer des penchants violents antérieurs. Nous voudrions ici étudier un autre aspect de la vie du dernier comte : la question des causes et des conditions de ses diverses incarcérations. En effet, son cas pose l’épineux problème de la définition de l’emprisonnement des déments à l’époque médiévale2, et des conditions d’incarcération des hommes de haut rang. Nous verrons que son séjour à la Bastille fut celui d’un détenu de droit commun, sans aucun égard vis-à-vis de son statut de comte ; au contraire, ses enfermements ultérieurs furent dans des châteaux où il oscilla entre le statut d’otage politique et de forcené qu’il fallait isoler3. Ses avocats se plaignirent là encore de conditions indignes pour un seigneur de son rang.
Il est difficile de savoir si Charles d’Armagnac eut des accès de démence avant d’être emprisonné pour la première fois. Vicomte de Fezensaguet et sire de terres en Rouergue après avoir servi le comte de Savoie, ce n’est qu’à partir de 1462, alors qu’il avait 37 ans, que l’on commença à se plaindre de ses actes de brigandage contre des marchands locaux et des guerres féodales qu’il menait pour s’emparer des biens de seigneurs de Rouergue4. Cela dit, un tel comportement était presque coutumier chez les comtes d’Armagnac5, dont les liens avec les compagnies de mercenaires sont célèbres dès la fin du XIVe s., et on ne saurait y voir un signe d’instabilité. En revanche, l’homme était violent : lors de son procès en 1471, on lista, en plus des charges politiques, de nombreux crimes de droit commun : meurtres, viols, torture et violences envers des membres de son hôtel (son confesseur lorsqu’il refusait de l’absoudre, et un chapelain qui lui refusait des “choses secrettes”, sans doute une relation homosexuelle)6. Il est bien sûr possible que ces accusations aient été en partie forgées dans le cadre d’un procès à forte dimension politique. Le règne de Louis XI connut en effet de nombreux procès politiques, dont plusieurs visèrent la famille d’Armagnac7, et il était de coutume de fabriquer des accusations de comportement contre-nature pour appuyer ces procès. Toutefois, le cas de Charles d’Armagnac est très différent de celui d’autres célèbres accusés contemporains (Louis de Luxembourg, Jean et Jacques d’Armagnac, le Cadet d’Albret), car à aucun moment il n’est question de lèse-majesté ou de trahison, mais bien de folie et de curatelle. C’est pourquoi malgré le statut de l’accusé, il n’est en général pas classé parmi les procès politiques. La complexité de l’affaire Charles d’Armagnac réside précisément dans cet enchevêtrement d’intérêts politiques et d’une possible réelle folie8.
Premier séjour en prison : de la Conciergerie à la Bastille
La Conciergerie comme maison d’arrêt
Un temps proche de Louis XI lors de son accession au trône, Charles d’Armagnac attira bientôt sur lui l’ire du roi. Selon le récit de son avocat Guillaume de Sabrevois en 1484 : “il menait dans son château une vie assez tranquille. Tout à coup, ses adversaires l’enlèvent : il est conduit à Paris et jeté en prison (in vincula)9. Le 2 janvier 1471, Guillaume de Sully, sénéchal de Rodez, vint l’arrêter au nom du roi10. Grâce aux comptes des consuls de Millau, on sait qu’il fut immédiatement amené dans cette ville et logé chez le fils de Jean de Montcalm, où les gens vinrent l’insulter afin de se venger des humiliations qu’il leur avait plusieurs fois fait subir. Deux jours après, il fut amené à Rodez, et afin d’éviter qu’il ne s’échappe, on l’enferma sous bonne garde au château de Rodelle, qui appartenait à celui qui l’avait capturé, Guillaume de Sully11. Nous n’en savons pas plus sur ce court passage dans ce château détruit au XVIIe s., mais les avocats de Charles d’Armagnac ne se plaignirent jamais de ses conditions de détention en Rouergue, preuve qu’on avait sans doute fourni au prisonnier tout le confort qu’exigeait son statut de frère du comte d’Armagnac.
Charles resta sans doute jusqu’au printemps 1471 en Rouergue, puis fut transporté à Paris sur ordre du roi. Inculpé pour les nombreux crimes que nous avons mentionnés précédemment, son avocat décrivit des années plus tard le début de ses supplices et de ses transferts dans diverses prisons de la capitale :
[…] et pour dire combien de fois pendant ce temps, pendant ce temps il changea de prisons, combien de fois il endura des supplices, il subit des interrogatoires et des condamnations, ce seraient des détails difficiles à donner, et l’affaire de plus d’un jour. Enfermé d’abord à la Conciergerie, il fut mis fortement à la question (acriter torturis interrogatum) ; mais aucune sentence ne vint lui porter atteinte : bien au contraire, un arrêt du parlement allait l’acquitter, si ses ennemis n’avaient pas empêché qu’il fût prononcé […]. Sa réclamation irritait davantage ses persécuteurs ; ils redoublaient le poids des fers et les souffrances. Ce pauvre seigneur, traîné de prison en prison, endurait toujours de nouveaux supplices et de nouveaux tourments12.
Doit-on prendre au pied de la lettre l’affirmation de Sabrevois selon laquelle Charles d’Armagnac fut traîné “de prison en prison” ? Le texte ne mentionne que la Conciergerie, et s’il est possible qu’il ait pu être amené à la prison royale du Grand Châtelet, rien ne le prouve. L’expression peut simplement se référer à son passage par Millau, Rodez, puis à son transfert plus tardif à la Bastille. S’il a pu exceptionnellement être “questionné” ailleurs qu’à la Conciergerie, Charles d’Armagnac passa donc sa première année en prison dans ce lieu. Malheureusement, les études sur l’univers carcéral de la Conciergerie ne commencent que dans la seconde moitié du XVIe s., tout comme pour la Bastille13. On sait cependant que la grosse tour du Palais de la Cité, où siégeait le “Concierge”, c’est-à-dire le bailli de la juridiction du Palais, fut dès le Moyen Âge utilisée pour loger les prisonniers du Parlement et ceux des autres cours souveraines d’exception siégeant au Palais. C’est sans doute à cause de ce statut de prison d’exception liée à de nombreuses instances judiciaires que Charles d’Armagnac, dont le cas avait été confié au Parlement, fut détenu à la Conciergerie tant que son procès ne fut pas jugé. Il était pratique d’avoir sous la main les prisonniers dont on instruisait le procès : le lieu faisait office de maison d’arrêt d’exception. Au XVIe s., les prisonniers y bénéficiaient de conditions de vie assez clémentes14. Comme dans la majorité des prisons médiévales, les contacts avec l’extérieur étaient nombreux et faciles, malgré des conditions sanitaires difficiles. Certains détenus de marque possédaient de véritables appartements : on ne sait si Charles d’Armagnac eut ce privilège. Ses avocats, prompts à insister sur les mauvais traitements qu’il avait subis pour apitoyer Charles VIII, n’auraient pas mentionné un tel privilège même s’il avait été octroyé. Assurément, Charles d’Armagnac bénéficia de quelques faveurs, puisqu’au contraire de son complice, Guillaume Maignal, il ne fut pas battu lors de la question15.
