De Gabriel de Mortillet, l’historiographie de l’archéologie a surtout reconnu la figure du préhistorien engagé, radicalement anticlérical et sympathisant historique du mouvement socialiste. Sa bibliographie, considérable, révèle en lui un chercheur passionnément impliqué dans la construction internationale d’une science archéologique d’inspiration résolument matérialiste et laïque1. Mortillet est le défenseur d’une Préhistoire française farouchement universaliste et républicaine, enfin débarrassée des oripeaux du passé – une science neuve en somme. On connaît cependant moins l’homme de musée, si ce n’est par le différend intellectuel qui l’oppose à l’helléniste Alexandre Bertrand (1820-1902), le directeur du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, où Mortillet travaillera plus d’une quinzaine d’années sous son autorité. Il y sera chargé en particulier de la réception des collections, de leur classement et de leur prise en inventaire en vue de leur exposition.
Ce travail de fond n’est guère perceptible dans les publications de Mortillet, mais n’en est pas moins essentiel, en ce qu’il consiste à préparer et à ordonner les matériaux sur lesquels pourront se fonder les démarches classificatoires nécessaires à l’établissement de chronologies générales des temps préhistoriques, qui occupent les chercheurs en cette fin du XIXe siècle. Révélée au milieu des années 1860, l’archéologie des âges du Fer est l’une des dernières, en effet, à être mise en séquences typo-chronologiques – entreprise à laquelle Gabriel de Mortillet va se trouver amené à apporter une contribution déterminante. Son approche “palethnologique” finira néanmoins par être disqualifiée, au profit de démarches plus conventionnelles, prenant appui sur des considérations stylistiques voisines de l’histoire de l’Art.
C’est donc à une histoire des matériaux de l’archéologie des âges du Fer que nous souhaitons convier le lecteur, afin de mieux appréhender dans quel contexte interviennent les contributions de Gabriel de Mortillet à l’établissement d’une archéologie gauloise de l’âge du Fer européen. Cette histoire des choses, sur lesquelles se fondent les idées, prend sa dimension dans la durée, des années 1830 à l’aube de la Première Guerre mondiale : elle procède par accumulation, selon des processus de stratification assez proches de ceux observés en archéologie, qui autorisent les remobilisations des matériaux plus anciens. Prise dans ce mouvement, la contribution théorique relativement tardive de Mortillet y révèle ses limites et ses contradictions, soulevant une question qui n’a jamais perdu son actualité depuis : comment interpréter la temporalité particulière des matériaux archéologiques ?
Le Gaulois invisible
Jusqu’aux années 1860, les Gaulois brillent essentiellement par leur absence. En effet, si, grâce à l’interprétation des sources historiques antiques, l’histoire de la Gaule constitue depuis les années 1830 un sujet d’étude majeur pour les historiens de l’Antiquité2, les vestiges de la culture matérielle des Gaulois restent, en revanche, encore étonnamment discrets. On a bien découvert, pourtant, des objets somptueux d’époque gauloise. À Amfreville-sous-les-Monts (Eure), des travaux effectués en 1841 ont remonté du lit de la Seine un splendide casque en bronze recouvert d’une feuille d’or richement ornementée, à résille de fer à motifs de méandres incrustés d’émail rouge (fig. 1). L’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), qui étudie cette pièce extraordinaire après son arrivée au musée du Louvre, la trouve cependant “d’un travail trop délicat” pour avoir appartenu à une production gauloise3. Une situation identique prévaut en Allemagne, où Ludwig Lindenschmitt (1809-1895), le conservateur du musée romain-germanique de Mayence, attribue les magnifiques pièces d’orfèvrerie celtique découvertes en 1849 et 1851 à Schwarzenbach et Weisskirchen à des créations étrusques ou grecques4.
Dans ces conditions, l’archéologie celtique, ou gauloise, demeure essentiellement l’affaire des numismates. Ces derniers reconstituent les émissions monétaires des différents peuples attestés par les sources antiques ; ils en étudient les relations, grâce à l’étude des motifs de coins qui ont pu circuler entre certains d’entre eux5. En plein essor depuis les années 1840, la numismatique celtique occupe alors, en ces années 1860, une position scientifique centrale6. Elle fournit en effet le cadre méthodologique d’une archéologie gauloise encore en gestation, dans la mesure où l’on ne sait pas identifier la culture matérielle de ces populations antérieures à la conquête romaine. Et, compte tenu des sources historiques, qui sont essentiellement constituées des Commentaires de la guerre des Gaules de César, l’on n’imagine guère l’existence d’une période gauloise antérieure de beaucoup aux événements de la conquête romaine.
Un guerrier antique inconnu
sort du sol à Mondragon (1834)
Des découvertes majeures passent ainsi complètement inaperçues. En 1834, une grande stèle en pierre de 1,92 m représentant un guerrier en armes, debout derrière son grand bouclier, est mise au jour au “quartier dit de Saint-Jean”, où elle a été trouvée tombée d’un “piédestal”. Nous savons aujourd’hui qu’il s’agit d’une sculpture figurant un aristocrate-guerrier d’origine gauloise, datant d’une période située entre la fin du IIe et le début du Ier siècle a.C. (fig. 2).
Des sondages sont effectués en 1844 aux environs de la trouvaille, afin de rechercher la tête manquante de la statue. Ils révèlent la présence de sépultures à incinération associées à des vases en céramique, ainsi qu’à des restes de couteaux et de pointes de lances en fer ; l’ensemble étant daté aujourd’hui du Ier siècle a.C.7. Des récipients en céramique d’époque romaine indiquent néanmoins une poursuite de l’occupation du site funéraire jusqu’au cours du Ier siècle de notre ère8.
Pour les chercheurs des années 1840 et 1850, ce mobilier ne ressemble à rien de connu ; ou plutôt la présence de céramique romaine incite à le placer pendant ou à l’attribuer à l’Antiquité, au sens large. La stèle de Mondragon est déposée alors au musée Calvet d’Avignon, avec le mobilier des fouilles – lequel ne suscite pas l’intérêt des chercheurs, étant donné son caractère atypique pour l’époque. Quant à la stèle, trouvée brisée en deux fragments, elle rejoint les riches collections lapidaires antiques du musée d’Avignon, où elle n’est semble-t-il pas exposée avant les années 18609. On oublie alors la découverte de Mondragon.
Les trouvailles insolites de la Tifenau (1849)
Pourtant, les faits, comme on le sait, sont têtus. À l’été 1849, des travaux routiers effectués aux environs de Berne mettent au jour un ensemble impressionnant d’armes et d’outils en fer. Des fouilles sont entreprises alors en 1850 et 1851. Elles livrent une accumulation de plusieurs centaines de pièces d’armement, parmi lesquelles des épées et des pointes de lances, qui sont associées notamment à des éléments de harnachement de chevaux. Le baron Gustave de Bonstetten (1816-1892), éminent archéologue suisse de renommée internationale, signale cette trouvaille extraordinaire à la communauté scientifique en l’attribuant à la période des invasions barbares du haut Moyen Âge10.
La découverte du “Massenfund” de la Tifenau est donc classée, comme les précédentes, avec celles qui n’ont aucun rapport avec l’antiquité celtique ou gauloise – puisque celle-ci n’existe pas encore, comme entité archéologique. C’est compter sans la perspicacité de l’archéologue bernois Alfred Jahn (1811-1900), qui entreprend un examen détaillé des trouvailles, à la suite de Bonstetten. Parmi les nombreuses ferrailles, Jahn remarque la présence de deux oboles de Marseille, qui ne peuvent dater que de la période préromaine. Il existe aussi des anneaux en verre que le conservateur du musée de Lausanne, l’archéologue Frédéric-Louis Troyon (1815-1866), pense appartenir également à une période antérieure à la conquête romaine. Mais surtout, souligne Jahn, les épées à lame à deux tranchants, trouvées à la Tifenau évoquent directement les mentions des auteurs de l’Antiquité qui, tels Polybe ou Diodore de Sicile, avaient décrit les armes gauloises11. Pour Jahn, la datation de ce matériel est évidente : ce sont les vestiges d’une bataille, qui doit être en relation avec l’invasion des Cimbres et des Teutons, à la fin du IIe siècle a.C.12. Mais personne ne l’écoute ; c’est la voix de Bonstetten qui fait alors autorité.
