Le 29 septembre 2016, le film Sausage Party : la vie privée des aliments / Sausage Party (Greg Tiernan et Conrad Vernon, 2016) reçoit une classification d’interdiction aux moins de 12 ans. Cette classification est contestée en décembre de la même année par plusieurs associations dont Juristes pour l’enfance, Promouvoir et Action pour la dignité humaine, associations qui contestent le bien-fondé de la mesure de classification et réclament une interdiction plus étendue. Les saucisses et les miches du film sont obscènes, avancent-elles. Le classement décidé par la ministre est finalement entériné par la justice1. Mais le type de débat apparu alors – ou poursuivi, on en verra d’autres occurrences – nous amène à proposer ici quelques réflexions d’ordre économique sur le marché du film obscène. On préfèrera ce terme, bien que nulle définition du film obscène n’existe dans la réglementation, à celui de film X. L’exemple donné en préambule montrant bien que la question est plus large que celui du film pornographique stricto sensu.
Mais nous ne sommes ni juriste2, or la question de la censure est évidemment le plus souvent envisagée sous l’aspect du droit, ni philosophe, or la question de la morale est bien entendu au centre du problème, ni spécialiste de sciences politiques, or la question de la censure est éminemment politique…. C’est sous un autre angle que nous souhaitons aborder la question, celui du marché.
Le cinéma est le seul art qui ait besoin de la délivrance d’un visa d’exploitation pour pouvoir être présenté au public. Avant qu’un film, français ou étranger, puisse sortir en salle, il passe devant une commission qui propose un classement. La décision finale revient au ou à la ministre de la culture en place3. Cette nécessité d’un blanc-seing donné par l’État entraîne donc une situation toute particulière pour le marché du cinéma.
La liaison marché/censure n’est pas nouvelle. Faut-il rappeler que le Code Hays, sur lequel beaucoup a été écrit, est avant tout un code né d’une nécessité économique : celle de pouvoir exploiter un film sur l’ensemble des États-Unis – et au-delà – sans entraves des censures des villes, des comtés ou des états. Si les groupes de pression religieux ont réclamé, au nom de la morale, cette autocensure des studios, du côté de ceux-ci, c’était une question de dollars à gagner ou à perdre.
Quand ce code périclite dans les années 19504, c’est en partie parce que la société américaine change. Mais c’est aussi parce que les films européens, non soumis aux interdits du code, grignotent des parts de marché au cinéma hollywoodien sur son propre territoire que l’association des majors, la MPAA, décide de remplacer le Code par un système de classification par âge. Un tel système a été adopté dans la plupart des États, sauf en Chine où un film, pour être vu, doit pouvoir être vu par l’ensemble de la population, toutes classes d’âge confondues.
Pour examiner ce couple marché/censure, nous avons choisi de procéder en plusieurs temps, en partant d’un moment fondateur, le vote de la loi de 1975, dite loi X. Cette loi créé un marché légal du film pornographique, bientôt tari, que nous examinerons d’abord. En 2000, l’affaire Baise-moi (Virginie Despentes, Coralie Trinh Thi, 2000) déplace le problème et met en avant des controverses sur l’obscénité de certaines scènes d’un film. En effet, la présence de scènes jugées obscènes dans des films non pornographiques rebat les cartes. Après avoir examiné les conséquences sur le marché, nous terminerons en examinant ce qui peut apparaitre comme une particularité d’un nouveau cinéma d’auteur n’hésitant pas à frôler l’obscène.
L’émergence du marché de l’obscène
Tel n’est pas le propos de cet article, mais il est nécessaire de souligner que le « porno » a souvent été un moyen « d’ouvrir » des marchés. Du cinéma des premiers temps5 aux plateformes actuelles en passant par la VHS, le minitel, Canal+, internet, l’obscène a ouvert les marchés des nouveaux médias de chaque époque. Jacques Mousseau le rappelle de façon lapidaire : « À quoi, dans beaucoup d’alcôves, ont servi les premiers Polaroid ? »6.
Dans la seconde partie du XXème siècle, c’est dans les pays du nord de l’Europe que se développe un premier marché du film « sexy » puis pornographique. Le succès en 1967, par exemple, de Je suis curieuse / Jay är ny fiken – en film i gult (Vilgot Sjöman) s’étend aux Etats-Unis7. Au Danemark, la libéralisation de la censure en 1969 permet la création du premier marché du film. Parallèlement, aux Etats-Unis, notamment à San Francisco, le développement d’un cinéma hardcore est marqué par des titres comme Gorge profonde / Deep Throat (Gerard Damiano, 1972) ou Derrière la porte verte / Behind the Green Door (Artie et Jim Mitchell, 1972).