Cela ne l’empêcha pas d’être condamné, le 20 février 1472, à payer une amende de 8000 livres, auxquelles on ajouta 1 000 livres pour des œuvres pieuses et 1 000 autres pour la réparation des voûtes du Palais. Charles était condamné à rester en prison tant qu’il n’aurait pas payé ces sommes, et à vivre ensuite trois ans en exil hors du royaume16. Il rejoignit alors la prison de la Bastille, qu’il ne quitta qu’après la mort de Louis XI, douze ans plus tard17. Comme le remarque Charles Samaran, là où son frère aîné, qui mourut à Lectoure à la même époque, s’en était toujours sorti avec un simple exil ou en prenant les armes, Charles d’Armagnac fut “traité à juste titre comme un criminel de droit commun”18. Dans l’application des peines, cela est assurément vrai : mais qu’en est-il de ses conditions d’emprisonnement ?
La Bastille : un espace carcéral qui brise le prisonnier
Les treize années d’emprisonnement de Charles d’Armagnac, abandonné par le roi à son cruel destin dans la Bastille, ont profondément marqué l’homme. Les études sur cette prison n’abordent jamais l’univers carcéral de la Bastille au Moyen Âge et se concentrent sur la prison d’État de l’époque moderne19, alors que la forteresse parisienne servit accessoirement de prison dès l’époque de Charles VI. Cependant, lors des États Généraux de 1484, Sabrevois, avocat de Charles d’Armagnac, décrivit dans le détail ce qu’avait subi son maître à la Bastille20. Il est possible qu’il ait exagéré certains détails, mais nous pensons, comme Charles Samaran, que son récit, qui est la seule source sur les conditions de détention de Charles d’Armagnac, est fiable dans l’ensemble21. Or, les conditions qu’il décrit sont particulièrement éprouvantes. Charles aurait vécu toutes ces années dans les oubliettes de la Bastille. C’est là un ordre délibéré, probablement donné par Louis XI en personne. En effet, sous Louis XI et toujours sous François Ier, la Bastille servait encore à accueillir de puissants personnages de passage à Paris, et ce n’est pas avant Richelieu qu’elle devint un espace exclusivement carcéral22. La forteresse avait donc de quoi fournir des appartements luxueux tout à fait dignes du rang d’un noble prisonnier comme Charles d’Armagnac, si Louis XI avait jugé cela utile. Le roi aurait aussi pu ordonner qu’on logeât Charles dans une des mauvaises chambres aux étages supérieurs des tours, pour une incarcération plus rude. Il choisit pourtant d’enfermer le nouveau comte d’Armagnac dans un des cachots humides qui se trouvaient dans les souterrains de chaque tour de la forteresse. Chaque forteresse servant de prison possédait en effet une ou plusieurs fosses : elles servaient de “prisons de haute sécurité”. En effet, si les récits d’évasion sont assez nombreux pour des détenus se trouvant dans des tours, nul récit ne rapporte celle d’un prisonnier d’une fosse23. Par ce moyen de détention, Louis XI s’assura donc que Charles d’Armagnac ne s’évaderait pas. Dans cet espace octogonal sans autre parement que la pierre nue, on ne trouvait au XVIIe s. qu’un banc et un lit de paille, avec une couverture de mauvaise qualité. La lumière ne filtrait que par un soupirail donnant sur les fossés du château24. L’avocat de Charles d’Armagnac insiste sur les ténèbres, l’étroitesse, et surtout l’humidité du cachot :
Il jeta le seigneur suppliant dans un cachot (locum) très étroit et ténébreux, et si profond que l’eau qui entoure la Bastille monte souvent plus haut que cette fosse. Il y avait bien une voûte en pierre qui devait empêcher l’eau de pénétrer partout, mais qui la retenait si mal cependant, que sans cesse elle tombait goutte à goutte sur la tête du prisonnier, et qu’il restait quelquefois enfoncé jusqu’aux genoux dans la boue25.
Cette description semble réaliste. On sait que, sous Louis XIV et Louis XV, lors des crues de la Seine, on faisait sortir les prisonniers qui s’y trouvaient pour éviter qu’ils ne meurent noyés.
Par ailleurs, le prisonnier ne souffrait pas que du lieu, mais aussi de ses conditions de détention. Sabrevois explique que Charles vécut des années durant “dans les chaînes et les ténèbres”, ce qui indique qu’on lui a mis les chaînes et que sa cellule n’était pas éclairée26. Il ajoute qu’on ne lui donna durant deux ans que du pain sec et de l’eau, et que si par la suite il fut mieux nourri, il fut toujours “couvert de lambeaux usés” et “manqua souvent de chemise et toujours de chaussures”, ce qui n’est pas rien quand on tient compte de l’humidité du lieu25. Traité comme un criminel de droit commun dans l’application de sa peine, Charles d’Armagnac ne fut donc pas emprisonné dans une prison commune. Il restait un prisonnier politique, d’un rang exceptionnel. Ce statut, qui aurait pu en d’autres lieux lui offrir un traitement de faveur27, voire une prison dorée, lui valait ici des conditions de vie plus éprouvantes qu’à l’ordinaire, destinées à le briser mentalement. Était-ce le prélude à un second procès et une possible exécution publique comme il y en eut pour d’autres grands seigneurs rebelles sous Louis XI ? On ne peut en être certain. Il ne fait guère de doute que le dernier des Armagnac payait pour le défi que ses prédécesseurs avaient lancé à la monarchie. Cela apparaît très clairement à travers la figure du geôlier, Philippe Luillier, capitaine de la Bastille depuis 1468 et homme de confiance de Louis XI, qui s’occupa aussi du duc de Nemours et du comte de Saint-Pol, autres prisonniers de haut rang28. Comme le roi refusait de lui avancer l’argent pour les besoins des prisonniers, il payait leurs dépenses avec son propre argent, ce qui explique qu’ils subirent tous de nombreuses privations. Sabrevois parle d’un homme “impitoyable et très sanguinaire”29, et d’autres témoignages dressent le portrait d’un homme se plaisant à humilier ses détenus, certainement avec l’assentiment de Louis XI30. On peut donc considérer comme réaliste la description des sévices qu’il infligea à Charles d’Armagnac :
[…] ce Luillier, leur principal ministre, donna ses ordres, et on lui arracha violemment la moitié de ses dents ! Imaginez avec quelle douleur, puisqu’il n’y sentait nul mal, à moins que ce ne fût le mal de la faim. Ce n’est pas tout : plus de cent fois on le frappa jusqu’au sang, de verges de buis, en présence de Luillier, qui l’avait
ordonné31.
Ces mauvais traitements ne furent pas sans conséquences : en 1484, son avocat précise que “ses tortures et ses chaines (cruciatus et vincula) l’avaient estropié, et l’avaient rendu incapable de se servir de tous ses membres ; son tempérament était gâté par la mauvaise nourriture et par la malpropreté du cachot (carceris)”32. Sept années après sa sortie de la Bastille en 1491, d’autres avocats expliquent qu’il ne peut comparaître “à cause de la longue prison qu’il a soustenue le temps passé, qu’il a été mal traicté et autrement, les jambes luy sont enflées tellement qu’il ne pourroit venir sans detriment de sa personne”33. Enfin, écrivant lui-même au roi le 6 juin 1496, Charles d’Armagnac dit : “Sire, j’ay tant enduré et souffert que ma personne n’est si foulée que la moitié du temps je suis plus mort que vif, et avecques ce suis rompu de mon ventre”34. Il est vrai qu’à cette date, il avait 71 ans, et que la vieillesse ne faisait qu’aggraver des pathologies développées en prison.