Une pêche miraculeuse à La Tène (1857)
En ces années 1850, c’est de Suisse que viennent les révélations de l’existence d’une période archéologique celtique, ou gauloise, antérieure de plusieurs siècles à l’époque de la conquête césarienne de la Gaule. En novembre 1857, le colonel Friedrich Schwab (1803-1869), grand amateur de chasse et collectionneur “d’antiquités lacustres”, a chargé son pêcheur professionnel, du nom d’Hans Kopp, d’aller “pêcher” pour lui des vestiges néolithiques à Concise, sur le bord du lac de Neuchâtel, afin d’alimenter sa collection (fig. 3).
En route, “Hansli” découvre avec sa barque un groupe de pieux en bois qui signent la présence d’un nouveau site lacustre dans la baie dite de La Tène, à Marin. À cet endroit, des objets parsèment le fond peu profond du lac. En moins d’une heure, Kopp remonte une quarantaine de pièces en fer, parmi lesquelles des épées et des pointes de lance. On y remarque également quelques outils, comme des haches ou des faucilles.
L’usage exclusif du fer, qui détonne avec le mobilier des stations lacustres connues jusqu’alors, évoque une période récente, en tout cas postérieure aux temps préhistoriques. C’est ce que semble indiquer pour sa part l’excellent état de conservation du matériel. Le grand spécialiste d’archéologie lacustre Ferdinand Keller (1800-1881), auquel ces trouvailles sont communiquées, le confirme : pour lui, le matériel de La Tène est un mobilier tardif, sans doute gallo-romain, si ce n’est médiéval13.
L’hypothèse du Docteur Desor (1860)
Il semble donc, une fois encore, que le mobilier archéologique d’époque gauloise soit destiné à s’effacer, pour rejoindre les marges de l’Antiquité. Or, le hasard veut que Marie Kopp, la sœur de Hansli le pêcheur, soit la cuisinière du naturaliste Édouard Desor (1811-1882), établi à Neuchâtel. En 1846, Desor avait effectué un séjour scientifique en Scandinavie, où il avait rencontré le célèbre conservateur du musée de Copenhague, Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865), connu alors pour être l’un des inventeurs du système dit des Trois Âges – selon lequel un âge de la Pierre originel aurait été suivi par un âge du Bronze, puis par un âge du Fer14. Revenu en 1852 d’un séjour en Amérique, Desor s’était naturellement intéressé aux découvertes lacustres suisses, qui se multipliaient au cours des années 185015.
Lorsque Marie lui parle des extraordinaires découvertes de son frère, en rapportant pour le dîner un beau poisson qu’a pêché Hansli, Desor commence à s’intéresser à ces trouvailles atypiques de La Tène. Depuis son retour de Scandinavie, le naturaliste est persuadé que les “antiquités lacustres” de Suisse reproduisent la succession des Trois Âges mise en évidence dans les pays du Nord. Ainsi, le mobilier en fer découvert par Hans Kopp à La Tène devrait-il logiquement appartenir à la période postérieure à l’âge du Bronze. Prenant place à l’intérieur, en quelque sorte, d’un “faciès lacustre” caractéristique des lacs suisses, le mobilier de La Tène appartiendrait au dernier des Trois Âges identifié par les Scandinaves ; c’est-à-dire à l’âge du Fer16.
Par conséquent, il devrait nécessairement s’agir d’un mobilier antérieur à l’époque romaine, contrairement à ce que prétend Keller, le rival scientifique de Desor. C’est là une hypothèse intéressante, mais que rien cependant ne permet alors de démontrer, en l’état des données. En ce début des années 1860, on ne connait pas en effet de trouvailles équivalentes, que l’on pourrait directement comparer à celles de La Tène, que ce soit en Allemagne ou en France.
Hallstatt fait de la résistance
Mais surtout, la place de l’âge du Fer est déjà prise, en quelque sorte, par l’époque dite de Hallstatt. Depuis la fin des années 1850, les trouvailles spectaculaires de la nécropole du Salzberg, en Basse-Autriche, sont désormais largement connues de la communauté scientifique européenne. Les chercheurs s’accordent alors à considérer que ce riche ensemble de matériel identifie la période de l’âge du Fer, qui a succédé à celle de l’âge du Bronze. On reconnaît la présence de types d’objets apparentés à ceux trouvés à Hallstatt dans le mobilier des sépultures sous tumulus du nord-est de la France, notamment en Alsace, Lorraine et Bourgogne.
En Europe de l’Ouest, la période de Hallstatt apparaît donc correspondre à une “époque des tumulus”, qui en serait contemporaine. Néanmoins, la datation de cette période de l’âge du Fer reste encore assez vague ; et la plupart des chercheurs envisagent qu’elle ait pu se prolonger assez loin jusqu’à l’aube de la conquête romaine. D’un côté, le matériel de La Tène ne correspond pas du tout à celui de Hallstatt et, de l’autre, il n’y a guère de place pour un nouvel âge du Fer dont personne ne trouve alors d’équivalents aux trouvailles de Schwab et Desor. Faute de mieux, le maintien du statu quo s’impose donc.
Aurait-on retrouvé les Helvètes de César (1859) ?
Mais pourrait-on découvrir les traces de ces Gaulois, dont les Commentaires de Césarretracent les combats, au moment de la conquête romaine ? C’est l’un des objectifs de la Commission de Topographie des Gaules, instituée en 1858 par Napoléon III17. En 1859, l’archéologue et numismate Félicien de Saulcy (1807-1880), qui préside la CTG, entreprend des fouilles dans les tertres funéraires du plateau des Chaumes d’Auvenay, à Ivry-en-Montagne (Côte-d’Or). C’est dans ce secteur qu’une tradition savante, héritée des travaux des Antiquaires du XVIIIe siècle, situe l’emplacement de la bataille de 58 a.C., qui avait porté un coup d’arrêt à la grande migration des Helvètes. Or le mobilier découvert aux Chaumes d’Auvenay, qui comporte notamment un couteau à poignée à œillet, ainsi qu’une série d’épingles à tête vasiforme, le tout en bronze, évoque directement le matériel des lacs suisses identifié comme appartenant à la période dite “helvétienne” par Troyon18.
C’est bien la preuve, pense-t-on, que les tertres funéraires d’Ivry-en-Montagne ont été édifiés par les Helvètes mis en déroute par César19. Mais les fouilles des Chaumes d’Auvenay apportent une autre révélation – du moins le croit-on : puisque les tombes appartiennent, d’après les sources historiques, aux environs du milieu du Ier siècle a.C., elles permettent d’observer l’état de civilisation des Gaulois à cette période. On peut voir ainsi que le mobilier “helvétien” de ces sépultures est essentiellement composé d’objets en bronze. Les fouilles ont livré cependant un bracelet de fer d’un type analogue aux exemplaires en bronze ; ce qui indique que ces tombes attribuables aux Helvètes de César se placent à l’articulation de l’âge du Bronze à l’âge du Fer, laquelle n’interviendrait “guère… moins haut que le commencement de notre ère”20. Il faut donc en déduire que les Gaulois contemporains de la Guerre des Gaules ne connaissaient alors qu’un armement en bronze21.
Nous savons aujourd’hui que, si les tombes des Chaumes d’Auvenay se situent bien aux alentours de la transition de l’âge du Bronze à celui du Fer, elles sont cependant antérieures de près d’un millénaire à la période de la conquête de la Gaule – puisqu’elles datent de la fin du Bronze final, entre la fin du IXe et le début du VIIIe siècle a.C.22. Mais en ces années 1860, leur découverte conforte les chercheurs dans l’idée que la période “celtique” de l’âge du Fer de type hallstattien a pu se prolonger très tardivement jusqu’au Ier siècle a.C. et surtout que des trajectoires chronologiques très différentes aient pu se développer dans diverses régions. On n’est donc pas prêt d’accepter la thèse de Desor au-delà du lac de Neuchâtel.
