L’apophtegme est une forme brève, dit notable qui oscille entre gravité et facétie, fort prisée à la Renaissance1. C’est Plutarque qui fournit les premiers recueils d’apophtegmes ; c’est chez cet auteur, auctoritas morale, que les humanistes puisent principalement les apophtegmes qu’ils recueillent, voire qu’ils forgent2. Ces apophtegmes vont prendre place dans la tradition des artes dicendi qui fleurissent à la Renaissance. Par leur organisation et par la matière qui les constitue, les recueils d’apophtegmes s’apparentent, en effet, aux recueils de lieux communs par lesquels procède l’apprentissage du bien dire et du bien se conduire que prodiguent les humanistes3. On sait que ces recueils de lieux communs contribuent à constituer la rhétorique en un art, au sens latin du terme, une technique qui s’enseigne : ils constituent des aide-mémoires où l’écolier trouvera de quoi puiser des arguments ; ils permettent d’organiser les connaissances, voire de trouver l’ordre des choses4. Or, les recueils d’apophtegmes renaissants organisent les « dits notables » collectés selon des rubriques, qui correspondent le plus souvent à des catégories morales. C’est le cas, par exemple, du recueil d’apophtegmes de Lycosthenes. Dans d’autres cas, des catégories sont définies en marge des apophtegmes et le recueil comporte un index locorum reprenant les différentes catégories dans lesquelles se rangent les dits. C’est ainsi que procède Érasme5. Dans tous les cas, les recueils d’apophtegmes deviennent ainsi des réservoirs de mots et de choses où l’on pourra puiser des arguments, sur lesquels on pourra former sa parole et sa pensée. Ils se dotent, ainsi, d’une dimension pédagogique6.
Dans le même temps, l’apophtegme relève du mot d’esprit, il est un bon mot qui, le plus souvent, révèle une attitude philosophique. En cette qualité, il se prête plus difficilement à l’apprentissage, à la reproduction. Les recueils d’apophtegmes s’inscrivent certes dans les artes dicendi qui sont des arts de la mémoire ; mais ils présentent ce paradoxe d’enseigner une modalité de parole, le mot d’esprit, qui échappe à la mémoire par l’attention au présent qu’elle requiert, par l’adaptation qu’elle suppose aux circonstances, voire par la place qu’elle suppose de faire au hasard. L’apophtegme relève de ce que Montaigne appelle « le parler prompt » :
[A] Ainsi voyons nous qu’au don d’éloquence, les uns ont la facilité et la promptitude, et ce qu’on dict, le boute-hors si aisé qu’à chaque bout de champ ils sont prests ; les autres plus tardifs ne parlent jamais rien qu’élabouré et premedité […] Il me semble que ce soit plus le propre de l’esprit, d’avoir son operation prompte et soudaine, et plus le propre du jugement de l’avoir lente et posée. […] [B] Je ne me tiens pas bien en ma possession et disposition. Le hasard y a plus de droict que moy. L’occasion, la compaignie, le branle mesme de ma voix, tire plus de mon esprit, que je n’y trouve lors que je le sonde et employe à part moy7.
Pour Montaigne, l’éloquence n’est plus un art mais un don, c’est une manière de mettre en cause cette « science » pour laquelle on sait qu’il a peu d’estime. Surtout, en adepte du parler prompt, il introduit le hasard dans l’ordre du discours. Si les humanistes ont pu résoudre le paradoxe de l’apophtegme par la notion d’à-propos (la capacité à, ou l’art de, s’adapter aux circonstances), Montaigne va plus loin : les circonstances (« l’occasion, la compaignie, le branle mesme de ma voix ») deviennent des forces agissantes ; il s’agit moins de s’y adapter que de s’y « abandonner », de se laisser guider par elles. La position de Montaigne souligne ainsi les questions que soulève l’apophtegme saisi dans la perspective des artes dicendi : l’esprit peut-il s’enseigner ? Faire preuve d’esprit s’apprend-il en retenant les bons mots recueillis et en sachant les réutiliser à bon escient ?
Pour envisager la manière dont la Renaissance s’est posé ces questions et a tenté d’y répondre, je me propose d’étudier deux ouvrages, le recueil d’apophtegmes produit par Érasme8 d’une part, le De sermone de Pontano9 d’autre part. Sans doute peut-on considérer ces deux ouvrages comme des artes dicendi ; toutefois, l’un et l’autre proposent un modèle qui n’est plus nécessairement celui du vir bonus dicendi peritus et déplacent les lignes de l’éloquence par l’attention qu’ils portent au mot d’esprit.
Commençons par élucider les projets que nourrissent Érasme et Pontano à travers leurs ouvrages respectifs. Pour ce faire, je procéderai ici en bouleversant l’ordre chronologique, examinant d’abord le projet érasmien avant de me pencher sur celui de Pontano, et ce pour des raisons pratiques allant de l’ouvrage le plus proche de celui de Plutarque à celui qui s’en éloigne davantage. La compréhension des intentions qui animent Érasme lorsqu’il publie son recueil d’apophtegmes nous est facilitée par l’épître qu’il adresse au dédicataire de l’ouvrage, le jeune duc de Clèves10 :
Quoniam priores libellos quos mei erga te animi velut arrabonem qualencumque miseram, tam comiter accepisti Guilhelme Princeps Junior illustrissime : nec tu modo, sed et ambo clarissimi parentes tui, visum est aliquid et tua nobilitate dignius, et tuis studiis ni fallor utilius adjungere. Proin ex optimis quibusque autoribus collegi, quæ Græci vocant Apophthegmata, hoc est egregie dicta, quod viderem non aliud argumenti genus principi præsertim juveni magis accomodum11.
Comme chez Plutarque, qui adressait ses recueils d’apophtegmes à l’empereur Trajan, le florilège de « dits notables » est adapté au rang social et aux fonctions du dédicataire. Mais Érasme ajoute une dimension : le jeune âge de duc de Clèves. Son recueil revêt ainsi une dimension pédagogique que n’avaient pas ceux de Plutarque. Cela induit, de la part de l’humaniste, un travail d’explicitation des dits qui vient s’ajouter à celui de la traduction :
nos Plutarchum multis de causis sequi maluimus quam interpretari, explanare quam vertere. Primum ut dilucidior esset oratio, quippe minus astricta Græcis vocibus. Non enim hæc Trajano scribuntur, viro tum utraque literatura, tum longo rerum usu exercitatissimo : sed adolescenti principi, imo per te pueris et adolescentulis omnibus liberalium studiorum candidatis : nec illo seculo, quo dicta gestaque ejusmodi vulgi fabulis celebrabantur, in balneis, in conviviis ac circulis forensibus : dein ut mihi liceret indicare dicti argutiam, si quod occurreret obscurius, qualia nunc sunt permulta, non solum rudibus, verum etiam ultra mediocritatem eruditis12.