D’une prison à une autre ? Charles d’Armagnac
à Casteljaloux et à Castelnau-de-Montmirail
Une courte liberté
Charles d’Armagnac avait été jugé dès 1472, mais on continua l’instruction de son procès tout au long du règne de Louis XI. En 1481 encore, on lui rendait visite à la Bastille pour le confronter avec des témoins35. Louis XI n’obtint pas la justice rapide qu’il souhaitait, et mourut avant qu’une sentence finale soit prononcée. Le nouveau roi, Charles VIII, était plus réceptif aux plaintes des proches du prisonnier. Moins de trois mois après la mort de son père, en novembre 1483, il en était déjà à la seconde injonction de mise en liberté de Charles d’Armagnac, qui avait été détenu treize ans à la Bastille “à grant misère et povreté, comme l’en dit”36. Luillier rechignait car il demandait le remboursement de 14000 livres tournois versées pour son prisonnier, alors que le conseil du roi estimait ses dépenses totales à seulement 2000 livres tournois. Il fallut finalement qu’un cousin du comte d’Armagnac, Alain, sire d’Albret, s’engage à payer 5000 livres à Luillier, par un acte du 4 décembre 1483, pour que le capitaine accepte de relâcher son prisonnier37. Enfin libre, Charles d’Armagnac était cependant sans le sou, Louis XI ayant confisqué les terres familiales. Le 12 février 1484, aux États Généraux de Tours, il vint se jeter suppliant aux pieds du roi, avant que son avocat Sabrevois ne revienne, dans un plaidoyer marquant, sur ses années de détention accusant nommément plusieurs serviteurs de Louis XI qui se trouvaient dans l’assemblée, dont Luillier, et provoquant des protestations indignées38.
Alain d’Albret, qui avait payé de son argent pour libérer son cousin, était à la manœuvre. Le 14 mars 1484, toujours à Tours, il obtint que Pierre de Beaujeu, qui possédait le comté d’Armagnac, le rende à Charles récemment libéré contre 15 000 écus39. Cependant, comme Charles n’avait pas cet argent, c’est une fois encore Alain d’Albret qui l’avança : en compensation, il obtint cinq jours plus tard le comté d’Armagnac, laissant deux ans à Charles pour le racheter40. Eut-il besoin de menaces pour effrayer le faible Charles d’Armagnac, comme le suggère Charles Samaran41 ? Quelles étaient exactement les relations entre les deux cousins ? On ne saurait rien affirmer avec certitude. Une lettre patente du 2 avril 1484 lui rendit tout de même les autres terres familiales, et l’ancien détenu revint en Gascogne. Il y fit d’abord preuve de bonne volonté, tant en privé qu’en public, mais, très vite, Charles reprit ses mauvaises habitudes : en septembre 1484, plutôt que de se rendre aux États d’Armagnac, il poursuivit sa femme et son bâtard les armes à la main. Les États en profitèrent pour lui reprocher son train de vie ruineux et sa fréquentation d’hommes de mauvaise réputation42. Peu après, dans son château de Tournon, il poursuivit dans un accès de fureur un homme avec qui il s’était disputé, et poignarda mortellement un gentilhomme de sa maisonnée qui tentait de le ramener à la raison. Faut-il y voir les conséquences d’un esprit rendu dément par tant d’années de prison, ou simplement la reprise d’un comportement violent et inconséquent qu’il avait eu dans ses années de jeunesse ? Charles Samaran, qui rapporte qu’à la fin de sa vie, le comte pouvait être persuadé par un de ses serviteurs qu’une pierre de plomb pour couleuvrine était en argent et l’offrait à la messe, considère que la Bastille a au moins empiré ses accès de fureur et lui a fait perdre l’esprit43.
Le roi octroya une lettre de rémission pour ce meurtre44, mais diligenta une enquête afin de savoir s‘il était vrai que le comte d’Armagnac qui “chaque jour” faisait des “excès et bateries […], soit debilité de son entendement, qu’il dicippe et gaste les biens de sa maison et qu’il ne soit capable à régir et gouverner ses terres et seigneuries et biens”, et de veiller le cas échéant à ce que “on luy pourvoye de curateurs de la personne de Monseigneur d’Albret”45. On cherchait donc à savoir si le meurtre pouvait être considéré comme un signum furoris, c’est-à-dire un acte violent et inexplicable par lequel la démence d’un fou devenait manifeste46. On envisageait alors deux catégories de forcenés : les furieux caractérisés par leur violence, et les prodigues qui dilapidaient leurs biens. Ces deux statuts pouvaient se cumuler, et si le meurtre prouvait que le comte d’Armagnac était un furieux, restait encore à savoir s’il pouvait être aussi prodigue, c’est-à-dire s’il risquait de ruiner sans raison son héritage. Dans tous les cas, selon le droit romain, furieux comme prodigues devaient être placés sous la curatelle d’un adulte capable, qui gérait leurs biens, veillait à leur sécurité et à celle de leur entourage47.
Le choix du sire d’Albret comme curateur a été en général interprété comme un complot politique de ce dernier. Cependant, il n’était pas présent à la séance du conseil qui prit ces décisions. De plus, le droit romain, qui avait fini par s’imposer au milieu du XIVe s.48, prévoyait que ce soit l’agnat le plus proche qui ait la responsabilité de la curatelle. Or, Charles n’avait plus de frères, et ses cousins, les Armagnacs de Nemours étaient des enfants en disgrâce, ayant perdu leurs biens suite à l’exécution de leur père. Alain d’Albret, petit-fils de Bernard VII d’Armagnac comme le malheureux Charles, apparaissait certainement aux yeux des contemporains comme le curateur le plus naturel et compétent, ayant déjà payé pour obtenir la libération du comte et ayant comme lui ses domaines en Gascogne.
C’est d’ailleurs sans protester que les États d’Armagnac acceptèrent cette tutelle espérant qu’Alain d’Albret pourrait empêcher Charles de vendre tout ce qui lui restait de son domaine en paiement de ses dettes49. Le 27 novembre 1484, le sire d’Albret fut nommé curateur de Charles d’Armagnac par le Parlement de Toulouse50. Il devait gérer ses domaines, déclarés inaliénables, mais on le chargeait aussi de pourvoir “bien et convenablement à l’estat, gouvernement et entretiennement de la personne dudit messire Charles d’Armaignac”.
Casteljaloux : château ou prison ?
Charles d’Armagnac se plaignit, affirma être “mageur d’ans, rassis de son sens et ne soit furieux ne prodigue”51, et tenta de se réconcilier avec sa femme, qui vivait à Lavardens. Le 8 décembre, il lui écrivait pour lui demander de le rejoindre à Tournon, sa résidence favorite52. Alain d’Albret, qui ne voulait pas d’une femme pour contrer sa curatelle, envoya d’abord des hommes armés qui auraient utilisé insultes et outrages afin de dissuader Charles53. Craignant un coup de force avec l’aide des gens du pays, le sire d’Albret décida peu après d’emmener son “protégé” au château de Casteljaloux. Il agissait évidemment contre la volonté de Charles, mais on ne sait que peu de choses sur ce transfert : l’a-t-il kidnappé, l’a-t-il fait venir sous un faux prétexte puis enfermé, avait-il un tel ascendant psychologique et financier sur le comte que celui-ci vint avec de simples menaces ? Quelles qu’aient été les méthodes d’Alain, il agissait selon son bon droit : les curateurs étaient pénalement responsables de tous les écarts de leurs parents furieux qu’ils devaient étroitement surveiller, et les cas de fous enfermés contre leur gré dans une pièce sont nombreux54 : même le roi Charles VI était enfermé dans une chambre lors de ses crises de démence. Alain pouvait donc invoquer la garde de Charles comme motif impérieux pour décider de son lieu de résidence.