Une trouvaille sensationnelle
à Alise-Sainte-Reine (1860)
Une autre découverte va bientôt éclipser celle des sépultures “helvétiennes” des Chaumes d’Auvenay. En novembre 1860, la Commission de Topographie des Gaules est avertie de la nouvelle d’une trouvaille extraordinaire, qui vient d’être faite au pied du Mont-Auxois, où la tradition savante situe l’emplacement du site d’Alésia23. Sur les terres de la Ferme de l’Épineuse, des ouvriers qui creusaient un fossé de drainage ont découvert une fosse contenant des armes et des outils en bronze, qui pourraient être ceux des Gaulois ayant combattu aux côtés de Vercingétorix. Les objets sont en effet très proches de ceux trouvés aux Chaumes d’Auvenay : en plus d’une épée, il s’y trouve un couteau et une épingle à tête vasiforme en bronze, qui sont analogues aux pièces des lacs suisses attribuées à la période “helvétienne” de Troyon.
Cette découverte inespérée apporte la preuve, considère-t-on alors, que ces éléments sont bien d’origine gauloise et qu’ils datent effectivement de la période de la conquête romaine, comme avaient permis de l’établir les trouvailles “helvétiennes” des Chaumes d’Auvenay. Ainsi, la présence de cet armement gaulois en bronze constitue-t-elle – du moins le pense-t-on – un élément de démonstration indubitable en faveur de la localisation du siège d’Alésia à l’emplacement du site du Mont-Auxois. C’est pourquoi l’empereur Napoléon III, qui prépare la publication d’un livre sur Jules César (Napoléon 1865-1866), charge ses archéologues de la CTG d’entreprendre des fouilles au voisinage de la trouvaille de l’Épineuse, pour y rechercher le système de fortifications mis en place par César et en dresser le plan. Les chercheurs sont sur place moins de six mois après l’annonce de la découverte et se mettent à l’ouvrage en faisant réaliser des tranchées autour du lieu de découverte des armes de l’Épineuse.
Au début des années 1860, les chercheurs français pensent qu’ils sont parvenus à reconstituer l’équipement des guerriers gaulois contemporains de la Guerre des Gaules. Ils sont convaincus que ceux-ci combattaient avec un armement en bronze, identique à celui de la trouvaille de l’Épineuse, et que les trouvailles “helvétiennes” des lacs suisses permettraient effectivement de dater des environs du Ier siècle a.C. Aussi, lorsqu’en 1862 Napoléon III confie au sculpteur Emmanuel Fremiet (1824-1910) le soin de produire une reconstruction historique d’un “chef gaulois” contemporain de la conquête de César, celui-ci l’équipe d’un ensemble de mobilier en bronze aujourd’hui parfaitement bien daté de la période de la fin du Bronze final, dans le courant du VIIIe siècle a.C. : outre un casque à crête villanovien, le Gaulois de Fremiet porte une cuirasse du type de celle de Véria (Jura), ainsi qu’une épée à poignée à antennes recourbées d’Italie du Nord24.
Où sont passés les Gaulois ?
La déception des fouilles d’Alise (1861-1864)
À Alise-sainte-Reine, après des débuts particulièrement laborieux, on a décidé de changer de méthode de fouille, au printemps 1861. Plutôt que de réaliser des fouilles “à l’aveugle”, les fouilleurs ont résolu de creuser une grande tranchée d’exploration partant de la plaine et se dirigeant vers le plateau du Mont-Auxois : si les fossés de César sont bien là, on finira, pense-t-on, par les rencontrer à un endroit quelconque25. Cette nouvelle stratégie s’avère payante ; à environ 300 mètres de la ferme de l’Épineuse, au pied de la côte, la tranchée fait apparaître un grand fossé comblé, dont le remplissage de terre sombre tranche sur le terrain géologique en place.
Tranchées après tranchées, les fouilles d’Alise identifient le passage des fossés romains, dont le réseau s’étend au total sur plus de 30 kilomètres de longueur26. Bientôt, les fouilles commencent à livrer de nombreuses monnaies gauloises et romaines, ainsi que des restes d’armement en fer : ce sont des centaines de pointes de lances et de pilums, de pointes de flèches et de traits de baliste, d’épées… mais aucune pièce d’armement en bronze. Ainsi, à mesure que le matériel s’accumule – et notamment les monnaies gauloises, dont on recueillera en tout près de 500 exemplaires – une question embarrassante se pose avec de plus en plus d’insistance : où sont donc les armes gauloises qui, étant donné l’état des forces en présence sur le site, devraient être au moins aussi nombreuses que celles des Romains27 ? Et pourquoi, alors que l’on approche de la restitution du tour complet des lignes de siège romaines, persiste-t-on à n’en trouver aucune ? (fig. 4)
Reffye identifie l’armement gaulois d’Alésia (1864)
Il faut parallèlement s’occuper de la constitution des collections du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, dont la création a été décidée en 1862 par Napoléon III. Dès l’annonce de leur découverte, les grands musées européens, comme le British Museum ou le musée romain-germanique de Mayence, s’étaient intéressés aux trouvailles spectaculaires de La Tène, qu’ils avaient rapportées au haut Moyen Âge. Leurs émissaires avaient rencontré Schwab, pour solliciter la réalisation de moulages ou la cession de pièces représentatives de sa splendide collection. Dernier né des grands musées nationaux d’archéologie, Saint-Germain n’avait pu alors se porter sur les rangs.
Ce n’est qu’en décembre 1863 que l’ingénieur militaire Jean-Baptiste Auguste Verchère de Reffye (1821-1880), officier d’ordonnance de Napoléon III en charge de l’archéologie, se rend lui aussi à Bienne (fig. 5). Il a reçu pour mission de négocier au nom de l’empereur la réalisation de moulages de la collection Schwab au profit du futur musée de Saint-Germain. À ce moment, Reffye prépare la publication des armes antiques extraites des fouilles d’Alise, dont il est chargé de l’étude28. À son atelier expérimental de Meudon, il travaille notamment à la reconstitution de l’armement balistique romain, et au test de ses performances de tir29.
En découvrant chez Schwab les épées de La Tène, Reffye est frappé par leur ressemblance avec celles d’Alésia : ce sont les mêmes fourreaux assemblés en tôle de fer, les mêmes lames à double tranchant, les mêmes poignées à soie de section rectangulaire. Comme Reffye en a maintenant la certitude, cet armement n’est ni gallo-romain ni même médiéval, mais bien gaulois, puisque l’on trouve le même sur le site de la bataille d’Alésia. Ceci confirme pleinement la théorie de Desor, mais les rapprochements établis par Reffye permettent d’aller plus loin : les trouvailles d’Alise fixent au milieu du Ier siècle a.C. la datation des armes de La Tène, lesquelles, en retour, authentifient les pièces d’armement trouvées à Alise comme étant bien d’origine gauloise30.
Le principe des datations croisées commence ainsi à se mettre en œuvre. Il apparaît clair, dorénavant, que l’armement en fer des fossés d’Alésia n’est pas exclusivement romain – comme on le croyait jusqu’alors – mais que les grandes épées à fourreau en tôle de fer sont de fabrication gauloise. Contrairement à ce que l’on avait envisagé, l’âge du Bronze était donc fini depuis longtemps au moment où César avait pénétré en Gaule : les Gaulois, souligne Reffye, maîtrisaient alors pleinement la sidérurgie31. Ils étaient donc déjà à l’âge du Fer, mais lequel – puisqu’il ne peut pas s’agir de l’époque hallstattienne ?
Les tombes gauloises de la Marne (1864-1865)
Les événements vont se bousculer dans les mois suivants, au cours de l’année 1864. À la fin avril, tandis que les négociations avec le colonel Schwab s’enlisent, son concurrent Édouard Desor saisit l’occasion de faire (re)connaître le résultat de ses recherches en communiquant au cabinet de Napoléon III les conclusions de ses travaux personnels sur le site de La Tène. La réaction de l’empereur est immédiate : Desor se voit proposer l’acquisition de sa collection pour la somme, alors considérable, de 4000 francs. Constituant le pendant des trouvailles d’Alésia, les découvertes de La Tène sont destinées ainsi à former un des grands fleurons du futur musée des Antiquités nationales, dont l’ouverture au public est prévue trois ans plus tard, pour accompagner la tenue à Paris de l’Exposition universelle de 186732.