Dans la France giscardienne, en 1974, le secrétaire d’État à la culture, Michel Guy, annonce la libéralisation de la censure. Pendant quelques mois, l’interdiction totale des films est levée, ne reste plus que des mesures d’interdiction aux mineurs. Le symbole de la période est bien entendu le film Emmanuelle (Just Jaeckin, 1974). Sur les 520 films distribués en France cette année 1974, 128 sont des films érotiques voire pornographiques8.
Cette forte expansion d’un marché jugé obscène entraîne le vote de mesures juridiques destinées à contraindre le marché. Ce sera l’affaire de la loi du 30.12.1975 dite loi X. En 1975, cette loi est évidemment d’abord une question d’ordre juridique. Mais elle a aussi comme effet de créer un marché spécifique légal, en substance, celui des films pornographiques.
La loi prévoit donc une nouvelle catégorie de films, la catégorie X, attribuée à un film pour deux raisons soit pour pornographie soit pour « incitation à la violence ». Ce classement X s’ajoute alors aux classements déjà existants : autorisé pour tout public, interdit aux mineurs de moins de 13 ans, interdit aux mineurs de moins de 18 ans et interdiction totale9.
Le classement dans cette catégorie prévoit que ces films supportent une TVA plus élevée et une TSA à 20 %10. Le producteur se voit retirer l’accès aux aides automatiques et sélectives du CNC (Centre national du cinéma). En outre, tous les films ainsi classés, français ou étrangers, sont taxés forfaitairement à hauteur de 300 000F (les courts métrages à 150 000F). Enfin, les salles proposant des films pornographiques sont tenues de se spécialiser dans le secteur et ne peuvent plus, dès lors, accéder au soutien à l’exploitation organisé sous l’égide du CNC.
Pour les autres films qui peuvent être touchés par le classement X (films d’incitation à la violence), il n’y a pas d’obligation de passer dans des salles spécialisées. Mais nous évoquerons ici peu ces films qui peuvent poser d’autres questions, certes parallèles. Dans l’esprit du grand public, attendu que la liste des films classés X comporte dans sa très grande majorité des films X » pornos », l’équation X=porno est évidente d’autant que de nombreux distributeurs de films pornographiques vont faire étalage du X qui d’infamant, peut être tel qu’il avait été conçu par le législateur, devient un argument de vente.
Très clairement, la décision gouvernementale est celle d’une régulation du marché. En substance, dans l’esprit de Michel Guy11, la réponse à la violence est de sévir. Pour le porno, le jugement est plus difficile à établir, il convient donc de lui laisser une place sur le marché. Mais le film pornographique étant facile à produire et peu onéreux, il importe de rendre ses conditions de production et de rentabilité plus difficile. Il s’agit de réguler un marché qui s’annonce trop important. Une des craintes exprimées à l’époque, en effet, est que la quasi intégralité de la production française se tourne vers ce type de films. Sur le principe économique, en tous les cas, l’attitude est à rebours du credo libéral du gouvernement d’alors.
Le marché s’éteint ensuite de lui-même, faute de consom-mateurs. Pour reprendre le décompte de Raymond Lefevre, 3 000 salles en 1975 programment des films « polissons ou pornos » contre 158 en 197612. En réalité, le marché se déplace dans ces années-là vers la VHS. Pour certains cinéclubs la part du chiffre d’affaires généré par le film porno atteint 30 %13. Une société comme Vidéo Marc Dorcel débute en 1978 avec le premier film fait directement pour la vidéo, Jolies petites garces (Marc Dorcel, 1978). Le DVD, Internet, la VàD reprendront le relai14… Un marché en salles, donc, déserté. La dernière salle spécialisée, le Beverly, a fermé ses portes en février 2019 à Paris. En 1996, Elle ruisselle sous la caresse (Alain Payet) est le dernier film classé X pour pornographie. Reste alors, une série de classements possibles dont certains ne sont plus usités : tout public, interdiction aux mineurs de 12 ans, interdiction aux mineurs de 16 ans, interdiction aux mineurs de 18 ans, classement X, interdiction totale…
Loin d’être une particularité du cinéma, notons que la notion d’interdiction aux mineurs se retrouve sur d’autres marchés. On notera, sans esprit d’ordre, la vente de tabac, la vente d’alcool, la vente de jeux de hasard, l’achat de pétards mais aussi, plus heureux sans doute, le travail de nuit. Enfin, notons que le droit de vote n’est donné qu’aux majeurs de plus de 18 ans… et qu’il existe une notion de majorité sexuelle fixée à 15 ans (article 227-27 du code pénal).
