Au XVe siècle et au début du XVIe siècle, un grand nombre de textes anciens qu’une recherche infatigable de manuscrits avait sauvés de l’oubli ont été édités pour la première fois. Les Satires de Lucilius, comme le reste de la production latine qui n’avait pas survécu par le biais de la tradition directe, échappèrent à cette frénésie éditoriale : ce n’est qu’au milieu du XVIe siècle qu’une première tentative de collecte des textes fragmentaires fut envisagée. Ainsi, les Satires parurent pour la première fois dans le recueil des Fragmenta poetarum veterum Romanorum publié en 1564 par Henri II Estienne (1528 ? 1531 ?-1598)1, édité d’après les textes légués par Robert Estienne (1503-1559). Si l’ouvrage d’Estienne constitue une avancée considérable pour l’édition et la mise à disposition des fragments, ce n’est qu’en 1597 que paraît ex officina Plantiniana l’édition de Franciscus Dousa (1577-1630), la première entièrement consacrée à Lucilius, et pouvant à ce titre être considérée comme editio princeps du satiriste. De fait, l’édition de 1597 dépasse de loin la simple collection de fragments que proposait l’édition d’Estienne. Si le grand nombre de réimpressions témoigne de l’impact qu’elle eut chez les érudits, le fait que le travail de Friedrich Marx2 n’ait remplacé l’édition de Franciscus Dousa comme édition de référence qu’au tournant du XXe siècle démontre également la qualité de la démarche qui présida à l’élaboration de l’editio princeps.
C’est l’émergence de la figure de Franciscus Dousa en tant que princeps philologorum Lucili que nous nous proposons d’étudier ici, en insistant notamment sur les différents costumes qu’endosse le philologue dans les paratextes introductifs à l’édition, où il se fait tour à tour archéologue, concepteur d’édition, interprète. Or, malgré l’ampleur et la multiplicité des rôles assumés par le philologue, la construction de son autorité, dans le cas qui nous occupe, ne s’accomplit pas sans difficulté : dans l’ombre des grands philologues que sont Janus Dousa (1545-1604) et Joseph-Juste Scaliger (1540-1609), l’auctoritas philologique de Franciscus s’impose difficilement à ses contemporains et surtout à la postérité. Aussi son accession à la pleine lumière ne s’accomplit-elle, nous le verrons, qu’en considération de la grandeur de l’œuvre entreprise et par l’entremise du poète édité : c’est Lucilius, sauvé de l’oubli et de la mutilation par le jeune Franciscus, qui fait accéder son bienfaiteur au titre de princeps philologorum.
L’édition de 1597 et la mise en lumière du rôle du philologue
L’édition de 1597 présente en trois temps la démarche philologique de Franciscus Dousa : la page de titre porte la mention Franciscus Iani F. Dousa collegit, disposuit & Notas addidit, qui sera reprise par Dousa lui-même dans son épître au lecteur :
Quamobrem illius superstites Satyrarum Reliquias aliquanto etiam quam caeterorum accuratius conquisiveram, disposueram et Notis aliquot additis illustraveram.
C’est pourquoi j’avais assez soigneusement recherché, organisé les fragments qui subsistent des Satyres de ce poète et les avais illustrés de quelques annotations3.
Ainsi, alors qu’en 1564 la mission d’Etienne semblait se borner à la collecte des fragments4, Franciscus Dousa n’est pas seulement archéologue et collectionneur. Si les verbes collegit (sur la page de titre) et conquisiveram (dans l’épître) indiquent qu’il reprend à son compte cette fonction, le verbe disposveram suggère qu’il adopte également une posture de muséographe, en ce qu’il conçoit intellectuellement la meilleure technique de présentation de l’œuvre et notamment l’ordre d’apparition des fragments, envisagés comme des tableaux dans une galerie.
Et de fait, l’épître ad lectorem s’attache à mettre en lumière les différentes étapes de cette muséographie, insistant notamment sur l’entreprise de réarrangement du matériau fragmentaire. Ainsi, lorsque Franciscus Dousa indique qu’il s’est penché sur les textes des grammairiens latins, principale source des fragments luciliens, il précise qu’il a réorganisé les fragments en se fondant notamment sur les conseils de son père. En ce qui concerne les fragments ne pouvant être rattachés de manière certaine à un livre particulier, Franciscus souligne qu’il a choisi de les faire figurer en premier lieu et qu’il a, parmi eux, accordé la première place à la leçon de philosophie à Albinus transmise par Lactance5 :
Ea, quae ex incertis Satyrarum libris adferebantur, ordine velut inversa et quasi ὕστερον πρότερον primo loco posuimus, probabili sane argumento eo adducti, quo luculentissima Virtutis definitio statim in oculos legentium incurreret, simul ut ex eo cognoscerent ii, quibus minus notus Poeta noster, quanti eum veteres aestimauerint, quem Lactantius disertissimus Theologorum dignum habuerit, ut eius potissimum de Virtute versus ex tot praeclarissimorum ingeniorum scriptis penitus excuteret.
Nous avons placé en premier les fragments qui se rapportaient à des livres incertains des Satires, en ordre inversé et pour ainsi dire contraire, poussé par l’idée sans doute louable selon laquelle la définition tout à fait illustre de la Vertu frapperait immédiatement les yeux des lecteurs, de sorte que ceux à qui notre poète est moins familier puissent découvrir du même coup combien les Anciens ont estimé notre poète : le plus éloquent des théologiens, Lactance, juge digne de faire paraître ses vers sur la Vertu de préférence à tant d’écrits d’esprits si fameux.