C’est le public auquel s’adresse Érasme, des jeunes gens, différent de celui que visait Plutarque, qui justifie les scolies qu’il ajoute au texte grec original. Mais là n’est pas la seule raison : Érasme prend également en compte la distance temporelle qui s’est instaurée et qui rend difficilement compréhensibles certaines realia antiques. Enfin, il considère encore le passage de l’oral à l’écrit, l’extraction du contexte initial : les apophtegmes recueillis, puis traduits par Érasme, ne relèvent plus de la conversation courante mais deviennent un matériau littéraire. Les scolies s’inscrivent ainsi pleinement dans la démarche pédagogique que met en œuvre Érasme, et ce d’autant plus que si elles visent à éclaircir le sens des apophtegmes, elles précisent aussi comment les mettre en pratique :
Sed totum opus quodammodo meum feci, dum et explanatius effero quæ Græce referuntur, interjectis interdum quæ apud alios autores addita comperissem, additis item permultis quæ in hoc opere non habebantur, ubique veluti scholiis indicans vel sensum vel usum apophtegmatis, in his dumtaxat quæ lucis aliquid desiderabant, sed hoc ipsum breviter, ne ab apophthegmatum natura degenerarem13.
En dépit de l’écart temporel, ces dits antiques sont bien tournés vers une utilité pratique. Ils permettent de former les jeunes générations au bien dire et au bien se conduire, les deux étant intimement liés. Affirmant ce projet pédagogique, Érasme se trouve contraint de justifier la présence, dans son recueil, de bons mots, drôles et spirituels, apparemment éloignés de la finalité morale qu’il dit poursuivre :
In his vero nostris videbuntur esse quædam, quæ nihil faciant ad bonos mores, sed risum modo commoveant. Ne id quidem vitio dandum existimo, risu nonnumquam relaxare animum curis fatigatum, modo risus sit argutus ac liberalis. Hæc enim exhilarant ac vegetant juvenum ingenia, nec mediocriter faciunt et ad vitæ comitatem, et ad orationis jucunditatem. Quid enim magis edulcat M. Tulii dictionem, quam quod eam hujusmodi dictis subinde condit ? Quid porro sunt Plutarchi moralia, nisi aulea hujusmodi coloribus picturata ? Jam illa quæ maxime videntur ridicula, tractando fiunt seria14.
Érasme limite le rire de l’apophtegme à un rire de bon ton, spirituel mais non grossier, un rire qui relève de l’eutrapelia, celui qu’admet et apprécie la Renaissance policée15. Néanmoins, ce rire n’est pas assujetti à la formation morale. Érasme le justifie, dans un premier temps, par la récréation qu’il offre à l’esprit : il est une pause salutaire dans le sérieux des préceptes proposés au lecteur. Toutefois, dans la dernière partie de son propos, il laisse entrevoir une profondeur philosophique du rire : il n’est plus seulement un élément récréatif mais se dote d’une portée sérieuse. L’apophtegme révèle une ambiguïté qu’exploitera Érasme, nous y reviendrons.
Regardons, auparavant, du côté du De sermone, ce traité de conversation civile que produit Pontano à la fin de sa vie et qui sera publié à titre posthume. Il faut ici prendre en compte les circonstances dans lesquelles Pontano écrit cet ouvrage car elles expliquent l’idéal défini : après plusieurs années au service de la monarchie aragonaise, Pontano se retire de la vie politique, en 1494, après la défaite napolitaine devant les armées de Charles VIII16. C’est dans ce contexte qu’il écrit le De sermone, dès lors marqué par ce repli sur une société de pairs, détachée des charges publiques et des relations de cour. A priori, le De sermone ne relève pas des artes dicendi puisque Pontano affiche les distances qu’il prend avec la rhétorique :
Sed nos hac in parte de ea quæ oratoria sive vis facultasque sive ars dicitur nihil omnino loquimur, verum de oratione tantum ipsa communi quaque homines audeundis amicis, communicandis negociis in quotidianis præcipue utuntur sermonibus, in conventibus, concessionibus, congressionibus familiaribisque ac civilibus consuetudinibus. Quæ realia quadam hi ratione commendantur quam qui oratores dicuntur atque eloquentes17.
Le sermo qui donne son titre à l’ouvrage est donc ce discours commun, qui se définit par opposition à l’éloquence : le De sermone n’est pas un ars dicendi, mais un ars sermocinandi. Car, il s’agit bien d’un manuel qui construit un savoir : le sermo que définit Pontano suppose des qualités naturelles, mais aussi une technique, un art qu’il enseigne, en s’inspirant du reste des traités de rhétorique antique, notamment ceux de Cicéron et de Quintilien, dont il reprend principes et notions pour les placer au service de son projet et de son idéal social :
Cum igitur de fortitudine disseruimus deque virtutibus iis qui in pecunia versantur, quæ quidem plures sunt ac diversæ, itemque de magnanimitate, prudentia deque fortuna, ei contraria, tentemus hoc in ocio, quod senectus nobis concessit visque etiam hostilis, de iis item virtutibus præcepta tradere quæ in verbis versantur quotidianoque in sermone18.
Le De sermone se place sous le signe de la littérature prescriptive, il distingue bon et mauvais usage de la parole. Et celui qu’il vise à former par les préceptes et conseils qu’il prodigue, c’est l’homo facetus qu’il définit en ces termes :
Erit igitur facetus is, quem nunc instituimus, in jocando suavis et hilaris, vultu placido et ad refocillandum composito, in respondendo gratus ac concinnus, voce nec languida nec subrustica, virili tamen et læta, in motu urbanus quique nec rus indicet nec nimias urbis delicias, ascurriliate abhorrebit uti a scopulo, oscenitatem ad parasitos et mimos relegabit, salibus ita utetur ac mordacibus dictis ut, nisi provocatus ac lacessitus, nec remordeat, nec revellicet ; ita tamen ut numquam ab honesto recedat ab eaque animi compositione, quæ ingenui hominis est propria […] habebit peritiam multam, multam item memoriam tum eorum, qui faceti sunt habiti, tum facetiarum ipsarum, quarum relationes multum habent gratiæ apud audientes : quibus servandis, delectu quoque adhibito, mediocritatem retinebit eam quæ virtutem hanc, de qua sermo est, constituit19.
La vertu en question, pour laquelle Pontano crée le néologisme facetudo, s’inscrit dans la tradition aristotélicienne du juste milieu20. L’essentiel du De sermone va porter sur cet art de la plaisanterie qui sait éviter l’écueil de la grossièreté et respecte les lois du decorum. Comme pour les autres usages de la parole, il définit la facetudo en s’appuyant sur Cicéron et Quintilien, mais il déplace toujours les visées : la facétie ne relève pas d’une stratégie argumentative mais s’épuise, chez lui, dans une certaine gratuité. C’est pour illustrer cette plaisanterie dénuée de tout but pratique que Pontano va puiser des bons mots chez Plutarque. Délaissant leur portée morale, il se rend sensible à leur seule conformité aux usages sociaux qu’il a définis. Certes, le De sermone n’est pas un recueil de lieux communs, mais la méthode mise en œuvre par Pontano en fait une collection de reparties amusantes qui exemplifient l’art de la plaisanterie enseigné.
J’entreprendrai désormais de voir à l’œuvre les projets de Pontano et d’Érasme, de saisir à travers quelques exemples choisis l’utilisation que font l’un et l’autre des apophtegmes plutarquiens. Je commencerai cette fois par Pontano pour terminer par Érasme qui complexifie sans doute davantage le sens et les enjeux des dits empruntés à Plutarque.