Dans le même temps, la conservation du musée de Saint-Germain est informée, en mai 1864, d’une découverte, qui était passée d’abord relativement inaperçue. Depuis quelques années, un cultivateur du village de Saint-Étienne-au-Temple (Marne), un dénommé Denis Machet (1825-1867), exhume des sépultures antiques associées à “des armes, des colliers, des fibules, des urnes, etc.”33. En l’espace de près d’une vingtaine d’années, Machet a fouillé environ 350 tombes. Le site exploité par ce fouilleur solitaire renferme différents groupes de sépultures, dont le plus important est constitué d’environ 300 inhumations d’époque romaine. Mais d’autres ensembles de tombes se distinguent des premières. Elles contiennent des inhumations portant des “colliers”, ainsi que des fibules ou des bracelets en bronze. Des vases en terre noire accompagnent les corps. Surtout, certaines sépultures renferment des squelettes de guerriers enterrés en armes. Leur équipement est constitué d’épées et de pointes de lances en fer, qui sont absentes du mobilier des tombes d’époque romaine.
Lorsque de nouvelles tombes à armement en fer sont découvertes à Saint-Étienne-au-Temple au début de l’année 1865, Alexandre Bertrand – le secrétaire de la CTG et désormais conservateur du musée des Antiquités nationales – décide d’y réaliser des fouilles pour le compte du musée de Saint-Germain (fig. 6). Quatre sépultures sont ouvertes en mai 1865, avec la collaboration de Machet. L’une d’elle est une tombe de guerrier, inhumé avec une épée en fer placée dans un fourreau en tôle de fer, avec les restes de son bouclier, déposé sur l’emplacement du corps (fig. 7). Ce sont les toutes premières sépultures que l’on identifie en Europe comme étant d’origine gauloise. Comme l’observe alors Reffye, le mobilier recueilli “établit que les tombes de Saint-Étienne appartiennent à l’époque gauloise et semblent remonter à une époque antérieure à la conquête romaine”34. Elles seraient donc plus anciennes que les découvertes d’Alésia.
Une époque gauloise de l’âge du Fer (1864-1866)
Mais c’est surtout l’arrivée à Saint-Germain, en juin 1866, de l’impressionnante statue du musée Calvet à Avignon, dont Napoléon III a ordonné la reproduction au profit du musée des Antiquités nationales, qui va définitivement authentifier l’origine gauloise des tombes de Saint-Étienne-au-Temple. Alexandre Bertrand y reconnaît immédiatement l’équipement du guerrier gaulois, tel qu’il est décrit par Diodore de Sicile. Plus précisément, il observe que le relief de Mondragon reproduit la disposition de l’armement du guerrier gaulois dont il a fouillé la tombe en avril 1865. Comme il l’a noté sur le terrain, le mort avait été enterré avec son épée placée au côté droit et son bouclier déposé sur le corps35. Diodore mentionne également la présence de fibules fermant le manteau, ou la saie, des guerriers gaulois. Or, ce type de pièce a bien été retrouvé sous la forme d’un exemplaire en fer dans la tombe du guerrier gaulois de Saint-Étienne-au-Temple.
Comme le relève Bertrand, les trouvailles de l’archéologie sont donc confirmées par les représentations iconographiques de l’Antiquité ; les unes et les autres se trouvant corroborées par les indications des sources historiques antiques. Pour Bertrand, c’est là un élément de démonstration irréfutable, qui permet enfin de caractériser les sépultures de la Marne comme étant véritablement d’origine gauloise. Une nouvelle période archéologique – que l’on ne connaissait auparavant que par les sources historiques – vient d’être mise en évidence, sans que les préhistoriens aient pu l’anticiper36.
Un ensemble de parentés relient donc, de proche en proche, les armes d’Alise à celles de La Tène et au mobilier des tombes de Saint-Étienne-au-Temple. Ces corrélations identifient un même horizon, de nature à la fois technologique et stylistique, qui est clairement séparé de celui de l’époque des Tumulus ou de la période de Hallstatt. Il faut donc désormais insérer une nouvelle période, entre l’époque de Hallstatt et la conquête romaine : c’est l’époque gauloise, que les chercheurs du musée de Saint-Germain proposent d’appeler également période“marnienne” – puisque c’est dans cette région du sud de la Champagne que son existence a été révélée.
L’âge du Fer à l’exposition
sur l’Histoire du travail (1867)
En mai 1867, les visiteurs qui se rendent à l’exposition universelle de Paris, déployée sur l’esplanade du Trocadéro, et ceux qui font le voyage en train jusqu’à Saint-Germain, pour visiter le musée des Antiquités nationales, découvrent deux présentations différentes de l’âge du Fer. Au Trocadéro, l’exposition consacrée à “l’Histoire du travail”, qu’a conçue Gabriel de Mortillet, ignore les découvertes de Saint-Étienne-au-Temple, ou du moins n’en fait pas une période archéologique à part entière.
En revanche, la “première époque du fer” y est représentée par le mobilier funéraire des tumulus d’Alsace et de Lorraine37. À cette période, est placé un ensemble constitué par des torques à disques associés à des bracelets en bronze découverts en Allemagne – lesquels sont datés aujourd’hui du IVe siècle a.C. – et que Mortillet rapproche d’une trouvaille équivalente, provenant du cimetière de Saint-Remy-sur-Bussy (Marne), aux environs du Camp de Chalons38. Or ces objets champenois sont exposés au musée de Saint-Germain comme étant “gaulois” ; c’est-à-dire postérieurs à l’époque de Hallstatt.
Pourquoi un tel décalage ? Selon Mortillet, la situation chronologique de l’âge du Fer est claire : comme il l’a déjà expliqué, à cette “première époque du fer”, qui correspond à l’époque des tumulus du nord-est de la France, succède, peu avant la conquête romaine, une “époque des monnaies”, à laquelle se rattachent les trouvailles d’Alésia, de la Tiefenau et de La Tène39.
“Cette date est d’autant plus certaine, souligne Mortillet, que M. Desor nous montre un emblème gaulois sur le fourreau d’une épée, et que des monnaies gauloises, mêlées à tous ces objets de fer, peuvent leur servir d’état civil40.”
En bon géologue, Mortillet raisonne de manière stratigraphique, en privilégiant l’étude des contextes. Les tertres funéraires du nord-est de la France sont effectivement édifiés pour des sépultures appartenant à l’époque de Hallstatt, mais ils continuent néanmoins d’y recevoir des tombes, qui sont notamment identifiées par des assemblages à parures annulaires de torques et de bracelets. Pour Mortillet, tout cela appartient à la même phase chronologique. En revanche, le mobilier de La Tiefenau, La Tène et Alésia est absent des tumulus ; il appartient donc à une phase postérieure, laquelle constituerait l’époque gauloise à proprement parler.
La Salle du Fer du musée de Saint-Germain
Parcourant les grandes salles voûtées du musée des Antiquités nationales, qui vient tout juste d’ouvrir au public, les chercheurs découvrent une tout autre vision de l’âge du Fer, due à Alexandre Bertrand (fig. 8). Les antiquités gauloises du site d’Alésia y sont présentées à part, dans la Salle de Mars, avec “tous les objets qui se rapportent aux campagnes de César dans les Gaules”. Au second étage du musée, la “salle du fer”, qui fait suite à la “salle du bronze”, est organisée en deux parties distinctes. Une première série de vitrines rassemble des mobiliers issus d’un ensemble de tumulus fouillés en Alsace, en Bourgogne et dans la vallée du Rhône ; ces ensembles étant attribués à la “première époque du fer ou époque d’Hallstatt41”. Cela demeure cohérent avec la présentation de Mortillet au Trocadéro.
Cependant, passé ces vitrines, le reste de la Salle du Fer est consacré à “l’époque gauloise proprement dite” ; c’est-à-dire à “la Gaule avant les Romains42”. Y sont présentés les mobiliers funéraires des nécropoles de la Marne. On y voit une série de céramiques, puis un ensemble d’éléments de parures et d’armement composé de :
“… poignards, torques, bracelets, boutons-ornements, boucles d’oreilles, chaînes, ceintures, fibules diverses dont deux accouplées par une chaînette, et surtout un umbo fort remarquable, en tout semblable à celui qui garnit le bouclier du soldat gaulois du musée Calvet à Avignon. Afin de mieux faire saisir ce rapprochement, le moulage de cette statue est placé au milieu de la salle43.”