Ce dernier passage permet de saisir pleinement l’influence des choix du philologue sur la réception de l’auteur édité. De fait, si la leçon de vertu à Albinus est le fragment le plus long que nous ayons conservé, elle ne peut en aucun cas être rattachée aux premiers livres écrits par Lucilius6 et ne se trouve citée que chez Lactance, ce qui tend à indiquer que la réception antique du satiriste ne lui accorda pas une importance prépondérante7. Franciscus Dousa, en plaçant le fragment sur la vertu en tête des fragments incertains et en éditant ces mêmes fragments avant les fragments des livres I à XXX des Satires, fait donc entrer le lecteur par la porte de la philosophie morale : il oriente ainsi la réception de l’œuvre de Lucilius8, l’éloignant de la polémique et de l’image de Lucilius liber, qui l’emporte pourtant chez les Anciens sur celle d’un Lucilius poeta sapiens9.
Si le philologue ordonne la galerie des fragments selon un ordre propre, il entend aussi entourer chaque pièce de son exposition de la lumière nécessaire à sa bonne appréciation. Pour ce faire, il présente chaque fragment en lien avec son contexte de citation, ce qui représente une nouveauté notable par rapport à l’édition de 156410 :
Continuo sub ipsa Lucilii Fragmenta Grammaticorum interpretationes, quarum occasione ab iis producebantur, subiecimus ; quo cuique intellectus eorum ad manum et quasi in promptu foret.
Ensuite, immédiatement sous les fragments de Lucilius, nous avons ajouté les commentaires que les grammairiens produisaient pour l’occasion, afin de permettre à chacun de les comprendre en les ayant à disposition et pour ainsi dire sous la main.
L’annotation des fragments luciliens – et notas addidit sur la page de titre ; Notis aliquot additis illustraveram dans l’épître ad lectorem – participe de cette même logique de mise en lumière du rôle du philologue dans l’explication et la présentation des textes édités. En effet, si l’interprétation des passages difficiles est une mission traditionnellement assignée au philologus, Franciscus Dousa insiste sur l’ampleur du défi qu’elle représente dans le cas des Satires en raison du caractère fragmentaire de l’œuvre mais aussi de l’obscurité même de la poésie de Lucilius11. Ainsi la présentation de l’édition est-elle pensée, sur les conseils de l’imprimeur, pour faciliter la compréhension du lecteur et lui permettre de s’emparer le plus rapidement possible d’un maximum d’informations :
Quamquam animus fuerat doctorum virorum animadversiones in unum fascem collectas seorsum a Notis nostris edere, nisi Typographus male lectori eo consultum iri monuisset non ferenti taedium aut laborem reccurendi semper ad diversas annotationes.
Du reste, notre intention aurait été de publier les observations des savants rassemblées en un seul paquet séparé de nos Notes, si le typographe ne nous avait averti que cela ne serait pas bénéfique pour le lecteur, qui ne supporterait pas l’ennui ou l’effort de toujours se reporter à des annotations diverses.
Ce passage permet également de saisir tout ce que l’édition de Lucilius doit aux divers acteurs du processus éditorial : ici le dessein de Franciscus se plie aux exigences du typographe et aux questions matérielles, qui orientent la pédagogie et la lecture de l’œuvre. Mais le typographe n’est qu’une des auctoritates extérieures ayant influencé l’édition de Lucilius. De fait, s’il ne fait nulle mention de l’édition d’Estienne, Franciscus met en lumière le rôle des auctoritates philologiques que furent son père et Joseph-Juste Scaliger : or, tout en entendant assurer sa propre auctoritas, il se place en fait dans l’ombre des deux célèbres philologues.
Franciscus Dousa à l’ombre des philologues
Si, dans les deux épîtres dédicatoires que présente notre édition, la place faite à Janus Dousa père et à Joseph-Juste Scaliger est relativement modeste, leur éloge est suffisamment appuyé pour garantir, comme par ricochet, l’auctoritas de Franciscus Dousa. Janus Dousa père est d’abord présenté comme une aide et un soutien éclairé dans l’entreprise de collection des fragments luciliens :
visum fuit in veterum poetarum reliquiis ruminandis (quas ante annos aliquot studiose collegeram, usus ea in re consilio ac iudicio parentis potissimum) animi depositi curas et angores paulatim eludere.
Lorsque je méditais sur les restes des poètes anciens (que j’avais soigneusement collectés quelques années auparavant, usant en cette matière du conseil et du jugement de mon père de préférence à toute autre), il m’a semblé déjouer peu à peu les soucis et les tourments d’un esprit moribond.
Joseph-Juste Scaliger apparaît pour sa part comme une instance de validation davantage qu’en réel adjuvant au travail philologique :
Quem conatum nostrum cum Iosepho Scaligero summo illi scientiarum omnium dictatori (de quo nihil aliud digne dicere possum, quam quod satis dici nequit) ostendissem, ille benigne nimis eum excipiens, laborem nostrum probare, hortarique in lucem quamprimum emitterem. […] Maximi tamen viri identidem trepidum me adhortantis, ac de editione eorum aurem vellentis oratio hanc tandem in me confidentiam concitavit, ut diutius ea intra privatos parietes continere nefas ducerem ; ne aut tanti viri auctoritatem, quae mihi pro ratione sustinere deberet, aut hanc iudicii de me opinionem neglexisse viderer.