Pontano convoque tout particulièrement Plutarque dans le chapitre II du sixième livre de son De sermone, un chapitre intitulé « Qualia facetorum dicta responsaque esse debant ». Pontano aurait pu se fournir aux recueils d’Apophtegmes, notamment dans la traduction latine qu’avait offerte Filelfo dès 1437, et qui fut réimprimée en 1471 et 1488. Il y aurait trouvé, épurée de ce qui lui est étranger, la matière dont il avait besoin pour illustrer sa conception de la facetudo. C’est pourtant aux Vies des hommes illustres qu’il va puiser. C’est qu’en effet Pontano semble vouloir appuyer la dimension narrative : il raconte des histoires et, parfois, les préceptes s’effacent devant les exemples donnés, on semble comme percevoir la tentation de constituer un recueil de nouvelles ou d’ana. Chose remarquable, la plupart des anecdotes retenues par Pontano n’a pas été recueillie par Plutarque pour ses recueils d’Apophtegmes. C’est Pontano lui-même qui perçoit la facétie à l’œuvre, voire la forge au prix de manipulations du texte.
Il emprunte ainsi une historiette à la Vie de Lucullus. Chez Plutarque, les bons mots du Romain sont une marque de son attirance pour le luxe, trait de caractère sur lequel l’historien moraliste porte un regard sévère et désapprobateur :
Mais au contraire Crassus et Pompeius se mocquoient de Lucullus, de ce qu’il se laissoit ainsi aller aux delices et à la volupté, comme si le vivre voluptueusement et delicieusement ne fust pas plus mal seant à ceulx de son aage, que le commander à une armée, ou le gouverner les affaires d’une chose publique. Et quant à moy, en lisant la vie de Lucullus, il m’est proprement advis que je lis quelque ancienne comedie, de laquelle le commencement est laborieux, et la fin joyeuse : car aussi y trouverez vous à l’entrée de beaux faicts d’armes en guerre et de gouvernement en paix : mais à l’issue, ce ne sont que festins, banquets, et peu s’en fault qu’il n’y ait mesme des mommeries, des danses aux torches, et tous autres telz jeux que font les jeunes gens21.
Si Lucullus suscite le rire, ce n’est pas par ses plaisanteries mais par son comportement, lequel est malséant, manquant de decorum et le vouant au ridicule. La comparaison entre la comédie et la vie de Lucullus indique que l’on rit de lui, et non avec lui ; il devient un contre-exemple du bon goût. Il en va tout autrement chez Pontano qui relève deux dicta du Romain pour la spiritualité qu’il leur trouve :
Non probabat Cneus Pompeius in Tusculano ædificata a Lucullo villam, quod ea æstivæ quidem inhabitationi accommodatissima cum esset, hibernæ tamen parum omnino prospectum fuisset ; ad quæ jucundissime magnaque cum festivitate Lucullus, « num tibi, inquit, Pompei, quam grues, quam ciconiæ minus habere cordis videor, qui nesciam pro temporibus habitationem mutare ? ». Et illud quoque ab eodem concinniter ac jocose. Cum enim dispensator rei familiaris ab eo accusaretur, quod parciorem parasset cœnam et ille respondisset, « quod solus quidem cænaturus esse, non putabam lautiore apparatu opus esse », ibi ipse vultu quam maxime festivo : « an ignoras apud Lucullum ipsum cœnaturu [sic] esse Lucullum »22.
Détachés de tout contexte, les deux épisodes ne servent plus à l’éthopée du personnage. Pontano évince tout blâme du comportement et des mœurs du personnage pour ne retenir que ses reparties spirituelles, qu’il souligne par les appréciations qu’il ajoute, « jucundissime magnaque cum festivitate », « concinniter ac jocose ». L’homme grossier, aux mœurs dépravées que dépeignait Plutarque devient, chez Pontano, un parfait homo facetus. Les déplacements opérés sur le personnage de Lucullus ne sont pas un cas isolé dans le De sermone. On observe le même art de l’infléchissement autour d’anecdotes empruntées à la Vie de Philopomène. Concernant ce dernier personnage, Plutarque récuse la réputation de laideur qui lui est attachée, c’est dans ce cadre qu’il est amené à raconter deux historiettes :
Au demourant, quant à sa personne, il n’estoit pas laid de visage, comme aucuns estiment, car on peult veoir encore aujourd’huy en la ville de Delphes son image entiere, portraitte au naturel après le vif : et quant à ce qu’ilz alleguent d’une siene hostesse en la ville de Megare, qui le prit pour valet, cela advint pour sa facilité, en ce qu’il faisoit peu de compte de soy, et se vestoit tousjours fort simplement : car ceste hostesse siene ayant esté advertie, que le capitaine general des Achæïens venoit loger en son logis, se travailloit et tourmentoit pour luy apprester à soupper, à cause que d’adventure son mary ne se trouva pas pour lors en sa maison : et sur ce poinct Philopœmen arriva, vestu d’un pauvre manteau. Elle le voyant en cest habit, pensa que ce fust quelqu’un de ses serviteurs qui vinst devant pour luy apprester son logis : si luy pria de la vouloir aider à faire la cuisine : et luy posant incontinent son manteau, se meit à fendre du bois. Mais en ces entrefaites le mary arriva, qui le trouvant ainsi embesogné, luy demanda, « Ho ho, que veult dire cela, seigneur Philopœmen ? Non autre chose, luy respondit il en sa langue dorique, sinon que je porte la peine de ce que je ne suis pas beau filz ni homme de belle apparence ». Il est bien vray que Titus Quintius luy dit un jour, semblant se moquer de l’habitude de son corps, « O Philopœmen, tu as de bien belles mains et de belles jambes, mais tu n’as point de ventre » : pource qu’il estoit fort gresle et fort menu par le fond du corps. Toutesfois il m’est advis que ce mot de risée estoit plus tost addressé à la qualité de son armée, que non pas son corps, à cause qu’il avoit de bonnes gens de pied et de cheval, mais l’argent pour les entretenir et nourrir luy defailloit ordinairement. Ce sont des propos qui se tiennent ès escholes touchant Philopœmen23.