Ainsi, la présentation de Saint-Germain, qui prend en compte les nouvelles séries issues des nécropoles “gauloises” de Champagne, distingue-t-elle la période hallstattienne proprement dite (représentée par le mobilier des tumulus), d’une période gauloise encore mal calée chronologiquement (identifiée par le mobilier des nécropoles de la Marne), laquelle est suivie d’une période contemporaine de la conquête romaine, illustrée par le mobilier des fouilles d’Alésia. À Paris et à Saint-Germain, Mortillet et Bertrand incarnent deux conceptions différentes des matériaux archéologiques – l’une inspirée des méthodes des sciences de la Terre, l’autre fondée sur les corrélations fournies par les sources historiques. À bas bruit, le “culturalisme”, d’inspiration historiciste, est en train de s’imposer face à l’évolutionnisme défendu par Mortillet.
Historique ou préhistorique ?
Les débats sur l’âge du Fer au Congrès de Paris
Au Congrès d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques, qui se tient à Paris en 1867, la question de la “première époque du fer” domine les débats de la séance du soir du mercredi 28 août, organisée à la Société d’Anthropologie de Paris, une semaine après la visite du musée de Saint-Germain. Gabriel de Mortillet ouvre la discussion. D’après lui, il faut aborder ce problème de chronologie culturelle selon les “procédés si précis et si exacts de la géologie”, en étudiant notamment la stratigraphie des gisements44. Or, les terramares d’Italie “montrent les industries des diverses époques primitives stratifiées et régulièrement superposées45”. Qu’y voit-on ? Mortillet répond :
“Eh bien ! à l’industrie de l’époque de la pierre succède le bronze pur, qui se maintient pendant un temps fort long, puis apparaît le fer, mais sans monnaies, sans inscriptions, et même sans représentations d’êtres organiques, dessins, gravures et sculptures. Ces représentations ne se montrent que beaucoup plus tard ; pourtant, elles précèdent encore l’époque étrusque. La première époque du fer est donc une époque bien déterminée, essentiellement préhistorique. S’il en est ainsi pour l’Italie, à plus forte raison doit-il en être de même pour le reste de l’Europe46.”
Mortillet souhaite s’en tenir à sa méthode chrono-stratigraphique, grâce à laquelle il a élaboré la chronologie générale des temps préhistoriques, en particulier du Paléolithique. Mais cette position de principe se heurte désormais aux données archéologiques, qui commencent à s’accumuler dans les différents pays d’Europe. L’érudit Augustus Wollaston Franks (1826-1897), qui dirige le département des antiquités médiévales et des collections ethnographiques du British Museum, lui objecte ainsi qu’il lui paraît “difficile de traiter la question du fer sans entrer dans les temps historiques” ; car en Angleterre, par exemple, les témoignages de l’âge du Fer ne semblent “pas remonter à plus de 200 ans avant notre ère47”. Dans ce cas, ne faut-il donc pas envisager une trajectoire chronologique différente pour les Îles britanniques ?
Mortillet repousse les conclusions des “archéologues classiques”, qui produisent, selon lui, des périodisations artificielles à partir de méthodes dénuées de fondements scientifiques. Pour lui, l’âge du Fer ne peut être que pré-étrusque, car c’est ce que démontre la chrono-stratigraphie, laquelle devrait constituer la base de tout raisonnement archéologique. Mais il n’est pas qu’en Grande-Bretagne que le principe d’une chronologie préhistorique universelle est mis à mal. En Suisse, Desor “reconnaît deux époques du fer préhistorique, l’époque gauloise, dont fait partie le palafitte de La Tène, et une époque plus ancienne, qui correspond à celle d’Hallstatt”. Mais, précise-t-il, celui-ci “présente la question surtout au point de vue lacustre48” – c’est-à-dire qu’il ne préjuge en rien de la situation au-delà des lacs suisses. Tard dans la soirée, les chercheurs se sépareront sans être parvenus à trouver un accord sur la question : y-a-t-il un ou deux âges du Fer avant la période de la conquête de la Gaule ?
La nouvelle chronologie gauloise de Mortillet (1869)
Recruté au musée de Saint-Germain en 1866, pour y inventorier et classer les collections, Mortillet est frappé par “l’insuffisance des classifications” mises en œuvre pour ordonner la présentation des séries archéologiques, lesquelles lui apparaissent “divisées d’après les méthodes littéraires ou historiques, seules connues des archéologues classiques49”. C’est le début d’un conflit intellectuel avec Alexandre Bertrand, à qui Mortillet dispute la légitimité d’une démarche typo-chronologique indispensable au classement des collections en vue de leur exposition. Selon lui, il s’agit de “faire abstraction de toute conception théorique” et de “tout baser sur l’observation directe des faits”, avec “un esprit libre de toute idée préconçue50” : autant dire se détacher complètement des données historiques.
Pourtant, au contact des collections, Mortillet va se trouver contraint de faire évoluer les positions qu’il avait exprimées quelques années plus tôt dans sa “chronologie gauloise” de 186651. Dans son premier guide du Musée des Antiquités nationales, paru en 1869, il distingue désormais, pour ce qui concerne les séries de l’âge du Fer, une période gauloise identifiée par les ensembles funéraires découverts aux environs du Camp de Chalons, dans la Marne – en précisant toutefois que cette série “n’est point encore classée52”. À cette époque gauloise postérieure à la période hallstattienne de la “première époque du fer” sont maintenant rattachées les trouvailles du site de La Tène53.
L’Italie montre la voie
Mortillet est un familier de l’archéologie italienne, où il a travaillé, entre 1857 et 1862, à la construction des chemins de fer, avant de revenir à Paris en 1864. Lorsque son ami italien Giovanni Gozzadini (1810-1887) publie, en 1870, les fouilles du cimetière de Marzabotto, dans l’Apennin54, il est surpris d’y découvrir, mêlés à une surabondance d’éléments étrusques “quelques objets franchement gaulois”, comme des pièces d’armement similaires à celles trouvées dans les cimetières de la Marne55.
Une des tombes fouillées parait être la transposition directe, sur le sol italien, d’une des sépultures de guerrier gaulois de Champagne ; on y retrouve l’épée à fourreau en fer, à entrée campaniforme, et la pointe de lance foliacée à douille à rivets. Les parallèles sont si frappants que Mortillet fait figurer, côte à côte, une épée de Marzabotto et une autre provenant des fouilles de 1865 à Saint-Étienne-au-Temple, qui semblent la copie directe l’une de l’autre56 (fig. 9). Au milieu de ces populations étrusques, se trouvaient donc des Gaulois, émigrés du Nord des Alpes – peut-être des Sénons, “comme l’ont prétendu quelques auteurs anciens ?”, s’interroge maintenant Mortillet57.
Mais, pour indubitable qu’il soit, ce phénomène étonnant ne devrait pas se produire. Dans sa thèse de doctorat qu’il vient de publier en 1869, l’archéologue suédois Oscar Montelius (1843-1921) s’est fondé sur le mobilier de la nécropole de Hallstatt pour établir la chronologie du début de l’âge du Fer en Europe occidentale. Ses recherches l’ont amené à dater les tombes du Salzberg de la seconde moitié du Ier millénaire a.C., voire plus probablement des IVe et IIIe siècles a.C.58. La période des tumulus devrait donc se prolonger au moins jusqu’à cette date, comme la plupart des chercheurs en sont alors convaincus – Mortillet en tête. Comment se fait-il alors que l’on trouve des Gaulois en Italie, entre le Ve et le IVe siècle a.C., puisque ceux-ci sont nécessairement postérieurs à la période de Hallstatt ? Faut-il envisager des évolutions différentes selon les régions d’Europe – ce qui ruinerait tout l’édifice intellectuel conçu par Mortillet ? Ou bien est-ce un problème de chronologie, encore mal fixée ?
Les révélations du Congrès de Bologne (1871)
Il faut attendre la tenue, en octobre 1871, du Congrès international d’Archéologie et d’Anthropologie préhistoriques à Bologne pour que cette situation d’impasse puisse enfin trouver une issue. Les travaux des chercheurs italiens permettent en effet de préciser la position chronologique des ensembles funéraires d’Italie du nord par rapport aux séries protohistoriques d’Europe nord-alpine. Plus précisément, le mobilier de la fameuse nécropole de Villanova à Bologne, dans lequel s’observent des parentés évidentes avec le matériel des tombes de Hallstatt, est désormais fixé “à IX ou X siècles, et même plus, avant J.-C.” – c’est-à-dire entre “la fin de l’époque du bronze et le premier âge du fer59”.