L’affaire Baise-moi
En 2000, s’étend une polémique à propos du film Baise-moi. Le film est projeté le 12 mai 2000 devant une sous-commission. Comme il est d’usage en cas de désaccords des participants, les six membres de la sous-commission demandent le renvoi en commission plénière tout en préconisant une inscription sur la liste des films pornographiques. Le 30 mai suivant, Baise-moi est projeté en commission plénière. Celle-ci propose une interdiction aux mineurs de 16 ans avec avertissement. La ministre, Catherine Tasca, suit l’avis de la commission et délivre le visa le 22 juin 2000.
Le film sort sur 64 salles le 28 juin 2000 et réalise 49 163 entrées en deux jours. C’est alors que l’association Promouvoir porte plainte15. Le Conseil d’État annule le visa d’exploitation (le 30 juin) et fait basculer le film dans la catégorie X. Baise-moi ne dispose plus alors de visa d’exploitation. Les circuits Gaumont et Pathé le déprogramment. Seuls MK2 (Marin Karmitz), quelques cinémas de province et Galeshka Moriavoff maintiennent le film à l’affiche. À noter que la seule salle où la projection du film aurait été légale, le Beverly, ne veut pas mettre le film à l’affiche, jugeant que le film n’est pas pornographique16.
En janvier 2001, à l’annonce de la sortie du film en vidéo, l’association Promouvoir demande à la ministre d’en empêcher la commercialisation et saisit de nouveau le conseil d’État. Le 1er février 2001, la ministre de la culture amende le décret du 23 février 1990 pour introduire l’interdiction aux moins de 18 ans pour les « œuvres comportant des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité » ne justifie pas une inscription X17.
En juillet 2001 Baise moi est de nouveau projeté en commission plénière. La commission propose une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans sans classement X. Le 1er aout 2001, la ministre suit la commission. Le film dispose donc à nouveau d’un visa et une nouvelle sortie en salles est organisée le 29 août 2001 sur une trentaine d’écrans. Derechef, l’association Promouvoir demande une nouvelle annulation (5 septembre 2001), demande rejetée par le Conseil d’État qui valide définitivement la décision ministérielle en juin 2002.
La réalisatrice Catherine Breillat, de son côté, organise un mouvement de protestation en lançant un appel de soutien au film. Promouvoir fait alors citer Catherine Breillat et Marin Karmitz – qui en avait continué l’exploitation – devant le Tribunal correctionnel de Paris. La Cour de cassation déclare irrecevable l’action judiciaire introduite par Promouvoir (décision du 29 avril 2003) à la suite du tribunal correctionnel puis de la cour d’appel.
À la suite de l’affaire Baise-moi, d’autres films vont subir des avanies. Citons en quelques-uns : la Vie d’Adèle (Abdelatif Kechiche, 2013), Antichrist (Lars von Trier, 2009), Love (Gaspar Noé, 2015), Saw 3D chapitre final (Kevin Greutert, 2010), Cinquante nuances de Grey / Fifty Shades of Grey (Sam Taylor-Johnson, 2015), Bang Gang : une histoire d’amour moderne (Eva Husson, 2015), Les Huit salopards / The Hateful Eight (Quentin Tarantino, 2015), Salafistes (François Margolin, Lamine Ould Salem, 2016)…. Toutes les polémiques, les débats autour de ces films ne relèvent pas des mêmes raisons (cf. infra).
Avant d’examiner cela, regardons plus simplement les effets sur le marché d’une interdiction.
Effets économiques des interdictions
À partir de l’extinction, très rapide nous l’avons vu, du marché du film pornographique, ne subsiste plus que des films aux prises avec des interdictions aux mineurs d’âge varié. Ces interdictions peuvent provoquer des réactions d’indignation, des accusations de censure, de retour de l’ordre moral. Nous ne mésestimons pas cela, mais nous nous concentrerons ici sur un aspect plus prosaïque, et notamment les réactions des producteurs et des distributeurs.
Les recettes
De nos jours, le classement X d’un film signifie une interdiction totale de celui-ci en salles. Non pas du fait de la loi, rien n’interdit d’exploiter un film classé X « porno », mais à condition de le faire dans une salle spécialisée, conséquence de la loi de 1975. Or il n’y a plus de salles spécialisées. Le marché n’existe donc plus. En 2009, le producteur du film Histoires de sexe(s) (Ovidie, Jack Tyler, 2009), pensait à une interdiction aux mineurs de 18 ans et la réclamait même. Mais les membres de la Commission qui penchaient pour une telle interdiction n’eurent pas gain de cause. Le film n’ayant alors plus aucune possibilité de sortie en salle ne put être exploité qu’en vidéo et diffusé sur Canal+.
Hormis ce cas d’une mise hors marché, l’effet d’une interdiction aux mineurs, qu’ils soient de 18, 16 ou 12 ans, ne peut qu’amputer le public potentiel d’une fraction plus ou moins importante de celui-ci. Or un film a un coût. Il convient de le rentabiliser. Jean-François Théry, ancien président de la Commission de classification, l’affirmait de façon claire en 1993 : « on va nous dire que nous faisons de la censure économique puisque le public de cinéma a majoritairement entre 15 et 30 ans, et que si nous interdisons un film aux moins de 16 ans c’est 20% de recettes en moins. C’est vrai, mais je ne vois pas comment faire autrement »18.