Les deux épisodes appuient la doxa à laquelle s’oppose Plutarque. Ce dernier propose une explication invalidant la « thèse » de la laideur du personnage : le manteau qu’il porte dans le premier cas, responsable de la méprise de l’hôtesse – l’hôte le reconnaît car il a ôté cet accessoire pour fendre le bois – ; dans le second, il propose une lecture métaphorique du trait que lui lance le consul romain. Il ne saurait s’agir de mettre en valeur un quelconque art de la repartie. Changement de perspective chez Pontano où les deux anecdotes illustrent la facetudo de Philopomène :
Philopomenes, Acheorum dux, præcipue inter Græcos clarus, erat diversurus ad hospitium veteris amici. Quo cognito, jussit hospes apparari quæ necessaria essent alia ab uxore, dum interim ipse obsonium appararet. Hæc inter Philopomenes solus, ut ipsa res ferebat, ad hospitium properat ; quam venientem hospita, dum ut solum ut deformem ut qui nihil ornatus haberet eximii, arbitratur mulier ex administris esse aliquem, qui herum præveniret ; cum esset de adventu Philopomenis mirifice solicita, etiam blandienter rogavit eum, se uti adjutaret ad dominum comiter accipiendum. Tum Philopomenes, ut erat perhumanus, cognito mulieris errore, confestim securi accepta, e cuneo cœpit ligna findere coquendam ad cœnam. Hospes interim domum regressus, cum animadverteret Philopomenem findendis lignis malleo incumbere, « pro Jupiter, inquit, quid hoc, Philopomene ? pro pudor deorum atque hominum, quid agis, dux maxime ? vultumque de dolore simul ac pudore demisit. Ad ea Philopomenes, maxima cum jucunditate, « pro deformitate, inquit, oris, totius corporis pœnas luo ». Voluit ipse met præbere de se et risum hospiti et sibi ipsi ridiculus esse. Res sane festivo ac faceto homine digna quæque, quo rarior, eo etiam fuerit facetior. […] Eundem in Philopomenem cum jocaretur aliquando Titus Flaminius deformitati corporis ejus illudens diceretque vultu quam jocoso et hilari : « quid hoc, Philopomene ? cum pulchras manus, crura etiam perquam pulchras habeas, quod ventrem ipse non habeas ? ». Ad ea Philopomenes eadem cum hilaritate et vultu : « quid, o Romanorum imperator eximie, cum egregios pedites, strenuos maxime equites habeas, quod pecuniam minime habeas ? ». Nam et Flaminius persæpe inopia rei pecunariæ laborabat, quemadmodum Philopomenes exiguitate ventris ac medii corporis gracilitate24.
Ici encore, les commentaires de Pontano soulignent l’art de la repartie dont fait preuve Philopomène : « maxima cum jucunditate » ; « res sane festivo ac faceto homine digna ». Dans les deux cas, le grand homme devient capable de retourner en sa faveur une situation qui lui était défavorable. Son art de la facetudo le rend capable de reprendre la maîtrise du rire et de garder la face, de faire rire non plus de lui mais avec lui. Cette transformation de Philopomène en homo facetus suppose, pour la deuxième anecdote, des modifications qui relèvent pour ainsi dire du contre-sens de la part de Pontano : l’interprétation métaphorique que proposait Plutarque de la moquerie de Titius Flaminius devient, dans la version du De sermone, une repartie du personnage raillé pour son physique. La riposte apparaît d’autant plus spirituelle qu’elle reprend, avec un rigoureux parallélisme, les termes de « l’adversaire », se contentant de remplacer les parties du corps par les moyens militaires. Pontano crée un échange verbal qui n’a pas d’équivalent dans la source plutarquienne et qui met en valeur l’art de la repartie de Philopomène. Je donnerai un dernier exemple de l’utilisation faite dans le De sermone des dits notables des hommes illustres. Il s’agit d’un mot de Caton que Pontano rapporte ainsi :
Facetum admodum etiam Catonis illud, quanquam dicacitate non caret. Non [sic] maritimum civis quispiam fundum cum vendidisset, quod esset ventri et luxui summum in modum deditus, hoc cognito, quod ejus ingenium Catoni perspectum esset, statim inquit : « per Herculem, nimis miror hominem hunc quam mare plus etiam pollere » ; videlicet quod ille per luxum atque gulam absorpsisset, quod mare fluctibus vix allideret25.
Si Pontano note le mordant de la repartie (« quanquam dicacitate non caret »), il en atténue cependant la charge quand on confronte avec la version qu’en proposait Plutarque :
Et d’un autre qui avoit vendu les terres et heritages que son pere luy avoit laissez, estans au long de la marine, en le monstrant du doigt, il faisoit semblant de s’esbahir comment il estoit si puissant homme, qu’il avait plus de force que la mer que n’avoit la mer : « car ce que la mer va minant petit à petit en long temps et à grand’peine, luy l’a ravallé tout à un coup »26.
Contrairement à Plutarque, Pontano distingue nettement la repartie du personnage du commentaire qu’il en donne : ce commentaire, qui s’apparente aux scolies dont Érasme accompagnera les apophtegmes collectés, décrypte la réplique facétieuse de Caton. Cette dernière, par l’ellipse et la métaphore selon lesquelles elle procède, atténue le blâme. Ce que Pontano met en avant, c’est la spiritualité du dit plus que la sanction morale qu’il porte. La version qu’il en donne se conforme aux préceptes qu’il prodigue pour atténuer ce qui pourrait être blessant ou inconvenant :
Perinde ut sterilibus in arboribus insitionis arte utuntur agricolæ, quo fœcundas illas atque hortenses efficiant e silvaticis, sic faceti homines, arte adhibita ac transmationibus usi, rem naturaliter turpem dictis honestant et quod ipsum per se oscenum est in lepidum vertunt ac facetum27.
Tels que Pontano les réinvestit, les bons mots des hommes illustres de Plutarque remplissent le rôle que le De sermone assigne à la plaisanterie, celui de délasser et de détendre les esprits. Ils permettent souvent d’éviter une situation qui aurait pu être conflictuelle, sombrer dans la dispute physique ou verbale. Les reproches se changent en réparties qui font rire, les offenses ou les moqueries subies sont détournées par une réponse plaisante. Les personnages gardent ainsi toute leur contenance, ne s’emportent pas : l’art de la facetudo leur permet non seulement de ne pas perdre la face, mais encore de maintenir le lien social, avec grâce et honnêteté.
Érasme rejoint Pontano dans son utilisation et son appréhension de l’apophtegme, en même temps qu’il s’en démarque. Je propose ici un corpus d’étude qui nous permettra de le saisir :
1. [Agésilas] Quemadmodum autem ipse singulari modestiæ præditus erat, ita non tulit in aliis arrongantiam. Menecrates quidam medicus, quum desperate quædam curationes ipsi feliciter cessissent, populari adulatione dictus est Jupiter. Hoc cognomento vir arrogantis ingenii delectatus insolentius usus est eo titulo. Tandem quum et Agesilao scriberet, nec veritus esset hac uti salutatione, Menecrates Jupiter Agesilao regi salutatem, Rex eo offensus proœmio, præterea nihil dignatus est legere, sed rescripsit in hunc modum, Rex Agesilaus Menecrati sanitatem. χαίρειν Græci dicunt quibus bene precantur, υγιαίνειν ambiguum verbum fere in malum sonat, quum significamus abesse sanitatis mentem. Eo verbo quidam Cæsari exprobavit insaniam, [marg. Facete/ Modeste]28.
2. [Pausanias] Cum Atheniensium exules hortarentur illum, ut adversus Athenienses admoveret exercitum, dicerentque quod cum in Olympiis præconis voce pronuntiaretur victor, soli Athenienses ipsum exibilassent, ‘Cum hoc, inquit, fecerint in bene meritum, quid facturos creditis, si illis malefecero ? Insigne moderationis exemplum nihil tam atroci commoveri contumelia : at idem ingenii mire solertis argumentum, quod adferebatur velut instigaturum Pausaniæ animum, ad suscipiendum bellum, id in partem diversam retorquere [marg. : moderate29].