Les ensembles funéraires des nécropoles de la Certosa et de Marzabotto, qui leurs sont postérieurs, sont attribués pour leur part à la période étrusque, entre le Ve et le IVe siècle a.C., comme l’a établi Gozzadini. Sur place, les membres du congrès se rendent à Marzabotto, où ils visitent le “musée de la nécropole” (fig. 10). Mortillet et Desor y sont frappés par la ressemblance d’une partie du mobilier italien avec celui provenant des sites de la Marne et de La Tène. Desor le dit dans la discussion suivant la présentation de la communication sur les fouilles de la Certosa et Marzabotto :
“M. Desor rappelle aux membres du Congrès qu’ils ont pu remarquer à l’entrée de la galerie du Musée (…) un squelette d’homme robuste, ayant à son côté droit une épée et une lance en fer. La soie de cette épée est longue, contrairement à ce que l’on remarque dans les épées en bronze ; il n’y a pas de croisière, et, comme la lance, le fourreau est en fer. La lance est grande, en forme de feuille de saule effilée, et rappelle les lances que Diodore de Sicile place entre les mains des Gaulois. Ces armes sont les pareilles de celles qu’on trouve à La Tène, au champ de bataille de la Tiefenau, à Alise Sainte Reine, de sorte que si on les avait rencontrées partout ailleurs on ne manquerait pas de dire qu’elles sont gauloises, comme le faisait remarquer M. G. de Mortillet pendant la visite au Musée, et cependant elles sont au milieu d’une sépulture étrusque. La nécropole de Marzabotto n’a-t-elle pas positivement été utilisée pendant l’occupation gauloise60 ?”
La chronologie de l’âge du Fer après Bologne (1872-1874)
Le Congrès de Bologne provoque deux effets importants pour la reconnaissance de l’époque gauloise identifiée par les tombes de la Marne, qui ne pouvaient guère trouver place jusqu’alors dans les chronologies en vigueur :
- La première de ces conséquences est, qu’en reculant la chronologie des ensembles villanoviens au tout début du Ier Millénaire avant notre ère, la datation de la “première époque du fer” – et notamment des tombes de Hallstatt – s’en trouve remontée entre 1000 et 500 a.C., laissant libre l’espace chronologique dans lequel peuvent désormais venir se placer les séries gauloises de Champagne.
- L’autre résultat du Congrès de Bologne est que – même si les chercheurs ne sont pas d’accord entre eux sur l’origine du phénomène : s’agit-il d’influences culturelles ou de mouvements de populations ? – force est de constater qu’il existe bien, à la fois en Italie du nord et en France de l’est, un véritable “horizon gaulois” contemporain de la période étrusque, que l’on peut situer, grossièrement, entre 500 et 300 a.C.
Le système Mortillet (1873)
Un cadre chronologique cohérent pour l’Europe de l’Ouest commence donc à s’esquisser. Il devient dorénavant évident qu’une nouvelle époque gauloise succède bien à la période hallstattienne, identifiant de ce fait une seconde séquence de l’âge du Fer – comme l’établit Mortillet dès après le congrès de Bologne61. Fidèle à sa démarche “palethnologique”, Mortillet raisonne en termes de séquences culturelles (ou “époques”) se succédant à l’intérieur de phases techno-culturelles (ou “périodes”). Ces dernières identifient à leur tour des “âges” (du Bronze, du Fer), qui sont des stades technologiques, lesquels prennent place à l’intérieur de “temps” longs (comme la Préhistoire et la Protohistoire).
Pour Mortillet, le stade technologique de l’âge du Fer ne s’interrompt pas avec la colonisation romaine, mais se prolonge jusqu’au Moyen Âge. Quatre périodes se succèdent donc à l’intérieur de l’âge du Fer, d’après lui (fig. 11) :
- La période des tumulus : elle correspond à la “première époque du Fer” et à l’époque de Hallstatt, au nord des Alpes, et de Villanova, en Italie.
- La période gauloise : elle correspond à “l’époque marnienne” des cimetières de Champagne et à “l’époque helvète” des trouvailles de La Tène.
- La période romaine : elle correspond à “l’époque lugdunienne” du Haut Empire et à “l’époque champdolienne” du Bas Empire romain.
- La période mérovingienne : elle correspond à “l’époque wabénienne”, franque ou burgonde.
On voit bien quels sont les points de désaccord que fait surgir la confrontation de la chronologie “palethnologique” de Mortillet – inspirée de la structure des chronologies géologiques – avec les périodisations obtenues par les archéologues “classiques” à partir des corrélations typologiques observées entre les séries archéologiques. Ces derniers raisonnent en termes de cultures et de civilisations historiques, quand Mortillet entend leur imposer la primauté d’un cadre technologique et environnemental.
Les archéologues, qui utilisent ces méthodes traditionnelles inspirées de celles de l’histoire de l’art, obtiennent d’autre part des découpages chrono-culturels différents – et surtout plus précis – par rapport à ceux des “époques” de la “méthode Mortillet”. Ainsi, après le congrès de Bologne, il devient manifeste que la “période gauloise”, dont la position chronologique vient d’être précisée, est composée d’au moins deux phases successives, dont la première est identifiée en France (avec les tombes de Champagne) et la seconde en Suisse (avec les trouvailles de La Tène). Dans ces conditions, quel intérêt y a-t-il à utiliser le “tableau archéologique” de Mortillet, si d’une part celui-ci ne rend pas compte de ces subdivisions et si, d’autre part, ces différentes séquences ne s’inscrivent pas dans une chronologie universelle – puisqu’on ne les retrouve pas partout ?
Les désillusions du congrès de Stockholm (1874)
L’une des questions dont doit traiter le congrès international d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques qui se tient à Stockholm en août 1874 est la caractérisation de l’âge du Fer en Suède et ses “rapports avec l’âge antérieur”. L’archéologue suédois Hans Hildebrand (1842-1913) y révèle l’immense décalage qui existe entre l’âge du Fer d’Europe continentale et celui que connaissent les chercheurs en Suède, où le premier âge du Fer, de type germanique, est contemporain de la période mérovingienne en France62. Une situation analogue prévaut en Norvège, où ce qui constitue le premier âge du Fer est en partie contemporain de la période romaine et se prolonge jusqu’au VIIe siècle63. Ainsi, dans les pays du nord, comme la Suède, la période préhistorique s’étend-elle “à peu près jusqu’au milieu du XIe siècle64”. Comme le souligne alors Hildebrand, au pays même de l’invention du système des Trois Âges :
“… il ne faut pas s’attendre à rencontrer dans chaque pays un âge de la pierre, du bronze, du fer, parfaitement ou à peu près identique à l’âge scandinave correspondant. Là se trouve précisément une erreur qui a souvent été commise. Nous ne devons pas aller chercher à l’étranger ni essayer d’y établir les trois âges tels qu’ils se sont développés dans le Nord, mais purement et simplement les trois âges en général65”.
Il faut donc cesser d’appeler “premier âge” du fer ce qui relève de contextes culturels et chronologiques si différents, entre l’Europe continentale et les pays scandinaves. C’est pourquoi Hildebrand propose, afin de dissiper tout malentendu, de dénommer dorénavant période de Hallstatt ce qui relève du premier âge du Fer identifié dans les régions alpines et au nord des Alpes. Quant à la seconde séquence de cet âge du Fer continental, il suffira de l’appeler période de La Tène, pour éviter tout amalgame avec le second âge du Fer des pays du nord, où celui-ci est clairement médiéval66.
Adieu donc tout espoir d’une chronologie unifiée de la Protohistoire à l’échelle de l’Europe et de sa périphérie nordique ! C’est un coup dur pour les préhistoriens de la tendance “palethnologique” de Mortillet : il devient évident que les principes de la chronologie préhistorique ne s’appliquent pas aux séries les plus récentes de l’histoire ancienne de l’humanité, lorsqu’elles entrent dans la Protohistoire67. Mais c’est un désaveu également pour les chercheurs de Saint-Germain. Cette nouvelle terminologie, qu’adoptera bientôt la communauté internationale, ne prend pas en compte le rôle pionnier des découvertes françaises des cimetières de la Marne, qui ont permis les premières d’authentifier ce second âge du Fer d’Europe continentale.