Casteljaloux était l’ancienne capitale des Albret, et encore au XVe s. le lieu de leur nécropole et de leurs principales archives. En l’emmenant en ce lieu, au cœur de ses domaines et plus loin de l’Armagnac que Nérac, Alain d’Albret savait qu’il pourrait compter sur des gardiens dévoués à sa cause, insensibles à d’éventuelles corruptions. Jusqu’à la fin du XIVe s., les seigneurs avaient vécu dans le château du lieu, puissante forteresse entourée des marécages de l’Avance, la rivière locale. Au XVe s., les Albret avaient cependant quitté la place pour s’installer à Nérac, ville plus abritée des attaques de leurs ennemis anglais et fuxéens, et avaient construit là un château fait pour l’agrément, plus au goût du jour. Casteljaloux, forteresse avant tout militaire, n’avait pas été abandonnée pour autant et on y avait au milieu du XVe s. construit un boulevard d’artillerie. À bien des égards, la nouvelle résidence de Charles d’Armagnac ressemblait donc à la Bastille, forteresse servant accessoirement au logement de seigneurs et d’invités d’importance. Cependant, les conditions de détention n’avaient rien en commun. Plus question ici de cachot et de soupirail, mais d’une chambre dont la fenêtre donnait sur le dehors, dans une des tours du château55, probablement dans les anciens appartements des sires d’Albret. Certes les proches de Charles d’Armagnac se plaignirent plus tard du milieu marécageux et “aquatique” qui aurait menacé la survie du vieux comte à la santé fragile, argument répété par le commissaire royal venu délivrer Charles56, mais ce n’était en rien comparable à ce qu’il avait connu à la Bastille : les Albret avaient vécu dans ce même château pendant des siècles sans trop souffrir des marécages ! De même, un procureur du sire d’Albret prévient son maître que parmi les partisans du comte d’Armagnac, certains “disent comment mondit seigneur d’Alebret fait maltracter mondit seigneur d’Armaignac et le fait batre avec verges”, mais il ajoute ne pas y croire et se dit confiant que son maître traite le comte selon son rang57. Ces rumeurs nous semblent aussi infondées, puisque même la femme de Charles d’Armagnac et le commissaire du roi de France ne firent aucune mention de tels châtiments dans les reproches qu’ils adressèrent au sire d’Albret pour exiger sa libération.
Le mandement royal qui ordonna la libération de Charles d’Armagnac, le 22 octobre 1485, insiste sur d’autres privations. Charles aurait été détenu :
privé et débouté de la compagnie de nostre dite cousine son espouse, et de tous ses subjects et serviteurs, sans ce que on lui souffre ne permette aucunement sortir hors pour aller a l’eglise a l’esbat ne autrement, ne que despuis on ayt souffert ne permis a nostre dite cousine ne a aucuns serviteurs d’icelluy nostre cousin d’Armagnac parler ne communiquer à lui, ne le veoir, comme s’il estoit prisonnier ; ains qui pis est, on a prins et mis en prison aucuns d’iceux qui ont voulu aller vers luy […]58.
Certains points sont véridiques. Le sire d’Albret avait placé comme gardiens les sires du Fréchou et du Sendat, hommes de confiance, vassaux de longue date et membres réguliers de son conseil. Ils empêchèrent en effet Charles d’Armagnac d’avoir tout contact avec son épouse et lui interdirent de sortir du château, que ce soit pour s’égayer ou même pour aller à l’église. Ils craignaient trop que le vieux comte ne s’évade : un siècle plus tôt, c’est en allant à un pèlerinage que Louis d’Anjou s’échappa de sa captivité en Angleterre. Ajoutons que Charles d’Armagnac n’avait aucunement juré de rester à Casteljaloux sous la garde du sire d’Albret, puisqu’il était venu contraint et forcé. Les conditions favorables que l’on pouvait à l’occasion réserver aux otages de haut rang faits prisonniers à la guerre ne s’appliquaient pas dans son cas : on savait que le comte d’Armagnac, nullement tenu par un serment chevaleresque, était prêt à saisir toute occasion pour s’évader. On l’empêchait donc non seulement de gouverner son pays, conformément à l’acte de curatelle, mais aussi de mener la vie du grand noble qu’il était, faite de chasses, de messes et de fêtes ; on filtrait même les visiteurs qui venaient le voir. C’est à ce titre qu’il apparut aux yeux du roi détenu “comme un prisonnier”.
En revanche, il est faux que le comte ait été isolé de tous ses serviteurs et n’ait pu écrire à quiconque, comme l’affirme le mandement royal. Quelques clercs et serviteurs du quotidien l’avaient suivi à Casteljaloux : parmi eux Guillaume de Scorailles, son maître d’hôtel (fonction qui suppose que Charles d’Armagnac avait autour de lui un certain nombre de valets et chambellans), Michel Tote, son secrétaire, Bernard Banguilh, son prêtre. Le 14 juin 1485, il envoyait son maître d’hôtel et Raymond Marquez, juge d’Armagnac, auprès du duc de Nemours son neveu, pour que celui-ci obtienne sa libération59. Il négociait aussi un mariage avec Marguerite de Nemours et les dispenses pontificales nécessaires. Leurs instructions furent décidées et rédigées par un conseil comtal restreint formé de ces familiers et de quelques nobles qui l’avaient suivi en captivité. Certes, l’un d’eux (Jean d’Armagnac, sire de Sainte-Christie, pourtant de la famille du comte, dont l’entourage était divisé entre pro et anti-Albret) était en réalité un agent double qui servait les intérêts d’Alain d’Albret et le tenait informé des complots de son détenu. Il n’en reste pas moins que Charles menait à Casteljaloux une vie de château assez ordinaire, entouré de serviteurs, loin d’être démuni et isolé. On parlerait de nos jours volontiers de résidence surveillée plutôt que de prison pour évoquer la détention du comte d’Armagnac à Casteljaloux.
Libérer un “prisonnier” ?
Les hommes du XVe s. acceptaient l’idée que les forcenés soient mis en résidence surveillée, et même enfermés lors de leurs crises, mais ils n’imaginaient pas que la prison puisse être une réponse à la folie60. S’il ne les menaçait pas, le fou devait pouvoir continuer à fréquenter ses proches. Or, Charles d’Armagnac ne pouvait librement voir sa femme, ce qui était aux yeux de certains proches de Charles et de nombre de ses sujets, le signe qu’il était prisonnier et privé de liberté. Ils cherchèrent donc à en convaincre le roi, afin d’obtenir un changement de curatelle.