De la même façon, l’argumentaire déployé par Catherine Tasca, ministre de la culture au Conseil d’État pour justifier de sa décision de classement de Baise-moi avançait des raisons liées aux intentions des auteures mais aussi qu’un visa X signifierait un préjudice au film puisqu’il ne serait plus diffusé. Et l’on retrouve dans le rapport Mary, dès la première page, l’idée que la classification peut être « grave pour l’audience d’œuvres cinématographiques dont on prive sans qu’on le veuille un large public »19. Anne-Françoise Bélier (Metropolitan) estimait que l’interdiction de Saw III (Darren Lynn Bousman, 2006) aux moins de 18 ans avait fait perdre au film 150 000 à 200 000 entrées20. D’autant que, expliquait-elle, « les exploitants boudent les films violents, même interdits seulement aux moins de 12 ans ». Ainsi, Annabelle (John R. Leonetti, 2014) a été déprogrammé de certaines salles, notamment à Marseille ou Strasbourg, les exploitants trouvant le public trop dissipé.
Cependant la perte de recettes peut provenir des palinodies administratives. Ce fut le cas du film de von Trier Antichrist. Le film d’abord interdit en moins de 16 ans subit les demandes de requalification de deux associations plaignantes. Le visa d’exploitation est retiré par deux fois rendant l’exploitation en salle impossible. Le Conseil d’État requalifie finalement le film en interdit aux moins de 18 ans en janvier 2017, il est vrai que la carrière du film en salles est alors terminée.
De la même façon, les deux volets de Nymphomaniac du même auteur ont chacun vu leur classement changer après des plaintes de l’association Promouvoir. Le volet 1 d’abord interdit aux moins de 12 ans a ensuite été interdit aux moins de 16, le classement du second est passé de moins de 16 à moins de 18.
Cependant, il est extrêmement difficile de comprendre les raisons de l’échec ou non des films et de les attribuer uniquement à la restriction du marché dû à une quelconque interdiction. Nymphomaniac vol. 2 a fait moins d’entrées que Nymphomanic vol. 1. Est-ce dû à la question du marché réduit ? Ou est-ce que les spectateurs n’ont pas vu l’intérêt de se déplacer pour le second volet après avoir vu le premier.
A contrario, les exemples abondent de succès plus ou moins mesurés attribuables à un parfum de scandale. Sans remonter au cas de Die Sünderin (Willi Forst, 1951), condamné par l’Église catholique allemande car présentant un double suicide, une courte scène de nu et des allusions à la prostitution qui, grâce peut être à cette condamnation, attira 7 millions de spectateurs dans les salles, on peut rappeler le cas de Tomboy (Céline Sciamma, 2011). La présence du film dans le dispositif cinéma à l’école fit d’abord débat. Quand Arte annonça la diffusion sur son antenne le 19 février 2014 à 20h50, l’association Civitas chercha à monter un boycott… Ce fut un des meilleurs taux d’audience de Arte avec plus de 1,25 million de téléspectateurs.
Le parfum de scandale peut tout autant aider à vendre à l’international. Ainsi Romance (Catherine Breillat, 1999), collecta au minimum 7 millions de francs en contrats de vente à l’international dès sa présentation à Cannes21. Somme permettant au film d’être rentable avant même son exploitation sur le territoire français selon son producteur Jean-François Lepetit.
Marketing et télévision
Le paragraphe précédent évoque déjà une question cruciale, celle de la publicité, du marketing des films. Une autre restriction du marché s’opère lorsque des affiches sont interdites. Ainsi, l’association Promouvoir demande l’interdiction de l’affiche de Larry Flint (Milos Forman, 1996) (un Christ crucifié sur un sexe de femme). Plus tôt des demandes d’interdiction ont pu être faites autour des affiches des Valseuses (Bertrand Blier, 1974), de L’Empire de la passion (Nagisa Oshima, 1978), du Trio infernal (Francis Girod, 1974), Ave Maria (Jacques Richard, 1984) ou plus récemment celle des infidèles (collectif, 2012)22. En 2013, ce sont des arrêtés municipaux qui empêchent l’affiche de L’inconnu du lac (Alain Guiraudie, 2013) d’être déployée sur les territoires de Versailles et Saint-Cloud23.