Alors que j’avais montré cette entreprise à Joseph Scaliger, le plus grand dictateur de tous les savoirs (au sujet duquel je ne peux rien dire de digne d’autre que ce qui ne peut être suffisamment dit), ce grand homme, la recevant avec trop de bonté, a approuvé notre travail et m’a exhorté à l’éditer dès que possible. […] Cependant, le discours d’un si grand homme, qui m’exhortait et me poussait à éditer les fragments alors que j’hésitais, a finalement fait naître en moi la confiance suffisante pour considérer comme criminel de garder plus longtemps ces travaux cachés dans un cercle privé, afin de ne pas sembler négliger ou l’autorité d’un homme si important, qui devait pour moi tenir lieu de raison, ou son jugement à mon égard.
La première épître, dans la présentation des rôles de chacun, se veut assez topique. Certes, l’influence paternelle est propre à la configuration familiale des Dousa, mais la mise en avant du soutien assuré par les deux auctoritates philologiques et le motif de l’exhortation à la publication relèvent d’un lieu commun de l’épître dédicatoire, qui participe autant d’une volonté de garantir l’ouvrage contre les critiques que d’une rhétorique de la modestie.
S’il ne sera plus fait explicitement référence à Scaliger dans les paratextes écrits de la main de Franciscus, l’épître ad lectorem précise le rôle de Janus Dousa père, qui sert notamment d’autorité en matière d’ordre de présentation des fragments et donc de conception de l’ouvrage :
Ordinem vides diversum ab eorum [ie Grammaticorum] institutis, quotquot in re simili operam collocarunt, quem tamen de consilio Parentis, ne quis nostram in eo temeritatem accusandam putat, secuti sumus.
Tu vois en effet un ordre qui diffère des enseignements des Grammairiens, aussi nombreux qu’ils aient été à placer leurs efforts dans une entreprise semblable, ordre que cependant nous avons suivi sur le conseil de mon Père, afin que personne ne pense devoir nous accuser à cet égard de témérité.
Plus intéressant encore, on trouve à la fin de l’épître :
Illud praeterea semel te admonitum cupio, ut ubicunque ad oram f. aut, lego, aut, rescribo, aut simile quid adtextum uideris, a Patre id esse scias. Meas enim coniecturas hac nota discreui Fr. D.
En outre, je souhaite que tu sois prévenu pour la suite afin que tu saches que, partout où tu verras en marge f. ou lego ou rescribo ou quelque annotation de cette sorte, cela vient de mon Père. J’ai en effet distingué mes propres conjectures grâce à la note Fr. D.
Les marginalia sont ainsi explicitement attribuées à des auctoritates philologiques extérieures12. Une rapide consultation de l’édition confirme par ailleurs l’écrasante présence de ces annotations allographes : chacune des pages est pleine de corrections, suggestions, remarques qu’il faut attribuer à Dousa père mais également à Scaliger, de sorte qu’on est fondé à se demander qui fait réellement œuvre d’éditeur et quel est le rôle philologique réellement endossé par Franciscus. Cette interrogation se pose avec d’autant plus de force si l’on considère que le parcours philologique de Scaliger et de Dousa père les a depuis longtemps conduits à étudier et corriger les fragments luciliens, préparant ainsi le labor du jeune Dousa.
Peut-être faut-il faire remonter l’intérêt de Janus Dousa pour Lucilius à son voyage à Paris, l’année même où parut l’édition d’Estienne13. Son œuvre philologique démontre du moins qu’il s’y intéressa bien avant l’édition de son fils : en 1580 dans son In nouam Q(uinti) Horatii Flacci editionem commentariolus Dousa père se réfère à un centoni nostro Luciliano. La même année, une lettre adressée à Lipse suggère qu’il s’agissait là d’un écrit ancien : praeter Centonem meum veterem Lucilianum, Varronianas etiam Satyras a capite retractare institi. Dans son édition de Catulle, parue l’année suivante, l’humaniste fait apparaître un fragment de Lucilius cité par Nonius et corrigé par ses soins. En 1582, dans le premier des deux opuscules qu’il consacre à la poésie de Tibulle, Dousa père fait paraître deux de ses Centones Luciliani. L’annonce du chapitre XVII, qui précède le premier centon, montre que s’ils sont l’œuvre d’un philologue et d’un poète humaniste, les centons sont aussi destinés à apporter des contributions sérieuses à l’étude de l’œuvre de Lucilius :
Octo Lucilianae Satyrae Fragmenta haud explicata solum, aut correcta, verum etiam apta rerum verborumque compage in unum quasi Centonem coacta, acconciliata sibi.
Les huit fragments des Satires de Lucilius se donnent à voir non seulement expliqués ou corrigés mais aussi rassemblés en un seul Centon, pour ainsi dire, avec une structure appropriée aux idées et aux mots.