Profitant du fait qu’Alain d’Albret avait rejoint la fronde des princes lors de la Guerre Folle en 1485, des membres de la famille du comte (le sire de Châteauguyon et le duc d’Alençon ses neveux, ainsi que Catherine de Foix sa femme) obtinrent du roi, le 22 octobre 1485, un mandement ordonnant sa libération immédiate. Le texte expliquait que “soubs couleur de ladite provision de curatelle, nostre dit cousin d’Armagnac soit ainsi detenu prisonnier hors desdites terres et seigneuries”, ordonnant de le mettre “a plaine délivrance”61. L’acte qui avait nommé Alain d’Albret curateur lui avait donné le gouvernement de la personne de son cousin. Il avait donc le droit de choisir l’entourage de Charles et de lui imposer une résidence surveillée, afin de prévenir ses “excès”. Pour un forcené d’un autre rang, l’enfermement à Casteljaloux aurait été considéré comme une mesure appropriée, à l’exception sans doute de l’interdiction de voir sa femme. Mais ici, le château devient prison à cause du statut de la personne enfermée : même si celui-ci est jugé dément, on ne peut enfermer un comte loin de ses terres, le coupant de ses sujets ; pas plus qu’on ne peut priver un homme de son rang de loisirs, comme la chasse, de se rendre librement à la messe et de voir sa femme, même s’il l’avait autrefois poursuivie les armes à la main. En libérant Charles, le conseil royal ne changeait pas de tuteur, mais abolissait toute curatelle. La question avait glissé de la mise à l’écart nécessaire d’un forcené à l’enfermement inapproprié d’un grand noble. Cela ne manquerait pas de poser plus tard des problèmes.
Le roi délégua en Gascogne Jean Raphaël, conseiller au Parlement de Guyenne, qui a laissé un rapport détaillé de sa mission62. Pendant deux mois, il tenta tant bien que mal de faire appliquer la décision royale de libération, mais se heurta au refus d’obtempérer des serviteurs du sire d’Albret. Alain trouva appui auprès du Parlement de Toulouse, qui l’avait nommé tuteur et refusait de voir sa décision ainsi brisée : il obtint même des lettres inhibitoires contre le commissaire royal, le 11 décembre 148563. Alain ne répondit donc jamais aux convocations de Jean Raphaël, qui après être allé de déconvenue en déconvenue, finit même par être emprisonné à Rodez par les administrateurs du comté fidèle au sire d’Albret en janvier 1486. Auparavant, il envoya le 16 décembre 1485 un huissier à Casteljaloux pour délivrer celui qu’il qualifie dans son rapport de “prisonnier”. L’huissier arriva devant une place entièrement fermée, où l’on faisait le guet nuit et jour64. Les gardiens du château avaient fait venir un grand nombre de pièces d’artillerie de Nérac et avaient placé des arbalétriers le long des murailles. Ils firent un tel charivari d’insultes, de musiques et de danses “a la mode de la Souhisse” que l’on n’entendit pas les sommations du représentant du roi. On lui fit savoir par des procureurs qu’on ne délivrerait le comte que si le sire d’Albret en donnait l’ordre et si l’on remboursait les 10 000 écus qu’avait coûté sa détention depuis un an à Casteljaloux. Ce chiffre, bien sûr exagéré, équivaut à la somme réclamée par le geôlier de la Bastille pour douze années de détention, signe que le train de vie de Charles d’Armagnac à Casteljaloux n’était pas miséreux. Jean Raphaël se rendit en personne à Casteljaloux le 18 décembre, accompagné par la femme de Charles d’Armagnac65. On les accueillit par un mélange de moqueries, danses et menaces. Voici comment il décrit sa visite dans le rapport qu’il fit au roi sur sa mission :
ainsi qu’ils se parmenoient le long du fossé dudit chasteau ils avoient veu ledit comte d’Armagnac par la fenestre, lequel les avoit saluez, mais pour la distance des lieux ne le pouvoient entendre ; bien oyoient comme il crioit et faisoit signe avec les bras que on l’allast querir, et qu’on le mist dehors, et que incontinent un autre estoit venu par derrière qui l’avoit tiré et fermé la fenestre de sa chambre. Laquelle Dame et pareillement les procureurs desdits duc d’Alençon et seigneur de Chasteauguyon nous requisirent que tout ce voulsissions mettre et inserer en nostre procés verbal, pour monstrer l’hinnumanité et destresse en quoy estoit tenu ledit comte d’Armagnac66.
Cette anecdote montre que l’enfermement de Charles d’Armagnac était loin d’être vraiment hermétique : l’attention de ses gardes était plutôt portée à résister de manière manifeste au pouvoir royal en cette période de guerre civile qu’à tenir leur prisonnier enfermé. La remarque finale sur l’inhumanité du gardien s’explique par le fait que Charles est privé de tout contact, même visuel, avec sa femme, ce qui était vu comme une insupportable privation de liberté pour un simple forcené. Il y a aussi une dose de mauvaise foi de la part d’un représentant du pouvoir royal qui, un an auparavant, avait ordonné la mise sous curatelle du comte d’Armagnac, sans s’inquiéter de ses contestations. Après deux autres visites infructueuses le 19 décembre et le 22 décembre, Jean Raphaël repartit, non sans avoir jeté sa masse dans le château en signe de protestation, menace à laquelle les arbalétriers du château répondirent en tirant plusieurs carreaux d’arbalète.
Malgré l’échec du représentant du roi, la situation tourna en la défaveur d’Alain d’Albret. Son soutien aux princes ligueurs soulevés contre le roi en 1485 lui aliéna les sujets du comte d’Armagnac, qui n’avaient accepté sa mainmise que parce que le roi lui avait donné la tutelle. Remplaçant trop d’administrateurs par ses hommes de main, il se mit à dos les États d’Armagnac67. Au début de l’année 1486, à Lectoure, on se révoltait aux cris de “Vive l’Armagnac !”, tandis qu’en Rouergue, des serviteurs du comte prenaient les armes et tentaient de soulever la population en faisant courir la rumeur de sévices imaginaires que le vieux Charles aurait subis68. Le 22 février 1486, le conseil royal avait émis un second mandement demandant la mise en liberté du comte d’Armagnac ; le 31 mars suivant, il chargea Guinot de Lauzières, sénéchal de Quercy de ramener Charles d’Armagnac à Paris69. Le ton du roi s’était adouci : il n’était plus question de libérer un prisonnier opprimé, mais de faire venir à lui un homme “sous la tutelle et garde” de son “très cher et aimé cousin” d’Albret, qui en avait eu la garde par ordonnance du Parlement de Toulouse. Le roi montrait sa bonne volonté à Alain d’Albret, espérant sans doute le séparer du camp des mécontents, qui avait connu de sérieux revers l’année précédente. Alain sut reconnaître sa défaite à temps. Il ne s’opposa plus à la libération de Charles d’Armagnac. Le 25 avril 1486, Guinot de Lauzières fut accueilli par les gardiens du comte et les consuls de Casteljaloux, qui acceptèrent d’exécuter les ordres royaux70. Dans un curieux échange d’amabilités, Charles d’Armagnac, répondant à son principal gardien, le sire du Sendat, qui lui assurait que c’était un plaisir de le libérer, affirma “que voulentiers vrayement ilz avoient fait envers luy comme vrays gentilzhommes et gens de bien”. Visiblement, le vieux comte réservait sa rancune au sire d’Albret plutôt qu’à ses geôliers qui lui avaient assuré une existence décente dans le château de Casteljaloux.