L’interdiction aux mineurs conduit, d’autre part, à une troisième restriction au marché. Le CSA, devenu Arcom en janvier 2022, exige que les chaînes en clair ne diffusent pas plus de deux films par an interdits au moins de 12 ans à 20h50. Aucun film interdit aux moins de 16 ans ne peut l’être avant 22h30. Enfin, les films interdits aux moins de 18 ans sont réservés à une diffusion cryptée. La mesure limite l’exposition des films tout d’abord, mais surtout en réduit la valeur marchande, le prix d’achat des œuvres dépendant de l’audience, donc du tarif des publicités encadrant ou interrompant l’œuvre.
Il convient de noter que la classification puis les interdictions aux mineurs éventuelles ne touchent que le marché le plus réduit en termes de spectateurs. Même si cette classification a une incidence sur la présentation du film à la télévision, elle n’en a pas sur les ventes de DVD et sur la mise à disposition des films en VàD. En ce qui concerne le nombre de visions des films sur les plateformes, les données fournies par celles-ci sont trop sujettes à caution pour en tirer de quelconques conclusions. Sur les plateformes, on trouve en 2022 : Chronique sexuelle d’une famille ordinaire (Jean-Marc Barr et Pascal Arnold, 2011), Nymphomaniac I et 2, La Vie d’Adèle… Sausage Party, par exemple, est disponible sur Netflix affublé d’une interdiction aux moins de 16 ans mais disponible à quiconque. Sur la plateforme Amazon le film ne comporte qu’une interdiction aux moins de 7 ans. Sur les autres plateformes, l’interdiction aux moins de 12 ans est respectée.
Cela peut conduire à un renoncement à la distribution en salles. C’est sans doute le cas de Traîné sur le bitume / Dragged Across Concrete (S. Craig Zahler, 2019)24. Certes film long mais aussi « moments de violence réaliste risquant de déclencher une interdiction aux moins de 16 ans ». En conséquence, le film est sorti directement en DVD sur le marché français. Aux États-Unis, le film a connu une sortie limitée en salle et en VàD en même temps, l’auteur refusant, semble-t-il, d’accéder à la demande du distributeur Lionsgate de fournir une version atténuée (« audience friendly »).
Des coupes
Les interdictions aux mineurs pour cause d’images violentes mènent parfois les producteurs à exiger des coupes. Ce type de film, en effet, touche majoritairement un public adolescent et plus susceptible de pâtir d’une entrave au marché. Ainsi, Les Guerriers de la nuit (The Warriors) (Walter Hill) ixifié en 1979 est ensuite interdit aux moins de 18 ans après que le distributeur ait enlevé 10 mn (malgré l’opposition du réalisateur)25. La même année, Mad Max (George Miller, 1979) est également affublé du classement X26. Le distributeur le représente avec une série de coupes de 3mn30. La Commission maintient son avis de classement en avril 1980. En mars 1981, le distributeur fait quatre nouvelles coupes, toujours insuffisantes pour obtenir un changement de la position de la Commission. Le changement politique en mai 1981 ainsi que le changement de la direction de la Warner-Columbia entraîne une nouvelle présentation du film dans son montage initial. Les nouveaux dirigeants de la compagnie américaine estimant qu’ils n’avaient pas le droit de couper George Miller. En novembre 1982, le film obtient finalement une interdiction aux mineurs de 18 ans. La Commission estime qu’elle n’a pas vraiment changé d’avis mais que des films comme Class of 1984 (Mark Lester, 1982) ont été autorisés entretemps avec une restriction d’âge.
En matière de restrictions dues à des images « obscènes », les cas de remontage du film sont très réduits. On peut évoquer le cas singulier de Chroniques sexuelles d’une famille ordinaire présenté en deux versions et obtenant deux classements différents. La version « sensuelle » (selon le mot des réalisateurs) destinée aux salles, interdite aux moins de 12 ans en France, et la version « sexuelle » prévue pour une exploitation en DVD et VàD. Cette dernière comporte cinq minutes supplémentaires et le montage des scènes sexuelles est différent.
En France, le droit au montage final (« final cut ») est octroyé au réalisateur. Il n’est donc pas possible, comme pour les producteurs états-uniens, de forcer la main du monteur. Ceux-ci peuvent alors présenter des versions altérées pour ne pas avoir une interdiction trop forte comme dans le cas de The Lost Door (Roy Stuart, 2008) d’abord interdit aux moins de 18 puis représenté dans une nouvelle version à la Commission et héritant ensuite d’un classement moins de 16.
Des films d’auteur
Les cas de mesures d’interdiction aux mineurs évoquées dans cet article touchent trois catégories de films. Des films d’incitation à la violence, pour lesquels les mesures prises sont contestées majoritairement, essentiellement par leurs producteurs et leurs distributeurs, essentiellement en raison des restrictions du marché évoquées plus haut. Une seconde catégorie de films comme Gaza-strophe, Palestine (Samir Abdallah, Kheridine Mabrouk, 2009) ou Salafistes concerne des films dont le motif évoqué peut être la violence mais qui ressortent aussi de questions politiques (la loi 2014-1353 du 13 novembre 2014 empêche la diffusion aux mineurs de messages incitant à se livrer à des actes de terrorisme). Enfin, la dernière catégorie qui nous intéressera ici, est celle de films dit d’auteurs.