Ainsi, les modifications et corrections qui sont faites sur les fragments de l’un et l’autre centons trouvent leur explication dans les commentaires qui les suivent. Dans l’édition de Catulle par Janus Dousa fils en 1592, on trouve enfin un troisième centon lucilien de Dousa père. Comme le souligne Chris Heesakkers, la remarque qui accompagne le centon semble montrer que Dousa père, au moment de la composition du centon, envisageait sans doute de publier ses corrections au texte de Lucilius accompagnées de ses propres remarques, comme il l’avait fait en 1582 :
In his multa emendatius legi, aliterque quam apud Grammaticos produci vides. sed ea accuratius explicare non est huius loci, et ratio correctionum singularum alibi reddetur.
Ici j’ai lu bien des fragments plus correctement et tu les vois produits autrement que chez les Grammairiens. Mais ce n’est pas le lieu de les expliquer plus précisément et la raison de chaque correction sera donnée ailleurs.
Ces différents écrits, loin d’apparaître comme un simple jeu d’érudit, témoignent ainsi d’une entreprise philologique déjà bien avancée et pour ainsi dire préparatoire à l’édition de 1597. Celle-ci montre d’ailleurs que l’ampleur du travail de Dousa père dépassait largement le cadre des trois centons préalablement cités, puisqu’on y trouve quelques 18 centons composés à partir de 205 vers luciliens. Or, dans l’épître ad lectorem Franciscus souligne qu’il s’agit de travaux antérieurs à l’édition de 1597 (les corrections apportées par Dousa père aux vers des centons apparaîtront d’ailleurs dans les marginalia de chacun des fragments) :
Centones aliquot Lucilianos ex disiunctissimis eius fragmentis a Parente novo quasi ferrumine coagmentatos in calce posuimus, quos ita olim cohaesisse etsi non usque quaque verum, tamen verisimile arbitramur.
Nous avons placé à la fin quelques centons luciliens réunis par notre Père à partir de fragments tout à fait dispersés du poète avec, pour ainsi dire, une nouvelle soudure : qu’ils aient jadis été assemblés de cette manière, même si nous ne pouvons l’affirmer avec certitude, nous le pensons néanmoins vraisemblable.
Quant à Joseph-Juste Scaliger, qui cultiva les dispositions du jeune Franciscus pour les humanités, il avait également porté depuis longtemps son intérêt sur Lucilius. Comme le fait remarquer Anna Chahoud, on trouve dans ses ouvrages savants d’innombrables corrections des vers de Lucilius14. On sait aussi qu’il s’intéressa de près aux textes citant le satiriste, soit que ces travaux publiés en fournissent un témoignage direct15, soit que des annotations manuscrites nous en donnent la preuve16. L’influence de Scaliger sur les orientations littéraires de Franciscus Dousa était donc primordiale et sa participation à l’édition de Lucilius fut sans doute moins passive que ne le laisse entendre Franciscus dans la première épître.
En convoquant les figures de Joseph-Juste Scaliger et de son père, Franciscus Dousa se plaçait sous la tutelle de deux auctoritates reconnues et ayant depuis longtemps porté leur intérêt sur Lucilius, une stratégie destinée à éviter toute accusation de temeritas tout en garantissant sa propre auctoritas philologique. Or, cette stratégie auctoriale produit des effets contrastés. Si le rappel de l’approbation du Scaliger et de l’aide active de Dousa père à l’édition et au commentaire des fragments pousse sans nul doute la République des Lettres à accepter en son sein l’ouvrage édité et à en reconnaître la qualité philologique, elle vient également remettre en cause aux yeux d’une partie de la tradition postérieure l’auctoritas philologique de Franciscus.
Aussi voit-on émerger dans la critique l’idée que l’édition de 1597 fut le fruit d’un travail à six mains. Friedrich Marx écrit par exemple dans ses commentaires aux fragments de Lucilius en 1905 :
Et optima quaeque quae protulit non Francisci, sed aut Iani sunt Dousae aut Scaligeri quorum animorum eruditio egregia in commentario utilissimo ubique est conspicua17.
Et toutes les meilleures lectures qu’il a produites ne sont pas de Franciscus mais soit de Janus Dousa soit de Scaliger, eux dont la remarquable érudition est partout visible dans un commentaire fort utile.
Marx ajoute plus loin qu’il est difficile d’envisager qu’un « adolescens » ait pu produire un travail d’une telle ampleur : Franciscus Dousa a en effet tout juste vingt ans lorsque paraît le monumental travail philologique que constitue l’édition des fragments de Lucilius. Il fut par ailleurs peu prolifique en matière philologique, n’éditant par la suite que les Julii Caesaris Scaligeri epistolae et orationes. Ainsi, alors même que Janus fils (1571-1596), dans l’épître dédicatoire des Fabulae superstites ex recensione Dousica de Plaute (1589), soulignait dans des termes quasi semblables à ceux de Franciscus qu’il fallait considérer que la première personne, dans les marginalia, renvoyait à Janus Dousa père, il ne lui en fut, semble-t-il, pas fait grief :
Quod restat, unum te monitum uelim, Lector, ut ubicunque f. aut lego, aut tale quid Plautino margini adtextum uideris, ea a Patre esse scias : mea enim hac nota posui D. F. nisi quae extra contextum ipsius Plauti sunt18.
Quant au reste, je voudrais seulement, lecteur, te prévenir afin que, partout où tu verras en marge du texte plautinien F. ou lego ou quelque chose de ce genre, tu saches que ces remarques sont de mon père. Pour mes remarques, j’ai en effet utilisé l’annotation D.F., sauf pour celles qui sont extérieures au texte de Plaute.