L’impossible liberté d’un forcené
Le jour de sa libération, Charles d’Armagnac s’était dit fort réjoui d’aller voir le roi à Paris, mais il déchanta bien vite. Il séjourna quelques mois à Paris, où le conseil royal l’estima suffisamment aliéné pour le confier à de nouveaux curateurs, des officiers royaux. De retour dans ses terres (dont il n’avait finalement pas récupéré la possession), le vieux comte fut assigné à résidence à Castelnau-de-Montmiral, et non dans ses lieux de résidence favoris de Rouergue ou de Tournon. Comprenant qu’il n’allait pas retrouver sa liberté, mais qu’il changeait seulement de tuteur ou de geôlier, selon le point de vue, il se plaignit devant le Parlement de Paris par l’intermédiaire de son avocat Sabrevois, qui expliqua le 26 juin 1487 : “Dit que est prisonnier et y a quatre gouverneurs […] qui le tiennent en ung chasteau, tellement que l’on ne peult parler à luy”71. Comme à Casteljaloux, ce qui fait du comte un prisonnier est avant tout l’impossibilité pour lui de rencontrer qui il souhaite, et l’interdiction de sortir pour chasser, en somme, l’impossibilité de mener une vie nobiliaire normale. Là encore, son enfermement ne fut pas complet, et il put nommer des commissaires pour discuter en son nom avec les nobles d’Armagnac. Cependant, il vécut à Castelnau dans un dénuement bien plus grand qu’à Casteljaloux, puisque dans cette nouvelle demeure, il n’avait aucun serviteur à sa disposition, et presque aucun effet personnel, comme le confirme le procès-verbal de sa libération :
Et trouvarent mondit seigneur maltraicté et mal fourny de meubles, et tous les vivres ne autres meublez que estoient dedans ne valoient cinquante francs car monseigneur n’avoit que deux roubes meschantes et ung perpoint et unes choses, une tasse et ung lit et une couchette, et si n’avoit cheval ni autre monture et estoit tout le chasteau en ruyne72.
En 1491, les États d’Armagnac n’exagérèrent donc guère en dressant un sombre tableau lors d’une requête auprès du conseil royal demandant la libération de leur comte :
[…] sa personne estre detenue prisonnière entre les mains desdits estrangiers qu’ilz le traictent si mal et si durement que plus ne pourroient sans avoir regard à la maison dont il est, à sa personne et son ancien aage, et tellement que la pluspart du temps il ne scet de quoy vivre ou s’entretenir, qui est chose moult piteable et abhoominable à oyr73.
Notons que si les conditions pourtant bien plus favorables offertes par un sire d’Albret rebelle avaient suscité l’indignation en quelques mois à peine, il fallut cinq ans pour que l’enfermement du comte par ses tuteurs royaux suscite une véritable émotion dans le pays, preuve de l’aura de la justice royale, mais aussi qu’en 1486, ce n’était pas tant les conditions de détention de Charles à Casteljaloux qui avaient soulevé le peuple, mais plutôt des considérations politiques face à un seigneur rebelle qui nommait ses propres administrateurs contre des candidats locaux.
Face à la requête des États d’Armagnac, Charles VIII réagit en nommant de nouveaux curateurs : les sires de Marestaing et de Montaut, fidèles du comte d’Armagnac, et Jean d’Albret, cousin d’Alain d’Albret et seigneur d’Orval. Il garantissait ainsi les intérêts des sujets du comte, tout en signant un compromis avec les partisans des Albret, qui restaient puissants dans les terres des Armagnacs. Il ne manquait plus que de libérer, une nouvelle fois, le détenu ! L’histoire sembla se répéter : le commissaire royal, en arrivant à Castelnau-de-Montmirail, trouva une forteresse fermée, des gardiens refusant de libérer leur protégé sans être d’abord payés, et vit le vieux Charles d’Armagnac qui :
lors estoit à l’une des fenestres dudit chasteau, lequel se plaignoit de ce qu’il estoit detenu et enfermé, en disant que ce n’estoit pas bien fait d’avoir levé ledit pont-levis, et que nous commissaire n’estions pas angloys et qu’il n’estoit point subgect à bailly ne à seneschal, mais au roy seulement, et en effect disoit plusieurs autres parolles plainctives contre ceulx qui le tenoient ceans74.
On dut payer grassement les gouverneurs de la place pour qu’ils libèrent le prisonnier.
Les premières décisions des nouveaux curateurs furent de payer de nouveaux habits pour Charles et de lui fournir un cheval “quant il vouldra et sera avisé d’aler a l’esbat ou ailheurs”. Enfin libre de sortir, le comte d’Armagnac ne fut toutefois jamais débarrassé d’une forte surveillance. Plusieurs gentilshommes du pays l’accompagnaient partout, et comme le nota le commissaire, “est bien nécessaire qu’ilz y soient car monseigneur le conte est plus difficil a garder que ne fut oncques”75. De plus, sa liberté de mouvement était restreinte, puisqu’il devait résider au château de Castelnau, que l’on répara afin de le rendre plus agréable à habiter mais aussi “plus soure garde”. De 1491 à sa mort en 1497, Charles d’Armagnac continua donc d’être en résidence surveillée sous la garde de curateurs. Seulement, il ne se plaignit plus d’être “prisonnier”, car son lieu et ses conditions d’enfermement correspondaient enfin aux attentes que la société avait pour un homme de son rang.
Conclusion
La triste destinée de Charles d’Armagnac pose de nombreuses questions quant à la distinction que les médiévaux faisaient entre différents types d’enfermements. La détention des princes avait des exigences qui n’étaient pas celles des prisonniers de droit commun : leur traitement était soit bien plus favorable, soit bien pire (pour les rebelles à Louis XI). La détention des forcenés était bien moins définie, et l’un des principaux problèmes qui se posa à partir de la sortie de Charles d’Armagnac de la Bastille fut précisément celui de la difficile adaptation des conditions d’enfermement habituelles des princes à son cas particulier. Partout, il se sentait prisonnier et ses gardiens répondaient qu’ils souhaitaient le protéger et protéger son entourage. Tentant de définir les critères en fonction desquels une résidence surveillée devenait une prison, les avocats et la famille de Charles d’Armagnac nous apprennent bien des choses sur la conception médiévale des lieux d’enfermement.
Là où Charles Samaran accusait sans détour le sire d’Albret d’être le tortionnaire de Charles, qui aurait cherché seulement à s’emparer de ses terres, l’étude des conditions de détention de Charles à Casteljaloux montre au contraire qu’Alain traita son prisonnier mieux que les officiers du roi, qui prétendirent pourtant le délivrer. Le sire d’Albret avait assurément des vues politiques en libérant Charles puis en le faisant tenir sous bonne garde, mais elles se cumulaient au nécessaire enfermement du forcené. Il avait un certain égard pour son cousin, qui put vivre dans une semi-prison. Les officiers royaux n’eurent pas ces attentions et le firent vivre dans la misère, tout en le dépouillant autant, sinon plus, des terres ancestrales des Armagnacs.
Sources imprimées •••
- Journal des États généraux de France tenus à Tours en 1484 sous le règne de Charles VIII (1835) : Journal des États généraux de France tenus à Tours en 1484 sous le règne de Charles VIII, éd. & trad. Bernier, A. Paris.