Certains commentateurs ont cru pouvoir repérer dans le cinéma d’auteur contemporain une volonté d’explorer les limites de la pornographie, de l’obscène. Ainsi, le début du texte de Muriel Andrin note que « [les images pornographiques] se démultiplient dans une pluralité de représentation esthétiques au sein du cinéma contemporain », cinéma contemporain commercial ou auteuriste dit-elle27. Estelle Bayon est moins catégorique sur le cinéma commercial mais repère le même mouvement dans le cinéma d’auteur :
[…] sans pour autant que l’obscénité ne gagne le cinéma classique et populaire, qui se maintient dans la séduction et la suggestion, essentiellement en raison de la censure, tandis que le cinéma d’auteur ose tendre vers la fascination, la sidération, voire la réflexion autour de la chair. C’est ainsi autour de la censure que différentes esthétiques et plusieurs discours se créent dans la représentation cinématographique du corps et de la nudité28.
On trouve, dès le milieu des années 1970, des films qui intègrent des images pornographiques au cinéma auteuriste par exemple avec Change pas de main(Paul Vecchiali, 1975), La Bête (Walerian Borowczyk, 1975), L’Ange et la femme (Gilles Carle, 1977). D’autres au début des années 2000 : Les Idiots / idioten (Lars von Trier, 1998), Lucia et le sexe / Lucia y el sexo (Julio Medem, 2001), Intimité / Intimacy (Patrice Chéreau, 2001), Le Pornographe (Bertrand Bonello, 2001).
Muriel Andin reprend le joli terme de « porno parcellaire » forgé par Claude-Jean Bertrand et Annie Baron-Carvais pour qualifier ces films29. Un contexte que Damien Simonin résume assez bien à propos de l’affaire Baise-moi : « le film apparait comme ambivalent par rapport aux classifications des genres de productions culturelles : il présente simultanément des caractéristiques du cinéma pornographique et du cinéma “traditionnel” »30 . Un avènement qui ne peut qu’ajouter au « trouble » explique Jean-François Mary décrivant l’époque dans son rapport à la ministre de la culture déjà cité.
Baise-moi a bénéficié d’une première présentation à Cannes pour la première fois (le 17 mai 2000) au marché du film lui procurant cette aura de « film d’auteur ». Marie-Hélène Bourcier montre bien d’ailleurs qu’une des façons de « lutter » contre le film a été de le dévaloriser, de lui retirer sa qualité de film d’auteur en le ravalant à un cinéma plus populaire, notamment, remarque-t-elle, via un dossier consacré à Baise-moi dans Le Nouvel observateur en juillet 2000 intitulé « Pornographie, violence ; la liberté de dire non ! »31.
L’aura du film d’auteur, en France, autorise une certaine permissivité. Jean-François Théry, ancien patron de la Commission de classification, note que Salo ou les 120 journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975) a été proposé d’abord pour une interdiction totale, puis est sorti dans quelques salles, mais en réalité en toute illégalité32. L’Empire des sens (Nagisha Oshima, 1976) a aussi bénéficié de l’aura « auteur ».
Laurent Jullier indique d’ailleurs, à propos d’un autre film, la différence d’appréciation de la Commission : « les censeurs voient le style tarabiscoté d’Irréversibles comme une signature d’auteur au sens que donne à ce mot la cinéphilie institutionnelle française ; ils sont là en terrain connu, tandis qu’ils demeurent imperméables au côté « jeu de rôle » de Saw III dont les signes relèvent de codes à leurs yeux moins familiers et moins légitimes »33.
Outre la notion d’auteur, notons que la défense de ces films, peut se faire plus classiquement sur le terrain de la censure. Notant que les images pornographiques sont largement visibles sur internet, Eva Husson, réalisatrice de Bang Gang (2015), film classifié moins de 12 ans mais que Promouvoir a voulu faire changer, déclare : « dans quel monde vit-on ? Un monde où on peut regarder du porno 24 heures sur 24 sans la moindre inquiétude sur l’âge du spectateur, mais où on menace d’interdiction aux moins de 16 ou 18 ans des films qui non seulement demandent une démarche active pour les voir mais offrent une vision du monde toujours stimulante »34.
Conscient de la difficulté posée à ces films, la ministre de la culture a commandé un rapport à Jean-François Mary. Celui-ci, publié en 201635, suggère que l’expression « scène de sexe non simulée » est devenue obsolète avec le développement des techniques numériques et préconise de le remplacer simplement par « scènes de sexe »36. Prothèses, « collages numériques » du visage d’un acteur ou d’une actrice sur un corps de « hardeur » comme sur La Vie d’Adèle ou Nymphomaniac estompent la frontière entre scènes simulées et scènes non simulées37.