Si l’ampleur de l’œuvre accomplie par Scaliger et Dousa père interroge le rôle effectif de Franciscus, c’est aussi l’évocation de la figure fraternelle par Franciscus lui-même qui semble desservir la construction d’une solide auctoritas philologique, et ce dès le début de la première épître. Elle s’ouvre en effet sur la déploration du décès de Janus Dousa fils, éminent philologue et successeur de son père à la bibliothèque de l’Université de Leyde, emporté dans la fleur de l’âge l’année précédant la parution du volume19. À propos de son aîné, Franciscus écrit :
Ille enim optimus, ac laudem omnem supergressus frater meus, qui studia nostra in hoc adulescentiae lubrico ordinare, exorbitantem et devium ad rectae rationis callem ducere ac dirigere, haerentem salubribus consiliis confirmare solitus erat, transversa incurrente fatorum invidia nobis eripitur.
Car mon remarquable frère, un homme exceptionnel et surpassant tout éloge, qui avait l’habitude de diriger mes études dans cette période incertaine qu’est la jeunesse, de m’orienter et me ramener dans le chemin de la droite raison quand j’en déviais et m’en écartais et de rassurer le jeune homme hésitant que j’étais par ses conseils salutaires, un coup inopiné du sort l’emporte.
On remarque immédiatement ici les marqueurs encomiastiques qui entourent la figure fraternelle : le pronom-adjectif ille, le superlatif optimus ou encore la formulation supergressus omnem laudem concourent à faire de Janus Dousa fils une figure indépassable. Les verbes qui servent à décrire la fonction de l’aîné auprès de son cadet en font un directeur d’études autant qu’un guide moral (ordinare, ducere, dirigere, confirmare), quand Franciscus Dousa insiste, par contraste, sur sa jeunesse, son inconstance, sa difficulté à ordonner son esprit pour les études. Bien que ces formulations entendent servir tant la rhétorique du deuil que celle de la modestie qui se poursuivra dans le courant de l’épître avec l’évocation de Dousa père et Scaliger, elles donnent aussi à voir en filigrane Franciscus comme un succédané de son aîné.
Ainsi, le rapport aux philologues contemporains place Franciscus Dousa dans une semi-lumière et, revers logique de la médaille, dans une semi-obscurité. En effet, tandis que l’étiquette de « fils de, frère de, élève de » qu’arbore pleinement Franciscus dans ses deux épîtres témoigne d’une volonté de faire rayonner sur sa personne la lumière de philologues tutélaires, sa rhétorique de la modestie peut être lue comme un aveu de son impossibilité à les égaler, une lecture que retient une partie de la tradition. Ce qui apparaît donc singulier ici, c’est qu’en construisant son auctoritas philologique sous l’égide de son père, de son frère et de son maître, Franciscus la déconstruit pour la postérité.
Cet effet de la rhétorique de la modestie et de l’hommage mise en place par Franciscus Dousa dans les épîtres dédicatoires se voit renforcé par les différents poèmes placés en tête de l’édition, qui font presque tous allusion à Janus père et à Janus fils. Ainsi, le second poème dédicatoire de Scaliger évoque l’un après l’autre tous les membres de la famille Dousa pour finir sur l’apport de Franciscus à la République des Lettres. On retrouve la même dynamique chez Paulus Merula (1558-1607), où Franciscus suit l’illustre exemple de son père et de son frère :
Quorum cluet
Pater tuus fraterque cluebat tuus,
Dum fungeretur munere uitae, principes.
Et tu tuos sequutus olim tertius
Miraculum futurus orbi : gratiam
Redantruabit gratus eam Lucilius.
Premiers d’entre eux, s’illustre ton père et s’illustrait ton frère tant qu’il vivait. Et toi, en troisième lieu, ayant suivi les tiens, tu seras le prodige de ce monde : Lucilius plein de reconnaissance te retournera cette faveur.
Dans la constellation des philologues, c’est donc Janus Dousa père qui occupe logiquement la place de princeps, au même titre toutefois que son fils aîné, dont la courte existence n’a pas empêché le rayonnement philologique. Franciscus n’apparaît pas, au sein de la famille Dousa, comme le princeps philologorum, mais comme un tertius philologus20 en devenir, ce dont témoignent les futurs futurus et redantruabit. Reste que ce passage ménage un dernier secours pour renforcer l’auctoritas philologique de Franciscus Dousa, celui de Lucilius : c’est le poète édité qui permettra à Franciscus d’accéder au rang de princeps philologorum.
La résurrection du poète et l’accession du philologue à la lumière
Si les poèmes liminaires rappellent volontiers les illustres mérites de Janus Dousa père et de son fils aîné, ils se concentrent également sur le travail de Franciscus, auquel ils prêtent différents masques. Ainsi, dans le poème de Petrus Scriverius (1576-1660), Franciscus Dousa, par son œuvre philologique, s’engage sur les chemins difficiles et panse les plaies du temps :
Douziacus Labor inprobus omnia uicit,
Huic grave saxosam non fuit ire viam.
Conlegit Tabulas, iunxitque interpole dextra,
Vindiceque adseruit naufraga frusta manu.
Laus Tibi. Tv maculas detersti, ac ulcera texuisti21,
Pene tua totus, Dovza, reuixit ope.