- Procès de Jacques d’Armagnac (2012) : Procès de Jacques d’Armagnac, éd. Blanchard, J. Genève.
- Procès politiques au temps de Louis XI. Armagnac et Bourgogne (2012) : Procès politiques au temps de Louis XI. Armagnac et Bourgogne, éd. Blanchard, J. Genève.
- Comptes consulaires de Riscle de 1441 à 1507 (1886) : Comptes consulaires de Riscle de 1441 à 1507, éd. De Carsalade du Pont, J. et Parfouru, P. vol. 1. Paris.
- Les infortunes d’un commissaire du XVe s (1887) : Les infortunes d’un commissaire du XVe s., éd Tamizey de Larroque, P. Agen.
- Druilhet, P. (1885) : Archives de la ville de Lectoure, Paris – Auch.
- La Gascogne dans le Trésor des Chartes(1966) : La Gascogne dans le Trésor des Chartes, éd. Samaran, C. Paris.
Bibliographie •••
- Claustre, J., Heullant-Donat, I. et Lusset, É., dir. (2011) : Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe s.), Paris, [en ligne] https://books.openedition.org/psorbonne/72874 [consulté le 20 déc. 2021].
- De Carbonnières, L. (2011) : “Prison ouverte, prison fermée : les règles procédurales de la détention préventive sous les premiers Valois devant la chambre criminelle du Parlement de Paris”, in : Claustre et al. dir. 2011, 183-195, [en ligne] https://books.openedition.org/psorbonne/73004 [consulté le 20 déc. 2021].
- Dégez-Selves, C. (2011) : “Les conditions de vie en prison à l’époque moderne. L’exemple de la Conciergerie”, in : Claustre et al. dir. 2011, 183-195, [en ligne] https://books.openedition.org/psorbonne/73014 [consulté le 07 déc. 2021].
- Dégez-Selves, C. (2013) : Une société carcérale : la prison de la Conciergerie (fin XVIe-milieu XVIIe s.), thèse soutenue à l’Université Paris-Sorbonne.
- Funck Brentano, F. (1935) : Légendes et archives de la Bastille, Paris.
- Mandrot, B. (1890) : “Jacques d’Armagnac duc de Nemours, 1433-1477 (Suite)”, Revue Historique, 44-2, 241-312.
- Mattéoni, O. (2017) : “Les procès politiques du règne de Louis XI”, Histoire de la justice, 27, 11-23.
- Petitfils, J.-C. (2018) : La bastille, Mystères et secrets d’une prison d’État, Paris.
- Rocha-Harang, F. (2017) : La torture au Moyen Âge. Parlement de Paris, XIVe-XVe s., Paris.
- Samaran, C. (1907) : La maison d’Armagnac au XVe s. et les dernières luttes de la féodalité dans le Midi de la France, Paris.
- Telliez, R. (2011) : “Geôles, fosses, cachots… Lieux carcéraux et conditions matérielles de l’emprisonnement en France à la fin du Moyen Âge”, in : Claustre et al., dir. 2011, 169-182, [en ligne] https://books.openedition.org/psorbonne/72994 [consulté le 07 déc. 2021].
- Ternon, M. (2018) : Juger les fous au Moyen Âge dans les tribunaux royaux en France (XIVe-XVe s.), Paris.
Notes •••
- Samaran 1907.
- Sur le sujet, Ternon 2018, notamment 218-224.
- Ibid., 165-171, pour une présentation de l’affaire sous le prisme de la folie de Charles.
- Samaran 1907, 210-212.
- Son père et son frère, Jean IV et Jean V, furent punis pour des faits similaires.
- Samaran 1907, 423-427.
- C’est le cas du procès de Jean V, le frère de Charles (Blanchard éd. 2016), et de Jacques d’Armagnac (Blanchard éd. 2012). Pour une présentation générale des procès politiques sous Louis XI, voir notamment Mattéoni 2017.
- Nous sommes en désaccord avec Ternon 2018, 168, qui considère que “tout porte à douter” de la folie de Charles, qui serait une construction historiographique héritée du XVIe s. Pour nous, si Charles n’était sans doute pas fou furieux lors de son premier emprisonnement, des récits contemporains montrent qu’il fut clairement dément à la fin de sa vie, pouvant confondre un plomb de couleuvrine avec de l’argent. Ses dures conditions d’emprisonnement ont pu lui faire perdre la raison. De plus, Charles VIII, qui était fort bien disposé à son égard, après avoir initialement enlevé toute curatelle, le confia à de nouveaux curateurs, visiblement persuadé de sa folie.
- Jehan Masselin, éd. Bernier 1835, 285-286. Masselin, chanoine de Rouen et docteur en droit canon, fut député par le baillage de Rouen aux États Généraux de 1484. Dans son journal, il a reproduit, en les traduisant en latin, les discours des orateurs, en s’appuyant très souvent sur les versions écrites de ces discours. On trouve donc dans son journal la harangue que l’avocat de Charles d’Armagnac, Guillaume de Sabrevois, prononça devant Charles VIII pour obtenir la libération de son client.
- Samaran 1907, 215-217.
- Lettre de Guillaume de Sully à Pierre Doriole du 15 janvier 1470 (Paris, BnF, ms. fr. 6964, n°29), éd. Samaran 1907, 217 n1 : “J’ay tant fait par soubtilz moiens que je l’ay prins et son bastart, et sont au chastel de Rodelle, là où j’ay entencion de les bien gardés tant qui sera le bon plaisir du roy”.
- Bernier, éd. 1835, 284-289 : Et quot eo tempore carceres illic mutaverit, quot pertulit supplicia, quot examina, judiciaque subiit, non est facile sigillatim dicere, nec unius opus diei. In consiergia primo reclusum, acriter torturis interrogatum, nullius sententia laesit : quinimo etiam parlamenti sententia eum absolvebat, si non hostes impedimento fuissent quominus ferretur (…) Quin potius adversarii ea re magis excandescunt, vincula paenasque duplicant. At pauper vir de carcere in carcerem translatus, novos semper cruciatus, novaque tormenta perferebat.
- Dégez-Selves 2013. Voir également la contribution de Claustre & Brochard dans ce volume.
- Carbonnières 2011 a montré que les conditions d’emprisonnement des prévenus dont le dossier n’avait pas encore été jugé – ce qui était le cas de Charles d’Armagnac en 1471 – étaient en général assez clémentes, avec un élargissement fréquent. On devait surtout s’assurer qu’ils ne s’évadent pas avant leur procès. Sans bénéficier de cet élargissement, Charles d’Armagnac fut donc bien mieux traité qu’une fois condamné.
- La torture fut utilisée sur de grands princes lors des procès politiques sous le règne de Louis XI, même si en théorie, les membres des catégories privilégiées pouvaient y échapper de droit (Harang 2017, 523-280). Le fait que Charles d’Armagnac n’ait pas été torturé est un indice de plus pour ne pas hâtivement interpréter son procès comme un procès purement politique, même si l’implication de Louis XI dans l’affaire est évidente. Il était mis en accusation pour meurtre et violences, et non pour trahison ou lèse-majesté, d’où la clémence à son encontre.
- Samaran 1907, 218.