3. [Pausanias] Post victoriam a Medis apud Plateas reportatam, præcepit suis ut apponerent cœnam Persicam, quam sibi barbari prius apparaverant. Ea quum esset opipera ac sumptuosa, “ Lurco, inquit, eras ô Persa, quod quum tantas haberes delicias, ad nostram veneris mazam : id erat panis genus contemptum ac vulgare ”. Admonuit stultissimum esse, locupletes pugnare cume his quibus non multum est quod eripiatur. Etenim si feliciter cadat Martis alea, exile lucrum est : sin secus, ingens est damnum. Dicti vero argutia in hoc est, quod fastidiose delicatus videtur, qui inter varias delicias, appetit vilem ac plebeium. Nam id solent interdum divites quibus assidua copia lauticiarum parit nauseam [marg. : lepide]30.
4. [Alexandre] Xenocrati philosopho quinquaginta talenta dono misit : ea quum ille recusasset accipere, dicens sibi non esse opus, interrogavit an ne amicum quidem ullum haberet cui esset opus. Nam mihi, inquit, vix Darii opes in amicos suffecerunt. Hic utrius animum magis admirari conveniat nondum statui, regisne tam ad liberalitatem propensum, an philosophiqui tantum munus a tanto rege ultro delatum remiserit [marg. : liberalitas]31.
5. [Alexandre] Anaxarcho philosopho jusserat quæstorem dare quantumcumque ille postularet : cumque quæstor audita postulatione turbatus Alexandro indicasset, philosophum petere centum talenta, Recte, inquit, facit, sciens, se amicum habere qui tantum dare et possit et velit. Hic dubites utrum potius admirari oporteat, regiamne liberalitatem in donando an philosophi improbitatem in postulando, nisi malumus hanc vocare fiduciam [marg. : liberalitas].32
Cet échantillonnage fait apparaître que, dans les éditions renaissantes, les dits collectés par Érasme sont accompagnés de brèves annotations (souvent un mot) placées en manchette. On sait que ces annotations servent à la constitution des recueils de lieux communs. Celles qui renseignent les apophtegmes d’Érasme sont de deux sortes, elles portent sur le fond et/ou sur la forme. Certaines, en effet, s’accompagnent d’adverbes qui indiquent une certaine forme de rire : lepide, facete. S’il n’est pas toujours aisé de percevoir les nuances, il apparaît clairement que le rire défini est un rire de bon ton, subtil et non vulgaire. Il définit une repartie qui vient clore habilement un échange. Dans la lignée de Pontano, Érasme affiche sa sensibilité aux qualités esthétiques des dits recueillis : c’est à ce titre qu’ils doivent être retenus. Toutefois, à la différence des visées poursuivies dans le De sermone et conformément aux objectifs que définit Érasme dans son épître dédicatoire, le rire ne s’épuise pas ici dans la relation sociale qu’il maintient et entretient ; il n’a pas la gratuité que lui confère Pontano, il vise à la formation des mœurs. De fait, les manchettes font aussi apparaître des qualités morales qui doivent retenir l’attention du lecteur : modeste, moderate, liberalitas. Les apophtegmes intéressent Érasme tout à la fois pour leurs dimensions éthiques et esthétiques. La réponse d’Agésilas au médecin Ménécratès s’accompagne d’une manchette qui associe tonalité du rire (facete) et vertu illustrée (modeste). De même, les scolies ajoutées par Érasme témoignent de cette double attention portée aux qualités éthiques et esthétiques, c’est manifeste dans les deux apophtegmes de Pausanias que j’ai retenus pour cette étude. Pour le premier, Érasme commence par instituer le général spartiate en figure exemplaire de modération (insigne moderationis exemplum) avant de souligner l’ingéniosité de sa réponse (ingenii more solertis argumentum). Dans le second cas, il appuie le dit d’un conseil moral que signale l’emploi du verbe « admonuit » avant de relever la subtilité de la réponse (dicti vero argutia). Dans la conception érasmienne, l’apophtegme relève à la fois du bien dire et du bien se conduire, il participe à la formation de l’un et de l’autre. Chez Pontano, c’est parce qu’on a de l’esprit, qu’on sait faire rire avec élégance, qu’on est un honnête homme ; chez Érasme, en revanche, c’est parce qu’on est un homme de bien, qu’on a de l’esprit et qu’on sait faire rire. Les perspectives s’inversent : il semble que le souci de plaire en société l’emporte chez Pontano, alors qu’Érasme donne la primauté à une assise morale.
Cette étude des usages de l’apophtegme par Érasme serait cependant incomplète si je ne traitais, pour finir, des vacillements qu’introduit cette forme. Les préconisations morales formulées par Érasme sont, en effet, empreintes de doutes. Cela apparaît notamment dans les deux apophtegmes attribués à Alexandre que j’ai relevés. Les scolies ajoutées par Érasme font ainsi apparaître des interrogations sur les qualités illustrées. Avec une subtilité qui n’est pas sans rappeler celle de l’apophtegme, Érasme brouille les perspectives : faut-il admirer, et donc imiter, le roi ou le philosophe ? Le dit qui fait intervenir Anaxarchus est encore plus troublant. Après avoir mis en pesée l’attitude du roi et celle du philosophe, Érasme clôt son commentaire d’une hyperbate qui ouvre un nouvel espace de réflexion : la demande du philosophe, d’abord évaluée en termes de vice (improbitatem), est ensuite définie en termes de vertu (fiduciam). Dans son appréhension du personnage, Érasme introduit une sorte « d’antipéristase33 » qui produit un flottement dans les valeurs morales et fait vaciller les certitudes en la matière. Il propose moins des modèles ou des contre-modèles qu’il n’invite à réfléchir sur les conduites tenues pour trouver sa propre voie. Cette indétermination morale que porte l’apophtegme est comme reflétée dans les difficultés de traduction que pose sa subtilité : le jeu de mots grec sur lequel repose la réponse d’Agésilas à son médecin – l’ambiguïté du verbe ύγιαίνεινqui sert de formule de salut en même temps qu’il signifie « être en bonne santé, physique ou mentale » – ne peut être rendu en latin. Érasme lui substitue une paronomase (salutatem/sanitatem) qu’il double d’un commentaire explicatif (que Macault ne traduit pas). Qu’ils portent sur le fond ou sur la forme, les commentaires d’Érasme tendent à faire apparaître l’ambiguïté de l’apophtegme. La subtilité dont il est porteur est, certes, une qualité sociale, mais surtout elle ouvre la voie à la perplexité, à la réflexion philosophique.
L’apophtegme témoigne d’une orientation des artes dicendi à la Renaissance vers des manuels du « savoir rire ». Pontano et Érasme se rejoignent pour accréditer un rire de bon ton, honnête et spirituel. Ils enrôlent l’un et l’autre Plutarque au service de la formation d’un homme d’esprit. Mais ils n’ont pas de ce dernier la même conception, notamment parce qu’ils n’écrivent pas dans le même contexte, ne visent pas le même public, ne nouent pas les mêmes relations au pouvoir. Dans le De sermone, si les apophtegmes fournissent des exemples de reparties spirituelles à l’appui des préceptes formulés, ils évoluent surtout vers la nouvelle et deviennent de histoires qu’il faut retenir pour pouvoir ensuite les raconter en société. Chez Érasme, en revanche, le rire des apophtegmes accompagne la formation de soi : les reparties spirituelles sont aussi des exercices spirituels.