Conclusion
Les acteurs économiques en général n’aiment rien moins que l’incertitude. Or les événements récents autour des questions de classification des œuvres amènent cette incertitude. Mieux vaut des règles explicites, suivies. C’est ce qui avait amené au code Hays. C’est ce qui amène des réalisateurs chinois actuellement à demander une censure déclarée en Chine. Or l’apparition de scènes explicites dans les films d’auteur a pu entrainer une « censure de la rue », terme assez mal nommé car il n’y a pas de manifestations spontanées contre ses films, plutôt une censure d’officines ou du moins une demande de censure d’associations diverses.
Par ailleurs, déjà en matière de censure, depuis longtemps, la marge d’interprétation du juge est importante. La remarque du juge états-unien appelé à juger de l’obscénité du film de Louis Malle, Les Amants (1958) : I know it when I see it est souvent citée comme parangon de la subjectivité à l’œuvre dans de telles circonstances.
Cela est encore plus explicite avec la publication du décret n°2017-150 du 8 février 2017 adopté à la suite du rapport de 2016 de Jean-François Mary qui incite la Commission à prendre en compte « de nouveaux éléments d’appréciation, en l’occurrence le parti pris esthétique ou le procédé narratif du film, pour opter pour une simple interdiction aux mineurs de moins de 18 ans et écarter le classement X »38. Dans le cadre de cette nouvelle réglementation adoptée à la suite du rapport Mary, la Commission doit émettre un avis en fonction de la façon dont ses membres, collectivement, lisent et analysent la qualité artistique des œuvres proposées. La Commission voit un film dans son ensemble et le juge comme tel. Elle ne peut demander de coupes « de façon générale, elle s’attache à restituer au film les éléments propres à son langage afin de ne pas coller aux seules images tout en évaluant l’aptitude d’un public jeune à en saisir la portée »39. « La commission apprécie l’œuvre dans son ensemble et prend en compte « le sujet et son traitement et replace les scènes, les événements dans la logique de la narration pour tenir compte de la distanciation ou, au contraire, de la complaisance avec laquelle le réalisateur aborde le sujet »40.
En conclusion, quel est le risque que le film comportant des scènes « obscènes » et/ou violentes encourt. Une exclusion du marché d’abord (pour une interdiction totale ou un classement X, qui a de fait le même effet), mais le cas est extrêmement rare. Une interdiction aux mineurs, si elle limite le public potentiel reste difficile à mesurer quant à son impact, l’effet titillation n’étant pas à négliger. Mais dès lors que le film participe peu ou prou au cinéma d’auteur, l’évolution récente de la réglementation permet une plus grande latitude. Ainsi, la régulation du marché dorénavant s’opère sous une double appréciation. Celle de la commission dans son ensemble, celle du juge éventuellement ensuite qui doit estimer l’adéquation entre la mesure de classement et le droit – le texte revu en 2017 renforçant l’appréciation globale d’un film et privilégiant, de fait, l’aspect auteuriste du doit français en la matière.Reste à donner le dernier mot à un auteur qui démontre d’une autre manière la difficulté de juger de l’obscénité d’un film, Bertrand Bonello : « je ne pourrai jamais filmer quelqu’un qui pleure. Je vais mettre le plan en place, l’acteur va arriver, il va pleurer… et j’arrêterai tout ! Je me sentirais indécent, obscène »41.
Notes
- Tribunal Administratif de Paris le 13 décembre 2016.
- Voir notamment Jérémy Mercier, « Le Juge administratif et le sens des images. Les mutations des techniques contentieuses du contrôle des visas d’exploitation », La Revue des droits de l’homme, [en ligne] https://journals.openedition.org/revdh/2874 [consulté le 03/11/22] sur ces questions juridiques et l’évolution de la doctrine, notamment l’introduction de la notion d’intention qui doit être appréciée par le juge.
- Ajoutons que les bandes annonces et le matériel publicitaire sont également soumis aux mêmes règles.
- En 1952, la Cour suprême renverse sa décision de 1915 et place le cinéma sous la protection du Premier amendement de la Constitution (Miracle Case).
- Voir Polissons et galipettes (Michel Reilhac, 2002).
- Jacques Mousseau, « La presse de c… La France à l’heure de la pornographie », Communications et langagesn°28, 1975, p. 77-92.
- Sous le titre I Am Curious (Yellow), le film sera longtemps le détenteur de la plus importante recette d’un film européen aux États-Unis.
- Daniel Borillo, Le Droit des sexualités, Paris, PUF, 2009, p. 150.