- Son geôlier déclare en 1483 qu’il a tenu Charles d’Armagnac prisonnier à la Bastille per spacium duodecim annorum vel circa, ce qui suggère que ce dernier a passé un an à la Conciergerie, jusqu’à son jugement de février 1472 (Samaran 1907, pièce justificative 52).
- Ibid., 219.
- Petitfils 2018.
- Bernier, éd. 1835, 270-297 pour l’intégralité de son plaidoyer. Le passage concernant la Bastille se trouve aux pages 284-289.
- Samaran 1907, 245, n1.
- Funck Brentano 1935, 11-12.
- Voir Telliez 2011 sur l’utilisation de ces fosses.
- Funck Brentano 1935, 43-44.
- Bernier, éd. 1835, 286-287.
- Ibid., 284 : ubi totis quatuordecim annis cruciatus, vincula, tenebras expertus est. Cette description des conditions de détention de Charles d’Armagnac à la Bastille est utilisée par Telliez 2011, et mise en parallèle avec d’autres cas. Charles n’était pas le seul prisonnier à être détenu dans des conditions aussi rudes, mais il était en revanche exceptionnel de passer tant d’années dans une fosse, sans en mourir ou être libéré.
- Telliez 2011 rappelle qu’en général, les gentilhommes avaient un certain nombre de passe-droits dans les prisons médiévales.
- Eux aussi subirent des conditions de détention assez rudes malgré leur rang. Le duc de Nemours passa quatre mois enfermé dans une cage à Lyon, dans un cachot humide qui lui donna d’horribles maux de tête (Mandrot 1890, 279-280). À la Bastille, où il passa quelques mois, il fut toutefois d’abord logé dans une chambre semble-t-il assez confortable, avant d’être finalement mis dans une cage car il avait comploté pour s’évader (ibid., p. 289).
- Bernier, éd. 1835, 286.
- Samaran 1907, 235, citant une lettre d’Adam Cousinot à Louis XI et une lettre de Luillier à Louis XI.
- Bernier, éd. 1835, 286-289.
- Ibid., 288-289.
- Cité par Samaran, 302, n1.
- Ibid., 472 (pièce justificative 73).
- Ibid., 236-238.
- A. D. des Pyrénées-Atlantiques, E 248 : lettre du 16 novembre 1483, éd. Samaran 1907, 440.
- Ibid., 441.
- Bernier, éd. 1835, 270-297.
- A. D. Pyrénées-Atlantiques, E 84-1. Charles Samaran se sert d’une copie de Jean de Doat qui indique, erronément, le 15 mars comme date de l’acte.
- Samaran 1907, 443-445 (pièces justificatives 54-55).
- Ibid., 252.
- Ibid., 262-264 et 454-455.
- Ibid., 264 et 303.
- Paris, A. N., JJ 215, n°71 (octobre 1484), éd. Samaran 1907, 455-456.
- De Carsalade du Pont et Parfouru, éd. 1886, 338 n2, procès-verbal du conseil du roi du 30 septembre 1484.
- Ternon 2018, 22-24.
- Ibid., 104-105. Voir encore 75sqq sur l’association de la prodigalité et de la folie.
- Ibid., 111-112.
- De Carsalade du Pont et Parfouru, éd. 1886, 338-339. Le 8 novembre 1884 à Cancon, Charles cédait à son neveu Hugues de Châlon, sire de Châteauguyon, toutes ses terres à la condition qu’il paye ses dettes ! L’acte est édité dans Samaran 1907, 457-458 (pièce justificative 62).
- A. D. de Haute Garonne, B6, fol. 302v, éd. dans Samaran 1907, 460-461.
- Samaran 1907, 461-462 (pièce justificative 65).
- Paris, BnF ms. Doat 224 (procès-verbal de Jean Raphaël), fol. 229v.
- Ibid., fol. 209r et 225v.
- Ternon 2018, 200-206.
- Ibid., fol. 251r.
- Ibid., fol. 209v : attandu que nostre dit cousin d’Armagnac est desja ancien et de foible complexion, et que le lieu ou il est ainsi detenu, est lieu aquatique scittué en marain fort contraire a sa complexion, par quoy est a doubter vray semblablement que s’il estoit ainsi plus detenu, il seroit en danger de mourir, et briefvement finer ses jours, qui seroit chose scandaleuse. Voir encore fol. 257v : l’inconvenient qui s’en pouvoit ensuivre si ledit comte d’Armagnac qui estoit fort vieulx et debilité mouroit audit chasteau qui estoit lieu dangereux et aquatique.
- A.D. Tarn et Garonne, A 47 : Ce que ne pouvons croyre (…). Et que soit le bon plaisir de monseigneur le faire bien tracter comme se appartient bien a luy et l’avoir pour recommandé en maniere que m[ondit] seigneur d’Armaignac n’ait cause de s’en plaindre (mémoire de Guiraud Caminade du début de 1486).
- Paris, BnF, ms.Doat 224, fol. 208v.
- Ibid., fol 171sqq, éd. par Samaran 1907, 463-465 : Après, luy remonstreront comme depuis que mondit seigneur le comte est detenu en ce chasteau de Castelgeloux, et audit seigneur de Nemours a envoyé plusieurs fois devers luy et luy a escript […] comment il estoit tout delibéré de poursuivre ses besoignes et affaires et de y employer sa personne et ses biens, de quoy mondit seigneur le comte a esté tousjours fort joyeux en attendant son expedition et delivrance de sa personne au moyen de mondit seigneur de Nemours, comme à celuy qui touche l’empeschement de sa personne et biens de mondit seigneur plus que à homme du monde […]. Fait à Castetgeloux, l’an mil quatre cens quatre vingts et cinq, presens les seigneurs de Lamothe, de Sainte-Cristye, maistre Michel Tote, secretaire, et messire Bernard Banguilh, prestre de mondit seigneur le comte, à ce requis et appellez.
- Ternon 2018, 218-222.
- Paris, BnF, ms. Doat 224, fol. 207v-211v.
- Paris, BnF, ms. Doat 224, fol. 207sqq., partiellement édité par Tamizey de Larroque, éd. 1887, et paraphrasé par Samaran 1907, 273-277.
- Samaran 1907, p. 274.
- Paris, BnF, ms. Doat 224, fol. 244r-245v (relation de l’huissier Jean le Clerc).
- Ibid., fol. 245v-265v.
- Ibid., fol. 256r-v.
- Samaran 1907, 267-268 et De Carsalade du Pont et Parfouru, éd. 1886, 345 et 374.
- Druilhet, éd. 1885, 147-149 et Samaran, éd. 1966, 179, n°1547.
- A. D. Pyrénées Atlantiques, E 86 (aussi dans Paris, BnF, ms. Doat 225, fol. 1).
- Ibid., acte partiellement édité par Samaran 1907, 465-466.
- Paris, A. N., X1A 8319, fol. 136v-137r, cité par Samaran 1907, 280-281.
- A. D. Tarn-et-Garonne, A 47, “Mémoires et instructions à monseigneur de Marestaing”.
- Paris, BnF, ms. P. O. 95, n°369, cité par Samaran 1907, 285.
- A. N. J 863, n°10, cité par Samaran 1907, 287 (Procès-verbal de Philippe Simon, conseiller au Parlement de Paris chargé de la délivrance de Charles d’Armagnac).
- A. D. Tarn-et-Garonne, A 47.