Notes
- Sur l’apophtegme et sa réception à la Renaissance, je me permets de renvoyer à la thèse que j’ai soutenue en septembre 2013, à l’Université Jean Jaurès, sous la direction d’Olivier Guerrier : « Anecdotes et apophtegmes plutarquiens à la Renaissance : des “contre exemples” ? – Anormal et anomal au XVIe siècle ». Voir aussi : Bérengère Basset, Olivier Guerrier, Fanny Népote (dir.), Usages et enjeux de l’apophtegme (XVIe-XVIIIe siècle), Littératures Classiques, n°84, 2014.
- Plutarque est, en effet, l’auteur de deux recueils d’apophtegmes ; ce n’est cependant pas Plutarque qui appose le terme « apophtegme » aux dits notables qu’il recueille, c’est le fait d’une tradition plus tardive. La Renaissance reconnaît ces dits notables comme des apophtegmes, le terme entre dans la langue française au XVIe siècle.
- Sur la question, voir Ann Moss, Les Recueils de lieux communs – Apprendre à penser à la Renaissance, Genève, Droz, 2002.
- C’est ainsi que Melanchthon conçoit ces recueils de lieux communs ; il les constitue en méthode pour ranger les verba et les res : « Cæterum ad colligendas sententias etiam adhibenda ratio quædam. Nam et memoria adjuvabitur, cum ordine distribuerimus eas in certas classes, et hæc distributio rerum inter se ordinem ostendet. Est autem et hæc quædam pars eruditionis, rerum ordinem, initia et progressiones videre », Philipp Melanchthon, Elementorum Rhetorices libri duo, Paris, Simon de Colines, 1532, ici f. 27vo. ; « Du reste, il faut aussi appliquer une méthode pour la collecte des sentences. En effet, ce sera un aide-mémoire que de les avoir réparties en des catégories bien établies, et cette répartition montrera l’ordre régissant les choses entre elles. C’est en effet également une partie du savoir de voir l’ordre des choses, leur début et leur progression », je traduis).
- Sur les recueils d’apophtegmes d’Érasme, voir Louis Lobbes, Des « Apophtegmes » à la « Polyanthée ». Érasme et le genre des dits mémorables, Paris, Champion, 2013.
- Voir l’éloge qu’en fait Henri Estienne dans la préface de son édition pour la jeunesse des Apophtegmes : « Quod enim scripti genus in universa lingua Græca extat quod multa tam paucis verbis, tam propriis, tam dilucidis, tam elegantibus comprehendat ? Quod tantam cum tanta utilitate delectationem conjunctam habeat ? Quod tam facile memoriæ mandari possit ? Et quod ubi semel mandatum memoriæ fuerit, tot se offerant in eam revocandi occasiones ? Adeo ut hoc quoque mihi mirum videatur cur, si pueros excolere memoriam oportet (ut certe oportet) apophthegmata locum aliquem inter illa quæ ediscere jubentur, non obtineat », Apophthegmata Græca…, Genève, 1568, p. 4 (« De tout ce qui nous est parvenu de la littérature grecque, quel genre dit tant en si peu de mots, si bien choisis, si élégants ? Lequel joint mieux l’utilité au plaisir de la lecture ? Lequel peut être aussi facilement appris par cœur ? Et, une fois commis en la mémoire, lequel rencontre autant d’occasions d’être rappelé au souvenir ? Vraiment, je m’étonne que l’on dise vouloir cultiver la mémoire des enfants – ce qu’il faut certainement faire – et qu’ils ne puissent trouver les Apophtegmes dans le nombre de toutes les publications qui se font ? », trad. Hélène Cazes, dans son article « Genèse et renaissance des Apophthegmes : aventures humanistes » dans Olivier Guerrier (dir.), « Moralia » et « Œuvres morales » à la Renaissance, Paris, Champion, 2008.
- Montaigne, Les Essais, I, 10 « Du parler prompt ou tardif », éd. P. Villey, Paris, PUF, 2004, p. 39-40.
- Apophthegmatum opus […], Paris, Simon de Colines, 1532. Nous utilisons aussi la traduction française qu’en propose Antoine Macault : Les Apophthegmes […], Paris, Jacques Kerver, 1545. Précisions que la première édition de l’ouvrage d’Érasme date de 1531. Érasme aurait, par ailleurs, commencé son travail sur les apophtegmes de Plutarque dès 1508.
- Nous utilisons l’édition moderne qu’en a donnée Florence Bistagne, avec traduction en français : Giovanni Pontano, De sermone, De la conversation , éd. et trad. Florence Bistagne, Paris, Champion, 2008.
- Sur ce dédicataire et, plus largement, sur le projet érasmien, voir : Hélène Cazes, « Genèse et renaissance ».
- Érasme, Apophthegmatum opus, [n. p.]. Pour cette épître dédicatoire que ne traduit pas Antoine Macault, nous donnons à chaque fois la traduction qu’en propose Louis Lobbes, Des « Apophtegmes » à la « Polyanthée » : « Étant donné que, comme tes deux très distingués parents, tu as réservé, très illustre Prince cadet Guillaume, un accueil si bienveillant aux précédents ouvrages qu’en guise de gages à ton égard, je t’avais envoyés, il m’a paru bon d’y ajouter quelque chose qui soit à la fois plus digne de ta noblesse et, si je ne m’abuse, plus utile à tes études. En conséquence de quoi j’ai moissonné auprès des meilleurs écrivains, ce que les Grecs appellent des Apophtegmes, à savoir des dits remarquables, puisque je ne voyais pas d’autre genre d’écrit qui fût plus convenable à un prince, surtout s’il est jeune ».
- Ibid., n. p., « Nous avons pour toutes sortes de raisons préféré suivre Plutarque plutôt que de l’enjoliver, expliquer plutôt que de le traduire. D’abord, pour qu’un texte latin soit clair, il doit être moins lié aux mots grecs. En effet, les apophtegmes que voici ne sont pas destinés à Trajan, homme versé dans l’une comme dans les littératures et d’une si grande expérience grâce à une longue fréquentation des choses, mais à un prince au seuil de l’âge adulte et, à travers toi, à tous les enfants et adolescents qui se sont lancés dans les études libérales. Ils ne sont pas non plus rédigés pour ce siècle où les conversations courantes répandaient les faits et gestes du genre en question aux bains publics, à table et dans les attroupements sur la voie publique. Une autre raison est que je voulais faire remarquer la subtilité d’un dit, au cas où il y aurait quelque obscurité. C’est que de tels passages sont nombreux de nos jours, non seulement pour les inexpérimentés, mais même pour ceux qui possèdent des connaissances au-dessus de la moyenne ».
- Ibid., « Mais toute cette œuvre, je l’ai en quelque sorte rendue mienne dans la mesure où j’expose plus explicitement ce qui est mentionné en grec, en intercalant parfois des additions que j’ai trouvées chez d’autres écrivains, en ajoutant également pas mal de choses absentes de cet ouvrage, et en indiquant à la manière des scolies le sens des apophtegmes ou l’application qui peut en être faite ; mais je m’y suis livré seulement dans la mesure où ils réclament quelque élucidation, donc brièvement, pour ne pas nuire à leur nature », je souligne.