- L’interdiction totale reste dans l’arsenal juridique, même si le ministre avait déclaré ne plus vouloir y avoir recours.
- La TSA, Taxe spéciale additionnelle, est une taxe perçue sur les entrées de tous les films. Elle sert à alimenter le compte de soutien au cinéma. Elle est en moyenne de 11% du prix des entrées.
- Nous suivons ici Mathieu Trachman, « Des profits illégitimes. Classification pornographique et régulations marchandes dans la France des années soixante-dix », in : Régine Beauthier, Jean-Matthieu Méon et Barbara Truffin (dir.), Obscénité, pornographie et censure [Ressource électronique] : les mises en scène de la sexualité et leur (dis)qualification, XIXe-XXe siècles, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2010, [en ligne] http://digistore.bib.ulb.ac.be/2010/noncat000024_000_f.pdf [consulté le 03/11/22].
- Raymond Lefèvre, « Le porno, genre persécuté », in : Michel Serceau (dir.), Panorama de genres au cinéma, CinémAction 68, Corlet, 1993.
- Robin D’Angelo, « Les dessous pas si chics du label X Marc Dorcel », M magazine, 2019.
- « [le porno] représente une très grande partie du chiffre d’affaires de la VOD », Tristan Arnoud, chargé des acquisitions adultes à Canal, in D’Angelo, art. cit.
- L’action des associations est favorisée par une loi votée en décembre 1992 qui donne le droit à celles-ci de se porter parties civiles en matière d’exposition cinématographique.
- Cf. entretien avec Philippe Rouyer, membre de la Commission de classification, in : Christophe Triollet, (dir.), Darkness 6 (Censure & Cinéma en France), La Madeleine, Éditions LettMotif., 2020.
- L’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans n’avait pas servi depuis 1990.
- Entretien avec Jean-François Théry, 5 mars 1993, cité, in : Triollet, 2020, op. cit., p. 47.
- Jean-François Mary, « La Classification des œuvres cinématographiques relatives aux mineurs de seize à dix-huit ans », rapport à Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, février 2016.
- Télérama, 2088, 18.4.2007.
- Olivier Seguret., « Romance, une affaire malgré la censure. Le film de Breillat est un succès mondial » Libération 16.2.2000.
- Les affiches ont été retirées par le réseau Decaux.
- Le film est interdit aux moins de 16 ans.
- Cf. Jean-François Rauger, « Le combat de deux policier ripoux », Le Monde, 6.8.2019.
- Albert Montagne, Histoire juridique des interdits cinématographiques en France (1909-2001), L’Harmattan, Paris, 2007.
- Arnaud Esquerre, Interdire de voir. Sexe, violence et liberté d’expression au cinéma, Fayard, Paris, 2019.
- Je suis plus réservé sur le cinéma « commercial »
- Estelle Bayon, Le cinéma obscène, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 46
- Annie Baron-Carvais et Claude-Jean Bertrand, Introduction à la pornographie, Paris, La Musardine, 2001.
- Simonin, art. cit.
- Marie-Hélène Bourcier, « Pipe d’auteur, la « nouvelle vague pornographique française » et ses intellectuels (avec Jean-Pierre Léaud et Ovidie, Catherine Millet et son mari, et toute la presse », Mei–info, L’esprit créateurvol 44(3), After the erotic (fall 2004), Johns Hopkins University Press, p. 13-27.
- Jean-François Théry, Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la censure, Paris, Cerf, 1990.
- Laurent Jullier, Interdit aux moins de 18 ans. Morale, sexe et violence au cinéma, Paris, Armand Colin, 2008, p. 40
- In : Sylvie Kerviel, « Sexe et cinéma : les paradoxes de l’interdiction aux moins de 18 ans », Le Monde, 22.3.2016.
- Mary, op. cit.
- Kerviel, art. cit.
- Thomas Sotinel, « Comment fait-on l’amour au cinéma ? », Le Monde, 30.1.2014.
- CNC, « Protéger sans censurer : la classification des œuvres cinématographiques », in : [en ligne] https://www.cnc.fr/cinema/actualites/proteger-sans-censurer–la-classification-des-oeuvres-cinematographiques_61317 [consulté le 03/11/22].
- Ibidem.
- Cf. Rapport d’activité de la commission de classification des œuvres cinématographiques, janvier 2010- décembre 2012, CNC, juillet 2013 cité, in : Christophe Triollet, Le contrôle cinématographique en France. Quand le sexe, la violence, et la religion font encore débat, Paris, L’Harmattan, p. 9.
- Philippe Gajan, « Entretien avec Bertrand Bonello », in : L’enseignement du cinéma au collège et à l’université, 24 images, 109, 2002, [en ligne] https://id.erudit.org/iderudit/23955ac [consulté le 03/11/22].