Bertrand y voit, quant à lui, la démonstration de la justesse de sa démarche, et de celle de l’archéologie “classique” en général. La recherche d’une chronologie universelle est un idéal chimérique, considère-t-il, dans la mesure où le temps du développement technologique et culturel ne s’écoule pas partout à la même vitesse. D’accord avec son collègue et ami Ludwig Lindenschmitt, Bertrand est convaincu que “cette doctrine absolue de la succession des trois âges, dont on a fait une loi sans exception, est le contraire de la vérité68”. Mais c’est surtout aux principes de la chronologie palethnologique de Mortillet que s’en prend Bertrand, lorsqu’il s’agit de les appliquer aux civilisations de l’Antiquité. Il écrit :
“L’influence prépondérante des géologues dans le mouvement imprimé aux sciences préhistoriques (…) a eu ce résultat fâcheux d’introduire dans l’étude des faits relatifs au développement des sociétés humaines une méthode et des habitudes fort peu applicables à ce terrain mobile où s’agite le libre arbitre à côté de la toute-puissance divine. Il peut y avoir en géologie une loi immuable de la succession des terrains (…) ; il n’existe point de loi semblable applicables aux agglomérations humaines, à la succession des couches de la civilisation. Croire que toutes les races ont nécessairement passé par les mêmes phases de développement et parcouru toute la série des états sociaux que la théorie veut leur imposer serait une très grave erreur69”.
L’adoption de la chronologie de Tischler (1885)
Ce n’est qu’au milieu des années 1880 que la périodisation interne du Second âge du Fer est finalement arrêtée. Le nouveau système chronologique proposé par l’archéologue allemand Otto Tischler (1843-1891) reprend le découpage général mis en place par Hildebrand70. En reconnaissant le second âge du Fer européen sous l’appellation de La Tène, le système de Tischler donne raison à l’intuition précoce de Desor, et lui rend hommage.
En compilant les données archéologiques à l’échelle de l’Europe occidentale, Tischler distingues trois phases successives, qui sont identifiées chacune par des types d’objets particuliers – ou “fossiles directeurs” – dont chacun d’entre eux est attesté dans des régions, ou des sites particuliers (fig. 12) :
- Les trouvailles de la Marne identifient les séries appartenant à la phase ancienne de la période du Second âge du Fer.
- Celles de La Tène caractérisent la phase moyenne.
- Quant à celles enfin des fouilles du Mont-Beuvray, elles définissent la phase finale, ou tardive de cette nouvelle époque de La Tène.
L’adoption de la chronologie de Tischler achève de ruiner la chronologie palethnologique de Mortillet, lorsqu’elle est étendue aux périodes de la Protohistoire. Tischler distingue désormais trois phases dans la période de La Tène, qui peut être assimilée à “la période gauloise” de Mortillet, là où ce dernier n’en distinguait que deux. Mais Mortillet n’en démord pas ; il s’en tient à son système et à sa terminologie, auxquels il finira par ajouter, en 1894, l’époque du “beuvraysien” (son ancienne “époque des monnaies”) pour caractériser la phase récente de sa période gauloise, à la suite des fouilles de Jacques Gabriel Bulliot (1817-1902) au Mont-Beuvray (fig. 13). “Je crois donc que mon Tableau est bien au courant de la science actuelle”, écrira Mortillet71. Au soir de sa vie, Mortillet considère alors avoir achevé son œuvre ; alors qu’en réalité, il a déjà perdu la partie depuis le congrès de Stockholm.
Le temps universel du Manuel d’Archéologie (1914)
C’est sur le système chronologique de Tischler que Déchelette bâtira en 1914 sa chronologie européenne du Second âge du Fer, où les dénominations de La Tène I, II et III se substitueront aux séquences ancienne, moyenne et finale qui avaient été définies par l’archéologue allemand72. Ce faisant, Déchelette introduira une conception nouvelle de la chronologie des temps protohistoriques. En mettant en évidence la présence des mêmes types d’objets d’un bout à l’autre de l’Europe, la chronologie de Déchelette accrédite en effet la notion d’un temps archéologique homogène et unilinéaire, à l’intérieur duquel chaque moment typologique est strictement synchrone des autres dans l’étendue de l’espace couvert par la culture celtique.
En d’autres termes, le temps archéologique de la typologie apparaît s’écouler partout dans l’espace à la même vitesse. C’est une autre forme de temps chronologique universel, fondé sur la stylistique – à laquelle Mortillet ne s’était pas intéressé. La typo-chronologie se distingue désormais comme un outil plus puissant et plus efficace que l’évolution des industries, lorsqu’elle est appliquée à la Protohistoire.
Conclusion : Gabriel de Mortillet
et la construction d’un âge du Fer européen
Il aura fallu à peu près vingt ans, de 1865 à 1885, pour fixer la chronologie générale des âges du Fer en Europe de l’ouest. De manière très paradoxale, Gabriel de Mortillet y joue un rôle pivot, au moment du congrès de Bologne, pour se trouver très vite marginalisé ensuite par le cours des événements. C’est lui en effet qui, dès 1871, établit la synchronicité de la période gauloise “marnienne” et de la civilisation étrusque – revenant sur ses prises de position de 1867. Mais c’est lui également dont la pensée et la méthodologie se trouvent écartées lorsque commencent à se mettre en place les premiers systèmes chronologiques européens de l’âge du Fer, à partir des conclusions du congrès de Stockholm de 1874. Comme un Bertrand triomphant l’a noté, Stockholm sonnait le glas de “l’influence prépondérante des géologues dans le mouvement imprimé aux sciences préhistoriques” – en d’autres termes la fin de l’hégémonie de Mortillet, dont allaient s’affranchir désormais les chronologies protohistoriques.
On oublie souvent, cependant, que Mortillet est aussi un homme de musée, accaparé pendant 17 ans par l’enregistrement et le classement des collections archéologiques qui entrent alors en masse au musée de Saint-Germain. Ce travail souterrain, qui ne transparaît pas directement dans ses publications, a été fondamental, dans la mesure où il a confronté Mortillet à ses propres contradictions, en lui montrant la réalité matérielle de cette “époque gauloise” contemporaine de la période étrusque qu’il n’avait pas envisagée jusqu’alors. C’est ici où le musée des Antiquités nationales a occupé une place centrale dans ce dispositif scientifique, auquel Mortillet était loin d’être étranger.
Aussi, et contrairement à ce que l’histoire de l’archéologie de l’âge du Fer en a retenu, les trouvailles françaises réunies au musée de Saint-Germain ont joué un rôle décisif dans l’identification du Second âge du Fer européen. Elles en ont été, en quelque sorte, la pierre de fondation. Il est frappant d’observer en effet comment la construction de la connaissance archéologique s’est développée selon un processus de feedbacks successifs – chaque nouvelle découverte venant permettre de réévaluer les précédentes (fig. 14). Tout au long de la décade qui va, en gros, de 1865 à 1875, les trouvailles d’Alésia, puis de la Marne, se trouvent au centre de la mise en relation des découvertes et leur attribution chronologique par cross-dating73.
Ce sont en effet les éléments d’armement d’Alise qui permettent d’authentifier, à partir de 1864, les découvertes de La Tène, inidentifiables autrement. Ce sont ensuite les fouilles de Saint-Étienne-au-Temple qui confirment, à partir de 1865, l’origine gauloise des mobiliers d’Alise et de La Tène et qui, surtout, permettent de réévaluer la trouvaille ancienne de Mondragon. Mais c’est avant tout la révélation du mobilier celtique des nécropoles de Marzabotto, au congrès de Bologne de 1871, qui donne à Gabriel de Mortillet l’opportunité de reconsidérer la position chronologique respective des ensembles d’Alise et des cimetières celtiques de Champagne. Enfin, ce sont les fouilles du Mont-Beuvray qui, à partir du milieu des années 1870, permettent de réévaluer la position typo-chronologique des trouvailles d’Alésia.