- Ibid., « Parmi les propos que nous rapportons, l’on verra toutefois certains qui ne contribuent en rien aux bonnes mœurs, mais suscitent seulement le rire. Mais je suis d’avis qu’il ne faut pas tenir à vice de soulager parfois par le rire l’esprit écrasé de soucis, à condition toutefois que ce rire soit fin et de bon goût. Ce sont ceux, en effet, qui égaient et vivifient l’esprit des jeunes et ne contribuent pas peu à rendre la vie douce et le discours charmant. Car qu’est-ce qui rend plus agréable un plaidoyer de Cicéron, si ce n’est que de temps en temps il l’assaisonne de mots de ce genre ? De leur côté que sont les Œuvres morales de Plutarque, sinon des tapisseries peintes de telles couleurs ? Aussi bien, ce qui peut paraître risible au plus haut point, devient sérieux si on l’approfondit », je souligne.
- Sur les théories et les usages du rire à la Renaissance, je renvoie à l’ouvrage de Daniel Ménager, Rire à la Renaissance, Paris, PUF, 1995, notamment au chapitre V « Le savoir-rire ».
- Sur ces données, voir l’introduction de Florence Bistagne à son édition du De sermone, p. 13-66.
- De sermone, I, III, p. 78. Je donne, à chaque, fois, la traduction de Florence Bistagne : « Mais dans cette partie je ne parle absolument pas de ce que l’on appelle puissance, faculté ou art oratoire, mais du discours commun seulement, dont les hommes se servent surtout en rencontrant leurs amis en faisant des affaires, dans les conversations quotidiennes, dans les réunions, les assemblées, les entrevues et les relations privées ou publiques. C’est pourquoi on loue ces gens-là pour une raison différente de celle qui fait louer ceux qu’on appelle orateurs ou éloquents. »
- Ibid., I, IV, p. 79, « Puisque donc j’ai parlé du courage, des vertus qui concernent l’argent, et qui sont bien nombreuses et variées, ainsi que de la grandeur d’âme, de la prudence et de la fortune, qui lui est contraire, tentons, dans le loisir que la vieillesse ainsi qu’une puissance ennemie m’ont concédé, d’enseigner de même des règles sur les vertus concernant les mots et la conversation quotidienne », je souligne.
- Ibid., VI, I, p. 290-291, « Voici donc l’homme d’esprit, que nous formons à présent : il sera doux et gai dans ses plaisanteries, aura un air amène et engageant dans la détente, agréable et de bon ton dans ses réponses, un ton ni traînant ni quelque peu paysan, mais mâle et enjoué, une démarche pleine d’urbanité qui ne soit le signe ni de la campagne, ni des raffinements excessifs de la ville ; il se tiendra loin de la bouffonnerie comme d’un écueil, il laissera l’obscénité aux parasites et aux mimes, il emploiera piques et traits mordants, à moins d’avoir été provoqué et blessé, sans mordre ni déchirer. Il fera pourtant en sorte de ne pas s’éloigner de l’honnêteté et de la maîtrise de son esprit, qui est le propre des hommes bien nés […]. Il aura une grande expérience, et une grande souvenance aussi de ceux qu’on a considérés comme hommes d’esprit, et de leurs bons mots, dont le rappel est très agréable pour les auditeurs. En les adoptant, après avoir aussi fait preuve de discernement, il gardera la juste mesure qui constitue cette vertu objet de notre discours ».
- Sur cette facetudo, voir l’article d’Henri Weber, « Deux théoriciens de la facétie : Pontano et Castiglione », RHR, n°7, 1977, p. 74-78.]
- Plutarque, Vies des hommes illustres, trad. Jacques Amyot, Paris, Le club français du livre, 1967, tome 2, p. 83. Voir aussi à l’issue du passage qu’inaugure le texte que nous citons : « Brief, c’estoit chose si cogneue dedans la ville de Rome, que lon ne parloit que de la sumptuosité et magnificience de la maison de Lucullus » (Ibid., p. 85).
- Pontano, De sermone, VI, II, p. 298, « Cneus Pompée n’appréciait pas la villa que Lucullus avait fait construire à Tusculum, disant qu’elle était très bien faite comme demeure d’été, mais pas du tout prévue pour l’hiver. À cela, Lucullus dit très plaisamment et avec beaucoup d’enjouement : “Est-ce que je te semble, Pompée, avoir moins de bon sens que les grues, que les cigognes, et je ne saurais pas changer de résidence avec les saisons ?” Et ce mot du même Lucullus est de bon ton et plaisant. Il accusait son intendant d’avoir préparé un repas trop chiche et celui-ci lui avait répondu : “tu devais dîner tout seul, je ne pensais pas qu’il fallait un apparat plus fastueux”. Alors, l’air le plus enjoué, il dit : “ne savais-tu pas que Lucullus devait dîner chez Lucullus ?” ». Je donne, en regard, les passages correspondants des Vies des hommes illustres, dans la traduction de Jacques Amyot : « Il avoit bien aussi d’autres lieux de plaisance dedans le territoire de Rome auprès de Tusculum […]. Pompeius y estant allé quelquefois le veoir le reprit, disant qu’il avoit bien devisé et accoustré son logis pour l’esté mais que pour l’hyver il estoit inhabitable. Lucullus s’en prit à rire, et luy respondit, “Estimes tu donques que j’aye moins de sens et d’entendement, que n’ont les cigognes et les grues, et que je ne sache bien selon les saisons, changer de demourance et de maison ?” // Une autre fois qu’il souppoit tout seul, il s’en courroucea, et feit appeler celuy de ses serviteurs qui avoit charge de cela, lequel luy dit, “Pourautant, seigneur, que tu n’as envoyé semondre personne, j’ay pensé qu’il ne falloit ja faire grand appareil pour le soupper : comment luy repliqua il, ne sçavois tu pas que Lucullus devoit aujourd’huy soupper chez Lucullus ?” ».
- Plutarque, Vies des hommes illustres, tome 1, p. 730-731. La dernière anecdote figure également dans le recueil d’Apophtegmes des anciens rois, sous la forme suivante : « Philopoemen estoit lors capitaine des Acheïens qui avoit bien des gens de cheval et des gens de pied, mais qu’il n’avoit point d’argent pour les entretenir. Quintius en se jouant disoit, que Philopoemen avoit bien des mains et des pieds, mais qu’il n’avoit point de ventre : ce qui estoit de tant plus plaisant, que à la verité il se trouvoit de la composition de son corps tel ».