Le travail incessant de Dousa a triomphé de tout, il n’a pas rechigné à emprunter une route caillouteuse. Il a rassemblé les tablettes et les a jointes de sa main réparatrice. Et de sa main vengeresse, il a ramassé les morceaux du naufrage. Louange à toi ! Toi, tu as effacé les taches et pansé les ulcères. Ton secours le fait presque tout entier revivre, Dousa.
Alors que l’image du philologue explorateur22 et celle du philologue curateur23 sont des topoi mobilisés dans les poèmes dédicatoires d’œuvres antiques « complètes », la mention de la recollection et du rassemblement des restes du poème disloqué sont intimement liées au caractère fragmentaire de l’œuvre de Lucilius. Et de fait, comme le fait voir le poème de Paulus Merula, c’est grâce à la collecte des membres arrachés de Lucilius, satiriste victime du temps et d’une forme de mutilation littéraire24, que Franciscus accède à la pleine lumière. Dans le premier poème de Scaliger, Franciscus, en rendant le poète à la vie, surpasse ainsi Cicéron :
Quod docti laceros Lvcili colligit artus
Membra suis reddens singula quaeque locis :
Quae Ciceronis erat, iuuenis nunc ciuica Dovsae ;
Quin maior Dovsae, quam Ciceronis erit.
Eripuit facibus Catilinae Tullius vrbem :
Restituit ciues hic tibi Roma tuos.
Il a rassemblé les membres déchirés du savant Lucilius, remettant chacun à sa place ; la jeunesse citoyenne qui était celle de Cicéron est maintenant celle de Dousa. Bien plus, celle de Dousa sera plus grande que celle de Cicéron. Tullius a arraché Rome aux flambeaux de Catilina, lui t’a rendu, Rome, tes citoyens.
L’édition du satiriste, réparation de l’injure du temps, constitue ici un devoir civique. Si le service que Cicéron a rendu à la République romaine en la préservant de la violence de Catilina est conçu comme politique et salvateur, celui dont s’est acquitté Franciscus auprès de la République des Lettres en restaurant l’œuvre de Lucilius est présenté comme philologique et réparateur. Par cet office, Franciscus s’affranchit de l’ombre que faisait planer sur lui la figure paternelle : il accède même, par comparaison avec Cicéron, au titre de Pater patriae, qui fut précisément décerné à l’Arpinate pour son action lors de la conjuration. Mais son action surpasse même celle du consul : la résurrection qu’accomplit Franciscus en redonnant vie à Lucilius le fait sortir du monde des hommes pour entrer dans celui des héros et des divinités.
Cette image du philologue psychopompe, égal des immortels et des demi-dieux, se déploie pleinement dans le poème de Philibertus Borsalus Mattiacus, où l’entreprise philologique de Franciscus est présentée comme une remontée des Enfers. Le philologue se fait alors double de Diane, d’Hercule et vainqueur d’Orphée25 :
Aemula iamque audit castae tua cura Dianae,
Nec minor illa ausis scilicet Herculeis
Successuque Orphei longe felicior : illaque
Vt res ficta fuit, sic tua facta cluit.
Et déjà ton zèle, émule de Diane, se fait entendre, et il n’est pas moins grand que les prouesses d’Hercule et de loin plus heureux que l’entreprise d’Orphée : et comme le fut cet exploit mythique, le tien, bien réel, est une action d’éclat.
On observe ici le même mouvement de comparaison que dans le poème précédemment cité : d’abord présenté comme égal de la déesse et d’Alcide, Franciscus surpasse finalement par sa réussite le malheureux échec d’Orphée. Dans la reconstruction de Lucilius, toute partielle qu’elle soit, le philologue est celui qui donne un nouveau souffle, qui réveille l’inanimé, qui rend ce qui a été perdu : il est divinité parmi les divinités, héros parmi les héros, mais aussi poète triomphant du princeps poeta. L’entreprise philologique revêt à cette occasion une dimension mystérieuse et devient inaccessible au commun des mortels : Petrus Scriverius, après avoir peint Lucilius s’éloignant sur les routes de l’Enfer, compare ainsi Franciscus à Médée rajeunissant Éson26.
Mais le philologue n’est pas seulement celui qui fait revivre le poète, il est aussi celui en qui le poète revit. Ainsi, Petrus Bertius (1565-1629), après avoir rappelé des exemples célèbres de métempsychose, (Aethalides, Euphorbe et Pyrander ; Empédocle, le poisson et Thamnus ; Ennius, le paon et Homère), imagine un Lucilius réincarné en Dousa :
Te haeredem dicat rediuiuo in corpore forte
Si Lucilius hic se sistat ? scilicet idem
Dousiadae proprium agnoscens in pectore pectus
Exclamet prorsum, similes sic nenu fuisse
Faecundae Ledas geminos, ita totus ad unguem
Et genio geniumque refers, et corpore corpus
Lucili.
Si Lucilius se tenait ici, te déclarerait-il, dans un corpus ressucité, son hériter ? C’est sûr, Lucilius, reconnaissant dans son cœur le cœur de Dousa, s’écrierait certainement que les jumeaux de la féconde Léda ne furent point aussi semblables. Ainsi, tu incarnes tout entier, jusqu’au bout des doigts, dans ton génie le génie de Lucilius et dans ton corps son corps.