Dans ce mouvement général, qui prend forme à l’échelle de trois à quatre décennies, on remarque surtout que l’apparition relativement tardive des premières grandes synthèses chronologiques de Tischler (1885), puis de Déchelette (1914), dépend de la constitution d’une “masse critique” de données, qui soient suffisamment nombreuses et homogènes pour permettre l’élaboration de systèmes à la fois solides et relativement généraux. Dans l’ensemble, ce stade n’est atteint que dans les années 1880, au moment où Mortillet s’éloigne de l’archéologie pour s’engager en politique74.
La perception du temps archéologique de ces périodes s’en trouve alors profondément changée : avec Déchelette, on ne raisonne plus désormais sur des pièces isolées, mais des séries ; surtout, on n’appréhende plus la chronologie des âges du Fer comme résultant d’un agglomérat de cas particuliers – Alise, La Tène, ou les tombes de la Marne, comme le concevait encore Tischler – mais comme l’expression d’un “temps archéologique universel”, commun à l’ensemble de l’Europe “celtique”. C’est le temps des “cultures” qui s’impose désormais, enterrant définitivement l’évolutionnisme linéaire des “époques” et des “périodes” de la Préhistoire.
Plus précisément, la chronologie “palethnologique” de Mortillet se trouve alors dépassée par la typo-chronologie et, avec elle, une certaine vision de l’archéologie, comme fille de la géologie75. Pour Mortillet, la palethnologie était la discipline de la Préhistoire et de la Protohistoire, qui s’arrêtait au seuil de l’Histoire, au moment de la conquête romaine76. Les vingt ans qui ont marqué la constitution de l’archéologie européenne de l’âge du Fer lui auront montré que cette prérogative lui était désormais contestée dans le champ de la Protohistoire, où d’autres mécanismes, que n’avait pas su anticiper Mortillet, entraient en jeu dans les transformations culturelles des sociétés du passé. Car les années 1870 mettent en crise la notion de progrès, dont Mortillet avait voulu faire une “loi de l’humanité77”, en montrant que le temps des productions matérielles humaines est hétérogène et irrégulier78. Là se trouve sans doute une des raisons principales de l’éloignement de Mortillet de l’archéologie, bien qu’il ait cherché jusqu’au bout à inclure ces particularismes du temps des “cultures” archéologiques dans un temps plus global de l’évolution des sociétés pré- et protohistoriques – un temps anthropologique en somme.
Bibliographie
Archives
- Beaune, P. (1864) : “Antiquités gallo-romains et mérovingiennes. Camp d’Attila, canton de Suippes, renseignemens (sic) du Dr. Remy. Marne”, note manuscrite in : Collections du musée de Saint-Germain, p. 40, n° 85, Saint-Germain-en-Laye, archives du musée d’Archéologie nationale.
- Verchère de Reffye, J.-B. (1865) : Comptes rendus des séances de la commission consultative pour l’organisation du musée de Saint-Germain, Saint-Germain-en-Laye, archives du musée d’Archéologie nationale.
- Rossignol, C. (1861) : Découverte d’armes gauloises et romaines réunies, faite dans la plaine des Laumes, sous les murs d’Alise (Côte-d’Or), Texte manuscrit (19 p.), Saint-Germain-en-Laye, archives du musée d’Archéologie nationale.
Publications
- Barral, P. (2018) : “Étude du mobilier de tombe découvert dans les fouilles du 1844. La vaisselle céramique”, in : Cavalier, O. dir. : Le guerrier de Mondragon. Recherches sur une sculpture celtique de la fin de l’âge du Fer, Avignon, 172-177.
- Bertrand, A. (1861) : “Les tombelles d’Auvenay (Côte-d’Or)”, Revue Archéologique, IV, 1-11.
- Bertrand, A. (1867) : “Le guerrier gaulois du musée Calvet, à Avignon”, Revue Archéologique, 16, 69-72.
- Bertrand, A. (1876) : “L’archéologie préhistorique au congrès de Stockholm en 1874. Rapport sur les questions discutées”, in : Archéologie celtique et gauloise. Mémoires et documents relatifs aux premiers temps de notre histoire nationale, Paris.
- Bonstetten, G. de (1852) : “Notice sur des armes et chariots de guerre découverts à Tiefenau, près de Berne, en 1851”, Lausanne.
- Cavalier, O. (2018) : “‘Rêves d’or’. La genèse de la collection d’antiquités du Musée Calvet”, in : Cavalier, O. dir. : Le guerrier de Mondragon. Recherches sur une sculpture celtique de la fin de l’âge du Fer.
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Notes
- Richard 1999.
- Thierry 1828.
- Viollet-le-Duc 1862, 226.
- Lindenschmit 1852.
- Hucher 1862 ; Saulcy 1866.
- Schlanger 2011.
- Schönfelder 2018.
- Barral 2018.
- Cavalier 2018, 57.
- Bonstetten 1852.
- Polybe, Histoire générale, II, 32 ; III, 115 ; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 30.
- Jahn 1854, 140.
- Keller 1858, 151.
- Gräslund 1987.
- Kaeser 2004.
- Desor 1860.
- Rafowicz 2017.
- Bertrand 1861.
- Saulcy 1860, 337.
- Bertrand 1861, 4.
- Bertrand 1861, 8.
- Olivier & Triboulot 2000.
- Rossignol 1861.
- Olivier et al. 2017.
- Olivier 2009.
- Olivier & Reddé 2014.
- La première épée en fer, découverte en 1861, est spontanément attribuée à une production romaine ([Notice anonyme sur les fouilles d’Alise], Revue archéologique, 1861-1862, 141-142).
- Reffye 1864.
- Reffye est notamment l’inventeur d’un nouveau type de mitrailleuse, qui sera utilisé durant la Guerre de 1870. Ce “canon à balles” modèle 1866 (ou mitrailleuse Reffye) est équipé de 25 canons à munitions de calibre 13 mm ; Chew 2008.
- Olivier 2019a.
- Reffye 1864, 349.
- Olivier 2019b.
- Beaune 1864, 40, n° 85.
- Reffye 1865.
- Bertrand 1867, 70 et pl. XIII.
- Olivier 2010 ; id., 2018.
- Mortillet 1867a, 68.
- Mortillet 1867a, 75.
- Mortillet 1865-1866, 437-43.
- Mortillet 1867a, 102.
- Rhoné 1867.
- Rhoné 1867, 130.
- Rhoné 1867, 130.
- Mortillet 1867b, 381.
- Il s’agit des terramares de l’Émilie, où la “première époque du fer”, indique Mortillet, apparaît contemporaine des nécropoles italiennes de Villanova et Golasecca, ainsi que de celle de Hallstatt ; la période suivante étant attestée à Marzabotto, où elle appartient à “l’époque étrusque” (Mortillet 1865, 29).
- Mortillet 1867b, 381.
- Mortillet 1867b, 381.
- Mortillet 1867b, 381.
- Chantre 1898, 169-170.
- Mortillet 1883, 33.
- Mortillet 1865-1866.
- Mortillet 1869, 181.
- Mortillet 1869, 181-182.
- Gozzadini, 1870.
- Mortillet 1870-1871.
- Mortillet 1870-1871, pl. XIII.
- Mortillet 1870-1871, 290.
- Montelius 1869.
- Conestabile 1873, 276.
- Desor 1873, 278.
- Mortillet 1876.
- Hildebrand 1876a, 598.
- Lorange 1876.
- Hildebrand 1876b, 934.
- Souligné par l’auteur. Hildebrand 1876a, 593-594.
- Hildebrand 1876a, 599.
- C’est aux alentours de ce tournant du milieu des années 1870 que Mortillet réoriente son activité intellectuelle vers l’anthropologie, dès l’inauguration de l’École d’Anthropologie de Paris en 1875 (Kaeser 2007, 472, n. 4).
- Bertrand 1874, 45.
- Bertrand 1874, 45-46.
- Tischler 1885.
- Mortillet 1894, 621.
- Déchelette 1914.
- Olivier 2019c.
- Richard 1989.
- “Il ne faut pas oublier, écrivait Mortillet encore en 1883, que la palethnologie découle directement de la géologie” (Mortillet 1883, 33).
- Mortillet 1897, 273.
- Mortillet 1867a, 368 ; id., 1875.
- Kaeser 2007, 472.