- Pontano, De sermone, VI, II, p. 297-298, « Philopomène, chef des Achéens, illustre surtout parmi les Grecs devait s’arrêter sous le toit d’un vieil ami. À cette nouvelle, l’hôte ordonna à sa femme d’apporter les choses nécessaires : pendant ce temps-là lui-même ferait les préparatifs du repas. Au milieu de cela Philopomène tout seul, comme l’occasion se présentait, se hâte vers le logis. L’hôtesse pense que celui qui arrive, seul, laid, sans aucune parure remarquable, est un des serviteurs, précédant son maître. Elle était extraordinairement préoccupée par l’arrivée de Philopomène et lui demanda même gentiment de l’aider à recevoir agréablement son maître. Alors Philopomène, car il était très humain, ayant compris l’erreur de la femme, pris [sic] aussitôt une hache et commença à fendre avec un coin le bois pour cuire le repas. Entre-temps l’hôte revint à la maison, quand il vit Philopomène poser sur une masse pour fendre du bois, il dit : “par Jupiter, qu’est-ce donc, Philopomène ? Pour l’amour des dieux et des hommes, que fais-tu, grand chef ?”, l’air abattu de douleur et de honte en même temps. À cela Philopomène dit, avec le plus grand enjouement, “je suis puni pour la laideur de mon visage et de tout mon corps”. Il a voulu lui-même s’exposer au rire de son hôte et se rendre risible à lui-même. C’est un fait digne vraiment d’un homme enjoué et spirituel, et qui fut d’autant plus spirituelle [sic] qu’elle [sic] fut exceptionnelle […]. Sur le même Philopomène, un jour Titus Flaminius plaisantait et se moquait de la laideur de son corps, et il disait avec l’air le plus plaisant et le plus gai : “eh bien Philopomène ? Tu as de belles mains, tu as même de fort belles jambes, mais tu n’as pas de ventre ?”. Philopomène avec la même gaieté et le même air, répondit à cela : “eh bien, illustre général romain, tu as d’excellents fantassins, des cavaliers très braves, et tu n’as pas d’argent ?” En effet très souvent Flaminius souffrait du manque d’argent, tout comme Philopomène de la petitesse de son ventre et de la maigreur de son tronc ».
- Ibid., p. 299 : « Ce mot de Caton est aussi fort spirituel, bien qu’il ne manque pas de causticité. Un citoyen avait en effet vendu sa propriété du bord de mer, parce qu’il se vautrait terriblement dans les plaisirs du ventre et dans l’excès. À cette nouvelle, Caton, qui avait manifestement compris son caractère, dit aussitôt : “par Hercule, j’admire énormément cet homme qui est plus fort que la mer” ; évidemment par l’excès et la gourmandise il avait englouti ce que la mer n’avait pas disloqué par ses vagues ».
- Plutarque, Vies des hommes illustres, p. 694. La raillerie a également été recueillie dans le recueil des Apophtegmes des anciens rois, où elle figure sous une forme identique.
- Pontano, De sermone, IV, II, p. 224 : « En effet tout comme les agriculteurs se servent de l’art de la greffe pour les arbres stériles, afin de les rendre féconds et cultivés de sauvages qu’ils étaient, eh bien ! de la même façon les hommes d’esprit, appliquant l’art et employant des métaphores, rendent honnête par leurs mots ce qui est naturellement scandaleux, et ce qui est obscène en soi ils le changent en charmant et spirituel ».
- Érasme, Apophthegmatum opus […], ici f. 12r°-v°, je donne à chaque fois, en regard, la traduction de Macault : « Tout ainsi qu’Agesilaus estoit de la nature doulx et bening, ainsi ne veoit il pas voluntier arrogance en autruy. Or come il faut heureusement advenu à Menecrates le medecin d’avoir faict (oultre toute esperance) plusieurs belles cures, tellement que par une flatterie populaire il fut surnommé Jupiter, c’est [sic] homme de sa propre nature arrogant se glorifoit d’un tel surnom et en usoit en ses tiltres insolemment. Si escripvit un jour à Agesilaus, et n’eut point de honte d’user en sa lettre d’une telle salutation : Menecrates Jupiter au Roy Agesilaus salut : duquel commencement de lettre le Roy offencé, ne daigna en lire autre chose, et pour toute réponse luy manda : le Roy Agesilaus, à Menecrates, bon sens » (Antoine Macault, Les Apophthegmes, ici f. 16r°).
- Érasme, Apophthegmatum opus […], ici f. 51r°, « Comme les banniz d’Athenes sollicitassent Pausanias de faire marcher son armée contre les Atheniens, et lui dissent que quand il fut prononcé victorieux par le hérault au mont et jeux d’Olympe, eulx seuls l’avoient sifflé par mocquerie, il leur respondit : Puis qu’ilz m’ont faict cela, lors qu’ilz m’estoient grandement tenuz, que pensez-vous qu’ilz feront si je les outraige// Exemple d’une grande modestie, ne s’esmouvoir point d’une telle injure atroce : et quant et quant argument d’une bonne subtilité d’esprit, de retorquer ainsi au contraire de ce qu’ilz mettoient en avant pour l’instiguer d’entreprendre la guerre » (Antoine Macault, Les Apophthegmes, ici f. 76r°).
- Érasme, Apophthegmatum opus […], ici f. 51r°, « Après la victoire qu’il eut des Medes à Platée, il commanda à ses gens qu’ilz lui apportassent le soupper que les Perses se estoient nagueres appareillé. Et l’ayant veu sumptueux et friant : Tu estois bien gourmant, seigneur Persan, qui avecques tant de viandes singulieres es venu à notre pain bis// Donnant avis que c’est une grande folye aux riches, de combattre contre ceulx de qui lon ne peult gueres gaigné : car si le jeu tourne bien, le prouffit y est petit : si mal, le dommaige y est grant. Mais larguce de ceste response, gist en ce que cestuyla est oultre mesure friant, qui entre plusieurs bonnes viandes, desire des communes : comme font bien souvent les riches, qui se faschent d’estre tousjours si bien traictez » (Antoine Macault, Les Apophthegmes, ici f. 76v°-f. 77r°).
- Érasme, Apophthegmatum opus […], ici f. 136v°, « Il envoya en don au philosophe Xenocrates, trente mille escus : et refusant iceluy Xenocrates de les prendre, pource qu’il n’avoit que faire, il demanda, s’il n’avoit point quelque amy qui en eut besoing : Car à peine (dit Alexandre) m’ont esté suffisantes les richesses de Daire pour donner à mes amys//Je n’ay point encores bien conclud à part moy duquel des deux, le cueur est plus admirable : ou celuy du Roy tant addonné à liberalité ; ou celuy du Philosophe qui auroit renvoyé un si grand don liberalement offert, par un si grand Roy » (Antoine Macault, Les Apophthegmes, ici f. 198r°).
- Érasme, Apophthegmatum opus […], ici f. 133r°, « Alexandre commanda à son thresorier de l’espargne, de donner au Philosophe Anaxarchus tout ce qu’il luy demanderoit : et quand le thresorier estoné de la demande dudict Anaxarchus eut rapporté à Alexandre qu’il demandoit soixante mil escuz, il luy respondit : il a bien faict : scachant qu’il avoit un amy qui en pouvoit et vouloit donner.// En cecy fault doubter, lequel lon se doibt plus esmerveiller ou de la liberalité Royale, en donnant, ou de l’insdiscretion du Philosophe en demandant : si plustost nous ne la voulons appeler condidence » (Antoine Macault, Les Apophthegmes, ici f. 195v°).
- Sur cette figure et son utilisation à la Renaissance, voir Terence Cave, Pré-histoires. Textes troublés au seuil de la modernité, Genève, Droz, 1999.