Philologue et poète se superposent ici corps et âmes, ce que viennent souligner les polyptotes pectore – pectus, genio – genium et corpore – corpus, une figure que l’on retrouve dans l’Eiudem Empigramma de Petrus Scriverius pour souligner la communauté de condition entre Lucilius et Dousa : Hic Eques illum Equitem tollere dignus erat (« Ce chevalier [ie Dousa] était digne d’élever un chevalier [ie Lucilius] »).
C’est ainsi dans les poèmes liminaires que se construit véritablement l’auctoritas du philologue. Tour à tour reconstructeur, psychopompe, père de la République des Lettres, divinité et héros revenant des Enfers, vainqueur d’Orphée et de Cicéron, réincarnation de Lucilius, Franciscus accède, par son œuvre philologique, à la pleine lumière, par éclairage réciproque entre le satiriste et le philologue.
Conclusion
L’édition de Lucilius par Franciscus Dousa répond à un certain nombre de questions posées dans ce volume : les choix éditoriaux, notamment la place accordée au nom de Dousa sur la page de titre mais également l’explication et la justification de la démarche philologique dans l’épître ad lectorem témoignent d’un nouveau statut du philologue par rapport à l’édition d’Estienne. D’éditeur-collectionneur, l’humaniste devient archéologue, concepteur d’édition et interprète. Toutefois, l’émergence de la figure philologique ne va pas sans poser question. Certes, la construction de l’auctoritas philologique de Franciscus, qui passe par le rattachement aux auctoritates de Scaliger et de Dousa père, permet de saisir la convergence d’intérêt de ces philologues pour le texte de Lucilius, que ce dernier soit conçu comme un ensemble de fragments dans le cadre d’un centon ou comme un ensemble de citations à travers l’étude des textes qui en transmettent les reliques. Mais, dans le même temps, le rappel de ces auctoritates philologiques entraîne pour la postérité la remise en cause de l’autorité philologique de Franciscus, en raison de la place écrasante de Scaliger et de Dousa père dans les marginalia mais aussi du fait de la tension entre la rhétorique de l’éloge et celle de la modestie. À l’ombre des grands philologues, ce n’est que grâce à Lucilius que Franciscus accède véritablement à la pleine lumière. Quelles que soient la nature et la part de sa participation à l’édition, il n’en demeure pas moins le héros qui, par son nom, fait sortir le satiriste de l’Enfer, le magicien qui ranime et fait renaître la vigueur du texte, le reconstructeur qui ramasse ce qui était jusque-là épars, le médecin qui panse les plaies de Rome et de la République des Lettres. À travers l’édition de 1597, c’est donc le princeps satiricus, Lucilius, qui permet la naissance pleine et entière de Franciscus en princeps philologorum.
Notes
- Voir l’édition d’Estienne (Estienne 1564).
- Voir l’édition de Marx (Marx 1904-1905).
- Sauf mention contraire, les traductions sont personnelles.
- Voir la page de titre de l’édition d’Estienne (Estienne 1564) : Vndique a Rob. Stephano summa diligentia olim congesta : nunc autem ab Henrico Stephano eius filio digesta & priscarum quae in illis sunt uocum exposition illustrate : additis etiam alicubi uersibus Graecis quo interpretantur.
- Sur le classement des autres fragments incertains par Dousa, nous renvoyons à Kamphausen 2014 : 100-114.
- Les premiers livres écrits chronologiquement emploient des mètres variés (septénaires et sénaires). Le fragment sur la vertu est quant à lui écrit en hexamètres dactyliques. Il s’agit donc d’un fragment postérieur, appartenant soit au livre XXX des Satires soit à l’un des livres de l’ensemble I-XXI.
- On notera que l’édition de François Charpin octroie le numéro H23 au fragment sur la vertu. Il apparaît donc au milieu des fragments en hexamètres ne pouvant être rapportés de manière assurée à un livre des Satires.
- Franciscus Dousa souligne bien qu’il s’agit d’un parti pris : « Quanquam et alia sunt in his Reliquiis non minus illustria, quae ingenii eius acrimoniam, et doctrinae praestantiam suspiciendam nobis praebeant. » (« Cependant, il y a d’autres parties de ces reliques qui sont tout aussi éloquentes et qui sont propres à nous montrer la finesse de son intelligence et la supériorité de son savoir »).
- Sur la prépondérance, à l’époque républicaine, de la figure de Lucilius comme poète de la libertas en regard de celle d’un Lucilius philosophus ou sapiens, voir Gaucher 2018 : 226-236 et 315-331.
- Peut-être Dousa y fait-il allusion lorsqu’il note dans l’épître Ad lectorem : « Certe non semel illud usu venisse observauimus, ut doctissimi viri nimia ingenii sui fiducia Grammaticorum explanationes negligentes, loca integra nec ullius mendae manifesta contaminaverint, et contra Auctorum sententiam uitiis inquinaverint. » (« Nous avons souvent remarqué que les gens plus instruits, avec une confiance excessive en leur propre intelligence, négligeant les explications des grammairiens, ont altéré ainsi des passages intacts et ne présentant aucun signe de corruption, et ont souillé les textes avec des erreurs, contre la pensée des auteurs »).
- Voir dans l’épître Ad lectorem : « Quippe cum illos etiam ipsos, quibus integra Poetae scripta inspicere contigit, in sensu eorum rimando laborasse, atque ea ex opere toto tanquam minus obuia selegisse videamus. » (« surtout que nous voyons même ceux qui ont eu la chance de consulter les écrits intégraux du poète se battre pour comprendre leur sens et sélectionner à partir de l’œuvre dans son entier ce qui semble moins évident »).
- Sur la formule « A patre id esse scias », voir Heesakkers 2001a : 343-357.
- Sur l’intérêt de Janus Dousa père pour Lucilius, et en particulier sur les centons, voir Heesakkers 2001b : 137-154.
- Chahoud 2001 : 6-8.
- Scaliger édita par exemple des Conjectanea in M(arcum) Terentium Varronem de lingua Latina mais aussi le texte de Festus, chez qui l’on trouve de nombreuses citations de Lucilius. Sur cette dernière édition, voir Grafton 1983 : 135-160.
- C’est par exemple sur l’édition de Nonius Marcellus conservée à la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford. Scaliger lui-même avait d’ailleurs entrepris une édition de Nonius, qu’il fut contraint d’abandonner lorsque Plantin fit paraître une édition de l’auteur que le privilège impérial protégeait de toute concurrence. Sur cette question, voir toujours Chahoud 2001 : 6-8.
- Marx 1904 : CXV.
- Dousa Janus 1589 : 2.
- À la mort du jeune homme, Scaliger écrivit qu’il avait pleuré huit jours durant et Dousa père cessa de s’alimenter pendant trois jours.
- Cette troisième place de Franciscus Dousa se confirme dans le poème de Petrus Bertius : « Macte ergo o inclyte Dousa / Vnica post Ianum spes patris. » (« Bravo donc illustre Dousa, unique espoir de ton père après Janus »).
- Nous corrigeons la coquille texsti.
- Pour l’image du philologue explorateur, on renvoie par exemple au poème de Petrus Bonus dans Lalamantius (Lalamantius 1557) : « Primus inexpertum conscendit classibus aequor / Lalamantus Graio nobilis eloquio./ […] Quin illas Syrtes, atque illa immania saxa, / Perrupit : clausum sic patefecit iter. » (« Célèbre pour son grec, Lalamantus s’est le premier embarqué avec sa flotte sur le flot vierge de toute rame. […] Bien plus, ces bas-fonds et ces rochers monstrueux, il les força : il ouvrit ainsi un chemin jusqu’alors fermé »).
- Pour l’image du philologue curateur, on renvoie à l’épître d’Adrien Turnèbe à Michel de L’Hospital dans son édition d’Eschyle, construite tout entière autour de cette image (Turnèbe 1552). On pourra aussi citer chez Camerarius (Camerarius 1558) : « Nemini inuideo suam famam, ac omnibus potius gratiam habendam iudico, qui uel studio inquisitionis accuratae, uel iudicio coniecturarum eruditarum, Plautinis uulneribus mederi conati fuerunt. » (« Je n’enlève à personne son mérite et je pense nécessaire, plutôt, de remercier tous ceux qui, avec le soin de leurs enquêtes précises ou leur choix judicieux de conjectures savantes, ont entrepris de panser les blessures de Plaute » [traduction Christian Nicolas]). Voir aussi Amherdt 2022 : 211-221 et la contribution du même dans ce volume.
- On trouve dans le poème liminaire de Joannes Meursius : « Non tulit hanc speciem docti mens enthea Dousae, / Atque unde unde potis relliquias legere, / Colligit : et laceros componit sedulus artus. » (« L’esprit inspiré de Dousa ne supporta point cette vue [ie les Muses et la satire en larmes] et d’où qu’il puisse les trouver, il rassembla les reliques et avec diligence reconstitua les membres déchirés »).
- Nous reproduisons également le début du poème : « Qualiter in uitam quodam Latonia uirgo / Hippolitum a mortis limine restitvit ; / Qualiter Alcides memoratur, et Ismarus Orpheus / Traxisse e Stygiis vallibus ad superos, / Functorum ille animas, custode in vincla coacto, / Hic caram infelix cantibus Eurydicem : / Sic tu discerptum iam mille in frusta Poetam, / Cuius scripta unum non nisi vulnus erant, / Ire iter ad vitam, superasque euadere ad auras / Cogis, et hac nostra ponere valle pedem. » (« La vierge Latone a jadis ramené Hippolyte du seuil de la mort à la vie, et on se souvient qu’Hercule et Orphée de l’Ismarus ont ramené des vallées du Styx à l’air libre, le premier les âmes des défunts, après avoir enchaîné leur gardien, le second, malheureux, grâce à son chant, sa tendre Eurydice. De même, toi, tu forces le poète jusqu’alors déchiré en mille morceaux, dont les écrits n’étaient rien qu’une blessure, à prendre le chemin de la vie, à gagner l’air libre et à poser le pied sur notre terre »).
- Voir dans le poème de Petrus Scriverius : « Gaude, Lucili, si quidquam in funere sentis, / Gaude, inquam, vitae spes mihi facta tuae. / Ille tibi vitae munia prisca dedit. / Aesona non aliter solers Medea recoxit, / Quum iuvenem arte sua reddidit ante senem. » (« Réjouis-toi, Lucilius, si tu as quelque sensation dans la mort, / Réjouis-toi, dis-je, j’ai quelque espoir de te voir vivre. / Ce grand homme t’a rendu aux anciens devoirs de l’existence. / L’experte Médée, de la même façon, a rajeuni Éson, / Lorsque par son art elle a rendu la jeunesse à l’ancien vieillard »).